Séance en hémicycle du mercredi 15 décembre 2021 à 15h00

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2022 (4808, 4813).

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La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Nous voici réunis pour la lecture définitive du projet de loi de finances (PLF) pour 2022. Avant de vous inviter à voter le texte tel que vous l'avez adopté vendredi dernier, je voudrais revenir sur trois points.

Premièrement, ce budget permet au Parlement de tenir les engagements pris par le chef de l'État, par le Gouvernement et par la majorité. Il permettra de réarmer les ministères régaliens, avec une augmentation de 1,7 milliard d'euros – telle que prévue par la loi de programmation militaire – du budget du ministère des armées, une augmentation de 1,5 milliard d'euros du budget du ministère de l'intérieur et, pour la seconde année consécutive, une augmentation de 8 % des moyens consacrés au ministère de la justice. Le budget de ce dernier dépassera pour la première fois les 9 milliards d'euros, du fait d'une augmentation de crédits de 670 millions d'euros.

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C'est pour ça que les magistrats manifestent ?

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Le projet de loi de finances permet également de préparer l'avenir. Grâce à votre soutien, nous avons augmenté le budget du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de 1,7 milliard d'euros et celui du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation de 700 millions d'euros. Dans le même temps, nous allons augmenter de manière significative, hors des crédits du plan de relance, les crédits alloués au ministère de la transition écologique, étant convaincus que celle-ci est essentielle pour préparer l'avenir. Pour ces trois grands secteurs comme pour l'ensemble des ministères concernés par la conduite des politiques publiques, nous sommes donc fidèles aux engagements pris par le Président de la République.

Le budget permet de tenir un autre engagement : celui de continuer à réformer. Je pense ici à l'adoption de la réforme de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables, au processus d'unification du recouvrement que vous avez conforté par des votes successifs ou encore à la mise en œuvre à partir du 1er janvier 2022 du crédit d'impôt contemporain pour les services à la personne. Toutes ces dispositions, bien que peu médiatisées, tendent à moderniser l'État, à accroître l'efficacité de l'action publique et à améliorer les conditions de vie de chacun de nos concitoyens.

Enfin, le projet de loi de finances est l'occasion de tenir nos engagements en matière de fiscalité. En effet, à la fin du quinquennat, nous aurons diminué les impôts de 50 milliards d'euros. Nous aurons ainsi effacé les conséquences des deux chocs fiscaux, celui de 2010-2011 et celui de 2012-2013, en revenant à un taux de prélèvements obligatoires inférieur à 43,5 % du PIB, ce que nous n'avions pas connu depuis 2010.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Ces 50 milliards iront, pour moitié, au bénéfice des entreprises, avec la baisse de l'impôt sur les sociétés et la baisse des impôts de production, et pour moitié au bénéfice des ménages, avec la baisse de l'impôt sur le revenu en 2020 pour les contribuables des première et deuxième tranches, et, surtout, avec la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales pour un montant total de 18 milliards d'euros. Toutes ces mesures représentent du pouvoir d'achat rendu aux Français et de la compétitivité redonnée aux entreprises ; malgré la crise, nous avons tenu cette trajectoire, et toute la majorité peut en être fière.

Deuxièmement, à la suite du rejet de l'article d'équilibre de la première partie du texte par le Sénat, nous avons mis à profit la nouvelle lecture du projet de loi pour insérer des dispositions utiles à la protection des Français. Je pense tout particulièrement aux dispositifs que vous avez adoptés vendredi dernier en matière de tarification de l'énergie. Après la création d'un chèque énergie spécifique d'un montant de 100 euros pour les 5,8 millions de ménages les plus fragiles ; après le vote, en projet de loi de finances rectificative, d'une indemnité inflation de 100 euros pour 38 millions de Français en cours de versement, vous avez validé la mise en place d'un bouclier tarifaire afin de limiter le prix du gaz au montant connu au mois d'octobre et de plafonner à 4 % l'augmentation du prix de l'électricité entre octobre 2020 et avril 2021. Les dispositions que vous avez bien voulu adopter vendredi dernier permettront au Gouvernement de déroger, si cela était nécessaire, aux recommandations de la Commission de régulation de l'énergie afin de garantir l'effectivité du bouclier tarifaire à la fin du mois de janvier.

Vous avez également voté, vendredi dernier, 150 millions d'euros de crédits supplémentaires pour financer un fonds de réassurance des opérateurs de voyages et de tourisme. Il s'inscrit dans le cadre du plan Destination France, dont l'application est d'autant plus cruciale dans une période marquée par l'incertitude sanitaire et ses conséquences pour le trafic aérien international. Dans le même ordre d'idées, vous avez accepté d'abonder de 150 millions d'euros les fonds consacrés aux aéroports, de manière à sécuriser ceux dont l'activité a été extrêmement dégradée par la crise sanitaire internationale.

La dernière disposition adoptée vendredi a consisté à faire de l'État le garant en dernier ressort en cas de déficit de l'organisation des Jeux olympiques. En effet, si c'est la Ville de Paris qui a déposé sa candidature, avec le concours de l'État, le rayonnement des Jeux olympiques s'étend bien au-delà de la capitale. Il est donc logique que la garantie de l'État se substitue à celle apportée par la Ville lors de la signature du contrat de ville hôte. La maire et les élus de Paris se sont inquiétés d'être financièrement exposés ; je les comprends d'autant plus que la dette de la Ville a doublé en l'espace de sept ans, passant de 4,1 à 7,8 milliards d'euros.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Troisièmement et dernièrement, les résultats de notre politique économique et budgétaire sont à la hauteur de nos espoirs. Nous avons soumis au Parlement un projet de loi de finances basé sur une hypothèse de croissance revue à 6,25 % pour l'année 2021 et 4 % pour 2022. La reprise est plus forte que nous l'espérions, et la meilleure santé de l'économie permettra à la puissance publique, c'est-à-dire à l'ensemble des collectivités, des administrations publiques, de la sécurité sociale et de l'État, de bénéficier de recettes supérieures aux prévisions. C'est une bonne nouvelle. Ces recettes supplémentaires financeront un certain nombre de mesures de protection : protection des Français face à la crise énergétique ; protection des entreprises et des Français dans un contexte sanitaire dégradé et incertain ; accompagnement des entreprises vers la sortie de la crise, notamment dans un contexte de difficultés d'approvisionnement.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Toutes ces mesures ont été financées sans dégrader la prévision de déficit pour 2021. En effet, le projet de loi que je vous présente aujourd'hui est basé sur une prévision de déficit de 8,2 % pour 2021, mais les premiers résultats dont nous disposons concernant l'activité du quatrième trimestre laissent penser que la croissance sera supérieure aux prévisions – l'INSEE parle de 6,7 % –, ce qui dégagera des marges nouvelles. Comme nous l'avons toujours dit, ces recettes supplémentaires permettront de réduire le déficit, et je crois que nous constaterons, dans les prochaines semaines, un déficit inférieur à 8,2 % pour l'année 2021.

De la même manière, les mesures qui ne figuraient pas dans le texte initial du projet de loi de finances pour 2022 et qui ont été ajoutées par voie d'amendement – je pense notamment au plan d'investissement et aux efforts faits en matière de formation des hommes et des femmes les plus éloignés de l'emploi – l'ont été sans dégrader la prévision de déficit à 5 % pour 2022. Il faut ajouter à cela que le niveau de la dette publique, même s'il a augmenté avec la crise en 2021 et 2022, sera inférieur à ce que nous imaginions il y a encore quelques semaines. De même, le ratio de dépenses publiques par rapport au PIB reviendra au niveau que nous connaissions avant la crise, ce dont nous pouvons nous féliciter. Ainsi, la baisse du poids des prélèvements obligatoires accompagne le redressement des finances publiques et le retour à une situation plus soutenable.

Ces résultats devront être confirmés et consolidés. Je ne doute pas que l'ensemble de la représentation nationale, à commencer par les parlementaires de la majorité présidentielle, s'y emploiera, et que l'espoir et la volonté semés pour l'avenir fructifieront. Les dispositions du projet de loi de finances nous permettront de tenir nos engagements, de répondre aux besoins et, surtout, de faire face aux défis de l'année 2022. Je vous invite donc à les adopter de manière définitive.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

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La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

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Le projet de loi de finances pour 2022, dont nous pouvons être fiers, est à la fois un budget de protection et un budget d'investissement.

Il est d'abord un budget destiné à protéger le pouvoir d'achat des ménages. Les baisses d'impôts et l'augmentation des minima sociaux que nous avons engagées depuis 2017 sont parachevées avec la poursuite de la baisse de la taxe d'habitation, l'indexation sur l'inflation des plafonds de l'impôt sur le revenu – qui épargne 1,5 milliard d'euros aux contribuables assujettis à l'IRPP, l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Surtout, le bouclier tarifaire permet de faire face à l'effet inflationniste d'une hausse conjoncturelle et massive des prix de l'énergie.

La protection de nos concitoyens résulte également des moyens supplémentaires alloués aux ministères régaliens : ainsi, nous recréons 10 000 postes de policiers et de gendarmes, quand 12 000 postes avaient été supprimés il y a dix ans,…

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Le contexte était alors complètement différent !

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La protection s'étend aux entreprises, puisque le PLF pour 2022 prolonge les mesures adoptées pendant la crise : le « quoi qu'il en coûte » restera appliqué, en fonction des besoins, dans les secteurs d'activité les plus touchés. Les entreprises gagneront encore en compétitivité avec la poursuite de la baisse de l'impôt sur les sociétés et de la baisse des impôts de production.

En outre, le texte traduit en partie les engagements pris envers les indépendants.

Enfin, il protège les collectivités territoriales, contrairement à ce que laissent parfois entendre certaines associations d'élus locaux. En effet, il garantit leurs recettes et, pour la cinquième année consécutive, il stabilise la dotation globale de fonctionnement des communes (DGF).

Il s'agit donc d'un budget de protection, mais aussi d'investissement. Au bénéfice de nos concitoyens, il satisfait d'abord les besoins d'investissements des ministères clés, comme celui de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et celui de la transition écologique. Nous visons également le long terme, grâce au plan de relance, dont l'application se poursuit en 2022, et aux crédits consacrés au nouveau plan France 2030, afin que les filières de demain reçoivent les investissements nécessaires pour relever les grands défis industriels et d'innovation. Je pense notamment au secteur nucléaire, à la stratégie quantique et à toutes les grandes technologies qui rendront la France plus compétitive et plus prospère.

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En matière d'investissement non plus, les collectivités ne sont pas en reste, puisque nous augmentons encore la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), comme nous l'avons fait depuis le début de la crise.

Quels sont les résultats ? En toute humilité,…

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

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Elle est supérieure à toutes les conjectures d'il y a encore six mois : celle de 2021 dépassera 6,25 % et celle de 2022 sera très probablement supérieure à 4 %. C'est heureux parce que cela entraîne des recettes complémentaires pour l'État, et surtout des retombées économiques favorables ; les chiffres du chômage s'en ressentent, comme ceux des créations nettes d'emplois, qui n'ont jamais été aussi élevés dans notre pays.

Mêmes mouvements. – M. Benoit Potterie applaudit également.

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Dans l'industrie notamment, non seulement nous avons gagné le pari de ne pas perdre d'emplois, mais nous en avons créé. C'est exceptionnel, nous devons en être fiers,…

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En dépit de ces bons résultats, nous devrons, demain, relever d'importants défis en matière de finances publiques : les comptes devront être assainis au cours du prochain quinquennat car l'endettement et le déficit public du pays sont élevés.

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Ah ! L'austérité ! La Cour des comptes a donné sa feuille de route !

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Au lendemain de la tempête, il est indispensable de retrouver une situation financière telle que nous soyons capables, après-demain, d'affronter à nouveau d'éventuelles crises. Nous avons su faire appel à l'endettement pour protéger et investir – c'est la politique du « quoi qu'il en coûte » et de la relance ; la responsabilité nous revient désormais, comme elle reviendra à la prochaine majorité, d'assainir nos finances publiques.

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Pour conclure, un projet de loi de finances ne peut pas aboutir sans la participation de nombreuses personnes. En premier lieu, je remercie chaleureusement le président de la commission des finances, Éric Woerth ; ensemble, nous avons accompli un travail de grande qualité au long des différentes lectures ; nous avons innové en assurant conjointement le rôle de rapporteur pour certaines missions budgétaires, dans un esprit de consensus et d'intelligence collective.

Je remercie également l'ensemble des commissaires aux finances, ainsi que les députés de tous bords, pour la qualité de nos échanges. Depuis maintenant plus d'un an et demi que j'occupe cette fonction de rapporteur général du budget, nous nous sommes montrés dignes de notre mandat en abordant, au cœur de la crise, des sujets complexes.

Enfin, je remercie l'ensemble des équipes de la sous-direction du rapporteur général à l'Assemblée nationale, placée sous l'autorité de Sylvain Sautier – Benoît Anduze, Annabelle Archien, Benjamin Deslus, Gabriel Guyot, Antoine Lenormand, Marine Manzano, Clément Michelon et Loubna Sabil –, sans qui, vous le savez, le travail préparatoire et les débats ne sauraient être d'une telle qualité. Donc bravo, et merci aux services de l'Assemblée nationale.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

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La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

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À mon tour, je remercie – sans les nommer – ceux qui nous ont accompagnés durant ces longues semaines, tout particulièrement les administrateurs de la commission des finances qui, à nos côtés, n'ont pas compté leurs heures durant tout l'automne.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

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Je remercie également les collaborateurs parlementaires, qui nous aident à préparer nos interventions et parfois, peut-être, à affiner notre opinion sur des sujets souvent complexes.

Je saisis l'occasion pour vous présenter un bilan chiffré des trois derniers mois. Depuis le 22 septembre, date de dépôt du projet de loi de finances pour 2022, la commission s'est réunie vingt-neuf fois pour examiner le PLF pour 2022 et le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021.

En commission, nous avons consacré quelque cinquante heures à l'examen en première lecture du PLF : 2 642 amendements ont été déposés et 75 ont été adoptés. En nouvelle lecture, 311 amendements ont été déposés, 23 adoptés, et nous y avons consacré un peu plus de trois heures.

En séance publique, l'examen du PLF en première lecture a duré environ deux cent dix heures ; 5 698 amendements ont été déposés, 401 adoptés, dont 132 du Gouvernement…

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Déposés à la dernière minute pour la plupart !

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…– pour ceux-là, c'était plus facile. En nouvelle lecture, nous avons consacré un peu plus de sept heures à l'examen du texte, avec 954 amendements déposés, 601 amendements examinés et 216 amendements adoptés, dont 72 défendus par le Gouvernement.

La durée totale des réunions en commission et en séance atteint ainsi près de deux cent soixante-six heures, sans compter les débats consacrés au PLFR. Le nombre d'amendements déposés sur ce PLF s'est élevé à 9 605, toutes lectures confondues ; on observe une légère diminution par rapport à l'an dernier, puisque 11 833 amendements avaient alors été déposés. Nous restons toutefois largement au-delà des 5 906 amendements déposés lors de l'examen du premier PLF de la législature.

Un chiffre est susceptible de nous intriguer : le Gouvernement a déposé 204 amendements sur l'ensemble du PLF pour 2022.

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Or ce n'étaient pas uniquement des amendements de modification ou de suppression ; ils tendaient à apporter des modifications significatives.

Vous en aviez déposé 146 en 2018. Monsieur le ministre délégué, vous avez donc inventé une nouvelle procédure budgétaire : l'élaboration en direct de la loi de finances, qui consiste à modifier le texte au fil des examens et des événements. Cette méthode peut avoir son efficacité, mais elle diminue la qualité du travail parlementaire, qu'elle affaiblit. Il ne faut pas en abuser.

S'agissant du fond, le déficit public est passé de 4,8 % du PIB lors du dépôt du projet de loi, à 5 % au moment de son adoption en lecture définitive. Ce dernier chiffre pourrait encore évoluer, notamment en fonction des tarifs de l'électricité.

« En toute humilité », monsieur le rapporteur général, on constate une dégradation importante de la situation de l'État, entre le dépôt du PLF et son adoption en première lecture, qu'il s'agisse des recettes fiscales ou du solde budgétaire. En cours de route, le Gouvernement a en effet diminué les premières de 5 milliards d'euros, avec la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), et augmenté les dépenses de 6,8 milliards, par l'ouverture de crédits supplémentaires.

En définitive, à l'issue de la nouvelle lecture, le solde de l'État s'est dégradé de près de 12 milliards d'euros par rapport au texte déposé ; le déficit de l'État seul atteint près de 155 milliards, en raison notamment du plan d'investissement France 2030 et de quelques autres mesures du même ordre.

On connaissait les bleus budgétaires ; ce matin, un article des Échos évoque le « blues des budgétaires » : les finances publiques n'attireraient plus les parlementaires, hormis quelques irréductibles – une partie de ceux-là sont présents, je les en remercie. Depuis longtemps, avec d'autres, je déplore le manque de sérieux avec lequel on traite le sujet des finances publiques. Pour beaucoup, restaurer durablement nos comptes publics ne peut faire l'objet d'une louable ambition, mais constitue un simple exercice d'austérité. Sur le sujet, je souligne que les discours sont bien éloignés de l'effort réellement consenti. Les finances publiques ne peuvent pourtant pas constituer la seule variable structurelle d'ajustement de politiques publiques qu'on ne sait pas réformer. Plus que jamais, la France souffre de l'inefficacité de sa dépense.

Je persiste à croire que l'urgence de la situation que nous connaissons et la conscience des enjeux – l'héritage des générations futures et la souveraineté financière de la France – finiront par éveiller les consciences. C'est avant tout une question de volonté politique.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.

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Heureusement que nous sommes là pour applaudir !

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J'ai reçu de Mme Mathilde Panot et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Bastien Lachaud.

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L'année s'achève. Vous nous demandez de voter le budget pour 2022. Vous allez l'utiliser pour faire la campagne d'Emmanuel Macron, pour essayer de faire oublier qu'il est le président des riches. Mais personne n'est dupe. Les faits sont là : ce budget est conçu pour les riches, dans un pays fracturé par la pauvreté et la précarité.

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Depuis 2017, tous les indicateurs sociaux sont au rouge.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

Ce n'est pas vrai !

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L'épidémie de covid n'est pas seule en cause, comme vous essayez de le faire croire. Quatre ans de macronisme, ce sont quatre ans d'injustice, d'obstination et de brutalité ; quatre années au cours desquelles vous avez fait ruisseler des flots d'argent de la base de la société vers le sommet, des plus pauvres vers les plus riches.

Les chiffres sont hallucinants. En 2017, la fortune de Bernard Arnault s'élevait à 46 milliards d'euros. Le montant était déjà obscène : aucun talent, aucun travail ne justifie une telle somme. Mais en 2020, sa fortune a plus que triplé : elle est de 157 milliards. La France de Macron ne récompense absolument pas le travail – elle engraisse les actionnaires.

Les beaux discours sur les premiers de cordée ou la première ligne – les caissières, les aides-soignantes, les agents de sécurité – s'effacent derrière votre obsession : cajoler les riches. La preuve, en 2020, en pleine pandémie, le Gouvernement a décidé de fermer 5 700 lits d'hôpitaux. Il en avait déjà fermé 7 400 entre 2017 et 2019.

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Voilà votre doctrine : faire des économies sur le dos des gens, pour faire des cadeaux fiscaux à ceux qui n'en ont pas besoin. La suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est un des exemples de cette gabegie phénoménale.

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Même France Stratégie le souligne ! Emmanuel Macron avait pourtant promis de revenir sur cette suppression si elle ne se transformait pas en investissements et en créations d'emplois. Le résultat est clair, pourtant vous ne bougez pas le petit doigt.

Vous n'avez rien fait non plus pour rendre la fiscalité soit plus juste. L'impôt sur le revenu devait être progressif, au lieu de quoi vous avez instauré la flat tax. Dès 2022, avec Jean-Luc Mélenchon, nous rétablirons un impôt réellement progressif.

M. Loïc Prud'homme applaudit.

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Avec quatorze tranches, tout le monde paiera sa juste part ; les riches paieront beaucoup, les autres moins.

Nous voterons un plan d'urgence sociale pour résorber le chaos que vous avez laissé s'installer. En 2017, 8 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté ; elles sont 10 millions. Dans la sixième puissance économique, 8 millions de personnes ont besoin de l'aide alimentaire. Qu'on ne nous dise pas que nous manquons d'argent : c'est tout simplement qu'il n'est pas équitablement réparti.

Vous essayez de tromper la population avec des tours de passe-passe scandaleux. Par exemple, face à la hausse des prix de l'énergie, vous distribuez un chèque aux moins riches. Mais d'où vient l'argent ? Des caisses de l'État, c'est-à-dire de leurs propres poches ! Ces sommes sont autant de services publics que vous décidez de ne plus leur fournir. La stratégie préférée du macronisme est de voler notre montre pour nous donner l'heure !

Il faut partager les richesses. Les entreprises de l'énergie qui se gavent doivent mettre la main à la poche. Il faut limiter leurs profits et rendre l'excédent aux usagers. Bien entendu, vous ne le ferez pas.

En période de crise, vous prétendez aider les entreprises et les particuliers en difficulté, mais la réalité est tout autre : 600 000 très petites entreprises risquent la faillite. Il faut que l'État annule le gros de cette dette privée avant que la bulle n'éclate, mais vous ne le faites pas. Vous préférez arroser les entreprises du CAC40…

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…qui ont distribué 51 milliards de dividendes, tout en supprimant 60 000 emplois. Dans le pays, on déplore 300 000 emplois détruits, mais vous regardez ailleurs. Vous prétendez que s'il y a du chômage, c'est la faute des chômeurs. Vous avez le culot de brandir comme un argument les moins de 300 000 emplois qui ne seraient pas pourvus. Vaste fumisterie ! Ce chiffre correspond à un emploi pour vingt chômeurs. De plus, ces emplois ne sont pas pourvus tout simplement parce qu'ils ne permettent pas de vivre décemment de son travail. Qui parmi vous accepterait de travailler dans la restauration, par exemple, avec des horaires qui empêchent de voir sa famille et pour un salaire qui ne permet même pas de payer le loyer d'un logement situé à moins d'une heure de son lieu de travail ?

Il faut une vraie politique visant le plein-emploi, avec des salaires suffisants pour vivre et des emplois utiles à la société. Nous n'y arriverons pas si les salariés français sont en concurrence avec des ouvriers esclavagisés. Un protectionnisme écologique et solidaire est donc nécessaire, avec un investissement massif pour relocaliser et accomplir la bifurcation écologique de la production.

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Vous n'avez absolument pas mené à bien la relance nécessaire. Vous avez sécurisé les profits de quelques-uns en vidant les caisses sociales. Cela vous servira de prétexte pour dire que des réformes s'imposent et qu'il faut encore dépouiller les chômeurs, les assurés sociaux et les retraités. Voilà le tableau d'une gestion à la petite semaine, sans souci de justice et sans vision pour le pays. Personne, je dis bien personne, ne peut s'y résoudre. Nous demandons donc le rejet de ce budget.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Le Gouvernement est évidemment défavorable à cette motion. Si j'avais pu avoir le plaisir de débattre avec M. Lachaud au cours de la première ou de la nouvelle lecture, peut-être aurait-il commis moins d'erreurs et parlé du texte.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Monsieur le ministre délégué, contrairement à ce que vous prétendez, notre collègue Lachaud n'est pas hors sujet. Il semble que l'heure du bilan de la législature ait sonné ; ce bilan sera d'ailleurs présenté ce soir, deux heures durant, sur deux chaînes, par un président qui fait semblant de ne pas être en campagne tout en gardant le carnet de chèques ouvert. Le projet de loi de finances en est l'illustration.

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Puisque l'heure du bilan a sonné, faisons-le en deux minutes ! La démocratie est affaiblie – le budget que nous examinons en est l'illustration, dans lequel se sont multipliés les amendements de « l'homme qui valait 3 milliards ». Les inégalités sociales s'aggravent : les plus riches se portent à merveille, tandis que les plus pauvres et les plus modestes ont vu leur situation se figer, voire empirer. Les économies réalisées sur les plus modestes, au fil des lois de finances, en sont l'illustration : j'ai en tête la baisse du montant des aides personnelles au logement et les humiliations qui l'ont accompagnée, mais aussi la réforme de l'assurance chômage et ses conséquences bien concrètes. Le modèle social est systématiquement détricoté : attaques contre le droit du travail, hôpital public asphyxié – même pendant la crise sanitaire –, services publics supprimés alors que la ruralité vivante réclame le respect. L'organisation territoriale est méprisée : il suffit de voir la manière dont vous avez traité les maires au cours de la législature – et le projet de loi de finances confirme cette attitude. Les promesses se sont envolées : j'en veux pour preuve l'extrême humiliation, pour les publics concernés, que représente l'absence de volonté de bouger sur la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Tout cela, le projet de loi de finances ne cherche évidemment pas à le corriger.

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Comme si cela ne suffisait pas, la France est fracturée, alors que l'engagement présidentiel était de la réconcilier et de l'apaiser. Tel est le bilan dont le Président ne parlera pas ce soir, mais que nous faisons à l'occasion de la lecture définitive du projet de loi de finances.

M. Bastien Lachaud applaudit.

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Bien évidemment, rien ne trouve grâce aux yeux des membres du groupe La France insoumise :…

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…ce projet de loi de finances – pourtant si particulier, compte tenu de la crise que nous vivons – pas plus que les précédents. Rien ne trouve grâce à leurs yeux : ni la croissance soutenue – l'une des plus élevées en Europe –, ni la baisse de la dette,…

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…ni la réduction très importante du déficit – de moitié cette année –, ni la réduction des dépenses de l'État.

Rien ne trouve grâce : ni l'augmentation des budgets des missions régaliennes, ni les 1,7 million d'euros pour les armées et la sécurité extérieure ,

M. Alexandre Holroyd applaudit

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ni les 1,5 milliard d'euros pour la sécurité intérieure – avec des crédits pour les équipements et les embauches –, ni les 700 millions pour améliorer le fonctionnement de la justice et réduire les délais de jugement.

Rien ne trouve grâce : ni les investissements massifs destinés à réduire la consommation d'énergie, qui entraînent des économies pour les ménages, ni ceux du plan de relance, qui permettront de décarboner l'économie.

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Quels amendements, au juste, ont trouvé grâce à vos yeux ?

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Pire encore, la baisse historique du chômage résultant de notre action économique et fiscale ne trouve pas non plus grâce à leurs yeux ! Cette baisse se poursuivra grâce au projet de loi de finances. Là où les précédents gouvernements ont tous échoué, nous avons réussi à réduire le chômage, qui est l'un des marqueurs sociaux les plus importants.

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Rien ne trouve grâce à leurs yeux, même pas la protection des précaires inscrite dans le projet de loi de finances.

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Je croyais que la motion n'avait pas de rapport avec le PLF ?

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Monsieur Jumel, si s'opposer est nécessaire et bénéfique en démocratie,…

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…le rejet systématique est non constructif et irresponsable.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche rejettera la motion de rejet.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem. – Mme Valérie Petit applaudit également.

