M. Hadrien Clouet alerte M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la financiarisation de l'Unédic et le détournement des cotisations chômage par des investisseurs privés. Pour la première fois depuis 14 ans, cet organisme chargé de la gestion de l'assurance-chômage enregistre un excédent de 2,5 milliards d'euros en 2022. Sa situation s'améliore donc nettement. Cependant, la dette déjà constituée a atteint la somme record de 63,6 milliards d'euros en 2021. Cette augmentation s'explique en partie par la crise sanitaire, en raison d'une hausse conséquente de ses dépenses liées au financement de l'activité partielle. Mais elle résulte surtout d'un sous-financement incarné par le gel des cotisations patronales, en dépit d'une aggravation du nombre d'allocataires, d'emprunts supérieurs aux besoins pour faire « rouler la dette » ainsi que, dans une moindre mesure, du besoin de disposer de liquidité face à un calendrier décalé entre les versements d'allocations et les recouvrements de cotisations. La dette Unédic demeure néanmoins inférieure à l'endettement des entreprises financières et de l'État, rappelant que les partenaires sociaux demeurent parmi les meilleurs gestionnaires. Cette dette est aujourd'hui principalement issue d'emprunts sur les marchés financiers, par le biais de Social Bond Principles, c'est-à-dire des titres d'obligation fléchés sur certaines activités. Ces emprunts obligataires à long terme, avec garantie explicite de l'État sont, d'après l'Unédic « réalisés dans de bonnes conditions et avec une grande confiance de la part des investisseurs institutionnels« . Mais comment avoir confiance en ces investisseurs sans identité publique ? Car l'origine des investissements est très difficile voire impossible à tracer, puisque les émetteurs de ce type de titres d'obligation ne sont pas tenus de publier la liste de leurs investisseurs. Un tel manque de transparence est injustifiable, dès lors que le recours aux Social Bond Principles est devenu la principale source d'emprunts de l'Unédic et que les investisseurs privés sont remboursés par les cotisations-chômage ou la CSG dont s'acquittent les travailleurs et les contribuables. En 2020, l'organisme a émis 6 titres d'obligations pour un montant total de 17 milliards d'euros ce qui représente plus d'un quart de sa dette globale. L'année suivante, ce sont 8 emprunts sur les marchés financiers qui ont été contractés, soit 12,5 milliards d'euros, dont 10 milliards en Social Bond Principles. Ces emprunts aux marchés privés inquiètent même les analystes de l'Unédic, qui précisent sur le site de l'association qu'un « environnement de hausse forte et rapide des taux d'intérêts appelle à la vigilance des gestionnaires du régime ». Ce type d'emprunt est en effet soumis aux fluctuations boursières et à la confiance, par définition provisoire et conditionnelle, des prêteurs. En somme, le financement de l'assurance-chômage repose sur des investissements opaques et la dette de l'Unédic est détenue par des acteurs privés inconnus. Au vu de ces éléments, M. le député interroge M. le ministre sur la proportion, en flux et en stock, de billets de trésorerie, d'obligations ordinaires ou dites « sociales « (en les distinguant) ainsi que de bons à moyen terme négociable au sein de l'endettement de l'Unédic. Il se demande quelles mesures M. le ministre va adopter pour tracer les détenteurs de titres d'obligation émis par l'organisme et publier une ventilation précise des propriétaires de la dette. Peut-il présenter de façon anonymisée les plus-values individuelles réalisées par les prêteurs sur la période 2008-2022 ? Peut-il garantir qu'aucun prêteur n'a fait ou ne fait l'objet de poursuites pour fraude fiscale ou impayés ? Peut-il fournir à la représentation nationale le montant annuel et cumulé depuis 2008 des intérêts versés aux détenteurs de titres émis par l'Unédic ? Enfin, il lui demande à combien s'élève le différentiel entre le taux d'intérêt de l'Unédic et celui des bons du Trésor sur la même période.
L'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commence (UNEDIC), en application des dispositions du code du travail, est un organisme paritaire géré par les partenaires sociaux qui décident de manière indépendante de la stratégie financière du régime d'assurance chômage, dans le cadre d'un vote annuel de son Conseil d'administration. Les éléments de réponse ci-dessous ont donc été établis en lien avec les services de l'UNEDIC. 1) Concernant la structure de la dette de l'UNEDIC : L'UNEDIC dispose de différents outils de gestion financière qui peuvent être mobilisés pour faire face à ses besoins de financement. Pour assurer le financement de la dette de l'assurance chômage, à savoir la couverture des déficits prévisionnels et le refinancement des emprunts obligataires, l'UNEDIC émet sur les marchés financiers des obligations à long terme (programme « EMTN ») qui bénéficient de la garantie de l'Etat. Le montant de cette garantie est voté chaque année par le Parlement dans le cadre de la loi de finances. Pour assurer le financement de ses besoins de liquidité à court terme, ou pour rallonger la maturité moyenne de sa dette en diminuant l'encours de dette à court terme, l'UNEDIC utilise des programmes plus flexibles sans garantie de l'Etat, à savoir le programme « NEU CP » (anciennement billets de trésorerie) et le programme « NEU MTN » (anciennement bons à moyen terme négociable). Depuis 2020, et conformément à la décision des partenaires sociaux, la quasi-totalité des émissions réalisées par l'UNEDIC dans le cadre des programmes de financement de moyen et long terme respectent les principes édictés par un organisme international, l'International Capital Market Association, ce qui permet de les qualifier de « Social Bonds », c'est-à-dire de titres qui financent des projets à forte utilité sociale. Au 31 octobre 2022, l'encours de dette de l'UNEDIC est majoritairement composé d'emprunts obligataires de long terme bénéficiant de la garantie de l'Etat :
Encours (Md€) | |
Programme EMTN | 51,50 |
Dont dette Social Bond | 24,00 |
Programme NEU MTN | 5,25 |
Dont dette Social Bond | 4,00 |
Programme NEU CP | 8,59 |
Total | 65,34 |
En millions d'euros | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 |
Endettement net (encours total de dette moins la trésorerie disponible) au 31/12 | 25674 | 29758 | 33549 | 35540 | 36815 | 54611 | 63639 |
Charges financières nettes | 301 | 324 | 352 | 365 | 334 | 315 | 303 |
Ratio des charges financières nettes sur l'endettement net | 1,17% | 1,09% | 1,11% | 1,03% | 0,91% | 0,58% | 0,48% |
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