Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du mardi 24 mai 2022 à 14h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 24 mai 2022

La réunion est ouverte à 14 h 10.

Audition publique sur le thème « Déclaration, analyse et communication autour des effets indésirables des vaccins contre la Covid-19 » (Gérard Leseul, député, Florence Lassarade et Sonia de La Provôté, sénatrices, rapporteurs)

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. – Chers collègues parlementaires, chers invités, chers concitoyennes et concitoyens qui nous suivez en ligne, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) tient cet après‑midi une audition publique sur les effets indésirables de la vaccination contre la Covid‑19 ‑ plus précisément sur le thème « Déclaration, analyse et communication autour des effets indésirables des vaccins contre la Covid‑19 » ‑, qui sera animée par le député Gérard Leseul et les sénatrices Sonia de La Provôté et Florence Lassarade, les trois rapporteurs de l'Office sur cette question.

Je rappelle que nous avons été saisis, le 9 février dernier, par la commission des affaires sociales du Sénat d'une étude sur les effets indésirables des vaccins contre la Covid‑19 et le système français de pharmacovigilance. Cette saisine faisait suite à une pétition citoyenne déposée sur le site internet du Sénat et qui a recueilli plus de 30 000 signatures. La Conférence des présidents du Sénat a confié l'instruction de cette question à la commission des affaires sociales, laquelle a donc sollicité l'Opecst.

Le contexte de ce travail est singulièrement compliqué par le calendrier électoral : l'instruction du dossier sera nécessairement à cheval sur deux législatures.

Après discussions avec les groupes politiques, nos trois rapporteurs ont été désignés pour représenter adéquatement toutes les sensibilités. Ils rendront un rapport d'étape d'ici à la fin de la législature, au début du mois prochain. L'instruction sera complétée, le cas échéant par un panel de rapporteurs élargi, après les élections législatives. Cette organisation complexe est une conséquence du calendrier électoral et de notre attachement au caractère bicaméral de l'Office, qui suppose que députés et sénateurs instruisent les dossiers conjointement.

Le 28 mars dernier, les rapporteurs, qui ont déjà travaillé sur la stratégie vaccinale pour le compte de l'Office, ont commencé leurs auditions sous forme d'entretiens. Ils dresseront, en préambule de cette audition publique, un bilan, nécessairement très succinct, de leurs dizaines d'heures d'entretien.

Presque tous les intervenants de cette audition publique ont déjà été entendus en audition de rapporteurs. Le format public permet d'élargir le débat et donne la possibilité aux citoyens qui le souhaitent de poser des questions en ligne ; je me chargerai d'en sélectionner certaines, en particulier parmi les plus « likées ». Nous donnerons ainsi une ouverture citoyenne particulière à cette audition.

J'insiste sur deux points, qui font partie des habitudes de l'Opecst comme de la feuille de route que nous a donnée la commission des affaires sociales du Sénat : d'abord, le caractère contradictoire des débats et la nécessité de prendre le temps d'écouter les parties prenantes, en particulier celles citées par la pétition citoyenne ; ensuite, la nécessité d'un débat serein et approfondi fondé sur la science, pour reprendre les termes de la lettre de mission.

Débat approfondi, je l'espère. Serein, l'expérience a montré que non... La tension qui a entouré les échanges précédemment tenus par les rapporteurs est inédite pour l'Office à l'échelle de la présente législature. Pour ma part, je reçois environ mille mails quotidiens sur ce sujet, les uns pour nous reprocher d'écouter tel intervenant, les autres pour nous accuser d'en bâillonner tel autre... Un climat assez tendu en est résulté, dont les rapporteurs ont tâché de faire abstraction. Je garantis que, dans ce contexte, ils travaillent sans a priori et avec le souci de prendre en considération les différents aspects de cette question le plus complètement possible, dans un esprit ouvert.

Je souhaite que ces ambitions soient respectées au cours de nos échanges de cet après‑midi.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

. – La vaccination contre la Covid‑19 fait partie des instruments de lutte contre la pandémie. À l'heure actuelle, près de 80 % de la population française a reçu une primo‑vaccination complète et plus de 59 % une dose de rappel.

Plusieurs sujets d'inquiétude ont émergé dans la population, avec en toile de fond la sécurité des vaccins utilisés : la rapidité avec laquelle ont été mis au point les vaccins actuellement disponibles, la technique sur laquelle reposent certains d'entre eux et l'évolution de leurs indications à la suite d'effets indésirables avérés. Je pense aussi à la limitation dans le temps de l'efficacité du vaccin : des doutes ont également été émis sur ce point.

Mes deux corapporteurs et moi‑même menons un très large cycle d'auditions. Nous avons déjà entendu plus de cinquante parties prenantes : acteurs institutionnels de la pharmacovigilance et de la campagne de vaccination, professionnels de santé, chercheurs, voix critiques sur la campagne vaccinale, qu'elles émanent de scientifiques ou de victimes d'effets indésirables.

Nous avons identifié trois axes d'étude.

D'abord, nous nous sommes intéressés au système d'évaluation et de surveillance des vaccins, pour nous assurer de son efficacité, de son bon fonctionnement pendant la crise sanitaire et de l'adaptation de son fonctionnement au caractère inédit de cette campagne vaccinale.

Ensuite, nous nous sommes penchés sur les principaux signaux d'effets indésirables, leur prévalence et leur gravité, ainsi que sur la manière dont ils ont été identifiés et pris en compte par les autorités sanitaires dans les recommandations vaccinales.

Enfin, nous avons étudié l'organisation de la campagne de vaccination et la place des effets indésirables dans la communication qui l'a accompagnée.

Cette audition publique se concentrera sur certains points, à propos desquels des interrogations subsistent. Elle portera principalement sur la déclaration et l'analyse des effets indésirables, ainsi que sur la communication à leur sujet.

Dans un premier temps, nous interrogerons les acteurs institutionnels de la pharmacovigilance et de la campagne vaccinale sur plusieurs points ayant attiré notre attention au cours du premier cycle d'auditions.

Dans un second temps, un échange se tiendra avec des scientifiques ayant pu faire entendre une voix critique sur l'analyse ou la prise en compte des effets indésirables ou sur la communication à leur sujet.

Les internautes qui nous suivent peuvent poser des questions par l'intermédiaire de la plateforme dont le lien figure sur les pages internet de l'Office ; dans la mesure du possible, nous tenterons d'en relayer un certain nombre.

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. – Je vous parle en visioconférence depuis l'Assemblée nationale : les deux assemblées sont donc présentes, ce qui reflète bien le caractère bicaméral de notre Office.

Dans la première partie de cette audition, nous entendrons Bernard Celli, responsable de la task force Vaccination à la Direction générale de la santé, et Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui est accompagnée de Rose‑Marie Tunier, directrice de la communication, Céline Mounier, directrice de la surveillance, et Tiphaine Vaillant, membre titulaire du Pharmacovigilance Risk Assessment Committee (PRAC) de l'Agence européenne des médicaments (EMA).

Nous accueillons aussi Annie‑Pierre Jonville‑Bera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), accompagnée de Joëlle Micallef, Sophie Gautier, Valérie Gras‑Champel et Marina Atzenhoffer, référents pour les différents vaccins, ainsi que le Professeur Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale.

Nos questions portent d'abord sur les autorisations de mise sur le marché (AMM). Au cours de nos auditions, nous avons compris l'intérêt et la légitimité qu'il y a eu à accorder aux vaccins contre la Covid‑19 des AMM conditionnelles – ce point ayant donné lieu à un certain échauffement. Comment s'est déroulé le processus de renouvellement de ces AMM conditionnelles ? De nouvelles données de sécurité et d'efficacité, notamment contre les nouveaux variants, ont‑elles été demandées aux laboratoires ?

Les essais cliniques ne sont pas terminés, et les laboratoires se sont engagés à en fournir les résultats finaux dès qu'ils seraient disponibles. Or il nous a été rapporté qu'une partie des personnes participant à ces essais ont finalement été vaccinées. Quels vaccins sont concernés par cette dérogation à la procédure ? Quelle incidence cela aura‑t‑il sur la validité des essais ? Cette dérogation a‑t‑elle reçu une autorisation préalable des agences sanitaires et d'évaluation ? De votre point de vue, cela peut‑il remettre en cause l'obtention d'une AMM pleine et entière pour les vaccins concernés ?

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Une autre série de questions porte sur l'évaluation de la balance bénéfices‑risques, centrale pour les recommandations par tranches d'âge et catégories d'usagers, en fonction des risques identifiés. Cette évaluation est réalisée par la Haute Autorité de santé. Au cours de la pandémie, les décisions ont été accompagnées par le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale.

Des tensions sont liées à l'utilisation de données dites de vie réelle pour mieux caractériser les vaccins et formuler ou ajuster les recommandations, notamment en ce qui concerne l'efficacité des vaccins contre les formes graves ou la mortalité. Des critiques se font entendre à cet égard. Je précise que nous ne les reprenons pas à notre compte : nous nous en faisons l'écho. Elles reposent sur le fait que ces études ont un niveau de preuve moindre que les essais cliniques randomisés et contrôlés, et que les données sont obtenues a posteriori. De ce point de vue, la situation est tout à fait particulière, compte tenu de l'ampleur du phénomène et du nombre de personnes concernées.

Une question revient souvent : est‑il prudent de vacciner les personnes en bonne santé, en l'état actuel des connaissances, au niveau d'immunité collective aujourd'hui atteint ? Comment pouvez‑vous répondre aux personnes inquiètes à cet égard, légitimement ou non ?

Comme parlementaires, nous n'avons pas vocation à prendre position sur le fait que la balance bénéfices‑risques est ou non favorable ; elle est de surcroît très évolutive. Le virus lui‑même évolue, et la façon dont nos concitoyens se protègent à travers les gestes barrières est un élément de cette balance. La connaissance évolue aussi sur les conséquences des virus et des vaccinations.

Or, toutes les politiques de vaccination reposant sur cette balance bénéfices‑risques, nous avons besoin d'une connaissance plus fine, peut‑être plus transparente, de son actualisation, en tout cas d'éléments réguliers à présenter à la population.

S'agissant enfin du système de pharmacovigilance, au sujet duquel nous avons mené de nombreuses auditions, de nombreux professionnels ont salué le volume et la transparence des informations fournies par le réseau. La qualité des dossiers médicaux réalisés en France est reconnue à l'échelle européenne et internationale, ce qui garantit la qualité du signal lorsqu'il est repéré dans le cadre des procédures actuelles.

Une alerte peut ainsi être lancée, comme pour les thromboses atypiques apparues avec le vaccin AstraZeneca. Pourtant, nous sommes étonnés que les troubles menstruels, dont on parle beaucoup et depuis des mois, ne soient toujours pas reconnus comme effets indésirables. Comment cela est‑il possible ? Que manque‑t‑il pour que cet effet soit reconnu ? S'il est manifestement sans gravité dans la majorité des cas, sa non‑reconnaissance nous empêche de disposer de plus de précisions pour les cas les plus graves. Ces troubles interpellent par leur fréquence et ont inquiété des femmes, notamment jeunes. « Ce n'est pas grave » n'est pas une réponse étayée sur un plan scientifique et médical.

Ce sujet pourrait apparaître comme faisant l'objet d'une dissimulation. C'est un facteur d'inquiétude et d'étonnement, au sujet duquel un certain nombre de nos concitoyennes n'ont pas eu de réponse ou de réassurance factuelle.

Enfin, nos dernières questions concernent la communication, dont nous disons depuis le début qu'elle est centrale pour l'adhésion et la bonne information de toutes les parties prenantes. Toute erreur de communication peut se payer cher.

Je pense en particulier à la communication vers le grand public pour inciter à accepter la vaccination. Il faut un discours de vérité, mais des effets indésirables, graves ou non, sur lesquels on est transparent peuvent aussi être contreproductifs par rapport à la promotion de la vaccination. Où trouver l'équilibre ? La transparence est néanmoins un élément essentiel de l'adhésion. L'identification a posteriori d'une non‑transparence pourrait être délétère pour l'ensemble de la prise en charge vaccinale, au‑delà même de la Covid.

En particulier, la balance bénéfices‑risques est un élément majeur sur lequel il faut communiquer. Or elle n'a pas toujours été lisible pour le grand public. Par exemple, les notices imprimées qui devaient être mises à disposition des personnes vaccinées, mentionnant les effets indésirables, ne l'ont pas toujours été. Comment expliquer que cette dimension n'ait pas été pleinement prise en compte ?

La communication vers les professionnels de santé est également essentielle, pour guider les prises en charge et mieux conseiller les patients. Nous avions dit dès le début que les médecins traitants joueraient un rôle central pour l'adhésion vaccinale, ce qui s'est confirmé. Les fameux « DGS Urgent » sont nombreux, sur des sujets divers et d'importance inégale du point de vue de la pharmacovigilance et de la détection des effets secondaires. Dans ces conditions, il est difficile pour un médecin généraliste ou un professionnel de santé de faire le tri.

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. – Je rappelle que l'instruction des dossiers appartient aux rapporteurs. Pour ma part, je m'assure que le travail avance, dans le respect des procédures.

Nous demandons à présent aux intervenants de répondre à celles des questions posées qu'ils s'estiment légitimes à traiter.

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Bernard Celli, responsable de la task force Vaccination au sein de la Direction générale de la santé

. – La task force Vaccination a été créée en octobre 2020 pour mettre en œuvre la campagne de vaccination voulue par le Gouvernement. Il s'agissait notamment d'assurer une forme de coordination entre les ministères concernés, les administrations concernées au sein du ministère des solidarités et de la santé et les autres structures impliquées, dont les autorités scientifiques – Haute Autorité de santé et Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale –, mais aussi les opérateurs comme Santé publique France et l'ANSM.