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Sur la forme, je suis toujours très étonné de voir une motion de rejet déposée à ce stade de la discussion du texte.

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Vous avez pourtant eu l'occasion d'exprimer votre position au cours des discussions ; en commission, vos collègues ont été particulièrement actifs pour défendre des amendements.

Sur le fond, je suis surpris que vous ne parliez pas de certaines dispositions du texte, notamment les articles 5 et 6 concernant les petites entreprises.

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Le plan Indépendants, les mesures en faveur de la création et de la transmission d'entreprises, cela ne concerne pas grand capital ! L'amortissement sur les fonds de commerce non plus. De même, le bouclier tarifaire, ce n'est pas rien ! Comme la prime inflation, c'est une mesure qui va dans le bon sens.

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De plus, ce texte permet de se projeter dans l'avenir, grâce à l'intéressant plan France 2030. C'est un bon projet de loi de finances, qui a été compliqué à élaborer – tout le mandat a été compliqué. Grâce aux mesures que nous avons prises, l'économie a tenu et nous créons des emplois.

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Pour toutes ces raisons, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera contre la motion de rejet.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Le groupe Socialistes et apparentés ne prendra pas part au vote, pour une simple question de forme : si nous n'avions pas de budget promulgué au 31 décembre 2021, ça signifierait tout simplement qu'au 1er janvier, nous ne serions pas capables de percevoir les impôts ni de payer les fonctionnaires.

MM. Jean-René Cazeneuve et Alexandre Holroyd applaudissent.

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Sur le fond, je partage beaucoup de ce qui a été dit sur l'essence même de ce quinquennat. On parle beaucoup de la dépense publique – le président Woerth l'a fait tout à l'heure. J'aimerais bien plus que l'on parle de la recette publique, des impôts et que l'on fasse de la pédagogie en la matière. Qui dit dépenses publiques, dit service public et souvent, le service public est le minimum de ceux qui n'ont rien.

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Chers collègues de La France insoumise, pour la troisième fois vous déposez une motion de rejet sur le PLF pour 2022.

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Nous avons tous parfaitement conscience des conséquences pratiques qu'aurait son adoption. Vous utilisez cet outil, à votre disposition, pour exprimer votre vision politique et votre opposition à – à peu près – tout. Mais vous êtes aussi les premiers à dénoncer l'utilisation par le Gouvernement des outils dont il dispose lors de l'examen d'un texte aussi important qu'un projet de loi de finances. Un peu plus de cohérence ferait du bien à chacun d'entre nous. Évidemment, je ne répondrai pas sur le fond. Afin d'être cohérent, le groupe Agir ensemble ne votera pas pour la motion de rejet.

Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

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Aujourd'hui, le journal Le Monde titre en une : « La baisse du pouvoir d'achat inquiète l'exécutif ». Selon les prévisions de l'INSEE, celui-ci devrait en effet baisser de 0,5 % au cours de la première moitié de 2022. Je m'interroge donc sur les propos de M. le rapporteur général, qui a vanté l'effet du PLF sur la protection des ménages.

Gouverner, c'est prévoir. Pourtant, les prévisions, c'est précisément ce qui vous manque. Or cette baisse de pouvoir d'achat était prévisible ! Je cite le journal : « D'abord minimisée par Bercy, l'augmentation des prix inquiète le gouvernement […] », mais visiblement pas la majorité. Nous avons toujours dit que les mesures de soutien étaient largement insuffisantes. C'est d'ailleurs écrit : l'inflation, estimée à 2,8 %, est à mettre en regard d'un pouvoir d'achat en progression de 1,8 %.

L'article poursuit en expliquant que les mesures de soutien pèsent sur les finances publiques ; en effet, puisqu'il n'y a plus de recettes avec les cadeaux que vous avez faits aux riches, les niches fiscales au profit d'entreprises pollueuses, etc. La doxa financière européenne vous sert d'ornière et vous rend aveugles. Nous sommes devenus les greffiers de Bercy ! Mais être un greffier ou un comptable, ce n'est pas être un politique.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

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Sur l'ensemble du texte, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.

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Alors que le ministre de l'économie et la majorité se répandent dans tous les médias sur la bonne situation économique, les rapports d'évaluation critiques à l'égard de votre action économique ne cessent de s'accumuler, et ce, à chacune des lectures du PLF. Depuis le début de son examen – ce fut d'ailleurs une constante durant tout le quinquennat –, la représentation nationale a été traitée avec mépris : non seulement le budget initial s'est révélé incomplet, plus de 200 amendements gouvernementaux ayant été déposés à la dernière minute, mais toute contradiction ou proposition provenant de l'opposition a été mise à l'écart.

Puisque vous refusez d'entendre la moindre critique provenant de nos bancs, je vais tâcher de rappeler, à la lumière de ces évaluations, le bilan de votre politique. Lors de la première lecture du PLF, France Stratégie publiait le dernier volet de l'évaluation de la suppression de l'ISF et de l'instauration de la flat tax. Je vous soumets pêle-mêle ses conclusions : « En 2019, tout comme en 2018, les dividendes ont été encore plus concentrés qu'en 2017 : […] 31 % ont été reçus par 3 900 foyers, soit les 0,01 % les plus riches. » Je cite toujours : « 310 foyers ont enregistré une augmentation de plus de 1 million d'euros de leurs dividendes en 2018 et 2019 par rapport à 2017. » Tout ça pour quels résultats ? « L'observation des grandes variables économiques – croissance, investissement […] – ne suffit pas pour conclure sur l'effet réel de ces réformes ». Voilà le bilan que tire France Stratégie de votre politique sur la fiscalité du capital.

Quelques semaines plus tard, c'est l'Institut des politiques publiques (IPP) qui mettait en évidence les effets de votre politique sur les ménages. Le bilan était lui aussi sans appel : les Français ont gagné en pouvoir d'achat lors du quinquennat, à l'exception des 5 % les plus pauvres. Rappelons que ces 5 % des ménages correspondent à 3,35 millions de personnes en grande précarité, dont le revenu disponible après prélèvements est inférieur à 800 euros par mois. Ils ont pâti des moindres revalorisations de prestations sociales, limitées en montant mais très nombreuses, et sont désavantagés par la fiscalité sur l'énergie. De l'autre côté, les 1 % les plus riches, c'est-à-dire les contribuables qui disposent en moyenne de 10 500 euros par mois, ont eux gagné davantage que le reste des Français, avec une augmentation de 2,8 % de leur niveau de vie et même de 4,1 % pour les 0,01 % d'ultrariches. Aux effets de la réforme de la fiscalité du capital précédemment cités, s'ajoute la suppression de la taxe d'habitation initialement vendue comme une mesure en faveur des plus modestes, mais qui profitera pour 8 milliards aux 20 % les plus riches.

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Enfin, la semaine dernière, c'est le Laboratoire sur les inégalités mondiales qui publiait son rapport sur le partage des richesses. Il s'agit en quelque sorte d'une réponse directe au ministre Bruno Le Maire, qui ne cesse de vanter la bonne croissance française. Que dit le rapport ? Il met en évidence le fait que 32 % de la croissance sont captés par les 10 % les plus riches. Au niveau du patrimoine, c'est encore pire, puisque les 10 % les plus riches détiennent 52 % du patrimoine total, et 27 % rien que pour les 1 % les plus riches.

Ce bilan sans concession n'est pas dressé par les députés communistes ou de l'opposition, que vous méprisez, mais est le fruit d'évaluations indépendantes qui devaient, jadis, constituer la nouvelle boussole de l'action publique. Votre politique économique s'est avérée particulièrement inégalitaire, sans par ailleurs produire de résultats positifs ; les quelques mesures de pouvoir d'achat pour les plus modestes que, tels des pompiers pyromanes, vous proposez dans ce PLF ne changent rien à l'affaire. À l'aube de la fin du quinquennat, vous êtes désormais bien isolés pour défendre votre bilan économique. Bien entendu, conformément aux positions que nous avons défendues durant toute la législature, et compte tenu de votre refus systématique d'accepter les nombreuses propositions que nous avons faites, les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et les députés communistes voteront contre le projet de loi de finances pour 2022.

Pour conclure, je dirai que l'expression de président des riches, de Gouvernement des riches et de majorité des riches aura marqué de manière indélébile votre mandat qui s'achève. Il est temps de prendre un autre chemin.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.

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Il y a cinq ans nous débattions ici même du premier budget du quinquennat…

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…s'accompagnant d'une promesse, d'une volonté, d'un cap, celui de renouer avec la compétitivité de l'économie française. Un quinquennat plus tard, que de chemin parcouru !

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Malgré la plus grande crise de mémoire d'homme,…

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Certains ont la mémoire courte ! La mémoire de Dory, le poisson du Monde de Nemo !

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…cette majorité a fait ce que nulle autre n'avait réussi, en baissant durant cinq années consécutives la pression fiscale en France, en rendant 52 milliards d'euros aux Français et aux Françaises et en parvenant à un résultat très clair : la croissance la plus importante depuis 1969. En effet, les entreprises embauchent, des emplois industriels sont créés en France, les ménages consomment et le taux d'emploi est sans équivalent depuis 1975 ;…

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…telle est aujourd'hui la réalité de notre économie.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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Ces cinq années n'ont pas été un long fleuve tranquille mais la majorité, coûte que coûte, est restée fidèle au contrat de confiance noué avec le peuple français au printemps 2017. Oui, en réformant le marché du travail, en renforçant la formation professionnelle et l'apprentissage, en réduisant l'impôt sur les sociétés et les impôts de production, en instaurant le prélèvement forfaitaire unique, en augmentant la prime d'activité, en baissant certaines cotisations salariales et patronales,…

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…en faisant toutes ces réformes parmi tant d'autres, nous avons renforcé la résilience de notre économie…

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…et nous avons commencé à rééquilibrer sa compétitivité.

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Commencé seulement car, soyons lucides, il reste beaucoup de chemin à parcourir.

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Il suffit de songer au problème lancinant posé par notre balance commerciale. On ne rééquilibre pas en un quinquennat quarante ans de décrochage économique généralisé. Il faut du temps et de la constance ; c'est ce que cette majorité incarne.

Rires sur les bancs du groupe GDR.

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Chacune et chacun devraient se réjouir de ces résultats économiques, mais ne perdons pas de vue que ceux-ci doivent bénéficier aux Français et non l'inverse. Nous avons besoin d'une économie compétitive pour protéger les Français, particulièrement les plus fragiles. Tel est le fil d'Ariane de l'action de cette majorité.

La particularité de ce budget, comme de celui qui le précède, c'est la crise de la covid-19.

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

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Elle a représenté le plus grand bouleversement de notre société depuis la seconde guerre mondiale, le plus grand effondrement de notre produit national brut depuis l'occupation, le plus grand bouleversement des chaînes de valeur, des modes de consommation, d'interaction – en d'autres termes, de vie – que nous ayons connus.

Qui a protégé les Français lors de cette tempête ? C'est l'État ,

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM

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à la demande de ce gouvernement et de cette majorité.

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C'est cette majorité qui a protégé les entreprises françaises en instaurant le fonds de solidarité ; c'est cette majorité qui a préservé les recettes des collectivités territoriales ; c'est cette majorité qui organise la relance de notre économie dans le cadre du plan France relance, et qui assure son avenir grâce au plan d'investissement France 2030 ; enfin, c'est cette majorité qui prévoit dans ce budget que les prix du gaz n'augmenteront pas en 2022, que ceux de l'électricité resteront maîtrisés et que les plus modestes seront aidés pour payer leurs factures.

M. Jean-René Cazeneuve applaudit.

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Alors oui, cette protection a un coût. Après avoir été la première majorité à réussir à faire sortir la France de la procédure de déficit excessif, nous assumons pleinement de mobiliser toutes les ressources à notre disposition pour faire face à la crise. Évidemment, nous entendons les Thatcher de pacotille qui, après avoir creusé la dette publique pendant quarante ans sans le moindre résultat économique probant et avoir été aux responsabilités pendant le plus long décrochage économique qu'a connu un pays du G7,…

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…écument les plateaux de télévision pour nous accuser d'avoir cramé la caisse. Au fond, c'est une bonne chose car cela révèle une vraie différence entre nos visions de la société. En effet, madame la présidente, aider nos entreprises et préserver nos emplois, ce n'est pas cramer de l'argent, c'est investir dans notre avenir ;…

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem

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Vous ne pouvez pas interpeller ainsi la présidente ! Ce n'est pas très élégant, sachant qu'à la place où elle se trouve, elle ne peut pas vous répondre !

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…aider une famille modeste à se chauffer l'hiver, ce n'est pas cramer de l'argent, mais l'utiliser à bon escient ; s'assurer que chacun soit en mesure d'obtenir l'énergie à un prix abordable, ce n'est pas cramer de l'argent, c'est la raison d'être la plus élémentaire de l'action politique.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

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…la majorité votera ce projet de loi de finances, pleinement consciente qu'il reste encore bien du chemin à parcourir et plusieurs réformes structurelles à engager pour rétablir nos finances publiques par la croissance et l'investissement. Elle le votera parce qu'elle assume pleinement sa volonté de renouer avec le dynamisme économique dont notre nation a besoin.

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Elle le votera parce qu'elle assume pleinement son ambition de protéger nos concitoyens.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

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De mémoire d'homme, je n'avais jamais entendu cela !

Sourires.

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En préambule, permettez-moi, avant l'adoption définitive de ce budget, de saluer le travail et de remercier tous les administrateurs et tous les collaborateurs qui n'ont pas ménagé leur peine durant l'automne.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

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Hélas, ce dernier budget confirme le renoncement complet – je pèse mes mots – du Gouvernement à maîtriser les comptes publics et conclut ainsi un quinquennat désastreux

« Oh ! » sur quelques bancs du groupe Dem

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pour les finances de la France. De jour en jour, les dépenses s'accumulent et la question de la soutenabilité de notre dette se pose plus que jamais. Mes chers collègues, soyons lucides : durant le quinquennat d'Emmanuel Macron, la dette aura augmenté de 680 milliards d'euros et s'apprête à franchir le chiffre astronomique des 3 000 milliards d'euros, soit 45 000 euros par Français. Plus alarmant encore, il s'agit souvent de dépenses pérennes qui engagent les prochains gouvernements de manière quasi irréversible.

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La prochaine présidente de la République – je parle de l'avenir, donc j'emploie le féminin, et vous pouvez, bien entendu, y voir un présage –…

M. Pierre Cordier s'exclame.

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…sera donc pieds et poings liés, contrainte d'honorer des dépenses qu'elle n'a pas approuvées et tenue de rembourser une dette héritée de son prédécesseur.

Vives exclamations sur les bancs du groupe Dem.

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Le Sénat ne s'y est d'ailleurs pas trompé en choisissant de rejeter ce budget indéfendable, sans aller au terme de son examen.

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Pécresse, c'était 500 milliards d'euros de déficit en plus !

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C'est un acte politique fort que je salue à mon tour et qui doit, monsieur le ministre délégué, vous faire comprendre que vous avez dépassé les bornes.

Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Depuis la fin de l'été, vous n'avez fait pas moins de quarante annonces représentant, au total, 45 milliards d'euros de dépenses nouvelles !

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Qu'avait donc fait Nicolas Sarkozy en 2008 et en 2009 ?

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Quelle folie et quelle irresponsabilité vis-à-vis des générations futures à qui vous laisserez une facture vertigineuse. Cette profusion de dépenses cherche en réalité à masquer l'absence criante de réformes : le Gouvernement n'a pas réformé, il a dépensé.

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À six mois des élections, l'argent semble tomber du ciel pour financer, entre autres, le plan France 2030, le bouclier énergie, le revenu d'engagement ou le chèque énergie. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas cautionner ce budget de campagne, cette fièvre dépensière et cette frénésie démagogique.

MM. Bruno Millienne et Brahim Hammouche protestent.

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Vous avez pourtant bien cautionné celles de Mme Pécresse !

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Lors de son examen en première lecture, je dénonçais un projet de loi de finances pour 2022 plein de trous ; le Haut Conseil des finances publiques déplorait lui-même le caractère lacunaire de la présentation des comptes. Deux mois plus tard, les faits nous donnent malheureusement raison. D'abord, le Gouvernement a dissimulé 100 milliards d'euros de dettes…

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…en jouant sur les primes d'émission, afin de cacher aux Français que notre niveau réel d'endettement dépassera les 120 % du PIB.

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Ensuite, le projet de budget présenté au mois d'octobre dernier était si incomplet que vous y avez introduit depuis de nouvelles mesures représentant un montant de 20 milliards d'euros, le tout, bien entendu, sans avis du Conseil d'État ni étude d'impact. Enfin, tous les records ont été battus, puisque le Gouvernement a déposé en première lecture 132 amendements sur son propre projet de loi et encore 72 autres en nouvelle lecture.

Jamais l'élaboration d'un budget n'aura semblé aussi improvisée et aussi peu respectueuse du travail parlementaire. Nous ne pouvons cautionner de telles pratiques et nous saisirons donc le Conseil constitutionnel. La triste réalité que ce budget ne peut masquer, c'est que la France est devenue le maillon faible de l'Europe.

Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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C'est simple, notre taux de dépenses publiques et notre déficit commercial sont les plus élevés de l'Union européenne, et nous sommes plus que jamais les champions d'Europe en matière de taxes et d'impôts. Enfin, la France est plus endettée que vingt-quatre des vingt-sept pays de l'Union européenne : piètre bilan pour ceux qui vantaient leur sérieux budgétaire et annonçaient des efforts sans précédent dans la maîtrise des comptes publics. C'est cette majorité qui a rendu le niveau de la dette publique insoutenable ;…

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…la prochaine aura donc une responsabilité fondamentale pour enrayer le décrochage très inquiétant de notre pays.

Enfin, je m'interroge sur les tripatouillages commis par le Gouvernement pour tenter de freiner vainement la hausse très alarmante des prix de l'énergie. Plutôt qu'adopter cet amendement bricolé à la dernière minute, nous maintenons qu'il aurait été bien plus simple et bien plus juste de voter une baisse durable des taxes qui pèsent sur les factures de carburant, de gaz et d'électricité des Français.

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Mes chers collègues, vous l'avez compris, les députés du groupe Les Républicains ne voteront pas ce budget qui ne baisse pas les taxes pour les générations présentes…

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Les riches ont reçu suffisamment de cadeaux !

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…et augmente très fortement le fardeau pesant sur les générations futures.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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Écoutez le plus sage et le plus âgé d'entre nous !

Il était déjà député lorsque je suis né !

Sourires.

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La semaine dernière, lors de l'examen du projet de loi de finances en nouvelle lecture, alors que nous pensions le bar fermé, vous nous avez offert une nouvelle tournée générale – pour un montant inconnu.

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En effet, le Gouvernement n'est pas capable de mesurer le coût de l'ajustement du bouclier tarifaire : alors qu'il l'évaluait initialement à environ 5,6 milliards, il vient d'avouer que ce montant pourrait doubler pour atteindre 12 milliards – une paille !

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Cet exemple d'un dispositif pris dans l'urgence et manifestement mal calibré me conduit à poser au Gouvernement cette toute petite question : où va la France après cinq années de gestion des finances publiques par l'actuelle majorité ?

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Premièrement, au cours de cette période, le déficit est passé de 61 milliards en 2017 à plus de 153 milliards pour l'exercice 2022 ; c'est ce qu'on appelle un très léger dérapage budgétaire.

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Conséquence directe : la France avance un peu plus dans le chemin qui mène au désastre. Notre dette publique n'a cessé de croître ; en 2022, elle atteindra 114 % du PIB contre 98,4 % en 2017. Le bilan du quinquennat, c'est donc une dette par foyer français qui s'est alourdie de 25 000 euros, pour atteindre un total de 100 000 euros à la fin de l'année 2022.

Ce résultat, déjà peu flatteur, est faussé par un habillage trompeur, puisque vous avez dissimulé une partie de la dette sous forme de primes à l'émission. Ce tour de passe-passe budgétaire conduit à diminuer la dette publique au sens de Maastricht, fin 2021, de 100 milliards d'euros ! Vous me direz, monsieur le ministre délégué, qu'avec 3 000 milliards d'euros de dette à fin 2022, nous ne sommes plus à 100 milliards d'euros près !

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Même si notre groupe n'occulte pas les effets de la crise du covid, ce sont également les failles de votre gestion budgétaire qui ont conduit à ce bilan désastreux.

Deuxième remarque, intimement liée à la première, l'augmentation des dépenses publiques a prélevé près de 60 % de la richesse de notre pays. Un simple calcul permet de le démontrer : le PIB nominal français est passé de 2 291 milliards d'euros en 2017 à 2 587 milliards d'euros fin 2022, soit – en calculant bien – une hausse de la richesse nationale de 296 milliards d'euros ! Mais de combien ont augmenté les dépenses publiques pendant la même période ? De 182 milliards d'euros.

En d'autres termes, vous avez capté plus de 60 % de la richesse supplémentaire créée, plombant ainsi la compétitivité de la France. Celle-ci se traduit par une hausse des deux tiers de notre déficit commercial. L'année 2022 marquera un nouveau record, avec un déficit prévisionnel de la balance commerciale de 95 milliards d'euros, contre 58 milliards d'euros en 2017. Monsieur le ministre délégué, où va la France, si ce n'est dans le cercle vicieux des pertes de compétitivité et des déficits publics croissants ?

Troisième remarque, nous sommes toujours les tristes champions des prélèvements obligatoires – même si, grâce aux Danois, nous sommes désormais relégués en deuxième position… Monsieur le ministre délégué, vous annoncez partout avoir baissé les prélèvements obligatoires, de plus de 50 milliards d'euros. Vérifions tout de suite : le ratio entre les prélèvements obligatoires et le PIB s'établissait à 45,1 % en 2017, et serait, d'après vos prévisions, de 43,5 % en 2022, soit une baisse de 1,6 point de PIB, ce qui équivaut à 41 milliards d'euros : ce ne sont pas 50 milliards d'euros ! En outre, tout cela est intégralement financé par une augmentation du déficit public. Au fond, votre stratégie budgétaire est très simple : « Plus de dépenses, moins de recettes, on s'endette et on verra plus tard ! »

Quatrième remarque : vous continuez à mettre les territoires de côté. Le plan de relance s'est déployé de manière uniforme, sans prendre en compte les spécificités de chaque territoire.

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Si c'est un ancien du MODEM qui le dit, cela ne peut être que vrai !

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Votre déconsidération pour les collectivités territoriales s'est encore confirmée en nouvelle lecture. Alors que les régions avaient trouvé un accord unanime sur la péréquation interrégionale, vous avez préféré le mettre de côté au profit de votre propre conception. Votre bilan est aussi celui de la poursuite de l'érosion progressive de l'autonomie fiscale des collectivités. Ce faisant, vous distendez encore un peu plus le lien entre le citoyen contribuable et le citoyen électeur, affaiblissant ainsi la démocratie locale.

Cinquième et dernière remarque, vous avez déposé tout au long de la navette parlementaire ce que j'appelle des bombes budgétaires électorales. La plus puissante a sans doute été votre amendement à 34 milliards d'euros – un record –,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…qui ne dote le plan d'investissement France 2030 que de 3,5 milliards d'euros de crédits de paiements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela traduit votre mépris du Parlement, avec des amendements à plusieurs milliards d'euros, sans étude d'impact.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes cinq remarques témoignent de votre échec dans la gestion des finances publiques et justifient que les députés du groupe Libertés et territoires votent très majoritairement contre ce budget 2022.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.

Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, si vous voulez bien mettre fin à vos conversations particulières, nous pourrons entendre Mme Christine Pires Beaune.

Vous avez la parole, madame la députée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'examen du dernier projet de loi de finances du quinquennat touche à sa fin. Tous ont été marqués par les multiples crises que notre pays a connues depuis cinq ans, qu'elles soient sociales, fiscales, économiques ou sanitaires. Ce dernier PLF est, à n'en pas douter, un budget de précampagne électorale, complété au gré des déplacements du Président de la République. Il bat tous les records ! D'abord, celui du nombre d'amendements gouvernementaux – plus de 200 ! Ensuite, celui de l'amendement le plus cher de l'histoire de la République, pour un montant de 34 milliards d'euros. Cela n'est pas sérieux : comment le Parlement peut-il décemment travailler sur ces nouvelles dépenses incessantes et massives ? Le Haut Conseil des finances publiques ne s'y est d'ailleurs pas trompé, en refusant d'évaluer le volet dépenses du budget – une première !

Avec ce budget, tout change et rien ne change.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tout change, car, pendant plus de trois ans, nous avons entendu la petite musique de la rigueur budgétaire. Le seul objectif était celui du retour à l'équilibre, coûte que coûte. Cela suffisait à justifier l'effort des plus fragiles et les mesures favorables aux plus aisés. Terminé le slogan de M. Le Maire – cinq, trois, un –, selon lequel il fallait réduire la dette de cinq points de PIB, le déficit de trois points, et les prélèvements obligatoires d'un point. La crise a bon dos et le Gouvernement profite de la suspension du carcan budgétaire européen pour dépenser sans compter.

Votre fameuse – pour ne pas dire fumeuse – théorie du ruissellement se heurte au mur des réalités et à la crise. Certes, le groupe Socialistes et apparentés se réjouit que le Gouvernement redécouvre les vertus de l'État providence et de l'interventionnisme ; encore faut-il qu'il ne se drape pas par opportunisme des attributs du keynésianisme.

Car finalement, rien ne change. Si nous comptons en centaines de milliards d'euros les aides aux entreprises – en deux ans, le « quoi qu'il en coûte » s'est traduit par 230 milliards d'euros de dépenses –, celles accordées aux ménages les plus précaires, dans un contexte de crise du pouvoir d'achat, se réduisent comme peau de chagrin. Cette crise est un prétexte : au nom de la relance de l'économie, elle sert à distribuer davantage aux entreprises, sans aucune contrepartie, et à éteindre les potentiels incendies qui pourraient se déclencher ici ou là, à l'aube d'importantes échéances électorales.

Cela s'inscrit dans le droit fil des suppressions d'impôts de production, de la baisse de l'impôt sur les sociétés, ou encore de la suppression de l'exit tax. C'est donc un budget électoraliste, doublé d'un budget de classe.

Le cap fixé en 2017 reste fondamentalement le même pour 2022. Après avoir été les grands gagnants des premières années du quinquennat, grâce à la transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI), à la suppression de la taxe d'habitation – qui n'a d'ailleurs pas augmenté le pouvoir d'achat des plus modestes, puisqu'ils en étaient déjà exonérés –, ou encore à l'instauration du prélèvement forfaitaire unique, les plus riches des plus riches n'ont toujours pas été mis à contribution pour participer à l'effort national. Dans le même temps, les plus modestes, tellement plus nombreux, voient leur pouvoir d'achat s'éroder. Nombre d'entre eux risquent de ne pouvoir se chauffer suffisamment cet hiver,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…ou se déplacer en raison d'une inflation record : ce ne sont pas les 100 euros du chèque énergie qui changeront les choses !

