Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la france

Réunion du mercredi 10 avril 2024 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à quinze heures cinq.

La commission procède à l'audition de M. Philippe Bizien, président d'Inaporc (Interprofession nationale porcine).

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Nous continuons nos auditions des filières en recevant le président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc), M. Philippe Bizien .

Le taux d'auto-approvisionnement de la France en viande porcine est, selon le rapport de FranceAgriMer, légèrement supérieur à 100 %. Néanmoins la filière est exposée aux problèmes qui touchent l'agriculture française en général : les coûts, les normes, l'âge des exploitants et les enjeux environnementaux. Il nous intéresse de vous entendre sur tous ces sujets.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête, de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Philippe Bizien prête serment.)

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Éleveur de porcs dans le Finistère et nouveau président d'Inaporc depuis septembre dernier, je suis également directeur d'Evel'up, deuxième coopérative française, réunissant plus de 600 éleveurs.

Interprofession longue, Inaporc représente toute la chaîne, de l'alimentation animale jusqu'à la distribution. Elle fêtera bientôt ses vingt et un ans. La présidence alterne entre l'amont et l'aval : un abatteur présidait l'interprofession avant moi.

La viande de porc est la première consommée dans le monde ; elle l'est aussi en France, à raison de 32 kilogrammes par an et par habitant. Elle a pour particularité d'être consommée sous forme de charcuterie pour les trois quarts de la production, ce qui implique une activité de transformation en aval – nos 450 recettes constituent d'ailleurs un patrimoine gastronomique exceptionnel, même d'autres pays où l'on en mange beaucoup n'en comptent pas autant. Autre particularité, tout est bon dans le cochon, mais tous les morceaux ne sont pas appréciés de la même façon dans le monde, ce qui rend les échanges commerciaux nécessaires. Quelque 25 % du poids de la carcasse sont exportés en Europe ou ailleurs, notamment en Asie, où l'on est assez friand de morceaux que nous mangeons peu ici, tels les pieds de cochon, les oreilles ou d'autres abats. Ainsi valorisés, ces morceaux nous permettent d'équilibrer notre filière et de vendre les autres à un prix attractif.

L'année dernière, notre taux d'autosuffisance se situait à 102 %, contre un peu plus de 105 % les années précédentes. En tendance, la production diminue plus vite que la consommation : la seconde baisse à peu près d'un point par an, quand la première a perdu près de 10 % en trois ans – ce qui est énorme.

De taille assez modeste pour l'Union européenne, nos élevages comptent en moyenne 250 truies qui mobilisent le travail de deux personnes, contre 600 voire 700 truies au Danemark et jusqu'à 2 000 truies pour les élevages les plus récemment installés en Espagne. Le modèle diffère complètement de celui des élevages français, dont même les plus gros reposent encore sur des capitaux familiaux.

L'interprofession représente tous les maillons, la consommation particulière de cette viande supposant une filière forte pour que tous puissent travailler. La baisse de 10 % de la production a entraîné dernièrement des fermetures d'abattoirs, en particulier du groupe Bigard. Les entreprises de salaison connaissent également des difficultés : vingt-sept d'entre elles, généralement petites, se sont retrouvées en défaillance. Avec la baisse continue des volumes de production, ces difficultés s'aggravent : alors que, l'année dernière, les défaillances étaient surtout le fait de petites entreprises au chiffre d'affaires situé entre 5 et 10 millions d'euros, celles de l'année en cours concernent des structures un peu plus grosses, réalisant entre 10 et 30 millions d'euros de chiffre d'affaires. La filière se fragilise.

Quand j'ai pris la présidence, on m'a fixé pour objectif d'arrêter cette hémorragie de la production, dont toute la filière pâtit. Notre analyse du problème est que, faute d'investissements, les élevages vieillissent, perdent en compétitivité et finissent par fermer au lieu d'être transmis, ce qui explique la perte de 10 % de production en trois ans. Nous arrivons à un tournant : sans un électrochoc pour redonner des perspectives à la production – 40 % des cochons sont détenus par des éleveurs de plus de cinquante-cinq ans –, le sort de la filière volaille nous guette, les importations européennes puis extra-européennes risquant de se substituer à une production nationale déclinante. Nous n'en sommes pas encore là mais, alors que nous pensions avoir été entendus du Gouvernement, une partie de nos propositions, déjà anciennes, ayant paru trouver un écho dans le plan pour l'élevage, la traduction qui en est donnée dans les textes n'est pas à la hauteur des enjeux et la production risque de continuer à diminuer.

Pourquoi les éleveurs n'investissent pas ? Le problème n'est pas tant financier : la production porcine connaît des hauts et des bas, mais même la conjoncture actuelle, plutôt favorable, ne débouche pas sur des investissements. Ce qui freine les éleveurs, c'est d'abord le poids des démarches pour obtenir les autorisations administratives : plus strictes que celles de l'Union européenne, en particulier en matière d'installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE), les normes auxquelles nous sommes soumis pénalisent nos élevages – qui restent de petites, voire de très petites entreprises. À cela s'ajoute l'opposition locale à laquelle se frotte tout projet, agricole ou non. Les éleveurs ne veulent plus faire bouger leur élevage et l'adapter aux enjeux de demain s'ils doivent pour cela en passer par l'enquête publique. Sur le temps long, l'amortissement de bâtiments comme les nôtres prenant une quinzaine d'années, la production s'est érodée et, depuis trois ans, elle commence à s'écrouler, avec toutes les conséquences que l'on sait.

Nous préconisons deux choses. Premièrement, une simplification administrative forte pour pouvoir rénover, structurer et agrandir nos élevages. Nous ne demandons évidemment pas d'assouplir les normes environnementales elles-mêmes : c'est la lourdeur administrative qui les entoure qu'il faudrait supprimer. Deuxièmement, la sécurisation des autorisations : délivrées au terme d'un long parcours semé d'obstacles, la plupart de celles de mon département finissent au tribunal administratif et ne seront jamais mises en œuvre tant cela prend de temps.

Cela est d'autant plus regrettable que notre interprofession élabore un plan de responsabilité sociale des organisations (RSO). De l'élevage à la charcuterie en passant par les abattoirs, tous les maillons de notre filière sont prêts à prendre des engagements assez forts, tant en matière de bien-être animal que d'environnement ou d'alimentation animale, par exemple à propos du soja – les ONG rencontrées ont salué notre plan. Or celui-ci ne pourra être déployé que si nous sommes à même d'investir dans nos élevages. Faute de quoi, notre souveraineté en cochon – dont j'aurais dû commencer par vous dire qu'elle est la seule qui reste encore en France en matière de viande – sera compromise.

Il y a des choses assez simples à faire pour redonner aux éleveurs la confiance nécessaire pour investir. Nous sommes des entreprises comme les autres, avec cette particularité de travailler sur du vivant : chaque fois que nous investissons, le bien-être animal, l'environnement et l'attractivité du métier y gagnent, et nous améliorons notre compétitivité globale, qui est notre principal enjeu. Notre filière évoluant sur le temps long, j'ai peur, au vu de la pyramide des âges, qu'elle ne s'écroule si des décisions ne sont pas prises très rapidement.

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Les chiffres que vous nous avez donnés ne correspondent pas tout à fait à ceux du rapport 2023 de FranceAgriMer, lequel retrace, entre les périodes 2009-2011 et 2019-2021, une très légère hausse tant de la production que de la consommation de viande porcine.

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Peut-être cela tient-il aux périodes considérées. En 2023, la production a baissé de 4,7 % par rapport à 2022, en nombre de porcs – en volumes de viande, les chiffres changent un peu. La baisse de 9 % et quelques concerne les trois dernières années, avant lesquelles nous avions une production plus ou moins stable.

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Et qu'en est-il de la consommation des trois dernières années ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Je n'ai pas les chiffres en tête. Elle avait augmenté l'an dernier, par un effet pouvoir d'achat, la viande de porc étant accessible. Sur une dizaine d'années, la consommation tend à baisser de 1 % par an. Je vous transmettrai les chiffres ultérieurement.

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D'après les fiches de FranceAgriMer, nos importations de porc proviennent principalement de trois États, frontaliers : l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie. Pourquoi ? S'agit-il de productions que nous n'avons pas ? Est-ce une question de goûts, de tendances ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

L'Italie est aussi le premier pays européen vers lequel nous exportons : cela dépend des pièces, plus ou moins consommées d'un pays à l'autre. L'essentiel des transactions concerne le jambon, que nous surconsommons par rapport à notre production : arrivant principalement d'Espagne, la viande est transformée chez les grands salaisonniers, comme Herta, Fleury-Michon, etc.

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N'y a-t-il pas aussi un problème de tendance ? Dans les rayons des grandes surfaces, on voit une mode de la charcuterie italienne. Est-elle produite là-bas et importée ou bien seulement transformée en France, seule la recette étant italienne ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

On croirait que vous avez assisté à notre réunion de bureau de ce matin : nous en parlions avec les salaisonniers. Il y a bien de l'importation de charcuterie, la mortadelle constituant un exemple typique, mais il arrive aussi que la viande française revienne sur le marché français après avoir été transformée à l'étranger pour des raisons de compétitivité, notamment de la main-d'œuvre. Certaines enseignes de la grande distribution peuvent très bien vendre de la viande française qui a été transformée dans d'autres pays. Significatives, les quantités concernées tendent à augmenter sans pour autant devenir massives.

Pour en revenir au jambon, il s'agit d'une pièce qu'il faut désosser, essentiellement à la main car l'opération est difficile à automatiser, de sorte que des jambons désossés en Espagne arrivent sur notre marché à un prix bien plus compétitif que ceux désossés en France, ce qui s'ajoute au fait que nous n'en produisons pas assez.

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Vous avez parlé des lourdeurs administratives, notamment dues aux surtranspositions, et cité les ICPE. Auriez-vous d'autres exemples ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Le problème que nous posent les ICPE tient essentiellement au seuil à partir duquel une enquête publique devient obligatoire : il est fixé à 750 truies ou à 2 000 places d'engraissement, ce qui correspond à un élevage de 200 truies, alors qu'un élevage moyen compte plutôt 250 truies. Surmontables jusqu'à 2 000 places, les contraintes administratives deviennent excessivement lourdes au-dessus, notamment à cause de l'enquête publique requise qui fait peur aux éleveurs. Nous demandons simplement à revenir au seuil européen, fixé à 3 000 places : le dossier à produire et les exigences environnementales vis-à-vis de l'éleveur changeraient peu, mais le parcours administratif serait très différent.