Au sein de la task force, un pôle est chargé de la stratégie vaccinale et de l'élaboration de la doctrine, à travers notamment les « DGS Urgent » – nous pourrons revenir sur leur fréquence, mais, en temps de crise, il faut produire de la doctrine pour informer les professionnels de santé. Un autre pôle s'occupe de l'approvisionnement, en liaison avec les laboratoires et la Commission européenne. Un autre traite de la logistique, en collaboration avec Santé publique France. La task force dispose également d'un pôle pour les systèmes d'information, d'un pôle territorial, en relation avec les agences régionales de santé et les collectivités territoriales, d'un pôle indicateurs, qui s'assure que les chiffres collectés ont du sens et modélise les scénarios d'évolution de la campagne, et d'un pôle communication.

Nous sommes aujourd'hui 25 personnes environ. À des moments plus intenses de la campagne, nous étions beaucoup plus nombreux.

Depuis le 27 décembre 2020, 144,3 millions d'injections ont été réalisées, dont 54,4 millions de premières injections et 41,9 millions de rappels. Ces nombres sont vertigineux : on n'a jamais autant vacciné dans notre pays que ces dix‑huit derniers mois.

La vaccination assure une protection importante de la population, en particulier des personnes les plus fragiles. Elle a permis d'éviter des drames humains, que des personnes décèdent ou partent en réanimation. Elle a permis au plus grand nombre d'entre nous de retrouver progressivement une vie normale.

Par comparaison avec les autres pays, la France a mené une campagne de vaccination très encourageante. Quelques pays ont une meilleure couverture en termes de primo‑vaccination, comme l'Espagne ou l'Italie. Mais la plupart des pays européens, dont le Royaume‑Uni et l'Allemagne, affichent une campagne plutôt moins bien réussie. Nos chiffres sont meilleurs que la moyenne européenne.

Nous partions pourtant de loin, puisque, en décembre 2020, près de 60 % de nos concitoyens étaient réticents face à la vaccination. L'adhésion s'est améliorée parce que nous avons pu convaincre de la qualité et de la sécurité des vaccins proposés.

Cette campagne vaccinale est une prouesse humaine. Elle a mobilisé de nombreux acteurs de la sphère santé et a conduit à l'ouverture de centres massifs – un engouement s'est manifesté chez les professionnels pour y travailler. Les professionnels de ville se sont aussi largement mobilisés.

Les prouesses ont été aussi logistiques, au vu notamment des températures de conservation des vaccins. Nous avons apporté les vaccins dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), alors que, dans d'autres pays, ce sont les personnes fragiles qui ont dû se déplacer.

Nous avons mobilisé des vaccins sûrs et efficaces. Ce caractère sûr et efficace a été attesté par des autorisations délivrées par des institutions indépendantes – Agence européenne des médicaments (EMA) et HAS. En aval, le système de pharmacovigilance piloté par l'ANSM, intrinsèquement très performant, a été encore renforcé dans le cadre de la campagne.

La campagne a été guidée par un maître mot : transparence. Dès qu'un signal était identifié, il était traité et analysé. Rien n'a jamais été caché. Cette transparence a largement contribué à l'adhésion de la population à la vaccination.

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – Je vous remercie d'avoir associé à cette audition l'ANSM ainsi que les centres régionaux de pharmacovigilance, un maillon indispensable dont le réseau territorial est assez unique en Europe et dans le monde.

L'AMM conditionnelle suscite légitimement de nombreuses questions. Ce procédé n'est pas nouveau : il existe depuis 2004. Il garantit un accès rapide à un médicament ou un vaccin lorsqu'un besoin médical n'est pas couvert et que la situation sanitaire est particulière. Tel était le cas pour la mise à disposition des vaccins contre la Covid‑19.

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. – Pouvez‑vous donner des exemples d'autres cas où cette procédure s'est appliquée ?

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – J'allais y venir : en 2020, il y a eu 13 AMM conditionnelles, et près d'une cinquantaine ont été accordées depuis que cette procédure existe, notamment en oncologie.

L'AMM conditionnelle repose sur la mise en évidence d'un rapport bénéfices‑risques positif, sur la base de données certes non complètes, mais suffisamment importantes. L'évaluation de ce bénéfice est collégiale à l'échelon européen. Lorsque le bénéfice est attesté et qu'il serait délétère pour les patients d'attendre la mise à disposition des données complètes, l'AMM conditionnelle permet d'éviter des pertes de chance.

Le terme « conditionnel » peut prêter à confusion. Il s'agit bien d'une autorisation de mise sur le marché précoce pour donner accès à un médicament ou un vaccin dans une situation sanitaire précise, avec un rapport bénéfices‑risques positif et la garantie que l'industriel sera en mesure de fournir des données complètes.

Une AMM conditionnelle est assortie d'obligations spécifiques, disponibles en toute transparence sur le site de l'EMA. Pour les cinq vaccins déjà disponibles – d'autres sont en cours d'évaluation –, elles définissent les données qui doivent encore être fournies : rapports finaux d'étude ou nouvelles études.

En matière de vaccins, les données proviennent d'essais cliniques. Des études randomisées ont ainsi été réalisées. Un suivi est assuré de l'ensemble des personnes incluses dans les essais. Au moment de l'AMM conditionnelle, nous disposions donc d'un certain recul sur l'efficacité comme sur la sécurité des vaccins. Le suivi au fil du temps permet d'apprécier la durabilité de l'efficacité et l'évolution des effets indésirables. De manière assez classique, les participants aux essais cliniques sont suivis pendant environ deux ans après la fin de l'essai.

Ainsi, des données fournies par les industriels comme par les acteurs de la surveillance ‑ pharmacovigilance et pharmacoépidémiologie ‑ parviennent en permanence à l'EMA, qui coordonne les agences sanitaires nationales, chargées de l'évaluation. Nous sommes corapporteurs pour le vaccin Comirnaty.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Vous parlez d'un suivi pendant deux ans après la première dose. Mais que se passe‑t‑il en cas d'itération des injections, en particulier quand on mélange différents vaccins ?

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – Un suivi d'une durée moyenne de deux ans est assuré dans le cadre de l'essai d'origine. Les indications des vaccins évoluant, un suivi est également assuré avec d'autres participants. Il y a donc tout un corpus de données qui doivent être fournies par les industriels dans le cadre des essais cliniques ‑ les PASS ( post‑authorization safety studies ) et PAES ( post‑authorization efficacy studies ), qui traitent respectivement de la sécurité et de l'efficacité. Ces données sont évaluées collégialement par les autorités sanitaires européennes. L'évolution de la connaissance se traduit au fur et à mesure dans les résumés des caractéristiques des produits (RCP) et les notices.

Une AMM, conditionnelle ou non, évolue en permanence. Le suivi est lui aussi permanent.

Une AMM conditionnelle est révisée annuellement, avec un objectif d'évolution vers une AMM pleine et entière, une fois remplies les obligations spécifiques dont j'ai parlé. Hors vaccins, le délai moyen de transformation en AMM pleine et entière est de trois ans et demi. La révision intervenue fin 2021 repose sur une évaluation synthétisant l'ensemble des données disponibles. Nous sommes dans une situation extraordinaire, au sens propre du terme, avec une vaccination massive : nous avons donc acquis une quantité de données extrêmement importante, sur l'efficacité comme sur la sécurité.

Le dispositif de surveillance renforcée mis en place par l'ANSM repose sur deux jambes : pharmacovigilance et pharmacoépidémiologie. Il a permis une actualisation en temps réel et la production des données en vie réelle, possiblement considérées comme moins probantes qu'un essai randomisé en double aveugle, encore considéré comme le gold standard. En l'occurrence, la combinaison des deux est indispensable.

J'en viens aux variants et aux études d' immuno‑bridging. De fait, la situation actuelle rend difficile, voire impossible, la constitution d'un groupe témoin non vacciné. Les premiers vaccins ont été réalisés sur la base d'essais cliniques d'efficacité. Pour les nouveaux vaccins en cours d'évaluation, il est difficile de mettre en place un groupe témoin. C'est là qu'intervient l' immuno‑bridging, qui consiste à comparer les réponses immunitaires obtenues par les différents vaccins. Il s'agit d'établir si le candidat vaccin fait aussi bien, ou peut‑être mieux, que les vaccins déjà autorisés. Le même principe est appliqué pour les vaccins annuels contre la grippe. Il n'y a donc là rien de nouveau.

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. – Pour bien comprendre : sur une population encore « naïve », on peut pratiquer des essais in vivo, en comparaison avec un groupe témoin. Dans le contexte lié aux nouveaux vaccins et aux nouveaux variants, on fait des comparaisons et on extrapole, c'est bien cela ?

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – Pour être tout à fait précis, on compare les vaccins entre eux, et non plus un vaccin avec le placebo. Par ailleurs, les données en vie réelle permettent d'apprécier finement l'évolution de l'efficacité comme de la sécurité sur un très grand nombre de personnes.

Le groupement d'intérêt scientifique (GIS) EPI‑PHARE est une force d'expertise publique, dénuée de tout lien d'intérêts – comme, du reste, moi‑même et l'ensemble de mes collaborateurs –, qui mobilise des données extrêmement précieuses sur les 68 millions d'assurés sociaux. Il publie régulièrement et en toute transparence les études réalisées ; cinq ont été menées sur l'efficacité des vaccins en vie réelle, trois sur la sécurité, notamment sur les myocardites.

Une autre procédure existant depuis de nombreuses années a été mobilisée : la rolling review, initiée lors de l'arrivée des premiers antirétroviraux contre le VIH. Il s'agit d'accélérer la mise à disposition des médicaments ou des vaccins sans compromettre l'évaluation de leur qualité. Dans ce cadre, les industriels fournissent des données en continu, et les rapporteurs également travaillent en continu.

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. – Plusieurs internautes signalent que vous avez parlé de traitements, contre le cancer ou le VIH. Est‑ce la première fois que l'AMM conditionnelle est employée pour un produit préventif ?

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – D'autres vaccins ont été concernés par la rolling review. Je pense au vaccin contre Ebola – il s'agissait d'une autorisation européenne à destination de pays tiers.

S'agissant de l'AMM conditionnelle, je n'ai pas la réponse à l'esprit, mais je ferai vérifier.

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. – De manière générale, si nous avons besoin de compléments, ils pourront nous être transmis par écrit. Cela vaut aussi pour les questions posées par les internautes, d'autant qu'elles sont extrêmement nombreuses.

Notre collègue Catherine Procaccia signale que les anticorps ne sont pas forcément des indicateurs très significatifs de la protection immunitaire. Peut‑être le professeur Alain Fischer peut‑il prendre le relais à ce stade de l'audition.

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Pr. Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Il faut distinguer l'évaluation des anticorps à l'échelle individuelle et à l'échelle de la population. Pour un individu donné, sauf s'il est profondément immunodéprimé, le titre des anticorps ne prédit pas le niveau de protection, d'autant qu'il y a différents types d'anticorps et qu'ils ne sont pas tous neutralisants. En revanche, les études dont a parlé Mme Ratignier‑Carbonneil visent précisément les anticorps neutralisants contre plusieurs variants ; sur des milliers de personnes, ces données sont statistiquement puissantes et donnent une indication certes imparfaite, mais pertinente.

Jamais dans l'histoire de la médecine, et de la vaccination en particulier, un niveau de surveillance et d'évaluation aussi élevé n'a été mis en œuvre : en France, avec notre réseau qui est réellement impressionnant ; en Europe, avec un travail en commun au niveau de l'EMA ; et à l'échelle internationale, au moins dans les pays développés. La masse d'informations quotidiennement recueillies, sur l'efficacité comme sur la sécurité des vaccins, est inégalée.

Tout cela est assurément unique et justifié par la gravité d'une pandémie qui, je le rappelle, a causé 17 ou 18 millions de morts dans le monde. En France, elle a entraîné près de 150 000 décès et 800 000 hospitalisations.

Je puis témoigner de l'absolue transparence dans la transmission des informations, en particulier sur les questions de sécurité, même quand cela a coûté. Ainsi, dès les premiers jours des premiers essais cliniques, on a su qu'il y a avait un risque faible – de l'ordre de 1 pour 100 000 – de choc anaphylactique avec les vaccins ARN. En ce qui concerne les accidents thrombo‑emboliques avec AstraZeneca, l'alerte a été lancée à l'échelle européenne alors que le nombre de cas était encore extrêmement limité. La France, en particulier, a fait un travail exhaustif d'enregistrement de ces cas, au vu de leur gravité.

Il fallait le faire. Malheureusement la conséquence en a été, au moins en France, une perte de confiance du public dans le vaccin AstraZeneca et, dans une certaine mesure, dans le vaccin Janssen, à un moment où nous n'avions pas assez de vaccins ARN pour toute la population. C'est un contre‑effet négatif, mais qu'il faut assumer, d'une transparence qui n'aurait pas pu être plus complète.

Les myocardites constituent le dernier effet indésirable indiscutable des vaccins. Là aussi, les informations ont circulé immédiatement, sans aucune retenue, au point d'entraîner, probablement, un excès de précaution de la part de la population.

Plus généralement, 1 500 personnes meurent chaque jour en France. Si 100 000 personnes sont vaccinées un jour donné, statistiquement, 25 mourront dans les dix jours et 75 dans le mois. Sont‑elles mortes de la vaccination ou d'une autre étiologie ? Il s'agit de distinguer la concomitance de la causalité. En confondant les deux, on risque d'arriver à des chiffres astronomiques, mais qui n'ont aucun sens, qu'il s'agisse de mortalité ou de complications de tous ordres.

Où en serions‑nous aujourd'hui s'il n'y avait pas eu de vaccin ? Combien de morts, d'hospitalisations, de mois de confinement supplémentaires ? Je vous pose la question, à tous. Des travaux ont déjà été menés sur ce sujet, en France et aux États‑Unis. En août dernier, une équipe de Saint‑Étienne a estimé à 25 000 le nombre de vies sauvées en France. Ce travail n'est pas simple, mais doit être mené. Ayons à l'esprit que beaucoup de personnes sont en vie parce qu'elles ont été vaccinées.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

. – Nous en sommes tous à peu près persuadés, mais ce sera l'objet d'une autre enquête, je pense...

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Pr. Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Au‑delà des études randomisées, qui s'arrêtent au bout de six mois ou un an, il y a les études observationnelles, certes un peu moins rigoureuses, mais portant sur des effectifs considérables. Ces études sont faites à tous les stades de la vaccination et en fonction des variants.