C'est donc un choix politique. Il vous faut l'assumer. Nous le dénonçons. Vous perpétuez, sous couvert de dépenses massives et sans ligne directrice, les mêmes erreurs que les années précédentes. Vous nous répondrez, monsieur le ministre délégué, que la croissance est là. Je vous dis que la reprise est mécanique, après la mise à l'arrêt forcée et brutale de l'économie mondiale. Plus encore, si elle est vive au troisième trimestre de 2021, en s'élevant à plus de 3 %, elle était bien plus faible que pour les autres pays développés lors du trimestre précédent, s'établissant à seulement 1,3 %, contre 2,7 % pour l'Italie et 5,5 % pour le Royaume-Uni – qui, pour sa part, doit en outre composer avec les conséquences du Brexit. Il faut donc savoir raison garder.

Jusqu'au dernier moment, vous auriez pu rectifier le tir. Mais vous en avez décidé autrement, en ignorant une fois de plus – une fois de trop – les aspirations des Français et les attentes sociales. Un seul exemple, celui de l'AAH, dont les personnes en situation de handicap attendent de longue date l'individualisation afin de ne plus dépendre de leur conjoint et d'être ainsi autonomes. En ne proposant qu'un abattement forfaitaire sur les revenus du conjoint, vous avez fait le choix, encore une fois, d'ignorer leur détresse.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialistes et apparentés votera contre l'adoption de ce texte.

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J'en profite pour faire un aparté à propos du crédit d'impôt recherche (CIR) et du statut de jeune entreprise innovante (JEI). En tant que rapporteure spéciale des crédits de la mission "Remboursements et dégrèvements" , j'attends toujours des éléments précis, non reçus à ce jour.

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S'agissant de l'allongement de la durée du statut de JEI de sept à dix ans, je regrette profondément l'attitude du Gouvernement, qui, d'une part, dépense des milliards d'euros, sans plafond, pour des grands groupes, au titre du CIR, mais, d'autre part, mégote sur 100 millions d'euros pour les jeunes entreprises innovantes.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

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Nous voici à l'heure du bilan, celui d'une législature particulièrement riche sur le plan fiscal et budgétaire, sous laquelle il nous aura fallu sans cesse nous adapter et proposer des réponses à la hauteur des immenses défis qui se sont dressés devant nous. De la crise des gilets jaunes à la crise sanitaire, le Gouvernement et la majorité ont su montrer leur capacité à donner un cap au pays. Nous entendons toutefois depuis quelque temps la douce musique que les oppositions se remettent à jouer à la veille des échéances électorales : nous n'aurions rien fait, ou fait si peu, et en même temps, nous en aurions trop fait avec l'argent des Français.

Bref, on reproche à peu près tout – et n'importe quoi – à cette majorité,…

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…tant et si bien qu'à l'heure du bilan, il est de notre responsabilité de rappeler quelques faits : la baisse massive des impôts de production pour soutenir notre tissu productif, la baisse de l'impôt sur les sociétés pour redonner de la compétitivité aux entreprises, la bascule du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allègements de charges pour favoriser l'emploi et la croissance, nous l'avons fait ; la transformation de l'impôt sur la fortune, la défiscalisation des heures supplémentaires, la baisse des cotisations sur les salaires, la simplification et la clarification fiscale, nous l'avons fait ;…

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…la sortie de la procédure pour déficit excessif, nous l'avons obtenue avant la crise, et cela nous a permis de mobiliser massivement les finances publiques pour protéger les Français !

Car depuis le premier jour de la crise sanitaire, il y a un pilote dans l'avion de la politique économique française. Qui oserait dire que le fonds de solidarité, l'activité partielle et les prêts garantis par l'État n'ont pas été des dispositifs à la hauteur de la crise ? Qui oserait remettre en cause le soutien financier massif de l'État pour protéger l'emploi de nos concitoyens et pour accompagner les collectivités territoriales et les entreprises en cette période exceptionnelle si difficile ? Finalement, contrairement à ce que l'on dit trop souvent, nous avons su tirer les leçons du passé. En effet, lors des crises précédentes, aucun de ces outils de protection n'avait été élaboré par les gouvernements alors aux manettes, et l'on en connaît les résultats : explosion du nombre de chômeurs, perte de compétitivité, recul du nombre d'emplois et augmentation de la dette publique.

Nous n'allons pas nous excuser d'avoir su prendre toutes les mesures qu'il fallait – avec de l'argent public, certes, mais nos impôts servent à cela : financer la solidarité nationale, d'autant plus lorsqu'une crise affecte l'ensemble de nos concitoyens. Nous n'avons d'ailleurs pas attendu la crise pour mener une politique sociale juste et protéger les Français : c'est sous ce quinquennat qu'ont été revalorisés l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation aux adultes handicapée, le minimum vieillesse et le complément de libre choix du mode de garde. C'est sous ce quinquennat qu'ont été permis le reste à charge zéro grâce au « 100 % Santé », la réindexation sur l'inflation des pensions de base des retraités modestes, l'indemnisation du congé de proche aidant, la création du service public de versement des pensions alimentaires, la revalorisation des pensions de retraite agricole. Je pourrais continuer longtemps, évoquer le Ségur de la Santé, la création d'une taxe sur les géants du numérique ou le nécessaire réarmement des ministères régaliens, voulu par cette majorité depuis cinq ans, mais aussi le rôle majeur de l'État, qui investit pour l'avenir et pour nos filières industrielles.

Alors bien sûr, non, nous n'avons pas tout fait, non, nous n'avons pas tout bien fait, mais nous avons l'immense mérite d'avoir réformé, d'avoir montré le chemin d'une prospérité retrouvée et d'avoir su protéger nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au contraire, vous les avez laissés s'enfoncer !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Bien sûr, nous savons que certains de nos concitoyens sont encore dans une situation de précarité inacceptable, et que d'autres n'arrivent toujours pas à vivre décemment de leur travail ; mais le projet de loi de finances pour 2022 porte la marque de notre volonté d'y apporter les réponses nécessaires et de poursuivre notre engagement plein et entier au service de la France et des Français. C'est bien pourquoi le groupe Agir ensemble votera ce projet de loi.

M. Christophe Euzet applaudit.

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En conclusion de l'examen de ce dernier texte budgétaire du quinquennat, je remercie à mon tour très sincèrement tous les agents de la commission des finances ainsi que l'ensemble des collaborateurs ministériels, parlementaires et des groupes, pour leur engagement, pour leur patience et pour leur capacité de résistance. Chers collègues, madame la présidente, monsieur le ministre délégué, je vous souhaite à tous de très belles fêtes de fin d'année.

Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

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Décidément, et c'est malheureux, l'incapacité de ce PLF pour 2022 à traduire une vraie trajectoire pour nos finances publiques fait consensus. Je vous le rappelle, pour la première fois de la législature, le Haut Conseil des finances publiques s'est déclaré incapable de rendre un avis pleinement éclairé sur les prévisions en matière de finances publiques pour 2022 tant ce texte était manifestement incomplet.

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C'est un constat d'échec partagé par le Sénat qui, encore ce mardi 14 décembre, a opposé la question préalable pour rejeter le projet de loi en nouvelle lecture. Comment se réjouir d'examiner un texte qui est le fruit de dysfonctionnements de nos mécanismes démocratiques ? Ce PLF, plus électoraliste que jamais, révèle un échec à relever les défis économiques et financiers du pays.

Le nombre considérable d'amendements déposés par le Gouvernement en vue d'achever la rédaction du texte au cours de sa discussion est un bricolage dont on ne peut se satisfaire. Avec le groupe UDI et indépendants, nous avons pourtant été force de proposition en vous présentant des mesures concrètes en matière de soutien aux PME, aux artisans et aux professions libérales. Nous vous avons également alertés sur l'absence de pertinence de certains dispositifs comme le contrat d'engagement jeune ou certaines mesures relatives aux services à la personne.

Nous vous avons aussi donné la possibilité de vous emparer de sujets de santé publique. Ainsi, nous saluons le travail exceptionnel de notre collègue Béatrice Descamps, dont l'amendement destiné à donner l'impulsion nécessaire à la recherche sur les cancers pédiatriques a été adopté contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur.

De même, nous avons porté la voix de nos concitoyens en matière de fiscalité des successions, de transition écologique, mais aussi à propos de la maladie de Lyme ou d'autres sujets essentiels à leurs yeux.

Enfin, nous avons pris le temps de vous exposer en quoi le système fiscal en vigueur peut se révéler très injuste pour de nombreux concitoyens et insisté sur la nécessité d'actionner le levier communautaire pour soutenir nos dispositifs fiscaux – et non pas l'inverse. Comment accepter de lever de la taxe sur la taxe ? La fiscalité énergétique choque tant qu'une refonte des règles de TVA s'impose – or ce PLF aurait pu donner cette impulsion.

Alors, je ne vous cache pas notre déception que vous n'ayez pas saisi l'occasion de transformer en vrai PLF un texte qui demeure le projet de loi de la dépense publique.

Si nous analysons les chiffres, en première lecture, ce sont plus de 7 milliards d'euros de crédits qui ont été ajoutés par le dépôt de 130 amendements du Gouvernement. Et cela a continué : nous avons compté, en seconde lecture, pas moins de 73 amendements du Gouvernement totalisant 400 millions d'euros de nouvelles dépenses. Ce dernier n'a cessé de contourner le Parlement en déposant des amendements aux montants considérables et en s'affranchissant, en amont, de toute étude d'impact.

Nous demandons depuis des mois que l'État s'impose un devoir de responsabilité en consacrant au désendettement les recettes supplémentaires, comme le Sénat l'appelle aussi de ses vœux. Comment le Gouvernement peut-il faire preuve d'autant de désinvolture concernant les finances publiques ? Rappelons tout de même que la dette n'en finit pas de croître en valeur avec près de 3 000 milliards d'euros attendus pour 2022. La France se caractérise ainsi par de hauts niveaux de dette tant publique que privée, mais aussi par des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques élevés et qui n'ont quasiment jamais diminué depuis trente ans. Comment expliquer aux Français qui s'efforcent de maîtriser leur budget que, même surendetté, l'État dépense à tout va ?

Le groupe UDI-I réclame que nos politiques publiques soient soumises à des réformes de fond. Je ne peux que le rappeler encore et encore : le poids de la dette est un danger pour l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants – et même, à ce rythme, de nos arrière-petits-enfants. Le plus grave est que vous n'écoutez personne, pas même pas les directions générales de votre propre ministère. En effet, l'INSEE a dévoilé hier, dans une note de conjoncture, les prévisions pour 2022. Le taux d'inflation attendu – pour peu que la situation économique ne se dégrade pas en raison de la situation sanitaire – sera de 2,7 % sur un an, ce qui se traduira au cours de la première moitié de l'année 2022 par une baisse de 0,5 % du pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Nos alertes, distillées par nos nombreux amendements et interventions, sont légitimes ; elles montrent la réalité que le Gouvernement s'efforce de ne pas regarder en face. Les Français jugeront bientôt. En conséquence, vous l'aurez compris, nous voterons majoritairement contre ce projet de loi de finances, qui n'est qu'un PLF de la dette.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – M. Jean-Marie Sermier applaudit également.

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Le dernier budget du quinquennat, que nous allons voter définitivement, est marqué par des réformes en profondeur de la législation fiscale et par des mesures inédites de soutien en réponse à la crise historique que nous venons de traverser. Les Français le savent et saluent la gestion de la crise par le Président de la République et le Gouvernement, tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique.

Mais alors pourquoi les oppositions ne cessent-elles de la critiquer ? Qu'auraient-elles fait de différent ?

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

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Il est naturellement permis de penser qu'elles auraient fait mieux ;…

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe GDR

En effet !

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…mais l'histoire récente nous démontre tout l'inverse. Elle nous démontre qu'elles auraient laissé la France dans un état bien moins favorable que celui dans lequel elle se trouve aujourd'hui.

Les chiffres ne mentent pas. En effet, deux ans après le début de la crise de 2008, le taux de chômage atteignait 9 % ; il atteint 8 % aujourd'hui. Deux ans après le début de la crise de 2008, le taux de croissance était de 1,5 % ; il est de 7 % aujourd'hui.

« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Dem. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.

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Arrêtez ! Cela ne veut strictement rien dire !

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Ces différences, mes chers collègues, ne sont pas le fruit du hasard.

« Eh non ! » sur plusieurs bancs du groupe Dem.

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Elle s'explique par l'inconstance fiscale et les volte-face budgétaires des gouvernements de droite comme de gauche qui ont eu à gérer la crise de 2008 et ses conséquences.

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Entre 2010 et 2014, la gauche et la droite sont responsables d'une augmentation de l'impôt de 55,5 milliards d'euros, à savoir autant que ce que nous avons rendu aux Français ces cinq dernières années.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.

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Avec Nicolas Sarkozy, entre 2011 et 2012, les prélèvements obligatoires ont augmenté de 27 milliards d'euros.

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Sans oublier une hausse de 6 milliards d'euros de l'impôt sur les sociétés, celle de 1,5 milliard d'euros de l'impôt sur le revenu, etc.

L'escalade continue sous François Hollande : au cours de son quinquennat, le taux des prélèvements obligatoires a atteint 46,3 % du PIB en 2013, avec la baisse du quotient familial, la suppression de l'exonération sociale des heures supplémentaires, la hausse du forfait social, etc.

En menant de telles politiques, chers collègues, nous aurions précipité l'économie française au fond du gouffre. Mais ce sont les réformes entreprises au début du quinquennat…

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…qui permettent à la France d'afficher aujourd'hui des performances enviées par tous nos partenaires européens : réforme de la fiscalité du capital ; réforme du marché du travail, de la formation professionnelle et de l'apprentissage – 680 000 contrats d'apprentissage signés en 2021, soit 400 000 de plus qu'en 2017 ,

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem

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alors que l'année 2021 n'est pas terminée ;…

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Vous avez détruit les lycées professionnels !

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…mesures de soutien déployées dès le premier jour de la pandémie qui ont permis de préserver les entreprises de France et de sauver des millions d'emplois ; plan de relance qui a accéléré la reprise et qui, en donnant un élan décisif à l'industrie française, conforte notre place de premier pays en matière d'attractivité des investissements étrangers.

À ceux qui critiquent le « quoi qu'il en coûte », nous demandons ce à quoi ils auraient renoncé :…

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…aux prêts garantis par l'État ? au fonds de solidarité ? aux reports des cotisations ? à l'activité partielle ? au chèque inflation ? au blocage du prix du gaz ?

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Nous les avons votés, ces trucs-là, monsieur Barrot !

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À ceux qui nous accusent d'avoir « cramé la caisse », nous répliquons qu'aucun des gouvernements qui se sont succédé sous les présidences de M. Sarkozy puis de M. Hollande n'a présenté de déficit inférieur à 3 % du PIB, alors que nous y sommes parvenus en 2018 et 2019, et que nous y reviendrons dès 2027.

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Vous oubliez l'endettement dont vous êtes responsables !

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Nous leur disons enfin que sans le « quoi qu'il en coûte », la dette aurait été plus importante encore car la casse économique et sociale aurait eu des conséquences budgétaires insoutenables.

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C'est l'Institut des politiques publiques qui l'affirme : sans le « quoi qu'il en coûte » que nos oppositions critiquent sans cesse, nos finances publiques seraient bien plus dégradées qu'elles ne le sont aujourd'hui.

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Mais s'il n'y avait qu'une seule chose à mettre au crédit du Président de la République dans sa gestion de la crise, et je ne doute pas qu'il y aura consensus sur ce point, c'est qu'il a su réveiller l'Europe et lui faire faire un pas de géant.

Exclamations et sourires sur les bancs des groupes LR et FI.

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Alors qu'en 2010, le manque de coordination des politiques budgétaires dans la zone euro et l'absence de solidarité entre les États membres avaient menacé la pérennité de la zone, nous nous sommes accordés, pour la première fois de notre histoire, pour bâtir un plan de relance commun.

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Pour la première fois de notre histoire, nous nous sommes avancés un peu plus loin sur le chemin de la solidarité entre les peuples d'Europe en levant une dette commune.

Fake news !

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Et nous comptons évidemment aller plus loin : ce sera le sujet du débat sur la présidence française de l'Union qui s'engagera cet après-midi dans l'hémicycle.

Le sérieux, l'ambition, la constance, voilà ce qui caractérise la politique budgétaire et fiscale menée par ce gouvernement et cette majorité depuis 2017. Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, les députés du groupe Dem voteront le projet de loi de finances pour 2022.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et Agir ens ainsi que sur de nombreux bancs du groupe LaREM. – « Excellent ! » sur plusieurs bancs du groupe Dem.

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Ce dernier budget macronien est une calamité.

Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Son élaboration a d'abord été une calamité démocratique, puisque le Parlement a été bafoué tout au long du processus législatif. Comment, en effet, sommes-nous censés examiner un budget correctement quand il est en permanence modifié par le Gouvernement à la dernière minute, au gré des annonces faites à la télévision par le candidat Macron ?

Ce budget est bien sûr aussi une calamité écologique. Vos envolées ne changeront rien à la réalité, à savoir votre quasi-sur-place face à l'urgence écologique. Après quatre ans à suivre de près le budget du ministère de la transition écologique en tant que rapporteur spécial, je peine encore à croire l'ampleur des suppressions d'effectifs que vous faites subir à ce ministère, réduit à n'être plus qu'un guichet : 5 526 emplois en moins depuis 2017. Tout comme je peine à croire que vous détruisez comme vous le faites les opérateurs indispensables de l'écologie, comme Météo-France, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) ou l'Office national des forêts (ONF) en les asphyxiant, année après année, à force de coupes budgétaires.

Ce budget, dans la droite ligne des précédents, est aussi une catastrophe sociale.

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Il multiplie, aux frais de la nation, les cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises sans leur demander la moindre contrepartie. Autrement dit, vous continuez d'appliquer aveuglément une politique de l'offre qui vise à toujours plus baisser la valeur du travail pour augmenter celle du capital. Pendant ce temps, vous ne destinez que des mesures gadget éphémères aux plus défavorisés, en reprenant d'ailleurs parfois d'une main ce que vous donnez de l'autre. Je pense au chèque énergie que non seulement vous attribuez trop tard, quand les gens ont déjà subi une augmentation de 50 % du prix du gaz en un an, mais qu'en plus vous prévoyez déjà de compenser par les prix réglementés du gaz en 2023, une fois les élections passées. Je pense également à l'indemnité inflation, si modeste dès lors que vous ne bloquez pas les prix de l'énergie, dont l'INSEE annonce l'augmentation de 30 euros par mois, en moyenne, sur l'année 2021.

Vous comprenez donc, chers collègues, que nous ne pouvons pas voter pour un budget aussi antidémocratique qu'insincère, et qui ne répond ni à l'urgence sociale, ni à l'urgence sanitaire, ni non plus à l'urgence écologique.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Vous n'avez même pas été capables d'accepter la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés que toutes les oppositions vous réclamaient pourtant.

M. Bastien Lachaud applaudit.

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Or derrière vos effets de manches et vos séries de chiffres moroses, il y a des vies et des conditions de vie.

À l'heure où plus de 10 millions de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté, il fallait dans ce PLF des mesures d'urgence sociale. Alors que notre assemblée ferme ses portes dans quelques jours pour nous permettre de nous consacrer à nos proches pour les fêtes de fin d'année, j'ai une pensée pour celles et ceux qui sont privés d'un toit, ou tout simplement d'un logement digne pour pouvoir faire de même. Je tiens à vous rappeler qu'il y a précisément quatre ans, lors de ses premiers vœux présidentiels, Emmanuel Macron disait vouloir « apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd'hui sans abri ».

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Force est de constater que ce fut un vœu pieux, qui rend le Président aujourd'hui bien piteux. En effet, la Fondation Abbé Pierre dénombre dans son rapport 2021 plus de 4 millions de personnes mal logées dans notre pays, dont plus de 300 000 sont sans domicile fixe.

Pourtant, on pourrait croire que s'il y a bien une personne dans ce pays qui a les moyens de faire exaucer ses vœux, quand il en a, c'est le Président. Après tout, on pourrait se dire que quand on annonce des centaines de milliards de plan de relance en plan de relance, on peut bien y trouver de quoi loger 300 000 personnes, qu'on peut bien trouver de quoi répondre au mal-logement qui fait souffrir plus de 4 millions de nos concitoyens.

On pourrait croire que quand on a la chance d'avoir autant de bénévoles et d'associations qui prennent ce sujet à bras-le-corps dans notre pays, qui portent sur leurs épaules tout le poids de cette misère et des renoncements de l'État, il est intéressant de les écouter et de voir quelles solutions ils proposent. On pourrait se dire qu'investir dans cet objectif les 14 milliards que demandent ces associations serait le minimum.

Au lieu de cela, qu'avez-vous fait, messieurs les ministres ? Avez-vous augmenté et facilité les aides au logement ? Bien sûr que non : vous avez même passé le mandat à attaquer et diminuer les aides personnelles au logement (APL). Avez-vous favorisé la production de logements sociaux à bas loyers ? Bien sûr que non : vous avez même encouragé les bailleurs sociaux à vendre leurs biens. Avez-vous réquisitionné les logements vacants ? Non, bien sûr que non : il n'y en a même jamais eu autant qu'en 2021 selon l'INSEE, qui en compte plus de 3 millions, soit dix fois plus qu'il n'y a de personnes sans domicile dans notre pays.

Sur ce sujet comme sur le reste, M. Macron n'a pas de belle parole qui ne soit une parole en l'air.

Je tiens à vous le rappeler une dernière fois, en cette veille de fêtes de fin d'année et en ces jours bien froids de décembre, pour que vous vous souveniez qu'alors que ce PLF et ce quinquennat auraient dû se préoccuper d'abord de ceux qui n'ont rien ou qui ont si peu, vous aurez jusqu'au bout choyé ceux qui ont déjà beaucoup trop.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances.

Il est procédé au scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 193

Nombre de suffrages exprimés 192

Majorité absolue 97

Pour l'adoption 142

Contre 50

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Je vous remercie toutes et tous, quel que soit votre groupe politique, pour les débats budgétaires que nous avons menés pendant ces longues semaines.

Je tiens à remercier tout particulièrement M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général. Chacun dans notre position et dans notre rôle, nous avons trouvé une méthode et entretenu des rapports suffisamment cordiaux pour être sincères, francs et constructifs, sans cacher les désaccords qui peuvent parfois nous opposer.

Je souhaite également remercier tous les députés de la majorité pour le soutien sans faille qu'ils ont apporté à ce projet de loi de finances ainsi qu'au précédent. C'est la marque de la cohérence de notre politique.

Enfin, permettez-moi de remercier les services du ministère de l'économie et des finances, les équipes de Bruno Le Maire et tout particulièrement les membres de mon cabinet, pour leur présence constante. Je veux leur dire ma confiance et ma gratitude.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Richard Ferrand.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement relative au programme de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre.

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C'est l'une des dernières fois qu'on l'entend !

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Le 1er janvier 2022, notre pays assurera pour six mois la présidence de l'Union européenne. Il s'agira pour la France, membre fondateur de l'Union, de sa treizième présidence. C'est un évènement assez rare, dans la mesure où il n'intervient qu'à intervalle de treize ou quatorze ans, soit une fois toutes les trois législatures.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

La présidence de l'Union est, pour tout pays, un événement politique majeur, car il s'agit d'assumer la responsabilité institutionnelle qui permet la bonne avancée des négociations au Conseil de l'Union. Cette responsabilité est pour nous d'autant plus grande que, traditionnellement, les présidences françaises suscitent beaucoup d'attente, autant chez nous que chez nos partenaires. Cette responsabilité est encore accrue par le contexte très particulier d'une crise sanitaire inédite, qui n'est pas encore terminée.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Cette crise sanitaire a suscité une réaction exceptionnelle des États membres et des institutions européennes.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

L'Union européenne a fait bloc comme rarement dans son histoire. Elle a ainsi fait preuve, sur les vaccins, d'une solidarité remarquable, qui a permis de protéger les populations européennes et d'élargir cette protection à d'autres pays. L'Union européenne est désormais le premier producteur mondial de vaccins, le premier exportateur et le premier donateur au mécanisme international COVAX.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Pour faire face aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, l'Europe a également fait preuve d'une réactivité, d'une coordination et d'une ambition remarquables. La Commission a suspendu les règles du pacte de stabilité et accordé une très grande souplesse sur les aides d'État.

Surtout, l'Union a, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, mis en place un plan de relance inédit d'un montant de 750 milliards d'euros financé, ce qui est aussi inédit, par un emprunt européen. La France en bénéficie très directement et percevra 40 milliards d'euros, soit 40 % de son plan de relance national. Elle a déjà reçu 5,1 milliards, et doit percevoir 7,4 milliards supplémentaires au premier semestre 2022. Ce plan de relance marche : la croissance française en 2021 s'élèvera à environ 6,7 %.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

C'est l'un des taux de croissance les plus élevés de la zone euro. Le taux de chômage est retombé à un niveau inférieur à ce qu'il était avant la crise. Les créations d'emplois sont à leur plus haut niveau depuis douze ans.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Je veux aussi mettre en exergue le rôle déterminant de la Banque centrale européenne (BCE), qui a réagi dès le début de la pandémie, en mars 2020, en lançant un programme inédit d'achat de titres pour stabiliser les marchés financiers et ainsi éviter une crise financière. Au total, la BCE aura mobilisé près de 2 200 milliards d'euros pour financer l'économie européenne, pour faire face à la dépression et pour assurer sa stabilité.

L'Union européenne a donc pris toute la mesure de la situation, et elle s'est avérée être – je le dis ici avec force – un cadre protecteur, réactif et efficace, sans lequel notre pays et ses voisins auraient affronté cette crise sanitaire, économique et sociale dans des conditions très différentes et beaucoup plus difficiles. Il nous faut aller au-delà, en tirant les conséquences structurelles de cette crise qui doit être l'occasion pour l'Europe, comme pour la France, de s'armer davantage pour affronter les grands défis du XXIe siècle.

Oui, mesdames et messieurs les députés, nous avons besoin de l'Europe pour répondre à certains grands enjeux. Oui, c'est la construction européenne qui permettra à notre pays de se renforcer dans un environnement international de plus en plus hostile ,

M. Jimmy Pahun applaudit

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

de mieux défendre ses intérêts dans un contexte éminemment concurrentiel, de mieux protéger ses citoyens et ses entreprises dans un monde où le multilatéralisme est menacé par de nouvelles ambitions impérialistes. Il n'y a pas de France sans une Europe forte, tout comme il n'y a pas d'Europe forte sans une France forte.

La présidence française se fixe pour objectif de renforcer l'Europe et donc la France. Cette présidence, nous l'avons préparée et anticipée de longue main. Cela fait près de deux ans que les travaux de préparation ont débuté, au niveau des services d'abord, puis au niveau politique. J'ai ainsi réuni une dizaine de fois au cours de l'année qui s'achève un comité interministériel composé de l'ensemble des ministres compétents.

La représentation nationale a, comme il se doit, été associée à cette préparation. L'Assemblée nationale a ainsi auditionné de nombreux ministres et fonctionnaires chargés de préparer la présidence. C'est dans ce cadre, monsieur le président, qu'intervient cette déclaration au titre de l'article 50-1 de la Constitution.