En tant qu'agriculteurs, nous sommes souvent embarqués dans des lois industrielles dont les exigences excèdent nos moyens humains. La loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte porte ainsi la durée de l'enquête publique d'un à trois mois et impose d'organiser deux réunions publiques, l'une avant, l'autre après l'enquête. Or chaque fois qu'a lieu une telle réunion, c'est le feu, l'idéologie prenant souvent le pas sur la technique : on oppose les gens et les éleveurs le vivent mal. Demain, nous parlerons essentiellement de ces questions au ministère : revenir au seuil européen est vital pour notre filière, qui est en danger alors même que les cours du porc sont plutôt favorables et que les éleveurs gagnent bien leur vie. Mais ils n'investissent pas. Or, sans investissement, un élevage finit par disparaître en quelques années. Pour pérenniser l'activité et répondre aux attentes de la société – en matière d'environnement, de bien-être animal et de décarbonation –, il faut nous permettre d'investir.

Nous avons fait une liste d'une quinzaine de propositions de simplification et de sécurisation, que je vous ferai suivre à l'issue de l'audition.

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De quoi l'alimentation des animaux est-elle composée et quelle en est l'origine ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

La composition dépend de l'endroit où se trouve l'élevage en France : une partie, dite du commerce, est produite par des professionnels de l'alimentation, une autre directement dans l'exploitation. L'alimentation d'un porc consiste essentiellement en céréales – blé, orge, et davantage de maïs dans le Sud-Ouest –, des tourteaux de soja, de tournesol et de colza assurant l'apport en protéines. S'y ajoutent ce que nous appelons des coproduits agroalimentaires : le cochon permet ainsi de valoriser les restes d'oléagineux, une fois l'huile extraite.

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Les tourteaux de colza et de soja sont donc des produits d'importation ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Les tourteaux de soja sont pour l'essentiel importés d'Amérique du Sud, le soja cultivé en France étant surtout destiné à l'alimentation humaine. Les tourteaux de colza viennent assez souvent de France ; ceux de tournesol parfois aussi, beaucoup venant des pays de l'Est, notamment d'Ukraine. D'une façon générale, l'alimentation animale utilise des céréales non panifiables ou déclassées de l'alimentation humaine.

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Le reste de la production européenne se porte mieux que la production française : le rapport de FranceAgriMer indique un taux de 124 % d'autoapprovisionnement. Certains pays produisent encore plus que la France – j'imagine qu'il s'agit de l'Espagne, de l'Italie et de l'Allemagne ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

De mémoire, avec 170 % d'autosuffisance, l'Espagne est bien le premier producteur, devant l'Allemagne, dont la production, initialement très élevée, a fortement baissé à cause de la fièvre porcine africaine et de l'impossibilité d'exporter en Chine – elle reste tout de même à 130 % ou 140 %, avec l'objectif de revenir au niveau précédent. Un pays comme le Danemark doit être encore au-dessus, à plus de 500 %. Les Danois produisent plus de porcelets que nous, mais quand même moins de porcs. Les systèmes de ces pays diffèrent du nôtre : en Espagne, en particulier, les industriels de l'alimentation animale ont supplanté les paysans et investi pour intégrer toute la filière, de la porcherie à l'abattoir.

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D'après Eurostat, le cheptel porcin français comptait près de 14,5 millions de têtes en 2009, contre un peu plus de 12 millions en 2023. Comment se fait-il que la production de viande porcine soit, quant à elle, restée constante ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

J'ai deux explications. Premièrement, la productivité des truies a augmenté : une truie produisait vingt et un ou vingt-deux porcs en 2009 contre vingt-huit aujourd'hui. Deuxièmement, j'ai parlé d'animaux présents, mais nous raisonnons plutôt en animaux produits : leur croissance étant plus rapide, ils sont vendus un peu plus jeunes, de sorte que pour un même nombre d'animaux présents, vous arrivez à plus d'animaux produits. Voilà les deux leviers qui me viennent à l'esprit.

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Vous avez dit que nous exportions les produits qui ne sont pas adaptés à la consommation française. Quelle part représentent-ils dans le total de nos exportations ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

De mémoire, ils représentent 6 % de nos exportations vers la Chine si l'on prend en compte les coproduits, et 3 % si l'on ne prend que la viande. Globalement, nous exportons à peu près 25 % de notre cochon.

En France, on consomme peu d'abats et on ne consomme que très peu la tête, les pieds, la queue du cochon : tout cela part en Asie. On a du mal aussi à consommer tout ce qui est poitrine grasse. Il y a des habitudes de consommation différentes selon les pays. En Allemagne, on mange beaucoup de saucisses et pas mal de choses passent là-dedans. Le cochon, c'est comme un puzzle : il y a beaucoup de pièces différentes. Toutes peuvent être valorisées, mais pas forcément au même endroit dans le monde. Pour prendre un exemple, il y a vingt ans, personne ne mangeait de ribs en France : presque tout partait à l'équarrissage, on ne savait pas quoi en faire. Or c'était la pièce la mieux vendue aux États-Unis. Depuis, on a fait tout un travail et, désormais, on consomme aussi des ribs en France.

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Pour connaître notre taux d'autoapprovisionnement réel, il faut retrancher des 102 % ou 103 % la part des sous-produits non adaptés à notre consommation que nous exportons. Sur la période 2019-2021, nos exportations de produits porcins ont représenté 637 000 tonnes en moyenne par an. Savez-vous ce que ces sous-produits représentent sur ce total ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Non, je ne peux pas vous répondre. Mon vice-président, qui travaille en abattoir et qui connaît bien ces questions, pourrait le faire. Je vous adresserai ces chiffres par écrit, car nous les avons.

Si nous voulions produire tout ce que nous consommons en France, il faudrait effectivement un taux d'autosuffisance de 125 % – et je ne sais même pas si cela suffirait pour le jambon. Il faudrait donc augmenter notre production. Or, pour l'instant, nous essayons déjà de limiter la baisse. Il est très probable que nous passions cette année en dessous des 100 % d'autosuffisance, et je pense que nous communiquerons là-dessus.

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Votre réponse est très intéressante : ce que vous nous dites, c'est que même si nous avons un taux d'autosuffisance de 102 % ou 103 %, en réalité, nous ne sommes plus souverains dans la filière porcine.

Vous dites qu'il n'y a pas de problème de rémunération, mais j'ai retrouvé un article relatif aux éleveurs de Vendée, datant de novembre 2023, qui n'était pas aussi optimiste que vous, indiquant que, depuis le mois d'octobre, les prix étaient en train de chuter. Par ailleurs, la Fédération nationale porcine a fait plusieurs déclarations sur la tendance de la grande distribution à axer ses approvisionnements sur les importations. Avez-vous des précisions à apporter à ce sujet ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Ce que vous dites à propos des importations, nous l'avons entendu toute l'année mais, en réalité, le niveau des importations est resté assez stable l'année dernière. Il est vrai que le cours du porc a frôlé le point d'équilibre des éleveurs cet automne, mais l'année précédente avait été très bonne et le cours a remonté depuis, ce qui est plutôt bon signe. Les autres années, le cours passait souvent en dessous du point d'équilibre durant l'hiver, avant de remonter : il y a aussi un cycle annuel, lié à la consommation.

Je pense que la plus mauvaise année pour l'élevage de porc a été celle où il y a eu un plan d'aide – ce devait être en 2021. La production a baissé parce que les élevages ne se sont pas transmis, parce qu'ils ne rapportaient pas d'argent. On a eu vraiment peur : c'était au début de la guerre en Ukraine, quand le prix des matières premières a flambé. Je ne l'ai pas encore dit, mais l'alimentation représente 70 % de notre coût de production. Nous sommes donc très dépendants du prix des céréales et du soja. Les deux dernières années ont été assez bonnes et celle qui commence s'annonce plutôt bien, non pas du fait d'une très bonne valorisation de notre production auprès de la grande distribution, mais parce que la baisse de 10 % de la production sur trois ans a créé un manque auprès de l'industrie. Et cette baisse a touché toute l'Europe.

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Ce qui conditionne la rémunération, c'est moins le prix au kilogramme que la marge dégagée par les producteurs : alors que le prix de certaines productions agricoles a augmenté du fait de la guerre en Ukraine, les marges des producteurs se sont tout de même dégradées parce que leurs coûts de production ont beaucoup augmenté. À vous entendre, le niveau actuel des rémunérations, que vous jugez satisfaisant, est surtout lié à des éléments conjoncturels – baisse de la production, tension sur le marché – et rien n'est de nature à nous rassurer et à nous garantir que les rémunérations resteront stables à moyen terme.

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Non, car on ne sait pas de quoi demain sera fait. Je l'ai dit, le prix des céréales est notre principal coût de production. Or il a varié de manière phénoménale entre le début de la guerre en Ukraine et aujourd'hui. Nos coûts de production ne sont donc plus les mêmes non plus. Nous dépendons du commerce mondial, mais aussi de la situation sanitaire. J'ai évoqué la fièvre porcine africaine, qui frappe l'Allemagne mais aussi l'Italie. Si le territoire français est touché, nous serons sûrement pendant quelques mois, voire quelques années, privés du marché chinois, qui nous permet de valoriser tous les coproduits dont nous ne savons pas quoi faire. Il suffit d'un événement comme celui-là pour que tout soit déstabilisé.

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Quel regard portez-vous sur les lois pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) et sur leur application ? Avez-vous produit des indicateurs au sein de votre interprofession ? Est-ce que cela a été facile à faire ? Ces indicateurs sont-ils respectés par les acteurs de l'industrie et de la grande distribution ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

La mise en œuvre des lois Egalim a été assez compliquée. Aujourd'hui, les prix de vente sont largement supérieurs aux coûts de production, donc cette question est moins cruciale, mais il faudrait interroger ceux qui s'occupent de négocier avec la grande distribution. Désormais, on estime que, dans les box, il vaut mieux être accompagné d'un juriste que d'un négociateur.

Nous avons sorti des indicateurs, nous sommes entrés dans le processus, et cela fonctionne plus ou moins. Il faut dire que depuis que ce dispositif est entré en vigueur, les cours du porc ont globalement été favorables.

Le souci, c'est que nous sommes dépendants de l'export et de l'import – puisque nous importons des jambons. Notre prix ne peut donc pas être déconnecté des autres places, en particulier européennes. Si nous garantissons un prix un peu plus élevé, il risque d'y avoir de l'import car, dans un contrat Egalim, rien n'empêche celui qui est en face d'importer.

