Mme Emmanuelle Anthoine interroge M. le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur la réforme du calcul de la pension d'invalidité. Le décret n° 2022-257 du 23 février 2022 relatif au cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus et modifiant diverses dispositions relatives aux pensions d'invalidité a modifié les modalités de calcul de la pension d'invalidité. Ce décret impose désormais un plafond de revenus pour pouvoir bénéficier du cumul de la pension d'invalidité avec d'autres revenus. En d'autres termes, le seuil de comparaison est plafonné au niveau du plafond de la sécurité sociale. La pension d'invalidité est versée pour compenser la perte de salaire suite à un accident ou une maladie. Elle est financée par des cotisations sociales assises sur l'ensemble des revenus et qui ne font l'objet d'aucun abattement. La pension d'invalidité suit donc une logique assurantielle. Pour autant, l'imposition d'un plafond de revenu pour pouvoir bénéficier du cumul de la pension d'invalidité avec ses autres revenus afin de compenser une perte de revenus, conformément à la raison d'être de cette prestation sociale, vient rompre le lien entre cotisations et bénéfice de la prestation. Plusieurs milliers d'actifs invalides sont lésés par ces nouvelles modalités. Celles-ci représentent en outre une incitation à la désinsertion professionnelle contraire aux ambitions du modèle social français. Par ailleurs, le décret a allongé la période de référence des ressources prises en compte pour calculer le montant de la pension d'invalidité, laquelle passe de 6 mois à 12 mois. Cette évolution peut s'avérer préjudiciable pour les assurés qui resteront impactés plus longtemps par une évolution défavorable de leur activité. Les personnes invalides, en raison de leur fragilité, sont effectivement amenées à moduler leur temps de travail en fonction des fluctuations de leur état de santé. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement entend mettre fin au plafonnement du seuil de comparaison et revenir à une période de référence de 6 mois.
La pension d'invalidité vise à compenser la perte conséquente de gains ou de capacité de travail. En fonction de la situation de l'assuré, cette pension équivaut à 30 %, pour les pensionnés d'invalidité relevant de la 1ère catégorie, ou 50 % du revenu moyen calculé sur les dix meilleures années civiles de salaire, pour les pensionnés d'invalidité de catégorie 2 ou 3. La réforme mise en œuvre par le décret n° 2022-257 du 23 février 2022 vise à introduire davantage de justice pour les assurés qui souhaitent conserver ou reprendre une activité rémunérée après leur passage en invalidité afin de permettre que toute heure travaillée conduise à un gain financier. Avant cette réforme, les règles de cumul n'étaient en effet pas favorables à la reprise d'activité dans la mesure où lorsque les revenus cumulés des pensionnés d'invalidité (revenus d'activité et pension d'invalidité) dépassaient un certain seuil, alors la pension était réduite à hauteur du montant dépassant le seuil de comparaison, jusqu'à parfois être totalement supprimée dans certains cas de figure. Le seuil de comparaison était alors fixé au niveau du dernier revenu dont les assurés disposaient au cours de l'année précédant leur passage en invalidité. Cette réforme de 2022 a redéfini le seuil de comparaison. Le seuil de comparaison peut désormais être fixé soit au niveau du salaire de la dernière année d'activité avant le passage en invalidité, soit au niveau du salaire annuel moyen des dix meilleures années d'activité, selon la règle la plus favorable à l'assuré. Ce seuil alternatif a été mis en place pour éviter de pénaliser les assurés ayant connu une réduction d'activité avant leur passage en invalidité. Si ce seuil de comparaison est dépassé, alors la pension d'invalidité diminue. Plus les revenus sont élevés, plus la pension diminue. A noter que la modification de la période de référence qui a aussi été prévue par le décret de février 2022 peut également jouer sur le mécanisme d'écrêtement de la pension. Avant la réforme, l'écrêtement survenait lorsque le cumul de la pension avec d'autres revenus dépassait le salaire de comparaison pendant deux trimestres consécutifs. La réforme est venue supprimer cette notion de « consécutivité », désormais la période de référence est de douze mois glissants précédant la déclaration des ressources de l'assuré et l'écrêtement intervient dès qu'il y a un dépassement constaté du salaire de comparaison. La réforme a également plafonné ce seuil de comparaison. Ce seuil de comparaison a été limité au plafond de la sécurité sociale, soit 3 666 euros bruts par mois en 2023, soit une augmentation de 6,9 % par rapport au niveau de 2022. Le plafond mensuel de la sécurité sociale est de 3 864 € par mois en 2024, soit une augmentation de 5,4% par rapport à 2023. C'est sur ce point plus spécifique que des inquiétudes ont été formulées. En effet, certains assurés, dont les revenus étaient supérieurs au plafond de la sécurité sociale, étaient susceptibles de voir leurs revenus diminuer du fait de la réforme. Le choix de la mise en place d'un plafonnement de ce salaire de comparaison paraît justifié au Gouvernement pour deux raisons : - la première de ces raisons réside dans le principe même de la pension d'invalidité qui est un revenu de remplacement lié à la perte de capacité de gain des assurés. Il s'agit donc d'une prestation sociale qui n'a pas vocation à compléter des revenus d'activité au-delà d'un certain seuil. Par ailleurs, la réforme n'entraîne pas une suppression systématique de la pension des assurés dont les revenus seraient plafonnés. Ils peuvent en effet cumuler leur revenu d'activité plafonné et une pension d'invalidité qui n'est réduite qu'à hauteur de la moitié du dépassement du seuil de comparaison, ce qui permet un cumul partiel. En outre, le calcul de la plupart des prestations contributives de sécurité sociale est fondé sur la prise en compte d'un revenu plafonné ; - la deuxième de ces raisons repose sur le fait que cette réforme a fait plus de gagnants que de perdants. En novembre 2022, seul 1 % du total des pensionnés d'invalidité a fait l'objet d'une réduction de pension en raison du plafonnement du seuil de comparaison. Pour le régime général, l'estimation du nombre de personnes concernées par la mise en place du plafonnement représente près de 8000 pensionnés. En revanche, le système d'écrêtement de seulement 50 % du montant dépassé constaté a permis à près d'un tiers des pensionnés d'invalidité exerçant une activité professionnelle de voir une augmentation de leurs revenus. C'était l'objectif de la réforme et il est ici pleinement rempli. Il existait toutefois quelques situations où les personnes voyaient leur montant de pension d'invalidité baisser voire ramener à zéro, ces situations méritaient d'être expertisées. Tirant les conséquences de ces situations, le Gouvernement a décidé de publier le décret n° 2023-638 du 28 juillet 2023 portant le plafonnement du salaire de comparaison à 1,5 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, ce qui correspond à un montant de 5 796€ par mois. Ainsi, cette mesure permet à plus de 90 % des perdants de la réforme de voir leur pension d'invalidité rétablie. Ce nouveau calcul nécessite des délais incompressibles de mise en œuvre dans les systèmes d'information de la CNAM. Les associations de patients ont été informés régulièrement. Le nouveau mode de calcul est opérationnel pour les pensions versées à partir d'avril 2024 (pension de mars) en pré-série dans 12 départements de la région AURA et sera opérationnel à partir de mai 2024 (pour les pensions d'avril) dans l'ensemble des départements restant. Un rattrapage du différentiel entre les pensions qui auraient dû être versées à partir de décembre 2022 et celles réellement versées est prévu pour l'ensemble des assurés concernés. Sauf problème technique, le versement de ce rattrapage interviendra à partir du mois de mai 2024.
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.