La présidence française de l'Union européenne fera rayonner la France à Bruxelles et sur le territoire national. Deux sommets, vingt réunions informelles du Conseil, plus de 400 événements seront organisés en France.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Il y aura des évènements culturels à Bruxelles et partout en France, y compris dans nos territoires ultramarins. Cette présidence sera aussi l'occasion de défendre avec force le statut de capitale européenne de Strasbourg.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

En plus d'être un symbole de la réconciliation européenne, il s'agit d'un sujet d'intérêt national. Je l'ai répété au président du Parlement européen jeudi dernier, lors de sa venue à Paris. Pour consolider ce statut, le Président de la République a signé en mai 2021 un nouveau contrat triennal « Strasbourg capitale européenne » qui prévoit de nombreuses actions concrètes et 189 millions d'euros d'investissements.

Je me suis rendu à Strasbourg la semaine dernière pour confirmer les engagements de l'État auprès des élus locaux, dont je salue la mobilisation. Strasbourg accueillera au total plus d'une dizaine d'événements liés à la présidence française de l'Union européenne, dont deux réunions de niveau ministériel : le conseil informel éducation et jeunesse les 26 et 27 janvier et le conseil informel agriculture le 8 février.

Au cours de notre présidence, nous aurons besoin des autres institutions de l'Union, à commencer par le Parlement européen. Outre son président, j'ai accueilli la semaine dernière la conférence des présidents de cette institution. Nous aurons également besoin du CESE – Comité économique et social européen – et du Comité des régions, ainsi que de la société civile, des citoyens, des territoires, des groupes de réflexion, des entreprises, en un mot de l'ensemble des forces vives de notre pays et de l'Union européenne, afin de porter ensemble une ambition européenne. Parce qu'une présidence du Conseil de l'Union européenne n'est ni un exercice centralisé ni le salon de l'entre-soi, elle doit être la plus partagée possible avec tous nos concitoyens. Notre objectif est clair : montrer que l'Europe s'incarne concrètement.

Mesdames et messieurs les députés, la politique européenne du Gouvernement est parfaitement connue. Les axes en ont été posés par le Président de la République lors de son discours de la Sorbonne en 2017 :…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…elle consiste à permettre à l'Europe de s'affirmer en tant que puissance. Les priorités de la présidence française s'inscrivent ainsi à la fois dans le cadre de cette orientation et dans celui de l'agenda européen.

La première priorité est celle d'une Europe plus souveraine, soit avant tout une Europe capable de maîtriser ses frontières. Dans le cadre de la présidence française, nous souhaitons ainsi faire avancer le paquet asile et migration, dont les négociations, vous le savez, sont actuellement bloquées au niveau européen. Nous souhaitons également une réforme ambitieuse et politique de la gouvernance de l'espace Schengen. Enfin, nous défendrons l'idée de la création d'un mécanisme de soutien d'urgence aux frontières en cas de crise. Je me suis entretenu de ces questions ces dernières semaines avec mes homologues italien, belge et espagnol.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Une Europe plus souveraine, c'est aussi une Europe dotée d'une politique de défense. Nous avons, ces dernières années, obtenu des avancées considérables, avec le Fonds européen de la défense et l'initiative européenne d'intervention. Il nous faut désormais entrer dans une phase plus opérationnelle et définir ce que nous avons appelé la boussole stratégique de l'Europe, ce qui revient à identifier nos intérêts communs, à nous Européens, et, partant, à élaborer une stratégie partagée dans un monde de menaces et de risques, à affirmer des ambitions nouvelles en matière d'industrie de défense et à définir des exercices conjoints.

À cet égard, nous proposerons d'accorder une attention particulière aux régions et aux zones stratégiques pour la sécurité et la diplomatie de l'Europe, à savoir l'Afrique, les Balkans occidentaux, mais aussi l'Indo-Pacifique.

J'insisterai particulièrement sur le lien entre l'Europe et l'Afrique, qui sera sans nul doute l'un des grands projets géopolitiques des années à venir. Il le sera d'abord sous un angle sécuritaire et migratoire, mais aussi en bâtissant un contrat de paix et de prospérité entre nos deux continents, en accroissant l'aide au développement comme nous le faisons dans les domaines d'avenir tels que l'éducation des filles et les énergies vertes, en saisissant les possibilités d'investissements mutuels, et en développant les échanges universitaires, scientifiques et artistiques entre nos sociétés civiles et nos jeunesses, de part et d'autre de la Méditerranée. Ce sera l'objet du sommet Union africaine-Union européenne prévu au mois de février.

Notre deuxième priorité est la construction d'un nouveau modèle européen de croissance. Notre ambition est de faire de l'Europe un grand continent de production, d'innovation et de création d'emplois. Pour cela, le bon niveau d'action, c'est bien l'Europe ! Nous devons poser les fondations de l'Union européenne de 2030, c'est-à-dire d'une Europe puissance, capable de protéger ses entreprises, d'innover et d'être à la pointe de la recherche, notamment dans les domaines de l'écologie et du numérique. L'Europe doit s'affirmer comme une grande puissance à la fois industrielle, écologique et sociale.

Pour cela, comme l'a indiqué le Président de la République, nous devons concilier développement économique et ambition climatique. La Commission européenne a présenté un ensemble de textes traduisant notre volonté d'atteindre la neutralité carbone en 2050 et de réduire de 55 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 – aucune région du monde ne se fixe des exigences aussi fortes. Le semestre de présidence française devra faire avancer ces différents textes, particulièrement – je l'affirme devant vous – le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières extérieures de l'Union.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Dans le même temps, nous devons déployer des dispositifs massifs d'accompagnement, afin d'aider nos industries, nos entreprises et nos concitoyens à faire émerger des leaders mondiaux sur certaines technologies d'avenir. Cela suppose une stratégie coordonnée en matière d'investissements, notamment dans les secteurs clés d'avenir tels que l'hydrogène, le cloud, la santé et les composants électroniques.

Parce qu'il engage notre souveraineté collective, ce sujet économique est éminemment politique. La crise a démontré la trop grande dépendance de l'Union européenne, notamment au plan industriel. C'est la raison pour laquelle, en marge des réunions du Conseil, la France organisera des conférences ministérielles consacrées spécifiquement à l'autonomie stratégique de l'Union européenne, à la décarbonation de l'industrie et à l'industrie de santé. Ces échanges doivent nous permettre de mieux traiter les vulnérabilités européennes pour lesquelles les mécanismes du marché ne suffisent pas à répondre à nos besoins.

Plus particulièrement, nous allons accélérer les travaux pour que les produits importés au sein de l'Union européenne respectent les normes que nous imposons aux entreprises européennes : c'est ce que nous appelons les clauses miroirs.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Cela vaut pour la sécurité des produits et vaudra plus largement pour les règles sanitaires, agricoles et environnementales.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

C'est la technique que nous emploierons, par exemple, s'agissant des batteries électriques : celles produites hors d'Europe devront respecter les mêmes normes environnementales que celles produites sur le territoire de l'Union.

Enfin, la présidence française mettra en avant les progrès réalisés dans le domaine spatial, en particulier nos réalisations en faveur de l'alliance européenne des lanceurs – je le dis en ce jour du soixantième anniversaire du Centre national d'études spatiales, le CNES, créé, comme vous le savez, par le général de Gaulle. Ces efforts d'innovation se poursuivront au travers du programme de constellation satellitaire…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…destiné à nous doter d'une infrastructure européenne de télécommunications pour les usages régaliens et commerciaux. Le développement de la constellation de satellites européens et l'instauration d'une alliance des lanceurs constituent deux pierres angulaires de l'autonomie stratégique de l'Union, que nous nous emploierons à faire significativement progresser.

De la même manière, il ne saurait y avoir d'Europe souveraine sans un renforcement de sa souveraineté numérique et technologique. Dans ces domaines absolument stratégiques, la France poursuivra – et veillera à faire aboutir – les travaux engagés sur la régulation des marchés numériques, particulièrement les deux principaux textes du paquet numérique que sont le DSA – Digital Services Act, règlement sur les services numériques – et le DMA – Digital Markets Act, règlement sur les marchés numériques. Ces textes permettront de réguler le comportement des grands acteurs du numérique et de mieux encadrer la diffusion des contenus sur les plateformes : il s'agit d'un enjeu absolument fondamental.

Vous le savez, le DMA vise à déverrouiller l'accès aux marchés numériques et à favoriser l'émergence de la concurrence, par exemple en interdisant les pratiques d'autoréférencement de certaines plateformes qui favorisent leurs propres services. Quant au DSA, il responsabilisera les plateformes numériques, en facilitant le retrait des contenus illicites, haineux, ou encore de désinformation.

J'ajoute que la construction de ce nouveau modèle de croissance européen ne peut être pensée sans y incorporer une dimension sociale renforcée. La recherche d'un équilibre entre croissance économique, protection des droits des travailleurs et épanouissement des individus se situe au cœur de l'identité européenne ; vous le savez, il s'agit aussi d'une position historique de la France.

Ainsi notre pays défendra-t-il ardemment l'ambition globale incarnée par le plan d'action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux et par les initiatives législatives de la Commission au bénéfice de la construction d'une Europe plus inclusive. Très concrètement, cela devra se traduire par l'avancée, à compter du 1er janvier prochain, des trois principales directives actuellement discutées par le Conseil de l'UE, à savoir celles relatives au cadre européen pour les salaires minimums, à la transparence salariale et à la protection des travailleurs des plateformes numériques.

Les actions en faveur d'une Europe humaine constitueront la troisième priorité stratégique majeure de la présidence française. Vous le savez, c'est la naissance d'un modèle singulier, né après la seconde guerre mondiale, qui forme la raison même de notre union. Partout en Europe, nous voyons pourtant certaines forces politiques s'attacher à remettre en cause ce socle de valeurs et de droits sur lequel se fondent et l'identité et le projet européens. Notre présidence devra être l'occasion de nouvelles initiatives pour protéger notre modèle et l'améliorer.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'espère que M. Macron en a parlé à M. Orban !

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Tel sera notamment l'objet de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, dont la France a initié l'idée, reprise par la présidente de la Commission européenne.

Nous avons d'ores et déjà mené une consultation inédite auprès de 50 000 jeunes âgés de 15 à 30 ans…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…et organisé dans chaque région de France, en septembre et octobre derniers, des panels de citoyens tirés au sort, qui ont rassemblé près de 1 000 personnes.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Les résultats de ces conférences régionales sont clairs : les trois priorités qui s'en dégagent concernent la protection du climat, le renforcement de la défense européenne et le développement de nouveaux projets industriels. Ces conférences ont également exprimé une aspiration forte à des institutions plus proches de nos concitoyens, plus démocratiques, et, en définitive, à une Europe plus facile d'accès. Elles ont aussi mis en évidence les progrès devant être accomplis dans la connaissance par nos concitoyens de ce que fait l'Europe, car elle fait beaucoup.

Toutes ces contributions ont d'ores et déjà été intégrées aux priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Quant aux conclusions finales de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, elles seront tirées au printemps 2022, avec l'objectif de continuer de faire vivre la démarche d'une Europe toujours plus proche de ses citoyens : il s'agit d'un autre sujet essentiel.

C'est essentiel notamment pour notre jeunesse, objet de l'Année européenne 2022, et qui, avec la pandémie, aura particulièrement souffert dans ses études, dans son accès à l'emploi et dans son mode de vie.

Cela passera par la mise en chantier d'un service civique européen de six mois ouvert à tous les jeunes de moins de 25 ans pour un échange universitaire ou d'apprentissage, un stage ou une action associative. Cela passera également par l'éducation et la culture. L'Europe n'est pas seulement un marché intérieur, elle est un lieu d'enseignement qui sera d'autant plus performant que tous les acteurs académiques pourront unir leurs forces et y contribuer. Aussi la France organisera-t-elle une grande réunion sur les universités européennes pour renforcer le réseau académique d'excellence européen et développer les universités européennes que le Président de la République avait appelées de ses vœux. Enfin, la France prendra plusieurs initiatives culturelles fortes pendant sa présidence : elle célébrera les trente ans d'Arte et elle fera des propositions destinées à faciliter l'accès aux établissements culturels, notamment les musées et les opéras, à travers des organisations virtuelles de présentation des œuvres.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, l'agenda de la présidence française est riche.

Encore n'ai-je évoqué devant vous que les chantiers les plus structurants.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Nous avons la volonté autant que le devoir de faire aboutir ou avancer de nombreux textes illustrant les priorités que j'ai présentées devant vous. Nous devons également nous projeter dans l'avenir et bâtir cette Europe de 2030 plus souveraine, plus unie et plus démocratique.

En réalité, ce travail ne commence pas le 1er janvier prochain, pas plus qu'il ne s'achèvera le 30 juin suivant.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Notre engagement date du premier jour. Qui pensait possible, il y a moins de cinq ans, de créer un budget européen de défense et des projets industriels de défense partagés, notamment avec l'Allemagne ? Qui imaginait, alors que l'accord de Paris était menacé dans son existence même, que nous serions les premiers dans le monde à nous fixer l'objectif de neutralité carbone en 2050…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…et que nous nous apprêterions à voter la législation européenne nécessaire pour traduire cette ambition en réalité ? Il y a encore deux ans, seuls trois pays défendaient la neutralité carbone, dont la France. Pensait-on alors créer une dette commune et un plan d'investissement solidaire pour l'Europe, en agissant de concert avec l'Allemagne dans cette voie si longtemps taboue ? Qui pariait sur la construction progressive d'une Europe sociale,…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…avec la réforme du travail détaché et le renforcement des droits sociaux partout dans l'Union ? Qui croyait que nous arriverions à taxer les géants internationaux, grâce à la France et à l'Europe, que nous pourrions définir les premières normes au monde de régulation de ces grandes plateformes et que nous parviendrions en même temps à protéger le droit d'auteur ?

Le moment européen que nous vivons exige davantage : des crises migratoires au bouleversement climatique, de la révolution numérique aux tensions commerciales, tout cela requiert plus d'affirmation et plus d'indépendance.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Le besoin de souveraineté européenne est un impératif, car tous les défis auxquels nous sommes confrontés sont communs à tous les Européens et tous mettent en jeu la place et le rang de l'Europe dans le monde. Nous ne manquons d'aucun atout pour cela. L'Union européenne est la deuxième puissance commerciale du monde, la deuxième puissance monétaire, la première puissance climatique,…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…le premier acteur de la solidarité internationale par l'aide qu'elle distribue. Elle est une immense puissance culturelle,…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…scientifique, intellectuelle, industrielle et technologique. C'est aussi cela, l'Union européenne ! Soyons-en fiers ! Et soyons lucides sur nos faiblesses, qui sont autant de marges de progrès.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Les Européens ont désormais conscience que personne ne pensera, n'agira ou ne combattra à notre place. Plus que jamais au cours du dernier siècle, le destin de l'Europe est entre ses propres mains. C'est ce moment européen dans lequel s'inscrit la présidence française. Nous l'avons résumée en une devise, qui dit notre ambition : « relance, puissance, appartenance ». Cette ambition est claire : que l'Europe continue de compter parmi les grandes puissances mondiales du XXIe siècle, mais aussi qu'elle demeure pour le monde une source d'inspiration, d'apaisement et de prospérité. Face à ces défis, la France doit apporter sa complète contribution. Elle le fera avec humilité, avec sobriété et dans le respect de ses partenaires, mais aussi avec la force de ses convictions, de son histoire et de ses intérêts, qui sont plus que jamais intimement liés à ceux de l'Europe.

Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, Dem et Agir ens se lèvent et applaudissent longuement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le présent débat tel qu'il est posé nous interroge profondément, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme d'abord, tout le monde se pose la même question : pourquoi la France a-t-elle accepté de prendre la présidence du Conseil de l'Union européenne dans un semestre d'élections nationales ?

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En 2006, l'Allemagne avait échangé sa présidence du Conseil de l'Union européenne avec la Finlande afin d'éviter la concurrence entre les élections et la présidence. L'arrogance macronienne démontre une fois de plus que Jupiter veut rester au-dessus des règles. Ce mélange des genres interroge d'ailleurs quant à l'équité de l'élection présidentielle. La présidence française n'entachera-t-elle pas l'élection présidentielle d'irrégularité ?

Ensuite, l'ambition du plan français visant à tout changer en six mois en Europe est déconnectée de la réalité.

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Depuis 2009, la présidence du Conseil n'a qu'un rôle symbolique, et l'annonce en grande pompe, jeudi dernier, du programme français n'est qu'un enfumage destiné à lancer une campagne présidentielle sur le thème européen. À ce sujet d'ailleurs, toutes les présidences s'organisent d'habitude entre trois pays pour coordonner les efforts sur dix-huit mois et créer ainsi des synergies plus longues. Vous n'avez pourtant jamais mentionné la Suède ni la République tchèque, avec qui nous partageons ces dix-huit mois de présidence. Quel grave manque de respect pour ces partenaires !

Sur le fond, l'objectif d'Emmanuel Macron tient en un slogan marketing : « relance, puissance, appartenance », la vieille Europe devient la RPA. Vous utilisez ces mots pour dessiner une Europe sur la défensive, retranchée derrière ses frontières. Les députés communistes sont totalement opposés à ce projet. Sur la défense, vous voulez que l'Union européenne se replace sous la tutelle américaine de l'OTAN et abandonne l'idée d'autonomie stratégique. Après avoir rassasié notre industrie de l'armement en vendant quatre-vingts Rafale et beaucoup de matériel de guerre la semaine dernière à quelques belligérants brutaux, ce secteur n'y verra sûrement plus d'inconvénients. Mais pourquoi vouloir à tout prix une armée si, à l'échelle de la diplomatie, nous ne sommes pas capables de parler d'une seule voix dans les instances internationales ? Votre notion de « puissance » est aveugle ! Sébastien Jumel vous a interpellé sur la pêche, monsieur le Premier ministre : où est la puissance européenne sur cette question ? Elle est totalement absente.

Les communistes, eux, proposent un axe européen simple – basique, peut-être : le respect du droit international et l'action pour la paix. Refonder la paix sur notre continent doit s'appuyer sur un traité de paix, de coopération et de sécurité collective, qui promouvra une ambition pacifique avec notre voisinage – notamment la Russie, mais pas uniquement elle. Pour cela, notre première mesure sera la sortie du commandement intégré de l'OTAN, en proposant la même chose aux autres États afin de dissoudre cette machine de guerre inutile et coûteuse qui importe sur notre continent de dangereuses tensions. La seconde mesure consistera à faire de notre continent une zone sans armes nucléaires : le respect du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) l'exige. À nous d'être enfin à la hauteur, en nous appuyant sur le traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN) entré en vigueur il y a un an.

Le respect du droit international, c'est aussi suivre, contrairement à vous, les résolutions des Nations unies. Sur la Palestine, le groupe En Marche s'est abstenu au Sénat sur une résolution déposée par le groupe communiste demandant de profiter de la présidence française pour faire avancer la solution à deux États ! C'est lutter contre le régime d'apartheid en sanctionnant véritablement le gouvernement de Tel Aviv. C'est aussi agir sur le Sahara occidental ou contre le blocus imposé à Cuba. La situation de Chypre doit aussi être réglée sur la base des accords trouvés à Crans-Montana, dans la perspective d'une fédération bizonale et bicommunale avec souveraineté internationale unique. Et que dire de l'Irlande, menacée par l'accord du Brexit ? Il faut impérativement encourager l'organisation d'un référendum sur l'unité irlandaise, comme le permet l'accord du Vendredi saint de 1998 !

Notre Europe ouverte sur les peuples du monde se battra pour la levée des brevets et le transfert des technologies sur les vaccins et sur les traitements contre la covid-19. Plus de 150 pays de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) exigent ce transfert depuis octobre 2020. Rejoignons le mouvement, car nous ne sortirons de cette crise sanitaire qu'en nous donnant les moyens de soigner tout un chacun, où qu'il vive dans le monde. Vous vous êtes contenté, monsieur le Premier ministre, de rappeler les dons effectués dans le cadre du dispositif COVAX : c'est très largement insuffisant !

Une Union européenne solidaire avec les peuples, c'est aussi changer notre vision des frontières et de l'accueil. Il faut dissoudre l'Agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes, Frontex, et fonder un nouveau pacte sur la migration et l'asile. La forteresse européenne n'apporte que la mort aux migrants, alors que nous devrions être une terre d'asile et de vie ouverte sur le monde. À rebours des excités d'extrême droite, nous nous devons d'être bien plus humains avec ces femmes et ces hommes qui fuient la misère ou la guerre. Nous, députés communistes, refusons cette diversion : le problème de l'Union européenne, ce ne sont pas les migrants, c'est la protection des travailleurs et du travail.

Vous faites l'impasse sur la construction de cette Union européenne protectrice. Votre accord sur ce qui est abusivement appelé le SMIC européen ne propose que l'extension de conventions collectives aux salariés européens. Une véritable ambition nous obligerait à faire bien plus pour eux ! De telles urgences sociales, démocratiques et écologiques requièrent une radicalité constructive et démocratique sans laquelle les peuples se déchireront à mesure que la pression écologique augmentera. Le coût des énergies, les pénuries de matériaux, l'absence de souveraineté sur beaucoup de matières premières et la désindustrialisation amplifieront la crise sociale.

Cette crise déchire déjà les milieux agricoles : trop de gens ne vivent de presque rien et la politique agricole commune (PAC) ne fait qu'amplifier les inégalités. Alors que 7 % des Européens souffrent de sous-alimentation et que le gaspillage alimentaire représente 88 millions de tonnes chaque année, il faut revoir de fond en comble notre modèle agricole et rompre avec le productivisme, l'industrialisation et les accords de libre-échange. La juste rémunération des paysans et la transition vers une agriculture locale et durable sont une priorité absolue des communistes.

L'urgence sociale à l'échelle de l'Union européenne commande de faire en sorte que la loi française sur le devoir de vigilance des entreprises donneuses d'ordre à l'égard de leur chaîne de sous-traitance devienne une directive européenne, puis une résolution des Nations unies. La fin du monde et la fin du mois ne sont que les deux facettes du problème de l'épuisement du capitalisme et de sa voracité à rentabiliser jusqu'à la dernière ressource de notre planète avant de mourir. Nous attaquer à ce problème, c'est la vraie puissance que nous proposons aux citoyens. Pour rendre concrète cette puissance, nous mobiliserons les moyens financiers européens en mettant fin à la pseudo-indépendance de la Banque centrale européenne et en lui permettant de financer directement les États membres, tout en luttant contre l'évasion fiscale.

Le scandale des Pandora papers et celui, révélé hier, de l'impôt de solidarité sur la fortune Gate, ou ISF Gate, dispositif d'évasion fiscale qui concerne de grandes fortunes françaises, ont démontré que presque 12 000 milliards d'euros échappent à l'impôt. C'est pourquoi une révision de la liste des paradis fiscaux est nécessaire. Nous devons également instaurer un impôt international sur les sociétés au lieu d'appliquer le trop faible taux plancher d'imposition proposé lors du dernier G7.

C'est cela, une véritable politique de relance communiste ! L'environnement et le social doivent être l'alpha et l'oméga de toute relance, qui devra être pilotée de manière transparente et démocratique. Ce pacte de progrès social et de transition écologique représentera 6 % du PIB européen en investissements, soit 900 milliards par an, comme le préconise le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Nous avons d'ailleurs présenté la semaine dernière, dans le cadre de notre niche parlementaire, une proposition de résolution européenne relative au financement de la transition écologique que vous avez rejetée. Avec un plan de relance européen d'un montant de 750 milliards d'euros contre 4 000 milliards de dollars aux États-Unis, il est évident que notre continent, géant économique, n'est qu'un nain politique. Ce différentiel de puissance dans la relance saute aux yeux. Les députés communistes proposent de mobiliser au moins autant que les États-Unis, sous forme de subventions ou de dette perpétuelle à 0 %. Refusons de nous enchaîner aux marchés financiers ! Mais bien entendu, vous ne dites rien à ce sujet !

Vous êtes d'ailleurs en train de recoller discrètement aux critères budgétaires et au remboursement des dettes : le « quoi qu'il en coûte » sera donc financé par les contribuables. Merci pour eux !

Une Europe des peuples et des nations libres, souveraines et associées, c'est le projet que nous, députés communistes, défendons. Un projet fédérateur pour la jeunesse, c'est ce que défend notre candidat aux élections présidentielles Fabien Roussel. Pour cela, il faut oser rompre enfin avec les traités européens et le dogme de la concurrence. Voilà une union des peuples qui serait utile !

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les moments historiques ne sont pas toujours perceptibles, mais il arrive que nous ayons conscience d'être dans un temps de bascule, où nos choix se révèlent plus décisifs que jamais pour notre avenir.

Chacun perçoit que nous sommes à un moment charnière pour l'Europe.

Charnière, car l'Europe a dû démontrer sa force et sa solidarité alors que la crise sanitaire frappait le monde entier.

Charnière, car la montée des tensions internationales jusqu'aux frontières de l'Union européenne, avec la crise migratoire déclenchée par la Biélorussie et les inquiétudes soulevées en Ukraine, confirme que plus que jamais, l'Europe doit s'affirmer comme une puissance à part entière.

Charnière, aussi, car certains pays du monde occidental s'affranchissent du respect des droits humains les plus élémentaires, notamment le respect des droits des femmes.

Charnière, enfin, car nous réaffirmons l'identité et la puissance de la France dans la construction européenne, au-delà d'un agrégat qui n'aurait aucun sens ou d'un simple cumul d'intérêts individuels. Nous soutenons le projet que le Président de la République appelait de ses vœux lors du discours de la Sorbonne : celui d'une Europe souveraine, unie et démocratique.

Alors que l'Union européenne était l'épouvantail des populistes de toutes les nations qui la composent, qui pourrait désormais contester l'idée même de son existence, l'idée même du besoin d'Europe ? Outre l'unité économique indispensable, l'Union européenne est un impératif non seulement pour la prospérité des peuples européens, mais aussi pour leur sécurité.

Le monde aussi a besoin d'Europe, besoin des valeurs de démocratie et de dialogue que défend notre vieux continent. Il a besoin d'un projet qui, fort des principes d'ouverture et de fraternité, est d'autant plus important à l'heure actuelle que la question de l'identité traverse tous les continents, jusqu'en France où certains « charlatans crépusculaires » – pour reprendre l'expression de Guillaume Apollinaire – se plaisent à dépeindre notre avenir sous le seul prisme du déclin. Face aux doutes, l'Europe doit montrer qu'elle n'est pas une incantation vide, mais bien un projet citoyen dans lequel chacun peut se retrouver.

Relance, puissance, appartenance : ce sont précisément ces trois mots, avec les défis et les promesses qu'ils portent, qui ont été choisis comme devise de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

Notre majorité plaide et agit pour que la relance économique européenne s'incarne dans une politique de réindustrialisation ambitieuse. Je salue les annonces qui ont été faites concernant l'élaboration de plans d'investissement européens d'ici au mois de mars prochain, pour refaire de l'Europe un véritable pôle d'industrie et d'innovation au XXIe siècle.