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La Fédération nationale porcine a estimé que notre taux d'autosuffisance pourrait descendre à 71 % en 2030. Faites-vous les mêmes projections ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Je ne suis pas Madame Soleil, mais si rien n'est fait pour simplifier les démarches administratives, je pense que nous pouvons effectivement suivre cette trajectoire. Le gros risque, c'est que l'on ne produise plus que le haut de gamme et que l'on ne nourrisse plus les Français. Or nous, nous sommes plutôt pour une agriculture et un élevage nourriciers. Nous estimons que la filière porcine française doit être capable de fournir tous les types de consommation des Français : le filet mignon du dimanche, que l'on va manger en famille, mais aussi le lardon que l'on va manger en vitesse avec nos pâtes. Être capables de fournir tout ce que les Français consomment a toujours été notre ambition. Dans le secteur de la volaille, on parle de la « volaille du quotidien » : c'est un peu la même chose pour nous. Nous devons pouvoir fournir à la fois du jambon de porc basque élevé dans les montagnes, qui a une qualité gustative supérieure mais qui coûte cher et que l'on ne va pas manger tous les jours, et le jambon qu'une famille de Français mange tous les jours. Notre ambition est d'être présents sur tous ces créneaux. C'est cela, la souveraineté.

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Vous êtes en train de nous expliquer que la stratégie de montée en gamme, et même de spécialisation dans le haut de gamme, que le Président de la République avait exposée dans son discours de Rungis, n'est pas tout à fait cohérente avec la volonté de souveraineté alimentaire. Dans le même ordre d'idées, pouvez-vous nous dire un mot de l'état du bio dans la filière porcine ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Lorsque nous avons établi notre plan de filière il y a quelques années, à Inaporc, nous avons reçu quelques injonctions politiques, en particulier sur le bio : on nous a dit qu'il en fallait 25 %. Il y a des productions où c'est plus simple ; pour le cochon, cela multiplie le coût de production par trois. L'autre souci, c'est l'équilibre carcasse : même en Chine, on ne peut pas vendre des pieds bio au prix du bio ; on les vend au prix du porc conventionnel. Le surcoût de production qu'implique le bio n'est donc supporté que par quelques pièces du cochon ; il est difficile de le valoriser complètement.

On nous avait donc demandé 25 % de bio ; dans le plan de filière, parce qu'on nous a un peu tordu le bras, on a inscrit un objectif de 10 % – à l'époque, on était à 0,6 %. Finalement, avant la crise ukrainienne et, plus globalement, la crise du pouvoir d'achat, nous étions montés à 1,5 %. Aujourd'hui, tous les éleveurs bio de porcs sont en difficulté, à part les quelques-uns qui ont réussi à avoir des contrats solides. J'ai dans ma coopérative des jeunes à qui on a dit, lorsqu'ils se sont installés, qu'il fallait faire du bio. Ils ont monté des élevages tout neufs, très modernes, et ils sont aujourd'hui en difficulté.

La leçon à retenir, c'est qu'il ne faut pas violer le marché : le consommateur n'achète que ce qu'il veut ou ce qu'il peut. Il faut suivre le marché ; on peut influer un peu sur lui, mais on ne peut pas le changer du tout au tout. La montée en gamme, pourquoi pas ? Mais il faut que le consommateur soit prêt à la payer. Nous, nous produisons ce que le consommateur veut bien nous acheter. Il faut quinze ans pour amortir nos bâtiments. Or les bâtiments d'un élevage bio sont très spécifiques et coûtent très cher, d'où les difficultés des éleveurs qui se sont lancés là-dedans. Oui à la montée en gamme, à condition qu'il y ait un marché en face ; sinon, on se fait nettoyer par nos concurrents. Nous évoluons dans un monde économique qui est difficile.

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En quoi une porcherie bio diffère-t-elle d'une porcherie conventionnelle ? Comment ceux qui se sont lancés dans le bio peuvent-ils revenir à un élevage conventionnel, plus rémunérateur ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Les bâtiments bio ont une surface couverte beaucoup plus importante et la conduite d'un élevage bio nécessite beaucoup plus de main-d'œuvre. Un élevage de cent cinquante truies, par exemple, nécessite une personne en élevage conventionnel et trois en bio. Même si les bâtiments des éleveurs bio sont souvent neufs, ce sont globalement des élevages où moins de tâches sont automatisées. Structurellement, certaines choses n'y sont pas adaptées à la conduite d'un élevage classique. La seule possibilité, pour ces éleveurs, c'est de trouver des portes de sortie en obtenant des labels particuliers. Grosso modo, ils élèvent les cochons de la même façon, sauf qu'ils ne leur donnent plus une alimentation bio. Comme dans l'élevage conventionnel, l'alimentation représente 70 % des coûts de production et elle coûte cher. Le bio ne représentant que 1,5 % de la filière porcine, les éleveurs concernés ne sont pas très nombreux, mais leur situation est dramatique. Et ce que je dis à propos du porc vaut pour beaucoup d'autres productions.

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Vous avez évoqué les lourdeurs administratives. Pouvez-vous nous dire pourquoi il est si difficile de monter un dossier ICPE ? Pourquoi est-ce si long ? Est-ce parce que les services de l'État ont des difficultés à instruire les dossiers ? Ou bien est-ce dû à des durées légales incompressibles ?

Avez-vous, au sein de l'interprofession, fait la liste de toutes les surtranspositions ou surréglementations qui s'imposent à l'élevage français ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Monter un dossier ICPE dans l'élevage, c'est grosso modo la même chose que dans l'industrie. Il faut constituer un dossier très redondant et remplir des formulaires Cerfa. Quand on essaie de les remplir soigneusement, on nous dit parfois qu'ils sont illisibles, mais si on ne les remplit pas bien, cela peut nous être reproché devant le tribunal administratif. C'est un imbroglio fou !

Le dossier à remplir est très volumineux. Une fois qu'on l'a monté, il faut le déposer à l'administration, qui doit ensuite donner un avis de recevabilité : le délai de réponse peut être assez long. Pour vous donner un ordre d'idée, entre le moment où un éleveur décide d'un projet et celui où son dossier est jugé recevable, deux ans peuvent s'écouler – si tout se passe bien. Vient ensuite le temps de l'enquête publique, qui nécessite d'être costaud psychologiquement. Je l'ai vécu et je sais ce que c'est : on se retrouve tous les jours dans les journaux, il peut arriver que nos enfants, à l'école, se fassent harceler. Or les agriculteurs sont souvent seuls pour supporter cela – même si leur coopérative peut les accompagner.

Après le ramdam de l'enquête publique et l'avis du commissaire enquêteur, le dossier passe ensuite en conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques (CODERST), puis le préfet donne son avis. Si je prends l'exemple des derniers dossiers déposés dans ma coopérative, il a fallu trois ans pour obtenir l'autorisation du préfet. Les projets sont presque systématiquement attaqués par des associations : lorsque l'affaire est portée devant le tribunal administratif, cela prend deux ans en première instance, puis deux ans de plus s'il y a un recours, ce qui fait quatre ans. On en est donc déjà à sept ans depuis le moment où le projet a été décidé. En sept ans, des choses ont pu se passer et, bien souvent, le projet de départ n'est plus adapté à la situation. Celui qui l'a lancé a lui-même sept ans de plus et n'est plus forcément en âge de contracter un prêt sur dix ou quinze ans. Tout cela fait que les éleveurs se découragent. Ce que nous proposons, c'est que le seuil à partir duquel une enquête publique doit avoir lieu soit porté à 3 000 places, comme ailleurs en Europe. Cela permettrait d'englober de très nombreux éleveurs, qui pourraient à nouveau avoir des projets.

Un élevage dans lequel on a investi n'a plus rien à voir avec un élevage d'il y a vingt ou trente ans, à tous points de vue. Investir, c'est inscrire son élevage dans la durée et favoriser le bien-être animal, l'environnement et la décarbonation. Il faut aussi accepter que les élevages grossissent, ce qui n'est pas un gros mot. Puisque certains élevages disparaissent, il faut que ceux qui restent puissent grossir. Cela doit permettre de faire des économies d'échelle, mais aussi de contribuer à l'acceptation sociale du métier : j'entends par là que les personnes qui travaillent dans les élevages ne doivent pas être des esclaves. Tenir un élevage, quand on est seul, c'est de l'esclavage : on travaille sept jours sur sept et il est très difficile de prendre des vacances. C'est aussi ce qui fait que certains éleveurs jettent l'éponge et ne transmettent pas leur élevage. Il y a certes des jeunes qui décident de s'installer seuls, et c'est tant mieux, mais beaucoup ont envie de vivre comme le reste de la société, et leurs salariés aussi, lorsqu'ils en ont.

Entre le délai de traitement des dossiers, les délais de recours et la guérilla administrative menée par les associations, les projets ont bien du mal à voir le jour.

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Je pourrai vous transmettre une note qui a été faite par les coopératives – l'une des familles de l'interprofession. Elle contient la liste de toutes les transpositions et propose des leviers pour que les élevages retrouvent leur capacité d'investissement et pour redonner un peu d'envie aux éleveurs. Je l'ai dit, 40 % des cochons sont détenus par des éleveurs de plus de cinquante-cinq ans. Nous sommes vraiment à un tournant et si rien n'est fait, il est à peu près certain que la production va dégringoler.

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Avez-vous pu demander au ministère ou aux préfets ce qui justifie un délai de deux ans d'instruction pour un dossier ?

Pourriez-vous préciser la nature des associations qui font des recours ? Vous avez suggéré que ce sont moins des associations de voisinage que des associations animées par une idéologie.

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

En Bretagne, ce sont des associations environnementales souvent locales, qui sont appuyées par des associations régionales ou nationales.

Dans ma coopérative, les éleveurs ont de nombreux projets, que nous essayons de faire avancer, mais il est difficile de réunir toutes les pièces demandées. Lorsqu'on dépose un dossier, que l'on a mis deux ans à monter, on découvre que, depuis la dernière demande que l'on a présentée, des choses ont changé. On nous demande en permanence de fournir des compléments, au point que les documents que le commun des mortels peut demander à consulter dans le cadre d'une enquête publique deviennent totalement illisibles. Et puis, je ne suis pas gêné pour dire que les avis qui sont systématiquement demandés à la mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) sont quasiment toujours négatifs. Ils ont beau être consultatifs, c'est sur cette base que les associations attaquent l'arrêté préfectoral. Nous demandons que l'avis de la MRAE soit motivé. Il ne suffit pas de dire qu'un élevage est trop gros, il faut s'appuyer sur des éléments scientifiques, ce qui est rarement le cas. Tout ce processus est défavorable à l'investissement – les maires le connaissent aussi sur d'autres sujets.

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Ai-je bien compris que l'administration demande des pièces complémentaires qui n'étaient pas prévues au départ ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Cela peut paraître surréaliste, mais il arrive que l'on ne sache pas ce qu'il faut mettre dans le dossier, du moins pour ce qui concerne certains éléments. Pour évoquer mon cas personnel, nous sommes attaqués quasiment chaque fois sur la question des effets cumulés sur l'environnement. Nous avons demandé à la MRAE sur quel périmètre il fallait calculer les effets cumulés. Elle nous a répondu que ce n'était pas son souci et qu'on devait lui indiquer un périmètre. Or, lorsqu'on se retrouve devant le tribunal administratif, ce n'est jamais le bon. Si on nous dit que nous devons nous placer à l'échelle de la commune, nous saurons le faire.