Par ailleurs, une méthode est utilisée, le test‑negative design, qui consiste à calculer la proportion de personnes atteintes de la Covid‑19 et la proportion de personnes vaccinées parmi celles qui présentent un signe clinique. Il s'agit d'une méthode assez rigoureuse, plus que les études observationnelles. Or les multiples études menées confirment l'analyse bénéfices‑risques des vaccins.

En matière de communication, il n'y a pas eu de dissociation entre le traitement des effets indésirables et celui de l'efficacité. Ou plutôt, on a plus parlé des premiers que de la seconde, typiquement dans le cas des accidents thrombo‑emboliques – ce qui est compréhensible. En l'absence d'événement particulier, l'analyse bénéfices‑risques, à chaque fois largement positive, a été globalement abordée.

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Laurence Muller‑Bronn, sénatrice

. – De jeunes enfants ont été vaccinés avec des doses pour adultes avant l'arrivée des vaccins pédiatriques, à la mi‑décembre 2021. Selon les données de Santé publique France et un article du Monde du 18 novembre 2021, 22 490 enfants français de moins de 12 ans sont concernés par une dose au moins ; 17 199 ont été complètement vaccinés. On recense parmi eux des enfants de moins de 5 ans : 4 512 ayant reçu une dose et 2 436 deux doses. Or il n'y a ni étude clinique ni autorisation légale pour ces injections.

Un dispositif de pharmacovigilance a‑t‑il été mis en place pour suivre les 22 490 enfants vaccinés par un régime d'exception, notamment ceux qui ont moins de 5 ans ? Dans le cas contraire, pourquoi l'ANSM ne rapporterait‑elle pas les données relatives à ces enfants ?

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Dr Annie‑Pierre Jonville‑Bera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV)

. – Les centres de pharmacovigilance sont des structures hospitalières indépendantes, hébergées dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), composées de pharmacologues, médecins et pharmaciens qui sont chargés du recueil, de l'analyse et de l'expertise médicale des effets indésirables des médicaments ou de leur suspicion. Nous avons assuré la surveillance des vaccins avec toute la rigueur nécessaire, malgré une surcharge de travail particulièrement importante au cours de l'année concernée.

La finalité de notre activité n'est pas d'enregistrer tout ce qui se passe, mais de détecter les signaux potentiels, c'est‑à‑dire des effets indésirables nouveaux, graves ou non, qui pourraient conduire à modifier le bénéfice‑risque d'un produit, y compris d'un vaccin, ou bien encore la campagne de vaccination. Il ne s'agit donc pas d'un enregistrement exhaustif.

L'organisation de notre réseau favorise un niveau de sensibilité très intéressant pour la détection de signaux faibles, avec une précocité que ne permettent pas les bases d'enregistrement d'événements. En effet, c'est grâce à l'intelligence humaine, et pas artificielle, que nous parvenons à détecter des cas et à lancer un signal, dès que nous en constatons l'existence, quelle que soit l'imputabilité du phénomène observé. Que ce soit pour les vaccins ou pour les autres médicaments, celle‑ci n'entre pas en ligne de compte pour détecter un effet nouveau ou pour lancer un signal.

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Dr Annie‑Pierre Jonville‑Bera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV)

. – Il s'agit d'une méthode que l'on utilise en pharmacovigilance. Elle fonctionne sur une comparaison entre les médicaments pour mesurer les effets indésirables de tel ou tel. Elle fournit des indications sur le délai de survenue et permet de prendre en compte les autres diagnostics étiologiques puisque, en dehors de quelques cas exceptionnels, le médicament n'est jamais la seule cause d'une pathologie. La note d'imputabilité sert d'aide‑mémoire pour éliminer les autres pathologies et éventuellement prendre en compte la bibliographie. Elle n'est toutefois pas utilisée, ni pour faire des enquêtes ni pour faire remonter des signaux.

À l'échelle européenne, un signal est plus facile à défendre si les cas ont une imputabilité très élevée, car le critère du nombre sera alors moins important.

Les centres ont souhaité mettre en place toutes les mesures nécessaires pour favoriser une détection de signal la plus précoce et la plus rapide possible. Sur les 155 000 signalements reçus en 2021 au sujet des vaccins et à partir des 50 000 questions posées par les professionnels de santé et les patients sur le lien éventuel entre telle ou telle pathologie et le vaccin, les centres de pharmacovigilance ont fait remonter plus de 1 153 cas marquants, parmi lesquels les rapporteurs des vaccins et le comité de suivi de l'ANSM ont identifié 82 pathologies, au cours de l'année, qui ont fait l'objet soit d'un signal européen, soit d'une procédure de surveillance particulière. L'agence a ainsi transmis 50 signaux potentiels à l'Europe, dont 19 de novo. Certains d'entre eux n'ont pas été retenus par les instances européennes comme les hypertensions artérielles, que nous continuons cependant de suivre, à juste titre, puisque, cette semaine, une publication a établi un lien entre le vaccin et l'élévation de la pression artérielle. Ce niveau de détection mis en œuvre par les centres de pharmacovigilance permet une grande réactivité.

En ce qui concerne les troubles menstruels, il faut rappeler que la pharmacovigilance fonctionne à deux niveaux, dont l'un est individuel et l'autre populationnel. Dans le premier cas, un patient rapporte une pathologie et à l'issue d'une analyse nous pouvons établir un lien avéré entre celle‑ci et le vaccin ; dans le second cas, l'étude peut ne pas confirmer que le vaccin augmente le risque de la pathologie, à l'échelle de la population. Cela s'explique par la particularité de certaines pathologies, par les facteurs de risques des patients ou par certains biais.

L'ANSM ne peut établir un lien avéré entre une pathologie et un vaccin qu'au terme d'une procédure réglementaire. Dès lors que les signaux lui ont été transmis, elle les fait suivre à l'Europe qui choisit d'ouvrir ou pas le signal. Une fois le signal ouvert, les études nécessaires sont lancées pour pouvoir le confirmer. L'Europe peut toutefois ne pas confirmer des signaux, même si le lien entre le vaccin et la pathologie semble évident chez certains patients.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – L'Agence ne prend pas la responsabilité de signaler des éléments d'effets indésirables potentiels si l'Europe ne les acte pas ? Il faut donc attendre l'avis de l'Europe, en quelque sorte.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

. – L'Agence retient‑elle les effets indésirables qui sont considérés comme bénins ‑ c'est le cas des troubles menstruels ?

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Pr. Sophie Gautier, référent Moderna du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – L'Agence prend en charge tous les signaux, que les effets indésirables soient bénins ou pas, et les transmet à l'Europe. Le réseau est surtout là pour identifier de potentiels signaux. Il revient à l'Agence de s'occuper de l'aspect réglementaire et d'échanger avec l'EMA. Notre rôle est de faire remonter tous les effets indésirables liés à la vaccination.

En ce qui concerne les troubles menstruels, la vaccination des femmes en âge de procréer a débuté en avril 2021. Dès le mois de juin, nous avons indiqué au comité de suivi l'existence de troubles menstruels et manifesté notre volonté de les suivre particulièrement. Nous avons opéré deux autres suivis, l'un en juillet, l'autre en septembre. Les tableaux, très larges, allaient du saignement jusqu'à l'aménorrhée et aux douleurs utérines violentes. Pour établir un descriptif précis, nous avons étudié 4 000 cas, en les traitant un par un. Au mois de décembre 2021, nous avons publié un rapport qui décrivait très précisément les caractéristiques des événements qui nous étaient rapportés.

Au niveau français, nous avons considéré dès le mois de juin 2021 qu'il fallait suivre ces cas à titre individuel, sans avoir toutefois les moyens de réaliser une estimation collective, tâche qui revient normalement à l'Europe. Celle‑ci a été saisie de la question à l'été 2021, mais a décidé de clore le signal en décembre 2021, en estimant qu'il était compliqué de trancher quant à l'existence d'un lien avec le vaccin, dans la mesure où les troubles menstruels sont multifactoriels.

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. – Quand vous parlez de « l'Europe », de quelle institution s'agit‑il exactement ?

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Pr. Sophie Gautier, référent Moderna du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – De la commission de pharmacovigilance européenne, qui se réunit tous les mois pour examiner les signaux qu'on lui a fait remonter et qui décide, après expertise, de les clore ou pas. Lorsque la commission clôt un signal, elle ne cesse pas forcément de le suivre ; elle ne fait qu'apporter une première réponse négative sur l'existence d'un lien avec le vaccin.

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. – C'est donc l'agence qui identifie les signaux à partir du recueil de témoignages.

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Pr. Sophie Gautier, référent Moderna du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – À partir des déclarations de pharmacovigilance.

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. – Une fois que l'ANSM a fait le signalement auprès de la commission de pharmacovigilance européenne, celle‑ci peut décider de clore l'instruction pour absence de preuves ?

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Pr. Sophie Gautier, référent Moderna du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – En tout cas pour absence d'éléments établissant un lien avec la vaccination.

À la suite d'études réalisées aux États‑Unis, l'Europe a décidé de rouvrir le signal sur les troubles menstruels, en février dernier, sur deux points particuliers : les saignements abondants qui gênent la vie quotidienne et les aménorrhées, soit les absences de règles pendant plus de trois mois. L'enquête est en cours et ses résultats devraient être publiés au mois de juin prochain. La France n'était pas la seule à faire remonter le signal. La Norvège, la Suède et la Grande‑Bretagne ont insisté sur la quantité de cas enregistrés. Même si les effets de ces troubles sont considérés comme bénins, car ils ne conduisent pas à l'hospitalisation, leurs conséquences sur la vie des personnes concernées restent préoccupantes.

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Pr. Joëlle Micallef, référent Comirnaty du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – Je confirme les propos de ma collègue, en tant que référent pour le vaccin Pfizer avec les trois autres centres de Bordeaux, Strasbourg et Toulouse. En effet, dès l'été 2021, nous avons analysé 230 cas de troubles menstruels. Tous nos rapports figurent sur le site de l'ANSM. Nous avons poursuivi l'enquête et publié, dans notre rapport de décembre 2021, l'analyse de 3 870 cas de troubles menstruels sur dix pages. Ce niveau de détail est révélateur d'une analyse à la française, presque chirurgicale.

Quand on parle de troubles menstruels, cela couvre en médecine différentes situations. Il a donc fallu mener un travail d'investigation très important et très fin pour identifier un certain nombre de situations cliniques dont nous avons suivi l'évolution. Nous avons pour cela recueilli l'histoire individuelle de chacune des patientes – cycle, aménorrhée, retard de règles. Il était indispensable de réaliser cette analyse à partir des symptômes plutôt que du diagnostic, même si le recueil de ces précisions médicales et pharmacologiques exigeait davantage de temps.

Enfin, concernant les enfants, en pharmacovigilance, nous réceptionnons et nous analysons toutes les déclarations qui nous parviennent, quel que soit l'âge des patients concernés. Nous n'avons aucun a priori quant aux populations et nous n'opérons aucun tri. Dès lors qu'un effet indésirable nous est signalé, nous le réceptionnons, nous l'analysons et le documentons. Actuellement, aucun signal ne concerne les enfants, malgré l'existence d'un suivi spécifique.

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Laurence Muller‑Bronn, sénatrice

. – La situation exceptionnelle des enfants qui ont été vaccinés avec des doses pour adultes, avant l'arrivée des doses pédiatriques, ne fait pas l'objet d'une pharmacovigilance particulière ?

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – Le dispositif de pharmacovigilance est global. Toute vaccination comme toute déclaration d'effet indésirable est suivie avec la même acuité, rigueur, intensité et professionnalisme, qu'il s'agisse de jeunes enfants ou de personnes âgées. Nous nous sommes adaptés en fonction de l'évolution de la campagne de vaccination, en facilitant par exemple la déclaration pour les professionnels de santé.

Pour ce qui est de l'articulation de la surveillance et des mesures à mobiliser, les centres de pharmacovigilance ont toute latitude à l'échelon national. Ils réalisent un travail important en collaboration avec l'ANSM pour faire remonter les signaux à l'échelon européen. Le sujet des troubles menstruels est toujours en cours d'évaluation, sans décision à ce stade. Toutefois, à l'échelon national, dès le mois de juin 2021, la communication a été transparente sur le sujet et l'Agence a publié, en décembre 2021, une conduite à tenir, réalisée avec les professionnels de santé. Même si l'évaluation reste en cours à l'échelon européen, nous avons toute latitude, à l'échelon national, pour mettre en place les mesures permettant de garantir la sécurité sanitaire des patientes.

Nous avons réuni en visioconférence, la semaine dernière, des collectifs de patientes et des professionnels de santé pour partager l'information sur la situation des troubles menstruels. En effet, il faut renforcer l'accès à l'information si l'on veut favoriser la déclaration en matière de pharmacovigilance.

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Pr. Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Faut‑il vacciner les personnes en bonne santé ? Oui, car elles ne sont pas à l'abri de développer une forme grave de la maladie – les cas sont malheureusement nombreux. En outre, la vaccination diminue le risque de transmission du virus, environ d'un facteur deux – du moins pour omicron –, ce qui n'est pas négligeable. En se faisant vacciner, les personnes en bonne santé se protègent elles‑mêmes ainsi que les personnes immunodéprimées ou les personnes âgées de leur entourage.

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. – Nous abordons à présent la deuxième partie de notre audition publique qui va nous permettre d'entendre quelques voix critiques sur l'analyse et la prise en compte des effets indésirables dans la campagne de vaccination contre la Covid‑19.

Le panel d'intervenants sélectionné par les rapporteurs au terme des échanges et des entretiens qu'ils ont menés n'a pas la prétention d'être exhaustif ou de donner une légitimité plus ou moins grande à tel ou tel. Toutefois, les rapporteurs ont estimé que les trois personnes invitées seraient les plus à même de fournir un ensemble cohérent et représentatif des critiques qui ont pu s'élever. Leur parole sera l'occasion d'un débat contradictoire.