Cette réindustrialisation et cette compétitivité devront évidemment prendre en considération le défi de notre temps qu'est la transition écologique. C'est notre projet pour la France, c'est aussi notre projet pour l'Europe. Dans ce cadre, le paquet climat européen constitue une avancée majeure et il incombera à la France de contribuer à le concrétiser, notamment grâce à la conclusion d'un accord sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. En taxant les importations de façon équivalente au marché carbone européen, celui-ci permettra de faire avancer la cause écologique tout en évitant que nos entreprises ne soient désavantagées. Oui, il est possible et indispensable de combiner croissance économique et respect de l'environnement, et il est vain et dangereux d'opposer l'un à l'autre !

Mais la prospérité économique de l'Europe n'a de sens que si elle profite au plus grand nombre. Je salue la priorité donnée par la France à l'adoption, lors de sa présidence, de la directive garantissant le droit à un salaire minimum dans l'Union, étape essentielle à la réduction des inégalités. Dans ce même esprit d'équité, en écho au projet que les groupes de la majorité défendent au Parlement, la France soutient au sein de l'Union européenne l'adoption rapide de la directive sur la transparence salariale, afin de mettre fin aux écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Le déblocage du texte européen sur les quotas de femmes dans les conseils d'administration donnera un coup d'accélérateur à la valorisation des emplois féminins dans les entreprises européennes. Je tiens d'ailleurs à souligner que ce texte, s'il est important, reste en deçà des mesures que nous avons défendues et fait adopter, avec Marie-Pierre Rixain, dans un texte plus ambitieux encore sur le sujet.

Chers collègues, l'Union européenne se doit également de faire respecter ses règles en son sein, y compris s'agissant des plus grands acteurs économiques. Je salue donc la volonté française de parvenir à un accord concernant l'acte sur le marché unique numérique et l'acte sur les services numériques, afin de renforcer la responsabilisation des plateformes.

De même, il est symbolique que la France préside l'Union européenne au moment où sera adopté le texte européen…

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…transposant l'accord international obtenu par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la taxation des multinationales. Vous savez que notre pays a été à l'avant-garde en instaurant la taxe sur les géants du numérique, dits GAFA.

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Enfin, l'Europe doit s'affirmer comme une puissance sur la scène extérieure. Cela passe en premier lieu par la nécessaire protection de ses frontières, qui ne se fera qu'en réformant profondément la gestion migratoire au niveau européen et en améliorant le fonctionnement de la libre circulation au sein de l'Union. Pour avoir eu la responsabilité d'engager un changement en profondeur de doctrine, entrepris lors de l'installation de la nouvelle Commission, je sais les défis qui nous attendent.

Si l'Europe veut se montrer à la hauteur de ses valeurs d'accueil, elle doit prendre ce sujet à bras-le-corps, tant sur le plan de la coopération interne que sur le plan diplomatique. Il faut une plus grande responsabilisation des pays d'accueil et plus de solidarité au sein de l'Europe. Il faut également une meilleure protection des frontières européennes.

Cette construction d'une Union européenne souveraine passe aussi par l'élaboration d'une Europe de la défense. Sur ce sujet, permettez-moi de souligner le chemin parcouru grâce au Fonds européen de la défense, qui permet de financer des projets de recherche collectifs, ou encore à l'initiative européenne d'intervention, pour bâtir une culture stratégique commune. Il y a eu plus d'avancées en faveur du projet européen de défense en quatre ans que durant les cinquante dernières années. Voilà la réalité !

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe Dem. – M. Olivier Becht applaudit aussi.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le premier semestre 2022 devra aussi être l'occasion d'approfondir ce travail de coopération, grâce à l'adoption d'une boussole stratégique qui permettra l'affirmation d'orientations stratégiques européennes. Cette culture commune ne saurait bien sûr se limiter au domaine de la défense. Nous avons la conviction profonde qu'il faut donner envie d'Europe aux citoyens, que la fierté d'être Français doit se nourrir non seulement de notre spécificité nationale, mais aussi de l'esprit singulier qui anime notre continent, terre d'humanisme qui s'est toujours nourrie des échanges entre nations pour forger une conscience européenne.

Cela passe par le service civique européen pour tous les jeunes de moins de 25 ans ; cela passe aussi par la création annoncée d'une académie d'Europe, qui réunira des intellectuels de toutes les disciplines et se placera dans le droit fil des échanges qui ont fait éclore autrefois la Renaissance et le Siècle des Lumières.

Enfin, et ce n'est pas le moindre des défis, il faut que les citoyens soient davantage associés aux grandes orientations prises au niveau européen. Notre groupe se penchera donc avec intérêt sur les conclusions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe, lancée, rappelons-le, à l'initiative de la France, et qui doit s'achever au printemps prochain.

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Depuis 2017 et le discours de la Sorbonne, notre majorité a toujours eu à cœur de concrétiser les initiatives européennes dans notre pays, pour en faire bénéficier nos concitoyens. Bien sûr, j'entends déjà fuser les critiques dénonçant un catalogue de mesures. Mais, que je sache, on n'a jamais rien construit de grand avec de petites ambitions, comme certains semblent le croire !

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

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Certains auraient même souhaité que la France passe son tour : « Excusez-nous, mais en raison d'une élection locale, la France s'efface. »

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

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À l'échelle de l'Europe, bien sûr ! Oui, la France est un élément de l'Europe !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.

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À moins, chers collègues, que vous ne considériez, avec votre présomption habituelle, que la France, c'est l'Europe. Non ! Nous sommes un acteur majeur de l'Europe,…

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…mais nous ne sommes pas l'Europe. À celles et ceux qui, pour des raisons de petite politique, voudraient que la France s'efface, je dis que, ce faisant, jamais nous ne serions grands. Et la France est grande dans une Europe forte.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.

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Depuis plus d'un demi-siècle, l'Union européenne est le grand projet politique de notre continent. Nous refusons l'idée d'une politique de petits pas, de petits bras, qui confinerait finalement à l'immobilisme et contribuerait à nourrir la défiance des citoyens européens. Nous ne pensons pas que le repli national soit une solution.

Notre conviction est claire : le seul chemin pour prendre en main notre destin, pour conforter notre avenir, c'est la refondation d'une Europe souveraine, unie et démocratique. Le temps d'une France qui propose est revenu : alors agissons avec courage pour que ce moment de présidence française soit un moment d'ambition, d'action et de construction.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

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Dans quinze jours, la France assurera pour la treizième fois la présidence du Conseil de l'Union européenne, une première depuis 2009 et la présidence particulièrement réussie de Nicolas Sarkozy.

Il est malheureusement fort probable que cette présidence n'emprunte pas le même chemin et la faute en incombera exclusivement au président Macron, pour deux raisons principales : l'absence de crédibilité du Président de la République au niveau européen, d'une part ,

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM

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et une présidence française du Conseil de l'Union européenne atrophiée, d'autre part.

Qu'elles étaient puissantes, pourtant, ces images du Président de la République marchant vers son destin au rythme de la Neuvième symphonie de Beethoven, discourant dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne ou du haut de la colline de la Pnyx à Athènes, l'Acropole en toile de fond et l'avenir du continent entre ses mains !

Mais que reste-t-il du macronisme européen des premiers jours ? Rien, ou si peu. Usé par les tempêtes, bringuebalé par les crises, engoncé dans un égocentrisme disproportionné :…

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…la confiance des premiers jours a peu à peu laissé place, chez nos partenaires européens, à l'indifférence, puis à la défiance. Tel Cassandre condamnée à n'être jamais crue à force de mentir, Emmanuel Macron a perdu tout crédit à mesure que le gouffre entre ses prophéties assénées aux Européens et ses actions entreprises en France s'élargissait.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment imposer sa volonté aux autres pays d'Europe sur la révision des règles financières de l'Union, monsieur le Premier ministre, alors qu'Emmanuel Macron est le président français qui a le moins bien géré les comptes publics de toute la Ve République ? Comment être crédibles, messieurs les ministres, quand, durant ce quinquennat, la France a atteint le pire déficit de la balance commerciale d'Europe ? Comment être audibles, mesdames les ministres, quand le déficit public français était de 3,1 % en 2019, contre 0,6 % dans la zone euro ?

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Et les 600 milliards de dette de Nicolas Sarkozy ?

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Comment être intelligibles, chers collègues, quand la France d'Emmanuel Macron est le pays d'Europe où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés ?

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

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L'écart entre les mots et les actes du président Macron produit un involontaire et splendide isolement de notre pays, renvoyant aux calendes grecques les grands projets annoncés par le Gouvernement. Les listes transnationales aux élections européennes ? Vous êtes seuls. Les prémices d'une armée européenne ? Vous êtes seuls. La convergence fiscale et sociale ? Vous êtes seuls.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.

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La réponse au défi migratoire ? Vous êtes seuls.

Mêmes mouvements.

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La barrière écologique aux frontières de l'Europe ? Vous êtes seuls.

Dans son discours de la Sorbonne, Emmanuel Macron se rêvait en père refondateur de l'Europe, l'égal moderne de Robert Schuman. La réalité le rapproche davantage de Mort Shuman : ses ambitions ont disparu dans le triangle des Bermudes !

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Cet isolement est dramatique pour notre pays, mais également pour l'Europe ; car même lorsque les causes défendues par le Président de la République sont justes, nous n'avons pas, derrière nous, la force de nos partenaires. Où étaient les Européens lorsque la France a audacieusement défendu la Grèce, dont la Turquie avait violé, avec ses navires de guerre, la zone économique exclusive en août 2020 ? Où étaient les Européens quand la France a courageusement défendu l'Arménie, alors que les forces azerbaïdjanaises attaquaient le Haut-Karabakh avec l'appui des forces turques ? Quelle différence frappante, quand on compare ces deux situations avec l'unité européenne qu'il y avait derrière la France de Nicolas Sarkozy lors du conflit entre la Géorgie et la Russie de 2008 !

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.

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La présidence française du Conseil de l'Union européenne qui s'ouvrira dans quelques jours aurait pu être l'occasion pour la France de rompre son isolement en tendant la main à ses partenaires. Malheureusement, pour de strictes raisons de politique interne, le Président de la République a fait le choix délibéré d'une présidence française du Conseil de l'Union européenne atrophiée – atrophiée, car percutée de plein fouet par le calendrier électoral français, voulant qu'Emmanuel Macron soit tout à la fois Président de la République, président du Conseil de l'Union européenne et candidat à sa réélection : Jupiter devra se surpasser ! ; atrophiée, car dénuée de légitimité démocratique forte, incarnée par un Président de la République donné battu dans les sondages et portée par un gouvernement qui a perdu toutes les élections – européennes, municipales, départementales et régionales – depuis cinq ans ;

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem

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atrophiée, car privée de sa dimension parlementaire, et donc du contrôle des représentants du peuple, puisque l'Assemblée nationale fermera ses portes pendant les deux tiers de la présidence française : les députés de la majorité préféreront certainement redécouvrir leurs circonscriptions, qu'ils ont abandonnées pendant cinq ans ,

Mêmes mouvements

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…plutôt que de recevoir leurs homologues lors de rencontres bilatérales ou dans les différentes commissions permanentes ;…

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Nous n'avons pas de leçons à recevoir, surtout de votre part !

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…atrophiée, car affaiblissant la voix de la France, tant celle du Président de la République que celles de ses ministres au moment de négocier des arbitrages en réunion interministérielle. Quel sera votre poids face à vos homologues, monsieur le Premier ministre, alors que trois semaines plus tard, vous et vos collègues du Gouvernement ne serez plus en poste ?

La présidence française du Conseil de l'Union européenne sera atrophiée, puisque les ministres devront tout à la fois faire campagne pour Emmanuel Macron, présider leurs réunions ministérielles européennes et chercher un point de chute électoral. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État Clément Beaune, comment comptez-vous être la cheville ouvrière de cette présidence et, en même temps, affronter en interne votre collègue Marlène Schiappa pour l'investiture de La République en marche dans la septième circonscription de Paris, puis mener campagne pour les élections législatives, où vous serez parachuté ?

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

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Atrophiée, la présidence française du Conseil de l'Union sera l'otage de la politique intérieure française, car chaque décision sera dictée non par l'intérêt supérieur des Européens et de l'Union, mais uniquement par l'intérêt particulier d'Emmanuel Macron.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

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N'importe quoi ! On est très loin de l'Europe !

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Cette présidence française s'en trouvera affadie, laissant le pouvoir d'initiative inhérent à cette mission aux mains des bureaucrates bruxellois,…

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…affaiblissant la voix de la France plutôt que de faire avancer les questions importantes pour nos compatriotes,…

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On dirait Valérie Pécresse qui parle des toilettes dans le métro !

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…offrant sur un plateau une Europe fragilisée à nos voisins russe, britannique et turc, avec lesquels nous devrions pourtant négocier en position de force – votre fiasco à Boulogne-sur-Mer concernant les licences de pêche en est la meilleure preuve.

Le risque de cette présidence atrophiée est clair : c'est celui d'une présidence bavarde…

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…faite de belles paroles, d'une jolie mise en scène, d'un Macron en majesté, mais de peu de résultats – cela étant, depuis cinq ans, la France est habituée à beaucoup de blabla pour aucun résultat. Nous partagerons donc avec nos amis européens ce fardeau que nous subissons depuis 2017.

Le choix du Président de la République d'accepter le calendrier de la présidence française sans le modifier relève d'une triple faute : une faute politique, une faute géostratégique et une faute morale. Un autre choix était pourtant possible, puisque la Commission a proposé à la France de décaler d'un semestre sa présidence du Conseil de l'Union. D'autres pays, qui font passer l'intérêt collectif – la réussite de leur présidence – devant l'intérêt personnel – la réélection de leur chef d'État – ont su le faire, comme l'Allemagne il y a quelques années.

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Telle n'a pas été la décision du Président Macron, qui a repoussé cette proposition, trop heureux de mélanger la présidence française du Conseil à sa campagne nationale pour être réélu en avril prochain. Le choix délibéré d'Emmanuel Macron, qui se revendique pourtant violemment pro-européen, est donc d'affaiblir l'Union européenne pour servir son seul intérêt personnel. À moins qu'il ne soit tellement sûr de l'emporter en avril qu'il n'ait pas pu intégrer dans son logiciel intellectuel qu'il ne sera peut-être bientôt plus locataire de l'Élysée !

Décaler d'un semestre la présidence française du Conseil de l'Union européenne, c'était lui garantir une légitimité démocratique forte, validée par le peuple français lors d'élections présidentielle et législatives, et affirmer des priorités défendues par la nouvelle équipe gouvernementale. Décaler cette présidence d'un semestre, c'était lui donner une véritable dimension parlementaire, dont elle sera privée ; c'était inscrire au cœur de la campagne présidentielle les thèmes défendus par la France devant les autres pays européens, et non faire de l'Europe un paragraphe en bout de programme électoral – voire faire trancher par le peuple les sujets de discorde à l'occasion des prochaines élections, pour mieux les porter ensuite devant nos partenaires. Décaler d'un semestre la présidence française du Conseil de l'Union, c'était placer nos ministres en position de force face à leurs homologues européens, pour obtenir enfin des avancées que nous attendons tous. C'était, enfin, faire sortir le Président de la République de sa duplicité à l'égard de sujets européens majeurs pour nos compatriotes, comme l'élargissement aux pays des Balkans occidentaux – que nous, députés du groupe Les Républicains, rejetons fermement, tout comme nous demandons la clôture définitive des négociations d'adhésion de la Turquie, qui n'a pas vocation à être membre de l'Union.

En forçant le calendrier de cette présidence française de l'Union européenne (PFUE), alors même que nos compatriotes reprochent à l'Europe son déficit démocratique, vous donnez du grain à moudre aux eurosceptiques et contribuez à éloigner un peu plus encore l'Europe des citoyens. Une présidence française du Conseil de l'Union européenne n'arrive qu'une fois tous les trois quinquennats. Vous avez fait le choix délibéré de l'affaiblir, monsieur le Premier ministre, en la soumettant à des contingences électorales nationales.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

Ce n'est pas au niveau !

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Chers collègues de la majorité, comment voulez-vous réformer l'Europe en trois mois, quand vous avez échoué à réformer la France en cinq ans ? En trois mois, alors qu'ils partageront leur temps entre la réélection et la présidence de réunions, les ministres ne pourront faire qu'une chose : de la mousse, chacun défendant son agenda personnel, sans cohérence d'ensemble. À entendre les membres du Gouvernement, tout est prioritaire : l'immigration, la santé, la défense, le numérique, l'écologie, la culture, la citoyenneté… chacun y va de sa priorité prioritaire. En réalité, quand tout est prioritaire, rien ne l'est – sauf la réélection d'Emmanuel Macron, qui a choisi d'instrumentaliser cette présidence.

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On savait le Président de la République Jupiter, on le découvre Narcisse, contemplant son propre reflet dans l'eau de cette PFUE qui s'évapore, surchauffée par les effets de communication de la présidence, allant jusqu'à graver ses propres initiales, E. M., dans le logo de la présidence française du Conseil de l'Union.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

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Nous, députés du groupe Les Républicains, regrettons l'instrumentalisation à des fins personnelles de la PFUE et l'affaiblissement de l'Europe et de la France qui en découle. Ma collègue Constance Le Grip présentera dans quelques instants les priorités des députés Les Républicains pour la présidence française de l'Union européenne – priorités que nous mettrons en œuvre dès avril prochain, quand les Français auront remercié ce gouvernement et ce président qui fait passer ses intérêts particuliers avant l'intérêt des Français et des Européens.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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C'est incroyable ! Je n'ai jamais vu un niveau aussi faible !

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Un peu de calme, s'il vous plaît, chers collègues. Il ne neige pas sur le lac Majeur !

Sourires.

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À la différence de l'orateur précédent, les députés Démocrates s'efforceront de parler d'Europe, sans l'utiliser comme un prétexte à des débats domestiques.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.

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« Nous sommes sollicités à repenser l'Europe ». Ces mots qu'Edgar Morin prononça en 1990 sonnent comme une invite : le mandat de la France consiste à dessiner les six prochains mois ; son devoir l'appelle à raviver une espérance. Regardons les défis auxquels nous sommes confrontés : une crise sanitaire qui frappe et bouleverse le monde, des systèmes de santé sous tension, des économies sous pression, parfois sous assistance d'argent public, des sociétés entières placées sous contrainte ; un dérèglement climatique qui menace jusqu'à l'existence même de pans entiers de l'humanité ; la guerre à nos portes, depuis les bruits de bottes à l'Est jusqu'aux bruits de bombes de l'autre côté de la Méditerranée ; le danger du fanatisme qui dévoie une des religions du Livre, fomente des attaques contre la laïcité et justifie des menées terroristes ; des femmes, des hommes et des enfants qui fuient ces périls et s'échouent sur les plages qui furent le berceau – mais signent aujourd'hui le naufrage, a dit le Pape François – de notre civilisation ; un monde numérique dont les acteurs transnationaux ignorent les règles de nos sociétés, bafouant jusqu'à l'intimité des individus et l'intégrité des enfants ; chaque jour, des menaces lancinantes sur les droits et les libertés des femmes, des homosexuels, de la presse et de la justice.

La présidence française de l'Union européenne réunira un arsenal de mesures pour protéger et faire face, mais elle devra, dans cette acmé de l'histoire d'un jeune siècle, renouer avec son inspiration originelle. Lorsque des peuples historiquement rivaux fondèrent une communauté – non pour en gommer les différences en une norme uniforme, mais pour donner à leurs histoires, à leurs cultures et à leurs enfants une destinée commune –, ils le firent autour des valeurs partagées de démocratie, d'État de droit, de dignité des personnes, et d'une passion commune et sans cesse renouvelée pour l'égalité et la justice. Cet engagement initial reste d'actualité et doit demeurer notre boussole. Ainsi s'ouvre la feuille de route de la France pour l'Europe : il s'agit de renouveler nos vœux d'appartenance à l'Union et à ses valeurs démocratiques, et de lui donner les objectifs et les moyens de sa croissance et de sa puissance.

Le prochain semestre doit être celui de nouvelles impulsions économiques, car notre continent doit rompre avec le chômage de masse. La réindustrialisation et les nouveaux métiers de l'énergie, du numérique et de la santé représentent des espoirs concrets pour que nous redevenions créateurs et producteurs. Nous répondrons ainsi à l'inquiétude des citoyens européens au sujet des emplois d'aujourd'hui et de demain, mais aussi à la question du financement de notre modèle social et de nos services publics. En France, où l'on s'interroge régulièrement sur le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale, il n'est pas interdit de faire croître la richesse plutôt que de lancer un concours d'idées démagogiques sur le démantèlement des droits sociaux et la suppression de fonctionnaires. Nous sommes tous fiers de ce pays où l'école, l'université, la formation, l'hôpital et la santé en général sont gratuits.

L'investissement dans la croissance nous donnera le droit de ne pas choisir entre le bien commun – le seul bien de ceux qui n'ont rien – et l'équilibre budgétaire. Le travail et le mérite, plutôt que le sang et les larmes, voilà ce à quoi l'Europe nous aidera. Cette prospérité durable, mieux dotée en emplois, répondra à une autre inquiétude des Français, celle de la dette liée au covid : concrètement, à 1,5 % de croissance, comme depuis trente ans, nous léguerons à nos enfants un fardeau ; à 2,5 ou 3 %, nous relèverons le défi de ne pas alourdir les impôts.

Enfin, l'agenda français portera sur les minima salariaux en Europe. C'est un trait de notre identité : nous sommes convaincus que nous avons besoin du marché, mais aussi que l'Union européenne n'est pas qu'un marché, et que l'économie est au service des hommes

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À cette condition, une Europe de la croissance à visage humain pourra aussi devenir une Europe à la puissance démultipliée. Imagine-t-on pouvoir relever seuls le défi climatique ? C'est par nos moyens communs d'investissement que nous changerons de paradigme écologique, et nos efforts diplomatiques communs devront convaincre les pays les plus émetteurs de CO2. Nous serons aux côtés des continents les plus pauvres, pour accompagner leurs contraintes en limitant leur empreinte environnementale. Cette capacité à organiser la transition écologique passera par les attributs de la puissance, qu'il conviendra d'utiliser sans hésiter : la taxe carbone aux frontières protégera ainsi nos entreprises et nos agriculteurs, autant qu'elle sera exigeante pour nos partenaires. Cette force devra aussi s'exercer pour défendre les pêcheurs de toutes nos façades maritimes. Elle devra ramener les flux commerciaux – depuis les accords bilatéraux jusqu'aux Nouvelles Routes de la soie – à de justes principes. Nous devons concevoir les accords commerciaux internationaux non plus seulement à l'aune du prix – quitte à faire faire le tour de la terre à une vache – mais d'une éthique écologique qui permettra de remettre le monde à l'endroit.

Cette puissance collective pour relever le défi du climat devra aussi s'exercer sans trembler face aux révolutions numériques. Une avancée technologique autorise-t-elle à ne pas payer ses impôts, à enfreindre la loi et à violer la vie privée ? Or c'est ce que font les GAFA tous les jours. Leur responsabilité doit être engagée sur les appels à la violence, la manipulation de l'information et l'exploitation des données personnelles. Notre responsabilité est de protéger de leur prédation la valeur des biens culturels, dont la presse fait expressément partie. Et ils doivent payer des impôts, comme toutes les grandes entreprises, avec une fiscalité plancher pour tous. Quel serait ce monde où, selon que vous êtes puissant ou misérable, à petit, grande fiscalité, et à grand, petits impôts ? Si internet et la mondialisation nous ont fait, paraît-il, entrer dans la modernité, les réseaux, les plateformes et les multinationales doivent renoncer à leurs conduites médiévales.

Enfin, l'exercice du pouvoir européen doit nous permettre de sortir de l'indignité dans laquelle nous pataugeons face au défi migratoire. Je dis ici que chaque homme qui meurt en mer est une tache indélébile sur le visage de notre civilisation. À quoi nous sert d'avoir enfanté Goethe, Pascal et Léonard de Vinci si nous ne savons pas gérer des canots qui dérivent en Méditerranée ou qui coulent dans la Manche par défaut de politique migratoire commune, par défaut de politique commune de l'asile, par défaut de législation sur l'immigration légale, par défaut de courage ? Nous avons l'impérieux devoir de définir des politiques face à la migration, qui sera l'enjeu du siècle, qu'elle soit économique, sécuritaire ou climatique. Marielle de Sarnez avait formulé nos propositions en la matière. Des législations coordonnées, une solidarité dans la gestion des flux et une politique ambitieuse de développement des Suds, à l'instar de celle dont la France s'est dotée : tels sont les enjeux.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.

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L'Europe doit être à la hauteur de ses valeurs, de son histoire, et reprendre le contrôle, envoyer un message au monde en disant que nous sommes le premier continent à ne plus détourner le regard et à nous doter d'une politique publique commune, digne et déterminée.

Car l'Europe n'est pas qu'un moyen, elle est un destin, moyen pour croître et pour agir face aux défis que nous ne relèverons qu'ensemble. Mais elle ne peut être seulement cela, sans quoi elle continuera de ressembler à sa caricature : une machine à normes et à technocrature absconse.

L'Europe incarne la démocratie, cette organisation sociale qui porte à son maximum la conscience et la responsabilité du citoyen : c'est regarder bien au-delà de l'utilitaire et du matérialisme. Elle impulse des politiques communes, qui permettent à tous ses membres d'accéder à une ambition qu'ils ne pourraient concevoir isolément, dans un cadre de valeurs partagées, celui de l'État de droit. Elle peut, elle doit, donc, exiger des États, contrairement aux absurdités électoralistes entendues ici et là, qu'ils respectent ce cadre institutionnel, en premier lieu, tout simplement, parce qu'il protège les citoyens dont ils ont la charge.

L'Europe promeut des valeurs : c'est croire en l'homme et à l'universalité de ce message, original parmi tout autre, qu'une communauté institutionnelle a porté dans ses textes le stade le plus avancé des droits naturels – certaines initiatives de la commissaire à l'égalité, cédant aux obsessions victimaires et racialistes ou aux délires de la rédaction inclusive, feraient bien de méditer cette philosophie directrice.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.

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L'Europe, née de son affaiblissement par les nationalismes et par les guerres alors qu'elle dominait le monde, s'est reconstruit un destin indépendant pour garantir la liberté de ses peuples. Aujourd'hui, les citoyens attendent qu'elle retrouve cette inspiration pour qu'une souveraineté renouvelée nous garantisse individuellement et collectivement un destin libre face aux périls du monde. Tel le phénix qui renaît de ses cendres, nous devons nous mobiliser pour que l'Europe, retrouvant croissance et puissance, engage sa renaissance. Soyons les héritiers dignes de ce qui nous a été légué.

Le projet européen, de Valéry Giscard d'Estaing à Emmanuel Macron, est l'un des derniers rêves qui peut nous unir, nous grandir et nous sublimer. À nous de le faire partager et de le réaliser !

Vifs applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM et Agir ens.