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Vous avez évoqué la fermeture de plusieurs abattoirs, notamment de Bigard, et la faillite de petites entreprises industrielles. À quoi attribuez-vous cette évolution ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Les difficultés que connaît l'abattage s'expliquent par la baisse du nombre de cochons. Il faut gérer la décroissance. Je crains que les fermetures d'abattoirs qui ont eu lieu ne soient pas les dernières puisque la production continue de diminuer. Par ailleurs, la Fédération française des industriels charcutiers, traiteurs et transformateurs de viandes (FICT) a fait part à Inaporc des difficultés qu'éprouvent en particulier les plus petites salaisons à répercuter le prix du porc sur leurs clients. Leur rentabilité est parfois réduite à néant, quand elles ne perdent pas d'argent.

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Notre collègue Anne-Laure Blin, qui a dû partir, m'a demandé de vous poser la question suivante : par rapport aux demandes déposées, combien de nouveaux projets n'ont pas pu voir le jour à cause du zéro artificialisation nette (ZAN), de la lourdeur administrative ou des contestations formulées ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

À ce jour, nous n'avons pas subi de conséquences du ZAN. Nous n'avons pas quantifié les projets qui n'ont pas pu être réalisés. Cela étant, nous pourrions dénombrer ceux que chaque coopérative a dans ses cartons. Je n'ai pas la liste des projets attaqués, mais je peux vous dire que, dans ma coopérative, quatre des cinq dernières autorisations délivrées ont fait l'objet d'un recours devant le tribunal administratif. Je pense que, de manière générale, ce ratio de 80 % reflète la proportion de nos projets qui est attaquée. Vous trouverez à peu près les mêmes pourcentages pour les méthaniseurs.

Cette mise en cause permanente a pour effet d'empêcher la formation même de projets dans l'esprit des éleveurs – ceux-là sont difficiles à quantifier. Il faut voir ce qu'endurent certains éleveurs. Je pense à deux d'entre eux, qui travaillent seuls ; ils ont voulu structurer leurs élevages, qui sont nettement plus petits que la moyenne ; la production d'azote n'en aurait pas été augmentée car ils comptaient arrêter un atelier dans le même temps. Même ces projets sont attaqués systématiquement.

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Je constate que l'élevage du porc est devenu, pour un certain nombre de courants politiques et associatifs, le symbole d'une agriculture industrialisée qui devrait disparaître. Les propos tenus, souvent à tort, sur les algues vertes en Bretagne témoignent d'une vision éloignée de la vérité scientifique. Je ne conteste pas l'existence de problèmes ni la nécessité d'améliorer certaines choses, mais on a affaire à une manipulation des peurs, à des raccourcis éloignés du réel. Les Bretons sont bien plus au fait des réalités qu'un certain nombre d'habitants des grandes villes.

La viande de porc fait partie de l'alimentation populaire. Le filet mignon du dimanche mis à part, c'est globalement une viande plus accessible, et – hasard auquel je ne crois pas – c'est celle qui a été la cible des critiques les plus violentes. Les pièces du porc les plus concurrencées, pour lesquelles l'autosuffisance française est menacée, sont les plus appréciées dans notre culture culinaire et les plus accessibles économiquement. La viande de porc n'a-t-elle pas été la cible de toutes les critiques, idéologiques incluses, parce qu'elle représentait une culture populaire, peut-être plus facile que d'autres à remplacer aux yeux de certains ?

La solution à la crise du porc est malheureusement devenue une arlésienne du débat politique. Les ennuis que l'on a voulu créer à nos éleveurs ne constituaient-ils pas les prémices de ce que l'on a fait subir au secteur de la volaille et de ce que l'on fait endurer aujourd'hui au secteur bovin ? On a l'impression que, du porc aux vaches en passant par les volailles, c'est tout l'élevage qui dérange.

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Vaste question qui dépasse mes compétences… Il est certain que, d'une façon générale, l'élevage est la cible de personnes qui lui imputent une part de responsabilité dans le réchauffement climatique. Le phénomène des algues vertes n'a pas d'origine unique, et on ne saurait établir de lien direct entre celui-ci et la production porcine. Dans le débat médiatique, les ruminants sont un peu plus exposés que les granivores sur ces sujets. Pour nous permettre d'être plus efficients, il faut nous donner la capacité de moderniser nos élevages pour répondre aux exigences environnementales. Ce n'est qu'à ces conditions que nous serons en mesure de produire une viande à moindre impact pour le climat. D'ailleurs, le cochon valorise des coproduits ou des sous-produits qui ne sont pas consommables par l'homme. Je pourrai vous communiquer des éléments chiffrés à ce sujet, car nous y avons travaillé pour notre plan de RSO.

Les politiques manifestent une véritable volonté d'accompagner l'élevage, en particulier avec le plan de souveraineté qui a été présenté au Salon de l'agriculture. Toutefois, nous ressentons la manifestation de forces contraire, y compris dans l'administration, lorsqu'il s'agit de traduire ces principes dans les textes. Ce qui ressort, pour le cochon, ne correspond pas du tout à ce qui nous avait été présenté. La montagne est en train d'accoucher d'une souris. On se bat, mais il est à craindre que l'on n'obtienne rien. Cela recoupe un peu ce que vous dites, même si ce n'est pas tout à fait sous le même angle.

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Le porc fait partie des produits du terroir, liés à l'identité des différents pays français. Or nos compatriotes ont pu découvrir, ces dernières années, que des produits estampillés bretons ou corses étaient en fait fabriqués à partir de porc venant d'Espagne ou d'Italie. Ces affaires font un peu de bruit, puis on passe à autre chose jusqu'au prochain scandale. Une telle situation n'est pas logique, dans un pays aussi attaché à la qualité de sa gastronomie et à son terroir, pour des produits que les touristes français ou étrangers sont prêts à payer plus cher qu'un produit de supermarché. S'il y a bien un secteur où l'on pourrait trouver un débouché pour le cochon français, c'est dans ce genre de filière à forte valeur ajoutée. Or, sans même qu'il y ait besoin d'une loi, rien ne se passe pour s'assurer que le porc français y soit transformé en priorité. Comment l'expliquez-vous ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Je n'ai pas d'exemple aussi précis que le vôtre, à moins que vous ne parliez de fraude. Normalement, pour les produits faits en France, même si l'on pourra toujours trouver un contre-exemple, c'est le porc français qui est valorisé. Le logo « Le Porc français » est apposé sur 50 % des produits et garantit au consommateur un cochon né, élevé, abattu et transformé en France. Ce logo est plutôt reconnu et peut être recherché. C'est surtout la charcuterie premier prix, dont la consommation a un peu augmenté ces derniers temps, qui est concernée par l'importation. Pour les produits de qualité, je veux bien avoir vos références, parce que je n'en ai pas en tête, hors cas de fraude.

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Les forces contraires dont vous avez parlé sont-elles ressenties de façon générale ? Avez-vous des éléments qui permettraient d'étayer votre sentiment ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

C'est une impression partagée. Si j'étais le seul à l'avoir, ce ne serait pas très grave, car je pourrais me tromper. Tout le monde parle de souveraineté alimentaire mais tout semble fait pour la mettre à mal, en particulier en ce qui concerne notre production. Il y a des velléités assez fortes de faire diminuer la consommation de viande. On pense qu'en diminuant la production on diminuera la consommation, sauf que la production diminue plus vite que la consommation. Que va-t-il se passer ? Ce n'est pas très compliqué : on va importer. C'est bien de parler de souveraineté alimentaire, mais ce que nous voyons et ressentons concrètement, c'est que rien ne bouge ou que cela va dans le mauvais sens. Je ne remets pas en cause la sincérité de la volonté politique – je crois les politiques, sinon je ne serais pas ici à représenter mes collègues – mais il y a de gros freins dans sa mise en œuvre.

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Quels sont ces freins ? Pensez-vous qu'il y ait un double discours politique – on affiche sa volonté sans rien faire pour l'assumer ? Est-ce au niveau de l'administration, nationale ou locale, que cela bloque, notamment au niveau des MRAE, dont j'entendais parler pour la première fois ? Avez-vous le sentiment que l'administration, sensibilisée à l'objectif de souveraineté alimentaire, se donne les moyens de l'atteindre ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

L'administration, cela dépend du niveau auquel on se place. Dans les administrations locales, il y a un peu de tout, parfois par méconnaissance. Dans un département comme le mien, où le porc est très présent, j'estime que l'administration fait plutôt bien son travail. Dans d'autres départements, où le porc est moins présent, c'est un peu plus compliqué. Il n'y a pas très longtemps, je me suis déplacé dans le sud de la France pour aller voir un éleveur qui était très embêté par l'administration, sans que je comprenne pourquoi. Après avoir vu ce que j'ai vu, je le soutiendrai, parce qu'il n'y a pas de raison qu'on l'embête.

Concernant le plan de souveraineté, je retrouverai parmi mes mails ce qui nous avait été envoyé sur la déclinaison du plan élevage avant notre réunion avec M. Marc Fesneau. L'interprofession a écrit au ministre, la semaine dernière, pour lui dire que nous étions extrêmement déçus. Nous étions peut-être les seuls à avoir salué le plan, parce que nous estimions qu'il y avait de bonnes idées. Mais qu'il s'agisse de sa déclinaison sur le terrain ou des projets de texte, absolument rien ne va dans le sens de ce qui avait été annoncé. Le porc était la seule viande qui était encore souveraine ; elle ne le sera plus. La trajectoire est, hélas, déjà définie, mais que l'on essaie d'en garder un minimum !

Au-delà de la question de la souveraineté alimentaire, l'agriculture permet un aménagement du territoire que l'on ne retrouve dans aucune autre production. J'ai eu l'occasion de recevoir M. Antoine Armand dans mon élevage. Je lui ai expliqué ce que nous proposions pour l'élevage de demain, en matière d'investissement et de réponses à apporter aux demandes du consommateur et du citoyen. Malheureusement, on ne nous permet pas d'investir dans nos élevages, que l'on ne peut ni structurer ni agrandir. Nous sommes un peu dépités.

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Je vous remercie. Pourrez-vous nous transmettre les dix propositions de simplification et tout document que vous jugeriez utile ?

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Philippe Bizien, président de l'interprofession nationale porcine (Inaporc)

Je vous ferai tout parvenir, bien sûr.