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François Alla, professeur de santé publique à l'université de Bordeaux

. – Je m'exprime en tant que chercheur, comme praticien de santé publique et de prévention et comme acteur de la démocratie sanitaire. En ce sens, je fonde mon analyse sur des méthodes et sur des principes, qui sont ceux de la démocratie sanitaire. Ces derniers interrogent à la fois le processus de décision – c'est le volet « démocratie » – et la nature des décisions elles‑mêmes – c'est le volet « sanitaire ».

Je n'ai pas de critique majeure à formuler au titre de la pharmacovigilance et de la pharmacoépidémiologie. Qu'il s'agisse du recueil, de l'analyse ou de la mise à disposition des données, inédite à une telle échelle, en France comme à l'international, je tiens plutôt à féliciter les équipes mobilisées. Je connais d'expérience la lourdeur d'un tel travail.

Pour moi, ce qui pose problème, ce ne sont pas tant les données que la manière dont elles ont été utilisées, ou non, au titre des politiques publiques.

La communication sur les effets indésirables n'a pas été loyale : elle n'a pas permis le consentement « libre et éclairé » qu'exige le code de la santé publique.

En réalité, cette communication ne pouvait qu'être inadaptée, car elle était au service d'une stratégie inadaptée.

La France a explicitement mis en œuvre une stratégie de masse visant une immunité collective que l'on sait pourtant inaccessible par la vaccination, du moins par la vaccination seule. S'ils ralentissent la diffusion de l'infection, les vaccins ne permettent pas de l'arrêter. Ils permettent surtout – c'est leur principale qualité – de réduire la probabilité des formes graves.

La mesure de santé publique la plus évidente était donc de tout mettre en œuvre pour vacciner les personnes les plus à risque de formes graves, du fait de leur âge, de leur état de santé ou de la combinaison des deux. Or on a clairement fait l'inverse en France – les chiffres le confirment jusqu'à aujourd'hui – en vaccinant tous azimuts.

Une mesure universelle est par nature génératrice d'inégalités : qui va s'emparer des modalités de vaccination ? Les plus jeunes et les plus favorisés. Les statistiques françaises le prouvent : les personnes les plus âgées, les plus malades, les plus vulnérables socialement, ainsi que les personnes atteintes d'un handicap sont encore aujourd'hui les moins vaccinées, alors qu'elles en ont le plus besoin.

On s'est targué d'avoir l'une des meilleures couvertures vaccinales d'Europe en population générale ; on se targue un peu moins d'avoir toujours la pire en Europe de l'Ouest pour les plus de 80 ans, qui ont pourtant le plus besoin d'être vaccinés.

C'est un vrai paradoxe, un non‑sens sanitaire et un gâchis médicoéconomique, à l'heure où notre système de santé souffre d'un cruel manque de moyens financiers et humains. En santé publique, il faut aussi se pencher sur l'usage relatif des moyens mis en œuvre.

Cette stratégie d'immunité collective assumée nous a fait oublier des principes éthiques élémentaires, qui font notre contrat social : c'est extrêmement choquant du point de vue de la santé publique.

Je pense en particulier aux enfants et aux adolescents, vaccinés, non pour leur propre bénéfice, mais d'abord pour protéger les adultes.

Je vous renvoie, à ce titre, aux déclarations du début de l'année 2021 : il s'agissait d'abord d'atteindre l'immunité collective faute d'adultes en nombre suffisant.

En juin 2021, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a rappelé à quel point cette instrumentalisation des enfants heurtait les principes fondamentaux de l'éthique en santé. Puis, le discours a changé : faute de pouvoir justifier un bénéfice clinique majeur individuel pour les enfants, on a inventé un bénéfice psycho‑éducatif tout en gardant, en filigrane et sans l'assumer, la communication relative à l'immunité collective.

En annonçant la vaccination des enfants le 6 décembre 2021, le Premier ministre déclarait avoir été contaminé par sa fille de 11 ans. Il expliquait ainsi que les enfants devaient être vaccinés car ils sont des transmetteurs. Il ne s'agissait pas de les protéger, mais de s'en protéger en tant qu'adulte, au mépris des principes fondamentaux de la santé publique.

En matière de vaccination, on ne peut pas mettre en avant le bénéfice collectif sans le fonder sur un bénéfice individuel, qui plus est quand il s'agit de personnes vulnérables comme les enfants.

J'en viens aux questions de communication. Pour vacciner en masse, il fallait vacciner des personnes qui n'en avaient pas un besoin impérieux. Il fallait donc manipuler.

À cet égard, je vous renvoie aux travaux que j'ai consacrés à l'hésitation vaccinale. On se vaccine si l'on se pense vulnérable face à la maladie ; si l'on pense que le vaccin est efficace ; et si l'on pense qu'il est dénué d'effets indésirables. Il fallait donc forcer le trait sur ces trois points pour pousser des personnes jeunes et en bonne santé à se vacciner.

Premièrement, pour renforcer le sentiment de vulnérabilité, on a employé la fameuse stratégie de la peur dès le début de la crise du Covid. Tous les soirs, on a égrainé le nombre de morts à la télévision ; on a multiplié les reportages télévisés sur les jeunes adultes sportifs et en bonne santé, sans comorbidité, hospitalisés en réanimation ; puis, en janvier dernier, lors de la campagne vaccinale des enfants, on a mis l'accent sur le grand nombre de décès d'enfants.

Cette manipulation des esprits était très clairement assumée. Elle est également passée par la manipulation des chiffres : je vous renvoie au compte rendu de l'audition, au Sénat, d'Alice Desbiolles en janvier dernier.

Cette stratégie a par elle‑même de graves effets indésirables. Elle a notamment contribué à l'explosion des problèmes de santé mentale.

Santé publique France le souligne dans un rapport datant de la semaine dernière : près d'un tiers des Français présentent, aujourd'hui, un état anxieux ou dépressif. La France connaît la pire évolution d'Europe en matière de santé mentale. La stratégie de la peur est d'ailleurs proscrite depuis longtemps par toutes les sociétés savantes internationales en matière de santé publique.

Deuxièmement, pour survendre les bénéfices des vaccins, on a multiplié les slogans, comme « Tous vaccinés, tous protégés », qui relèvent des fake news au sens premier du terme.

Troisièmement, on a mis les risques sous le tapis, alors qu'ils avaient été identifiés, et même très tôt pour certains, en France ou à l'étranger. Je pense par exemple aux myocardites, détectées en Israël, l'un des premiers pays à vacciner les adolescents.

J'ai été choqué du traitement réservé aux victimes des vaccins. Elles souffrent dans leur corps, dans leur vie, et méritent considération dans tous les cas. Or, globalement, elles ont été méprisées.

Ainsi, on a rarement employé le terme de myocardite sans ajouter l'adjectif « bénigne », même si, selon les séries, 4 % à 20 % des jeunes en bonne santé qui font une myocardite post‑vaccinale se retrouvent en réanimation ; même si, pendant six mois, ces jeunes ne peuvent plus pratiquer d'activité physique ou subissent des arrêts de travail.

Le discours public et médiatique a procédé, en permanence, à la minimisation des effets ressentis et le mépris est allé jusqu'à la censure sur les réseaux sociaux : je ne parle pas de fake news propagées par les antivax, mais de témoignages de victimes s'exprimant depuis leur lit d'hôpital.

Ainsi, le bénéfice est survendu, notamment pour ce qui concerne l'immunité collective, et les risques sont mis sous le tapis, non au titre des mesures, mais en matière de communication. Or le rapport bénéfices‑risques est un enjeu essentiel.

Quelle est la démarche éthique classique en matière de santé publique, qui aurait dû être celle de la campagne vaccinale dans son ensemble ? La première règle, c'est d'objectiver préalablement ce rapport bénéfice‑risques. La seconde, c'est de garantir la transparence pour que chacun puisse consentir de manière libre et éclairée, en fonction de ses caractéristiques.

Or, à ma connaissance, aucun des avis de la HAS ou de l'ANSM n'a présenté de telles données à l'appui de leurs préconisations. Je pense en particulier au critère de l'état de santé. J'ajoute qu'il était essentiel de contextualiser les informations à la France, car il est extrêmement difficile d'extrapoler les données d'un contexte ou d'un moment à l'autre.

Ces avis se contentaient d'arguments d'autorité pour déclarer que le rapport bénéfices‑risques était favorable, sans donner de chiffres, de preuves ou simplement d'éléments. Dans le pire des cas, les autorités concernées reconnaissaient elles‑mêmes qu'elles n'en savaient rien. L'avis de l'ANSM du 18 janvier 2022, portant sur la dose de rappel chez les adolescents, commençait ainsi : « L'ANSM et l'EMA ne disposent pas encore des données d'immunogénicité, d'efficacité et de sécurité portant sur une dose de rappel chez les personnes âgées de 12 à 17 ans qui permettent d'établir un rapport bénéfices‑risques. » Dans les heures ou les jours suivants, les services du Premier ministre annonçaient que les adolescents de 12 à 17 ans pouvaient désormais recevoir une dose de rappel. Or, en janvier 2022, chez les adolescents doublement vaccinés, le risque de formes graves de la maladie n'était pas nul, mais extrêmement minime.

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François Alla, professeur de santé publique à l'université de Bordeaux

. – Je conclus, monsieur le président.

L'arrivée si rapide de vaccins si efficaces a été l'un des leviers de sortie de la crise. Malheureusement, le vaccin est souvent présenté comme le seul levier. Une stratégie en cohérence avec les caractéristiques des vaccins et les besoins de la population aurait pu contribuer à de meilleurs résultats.

Si l'on avait mieux ciblé le vaccin, on aurait encore évité beaucoup de morts : tous les jours, plusieurs dizaines de non‑vaccinés meurent encore du Covid ; ce sont des personnes extrêmement vulnérables, du fait de leur âge, de leur isolement ou de leur situation sociale. On aurait évité une casse monstrueuse dans le domaine de la santé mentale, notamment chez les jeunes. On aurait aussi évité la perte de confiance et l'atteinte à la cohésion sociale.

Je n'oublie pas non plus les conséquences en matière de santé publique : tous les autres vaccins non obligatoires ont chuté, à l'instar des dépistages de cancers. C'est un véritable gâchis.

Souvent, la démocratie sanitaire a été mise entre parenthèses de manière délibérée. Or l'information et le consentement sont non pas des obstacles à la santé, mais des conditions de la santé.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Je suis honoré de votre invitation à ce débat contradictoire si utile : il a manqué depuis le début de la crise. Nous n'avons d'ailleurs cessé de le demander et nous n'en serions pas là aujourd'hui s'il avait eu lieu plus tôt.

À titre liminaire, je déclare n'avoir aucun lien ni aucun conflit d'intérêts. Après avoir été auditionné par Mmes et M. les rapporteurs, j'ai fourni un rapport circonstancié de quatre‑vingt‑douze pages, sur la base des seules données provenant des autorités officielles – la HAS, l'Agence européenne du médicament, l'ANSM et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Le 26 avril dernier, deux nouvelles informations ont été publiées sur le site de l'ANSM.

La première figure dans les communications pour le bon usage des vaccins et des médicaments indiqués contre la Covid‑19, dont la première partie s'intitule : « Bon usage des vaccins et des médicaments indiqués dans la Covid‑19 ; mise en place d'une communication non promotionnelle à destination des professionnels de santé ». On y lit : « [...] L'évolutivité permanente et rapide de la stratégie vaccinale aux thérapeutiques ainsi que des données de sécurité et de bon usage est incompatible avec l'obligation de diffuser auprès des professionnels de santé une information exacte et à jour. »

Le même jour, sans doute en réaction aux informations que j'ai transmises aux rapporteurs, le site de l'ANSM mettait en évidence les trois compositions du vaccin Comirnaty actuellement disponibles. Il me semble que la composition initiale, qui avait fait l'objet de l'essai clinique randomisé en double aveugle de Pfizer, n'est plus en circulation. J'ai découvert ces compositions par hasard – deux formulations pour l'adulte et une formulation pédiatrique.

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. – J'entends des dénégations de la part des experts de l'ANSM.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Nous ne les avons pas interrompus ! Nous les avons écoutés attentivement et longuement, même si, pour ma part, j'étais loin d'être d'accord avec eux : nous avons assisté à un véritable festival d'affirmations générales, destinées à nourrir une appréciation d'ordre général.

Pour ma part, j'aborderai des faits précis, extraits du rapport que j'ai transmis aux rapporteurs, et je répondrai à toutes les questions qui me seront posées.

Je centrerai mon propos sur le vaccin Pfizer‑Comirnaty – c'est le plus prescrit, le premier autorisé et celui pour lequel on a le plus de recul –, mais mon raisonnement est bien entendu transposable aux autres vaccins.

Étant donné le statut retenu, celui d'une AMM européenne, centralisée, conditionnelle et dérogatoire d'urgence, nous étions en attente d'informations complémentaires, qu'il s'agisse du rapport bénéfices‑risques ou de la composition même du vaccin, ce que je considère comme inédit, en tant que pharmacien.

La phrase suivante figure dans un document publié par l'Agence européenne du médicament, auquel on peut accéder par le site de l'ANSM. Ce constat était dressé en avril 2021 et il me semble toujours valable : « L'Agence européenne du médicament attendait des preuves complémentaires concernant la caractérisation de la substance active et du produit fini, le renforcement de la stratégie de contrôle afin d'assurer une qualité constante du produit, des données de validation supplémentaires en vue de confirmer la reproductibilité du procédé de fabrication du produit fini, le procédé de synthèse et la stratégie de contrôle de deux excipients qui seraient nouveaux, l'ALC‑0315 et l'ALC‑0159, en vue de confirmer leur profil de pureté et d'assurer un contrôle de qualité et une reproductibilité entre les lots tout au long du cycle de vie du produit fini. »

En tant que pharmacien, je ne sais pas comment on a pu libérer un lot, étant donné que le procédé de fabrication n'était pas complètement caractérisé.

Un vaccin est un médicament avec deux facettes inséparables, rappelant étrangement une pièce de monnaie : le bénéfice et le risque. L'appréciation du risque se fait au regard du bénéfice escompté par catégories d'âge, démontré par des preuves de haute qualité. Le vaccin s'adresse à des personnes en bonne santé ; et, si le bénéfice n'est pas démontré, le rapport bénéfices‑risques est nécessairement défavorable. Je vous renvoie, à cet égard, à la définition de l'OMS.

