Il existe une tricherie officielle dans la déclaration des accidents du travail. Tous les syndicalistes dans n'importe quelle entreprise vous expliquent comment la direction s'arrange pour déguiser un accident du travail en autre chose ou le masquer, et ainsi faire diminuer les statistiques.
Le système est devenu plus pervers encore puisqu'il s'agit de faire participer les collectifs du travail à l'invisibilisation des accidents – je vous alerte là-dessus. Ainsi, à la Sanef, la prime d'intéressement est-elle liée à l'absence d'accidents du travail. Lorsqu'un accident survient, les collègues viennent voir la personne concernée pour la convaincre de ne pas le déclarer sinon tout le monde perd sa prime. À l'Aérospatiale, il existe un bingo de l'accident du travail : les salariés cochent des croix et, quand on atteint un certain nombre de croix, on peut libérer son bingo et gagner, mais en cas d'accident du travail, on revient à zéro. Donc on vient voir le collègue en lui disant « s'il te plaît, ne te déclare pas ». Il y a une « sous-sous-déclaration », sans compter le fait que les troubles psychosociaux ne sont pas aujourd'hui inscrits dans les tableaux des maladies professionnelles.
D'après le sociologue Arnaud Mias, hors cancers liés aux expositions à l'amiante, moins de 300 cancers sont reconnus comme maladie professionnelle alors que les épidémiologistes les plus prudents estiment que le nombre de causes liées au travail est au moins vingt fois plus important. Autrement dit, 95 % des cancers professionnels ne sont pas reconnus. Il y a là une « sous-sous-sous-sous-sous-déclaration » manifeste.
Je suis favorable aux amendements, qui adressent un signal fort au Gouvernement pour qu'il prenne à bras-le-corps cette question. On ne peut pas combattre les accidents du travail, qui sont plus importants en France que dans les autres pays européens, si on ne les recense pas de manière honnête et exhaustive. Arrêtons de tricher. Arrêtons de laisser tricher.