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Je vous remercie. Nous aurons prochainement l'occasion de poser à M. Marc Fesneau les questions que vous vous posez.

La commission procède à l'audition de M. Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis (UNELL), et M. Balthazar Boëssé, coordinateur UNELL.

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Mes chers collègues, après avoir entendu, le 28 mars dernier, les représentants du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL), il nous est apparu important de recevoir l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis (UNELL), car certaines affirmations concernant le coût de production, le prix de revient et les négociations sur le prix de vente nous ont paru surprenantes.

Nous sommes donc heureux d'accueillir M. Yohann Serreau, président de l'UNELL, ainsi que M. Balthazar Boëssé, son coordinateur. Je vous remercie tous deux de vous être rendus disponibles pour répondre à nos questions.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(M. Yohann Serreau et M. Balthazar Boëssé prêtent serment.)

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Je vous remercie de nous avoir conviés à cette audition. Je veux souligner la pertinence de cette enquête sur la souveraineté alimentaire, même si je ne partage pas tout à fait la définition que certains experts en ont donnée.

La souveraineté alimentaire n'a pas toujours existé en France et en Europe. Nous appartenons à des générations qui ont eu la chance non seulement de ne jamais connaître de conflit en métropole, mais également de ne pas avoir eu à subir de manque. Les restrictions alimentaires ne sont pourtant pas si anciennes dans notre pays. Deux éléments ont permis d'y mettre fin : la Politique agricole commune (PAC), qui a contribué au développement de l'agriculture, et la capacité d'adaptation des agriculteurs, qui sont passés en deux générations des bœufs et des chevaux à la robotique. Cela a donné des résultats spectaculaires puisque nous sommes passés en quarante ans d'un déficit à une production performante – parfois de façon excessive, l'Europe ayant connu des surproductions dans les années 1980. Les mesures qui ont été prises, fondées sur l'incitation plutôt que sur la contrainte, ont permis de faire évoluer l'agriculture à une vitesse importante.

Certains pays utilisent l'agriculture et l'alimentation comme une arme économique : pour nos générations qui n'ont jamais connu le manque, il serait très risqué de l'oublier. C'est pourquoi je tiens à souligner l'importance des travaux que mène cette commission d'enquête.

J'en viens à l'UNELL. Les organisations de producteurs (OP) sont très récentes : car elles ont été créées par un règlement européen datant de 2012. Elles sont mandatées par leurs adhérents – pour nous, les producteurs laitiers – pour négocier les conditions de vente de leurs produits auprès des acheteurs. L'UNELL, agréée en 2017 par le ministère de l'agriculture, est une AOP, une association d'organisations de producteurs, qui regroupe onze OP adhérentes réparties sur l'ensemble du territoire français. Elle représente un peu plus de 5 200 exploitations agricoles et négocie une production annuelle de 3,1 milliards de litres de lait, soit près de 15 % de la production française. Notre particularité est que nous négocions avec un client unique, le groupe Lactalis, dont nous assurons 62 % de l'approvisionnement en France.

S'agissant de la souveraineté alimentaire, je souhaite commencer par les raisons de la déprise laitière et de la fragilité des exploitations laitières en France ces dernières années. D'abord, le prix du lait est soumis à une forte volatilité, qu'il est quasiment impossible de répercuter sur les charges en élevage. Cette volatilité a été à l'origine de nombreuses crises, notamment en 2009 puis en 2016. Cette dernière, due à une surproduction, a été amplifiée par l'embargo russe sur les produits laitiers.

Cela tient ensuite à l'absence de visibilité sur le prix de vente, sauf à court terme, alors que l'élevage laitier demande des investissements lourds et un engagement sur un temps long – on ne construit pas un troupeau, on ne change pas de type de production d'une année sur l'autre, voire d'une décennie sur l'autre. En outre, la rentabilité est plutôt faible, voire très faible eu égard aux besoins d'immobilisation capitalistique, ce qui peut mettre en difficulté les exploitations souhaitant se moderniser.

Par ailleurs, l'ambiance régnant autour de l'agriculture, en particulier l'élevage, met à mal la filière laitière française. La stigmatisation de l'élevage fait beaucoup parler, même si le bruit médiatique amplifie certainement le phénomène. Dans le meilleur des cas, « on veut bien de l'élevage, mais pas chez nous » ; on lui reproche des nuisances olfactives et sonores. Dans les cas extrêmes, on entend qu'il faut abolir l'élevage parce que cela pollue. Cette stigmatisation pèse sur les éleveurs laitiers.

Les contraintes réglementaires pèsent également. L'agriculture a toujours évolué très vite, et encore plus aujourd'hui – je vous invite à vous renseigner sur la proportion de techniciens supérieurs et d'ingénieurs chez les agriculteurs. La France et l'Europe ont certes connu des excès ces cinquante dernières années, parce qu'elles devaient nourrir leur population. Mais ne nous faites pas payer les excès de nos grands-parents alors que nous faisons évoluer nos pratiques. Les nouvelles générations ont besoin de messages positifs et non de stigmatisation.

Pour prendre un exemple d'ordre réglementaire, on prône aujourd'hui, pour remédier aux pertes de surfaces, la sanctuarisation des prairies. Mais est-ce la sanctuarisation des prairies qui les sauvera, ou plutôt le développement de l'élevage ? Il ne faut pas se tromper sur la cause et les conséquences.

Les aspirations sociétales ont aussi un impact important. Les contraintes de l'élevage laitier sont assez fortes : il faut travailler sept jours sur sept, toute l'année, pour nourrir et traire nos vaches. Alors que les 35 heures sont la norme, il y a un vrai décalage entre la société et la filière laitière. Nous aussi, nous avons besoin de vacances et de week-ends, mais il faut une juste rémunération de la main-d'œuvre pour trouver les relais qui nous permettraient d'avoir un rythme de vie comparable à celui du reste de la société. Les futurs éleveurs et ceux qui se sont installés récemment aspirent aussi au bien-être animal, à la préservation de la biodiversité et à l'amélioration de notre bilan carbone. Mais pour cela, il faut des moyens, qui ne nuisent pas pour autant à notre compétitivité.

S'agissant des relations entre l'amont et l'aval, nous observions jusqu'à présent une forte volatilité des cours des produits laitiers et des commodités – beurre et poudres de lait. Le maillon le plus fort, à savoir le transformateur, se protégeait de la volatilité en la transférant presque intégralement à la partie la plus faible, autrement dit les producteurs. Ces derniers subissaient donc quasiment entièrement la volatilité. Cela s'atténue un peu depuis la loi Egalim (loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous), qui permet de limiter ces variations, mais nous devons rester vigilants car le naturel revient au galop.

Les produits laitiers restent des produits d'appel dans les magasins. Il y a toujours une guerre des prix, ce qui est très destructeur pour la reconnaissance du métier d'éleveur. Il n'y a rien de pire pour des éleveurs que de voir des affiches de promotion expliquant qu'il faut venir dans un magasin parce que c'est là que le lait est le moins cher. C'est très dévalorisant et je pense que cela participe à l'ambiance globale qui explique la baisse de la production laitière en France.

Je m'en tiens là pour mon introduction, sachant que nous avons beaucoup d'éléments à vous communiquer sur la contractualisation et les OP, ainsi que sur l'application de la loi Egalim, qui est un élément important dans les relations entre les OP, les transformateurs et les éleveurs.

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Vous avez rappelé que l'UNELL représentait 62 % des producteurs de Lactalis. Les 38 % restants sont-ils dans un rapport direct avec le groupe ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Ils sont partagés, pour des raisons tenant à l'histoire. Le système a en effet été construit à l'envers. La contractualisation entre industriels et producteurs a été rendue obligatoire par la loi à compter de 2011 : les industriels ont proposé des contrats aux producteurs. Puis, le rapport de force n'étant pas équilibré, les OP ont été créées en 2012. Il a donc fallu qu'elles reprennent la main sur les contrats qui existaient déjà. D'où plusieurs situations : certains producteurs ont fait le choix de rester individuels et ne font partie d'aucune OP ; d'autres ont rejoint des OP qui ne sont pas adhérentes à l'UNELL, ou encore des coopératives ayant des outils communs avec Lactalis mais en dehors de l'UNELL.

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Est-ce l'UNELL ou Lactalis qui représente 15 % de la production ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

C'est l'UNELL.

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Connaissez-vous l'ordre de grandeur pour Lactalis ?

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Balthazar Boëssé, coordinateur de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Lactalis représente 5 milliards de litres sur 23 milliards produits en France.

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Vous avez évoqué une déprise laitière. Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer cela ? S'agit-il du nombre d'exploitations ? La production laitière de vache en France est en effet relativement constante depuis une vingtaine d'années. De 2000 à 2022, elle a oscillé entre 23 et 25 milliards de litres. Du point de vue de la production, il n'y a donc pas de déprise.

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Il y a effectivement une déprise en termes de nombre d'exploitations, ce qui est somme toute logique compte tenu des restructurations qui sont menées depuis vingt ans. Mais il y en a une également s'agissant de la production.

Il faut en effet analyser la courbe de production. Avant les années 2000, on était à 23 milliards de litres. Avec la fin des quotas, la production a progressé, montant à 25 milliards. Depuis huit ans, elle est redescendue à 23 milliards et, l'année dernière, elle s'est établie à 21,5 milliards. Nous connaissons donc une chute assez vertigineuse de la production.

Ces dernières années, les arrêts d'exploitation avaient été entièrement compensés par l'augmentation de la taille des exploitations et des troupeaux. Depuis cinq ans, cette compensation s'essouffle, car l'élevage laitier est soumis à une contrainte liée à la main-d'œuvre, qui se constate à l'échelle internationale. Quelle que soit la taille du troupeau, que vous ayez 50 vaches ou 4 000, le ratio est constant : il faut 1 UTH (unité de travail humain) pour 40 à 50 vaches.

Si, pendant toute la période des quotas laitiers, les exploitations étaient bridées en volume, elles se sont fortement développées depuis la fin des quotas, compensant les arrêts qui ont eu lieu – principalement pour cause de retraite. Depuis trois ou quatre ans, la compensation n'est plus suffisante. Nous sommes donc sur une pente très négative. À ce rythme, nous ne serons plus autosuffisants en 2027 – c'est demain ! En tout cas, quelle que soit l'évolution de la tendance, la contrainte liée à la main-d'œuvre sera toujours conséquente. J'espère que les réalités économiques et sociétales évolueront pour attirer des jeunes afin de remplacer les départs à la retraite. Il faut absolument casser cette tendance, faute de quoi la souveraineté alimentaire deviendra un sujet urgent dans la filière laitière en moins de cinq ans, alors que celle-ci est aujourd'hui exportatrice.