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La présidence de l'Union Européenne qui s'ouvre le 1er janvier 2022 est la treizième présidence de la France. Une présidence de l'Union européenne est souvent marquée par des événements extérieurs imprévus et de grande ampleur. La mondialisation, et surtout la très grande interconnexion des États, sont des facteurs qui viennent affecter l'ordre des enjeux et des priorités. La dernière présidence française de l'Union européenne, lors du second semestre 2008, avait été marquée par deux événements déterminants : la crise en Géorgie et la crise financière des subprimes, puis économique à l'automne. La crise sanitaire, qui perdure depuis dix-huit mois, pose à chaque fois des problèmes nouveaux et a des effets économiques délétères, peut encore créer un contexte de tensions au sein de l'Union et dans le monde.

La France va ainsi prendre pour six mois la présidence tournante du Conseil européen. Les processus de l'Union européenne sont lents et la plupart des dossiers doivent faire l'objet d'un accord entre la Commission, le Conseil et le Parlement. Compte tenu de la prochaine élection présidentielle, prévue au mois d'avril, les principaux travaux devront être clos dès mars, ce qui raccourcira mécaniquement la marge politique laissée à notre pays. Le Président de la République n'a pas souhaité décaler cette présidence comme cela a pu être fait dans le passé. Ce choix peut donc être interprété soit comme la volonté d'imprimer sa marque, soit comme celle d'en faire un objet personnel et très politique. Se pose surtout la question des priorités qui seront défendues sur un trimestre. Trois thèmes ont été choisis par l'exécutif. Celui de la puissance renvoie à deux autres termes, la défense et les échanges stratégiques. On l'a vu, le départ des forces armées des États-Unis d'Afghanistan a semblé prendre de surprise certains États européens. Les États-Unis ne diminuent pas leurs forces extérieures, mais les redéploient en fonction de leurs analyses et de leurs priorités d'État.

L'Union européenne souhaite aujourd'hui dessiner les contours d'une nouvelle politique commune au travers de l'adoption d'un texte – la boussole stratégique – définissant la doctrine stratégique de l'Union européenne en la matière. Parmi les moyens illustrant cet axe figurent la constitution d'une force d'intervention de 5 000 hommes et un accord sur la doctrine à adopter vis-à-vis de pays comme la Chine ou la Russie. Comme souvent, les intentions sont ce qu'on voit alors qu'au plan opérationnel, les décisions prises peuvent affaiblir la position de principe. Ainsi, au plan industriel, des interrogations existent. Si les budgets nationaux des vingt-sept États membres de l'Union européenne ont augmenté de 5 % par rapport à 2019, avec 198 milliards d'euros consacrés à la défense, les fonds destinés à la coopération commune entre États pour mieux acheter et être plus interopérationnels ont quant à eux baissé de 13 %, avec seulement 4,1 milliards d'euros. Le Fonds européen de la défense, financé à hauteur de 8 milliards d'euros sur la période 2021-2027, est un premier pas mais reste mineur. Quel qu'il soit, l'accord suppose un processus de décision plus consensuel et plus efficace.

Il existe par ailleurs une initiative de l'Union européenne et des États-Unis, dite Trade and Technology Council, visant à trouver des positions communes sur les questions critiques liées au commerce mondial et aux technologies émergentes. Les domaines de discussion et de convergence seraient les investissements étrangers, le contrôle des exportations, l'intelligence artificielle et les semi-conducteurs. Les transferts internationaux de données sensibles seront-ils concernés ? Les investissements en matière de santé, comme les vaccins, seront-ils concernés ? Quelles seront les initiatives françaises dans ce domaine ? Au final, nous ne savons que peu de choses ou rien.

Venons-en à la question de la relance. Avec et après la pandémie, les dettes publiques des pays de la zone euro s'établiront en moyenne à 100 % du PIB. Les règles budgétaires de l'Union européenne, suspendues pendant la crise, ne peuvent être remises en vigueur comme si rien n'avait changé. Le Parlement européen a voté une résolution où il appelle à une évolution des règles, reconnaissant que l'application des règles budgétaires actuelles aurait des effets dépressifs pour beaucoup de pays de l'Union européenne. Par ailleurs, d'autres crises, comme la crise climatique, nous menacent. La réforme budgétaire sera discutée en 2022. La présidence française de l'Union européenne sera au début du processus. Plusieurs questions se posent, monsieur le Premier ministre. Comment prolonger l'effort d'investissement de l'Union européenne au-delà de 2023 ? Comment faire de l'outil, à l'origine exceptionnel et temporaire, que constitue le plan de relance de l'Union européenne Next Generation EU un plan d'investissement pérenne, renouvelable, dans une perspective de long terme ?

Au-delà de la question climatique, la question économique et sociale – qui lui est intimement liée – se pose. Le chef de l'État avait un temps mis en avant le principe d'un salaire minimum en Europe et la défense que cela constituerait pour nos propres salariés face au dumping social utilisé pour délocaliser, mais aussi préférer les productions faites aux coûts les plus bas. Cela n'apparaît plus dans les prises de position. Parallèlement, les objectifs du Pacte vert pour l'Europe, à savoir un continent climatiquement neutre en 2050, nécessitent des investissements allant au-delà de ceux prévus. De plus, les coûts à supporter par les consommateurs doivent être aussi neutres que possible pour les plus modestes. La création d'un second marché du carbone pour le secteur routier et les bâtiments suscite beaucoup d'interrogations. On ne peut que redouter que des mesures indispensables soient refusées, car non acceptables socialement par les consommateurs. Pourquoi ne pas faire en sorte que les investissements publics indispensables pour la transition climatique ne soient plus pris en compte dans le périmètre de la dette, ce qui est le cas aujourd'hui et a pour effet de contraindre les autres politiques ?

En matière de ressources, enfin, la convergence fiscale doit être un objectif en tant que tel. L'imposition des multimillionnaires doit en faire partie, pour des raisons non seulement d'équité, mais aussi d'efficacité des ressources générées. Le devoir de vigilance des multinationales doit aussi être une des grandes priorités de la France dans sa présidence.

J'en viens à l'appartenance, ce terme qui renvoie à deux idées fortes : le droit qui respecte les citoyens et les politiques publiques qui rassemblent. L'État de droit est un principe démocratique au terme duquel tous les membres de la société sont soumis au droit, y compris l'État et le Gouvernement. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et ses horreurs, ce principe est considéré comme consubstantiel à la pensée politique et juridique de l'Europe. Or des règles essentielles de l'État de droit, comme l'indépendance de la justice ou la liberté d'expression, sont aujourd'hui mises en cause de manière récurrente par plusieurs États de l'Union.

La période actuelle conduit à l'inverse certains politiques, y compris dans notre pays, à prétendre se libérer du droit quand il les gêne. Pour reprendre la formule du professeur Dominique Rousseau, le droit, entendu comme un ensemble de libertés, est le langage des citoyens pour contenir l'État qui parle la langue des intérêts économiques et des calculs immédiats. Le droit européen fait partie de nos règles ; à ce titre, il doit être respecté ; il n'a pas été imposé à la sauvette ou rendu obligatoire sans les États et les gouvernements.

Il nous faut aussi évoquer l'éloignement de l'opinion vis-à-vis de l'Europe. Cet éloignement touche aussi, je l'ai dit, certaines élites qui considèrent qu'on ne peut aller plus loin ou qui estiment que l'Europe doit perdre de ses compétences. La crise vient en fait de l'absence de politiques publiques de progrès. Il nous faut de grands projets qui parlent aux individus. L'un est la relance et l'amplification d'Erasmus, des échanges scolaires et des temps de formation dans un autre pays, seul véritable succès européen, qui parle tant aux jeunes. L'autre pourrait être la mise en chantier d'une assurance chômage européenne, qui marquerait une volonté de convergence et de construction sociale par le haut et serait un outil économique et budgétaire. Un autre est l'approfondissement d'une Europe de la justice et de la police, avec ce que cela suppose de réelle mise en commun de moyens renforcés. Ainsi, si nous avons des doutes sur la portée de cette présidence dont la presse ou l'opinion internationale ne semblent pas attendre un salut, je n'ai pas dit un discours fort, nous entendons défendre des initiatives et sujets de justice et de transition, parce qu'ils sont attendus par la population.

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La France va exercer durant six mois la présidence de l'Union européenne. C'est à la fois un honneur, qui n'arrive que tous les treize ans, et une lourde responsabilité à l'heure où l'Europe semble à la croisée des chemins. Originaire d'Alsace, avec des grands-parents qui ont vécu deux guerres mondiales, je sais ce que nous devons à l'Europe, notamment en termes de paix et de prospérité. Toutefois, si la paix et la prospérité furent le rêve des générations qui ne les avaient jamais connues, elles apparaissent souvent aux jeunes d'aujourd'hui – à tort, hélas – comme des acquis. La réalisation du marché unique, l'euro, devenu l'une des grandes monnaies internationales, les facilités de voyage au sein de l'espace Schengen, la mobilité des étudiants Erasmus ou, plus récemment, le succès de la politique d'achat et de fourniture des vaccins sont des réussites incontestables, mais force est de constater que ces domaines n'incarnent plus des rêves assez puissants pour faire adhérer en masse nos concitoyens à l'idéal européen.

Celui-ci s'est brisé sur une vision froide et parfois inadaptée de la réglementation européenne, sur l'incapacité de l'Europe à sécuriser ses frontières face aux vagues migratoires, sur des réponses trop lentes aux crises financières, sur les atermoiements de certaines administrations ou de certains industriels pour créer rapidement des programmes technologiques et militaires communs nous permettant de faire jeu égal dans la compétition que se livrent les États-Unis et la Chine. En outre, le Brexit est venu nous rappeler que, comme le disait Paul Valéry des civilisations, l'Europe, elle aussi, pouvait être mortelle.

Bien sûr, la présidence française de l'Union européenne ne résoudra pas tous les problèmes, mais le rôle singulier de la France dans la construction européenne et la chance inédite d'avoir à sa tête le plus européen de tous les présidents de la Ve République nous invitent à saisir l'occasion.

Dans cette période singulière, il y a, aux yeux du groupe Agir ensemble, plusieurs priorités. La première est, bien entendu, de poursuivre et de réussir les plans de relance de nos économies, qui doivent être une opportunité incroyable de transformer en profondeur nos produits et nos processus de production en les décarbonant, mais aussi en les faisant monter en gamme sur le plan technologique. L'innovation doit être le fer de lance de la relance, afin d'inscrire pleinement notre Europe dans les révolutions de notre époque : l'intelligence artificielle, le quantique, les biotechnologies, les nanotechs et les neurotechs.

De même, l'Europe doit retrouver la maîtrise de ses frontières en créant autour de Frontex une véritable police européenne aux frontières, qui est la condition de survie de l'espace Schengen. Elle doit aider les peuples du monde tentés par le chemin de l'exil à inventer un futur positif dans leur pays. L'idée d'un New Deal ou d'une sorte de plan Marshall pour l'Afrique nous semble particulièrement intéressante, d'autant qu'elle permettrait de réinventer un rapport gagnant-gagnant entre les pays européens et les pays africains.

Mais si ces domaines sont indispensables pour notre prospérité économique, ils ne peuvent à eux seuls ressusciter le rêve européen car, comme le disait Jacques Delors, on ne tombe pas amoureux d'un taux de croissance. Pour faire vivre le désir d'Europe dans le cœur des générations actuelles, l'Europe doit retrouver de grandes ambitions.

Le grand défi des générations actuelles est incontestablement le climat. Face à la peur que la planète ne devienne une fournaise invivable, l'Europe doit instaurer le rêve d'une inversion du changement climatique et faire de ce rêve une réalité. Comme vous le savez, tout l'enjeu de ce défi tourne autour de l'énergie. Pour sortir de la société du carbone d'ici 2050, il faut d'abord sortir des énergies fossiles, c'est-à-dire déployer massivement des énergies renouvelables et non polluantes. Développer les énergies renouvelables existantes, notamment le solaire et l'éolien, nécessitera de maîtriser toute la filière de fabrication des batteries de stockage car il n'y a pas de vent ou de soleil en permanence. De l'extraction du nickel, du cobalt, du lithium et des terres rares à leur commercialisation, en passant par leur retraitement, l'Europe, si elle veut être souveraine sur le plan énergétique, devra investir massivement dans la filière de stockage des énergies renouvelables au même titre que dans la production des panneaux solaires et des éoliennes.

Mais l'Europe devra aussi réaliser qu'aucune énergie renouvelable ne semble actuellement capable de remplacer les énergies fossiles dans tous leurs usages. Nous devons donc placer notre foi dans la capacité de la nature à receler encore d'autres énergies que nous n'aurions pas encore nécessairement découvertes. Après tout, l'humanité ignorait encore à peu près tout de l'énergie atomique voilà encore 120 ans et il est donc fortement probable que nous puissions encore découvrir de nouvelles énergies, à condition de les rechercher.

L'énergie n'est-elle pas, d'ailleurs, l'origine même du projet européen et son moteur ? Les deux premières communautés européennes sont en effet celles du charbon et de l'acier, en 1950, et celle de l'énergie atomique, en 1957. C'est autour de l'énergie que l'Europe a bâti ses premières coopérations concrètes, dans un rapport gagnant-gagnant, pour gérer des stocks communs de matières premières, pour les répartir justement en fonction des besoins et pour accroître les efforts de recherche-développement au bénéfice de la croissance économique de tous.

Le groupe Agir ensemble est persuadé que la méthode des pères fondateurs de l'Europe reste d'une puissante actualité. Nous invitons ainsi le Gouvernement à envisager la création d'une nouvelle communauté européenne des énergies renouvelables, dont l'objectif serait à la fois de maîtriser les filières de production et de stockage de ces énergies et de coordonner les efforts de recherche pour la découverte et le développement de nouvelles énergies non polluantes. Cette communauté serait envisageable à vingt-sept, mais elle pourrait aussi être ouverte sur un plus grand nombre de pays, notamment à l'Est de l'Europe, où la méthode des pères fondateurs pour ramener la paix semble plus que jamais d'actualité au moment où des bruits de bottes résonnent aux frontières de l'Ukraine ou de l'Arménie.

Comment ne pas envisager aussi un partenariat avec nos amis africains, de l'autre côté de la Méditerranée, où le soleil du Sahara pourrait, grâce à des autoroutes de l'énergie traversant les mers, éclairer une partie de l'Europe ?

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Et l'Afrique, elle ne peut pas être éclairée ? Non, c'est l'Europe qu'il faut éclairer ! La colonisation continue !

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L'Europe porterait ainsi haut le rêve de toute une génération de vivre demain sur une planète retrouvant la maîtrise de son climat et la possibilité pour nos enfants de respirer un air pur, pour des peuples entiers d'échapper à l'élévation du niveau des océans ou à la désertification de leurs contrées, et pour les animaux de ne pas voir leurs milieux naturels détruits par l'action des hommes.

Outre la question climatique, deux autres défis nous semblent être porteurs de rêves et d'espoirs, et mériter que l'on embrasse la cause européenne.

Le premier est incontestablement la santé. L'utilisation de l'ARN messager pour les vaccins contre la covid a montré la force des voies nouvelles offertes par la technologie à la médecine. Comment ne pas rêver que demain, des biotechnologies puissent nous offrir les remèdes au cancer, afin que plus aucun humain, et particulièrement aucun enfant, ne décède prématurément de ce type de pathologie ? Vaincre Alzheimer ou Parkinson fera aussi partie des défis de ce siècle et la recherche européenne, ici comme ailleurs, devra se positionner pour être à la tête de l'innovation dans le monde.

Le second défi relève, quant à lui, du rêve éternel de justice sociale face à la croissance des inégalités. Alors que l'Europe demeure le continent le plus riche au monde, comment tolérer que tant d'êtres humains y vivent encore en-dessous du seuil de pauvreté ? Si, compte tenu des différences de niveaux de vie, il ne paraît pas réaliste d'appliquer un salaire minimum identique pour tous, l'idée d'un socle minimal pour chaque citoyen, d'une garantie des mêmes droits sociaux et, ainsi, de l'abandon de tout dumping entre États doit cheminer car, si l'Europe économique fut un succès, l'Europe sociale reste en grande partie à bâtir.

M. Bertrand Pancher applaudit.

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Soyons certains que l'Europe ne survivra dans ce XXIe siècle que si elle s'adresse aux peuples, et pas exclusivement aux marchés, et si elle porte un message profondément humain.

Ce défi, cette exigence est à portée de nos mains. La présidence française de l'Union européenne doit être l'occasion d'en porter l'espérance et d'en tracer le chemin. Pas plus que nous ne laisserons les populistes être les fossoyeurs de l'œuvre de nos pères, nous ne laisserons les marchands de repli détruire les rêves de nos enfants.

Monsieur le Premier ministre, nous faisons confiance au Président de la République et à votre gouvernement pour écrire, avec nos partenaires, une nouvelle page de l'histoire de l'Europe – celle d'une Europe qui protège, d'une Europe qui innove, d'une Europe de la justice sociale ,

M. Jean-Paul Lecoq s'exclame

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d'une Europe qui se hisse au niveau technologique des États-Unis et de la Chine, d'une Europe de la santé, d'une Europe qui lutte contre le dérèglement climatique, d'une Europe puissante et pacifiste, qui fasse entendre dans le monde la voix des droits humains et du respect de la planète.

Ce n'est qu'à ce prix que nous redonnerons à beaucoup de nos concitoyens l'envie de croire à nouveau au rêve européen, que nous éveillerons le désir d'Europe dans le cœur des nouvelles générations, que nous empêcherons le retour des vieux démons de la division et du nationalisme, et que nous garantirons ainsi le maintien de la paix et de la stabilité. Ce n'est qu'à ce prix, enfin, que nous livrerons à nos enfants un héritage dont nous n'aurons pas honte.

À vous désormais, monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement et sous l'égide du Président de la République, de faire de cette présidence française de l'Union européenne une réussite.

Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

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En préparant mon intervention pour ce débat, j'ai voulu m'inspirer des mots et des discours de ceux qui ont pensé l'Europe au fil du temps, et qu'on entend malheureusement trop peu : Schuman, Veil, Delors ou Giscard d'Estaing, des générations de personnalités qui ont su trouver les termes justes pour évoquer la nécessité de construire une communauté de destin. Dans les mots de tous ces grands hommes et femmes, on retrouve la même nécessité de bâtir l'Europe pour opérer une réconciliation après les terribles guerres qui ont rythmé le quotidien des Français dans la première partie du XXe siècle.

Si nous avons conscience de l'atrocité qu'ont représenté ces événements dont, comme de nombreuses régions de France, les Vosges portent encore les séquelles, il est malheureusement évident que les plus jeunes générations en sont moins conscientes ou qu'elles se sentent peut-être moins concernées par le poids de l'histoire qui sous-tend la construction européenne.

Pourtant, depuis quelques années revient une petite musique dans laquelle les mots des grands Européens paraissent plus pertinents que jamais. Je ne citerai ici que ceux de Simone Veil : « Nos pays ont payé trop cher le prix de la barbarie pour ne pas tirer une leçon des erreurs du passé. Autant que la paix, la liberté et la démocratie, qui en sont les garants, sont le ferment, non négociable, de cette Europe en construction. »

Si les paroles et les valeurs de Simone Veil, marraine de l'UDI-I, trouvent encore de l'écho dans notre pays, c'est aussi parce qu'à quatre mois d'une élection majeure prospèrent nombre de personnes qui veulent déconstruire le combat de sa vie. Durant cette campagne, la présidence française risque malheureusement de n'être qu'un élément de second plan, qui ne sera mis en avant que par les assauts politiques de quelques-uns qui aimeraient mettre sur le dos de l'Europe tous leurs problèmes. Je tiens donc à exprimer mon regret et celui de mon groupe que la France n'ait pas fait le choix de déplacer cette présidence, alors qu'elle en avait la possibilité.

Plus que des questions de campagne, ce qui nous interroge surtout est la crédibilité de la France lorsqu'elle affirme vouloir faire de son passage à la tête du Conseil un moment fort pour la relance de la construction européenne, alors que le président français, co-instigateur de cette relance, ne sera peut-être plus là en mai.

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Cela donne d'autant plus matière à questions que de l'autre côté du Rhin, les Allemands sont encore dans la lune de miel d'une toute nouvelle coalition qui a clairement défini ses lignes d'action dans son accord de gouvernement.

Les enjeux sont nombreux, à l'heure où l'Europe tente de sortir de la crise sanitaire et où les premiers grands projets présentés par la Commission européenne d'Ursula von der Leyen arrivent au bout de leur parcours législatif.

Il faut reconnaître que le Président de la République a fait un discours ambitieux lors de sa présentation à la presse la semaine dernière. Cependant, avant de vouloir se lancer dans des changements grandioses, la France doit aussi montrer une volonté réformatrice rationnelle pour régler les problèmes auxquels nos concitoyens font face, comme ceux qui sont liés à la directive sur le temps de travail affectant nos pompiers volontaires et nos militaires : l'Europe ne doit pas remettre en cause le sens de l'engagement de ceux qui sont prêts à donner du temps pour la défense de leur pays et de ses citoyens. Il en va de même pour les règles en matière de TVA, qui bloquent les initiatives visant à préserver le pouvoir d'achat des Français face à la hausse des prix de l'énergie.

Il me paraît également important de rappeler que la présidence française qui s'ouvre ne doit pas être un bal de vaines propositions que la France lancerait seule, comme elle en a trop souvent l'habitude, mais une construction d'équipe qui s'inscrit dans la continuité des travaux engagés par nos partenaires et par les parlementaires européens.

Ce constat posé, je partage tout de même la volonté d'être force de proposition sur des sujets précis et bien délimités, au moment où les Européens ont aussi à montrer leur capacité à renouveler notre projet commun.

Par exemple, nombreux sont les entrepreneurs qui souhaiteraient qu'un code européen des affaires voie enfin le jour, afin de faciliter la vie des TPE-PME, les très petites entreprises et les petites et moyennes entreprises, qui voudraient exporter sur le continent.

Avant tout, il nous faut accompagner un changement structurel qui permettrait à l'Union européenne de se penser enfin comme un instrument stratégique. Alors que la réindustrialisation fait débat dans tous les États membres, nous ne pouvons pas restreindre à l'échelle nationale une telle réflexion. Nos économies interdépendantes et notre monnaie commune nous poussent à la mener en commun.

À nous de faire preuve de cohésion et de solidarité sur les sujets importants.

En matière de défense, si la force d'intervention commune que vous proposez est aussi efficace que la brigade franco-allemande qui n'a jamais quitté le territoire en trente ans, nous pouvons nous poser des questions ! Nous devrions plutôt nous concentrer sur une véritable coopération matérielle, assise notamment sur des achats groupés : il est en effet incompréhensible de voir nos voisins belges et polonais préférer des avions de combat américains aux avions européens.

Il importe que cette solidarité, trop souvent absente, se manifeste également en matière de politique migratoire. Si la révision de l'espace Schengen est nécessaire, nous ne devons pas oublier de réformer le règlement de Dublin. Il est insupportable de voir les États qui gardent nos frontières extérieures s'occuper seuls des flux migratoires arrivant à leurs portes. Si certains États membres refusent une juste répartition des arrivées, il nous appartient de trouver le moyen de les associer au mieux tout en affirmant que c'est ensemble, avec les gardes de Frontex, que nous devons garantir la sécurité à nos frontières.

L'entraide qui doit prévaloir entre États membres n'est pas seulement une nécessité pour la cohésion interne ; elle est la condition pour que l'Union européenne renforce l'une de ses raisons d'être : la force d'influence que nous avons à vingt-sept, autrement dit la souveraineté européenne, notamment face aux États-Unis et à la Chine.

Dans le domaine du numérique, par exemple, les directives actuellement en discussion sur la régulation du marché des GAFA ou sur la gestion des contenus illicites présents sur les plateformes ne traitent malheureusement pas la question des données. Si le règlement général de protection des données (RGPD) était une première avancée que nous saluons, nous défendons, vous le savez, la création d'un droit de propriété sur les données numériques, qui inverse la balance et redonne le pouvoir au consommateur.

Enfin, en matière environnementale, je regrette que les recettes provenant de la taxe carbone aux frontières, dont nous avions demandé la mise en place en 2019, aient été consacrées au remboursement de l'emprunt contracté par l'Union européenne pour relancer l'économie en 2021. Ces revenus auraient été utiles pour accompagner de grands projets continentaux, notamment ceux portant sur les batteries à hydrogène ou encore les semi-conducteurs. Il est dommage qu'ils aient été ainsi sacrifiés.

À l'inverse, c'est avec satisfaction que nous voyons reprise l'idée de clauses miroirs, qui donneront la possibilité à la Commission d'imposer à nos partenaires commerciaux des normes aussi ambitieuses que les nôtres en matière environnementale. Cette mesure doit s'assortir d'une autre tout aussi utile et même complémentaire : l'inscription de mesures de sauvegarde spéciales dans les accords commerciaux. Concrètement, cela nous permettrait de remettre en cause tout ou partie d'un accord avec un partenaire qui ne respecterait les objectifs de l'accord de Paris.

Alors que l'Europe entend être le moteur de l'ambition climatique mondiale, des législations visant la neutralité carbone sur notre continent ne sauraient suffire. Nous devons aussi nous montrer offensifs, pour que chacun prenne sa part dans l'effort à mener à l'échelle mondiale.

Monsieur le Premier ministre, l'Europe est le combat de cœur de notre famille politique, mais nous nous désolons de la voir instrumentalisée, sous-utilisée, ou incapable de se remettre en question. L'élan donné ne devra pas s'arrêter au mois de juin. Il est temps de redonner du sens à l'Union européenne en faisant en sorte que chacune de ses initiatives ait une valeur ajoutée et renforce sa souveraineté.

Pour conclure, je paraphraserai une formule célèbre : « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace, et l'Europe sera sauvée ! ».

Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LaREM.

À dix-huit heures vingt, Mme Annie Genevard remplace M. Richard Ferrand au fauteuil de la présidence.

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L'approche de Noël voudrait que l'on se dise des choses gentilles mais, tout de même, il y a un certain paradoxe à débattre des priorités de la présidence française alors qu'elles ont toutes déjà été exposées par le Président de la République, comme de nombreux orateurs l'ont souligné. Pour le dire autrement, je ne suis pas certain que le débat que nous avons va influer sur le cours du prochain semestre, d'autant qu'il ne manquera pas d'être perturbé par la campagne présidentielle et par le résultat des élections.

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Pourquoi n'avoir pas proposé à la République tchèque ou à la Suède, appelées respectivement à présider l'Union européenne au deuxième semestre 2021 et au premier semestre 2022, une interversion ? La France en serait ressortie grandie, et l'Europe renforcée.

Qu'en est-il du rêve européen, en cette fin 2021 ?

L'Europe est marquée par des fractures persistantes. Les mouvements populistes, nationalistes prospèrent. L'euroscepticisme se nourrit aussi de scandales. Les exigences en matière de transparence et d'exemplarité doivent donc être renforcées sans attendre.

Néanmoins, les Français sont, paradoxalement, plus nombreux que leurs voisins à demander davantage d'Europe, pour qu'elle s'occupe davantage de politique migratoire, de défense, ou de transition écologique et c'est tant mieux.