Comme l'a dit Mme la rapporteure, l'information de la population est le cœur du conflit qui nous réunit aujourd'hui. Elle rejaillit en effet sur les règles de prescription et sur le consentement libre et éclairé.

Les documents officiels permettent de l'affirmer sans difficulté aucune : en décembre 2020, le jour où la campagne de vaccination a été lancée, la preuve d'une quelconque efficacité du vaccin n'avait pas été apportée, qu'il s'agisse des formes graves ou de la transmission virale. On a également oublié de dire que l'essai clinique restait en cours et que l'on était face à un produit expérimental.

Il s'agit bien d'un pari biologique. Cela ne me pose pas de problème ; mais la population a‑t‑elle été informée ?

Le Covid‑19 a tué, c'est certain. Mais il ne figure toujours pas sur les deux listes réglementaires des maladies à déclaration obligatoire, consacrées par les articles D. 3113‑6 et D. 3113‑7, associés à l'article L. 3113‑1 du code de la santé publique.

Dans un document daté du 17 juillet 2021 et intitulé « Covid‑19 et vaccins », l'organisation professionnelle Les Entreprises du médicament (LEEM) l'affirme : le Covid est plus contagieux que le SRAS et le MERS, mais présente un moindre taux de mortalité.

Malgré l'insuffisance et même l'absence de données, on a injecté le vaccin aux plus de 75 ans, par qui on a même commencé, aux immunodéprimés – à ce titre, je répondrai au représentant de la task force Vaccination tout à l'heure –, aux femmes enceintes, aux femmes qui allaitent et bien sûr aux enfants.

Je parle également en qualité de juriste, spécialisé en droit de la santé et responsable de la pharmacovigilance depuis vingt ans au centre hospitalier de Cholet.

La pharmacovigilance au sens du code de la santé publique ne consiste pas uniquement à répertorier les effets indésirables, mais à prévenir ces effets indésirables, notamment graves, comme les décès.

Le problème, c'est le lien de causalité, dont nous serons appelés à parler.

Pour prévenir les effets indésirables et, ce faisant, éviter de surcharger les centres de pharmacovigilance, il faut commencer par respecter les règles de prescription : un médecin doit prescrire selon les données acquises de la science ; un médecin comme un pharmacien, en vertu de son indépendance professionnelle, a le devoir de faire barrage aux prescriptions qui ne sont pas conformes aux données acquises de la science.

Le 11 avril 2021, nous recevons un courriel « DGS Urgent » indiquant que l'on peut aller jusqu'à trois doses chez les immunodéprimés. Or qu'indique l'AMM conditionnelle, dans sa rubrique « mise en garde spéciale » ? Que l'on ne dispose pas de données pour cette population.

Au titre du code de la santé publique, cela s'appelle un mésusage, autrement dit un comportement intentionnel inapproprié, s'écartant du cadre défini par l'AMM.

« L'urgence ne justifie pas tout ». Vous avez opposé ce principe à des traitements anciens, comme l'hydroxychloroquine, et je ne le conteste pas. Ce que je conteste, c'est le fait qu'il y ait deux poids, deux mesures.

L'information est un droit pour toute personne. Le paternalisme médical est révolu, depuis au moins la loi Kouchner. Je pose cette question au professeur Fischer : avez‑vous demandé l'avis de la population ?

Je vous renvoie au code de la santé publique et aux bonnes pratiques de pharmacovigilance, établies le 2 février 2018 par la direction générale de l'ANSM. Ces dernières sont annexées au code de la santé publique et sont donc, elles aussi, opposables.

En vertu de ces textes, l'information doit être claire, loyale et appropriée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. – On m'informe que des problèmes techniques perturbent la diffusion de cette table ronde sur le site internet du Sénat. Je suis donc dans l'obligation de suspendre nos travaux pour quelques instants.

(L'audition, suspendue à 16 heures 10, reprend à 16 heures 35.)

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Les constats que j'ai présentés précédemment conduisent à s'interroger sur les conditions de prescription et de dispensation pharmaceutique, d'autant que la méthode d'imputabilité utilisée en pharmacovigilance a deux limites, connues et admises par tous.

Premièrement, elle présente une importante sous‑notification. En novembre 2021, le réseau français des trente‑et‑un centres de pharmacovigilance twittait que seul un effet indésirable sur dix remontait.

Deuxièmement, cette méthode ne permet pas d'affirmer avec certitude un lien de causalité. Je vous renvoie aux nombreuses conférences que j'ai consacrées à cette question : si la pharmacovigilance ne peut affirmer ce lien avec certitude, ce n'est pas pour cacher quoi que ce soit, mais à cause d'une limite propre à la méthode.

Cela étant, dans un rapport de 2011, l'IGAS a formulé de sévères critiques à l'égard de la pharmacovigilance française, en soulignant que celle‑ci refusait de faire évoluer ses méthodes : dès lors, ses outils sont en décalage avec les objectifs affichés de la pharmacovigilance.

Je prendrai un premier exemple : les chiffres des décès. D'après le rapport n° 2 du 28 janvier 2021 publié sur le site de l'ANSM, une méthode d'imputabilité a été fixée, mais elle ne semble pas avoir été respectée. Que dit cette méthode ? Que l'on peut écarter la responsabilité du vaccin « dès lors qu'une autre cause, certaine, permet d'expliquer l'effet indésirable, notamment le décès ».

Or le rapport n° 18 publié sur le site de l'ANSM, dont les données s'arrêtent, de mémoire, au 26 août 2021, répertorie 905 décès. On y lit que seules les personnes nées vivantes et de moins de 50 ans ont fait l'objet d'une analyse approfondie : pourquoi ? De ce fait, 35 décès ont fait l'objet d'une analyse approfondie et 16 d'entre eux sont considérés comme étant « de cause inconnue ». En d'autres termes, il n'y a pas d'autre cause certaine permettant d'expliquer le décès. On aurait donc dû publier la conclusion suivante : on ne peut pas écarter le rôle du vaccin.

Je prendrai un second exemple : le cas d'un enfant qui a perdu la vue. À la demande de ses conseils juridiques, je lui ai consacré deux expertises juridiques.

Toute la batterie des tests menée selon la méthode de l'ANSM s'étant révélée négative pour cet enfant, j'ai rendu la conclusion suivante : présomption simple de causalité et non présomption irréfragable, car aucune autre cause certaine ne permet d'expliquer pourquoi, quatre jours après la première injection, cet enfant est devenu aveugle.

Au sein de l'hôpital de l'Assistance publique ‑ Hôpitaux de Paris (AP‑HP) qui avait pris cet enfant en charge, la pharmacovigilance officielle a rendu la même conclusion que moi. Elle figure dans un courrier en notre possession : on ne peut pas exclure le rôle du vaccin. Je n'ai pas vu cette phrase dans le rapport de l'ANSM à la date du 26 août 2021.

Quand j'ai constaté que l'on écartait si facilement des cas précis, j'ai cessé de lire les documents publiés sur le site de l'ANSM. Pourtant, depuis le début de la crise, je n'avais eu de cesse de les diffuser.

Le premier décès a été constaté en janvier 2021 ; il s'agissait d'une personne en Ehpad. « Aucun effet indésirable immédiat n'est intervenu », écrivait‑on à son sujet avant d'ajouter : « Le décès est intervenu deux heures après. » Qu'est‑ce donc, sinon un effet immédiat ? Je ne comprends pas.

De plus, des autorités officielles ‑ l'ANSM et la HAS ‑ nous ont recommandé de passer outre l'AMM.

Dès janvier 2021, alors que l'AMM du laboratoire Pfizer nous recommandait un délai de 21 jours entre la première et la seconde injection, l'ANSM indiquait que l'on pouvait aller jusqu'à 42 jours. Elle a été suivie, quelques jours plus tard, par la HAS.

L'Académie de médecine elle‑même a dû rappeler les risques d'un tel allongement de délai entre deux injections, ce que le laboratoire lui‑même a dit. J'avais l'impression que ce dernier était plus prudent que le gendarme du médicament. Les risques rappelés par l'Académie de médecine étaient l'apparition d'anticorps facilitants et de variants résistants.

L'information est un droit. Or l'on n'a pas entendu un mot du consentement lors de la première table ronde : il a fallu que le professeur Alla le mentionne.

Le consentement est une liberté fondamentale. La première partie du code de la santé publique est intitulée « Protection générale de la santé ». Elle s'ouvre par un chapitre préliminaire intitulé « Droits de la personne ».

Parmi ces droits figure le respect de la dignité de la personne humaine ; celle‑ci repose sur le respect de l'autonomie de la volonté, qui, avec le respect du secret médical, est la pièce maîtresse de la relation de confiance unissant le patient à son médecin lors de ce colloque singulier que vous connaissez.

Refuser de diffuser une information claire, loyale et appropriée, c'est prendre le risque de vicier le consentement libre et éclairé, donc de porter atteinte à la dignité de la personne humaine.

Le nœud du problème, ce n'est pas le vaccin ‑ Mme la rapporteure l'a dit elle‑même ‑, c'est l'information ; c'est l'obligation d'être inclus dans un essai clinique de force, en vertu d'une « loi » qui n'a toujours pas été validée par le Conseil constitutionnel. Je pense à l'article 12, qui consacre l'obligation vaccinale pour différentes catégories, notamment les professionnels de santé et les pompiers. Je pense aussi à l'article 14, qui crée un régime de sanctions conduisant à « désactiver » socialement ces professionnels de manière extra‑judiciaire, sans entretien préalable, au mépris de tous les droits de la défense. De telles dispositions nous ont projetés un siècle en arrière en matière de droit du travail.

Le Conseil constitutionnel a été saisi par les parlementaires dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori ; mais la question de la constitutionnalité de l'article 12 pour les professionnels de santé n'a pas été soulevée. Le Conseil constitutionnel avait la possibilité de relever ce point d'office : il ne l'a pas fait. Par la suite, toutes les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) soulevées ont été bloquées, notamment par le Conseil d'État.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Nous sortons du débat.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Le défaut d'information et le mésusage peuvent faire encourir à ces produits la qualification juridique de produits défectueux, ce qui serait regrettable.

Je rappelle que le principe, c'est l'inviolabilité du corps humain, et que l'exception, c'est l'intervention médicale.

Je vous donne à présent quelques exemples de ce à quoi nous avons eu droit en matière de communication.

Le 9 juillet 2021, on publiait sur le compte Twitter du ministre des solidarités et de la santé : « Vaccination Covid‑19. Si vous avez des courbatures après le vaccin, pas d'inquiétude c'est que vous avez trop pédalé. » En illustration, on voit la photo d'un jeune sur un pédalo à la surface de l'eau. Je pense aussi à une affiche diffusée sur le site d'une agence régionale de santé (ARS) : « Oui, le vaccin peut avoir des effets désirables. »

Je pourrais vous citer nombre de slogans, d'affiches et de bidouillages publicitaires montrant que tout a été fait pour minimiser les effets indésirables et embellir le bénéfice du vaccin, notamment auprès des jeunes.

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. – Vous êtes déjà à vingt minutes de temps de parole total : allez à l'essentiel, s'il vous plaît.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Certains journaux ou fact‑checkers ont assuré que l'on ne pouvait déclarer que les effets indésirables graves et inattendus. Or la loi et le code de la santé publique indiquent que l'on peut tout déclarer.

À la demande de professionnels de santé, nous avons mis en œuvre, dans la région des Pays de la Loire, une aide à la déclaration pour les professionnels de santé comme pour les citoyens. Il s'agissait simplement de jouer un rôle d'intermédiaire entre le centre de pharmacovigilance et les citoyens qui se sentaient perdus. S'en est suivie une attaque frontale, par voie de presse, de la part du directeur de l'hôpital lui‑même, contre 119 médecins et pharmaciens. Ces derniers avaient simplement affirmé qu'il n'y avait pas de sous‑notification en pharmacovigilance.

L'ANSM affirme mener des analyses « observé/attendu », mais, du fait des sous‑notifications, le numérateur observé attendu est nécessairement sous‑estimé.

Je dispose d'un cas choletais, un seul, ayant conduit à la modification d'AMM, en introduisant l'effet indésirable de pneumopathie interstitielle sous Flécaïnide, un médicament de cardiologie. La base de données de pharmacovigilance répertoriait vingt‑quatre cas de 1983 à 2007, dont un seul décès suspect.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. – Il faut vous diriger vers la conclusion, sinon nous n'aurons plus de temps pour le contradictoire.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Enfin, au sujet du rapport bénéfices‑risques, je vous invite à lire ce que le ministre des solidarités et de la santé en personne déclarait lors de la conférence de presse du 18 février 2021 : aucun pays européen n'avait apporté de preuve quant aux formes graves, alors que l'on avait commencé à vacciner deux mois auparavant. Regardez également le rapport qu'il a remis au Conseil d'État le 28 mars 2021 pour justifier le maintien de personnes doublement vaccinées confinées dans les Ehpad, au même titre que les non‑vaccinés. Quand on lit ses quatre arguments, on se demande à quoi sert ce vaccin. J'ai d'ailleurs listé toutes les contradictions des autorités entre elles, qu'il s'agisse des formes graves ou de la transmission virale : il n'y a aucune affirmation de ma part.

Enfin, je renvoie le professeur Fischer à la note d'alerte diffusée par le conseil scientifique, mettant au jour des clusters dans les Ehpad. Ce document était rédigé au conditionnel et ses auteurs savaient pertinemment que l'efficacité du vaccin n'était pas celle qui était diffusée dans les médias : cette note l'évalue à 35 % et, j'y insiste, elle est rédigée au conditionnel.

Monsieur le président, vous êtes mathématicien...

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Certes, mais, la logique, vous connaissez : on ne peut pas se prévaloir de ses contradictions, suivre un raisonnement et en tirer la conclusion inverse. On ne peut pas obliger les gens à se faire vacciner : il faut arrêter l'obligation vaccinale au plus vite.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. – Bien entendu, toutes les informations écrites communiquées ont été transmises aux rapporteurs.