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En ce début d'année, l'UNELL a dénoncé un « diktat » de Lactalis. Pouvez-vous nous expliquer le différend qui vous oppose au groupe et pourquoi vous avez utilisé ce mot très fort ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

La création des OP il y a une dizaine d'années a bouleversé les relations entre transformateurs et producteurs. Historiquement, les prix du lait étaient définis en interprofession et les industriels, qu'il s'agisse de privés ou de coopératives, avaient l'habitude de donner le mot d'ordre – les industriels privés représentent 45 % de la collecte et les coopératives 55 %. Lorsque ce système a pris fin, les OP n'étant pas encore installées, les industriels ont rapidement pris la main et imposé le prix du lait. Depuis, les OP se sont organisées pour regrouper les producteurs afin de négocier avec les industriels. Mais le naturel revient toujours au galop : la volonté de gérer le prix du lait en fonction de ses propres intérêts demeure.

À mon sens, la structuration n'est pas encore aboutie car nous ne faisons pas le poids face à un industriel. Jusqu'à présent, la collecte était stable et avait même augmenté avec la fin des quotas en 2015. Il n'y avait aucune concurrence entre industriels ou coopératives car toutes les usines étaient correctement approvisionnées et nous n'avions pas la possibilité de changer de client. Les industriels étaient donc en position de force pour gérer leurs volumes.

Cela a évolué ces dernières années : la collecte diminuant, il n'y a plus la même quantité de lait pour approvisionner les usines. Depuis deux ans, on constate que des producteurs changent de clients, ce qui est très nouveau dans la filière laitière. Ces derniers mois, le groupe Lactalis a souhaité renouer avec son ancienne stratégie, à savoir imposer des prix qui ne conviennent pas aux producteurs et qui, surtout, ne sont pas le reflet de nos discussions des cinq dernières années. En effet, depuis l'instauration d'Egalim et la signature de notre accord-cadre, nous avons toujours pu négocier, parfois de façon musclée mais sur la base de discussions concrètes et argumentées. Depuis juin 2023 et jusqu'à janvier 2024, il ne nous a plus été possible de débattre avec Lactalis, qui nous imposait, comme il y a dix ans, le prix du lait qu'il avait décidé, sortant du cadre qui résultait d'Egalim.

En septembre 2019, l'UNELL avait signé un accord-cadre avec Lactalis contenant une formule de prix qui intégrait, conformément à la loi Egalim 1, la notion de coût de production. Cette loi était relativement abstraite et peu directive, puisqu'il s'agissait de « prendre en compte » le coût de production. Le groupe Lactalis et l'UNELL ont eu à cette occasion un comportement modèle puisque les prix de revient ont été intégrés pour la moitié du marché intérieur des PGC (produits de grande consommation), ce qui avait un impact sur un quart du volume de lait collecté par Lactalis. Le problème est que, pendant quatre ans, nous étions les seuls à utiliser cette méthode, ou du moins à le faire aussi clairement, et qu'il n'y a eu aucune sanction dans la filière laitière lorsque le prix de revient n'était pas pris en compte dans la formule de prix. C'est aussi pour cela qu'Egalim 2 (loi du 18 octobre 2021 visant à protéger la rémunération des agriculteurs) a été promulguée. Mais, étant donné qu'il n'y a jamais eu de sanction, pourquoi le groupe Lactalis aurait-il dû continuer à être le modèle dans l'application des prix de revient ? L'origine de notre récent conflit est peut-être là, dans un défaut dans l'application et le contrôle de la loi Egalim chez les autres opérateurs.

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Vous dites que la difficulté s'est posée en juin 2023 avec Lactalis. Et depuis ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Depuis, nous avons trouvé des accords. Une première médiation en septembre 2023 a permis de finaliser le prix du lait pour le dernier trimestre de l'année. Un accord a été trouvé entre l'UNELL et Lactalis pour prendre en compte ces prix de revient et fixer un prix juste pour les producteurs.

Avec la promulgation d'Egalim 2, il y a eu une sanctuarisation de la matière première agricole dans les relations commerciales entre les transformateurs et les distributeurs. Avant chaque négociation, soit généralement tous les ans, l'UNELL réévalue les prix de revient de ses producteurs pour les proposer à Lactalis, qui les intègre dans ses conditions générales de vente aux distributeurs. Nous avons appliqué cette démarche depuis la signature de l'accord-cadre en 2019. En 2022, trois négociations commerciales ont eu lieu avec, à chaque fois, une réévaluation des prix de revient pour tenir compte de l'inflation.

Un premier point d'achoppement est apparu en octobre 2023, quand Lactalis a refusé de prendre en compte nos prix de revient. Je n'en connais pas la cause exacte, mais je peux seulement vous donner mon interprétation. En tout état de cause, le groupe nous a imposé, sans vouloir échanger avec nous – raison pour laquelle nous avons parlé de diktat –, les prix de revient qu'il estimait légitimes pour les producteurs. Imposer une augmentation de 1 % des prix de revient alors que l'inflation est de 7 %, on peut se demander si c'est bien légitime ! Pour la première fois depuis cinq ans, il n'y a donc pas eu d'accord sur la valeur des prix de revient inscrite dans les conditions générales de vente à la distribution.

Deuxième pierre d'achoppement : la formule de 2019 ne prend en compte le prix de revient des producteurs que pour 50 % du marché intérieur, alors que nous estimons qu'il devrait l'être en totalité pour respecter l'esprit et pas seulement la lettre d'Egalim 2, qui sanctuarise les matières premières agricoles. Pour nous, étant donné que cette matière première agricole est non négociable entre transformateur et distributeur, le prix de revient doit être valorisé auprès des producteurs dans sa totalité, et non plus à 50 %. Lactalis a refusé.

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À l'issue de la crise de septembre-octobre 2023, vous avez conclu un accord fixant le prix jusqu'à la fin de l'année 2023. Qu'en est-il depuis le début de 2024 ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Fin 2023, il fallait fixer un prix pour le premier trimestre de 2024. Nous avions trois demandes : la valorisation au juste niveau du prix de revient agricole, sa prise en compte pour l'intégralité du marché intérieur des PGC – produits de grande consommation –, et un changement de mode de calcul dans la formule de prix s'agissant des 30 % qui suivent l'évolution de l'indicateur beurre-poudre publié tous les mois par le CNIEL. Faute de consensus entre les différents collèges de l'interprofession sur le calcul de cet indicateur, il n'a pas été publié en décembre 2023. Dans ce genre de situation, l'accord-cadre signé entre l'UNELL et Lactalis prévoit que les parties se mettent d'accord sur une méthode permettant d'établir un autre indicateur. Nous avons fait des propositions, sans réponse. Début janvier, Lactalis, ne répondant à aucune de nos trois demandes, a décidé d'appliquer unilatéralement le prix de 405 euros pour 1 000 litres, sans autre discussion possible, ce qui a déclenché une partie des manifestations d'agriculteurs.

Mi-janvier, Lactalis a demandé une intervention du médiateur des relations commerciales agricoles afin d'établir le prix du lait pour le premier trimestre. Nous avons refusé cette médiation car nous ne voulions pas que son unique objet soit, comme pour les deux médiations précédentes, fin 2022 et en septembre 2023, de déterminer le prix du lait pour le trimestre suivant : nous voulions travailler sur la formule de prix et les indicateurs utilisés afin de trouver une solution de long terme.

Nous avons donc immédiatement proposé une autre médiation, portant sur les trois sujets que j'ai évoqués : le niveau du prix de revient, la proportion du prix de revient dans la formule et le moyen de quantifier le marché export et la cotation beurre-poudre. Lactalis a accepté, en ajoutant la fixation d'un prix du lait pour le premier trimestre au menu de cette médiation qui a débuté fin janvier. Nous sommes parvenus à un accord le 29 mars, dans le délai réglementaire de deux mois. Ce n'est qu'une première étape, mais nous avons désormais un prix de revient davantage en adéquation avec la réalité des producteurs, nous avons fait évoluer sa part dans la formule d'élaboration du prix et nous avons trouvé une solution intermédiaire concernant la cotation beurre-poudre, en attendant la publication prochaine de l'indicateur du CNIEL.

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Vous avez indiqué que les échanges difficiles avec Lactalis avaient poussé des producteurs de lait à aller manifester. Est-ce à dire que des producteurs de lait de l'UNELL ont organisé leurs propres manifestations ou qu'ils ont rejoint le mouvement national ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Les producteurs laitiers ont manifesté fin décembre puis au cours de la première semaine de janvier, c'est-à-dire quelques jours avant les mobilisations nationales, leurs revendications étant centrées sur le prix du lait. Le mouvement n'est pas forcément parti des adhérents de l'UNELL – n'étant pas un syndicat, notre rôle n'est d'ailleurs pas de les appeler à manifester. Quoi qu'il en soit, tous les producteurs laitiers se sont mobilisés. Les 405 euros décidés par Lactalis étant un prix très faible et en décalage de manière inédite avec celui proposé par les autres acteurs, ils étaient conscients que, si Lactalis pouvait l'imposer en pleines négociations commerciales, celles-ci seraient compliquées pour tous les producteurs et que ce niveau décalé allait s'imposer à tous. Il leur était impossible d'accepter un tel niveau de prix en début d'année.

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Vous avez commencé en faisant état d'un désaccord avec certaines définitions de la souveraineté alimentaire. Pourriez-vous nous donner la vôtre ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Plutôt que de définir la souveraineté alimentaire, je voudrais alerter sur le fait que rien n'est acquis. Aujourd'hui, on veut tout réglementer. L'Union européenne rétablit des contraintes réglementaires et nous impose des surfaces agricoles improductives, dans une ambiance assez délétère vis-à-vis de l'élevage. Alors que le modèle français est plutôt vertueux, on le remet sans cesse en question. Mais nous mettre des bâtons dans les roues ne fera pas progresser l'innovation.

N'oublions pas qu'il y avait des tickets de rationnement en France il y a seulement soixante ans, même si nous avons la chance de ne pas avoir connu cette période. En Europe, l'agriculture a beaucoup évolué et a permis d'assurer une certaine souveraineté alimentaire. Il ne faudrait pas revenir en arrière et renoncer à cette indépendance, à un moment où d'autres pays ont compris l'importance vitale de ce secteur. Un manque de souveraineté alimentaire peut d'ailleurs favoriser les conflits – le mouvement des révolutions arabes a été lancé par des gens qui avaient faim. Nous l'avons oublié en France, où les dernières générations n'ont jamais connu le manque.

Oui, la biodiversité est importante, les compensations carbone sont primordiales face au changement climatique, mais pas à n'importe quel prix. L'agriculture, qui est en perpétuelle évolution, est source de solutions : elle peut aller dans la bonne direction, mais pas à marche forcée sous la pression réglementaire. En regardant les progrès accomplis depuis l'instauration de la PAC, on se rend compte que ce sont les incitations et non les contraintes qui ont permis aux agriculteurs d'évoluer.