Avant toute chose, un peu de mesure : en six mois – ce délai est d'ailleurs une aberration du fonctionnement des présidences tournantes –,…

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…aucun pays, quel qu'il soit, n'a modifié à lui seul le cours de la construction européenne.

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Il ne faut pas raconter d'histoire à nos concitoyens. L'erreur que nous, Français, commettons souvent est de considérer l'Europe comme une France en plus grand. Or le fonctionnement de l'Europe ignore la volonté centralisée et privilégie en permanence la négociation.

Au moins pourrez-vous compter sur un alignement de planètes favorable, avec la nouvelle coalition allemande du chancelier Olaf Scholz.

Les chantiers que vous avez présentés, monsieur le Premier ministre, sont nombreux – nous en soutenons certains – et les objectifs que vous vous assignez sont ambitieux. Toutefois, c'est la loi du genre, les résultats risquent d'apporter leur lot de déceptions.

En matière de défense européenne, nous mesurons la montée des foyers de tensions, et ce jusqu'à nos frontières. La « boussole stratégique », initiative portée notamment par Josep Borrell, pourrait être présentée en mars prochain. Sera-t-il possible de dépasser enfin les divergences qui ont toujours empêché l'émergence d'une Europe de la défense ? Grande question !

Mon collègue Sébastien Nadot abordera – excusez du peu – la réforme de Schengen, la question des frontières, des migrations et le champ des valeurs. Pour ma part, je m'attacherai à la question du réarmement industriel de l'Europe.

La crise sanitaire a mis en lumière notre affaiblissement dans de nombreux domaines stratégiques. Trop souvent, notre continent a été le naïf de la mondialisation. La souveraineté européenne est invoquée. Il est urgent que l'Union crée des outils de protection industriels et commerciaux.

J'évoquerai plusieurs chantiers trop longtemps repoussés : l'harmonisation fiscale, la réforme des règles de concurrence, les alliances industrielles, ainsi que la régulation des GAFA.

Hier, le Parlement européen a adopté le Digital Services Act. Compte tenu des révélations de la lanceuse d'alerte Frances Haugen, une telle réforme est urgente. C'est un enjeu démocratique de premier plan. Le Digital Markets Act contre les abus de positions dominantes des grandes plateformes est tout aussi crucial.

Autre chantier d'envergure : la gouvernance de la zone euro. Les critères budgétaires actuels rendent indispensables une réforme rapide. Le Président de République a proposé de « repenser » ce cadre, sans plus de détail. Ma question est donc simple : avec quelle méthode, selon quelle direction, avec quels partenaires ?

Comment évoquer les grandes priorités sans aborder la transition écologique ? Notre groupe s'interroge sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Les propositions de la Commission se concentrent sur certaines importations comme l'acier, l'aluminium ou l'engrais. Je crains que cette ambition déjà réduite ne soit encore rognée. Comment la présidence française pourrait-elle faire en sorte d'approfondir les efforts nécessaires ?

Si j'avais disposé de davantage de temps, j'aurais pu également parler des politiques de cohésion, de l'influence du français et des stratégies pour la Méditerranée. Je finirai en disant que rapprocher les peuples, c'est aussi rapprocher les jeunesses. À l'heure où les jeunes Européens, particulièrement affectés par les répercussions de la pandémie, subissent un taux de chômage qui culmine à 17 %, ayons à l'esprit les mots de Jacques Delors : « Comment fera-t-on l'Europe, si les jeunes ne voient pas en elle un projet collectif et une représentation de leur propre avenir ? » Voilà ce qui devrait être notre boussole.

M. Sébastien Nadot applaudit.

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La France s'apprête à présider le Conseil de l'Union européenne. Comme cette occasion ne se présente qu'une fois tous les quatorze ans, autant vous dire qu'elle est précieuse et qu'il faut la traiter avec sérieux et gravité. Il eût donc été nécessaire de ne pas en faire un élément de la campagne présidentielle et d'éviter qu'elle se déroule au moment même où notre pays débattra et votera pour choisir les politiques à venir, y compris vis-à-vis de l'Union européenne. Vous aurez beau dire, il aurait été possible de décaler cette présidence de six mois, ce qui lui aurait, en outre, donné plus de légitimité, donc plus de poids. Mais tout est bon pour faire campagne sans le dire « jusqu'au dernier quart d'heure », pour reprendre l'expression d'Emmanuel Macron.

J'aurais aimé voir un Président de la République se saisir de cette occasion pour défendre l'intérêt général, celui des peuples, celui du peuple français. J'aurais aimé, je l'admets, voir un Président de la République se hisser à la hauteur de l'enjeu et décider de mener la bataille écologique et la bataille humaniste qui s'imposent pour une meilleure politique extérieure et migratoire au sein de l'Union européenne. Malheureusement, ce ne sera pas le cas avec le Président Emmanuel Macron.

Ce ne sera pas le cas parce qu'Emmanuel Macron semble préférer se servir de cette séquence pour faire campagne plutôt que pour faire l'histoire et ses discours comme celui que vous avez prononcé aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, ne font que nous alarmer.

Sur la question sociale d'abord, je ne vois aucune avancée à l'horizon. J'ai cru très sincèrement que vous faisiez de l'humour au cinquième degré – ce qui ne vous ressemble pas –, lorsque vous vantiez votre programme pour une Europe sociale. Vous parliez des travailleurs détachés en vous félicitant des avancées européennes en ce domaine, alors même que les directives qui ont été appliquées n'ont touché que marginalement ce statut, qui favorise un dumping social sans délocalisation.

Sous votre présidence, rien ne changera en matière sociale : des objectifs vont être fixés, mais ils ne seront assortis d'aucune contrainte. Ainsi, concernant le salaire minimum européen, non seulement un accord a déjà été trouvé – il ne pourra donc être porté au crédit de la présidence française –, mais celui-ci sera sans effets. Du point de vue social, il s'agit d'un accord au rabais, sans critères contraignants et sans ambition.

Si vous voulez vraiment être ambitieux, appuyez donc la proposition de directive, adoptée grâce à ma collègue députée européenne Leïla Chaibi, qui impose une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes numériques. Mais rien ne semble aller dans ce sens dans le programme que vous avez présenté tout à l'heure.

Plus largement, je vois bien qu'Emmanuel Macron ne compte pas se saisir de cette occasion pour s'opposer au pacte budgétaire européen, ou Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) ni au Mécanisme européen de stabilité (MES), qui sont pourtant au cœur du problème économique et austéritaire européen.

Vous avez cité, monsieur le Premier ministre, un procédé inédit mis en place par la Banque centrale européenne et qui repose sur le rachat direct des dettes – par la Banque de France pour ce qui nous concerne –, jusqu'à 20 % de leur montant total. Oui, c'est une bonne chose : reprendre ainsi notre souveraineté sur la dette au lieu de la laisser aux mains des marchés serait utile pour l'avenir car il faut définanciariser la dette comme l'économie.

Avec cette présidence, notre pays avait l'occasion historique de proposer de pérenniser cette réforme structurelle. Au lieu de cela, la France a déjà ratifié à l'avance la mauvaise méthode du Mécanisme européen de stabilité rénové, telle qu'elle nous a été présentée la semaine dernière. Voilà ce que s'apprête à défendre le Président de la République lors de sa présidence du Conseil de l'Union européenne.

D'ailleurs, vous en anticipez les effets, en promettant pour les cinq ans à venir des baisses de dépenses publiques historiques qui, de nouveau, affaibliront l'État, la santé et les mécanismes de solidarité, et j'en passe.

Dans la même logique démissionnaire, ou simplement néolibérale, cette présidence française ne présage rien de bon sur le plan écologique.

Pour l'instant, M. Macron se contente de rappeler l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, dont il a pourtant déjà été établi qu'il ne suffirait même pas à nous faire respecter l'accord de Paris, à supposer qu'il soit tenu.

Le pire, c'est que cette politique non seulement manque d'ambition écologique mais qu'elle est anti-écologique. D'abord, on nous parle d'extension du marché carbone, qui, nous le savons, permet surtout de créer une nouvelle source de profits à travers la vente des quotas excédentaires, sans vraiment contribuer à faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Surtout, nous assistons à la formation d'une alliance catastrophique de M. Macron avec les pays pro-gaz, notamment avec l'extrême droite polonaise, qui vise à inclure le gaz fossile et le nucléaire dans la taxonomie verte européenne, c'est-à-dire dans le futur label européen de durabilité écologique.

Quand vous faites face, comme ce matin, à la mobilisation unanime d'aussi grandes associations que Greenpeace, ATTAC, ANV-COP21 ou Les Amis de la Terre, qui dénoncent vos alliances politiques en matière d'écologie, je pense très sincèrement qu'il y a de quoi s'alarmer sur la pertinence et la dangerosité de vos choix et de vos compromissions pour le climat.

D'autant que M. Macron ne fait pas mieux sur les autres sujets, notamment sur la politique migratoire de l'Union européenne. L'actualité constamment tragique à ce sujet vient encore de se rappeler à nous, avec la mort des vingt-sept exilés en mer, au large de Calais, et on compte désormais plus de 1 000 personnes décédées dans les mêmes circonstances en Méditerranée lors du premier semestre, ce qui constitue la plus grande catastrophe maritime de tous les temps.

On pouvait espérer que M. Macron aurait la dignité de se hisser à la hauteur de l'enjeu et qu'il tenterait de défendre à la tête de l'Union européenne un plan ambitieux, humaniste, raisonnable.

On pouvait espérer voir remises en question les logiques européennes, qui ont fait la preuve, au cours des dernières années, de leur inefficacité et de leur dangerosité, qu'il s'agisse des conventions de Dublin, des accords du Touquet – nous n'avons pas vocation à jouer les garde-barrières pour les Britanniques – ou de l'absence de politique migratoire organisée.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

C'est ce qu'on a dit !

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Or, étrangement, rien de tout cela ne semble à l'ordre du jour. Ce que choisit de faire à ce sujet M. Macron, c'est plutôt de réformer l'espace Schengen pour permettre l'intervention de forces de sécurité d'un État membre sur le territoire des autres. Vous avez bien entendu, ce que propose de faire notre président aujourd'hui, alors que des gens meurent à nos portes, c'est tout simplement de renforcer la présence policière aux frontières… Il veut permettre aux policiers et aux gendarmes d'exercer leurs attributions sur les territoires des autres États membres, ce qui est à la foi un problème en termes de souveraineté et une proposition irréaliste – en un mot : un échec.

Il n'y a pas d'autre solution que de promouvoir une politique d'accueil digne des migrants sur nos territoires, d'organiser une action coordonnée à l'échelle européenne, de garantir le respect du droit international et de l'organisation du secours humanitaire des naufragés en Méditerranée, en mer du Nord et dans la Manche. Bien évidemment, il faut aussi travailler au niveau international, au sein des instances de l'Union européenne et de l'ONU, sur les causes de ces départs contraints, plutôt que d'élever des barrières mortifères, toujours plus hautes et toujours aussi inefficaces.

Monsieur le Premier ministre, vous avez placé tout à l'heure cette politique sous le sceau de la souveraineté. C'est sous ce seau que vous défendez la mise en place d'une défense européenne, tout en défendant notre appartenance à l'OTAN. Vous qui avez beaucoup cité le général de Gaulle, vous conviendrez que tout ceci n'est pas très gaullien. Pour notre part, nous ne sommes pas d'accord avec cet affaiblissement continu des moyens de l'indépendantisme français, le tout inféodé aux intérêts des États-Unis d'Amérique.

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez beau ne pas être pas d'accord, je confirme !

En fait, cette souveraineté que vous revendiquez s'exerce fortement à l'égard des faibles – en termes de politique migratoire –, mais faiblement à l'égard des forts – en termes de politique militaire, marquée par une véritable inféodation à l'OTAN.

Pendant ce temps, M. Macron ose parler des relations avec l'Afrique, sans dire le moindre mot des accords commerciaux de libre-échange qui détruisent les agricultures africaines et leurs économies fragiles, ce qui explique une bonne partie des départs contraints des populations concernées. Il ne dit pas non plus le moindre mot pour les pays qu'il a abandonnés, en ne défendant pas la levée des brevets sur les vaccins contre le covid, et qui ne parviennent pas à vacciner leur population autant qu'ils le voudraient. Or, tant qu'on vaccinera si peu dans les pays du Sud, de nouveaux variants ne cesseront d'apparaître de façon inexorable dans les pays du Nord.

Quand je vois ce qui nous attend avec cette présidence française, je ne peux donc penser qu'à une chose, c'est-à-dire à tout ce que nous aurions pu faire avec quelqu'un d'autre à la tête de notre pays dans un moment aussi historique, à tout ce que nous aurions pu faire avec un président combatif qui aurait eu à cœur l'intérêt des peuples et de notre pays, qui n'est jamais si grand et écouté que lorsqu'il promeut sa devise – Liberté, égalité, fraternité – plutôt que celles des financiers.

Je pense à la grave faute politique opportuniste qu'a faite M. Macron en ne reportant pas cette présidence qui, placée comme elle le sera, va réduire le temps de la présidence française à trois mois en raison des règles de temps de parole liées à l'élection présidentielle française. Ce choix, purement égotique, a pour résultat d'affaiblir nos capacités de négociation, alors que les précédents nous montrent qu'un report aurait été possible. Je trouve cela d'autant plus dommageable qu'à quelques mois près la France et l'Europe auraient pu avoir la chance de voir s'installer un nouveau Président de la République française – personne ne s'étonnera que je souhaite qu'il s'agisse de Jean-Luc Mélenchon.

Rires sur divers bancs.

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Vous pouvez rire, pour ma part je suis sérieux, et je ne dis pas cela seulement parce que ce candidat est le mien, mais parce que je sais tout ce que son élection aurait permis pour la France et l'Europe, si les délais s'y étaient prêtés. Je sais que nous aurions saisi cette opportunité pour mener la bataille contre les traités européens avec notre logique de plan A et de plan B – le plan A consistant à négocier avec les autres pays européens en faisant jouer la puissance et les moyens de négociation de la France, renforcés durant sa présidence de l'UE, pour nous hisser à la hauteur des urgences sociales, écologiques et humaines auxquelles nous faisons face, le plan B consistant à appliquer de toute façon nos mesures, selon le mandat que nous aurait donné le peuple français, mêmes quand elles auraient été contraires aux traités.

Nous aurions commencé par appliquer un principe de non-régression sociale et écologique ; un grand plan d'investissement pour une véritable bifurcation écologique ; la règle verte consistant à ne pas consommer et produire plus que la terre ne peut le supporter ; l'arrêt de l'ouverture à la concurrence des services publics et des politiques d'austérité mortifères ; une coopération entre les pays européens, pour que la construction européenne soit une plus-value en matière sociale, écologique et en matière de droits – car, à défaut, elle ne vaut rien.

Croyez bien que nous serions écoutés bien au-delà de nos frontières si nous appliquions une telle politique et si nous la proposions à nos partenaires. Ce n'est pas ce que fera le candidat Macron, c'est donc une occasion perdue.

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Pour la première fois depuis treize ans, la France prendra, au 1er janvier 2022, la présidence du Conseil de l'Union européenne. C'est à la fois un immense honneur pour notre pays et une grande responsabilité. C'est aussi une étape supplémentaire sur le chemin de la refondation de l'Europe que nous avons proposée aux Français en 2017. Depuis, nous n'avons cessé de défendre et de nourrir cet engagement initial.

Lors de son discours de la Sorbonne en 2017, le Président de la République a défini un projet de souveraineté européenne. Ce n'était alors pas simplement un catalogue de mesures déjà entérinées ou sur le point de l'être, – comme nous l'avons lu récemment dans une tribune publiée par une candidate dans le journal Le Monde –, mais un projet ambitieux constitué de plus de cinquante propositions concrètes pour faire évoluer et renforcer l'Europe.

Souvenons-nous de la phrase que prononça le candidat Macron en 2017 : « Il est temps aujourd'hui que, sur les grands défis de notre époque, la vraie souveraineté passe par une action européenne. » Incompréhensible ou inacceptable pour beaucoup, cette phrase a démontré depuis sa pertinence. À l'époque, nombreux étaient ceux qui croyaient l'Europe perdue, mise au défi par le Brexit, par la remise en cause du multilatéralisme du président Trump, par les séquelles de la crise de 2008 et l'absence de vision et d'ambition partagée des dirigeants européens.

Rappelons-nous de ceux qui, en France, pourtant pilier de l'Union depuis l'origine, prônaient en 2017 la sortie de l'Europe et de l'euro : ils ont tous fait volte-face.

Souvenons-nous aussi de ceux, qui, par lâcheté ou manque d'énergie, ou en raison de la division de leur famille politique, préféraient dénigrer le projet européen plutôt que de chercher à le transformer. Qu'ils regardent aujourd'hui, en dépit des graves crises survenues, le chemin parcouru depuis 2017…

Chacun voit désormais que le choix politique de défendre l'indépendance et la souveraineté de l'Europe, si décrié par ceux qui hurlaient à la trahison nationale, s'est imposé partout sur le continent.

Du plan de relance européen à la stratégie d'acquisition des vaccins, en passant par la lutte contre le dérèglement climatique, l'Europe a montré sa capacité à résister, à protéger, et même à dépasser ses dogmes.

À l'initiative de la France et de l'Allemagne, en pleine crise, et en l'espace de quelques semaines seulement, l'Union européenne a mis en œuvre un plan de relance inédit de 750 milliards d'euros, fondé sur la solidarité grâce à une dette commune, qui a permis de soutenir les économies et de minimiser le choc social. Solidaires comme jamais, les Européens sont aussi parvenus à sécuriser en commun 2 milliards de doses de vaccins, assurant ainsi leur accès à tous les citoyens de l'Union.

Nous avons essuyé pendant cette crise tant de critiques, entendu tant de mensonges, tant de désinformation… Mais aujourd'hui, les chantres du vaccin russe et ceux de la stratégie nationale ont tous retourné leur veste. Tous ! Car il est clair qu'il n'y avait de meilleure stratégie de vaccination que celle de l'Europe pour protéger ses peuples. C'est elle qui, aujourd'hui encore, nous protège dans la durée, nous permet de disposer de suffisamment de doses pour continuer à vacciner, à effectuer les rappels, à résister à cette épidémie qui n'en finit pas.

Efficacité avec le plan de relance, solidarité avec la stratégie vaccinale : c'est en agissant ainsi que les dirigeants européens, la France en tête, ont non seulement permis à l'économie européenne de résister, de préparer l'avenir, mais aussi et surtout envoyé un message politique très fort au reste du monde : nous, Européens, plaçons la solidarité au cœur de notre construction et, par cet emprunt commun, nous lions nos destins les uns aux autres pour les décennies à venir.

Est-il un message plus puissant ?

Comment, dès lors, ne pas être surpris par la teneur de la tribune de la candidate du parti Les Républicains, Mme Pécresse, publiée dans Le Monde, la semaine passée ? Elle prétend, dans ce texte, défendre l'Europe de la puissance, tout en dénonçant le plan de relance européen qui nous a sauvés, arguant qu'avec ce plan, la France attendrait l'aumône de ses partenaires européens. Aveuglement ou hypocrisie ?

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Le fait est, – nul ne peut le nier –, que ce plan de relance est un bien commun à tous les Européens, qu'il permet à l'ensemble des Vingt-Sept d'investir ensemble et de relancer l'économie. Que c'est grâce à ce plan, véritable bouclier social et économique ayant sauvé des centaines de milliers d'emplois et d'entreprises, que nous pouvons aujourd'hui surmonter la crise avec plus de force et nous projeter dans l'avenir.

Mes chers collègues, ce bouclier que dénonce Mme Pécresse,…

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…nous le devons à Emmanuel Macron, qui a su conjuguer ses efforts avec ceux d'Angela Merkel, pour ne pas retomber dans les errances des crises précédentes. Le nier n'est que mauvaise foi.

Souvenez-vous de la crise de 2008, lors de laquelle les Européens avaient mis plus de quatre ans à réagir…

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…avec, comme résultat, une croissance au point mort et un taux de chômage à son paroxysme pendant près de dix ans.

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Souvenez-vous de ces jeunes Européens, en particulier ceux du sud de l'Europe, contraints de quitter leurs pays pour trouver du travail.

Nous avons payé pendant près de dix ans les atermoiements des dirigeants de l'époque,…

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…de ceux qui, au pouvoir en France, n'ont pas réussi à mettre en place ce plan de relance pour protéger les Européens, et qui aujourd'hui viennent nous faire la leçon. Nous avons payé les renoncements de ceux qui ne croyaient pas dans la force et la souveraineté de l'Europe ; ne retombons pas dans ce piège !

Quand on aspire à la présidence de la République française, il faut avoir l'Europe chevillée au corps. On ne peut pas, n'en déplaise à Mme Pécresse, se prétendre européenne un jour, tout en soutenant la liste eurosceptique de François-Xavier Bellamy le lendemain. On ne peut pas se mettre dans la roue d'Éric Zemmour et de Marine Le Pen en contestant la primauté du droit européen, pour ensuite se livrer à un plaidoyer pro-européen reprenant maladroitement ce qu'a déjà fait ou est en train de faire le Président de la République.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Il faut de la cohérence et du sérieux pour diriger la France et pour agir en Europe.

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Tant de contradictions ne nous promettent qu'une France faible dans une Europe faible.

Nous l'avons vu, mes chers collègues, la gestion européenne de la crise a révélé la solidarité et la capacité de coopération des vingt-sept pays de l'Union. Mais, comme l'a souligné le Président de la République, nous avons besoin de continuer à transformer l'Europe de la coopération en Europe de la puissance.

Nous sommes à ce moment charnière où nous devons nous projeter dans l'avenir du modèle européen et de son autonomie stratégique. Nous sommes dans un temps où les menaces géopolitiques et l'urgence climatique confèrent à l'Europe une responsabilité particulière.

Comment ne pas être préoccupés par le comportement de puissances autoritaires dont la stratégie est de tester la solidarité de l'Europe ? Comment ne pas être inquiets par la situation à la frontière entre la Russie et l'Ukraine, où des dizaines de milliers de soldats russes sont massés ? Après la Géorgie, l'annexion de la Crimée, l'occupation du Donbass, le sort de Kiev concerne tous les Européens.

Comment ne pas être préoccupés par le drame qui se joue au Bélarus ? Voilà plusieurs mois que l'Europe est mise au défi par le dictateur Loukachenko qui, dans une mise en scène cynique et macabre, manipule les migrants comme des pions et exploite la misère d'enfants, de femmes et d'hommes pour déstabiliser l'Europe.

Je tiens à dire mon soutien à celles et ceux qui, au Bélarus et en exil, se battent pour la démocratie. Je pense en particulier à la courageuse représentante de l'opposition démocratique, Mme Svetlana Tikhanovskaïa, dont le mari Sergueï Tikhanovski a été condamné hier à dix-huit ans de prison.

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Je tiens aussi à saluer l'opposant russe Alexeï Navalny, qui s'est vu décerner aujourd'hui le prix Sakharov par le Parlement européen, pour son combat « sans répit » pour la démocratie et contre la corruption dans son pays. Ils méritent le soutien de la France et de notre assemblée, ne les oublions pas.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Je n'ai cité que ces deux défis mais il en existe beaucoup d'autres, que ce soit au Sahel, au Levant ou en Afghanistan. Ce temps menaçant exige de nous plus de volonté, plus d'affirmation, plus d'autonomie et de souveraineté européenne. Tous les défis auxquels nous sommes confrontés sont communs aux Européens et tous mettent en jeu la place et le rang de l'Europe dans le monde.

C'est dans ce moment délicat, décisif, que s'inscrit la présidence française du Conseil de l'Union européenne, que vous avez, monsieur le Premier ministre, caractérisée par une devise exprimant bien notre ambition pour l'Europe : « Relance, puissance, appartenance ».

Relance, parce que le redéploiement économique de l'Europe est indispensable pour soutenir les Européens et leurs entreprises dans la crise sanitaire et affronter les défis de notre siècle.

Puissance, parce qu'elle est la condition de la préservation et de la promotion du modèle européen et de ses valeurs, mais surtout de ses intérêts dans un monde instable et hostile.

Appartenance, parce qu'elle est notre raison d'être européenne, faite de culture et de valeurs communes, d'histoire et de projets partagés.

Mes chers collègues, vous l'avez compris, ces six mois de présidence française seront importants pour le projet européen. Dans ce moment particulier, ce que veulent nos concitoyens est clair. Ils l'expriment dans le cadre de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Ils appellent de leurs vœux une Europe qui les écoute, les protège, s'engage, avance, une Europe qui agit, pour lutter contre le changement climatique, pour accompagner les changements économiques et industriels, pour résoudre le problème des flux migratoires et organiser correctement et dignement l'accueil des réfugiés ; pour les protéger du terrorisme ; enfin une Europe qui soit capable de les mettre à l'abri des désordres du monde grâce à sa puissance militaire.

Pour exaucer ces vœux, la présidence française sera un moment essentiel d'action, d'ambition et de projection pour l'avenir, un moment clé pour déployer tous les jalons de l'Europe puissance. Soyons fiers et confiants : le courage, l'unité et la solidarité manifestés ces deux dernières années par les Vingt-Sept sont les meilleurs garants de la réalisation de ces objectifs.

Une France forte, dans une Europe forte : voilà l'engagement que nous avions pris en 2017. Nous y sommes et y serons bientôt plus encore.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Notre assemblée est réunie cet après-midi pour débattre des grandes orientations de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, déjà abondamment exposées par le Président de la République lors de sa dernière conférence de presse, et qui, je n'en doute pas, seront à nouveau et tout aussi longuement détaillées ce soir, dans l'émission télévisée de promotion de son bilan, orchestrée par le chef de l'État.

À ce stade de nos débats, je vais immanquablement revenir sur certains des sujets traités par certains orateurs précédents, tout particulièrement par mon collègue Pierre-Henri Dumont.

Souffrez cependant que je revienne sur certains de ces sujets, notamment celui du calendrier, qui n'est en rien anecdotique. Nous l'avons déjà dit avec fermeté, nous déplorons vivement que l'exécutif n'ait pas demandé que la présidence française du Conseil de l'Union européenne soit reportée, afin d'éviter dans les semaines et les mois à venir le télescopage des calendriers, le mélange des genres et la confusion des rôles entre présidence du Conseil de l'Union européenne et candidature à l'élection présidentielle du président Emmanuel Macron.

Faut-il le rappeler, il y a eu un précédent : dans les années 2006-2007, l'Allemagne, autre membre fondateur de l'Union européenne, a fait preuve de discernement et d'esprit de responsabilité en n'hésitant pas à demander le report de sa présidence du Conseil de l'Union européenne. Nous aurions attendu de l'autre grand État fondateur le même esprit de responsabilité et de sérieux, d'autant que la Commission européenne avait, comme il est de coutume, proposé cette solution.