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – Je tiens à préciser, en préambule, que je m'exprime en mon nom propre.

J'aborderai tout d'abord l'impact socio‑économique de la tolérance vaccinale. L'absentéisme post‑vaccinal s'étend d'un à plus de trois jours, du fait de l'incapacité à travailler. Il concerne 20 % de la population générale et atteint 37 % pour le personnel hospitalier. La réactogénicité est plus élevée pour les sujets les moins à risque de Covid grave.

Le recueil des événements indésirables en France repose sur un dispositif déclaratif, donc passif. Il en est de même dans le reste de l'Europe et aux États‑Unis d'Amérique. En revanche, les États‑Unis disposent également d'un recueil actif permettant le suivi de près de 8 millions d'individus.

En France, pour le vaccin contre le Covid, 25 % des événements indésirables sont graves, contre 6 % pour un vaccin grippal. Quand on compile les données figurant dans les rapports spécifiques publiés par l'ANSM jusqu'au 28 avril 2022, on observe un effet indésirable grave toutes les 1 434 vaccinations au Covid, un décès toutes les 28 300 vaccinations ‑ pour la grippe, c'est un pour 660 000 ‑ et une hospitalisation toutes les 4 430 vaccinations, contre une sur 120 000 pour la grippe.

À l'échelle de l'Europe, on enregistre une hospitalisation toutes les 2 651 vaccinations. Aux États‑Unis, avec le système de recueil actif, baptisé V‑Safe, on constate une hospitalisation toutes les 2 764 vaccinations pour la deuxième dose, lesquelles s'ajoutent à une hospitalisation toutes les 3 573 vaccinations pour la première dose.

Pour mieux qualifier les événements post‑vaccinaux, certains auteurs ont comparé les vaccins contre le Covid et contre la grippe en travaillant à nombre équivalent de vaccinés.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Sauf erreur de ma part, il s'agit du calcul du risque relatif, destiné à définir un risque par individu.

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – En l'occurrence, le risque relatif se trouve multiplié par un facteur allant de 28 à 926 selon les catégories.

Je prendrai pour exemple les myopéricardites, déjà longuement abordées aujourd'hui. Cet événement indésirable grave a été signalé par la Food and Drug Administration (FDA) dès la mi‑août 2021, avec une incidence vingt à quarante fois supérieure à celle attendue en population générale, principalement pour les jeunes hommes.

Chez les 18‑24 ans, on constate une myopéricardite pour 3 500 vaccinés Covid sur la base canadienne. Cette dernière est tout à fait intéressante, car elle est stratifiée par âge et par dose et couvre toute la durée de la vaccination, à savoir dix‑sept mois.

De plus, une étude américaine dédiée aux 12‑15 ans constate une myopéricardite pour 6 000 vaccinés, ce qui est largement supérieur au taux d'hospitalisation pour Covid, qui est d'un sur 16 000.

On a également observé des signaux proches pour les vaccins Pfizer et Moderna, alors qu'à ce jour seul ce dernier est suspendu pour les moins de 30 ans.

De plus, des lésions cardiaques persistantes ont été observées chez les adolescents suivis plusieurs mois après cet événement grave.

Pour ce qui concerne la mortalité, toutes causes confondues, un certain nombre de signaux doivent être suivis et examinés. Une étude observationnelle montre une association entre les appels pour les arrêts cardiaques des syndromes coronariens aigus chez les 16‑39 ans et le déploiement de la vaccination contre le Covid en Israël, et non pas avec l'infection.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Et non pas l'infection ?

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – Cette étude, bien entendu critiquable et méritant d'être examinée plus avant, montre bel et bien une association avec le déploiement de la vaccination.

S'y ajoute une intéressante étude danoise, s'appuyant sur les essais à haut niveau de preuve, ou essais randomisés contrôlés. Elle montre que les vaccins à ARN messager n'ont pas été associés à une réduction du risque global de mortalité toutes causes, du fait, selon les auteurs, des décès de causes cardio‑vasculaires.

Ainsi, à court terme, les vaccins contre le Covid ont d'indéniables effets immédiats. En particulier, ils provoquent un important absentéisme. On constate la pertinence du recueil actif des effets indésirables. Il serait également intéressant de montrer son intérêt pour le suivi des effets indésirables.

À moyen terme, ces vaccins présentent une proportion inédite d'effets indésirables graves, attestée par le nombre d'hospitalisations en France : il est de plus de 12 000, soit vingt‑cinq fois plus que la grippe.

Outre la cardiotoxicité de l'ARN messager vaccinal et de sa formulation, on aurait pu évoquer la neurotoxicité ou d'autres sujets encore.

Les effets à long terme ne sont actuellement pas documentés dans les résultats disponibles des essais cliniques. Toutefois, on s'interroge notamment sur l'impact de la stimulation répétée du système immunitaire par les rappels vaccinaux. À cet égard, il y aurait beaucoup à dire.

Enfin, je précise que je n'ai pas de lien d'intérêt en la matière et je remercie toutes les personnes qui m'ont aidée à faire cette analyse.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Je reviens sur le bénéfice‑risque individuel rapporté au bénéfice‑risque collectif. N'est‑ce pas sur ce sujet en particulier qu'il faudrait faire davantage preuve de pédagogie ? Je mesure la complexité de la question, notamment pour ce qui concerne les enfants. Elle soulève de nombreux enjeux et peut dès lors susciter des ambiguïtés.

Madame Saulnier, vous insistez sur le risque relatif de deux vaccins. Néanmoins, il eût été indispensable de montrer le risque relatif entre la grippe et la Covid‑19, car le bénéfice et le risque se calculent par rapport au risque de la maladie elle‑même. Ces travaux ont‑ils été effectués ? Ces éléments sont‑ils accessibles ?

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – Avant de parler de rapport bénéfices‑risques, il s'agissait de comparer les risques pour améliorer le risque actuellement observé, lequel est assez élevé ; de comparer un vaccin très bien connu et un vaccin nouveau, peu éprouvé, suivant un procédé moins bien maîtrisé…

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Ce n'est pas une critique, mais une question de méthode et d'arbitrage pour les politiques publiques.

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – M'étant focalisée sur le risque, je ne peux pas vous répondre au sujet des bénéfices ; mais ce sont évidemment des points que l'on peut documenter.

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. – Continuons le contradictoire en donnant à présent la parole au professeur Alain Fischer.

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Pr. Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Les responsables des autorités sanitaires de tous les pays européens, des États‑Unis, du Canada, de l'Australie ou du Japon, bref de tous les pays riches, qui ont la chance de disposer de vaccins, ont peu ou prou mené la même politique, avec des nuances au demeurant très intéressantes. Il s'agissait d'utiliser les vaccins disponibles, tout d'abord pour les personnes prioritaires et, ensuite, d'en proposer la généralisation, y compris aux adolescents et aux enfants.

On peut estimer que tout le monde se trompe, voire que tout le monde est criminel ; mais le constat précédent pousse à réfléchir. Les experts de ces pays connaissent un tant soit peu la vaccination, la santé publique et l'épidémiologie ; ils ont apporté des bases concordantes pour proposer une politique mise en œuvre avec succès dans tous ces pays.

Il s'agit là d'une remarque générale, qui a trait aux trois présentations que nous venons d'entendre. J'insisterai plus particulièrement sur la première.

Premièrement, M. Alla parle d'une communication « non loyale » : je ne sais pas ce que cela veut dire. Cette communication fut extrêmement rapide, complète et peut‑être même contreproductive sur tous les effets secondaires indiscutables. Elle a sans doute rendu un vaccin inopérant en France, contrairement à ce qui s'est passé dans les autres pays, et je ne regrette pas qu'il en ait été ainsi. Mais on ne pouvait pas être plus transparent et public qu'on ne l'a été : l'expression publique a été assurée dans les jours, voire dans les heures suivant les observations.

Deuxièmement, on n'a pas privilégié la vaccination générale aux dépens des personnes fragiles : c'est absolument faux. Du 27 décembre 2020 à la fin mai 2021, soit pendant cinq mois, on a réservé la vaccination aux personnes fragiles, en commençant par les plus âgés, en Ehpad, et les plus vulnérables, notamment immunodéprimés.

Ce n'est que fin mai 2021, alors qu'une fraction importante des personnes à risque avait déjà été vaccinée, que l'on a entrepris la vaccination générale, fondée sur les observations liées aux essais cliniques et aux études en vie réelle menées dans d'autres pays.

Ces travaux montraient qu'il y avait un risque pour la population générale, mais qu'il était infiniment plus faible que celui de contracter la maladie. Ils prouvaient également que le vaccin assurait un effet de protection collective ‑ il était encore plus fort en 2021 qu'aujourd'hui, car les virus de l'époque étaient moins transmissibles ‑, même si l'on n'a pas atteint d'immunité collective. En vaccinant les jeunes de 20, de 30 ou de 40 ans, ou encore les adolescents, on a aussi protégé leurs grands‑parents ou telle personne de leur entourage ayant subi, par exemple, une transplantation rénale.

Pour les personnes à risque, les résultats sont parfois insuffisants : c'est clair. En effet, 10 % des personnes de plus de 80 ans n'ont pas été vaccinées : c'est un échec relatif. Néanmoins, la grande majorité des personnes fragiles ont été vaccinées. Les données de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) le montrent : plus de 90 % des personnes atteintes de maladies chroniques, qui sont 17 millions au total, ont été complètement vaccinées.

Il existe une difficulté indiscutable pour les malades dialysés, mais l'immense majorité des personnes à risque ont été vaccinées et continuent heureusement de l'être. À ce titre, chacun se rappelle que nous avons commencé par la vaccination des personnes en Ehpad, qui n'était pas simple à mettre en œuvre.

Troisièmement, je m'étonne des propos relatifs aux enfants et aux adolescents : on aurait inventé une justification à cette vaccination car on voulait à tout prix mettre en avant l'immunité collective.

Or deux arguments ont été invoqués. Je pense, tout d'abord, à la protection contre les risques d'isolement des enfants, faute de scolarité. Je suis assez étonné d'entendre que c'est la vaccination qui a entraîné les problèmes de santé mentale des enfants. Non seulement les moins de 11 ans ne sont pas encore vaccinés, mais le nombre de tentatives de suicide a augmenté considérablement bien avant la vaccination du fait de l'isolement et des conditions de vie, notamment pour les plus défavorisés. La vaccination, sans être parfaite, était donc une mesure raisonnable à proposer.

Je pense, ensuite, au risque pour les enfants de faire des formes graves : il existe, même s'il est faible. Au total, 1 000 d'entre eux ont été hospitalisés en France du fait du syndrome PIMS, pathologie inflammatoire propre aux enfants. Je précise qu'un seul est décédé ; c'est déjà un de trop. La vaccination aurait permis d'éviter des hospitalisations, des séjours en réanimation, voire des séquelles.

Évidemment, le bénéfice individuel direct est beaucoup plus faible pour les enfants que pour les adultes et, a fortiori, les personnes âgées, mais il existe. Malheureusement, la Société française de pédiatrie n'a pas suivi nos préconisations de manière adéquate et je le regrette. Dans les pays voisins, la vaccination des enfants se poursuit et se passe bien.

Quatrièmement, je ne peux pas laisser passer l'accusation selon laquelle nous aurions développé une stratégie de la peur dans notre communication, fondée sur l'exagération des risques et la minimisation des effets secondaires. Des centaines de publications scientifiques sérieuses sur les essais cliniques ou les études observationnelles démontrent, quels que soient le pays, la classe d'âge ou la strate de morbidité concernés, l'efficacité de la vaccination. Il n'y a pas eu non plus, à l'inverse, de minimisation des effets secondaires. Je suis donc étonné qu'un collègue universitaire relaie ce type de propos.

De même, lorsque vous affirmez que 4 % à 20 % des patients qui ont développé des myocardites post‑vaccination ont été en réanimation, le chiffre est en réalité très inférieur, car l'immense majorité des cas restent bénins.

Monsieur Umlil, je préfère ne répondre que sur les points sur lesquels vous m'avez mis en cause. Vous dites que l'on a vacciné certaines personnes sans leur demander leur avis ‑ en l'occurrence, lorsqu'elles étaient immunodéprimées. C'est absolument faux. Personne n'a été vacciné de force. Je vous suggère de prendre contact avec les associations de malades atteints d'insuffisance rénale, de maladies auto‑immunes, de cancers ou de lymphomes : elles considèrent, au contraire, que nous ne les avons pas assez sollicitées.

Enfin, vous mentionnez les cas de clusters en Ehpad. Or ces cas ne démontrent en rien l'inefficacité de la vaccination. En effet, personne n'a jamais prétendu que la vaccination était efficace à 100 %. Toutefois, les études qui démontrent qu'elle protège les personnes très âgées contre les formes graves de la maladie ne manquent pas.

Madame Saulnier, il faut distinguer l'événement et les effets. La différence est grande. Si l'on suit vos chiffres, on arrive à un nombre d'hospitalisations et de décès liés à la vaccination tout à fait irréaliste, que ce soit en France ou dans le monde.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

. – Je vous remercie de la qualité de vos contributions. Alors que l'épidémie ralentit, sans que nous soyons à l'abri d'un nouvel épisode, il est de notre rôle d'adopter un certain recul. La notion de temporalité est essentielle : on ne peut pas juger aujourd'hui de faits qui ont eu lieu il y a deux ans, dans un contexte beaucoup plus critique.

En tant que pédiatres, nous ne sommes pas tous d'accord sur l'analyse de la situation. Quoi qu'il en soit, les faits montrent que l'arrêt du port du masque pénalise les plus fragiles d'entre nous, de sorte que la vaccination reste un élément de protection. Nous avons progressé dans le diagnostic du PIMS, si bien que tout pédiatre ou médecin généraliste est désormais en mesure d'éviter les décès liés à ce syndrome.

Notre rôle, en tant que membres de l'Office, était d'identifier tous les effets secondaires de la vaccination, y compris ceux qui restent relativement mineurs, sans condamner personne et avec l'ambition de faire progresser la situation.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Professeur Fischer, je ne vous attaque pas personnellement, j'en reste au débat d'idées.