Si nous voulons conserver notre souveraineté alimentaire tout en améliorant nos pratiques en matière de biodiversité et de bilan carbone, ce ne sera pas avec des contraintes et des interdictions, mais avec des politiques claires. Les agriculteurs, eux, se sont toujours adaptés à la demande, sachant qu'il ne sert à rien de produire des biens que le consommateur n'achètera pas. On peut être les plus vertueux du monde, on ne résistera pas sans acheteurs, comme le montre très bien le marché du bio. Ainsi, les producteurs ont développé une filière de lait bio parce qu'il y avait un marché. Mais on a voulu imposer un modèle bio et la filière se trouve maintenant en crise, comme malheureusement presque toutes les filières bio, parce que la production a été développée au-delà de la consommation.

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Pour vous, la souveraineté alimentaire est donc assurée lorsque les besoins de la population française sont couverts, ce qui n'est pas acquis.

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Gardons aussi à l'esprit que la France, avec son climat et sa pédologie, est l'un des rares pays au monde à disposer de véritables atouts pour développer une production laitière. Si nous ne produisons pas de lait, nous aurons toujours à manger, et nous aurons par ailleurs les moyens d'en acheter puisque nous sommes un pays riche. Mais il ne s'agit pas seulement de nourrir la population : il faut aussi utiliser et conserver nos points forts, plutôt que de déléguer des productions à des pays moins bien lotis.

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Pourriez-vous revenir sur la formation du prix du lait, en particulier sur la question du marché intérieur et de l'indicateur beurre-poudre ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

La formule de prix établie en 2019 respectait à la fois l'esprit et la lettre de la loi Egalim 1 visant à assurer une juste rémunération des producteurs. La prise en compte du prix de revient des producteurs, dans l'esprit de cette loi, se fait pour le marché intérieur, sachant qu'il y a aussi une part de marchés internationaux. La collecte de lait de Lactalis est pour moitié vendue et pour moitié exportée.

La formule de prix a été construite à partir de trois composantes, qui sont les trois débouchés de Lactalis : les produits de grande consommation sur le marché intérieur, qui donnent lieu aux fameuses négociations annuelles ; les PGC à l'export, dont la valeur est estimée à partir du prix moyen du lait allemand ; et les produits industriels, pour lesquels on se fonde sur l'indicateur beurre-poudre du CNIEL. Ces trois composantes représentent respectivement 50 %, 20 % et 30 % de la collecte de Lactalis. Ce mode de calcul n'est pas propre à Lactalis puisque la quasi-totalité de la filière applique le même genre de formule.

Selon la loi Egalim 1, le calcul devait prendre en compte le prix de revient du producteur pour l'évaluation de la composante correspondant au marché intérieur. Restait à déterminer dans quelle proportion, puisqu'une prise en compte se situe entre 0 % et 100 %. Lactalis et l'UNELL ont été les premiers à fixer un taux précis – 50 % – dans leur formule de prix, ce qui revenait à distinguer quatre facteurs : le prix de revient pour 25 % ; l'indice des prix de vente de l'industrie française (PVI) de l'Insee pour 25 % ; le prix moyen allemand pour 20 % ; l'indicateur beurre-poudre pour 30 %.

Au cours des discussions de cet hiver avec Lactalis, nous voulions faire progresser la part du prix de revient sur le marché intérieur pour être plus en phase avec la loi Egalim 2. Aux termes de l'accord intermédiaire conclu à l'issue de la médiation, il a été décidé de porter le taux de 50 % à 70 %. Notre objectif est de le faire passer rapidement à 100 %.

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La loi Egalim impose en effet de diffuser les indicateurs de référence des coûts de production et les indicateurs de marché. En fait, on s'écarte de l'idée originelle, qui était la construction du prix « en marche avant », consistant à partir des coûts de production pour déterminer le prix payé par le consommateur. La prise en compte des cours mondiaux, qui rémunèrent mal le producteur, contrarie la volonté maintes fois exprimée lors des débats sur Egalim de cette marche en avant. Quel est l'intérêt d'exporter des biens alimentaires qui ne rémunèrent pas le producteur ? On améliore peut-être le solde de la balance commerciale, mais aux frais des producteurs.

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Dans une économie de marché, on ne peut pas faire abstraction de la réalité du marché. Lors de la médiation, nous avons exprimé notre volonté de partager les risques liés à la volatilité des marchés internationaux, que nous assumons actuellement à 100 %. Nous interprétons la loi Egalim comme étant focalisée sur le marché intérieur. Peut-être faudra-t-il aller plus loin, mais la priorité est donc de faire en sorte que le prix de revient soit déjà pris en compte sur la totalité du marché intérieur – et nous en sommes très loin. Même s'il est légitime de s'interroger sur les exportations, le Gouvernement et le Parlement doivent déjà faire respecter l'esprit de la loi Egalim et faire appliquer un prix minimum à hauteur des coûts de production sur le marché intérieur, afin de rémunérer le travail des producteurs.

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J'observe néanmoins que des industriels gagnent bien leur vie sur les marchés d'exportation, ce qui n'est pas le cas des producteurs. Cette question de la juste répartition de la valeur pourra alimenter de futurs débats sur l'évolution des lois Egalim. Mais revenons-en aux indicateurs et aux prix fixés : dans l'accord conclu avec Lactalis, qui prévoit un prix de 425 euros les 1 000 litres, l'indicateur du CNIEL a-t-il été respecté ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

L'indicateur du CNIEL concernant les coûts de revient des producteurs est très fiable, mais sa robustesse tient à un défaut : il utilise la comptabilité des producteurs, ce qui entraîne un fort décalage dans le temps – il est disponible avec dix-huit mois à deux ans de retard. Si l'inflation est très faible comme au début de la décennie, ce n'est pas très grave d'avoir un indicateur vieux de deux ans car il reste très proche de la réalité. Si les charges des producteurs se mettent à flamber comme c'est le cas depuis 2022, on ne peut plus l'utiliser tel quel : on doit le retravailler pour le faire coller à la réalité du moment. L'indicateur du CNIEL est de 442 euros les 1 000 litres pour 2022. Pour tenir compte de l'évolution des charges, nous nous basons dans notre formule de prix actuelle sur 475 euros les 1 000 litres.

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La Confédération paysanne estime que le prix devrait être fixé à 440 euros pour couvrir les coûts de production et à 500 euros pour rémunérer les agriculteurs. Pour le CNIEL, ces deux prix devraient être respectivement de 442 et 561 euros. Qu'en pensez-vous ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Il faut distinguer le coût de production du prix de revient : le premier représente l'addition des charges, alors que le second déduit de ces charges les revenus tirés de la vente d'animaux pour la viande et les aides de la PAC.

Pour notre part, nous avons évalué le prix de revient du lait à 475 euros les 1 000 litres. Ce prix couvre les charges et permet de rémunérer les producteurs à hauteur de deux Smic annuels. C'est le prix minimum indispensable pour conserver la filière, mais il n'est pas assez élevé pour encourager suffisamment de jeunes à s'installer et à reprendre des exploitations. Je parle bien de Smic annuel car si je calculais en termes de rémunération horaire, je ne ferais pas beaucoup d'envieux… En fait, je ne suis pas persuadé que ce prix permette d'assurer le renouvellement des générations de producteurs laitiers, et je pense qu'il n'est pas assez élevé par rapport au travail fourni.

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Le prix de 425 euros les 1 000 litres, prévu dans l'accord conclu avec Lactalis, est donc inférieur au prix de revient calculé par le CNIEL et à vos propres évaluations, s'agissant du marché intérieur.

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Ce prix résulte de la formule de prix appliquée à l'ensemble des marchés, intérieur et à l'export. Pour le marché intérieur, le prix retenu est de 463 euros. Il est formé des 70 % correspondant au prix de revient, fixé à 465 euros, et des 30 % de l'indice PVI, autrement dit la dimension où la marche en avant n'est pas respectée, qui avoisine les 435 euros. Une fois intégrés les prix correspondant aux PGC à l'export et aux produits industriels, qui sont très inférieurs à ceux du marché intérieur, on arrive à ce prix de 425 euros.

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Balthazar Boëssé, coordinateur de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Je voudrais corriger un chiffre : le prix retenu pour les 70 % correspondant au prix de revient n'est pas de 465, mais de 475 euros.

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Le prix final de 463 euros, pour le marché intérieur, est donc bel et bien en dessous des estimations du CNIEL.

Pourriez-vous revenir sur l'indice PVI ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

L'indice PVI dresse un constat a posteriori du marché. Pour nous, producteurs, il va donc à l'encontre de la marche en avant.

L'accord noué en 2019 entre l'UNELL et Lactalis était compatible avec Egalim 1 en ce qu'il intégrait le prix de revient dans la formule du prix. Entre 2019 et 2022-2023, nous nous sommes d'ailleurs sentis très seuls car aucun autre acteur ne le faisait de manière aussi claire et transparente. Nous étions aussi en décalage puisque, de 2019 à 2021, il faut reconnaître que notre prix a toujours été supérieur à ceux du marché et des concurrents de Lactalis. Cette intégration avait donc une vraie vertu.

Egalim 2 a introduit la notion de sanctuarisation des matières premières agricoles. Selon nous, cela doit se traduire par une prise en compte à 100 % du prix de revient sur le marché intérieur. Mais la loi n'est pas aussi claire et précise que cela, et Lactalis en fait une interprétation différente. L'évolution de la loi permettra peut-être d'éclaircir les choses. Quoi qu'il en soit, le compromis que nous avons trouvé en portant de 50 % à 70 % la part du prix de revient sur le marché intérieur nous permet d'avoir de meilleures conditions que d'autres acteurs de la filière. Nous espérons que tout le monde ira dans notre sens pour faire disparaître les PVI de la formule de prix et respecter la marche en avant.

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Le médiateur s'est-il exprimé sur cette méthode de construction des prix, en particulier sur le PVI ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Je ne veux pas parler pour lui. Je pense qu'il a fait le constat que toutes les entreprises utilisent cet indicateur. Il a fortement œuvré pour que sa part dans la formule de calcul des prix diminue et a fait savoir que l'objectif était de l'en faire disparaître, mais que tout le monde devait avancer au même rythme, afin d'éviter toute distorsion de concurrence entre les industriels – ce dernier point ne me regarde pas trop. Le passage de 50 % à 70 % de la part du prix de revient s'inscrit dans cette démarche, et j'espère que les derniers 30 % ne tarderont pas à disparaître.

