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Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du jeudi 13 avril 2023 à 14h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques :

La loi de finances initiale pour 2022 prévoyait 850 créations nettes de postes sur le budget général, en particulier dans les ministères de la justice, de l'intérieur et des armées. Or, nous comptons une diminution de 7 565 postes, qui se concentre sur les ministères de l'éducation – 4 424 ETP –, de l'économie – 1 624 ETP – et les armées – 1 018 ETP. La discordance entre les prévisions et leur réalisation ne signifie pas que cette baisse est artificielle. Elle manifeste sans doute des problèmes d'attractivité massifs du secteur public.

Concernant la baisse des effectifs d'enseignants, la Cour a publié en février un rapport, « Devenir enseignant : la formation initiale et le recrutement des enseignants », qui montre que ce problème est ancien, mais qu'il s'accentue et affecte majoritairement certaines disciplines et zones géographiques en tension, comme les académies de Créteil et de Versailles. Nous avons formulé des propositions concrètes pour remédier aux difficultés de formation et de recrutement. Le problème global d'attractivité, qui ne se résume pas à la question de la rémunération, soulève des préoccupations pour l'avenir de nos enfants et du système éducatif. Il appelle à prendre des mesures aussi précises qu'ambitieuses.

La diminution des effectifs de l'État résulte aussi d'une augmentation du nombre de départs imprévus, qui doivent être compensés par des recrutements supplémentaires. C'est notamment le cas pour les ministères de l'éducation, de l'intérieur, des armées et de la justice.

Il est difficile d'effectuer des prévisions pour 2023 et les années suivantes. La loi de finances initiale pour 2023 prévoit près de 9 000 créations d'emplois. L'incertitude continue à peser sur les capacités à recruter.

La dépense fiscale relative au régime de taxation forfaitaire des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leur navire a vu son coût augmenter de 3,4 milliards en 2022, pour s'établir à 3,8 milliards d'euros, contre 395 millions en 2021. La raison en est la très forte croissance du chiffre d'affaires des entreprises du transport maritime, notamment du résultat comptable afférent aux activités de tonnage en 2021. En effet, le coût du dispositif représente les recettes fiscales d'impôt sur les sociétés qui auraient été perçues en l'absence de ce régime fiscal dérogatoire.

La revue des dépenses fiscales devrait selon nous être intégrée à toute revue de dépenses. Je rendrai publique dans les semaines qui viennent la liste des notes que la Cour entend réaliser d'ici le mois de juillet, mais l'une d'entre elles sera bien consacrée aux dépenses fiscales.

Le rapport dresse un bilan des règles de plafonnement des dépenses fiscales précédemment adoptées. La LPFP 2014-2019 prévoyait un plafonnement indicatif en montant du coût total des dépenses fiscales et des crédits d'impôt. Au cours des exercices, il a été systématiquement dépassé, sans qu'aucune mesure correctrice n'ait été adoptée. La LPFP 2018-2022 rompait avec cette logique : son article 20 fixait un plafond annuel exprimé en pourcentage des recettes fiscales du budget général, qui ne pouvait excéder 28 % pour 2019, 27 % pour 2020, 26 % pour 2021 et 25 % pour 2022. Trop élevé pour être contraignant, ce plafond s'est révélé inopérant. Dans le projet actuel, il n'est prévu aucun plafonnement ni en taux ni en montant, ce qui est d'autant plus dommageable qu'un dispositif de plafonnement existe dans le dispositif de lutte contre les niches sociales dans les lois de financement de la sécurité sociale. La Cour recommande d'introduire dans le projet de LPFP un plafonnement des dépenses fiscales avec des modalités qui le rendent réellement contraignant.

S'agissant de l'augmentation de 31 milliards d'euros, je n'ai pas de précisions à apporter sur les dépenses ordinaires de l'État.

Je ne peux pas davantage vous donner de chiffres sur le niveau d'investissement de l'État. Il est en tout cas considérable : nous faisons face à une montagne d'investissements, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'énergie, du nucléaire, des transitions numérique et écologique, de la recherche et de l'innovation. Or, un désendettement maîtrisé est la condition de financement de tels investissements.

Je me garderai de faire des prévisions sur le dynamisme des ressources fiscales. Le HCFP avait estimé excessive une prévision de l'élasticité à 1,5. Or, nous nous étions trompés, puisqu'elle atteint 2,2. Tout laisse à penser que 2022 a été une année extraordinaire ; mais nous pourrions avoir de nouvelles bonnes surprises sur les recettes fiscales.

Ce phénomène explique la réduction du déficit que vous évoquez, monsieur le rapporteur général, et que je salue également – mais chacun conviendra qu'elle reste trop faible. En effet, notre déficit décroît moins rapidement que celui de nos autres partenaires, faute d'actions sur la maîtrise de la dépense. Nous ne pouvons uniquement compter sur le dynamisme des recettes pour faire baisser le déficit.

Dans un contexte de forte hausse des prix des produits énergétiques, le Gouvernement a fait le choix de soutenir le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises pour un coût budgétaire de 11,1 milliards en 2022. Le coût de ces dispositifs est en effet nettement plus élevé en comptabilité générale. Les deux boucliers tarifaires ont un coût pour 2022 de 18,5 milliards en comptabilité générale pour 1,3 milliard en comptabilité budgétaire. La différence tient à la comptabilisation des provisions pour charge ou pour risque, qui ont un effet en 2022 en comptabilité générale alors qu'ils se traduiront par des décaissements éventuels plus tard : il s'agit d'un hiatus essentiellement technique. L'acte de certification repose uniquement sur des principes de conformité comptable : il ne comporte aucune évaluation politique. C'est la raison pour laquelle je réitère mon appel à l'adopter sans réserve.

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