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Pr. Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Ce n'est pas le cas et c'est précisément ce qui pose problème.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – Restons‑en aux faits. Vous affirmez que le produit est bon parce que « tout le monde a vacciné ». Or les critères d'évaluation d'un médicament ne dépendent ni d'une célébrité médicale ni de la pluralité des utilisateurs. Je vous renvoie sur ce point à l'affaire Vioxx, à celle du Thalidomide ou du Distilbène – les exemples ne manquent pas.

En ce qui concerne les plus de 75 ans, je vous rappelle que la HAS énonçait clairement dans une publication du 23 décembre 2020 que les éléments manquaient pour trancher.

Vous niez l'obligation du vaccin, mais la plupart des gens que je rencontre dans la vie quotidienne ont été obligés de se faire vacciner : rappelez‑vous qu'il fallait un passe sanitaire, puis vaccinal, pour aller manger un sandwich ou pour jouer au football ! L'enfant dont j'ai mentionné le cas car il a perdu la vue s'était précisément fait vacciner pour pouvoir continuer à jouer au football... Sans parler de l'obligation faite aux professionnels de santé.

Quant aux clusters, le seul critère juridique qui permet d'imposer l'obligation vaccinale à une population, c'est la démonstration que le vaccin empêche la transmission virale. Il ne suffit pas que le vaccin assure une protection personnelle contre les formes graves de la maladie, à supposer qu'on en ait la preuve. Ce critère ne tient pas juridiquement.

En ce qui concerne les enfants, j'ai consulté l'autorisation de mise sur le marché du vaccin, délivrée en décembre 2021. Elle mentionne explicitement que, pour la population pédiatrique, l'Agence européenne du médicament a différé l'obligation de présenter le résultat des études. Comment expliquer, dans ces conditions, que l'on ait autorisé le vaccin pour les enfants, dès l'année suivante, alors que l'Agence n'avait pas le résultat des études ?

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – Notre discussion doit rester constructive. J'ai surtout parlé du risque, moins des bénéfices. Toutefois, il est évident que la vaccination est un outil indéniable de santé publique et il ne s'agit pas de la remettre en cause en tant que telle. J'ai travaillé assez longtemps dans l'industrie de la vaccination pour défendre aisément cette position.

Dès lors que les risques seront acceptables, il sera plus facile de développer une logique de bénéfices‑risques qui vaudra par tranche d'âge et par dose. On pourra ainsi ajuster l'obligation de vaccination selon les individus. En effet, dans certaines tranches d'âge ou catégories de population, les risques restent supérieurs aux bénéfices.

Je tiens à préciser que les tableaux que nous avons présentés sont imputés, puisque les données qui y figurent sont considérées comme des effets indésirables par l'ANSM, dont nous avons repris les chiffres. Ceux‑ci figurent de manière cohérente dans les différentes bases de données. Quand il s'agit d'hospitalisation ou de déclaration d'événement dans le cadre d'un hôpital, la gravité est bien présente.

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François Alla, professeur de santé publique à l'université de Bordeaux

. – Sur l'opposition entre la stratégie de vaccination collective et celle qui ne vise que les personnes à risques, les faits sont têtus. Nous sommes, en France, dans un paradoxe, puisque la couverture vaccinale est meilleure chez les jeunes adultes que chez les plus de 80 ans, tranche d'âge pour laquelle notre pays est le plus mal classé en Europe de l'Ouest. Tous les pays y ont un taux de couverture entre 95 % et 100 % pour les personnes de plus de 80 ans ; en France, ce taux oscille entre 85 % et 90 %, ce qui est un échec relatif, dans la mesure où de nombreuses personnes fragiles, y compris socialement, ne sont pas vaccinées, alors qu'elles présentent un fort risque d'être infectées et de développer une forme grave de la maladie. Encore aujourd'hui, en mai 2022, cette situation contribue à plusieurs dizaines de décès par jour.

Par conséquent, les faits sont têtus : la stratégie globale n'a pas permis de protéger de façon optimale les personnes les plus fragiles.

Pourquoi vacciner les enfants ? L'immunité collective a été le premier argument avancé. En mai 2021, M. Fischer indiquait que, « faute d'adultes en nombre suffisant, il va falloir vacciner les enfants ».

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Pr. Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – La citation est tronquée.

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François Alla, professeur de santé publique à l'université de Bordeaux

. – Je vous enverrai le lien de référence et chacun jugera.

Quant à l'évolution de la santé mentale des Français, ce n'est pas le vaccin qui en est la cause, mais la stratégie globale incluant la communication sur la crise pour faire accepter le confinement, le couvre‑feu, les restrictions et la fermeture des écoles. À considérer cela, il est malheureusement indéniable que la stratégie de la peur a été déterminante. Dans le travail en cours que nous menons avec de jeunes suicidants, elle nous est désignée comme un motif extrêmement fort d'anxiété pouvant entraîner des comportements tels que l'anorexie mentale chez de très jeunes sujets, à peine plus âgés que 9, 10 ou 12 ans. Le choix de la communication par la peur n'est pas sans conséquences.

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Pr. Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale

. – Vous m'avez cité de manière tronquée, ce qui manque d'honnêteté. J'ai toujours mis en avant trois arguments, en commençant par celui du bénéfice individuel sur les PIMS et les formes aiguës de la maladie chez les enfants fragiles.

La discussion ne peut rester que circulaire dès lors qu'elle oppose une analyse critique des faits et ce qui relève des opinions – car c'est malheureusement de cela qu'il s'agit. Toutefois, les problèmes mentaux des enfants sont apparus au moment du confinement, soit un an avant la campagne de vaccination. Dire que la vaccination a contribué à développer ces problèmes relève de la malhonnêteté intellectuelle.

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François Alla, professeur de santé publique à l'université de Bordeaux

. – Je ne dis pas que ces problèmes n'existaient pas avant, mais que l'ensemble de la communication depuis le début de la crise a contribué à les développer. Regardez les chiffres de la semaine dernière : ils ne cessent d'augmenter !

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – J'aimerais revenir sur la notion de non‑loyauté. En droit, être loyal signifie qu'il ne faut ni minimiser ni maximaliser les risques et les bénéfices.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

. – Je m'engage à vous transmettre d'éventuelles réponses écrites sur ce point.

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – Sur la minimisation des effets indésirables et la communication que François Allal dénonce comme non transparente, je rappelle que, dès le début de la campagne de vaccination, le 27 décembre 2020, un dispositif renforcé de pharmacovigilance et de pharmacoépidémiologie a été mis en œuvre, grâce auquel on a pu non seulement analyser l'ensemble des cas, mais aussi opérer une communication en temps réel, toutes les semaines, puis tous les quinze jours, sur l'ensemble des effets indésirables signalés, analysés et traités par les CRPV, puis discutés au sein des comités de suivi. Il y a eu jusqu'à présent plus d'une quarantaine de communications dans le cadre d'un dispositif donnant accès tant aux professionnels de santé qu'au grand public.

Nous essayons d'être le plus actifs possible, y compris dans notre rôle de relais vers le site de l'ANSM sur les réseaux sociaux, et de développer une granularité de l'information selon le type de personnes qui consultent nos documents : des fiches de synthèse fournissent des éléments détaillés dans un format ramassé et des rapports complets détaillent l'ensemble des effets indésirables par vaccin. Dans le cadre de ce dispositif inédit de surveillance et de communication, nous avons également mobilisé les professionnels de santé et les associations de patients pour organiser des webinaires retransmis sur notre chaîne YouTube afin de diffuser ces éléments d'information. La communication est le nœud du sujet. Nous sommes encore sur le chemin de la pédagogie et de l'information, en ce qui concerne les connaissances.

Quant à la composition du vaccin Pfizer, depuis que l'AMM a été délivrée, elle est restée identique. Il existe, en revanche, plusieurs conditionnements possibles du vaccin. Initialement, il y a eu des préparations à diluer, puis des préparations prêtes à l'emploi et enfin des vaccins pour l'enfant. L'AMM mentionne les trois présentations, avec des durées de conservation différentes. Pour limiter le risque d'erreur médicamenteuse entre les différents flacons, nous utilisons des bouchons de couleurs différentes et l'ANSM a diffusé une communication claire sur ces flacons auprès des acteurs concernés.

Pour ce qui est du procédé de fabrication, j'ai répondu à l'avocat qui nous avait saisis et transmis l'ensemble des demandes à l'Agence européenne du médicament, compétente en la matière. La directrice de cette agence a, depuis, répondu à l'avocat.

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Dr Annie‑Pierre Jonville‑Bera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV)

. – En pharmacovigilance, la sous‑notification n'est pas un obstacle à la détection de signaux. J'en veux pour preuve que nous avons fait remonter plus de cent signaux, que la France fait partie des dix plus grands contributeurs de la base mondiale de pharmacovigilance et qu'elle se classe dans les trois premiers pour ce qui est de la qualité des dossiers présentés.

L'imputabilité n'a jamais été prise en compte pour remonter des signaux. Cette méthode n'a donc pas fait obstruction.

Les calculs « observé/attendu » prennent en compte la sous‑notification : il arrive de multiplier par vingt ou par trente le nombre de cas observés pour pouvoir le comparer au nombre attendu.

Dès le premier décès constaté – je l'ai moi‑même expertisé –, l'Agence a mis en place une réunion de crise, puis établi un dispositif pour que les centres documentent tous les décès selon la même méthode, en les catégorisant, de manière à pouvoir faire remonter le plus rapidement possible un éventuel signal. Tous les cas de mort subite que l'on pouvait attribuer à un trouble du rythme au décours, dans les vingt‑quatre heures suivant la vaccination, ont été comparés au nombre de décès par mort subite comptabilisés dans la population générale, hors crise. On a ainsi pu déterminer les décès attribuables aux complications des effets indésirables qui ont été rapportés pour la vaccination, dont font partie les thrombopénies thrombosantes.

Madame Saulnier, la pharmacovigilance est un métier. Nous savons que certaines myocardites ont été déclarées huit mois après la vaccination, ce qui élimine toute possibilité de lien avec le vaccin. Pour ne pas prêter le flanc à la critique, nous avons pris le parti de conserver ces événements, de sorte que figurent dans les bases de pharmacovigilance un grand nombre d'événements qu'on ne peut pas rattacher à la vaccination. On ne peut donc pas utiliser ces chiffres pour les comparer à d'autres pathologies. Il faudrait traiter les données au cas par cas et prendre en compte l'imputabilité.

En outre, nous avons d'emblée décidé de considérer comme graves ou médicalement significatives, les fièvres supérieures à 40 degrés et les arrêts de travail prolongés – que l'on a constatés en particulier après la vaccination par AstraZeneca. Nous avons donc élargi les critères de gravité et favorisé une surreprésentation d'effets graves, car notre objectif était de protéger les patients en détectant un maximum de signaux.

La comparaison avec la grippe est difficile, car le vaccin contre la grippe est l'un des mieux tolérés. On le pratique surtout sur des gens âgés qui ne développent pas d'effets indésirables, car ils n'ont plus de système lié à l'immunosénescence et réagissent donc très peu au vaccin. Si l'on veut comparer deux vaccins, il faut qu'ils aient les mêmes cibles de population. Les calculs qui nous ont été présentés sont donc complètement faux.

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Pr. Joëlle Micallef, référent Comirnaty du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – Je souscris, bien entendu, à ce que vient de dire ma collègue. Il est très étonnant de faire de telles comparaisons, alors que la population visée n'est pas la même. Mieux vaut éviter de se montrer anxiogène. Le grand public n'a pas besoin d'une surexpression des risques, surtout quand ils sont faux et qu'ils ne reflètent pas du tout la réalité.

Dans le même ordre d'idée, la publication que vous citez en parlant d'« effets à long terme » porte sur cinq cas d'adolescents qui ont fait une myocardite, puis dont la situation est redevenue normale après trois jours, y compris pour ce qui est de leur cycle de troponine. Or, dans les cas habituels de myocardite, les stigmates sont encore visibles sur les IRM cardiaques, deux mois après. Il faut donc éviter de surinterpréter certaines publications scientifiques, surtout quand elles ne proviennent pas de revues spécialisées en cardiologie et en pharmacologie.

Les CRPV ont décrit les premiers cas de myocardite constatés, en montrant qu'ils étaient sans équivalent : les sujets étaient jeunes, la myocardite intervenait dans des délais très courts, sans insuffisance cardiaque ni trouble du rythme cardiaque associés. Ces critères ont justifié que nous utilisions le qualificatif de « myocardite bénigne » par opposition à celui de « myocardite grave », dans les cas où les patients doivent rester hospitalisés quinze jours. Les délais d'hospitalisation ont ensuite été confirmés pour la population entière grâce à l'étude Epi‑Phare qui a démontré qu'ils restaient très courts et servaient surtout à établir le diagnostic, ce qui prend entre quarante‑huit et soixante‑douze heures. Il ne s'agit donc pas d'une forme grave de myocardite au sens médical du terme. Puisque cette audition vise une totale transparence, telle est la vérité sur les myocardites, qui a été confirmée par de nombreuses publications françaises et internationales.

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Pr. Sophie Gautier, référent Moderna du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – Pour en revenir aux deux niveaux du risque individuel et du risque collectif, l'exemple donné par M. Umlil est intéressant, à savoir un enfant qui a développé une cécité avec un bilan étiologique négatif. En effet, à titre individuel, on ne pourra pas exclure que le vaccin ait pu contribuer à provoquer cette cécité. Toutefois, cela ne signifie pas que le signal existe à l'échelon collectif. Nous avons analysé les cas de cécité pour le vaccin Moderna, car un cas marquant à titre individuel avait été détecté : le patient, qui présentait un bilan étiologique négatif, avait développé une cécité transitoire lors des deux vaccinations. Sur 78 cas recensés dans le cadre du vaccin Moderna, 45 portaient sur des troubles visuels apparaissant durant les vingt‑quatre à quarante‑huit heures suivant la vaccination, en association avec de la fièvre, des migraines et des céphalées, les autres cas correspondant à une altération de la vision, voire une perte de vue transitoire, en association avec des conditions qui favorisaient l'apparition de la cécité, de sorte que nous ne pouvions pas établir de manière certaine un lien avec le vaccin. Nous continuons de suivre ces cas.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Sur ce sujet, une étude de pharmocoépidémiologie a‑t‑elle été diligentée par le GIS Epi‑Phare, comme pour les myocardites et les péricardites ?