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D'après un graphique publié par la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait) en janvier 2024 sur l'indice de soutien au renouvellement des générations corrélé au prix du lait, le prix d'achat de 405 euros fixé par Lactalis – ce n'est pas très cohérent avec ce que vous nous dites – place le groupe tout en bas de l'échelle. L'argument de l'alignement sur la concurrence ne tient donc pas.

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

C'est justement en janvier que Lactalis a voulu nous imposer ce prix de 405 euros, mais il a évolué depuis. Pour bien interpréter ce graphique, il faut regarder le mix produit de chaque entreprise. À la droite du graphique, avec un prix plus avantageux, on trouve des entreprises qui font, pour la plupart d'entre elles, 100 % de leurs ventes sur le marché intérieur. Elles ne sont donc pas soumises aux cotations export qui sont aujourd'hui moins valorisantes. Mais si vous prenez un graphique équivalent pour 2022, vous verrez que les colonnes sont en ordre inverse, puisque le marché à l'export était alors très rémunérateur. Ce qui est plus gênant dans ce graphique de janvier, c'est que l'on constate des écarts très significatifs, dans sa partie gauche, entre des entreprises ayant un mix produit très semblable. C'est l'objet des désaccords et des manifestations de cet hiver car, si l'on peut comprendre qu'il y ait des différences de prix entre des entreprises qui ont des mix produit très différents, ou entre celles qui sont exclusivement sur le marché français et celles qui sont pour moitié à l'export, il est plus difficile de le comprendre quand il s'agit d'entreprises qui vendent les mêmes produits et dans une même proportion.

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Savez-vous si la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a effectué des contrôles sur les contrats passés et le respect des lois Egalim ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Je ne doute pas que la DGCCRF réalise des contrôles, mais je regrette que ceux-ci portent principalement sur les transactions entre les transformateurs et les distributeurs. La partie entre les producteurs et les transformateurs n'a, pour ce qui est de l'UNELL, jamais été contrôlée. Les seuls échos de contrôles qui me soient parvenus concernent le respect de l'obligation de signer un accord-cadre – la plus facile à contrôler. C'est primordial bien sûr, mais la loi Egalim ne se résume pas à cela : il faut aussi contrôler le contenu des accords. L'esprit de la loi, c'est la sanctuarisation des matières premières agricoles, qui est au bénéficie du producteur. Je n'ai malheureusement pas connaissance de contrôles à ce sujet, et je pense que cela manque.

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L'article 17 de la loi Egalim 1 étend aux produits agricoles l'interdiction de pratiquer des prix abusivement bas. Cela devrait empêcher de pratiquer des prix en dessous des indicateurs. Êtes-vous au courant de cette disposition et savez-vous, le cas échéant, si elle a fait l'objet de contrôles ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

La question est de savoir de quels indicateurs on parle. Si l'on prend le prix de revient comme indicateur, le prix du lait est en dessous. Mais si l'on prend, à l'autre extrémité, l'indicateur des marchés à l'export, le beurre-poudre, alors le prix du lait est bien au-dessus. Je ne sais donc pas comment appliquer ce texte. Comme producteur, je préférerais que le prix de revient détermine intégralement le prix du lait, mais je risque d'avoir en face de moi quelqu'un qui préfère l'inverse !

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Balthazar Boëssé, coordinateur de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Nous nous demandons justement comment un juge pourrait apprécier ce qu'est un prix abusivement bas : au regard de quels indicateurs, de quelles données ?

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C'est tout le problème du flou de ces indicateurs. Mais il est clair que la notion de prix abusivement bas signifie « sous l'indicateur du coût de production ».

Avez-vous une idée des marges qui sont pratiquées par Lactalis ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Nous n'avons pas du tout le même niveau de transparence. Les producteurs de lait, pour établir leur prix de revient, fournissent l'ensemble de leurs chiffres. Tout est entièrement dévoilé, certes avec deux ans de décalage. Nous n'avons en revanche aucune visibilité sur les marges des transformateurs. Le droit des affaires peut expliquer certaines restrictions, mais il n'y en a pas moins là un déséquilibre problématique. Cette opacité vaut pour les marges aussi bien des transformateurs que des distributeurs, et cela en dépit de l'existence de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

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Pouvez-vous nous rappeler pourquoi vous n'avez pas d'autre client que Lactalis ? Comment vous organisez-vous ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Nous avons des contraintes de conservation et de logistique, liées au produit. Notre lait n'est pas stockable : il doit être transformé – et donc sortir de la ferme – sous deux ou trois jours, et ceci toute l'année, week-ends et Noël compris. Pour cela, il faut un transport froid, sachant que le modèle agricole français, qui a beaucoup de vertus, fait que presque aucune ferme ne peut remplir un camion en trois jours. C'est une contrainte logistique spécifique à la filière laitière.

Le fait que nous n'ayons qu'un seul client remonte à la création des OP, qui s'est faite en majorité de manière verticale, avec un seul client par organisation. Comme je l'ai dit, la production était alors stable, voire en augmentation : aucun industriel n'avait donc le besoin ni l'envie de prendre de nouveaux producteurs puisque ses besoins étaient assurés, et tout était cadré.

Cela risque d'évoluer très vite. Depuis deux ans, des producteurs rompent leurs contrats pour changer de client. Cela se fait pour l'instant de manière individuelle, mais je pense que les OP devraient gérer ces choses. Reste le poids de l'histoire, qui explique certaines lenteurs : les producteurs sont très attachés à leur client historique – il va falloir faire évoluer les mentalités sur ce point – et les OP sont beaucoup plus récentes que les entreprises qui sont leurs clients. Tout cela va évoluer. Il faudra également se pencher sur la forme juridique des OP, qui n'ont pas été conçues comme des organisations commerciales – il n'y a pas de transfert de propriété avec le producteur pour l'instant. D'autres contraintes techniques existent : les OP ont mandat pour la facturation, mais très peu d'entre elles ont la capacité de la réaliser, faute de disposer des données sur la qualité ou les volumes collectés. Ce sont des sujets interprofessionnels, mais certains acteurs de l'interprofession traînent des pieds quand il s'agit de débloquer les données nécessaires à ce que les producteurs maîtrisent la facturation, ce qui est le cours logique de la démarche.

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Mais est-ce qu'un adhérent de l'UNELL, qui produit pour Lactalis, a la possibilité de changer de client ? Vous avez parlé de l'attachement historique des producteurs à leurs clients : dans la mesure où Lactalis est un de ceux qui rémunèrent le plus mal, on imagine que cet attachement va finir par s'éroder.

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Nous ne sommes pas organisés, à l'heure actuelle, pour proposer d'autres clients au sein de l'OP, même si les choses vont changer très rapidement. Un producteur n'est en revanche pas contraint de rester avec Lactalis, s'il peut trouver un nouveau client : notre accord-cadre permet au producteur de rompre le contrat, avec un préavis de six mois, ce qui est assez négligeable au regard du temps de production. Mais il devra trouver un nouveau client dans une zone géographique cohérente pour respecter les contraintes logistiques que j'évoquais tout à l'heure.

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Des coopératives ou des industriels se sont-ils entendus pour se répartir le territoire, en le divisant en régions de collecte où ils créeraient des monopoles ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Je ne pense pas qu'il existe de monopole dans la filière laitière. Lactalis, le leader, fait moins de 20 % de la collecte française.

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Au niveau régional, il y a des réalités, en matière d'usines et de transport. Les acteurs sont nombreux dans certaines régions, beaucoup moins dans d'autres, en fonction de la densité de l'élevage. Si l'entente à laquelle vous faites allusion est celle de l'affaire qui occupe actuellement la justice à propos des accords de collecte, je n'y vois pas nécessairement un frein pour les producteurs. Au contraire, cette optimisation logistique pour les transformateurs offre des opportunités aux producteurs : si une entreprise qui pourrait devenir votre client n'a pas d'usine dans les environs, ces accords de collecte permettent de trouver une solution.

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Comment les indicateurs des marchés à l'exportation sont-ils calculés ?

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Yohann Serreau, président de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

L'indicateur beurre-poudre est calculé par une formule mathématique basée sur les contrats passés sur le beurre et la poudre 0 %, traduits en litres de lait, en déduisant le coût de transformation nécessaire pour faire du beurre et de la poudre. C'est sur ces éléments que les désaccords se font au CNIEL. Il était légitime, au vu de l'inflation, que les industriels demandent, en 2022, une réévaluation du coût de transformation ; mais la valeur avancée était discutable, et le drame qui se déroule depuis deux ans vient du désaccord sur la méthode à utiliser. À l'UNELL, nous pensons qu'en déduisant l'intégralité du coût de transformation beurre-poudre, on reporte sur les producteurs tout le risque afférent à la volatilité de ces marchés à l'exportation. Nous avons donc demandé, au mois de décembre, que ce risque soit partagé entre l'industriel et le producteur, de sorte que chacun doive être performant.

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On est tout de même à l'opposé de la logique de la marche en avant : on part du marché, on déduit la marge de l'industriel et on arrive au prix payé au producteur.

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Balthazar Boëssé, coordinateur de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

C'est ce que, dans la filière lait, nous avons toujours fait, si bien que cela a fini par nous paraître presque naturel.

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C'est historique, mais l'esprit de la loi Egalim était d'inverser la méthode de construction des prix.

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Je vous remercie pour cet échange approfondi. Nous aurons l'opportunité d'interroger la direction et la présidence de Lactalis le mois prochain.

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Balthazar Boëssé, coordinateur de l'Union nationale des éleveurs livreurs Lactalis

Je voudrais juste revenir sur le mot de « diktat » que nous avions employé, avec Yohann Serreau, dans la communication de l'UNELL. C'est un mot fort, qui reflétait une situation précise à un moment où Lactalis voulait imposer un prix. En effet, une bonne part de l'activité de l'UNELL consiste à éviter tout diktat de Lactalis : c'est pour cela que nous nous sommes organisés et que nous nous battons, et nous sommes parvenus à faire en sorte qu'il y en ait de moins en moins. Même si le passé tente parfois de revenir, nous sommes là pour montrer qu'un prix se négocie, se discute, se construit, bref ne se décide pas au siège social de Lactalis. C'est notre raison d'être. Entre 2019 et 2022, Lactalis nous a paru sortir de cette logique. L'année 2023 a été encore plus compliquée mais nous avons réussi, début 2024, à les faire revenir sur le prix qu'ils avaient voulu imposer.

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Merci de cette précision. Pour être clair, la question que je vous ai posée tout à l'heure n'impliquait de ma part aucun jugement de valeur sur l'utilisation de ce terme.

La séance s'achève à dix-huit heures trente.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Anne-Laure Blin, M. Vincent Bru, M. Grégoire de Fournas, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, M. Charles Sitzenstuhl, M. Jean-Philippe Tanguy