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Pr. Sophie Gautier, référent Moderna du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – La décision relève de l'ANSM.

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – La pharmacovigilance et la pharmacoépidémiologie sont complémentaires.

Le programme de pharmacoépidémiologie est évolutif. Ses enjeux sont l'efficacité et la sécurité, et il comporte un volet de suivi des maladies auto‑immunes qui peuvent se déclarer en lien avec les vaccins.

Le programme de surveillance du GIS Epi‑Phare, en particulier le suivi à long terme, s'adapte en fonction des données qui remontent de la pharmacovigilance – par exemple, sur les thromboses atypiques. Un suivi à long terme s'exerce sur les effets indésirables, mais plus on s'éloigne de la prise du médicament ou de la vaccination, plus la déclaration devient compliquée à mettre en œuvre. Le GIS Epi‑Phare examine un certain nombre de sujets à suivre, en intégrant les nouvelles données qui lui parviennent au fur et à mesure. Nous vous ferons parvenir la liste précise des études en cours et leurs adaptations possibles.

Dans le cas des myocardites, l'articulation entre la pharmacovigilance et la pharmacoépidémiologie a très bien fonctionné, puisque la détection a été très précoce grâce à l'une et le suivi rapidement mis en place par l'autre. La pharmacoépidémiologie permet de travailler sur l'intégralité des personnes vaccinées et avec un certain recul sur l'exposition à la vaccination. Un programme au long cours des effets indésirables existe bel et bien.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, vice‑présidente de l'Office, rapporteure

. – Certains sujets ponctuels, sont suffisamment graves pour mériter une étude spécifique et un suivi pharmacoépidémiologique.

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – Il faut que le sujet apparaisse dans le système national des données de santé (SNDS). Les cas spécifiques comme la cécité peuvent faire l'objet d'un suivi dans le cadre du programme évolutif dont je vous ai parlé, en fonction des remontées dont nous bénéficions non seulement à l'échelon national, mais aussi au‑delà.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – L'évaluation d'un médicament se fait tant à l'échelon collectif qu'à l'échelon individuel. Un médicament peut ne pas démontrer d'intérêt pour la population générale, mais en présenter un pour une petite partie de la population. L'exemple type est le Thalidomide, qui a commencé par être supprimé à cause des malformations qu'il avait entraînées, avant d'être réintroduit sous surveillance stricte.

L'inverse est également vrai. Les contre‑indications liées à la vaccination ont pour conséquence que le médecin ne peut plus évaluer son bien‑fondé en fonction de l'état du patient et de ses critères de risque propres, qui peuvent déclencher des effets indésirables. Il ne dispose plus que d'une liste établie par l'exécutif, générale et absolue. J'ai vu le cas d'un patient qui avait fait un AVC après la première injection du vaccin. Pour savoir s'il devait faire la deuxième dose, le centre de pharmacovigilance s'est contenté de suggérer que le patient discute avec son médecin. Mais de quoi discuter ?

Des critères juridiques existent en matière d'information. À l'article L. 1111‑2 du code de la santé publique, il est précisé qu'avant toute prescription d'un médicament ou d'un soin à visée curative, diagnostique ou préventive, on doit communiquer lors d'un entretien individuel les risques fréquents ou graves, normalement prévisibles. Or la prévisibilité pose question, dans la mesure où le vaccin a été mis sur le marché avec seulement un mois de recul, selon la HAS. Je rappelle qu'une directive européenne précise que, pour pouvoir parler de « l'usage médical bien établi » d'un composant de médicament, il faut un délai minimal de dix ans.

La jurisprudence administrative et judiciaire ajoute qu'il faut communiquer au patient les risques fréquents ou graves « même exceptionnels ». Par conséquent, un seul cas de paralysie faciale ou de myocardite suffit pour que l'on doive communiquer l'information avant de vacciner la personne.

Surtout, la loi précise que l'information est pérenne, c'est‑à‑dire que sa durée est illimitée. Si donc, des effets indésirables nouveaux sont constatés et reconnus chez une personne vaccinée, il faut en informer les autres pour anticiper la réalisation du risque. Telle est la loi qui aurait dû s'appliquer.

Enfin, sur l'imputabilité, un membre du comité scientifique de pharmacovigilance de l'ANSM a démissionné, en constatant que cette méthode laissait des cas de côté. En 2017, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a confirmé ce que le juge administratif et la Cour de cassation avaient retenu depuis 2007 et 2008. Alors que le juge administratif se contentait d'un critère temporel, soit un bref délai de quelques mois, la CJUE a défini des critères plus rigoureux : en cas d'indices graves, précis et concordants, comme la proximité temporelle, l'absence d'antécédents personnels et familiaux ou l'existence de cas publiés, il peut y avoir une présomption de causalité.

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Saulnier

. – Madame Jonville‑Bera, je partage votre point de vue quant au vaccin contre la grippe. Il s'agissait surtout d'établir des comparaisons entre vaccins. Nous avons choisi celui pour lequel le taux d'effets indésirables était le plus élevé.

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – Nous avons bien compris votre démarche et nous ne remettons pas en cause les données publiées, mais l'aspect rationnel de la méthode.

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – Je tiens à insister sur l'intérêt des données que fournit le V‑safe, système qui permet de récolter énormément d'informations, à un stade post‑vaccinal, sur des événements qui entraînent des hospitalisations, des consultations ou des passages aux urgences.

Il est important de mieux documenter le risque pour éviter la perte de confiance. C'est là mon seul objectif. Quelle a été la recommandation concernant les vaccins à ARN messager pour les jeunes hommes en France ?

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. – Le rapporteur Gérard Leseul souhaiterait savoir si l'on pourrait faciliter les déclarations directes des patients à la pharmacovigilance.

D'autres questions en provenance des internautes : Pourquoi ne pas faire une recherche en pharmacovigilance active étant donné que les remontées passives sont très fortement sous‑estimées ? Comment se fait‑il que les médecins généralistes soient à peine au courant des rapports de pharmacovigilance portant sur le vaccin ? Enfin, dans quelle mesure peut‑on imaginer un rapport bénéfices‑risques ciblé par catégorie ?

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Dr Christelle Ratignier‑Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

. – La déclaration de pharmacovigilance des patients est possible depuis 2011, soit depuis un peu plus de dix ans. La mise en place du portail unique de déclaration des signalements, en 2017, l'a facilitée. Nous avons donc désormais des déclarations qui viennent non seulement des professionnels de santé, mais aussi des usagers. Des affiches disposées dans les centres de vaccination informaient et incitaient à la déclaration des effets indésirables.

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Dr Annie‑Pierre Jonville‑Bera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV)

. – Depuis la loi de 2011, les patients ont la possibilité de faire une déclaration via le portail et aussi par téléphone, moyen qui a facilité pour nous une orientation directe et immédiate vers les médecins. Les déclarations de patients représentent 75 % de l'ensemble de celles que nous avons reçues.

Nous avons déjà fait remonter plus de cent signaux, ce qui signifie que nous sommes déjà très actifs. Pour être proactifs, il faudrait des moyens financiers importants, car cela coûte très cher de suivre des cohortes de patients. Les effets indésirables graves restent quand même d'une grande rareté et il faudrait suivre plusieurs centaines de milliers de patients pour espérer pouvoir en détecter. Les signaux potentiels que nous avons constatés, comme les maladies de Willebrand acquises, auraient été impossibles à détecter dans un suivi proactif. La puissance de notre système de pharmacovigilance tient au fait que, même pour deux cas ayant développé une pathologie très rare sur 20 millions de patients vaccinés, nous sommes capables de faire remonter un signal. Or il serait impossible de monter une cohorte pour suivre 20 millions de personnes vaccinées, à moins d'investir dans des proportions considérables. L'argent est le nerf de la guerre et les centres de pharmacovigilance ont du mal à fonctionner, malgré les subventions supplémentaires, pour prendre en charge le suivi du vaccin. Mieux vaut consolider ce qui existe et qui a fait la preuve de son efficacité plutôt que de développer des systèmes proactifs.

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Bernard Celli, responsable de la task force Vaccination au sein de la Direction générale de la santé

. – Pour ce qui est du rapport bénéfices‑risques ciblé, nous l'avons mis en œuvre lorsque nous avons commencé la campagne de vaccination en la ciblant sur certaines catégories de la population, pour lesquelles nous considérions que le bénéfice serait supérieur. Il s'agissait des personnes en Ehpad, plus fragiles face à la maladie, puis des personnes âgées de plus de 75 ans que nous avons privilégiées dans un contexte de rareté du vaccin. Nous considérons bel et bien que l'équilibre des bénéfices‑risques de la vaccination varie en fonction des catégories d'âge et de l'exposition à la maladie.

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. – Existe‑t‑il des estimations quantitatives de ces balances bénéfices‑risques en fonction des différentes catégories ?

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Bernard Celli, responsable de la task force Vaccination au sein de la Direction générale de la santé

. – C'est ce sur quoi travaillent les autorités scientifiques. La HAS a rendu un avis, au mois de novembre 2020, qui précisait les catégories de population qu'il fallait vacciner en priorité. Cet avis a été repris par le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, de sorte que nous avons pu commencer la vaccination en donnant la priorité à ces catégories fragiles.

Il a été dit que notre communication était fondée sur la peur. Je tiens à rétablir les faits : cela n'a jamais été la stratégie du ministère que d'utiliser la peur dans la campagne de vaccination. Au contraire, tous les spots diffusés dans le cadre de cette campagne présentaient la vaccination comme un outil de libération face aux contraintes liées à la Covid. Ils étaient fondés sur l'humour.

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Dr Amine Umlil, pharmacien hospitalier, directeur du Centre territorial d'information indépendante et d'avis pharmaceutiques du centre hospitalier de Cholet

. – C'est presque choquant.

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – Le dispositif actif mis en place pour aller chercher l'information a permis de dégager un taux de signaux beaucoup plus élevé que dans un système passif. En outre, il introduit une notion de représentativité qui contribue à une remontée de données plus réaliste.

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Dr Annie‑Pierre Jonville‑Bera, présidente du réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV)

. – La représentativité existe déjà, grâce au réseau des 31 centres de pharmacovigilance qui couvre l'ensemble du territoire français, y compris l'outre‑mer. De plus, si un système proactif permet de traiter un plus gros volume, les signaux faibles lui échappent.

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Pr. Joëlle Micallef, référent Comirnaty du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – Grâce au GIS Epi‑Phare, le risque peut être confirmé dans la population entière. Nous avons la chance de bénéficier du SNDS qui couvre l'ensemble de la population, indépendamment du statut médico‑économique. C'est une pépite. On a vu son efficacité dans le cas des myocardites.

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – Comment expliquer la disparité des données selon qu'elles sont recueillies dans un système actif ou passif ?

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Pr. Joëlle Micallef, référent Comirnaty du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – Il s'agit d'événements. C'est là toute la différence.

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Aure Saulnier, virologue indépendante

. – Les bases de données ne sont pas satisfaisantes, actuellement.

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Pr. Joëlle Micallef, référent Comirnaty du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – Certes, pour ce qui concerne l'hospitalier. Mais le SNDS intègre les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) d'hospitalisation qui sont exhaustives en France.

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. – On comprend en vous écoutant que, selon que la vigilance est active ou passive, les remontées varient. Chaque méthode a ses avantages et inconvénients. Nous avons également bien compris que la précision en matière de données coûtait cher. Quoi qu'il en soit, le dispositif de recueil des données sur les vaccins est le plus exigeant jamais mis en œuvre dans le cadre d'une épidémie.

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Pr. Joëlle Micallef, référent Comirnaty du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance

. – D'autant qu'il s'inscrit dans une dimension européenne et mondiale, de sorte que nous avons aussi connaissance de tous les effets indésirables constatés ailleurs qu'en France. Il serait étonnant que quelque chose nous ait échappé, alors que tous les pays ont mis en œuvre une surveillance précise du vaccin. Rappelons qu'il a été administré à des milliards de patients.

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. – Je me dois de clore cette audition. Certaines précisions nous manquent sur plusieurs points qui ont été évoqués. Les rapporteurs les obtiendront par voie écrite.

Tous les éventuels liens d'intérêt qui pourraient exister seront vérifiés.

Nous avons pu constater que l'enjeu était souvent moins scientifique que politique en matière de communication et d'efficacité. Cela a d'ailleurs donné lieu à de vifs débats dans nos hémicycles, par exemple sur le passe vaccinal.

Nous avons toutefois obtenu des éclairages scientifiques et techniques sur plusieurs questions posées par les rapporteurs, notamment sur l'évolution des statistiques et sur l'équilibre bénéfices‑risques.

Le rôle de l'EMA reste à affiner en matière de pharmacovigilance sur les troubles menstruels. Nous avons bien compris que le signal avait été fermé, puis rouvert.

La question de l'imputabilité reste délicate et exige de la rigueur. Nous avons bien noté que la transparence a pu se faire dès l'apparition des signaux, dans quelques cas, avec l'abandon de certains vaccins de manière très spectaculaire.

Notre ambition était d'organiser le contradictoire de manière constructive – c'est une des marques de fabrique de l'Office – et nous y sommes parvenus. Les rapporteurs devraient rendre leur rapport d'étape au mois de juin, avant la publication d'un rapport final au‑delà des élections législatives.

La réunion est close à 18 h 20.

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du mardi 24 mai 2022 à 14 h 10

Députés

Présents. - M. Gérard Leseul, M. Cédric Villani

Sénateurs

Présents. - Mme Annick Jacquemet, Mme Sonia de la Provôté, Mme Florence Lassarade, M. Stéphane Piednoir, Mme Catherine Procaccia

Excusés. - Mme Michelle Meunier, Mme Angèle Préville