Je ne veux pas dire – il faut être réaliste et raisonnable – que le président Macron aurait dû renoncer à exercer la présidence, mais nous aurions pu tout à fait imaginer que ce décalage soit une anticipation, afin que la présidence française puisse se dérouler sereinement pendant l'intégralité de la période de six mois, sans qu'elle soit embarquée dans le débat présidentiel et le débat politique. Inévitablement, le mélange des genres, une présidence écourtée et atrophiée, seront préjudiciables à l'Union européenne comme à la France, à la défense des intérêts des Européens comme à la défense et à la promotion des intérêts des Françaises et des Français.

Cette situation d'ambiguïté, de confusion, de « en même temps » est décidément préjudiciable…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

C'est clair que vos propositions…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…et nous craignons qu'une présidence française de l'Union européenne limitée aux trois premiers mois de l'année 2022 ne se résume à une vaste opération de communication politique, un exercice de marketing électoral dont personne ne sortira gagnant.

Je veux également souligner l'appauvrissement de la dimension interparlementaire. Toute présidence du Conseil de l'Union européenne est rythmée par des exercices interparlementaire réguliers.

Certes, la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires – COSAC – se tiendra ici au début du mois de mars, alors que nos travaux auront déjà pris fin et que nous serons pour la plupart en campagne, mais les conférences interparlementaires, les réunions formelles et informelles entre commissions parlementaires des parlements nationaux et du Parlement européen ne vont pas pouvoir se déployer avec la même intensité et ne présenteront pas le même intérêt que s'il n'y avait pas eu cette concomitance entre les calendriers électoraux et politiques.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Un peu de fond !

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Encore une fois, nous aurions pu, par esprit de responsabilité, envisager de faire autrement. Il y a là une forme de dévitalisation de la démocratie européenne qui, alors même que nous avions entendu le Président Macron et ses thuriféraires parler de revitaliser la démocratie européenne, nous semble être un contresens et même une erreur.

Mais venons-en fond.

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Là aussi, il y a beaucoup à dire. Vous avez cru bon, monsieur le secrétaire d'État chargé des Affaires européennes, à l'occasion d'une interview publiée ce matin dans la presse, de vous livrer à une attaque en règle contre les grandes orientations du projet européen défendu par la candidate des Républicains, Mme Valérie Pécresse, qui serait, selon vous, condamnée à faire du « mauvais Macron » ou du « méchant Ciotti ».

M. Pieyre-Alexandre Anglade s'exclame.

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Permettez-moi de vous dire en toute franchise que je trouve ce propos quelque peu grossier et indigent.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous nous aviez habitués à mieux : nous attendions de votre part quelque chose d'un peu plus fin, d'un peu plus élégant et d'un peu plus intelligent.

Vous nous accusez de « plagiat raté » : très franchement, c'est nous qui pourrions à juste titre vous accuser de plagiat.

Les interventions ministérielles et primoministérielles ont ainsi placé au rang des priorités le pilotage politique de la zone Schengen et la refonte des accords de Schengen, déjà ardemment promus il y a des années par le Président Sarkozy, que ses fonctions de ministre de l'intérieur comme ses années passées à l'Élysée avaient rendu très conscient des carences de la zone Schengen, notamment l'absence de véritable gouvernance politique. Tout cela avait été totalement passé à la trappe par la gestion socialiste pendant le quinquennat hollandais, plus personne, ni à Beauvau, ni à l'Élysée ne le considérant comme important. Il y a donc là quelque chose qui peut effectivement s'apparenter à du plagiat.

Il en va de même de la taxe carbone aux frontières, proposition que nous défendons avec opiniâtreté depuis 2008, à un moment où, je vous le concède bien volontiers, les esprits étaient loin d'être mûrs, tant à Bruxelles que dans les capitales européennes.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Mais non !

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Mais cela n'a en rien affaibli l'ardeur avec laquelle les parlementaires européens du groupe Les Républicains défendent bec et ongles, notamment au sein du groupe du parti populaire européen (PPE), la réforme de Schengen comme l'instauration d'une taxe carbone aux frontières, deux grands dossiers emblématiques de ce que la droite républicaine a toujours voulu pour l'Europe et pour la protection et la sécurité de nos concitoyens européens.

Au-delà de ces deux sujets, d'autres projets composent la vision pour l'Europe que porte, avec nous, notre candidate à l'élection présidentielle, Mme Pécresse, avec responsabilité et pragmatisme – et j'ose espérer que nos propositions ne feront pas l'objet d'un pillage de grande ampleur !

M. Pieyre-Alexandre Anglade s'exclame.

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Parce que nous sommes engagés et motivés pour faire avancer les choses, nous proposons par exemple que la préférence européenne dans les marchés publics européens soit assumée sans complexe. Nous proposons également d'aller beaucoup plus loin dans l'assouplissement des règles de la politique européenne en matière de concurrence, de concentration ou d'aides d'État pour favoriser l'émergence de grands champions industriels européens.

Autre proposition que nous défendons depuis de très nombreuses années, tant au Parlement européen qu'au sein de la Commission européenne, par l'entremise de Michel Barnier, nous souhaitons également aller beaucoup plus loin en matière de réciprocité dans les échanges commerciaux et dans l'accès aux marchés publics des pays tiers.

Nous assumerons également, au cours de cette campagne et notamment tout au long des toutes premières semaines de la présidence française, notre ambition en matière de Pacte vert, dans la droite ligne de ce qui est présenté par la Commission européenne et de ce que nos parlementaires européens, notamment au sein du groupe PPE, mettent activement en place.

Nous aurons aussi une ambition forte pour nos agriculteurs. L'indépendance alimentaire et le soutien à nos agriculteurs, mis sous pression par certaines stratégies européennes en la matière, seront pour nous des priorités.

Sur le sujet extrêmement délicat et difficile des coopérations militaires avec l'Allemagne, nous défendrons également un point de vue et une ambition différents de ceux qui sont actuellement défendus. Dans ce domaine, nous souhaitons un rééquilibrage entre la France et l'Allemagne, en faveur notamment de l'industrie française.

Je terminerai par quelques mots sur la question de notre crédibilité et de notre influence en Europe, élément clé qui se construit patiemment, obstinément, en menant à bien les réformes sans arrogance et sans esbroufe. Plutôt que de faire en permanence la leçon au reste du monde et à nos partenaires, nous devrions commencer par remettre de l'ordre chez nous, dans nos finances publiques comme dans un certain nombre de politiques publiques, avant que d'envisager de proposer des projets de réforme pour l'Europe et pour les Européens.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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Nous voici au petit matin d'un nouveau jour européen. La pandémie est là, l'avenir est incertain, comme toujours.

La présidence de l'Union européenne n'est pas tout. La machine est lourde, l'inertie est forte et les contraires en son sein sont nombreux. Mais la présidence de l'Union n'est pas rien. C'est une chance, celle de peser un peu plus qu'à l'accoutumé, pendant six mois, pour dire quelle est cette Europe à la manière française que nous voulons : non pas celle d'un homme, d'un instant ou d'une tactique circonstancielle, mais celle qui fait écho à notre histoire, à nos valeurs et à notre compréhension des enjeux du futur et des défis qui s'accumulent.

À l'heure où nous balbutions nous-mêmes notre alphabet français des valeurs universelles, pourtant gravées sur le fronton de nos écoles, voilà qu'il nous faut dire et défendre le futur du continent européen.

Monsieur le Premier ministre, un récent rapport du Secours catholique sur l'état de la pauvreté en France en 2021 fait le constat qu'environ 7 millions de Français ont besoin de recourir à l'aide alimentaire et que plus de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays. Cette humiliation nous oblige.

Si j'aborde aujourd'hui ce sujet de la dignité humaine et de la pauvreté aujourd'hui, c'est que la pauvreté est une réalité tout aussi européenne que française.

Selon Eurostat, 72 millions de personnes au sein de l'Union européenne vivent sous le seuil de pauvreté. La Commission européenne évalue à 22,4 % la proportion des Européens menacés d'exclusion sociale ou de pauvreté ; en d'autres termes, près d'un citoyen européen sur quatre vit de façon précaire. La présidence française de l'Union européenne peut-elle ignorer leurs difficultés ?

Pour bien tenir la barre, la France doit donner l'exemple. Or des enfants migrants vivent aujourd'hui dans des centres de rétention administrative – des lieux de privation de liberté. Leur emprisonnement vaut à la France d'être régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Il est également contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant. La Défenseure des droits a demandé au Gouvernement et au Parlement d'y mettre fin ; mais la France s'entête, contre le droit, contre les enfants, contre l'enfance.

Je ne reviendrai pas davantage sur notre obstination à croire que les questions migratoires se résoudront à force de murs et de contrôles. Tant que tous les outils existants, y compris les voies légales de migration, ne seront pas utilisés conjointement, nous n'avancerons pas, au risque que des individus soient traités de manière indigne – comme s'ils n'avaient pas de visage, de passé, d'existence humaine. L'article 2 du Traité sur l'Union européenne (TUE), qui constitue la charte de notre projet politique européen, stipule pourtant : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. »

Monsieur le Premier ministre, chers collègues, ferez-vous vivre le principe de fraternité, dont le Conseil constitutionnel a reconnu la valeur constitutionnelle dans sa décision du 6 juillet 2018, à la suite de l'action en justice de Cédric Herrou ? ou en sera-t-il comme en Italie, où le maire de Riace, Domenico Lucano, a été condamné à treize ans de prison pour avoir accueilli et aidé des migrants ? Défendrez-vous le droit d'asile inconditionnel reconnu par la convention de Genève de 1951, ou la récente proposition de la Commission européenne : permettre à la Pologne, la Lettonie et la Lituanie de suspendre six mois durant l'application de certaines dispositions liées à ce droit ?

Qui serons-nous à la tête de l'Union européenne ? Nous serons le député Victor Hugo, affirmant ici même, en 1849, que nous pouvions détruire la misère ; l'ancienne résistante Geneviève de Gaulle-Anthonioz, engagée contre la pauvreté, présidente de la branche française d'ATD Quart monde ; l'abbé Pierre, fondateur d'Emmaüs, et son appel à « l'insurrection de la bonté » ; Coluche, l'artiste facétieux au cœur aussi grand que ses Restos.

Nous sommes des Gaulois réfractaires – réfractaires à la misère. Pour le groupe Libertés et territoires, la présidence française de l'Union européenne n'aura de sens que si, suivant le mot de l'abbé Pierre, elle sert en premier le plus souffrant.

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Bravo ! Quand on met de l'humain dans la technocratie européenne, ça fait du bien !

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En 2009, la France prenait la présidence du Conseil de l'Union européenne après que droite et gauche eurent adopté le traité de Lisbonne dans un bel élan d'unanimité,…

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Déjà, c'est faux ! Nous avions voté contre !

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…bafouant la parole du peuple, qui avait voté « non » lors du référendum de 2005. Treize ans plus tard, cette nouvelle présidence, exercée par Emmanuel Macron, s'annonce dans la même veine : à contre-courant de la réalité, des besoins des pays européens, et surtout aux antipodes des attentes des Français. « Relance, puissance, appartenance » : la devise que lui a assignée le président Macron sonne creux, comme souvent dans la bouche de celui-ci.

Tout d'abord, comment parler de relance alors que, face à la plus grave crise économique qui soit survenue depuis la Seconde Guerre mondiale, l'Union européenne a été incapable d'élaborer un véritable plan d'urgence ? Pour 40 milliards d'euros qu'elle recevra, la France en redevra 60 au moins ; et encore n'a-t-elle perçu que 5 milliards, au mois d'août, alors même que la crise dure depuis bientôt deux ans ! Une nouvelle fois, vous remercierez naïvement une structure inefficiente, spoliatrice, à laquelle vous êtes entièrement soumis.

Ensuite, le mot « puissance » ne correspond en rien à Emmanuel Macron, ni à l'Union européenne, à plat ventre devant les puissances étrangères et incapable de grands projets.

M. Pieyre-Alexandre Anglade proteste.

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Où est le vaccin contre le covid résultant d'une coopération européenne, qui nous permettrait de ne plus dépendre des Pfizer et autres Moderna ? Où est la puissance lorsque vous cédez au chantage migratoire d'Erdo?an, lorsque vous abandonnez nos partenaires hongrois et polonais à un chantage similaire, assorti d'attaques, aux frontières de l'Europe, lorsque vous vous rendez complices de ceux qui veulent éradiquer jusqu'au nom de Noël ?

Enfin, la première des appartenances, c'est l'appartenance à la communauté nationale, que vous détestez tant ! Quoique garant de l'unité de la nation, le Président de la République n'a pas même pris position lors du référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie : il promeut une vision mondialiste, où la France n'a pas de culture propre, où son histoire ne donne lieu qu'à des excuses, où elle n'est finalement plus qu'un souvenir à effacer.

Pour lui, l'immigration constitue un projet ; pour nous, elle demeure une menace. Pour lui, la nation est un concept ringard ; pour nous, un refuge. En écoutant sa trop longue conférence de presse, j'ai entendu la logorrhée stérile qui perdure depuis plus de vingt ans, la litanie de l'Europe sociale, l'Europe souveraine, l'Europe de la défense, l'Europe qui protège – le comble de ce pipeau étant le concept fumeux de souveraineté européenne.

M. le Premier ministre s'exclame.

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Les résultats sont sans appel : invasion migratoire, frontières passoires, mépris des peuples, offensives menées contre nos repères culturels, concurrence déloyale, absence de coopération, ne serait-ce qu'en matière de lutte contre le cancer !

Laissez-moi vous dire que ce qui, depuis vingt ans, n'a pas fonctionné a peu de chances de fonctionner demain. Lorsque le monde communiste s'est écroulé, ses dirigeants ont rejeté cet échec sur le fait qu'on ne leur avait pas laissé le temps d'aller jusqu'au bout de leur logique !

De même, par idéologie, vous refusez de remettre en cause les fondements de l'espace Schengen, tenant la porte ouverte à un flux massif de migrants dans lequel se glissent délinquants, criminels et terroristes, dont la France en particulier est victime ; vous refusez les contrôles aux frontières intérieures, qui se pratiquent dans tous les pays du monde. L'Union européenne vous aveugle, vous bâillonne et finalement vous castre. Emmanuel Macron évoque un mécanisme d'urgence aux frontières en cas de crise migratoire : « en même temps », selon son principe favori, il s'est révélé incapable d'apporter un soutien direct à la Pologne lorsque celle-ci, seule, a dû faire barrage à la pression migratoire et lutter pour l'intégrité territoriale de tout le continent.

Vous évoquez une Europe de la défense, alors que la défense, prérogative nationale, ne peut ni ne doit être partagée ou diluée, et que de profondes divergences persistent en la matière au sein de l'Union européenne. Même face aux géants du numérique, celle-ci est à la traîne, incapable de tenir tête aux États-Unis, d'instaurer la fameuse taxation des GAFAM. Là encore, nous dépendrons du bon vouloir des autres membres du G7 ou du G20, jusqu'à ce que les Américains nous la fassent à l'envers, si j'ose dire, comme ils l'ont fait dernièrement, dans un autre domaine, en amenant l'Australie à rompre un contrat de fourniture de sous-marins. Vous n'avez tiré aucune leçon de ces échecs, Brexit compris : vous demeurez des idéologues, non moins obstinés qu'impuissants.

Pourtant, le chemin existe. Il passe par l'Europe des nations, des technologies du futur, des coopérations aux services des États, l'Europe des peuples. Attachés à leur histoire, à leur civilisation, les Français refusent de voir leur pays se dissoudre dans une entité technocratique et déconnectée. Ici et là, heureusement, une autre Europe se réveille, une coalition de nationaux, de patriotes, Mateusz Morawiecki, Matteo Salvini, Viktor Orbán, décidément pas si infréquentable.

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Dans quelques mois, les Français feront un autre choix : ils construiront une Union européenne qui soit à leur service et non contre eux. Vous avez voulu mettre la présidence française du Conseil de l'Union européenne au service d'une ambition politicienne, et cette déloyauté vous reviendra comme un boomerang. Qu'il s'agisse du mythe d'Icare ou de celui de Prométhée, la dikê succède toujours à l'hubris !

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En 1959, la France prenait pour la première fois la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne. En tout, elle a exercé cette fonction à douze reprises, s'attachant à faire progresser l'Union européenne vers plus de complémentarité et de solidarité entre ses États. Sa treizième présidence, qui commencera le 1er janvier, sera particulière à plus d'un titre.

Tout d'abord, pour une raison fort prosaïque – l'augmentation du nombre des États membres –, l'intervalle entre deux présidences françaises s'est considérablement accru. Alors qu'elle n'attendait initialement que trois ans, la France doit désormais patienter treize ans afin de laisser leur tour aux vingt-six autres membres.

Ensuite, notre dernière présidence, au second semestre 2008, était antérieure au traité de Lisbonne, qui a entraîné de profonds changements.

De plus, comme cela a déjà été dit, la crise sanitaire a mobilisé les institutions européennes et obligé les États membres à une coopération sans équivalent depuis la crise des dettes souveraines, au début des années 2010. De même que cette dernière, la crise sanitaire doit nous permettre d'aboutir à une Union européenne plus efficace et plus bénéfique pour nos concitoyens.

Enfin, nous arrivons au début d'un nouveau trio de présidences,…

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Ah ! Les trois présidences…vous êtes la première oratrice à le souligner.

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…ce qui signifie que les grands chantiers entamés au cours du premier semestre 2022 seront susceptibles d'occuper l'Union européenne pendant les dix-huit prochains mois.

Tout cela concourt à faire de cette présidence un moment particulier, « un grand moment d'humanisme européen », comme l'a dit notre Président de la République. Cela nous honore, mais nous oblige, notamment à faire preuve d'ambition dans nos promesses et à ne pas laisser ce moment se perdre. Cette préoccupation est précisément au cœur des nombreuses annonces faites le 9 décembre par le Président de la République et qui témoignent de la volonté de faire de cette présidence l'origine d'une véritable dynamique européenne, conformément à sa devise : « relance, puissance, appartenance ».

En accord avec les considérations déjà exprimées au nom de notre groupe au sujet des axes de travail prévus pour les prochains mois à l'initiative de la France, je m'attarderai sur les deux derniers termes, qui vont de pair et manifestent l'ambition française de construire une Europe plus souveraine.

Dès 2017 en effet, dans son discours de la Sorbonne, le Président de la République avait proposé à nos partenaires européens un agenda de souveraineté pour soutenir l'aptitude de l'Europe à exister dans le monde géopolitique actuel, afin d'y défendre ses valeurs et ses intérêts, tout en ayant la capacité de relever les grands défis auxquels elle devra faire face durant le siècle à venir. Cet agenda pour une Europe souveraine est déployé depuis maintenant quatre ans. Il s'est notamment traduit par la création de l'initiative européenne d'intervention, lancée en juin 2018. Cette initiative ambitieuse, au caractère résolument opérationnel, a permis de créer les conditions préalables à de futurs engagements coordonnés, préparés conjointement entre armées européennes.

La culture stratégique commune entre pays souverains franchira un nouveau palier avec l'adoption en mars de la boussole stratégique, qui doit être au cœur de la présidence française. Lancée sous présidence allemande, elle doit fixer le cap de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) dans les années à venir et proposer des moyens pour assurer l'autonomie de l'Union européenne et sa protection face aux nouvelles menaces. Composée de quatre volets – gestion de crise, résilience, capacités et partenariats –, elle sera essentielle pour affirmer l'autonomie stratégique de l'Europe.

Plusieurs pistes d'actions concrètes, pour chacun des quatre volets de la boussole, sont d'ores et déjà connues. En matière de gestion de crise et d'opérations, il s'agit d'accroître la robustesse, la flexibilité et la réactivité, ainsi que les synergies entre les missions de l'Union européenne et celles conduites dans des cadres ad hoc, comme la force Takuba, qui opère dans le cadre de l'opération Barkhane au Sahel.

En matière de résilience, il est important de mieux répondre aux tentatives extérieures de division ou d'affaiblissement en développant notamment la sécurité des réseaux cyber. S'agissant des capacités, plusieurs outils ont été mis en place avec succès depuis 2017 pour réduire nos dépendances stratégiques : Fonds européen de la défense (FED), coopération structurée permanente (CSP), processus capacitaire européen.

Mais c'est peut-être en matière de partenariats que les défis se révéleront majeurs. Il convient que l'Europe sache agir comme la puissance économique et politique qu'elle est, en établissant un partenariat égalitaire avec ses alliés traditionnels – les États-Unis, le Royaume-Uni et l'OTAN – tout en développant ses relations avec des partenaires plus récents dans l'Indo-Pacifique. La nouvelle dynamique que la présidence française souhaite impulser dans la politique de voisinage européenne avec l'Afrique, géant endormi, et avec les Balkans occidentaux, nos voisins proches, apparaît particulièrement utile dans cette perspective. De plus, une mise en cohérence des travaux de réflexion menés par l'OTAN – NATO 2030 – et par l'Union européenne – boussole stratégique –est à mes yeux primordiale, au regard de la dégradation de la situation géopolitique aux portes de l'Europe.

Je ne doute pas que, durant son semestre de présidence, notre pays saura relever ces défis pour enfin doter l'Europe d'une défense et d'une souveraineté stratégiques à la hauteur de nos espérances et des nécessités du nouvel ordre mondial. Les circonvolutions de l'administration Biden, ces derniers mois, face aux crises touchant l'Europe orientale, ne peuvent que nous y inciter fermement.

Je tiens enfin à dire quelques mots au sujet de deux problématiques qui me tiennent à cœur : la promotion du français, et donc du multilinguisme, au sein des institutions européennes d'une part, et la législation sur les services numériques – Digital Services Act – d'autre part.

J'ai eu l'honneur d'être rapporteure de la proposition de résolution européenne relative à la promotion du multilinguisme et à l'usage de la langue française au sein des institutions européennes. La langue n'est pas un véhicule neutre, et je pense sincèrement qu'il est de notre devoir d'enrayer le recul, maintes fois observé, du français et du multilinguisme au sein des institutions européennes. Ce déclin n'a rien d'une fatalité. Il doit, bien au contraire, faire l'objet d'une véritable mobilisation, que la présidence française du Conseil de l'Union européenne est à même de favoriser. C'est aussi dans ce cadre que nous réussirons à créer un sentiment d'appartenance de tous les citoyens européens à l'égard des institutions européennes – sentiment indispensable à la pérennité de notre Union, comme l'a encore souligné la semaine dernière le Président de la République.

Enfin, l'une des priorités annoncées par le chef de l'État est de faire de l'Europe une puissance du numérique, notamment grâce à l'adoption de deux textes jumeaux, le Digital Services Act en matière de régulation des contenus et le Digital Market Act pour la régulation du comportement concurrentiel des plateformes.

Travaillant depuis plusieurs mois, au sein de la commission des affaires européennes, sur un rapport d'information sur le DSA, j'ai conscience de l'importance que revêtirait l'adoption de ce texte, en particulier pour la lutte contre la désinformation et les discours de haine en ligne. Notre cadre européen de régulation n'a pas été actualisé depuis 2000, alors même que l'écosystème des services en ligne a connu une révolution, avec l'apparition de très grandes plateformes. Comme le rappelle le commissaire français Thierry Breton, l'inadéquation entre le maintien des principes de 2000 et les pratiques des plateformes a conduit à l'avènement d'un véritable far west numérique. J'ai donc grand espoir que la France, pays des droits de l'homme, contribue au respect des droits humains et de la légalité en ligne en œuvrant pour l'adoption du DSA sous sa présidence.

Cela fait beaucoup de projets, pour la présidence française, et l'on peut espérer qu'ils seront source de grands changements pour l'Union européenne. En effet, comme l'écrivait Victor Hugo, « Ce que Paris conseille, l'Europe le médite. Ce que Paris commence, l'Europe le continue. »

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Bravo !

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La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

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Permettez-moi d'abord, chers collègues, d'exprimer mon étonnement : je n'avais jamais vu, jusqu'à présent, que l'on reproche à un chef d'État ou à un Gouvernement de respecter les échéances ,

M. Jean-Paul Lecoq proteste

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qu'elles soient constitutionnelles – on ne modifie pas le calendrier des élections présidentielles et législatives – ou internationales : nous avons pris un engagement, nous sommes capables de l'assumer et nous le respectons.

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Nous comprenons très bien que d'autres, comme les Allemands, aient fait un choix différent, mais au nom de quoi devrait-on considérer que la dérogation est la norme et que la norme est une anomalie ?

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.

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Je m'exprime ici en ma qualité de président de la commission des affaires étrangères. Je tiens à rassurer M. Lecoq : je n'ai pas la prétention de représenter la parole de l'ensemble des membres de la commission.

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Je crois néanmoins que le fait d'être membre de celle-ci nous donne un point de vue particulier sur la présidence de l'Union européenne. Nous avons en effet le sentiment que nous vivons tous ensemble une double révolution et un moment particulier – et c'est ce qui rend très précieux le fait que la France assume aujourd'hui la présidence.

Il ne faut pas surestimer la présidence : elle ne dure que six mois, et le président du Conseil européen n'est plus un chef d'État mais une tierce personne, en l'occurrence l'excellent M. Michel. Quant aux institutions, elles sont présidées par différentes personnes et votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, présidera le Conseil des ministres.

M. le Premier ministre acquiesce.

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Vous assurerez donc la continuité, la promotion et la dynamisation de l'action législative de l'Union européenne, dont certains enjeux sont très importants. Depuis sa fondation, celle-ci a défendu la paix au sein de ses membres, le respect du droit, la croissance, et a organisé la solidarité. Elle l'a fait notamment avec ce bouquet particulier qu'est le plan de relance pour l'Europe, que nous avons lancé il y a peu, grâce aux initiatives franco-allemandes, avec le concours de la Commission et des autres États membres. Ceci est votre travail, monsieur le Premier ministre.

Mais ce que ce dont le président Macron est porteur, c'est d'une double révolution, copernicienne et géopolitique.

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C'est une révolution copernicienne, d'abord, parce que nous découvrons chaque jour – et cette prise de conscience est portée par Emmanuel Macron – que, pour paraphraser Saint-Exupéry, s'aimer ne consiste plus simplement à se regarder l'un l'autre mais à regarder ensemble dans la même direction.

L'ensemble des sujets qui sont sur la table sont des sujets mondiaux, qu'il s'agisse de la pandémie, du climat, de la lutte contre le terrorisme, des migrations ou de la sécurité. C'est pourquoi la commission que j'ai l'honneur de présider est particulièrement sensible à la capacité de l'Union européenne à assumer cette mutation géopolitique, dont vous êtes au quotidien, monsieur Le Drian, la cheville ouvrière au Quai d'Orsay.

C'est aussi une révolution géopolitique : nous découvrons que l'exemplarité, c'est bien, mais qu'il faut aussi de la réciprocité ; nous découvrons que le droit, c'est bien, mais qu'il faut aussi que nous soyons forts ; nous découvrons que l'universalité, c'est bien, mais que les intérêts particuliers de l'Europe doivent être défendus. Nous sommes convaincus que cette révolution de la puissance est essentielle. Les échéances qui sont aujourd'hui sur la table en matière de politique de défense, de renforcement de notre politique de sécurité et d'ajustement de la politique migratoire sont devenues fondamentales.

Mes chers amis, mes chers collègues, nous réussirons si nous sommes solidaires, nous autres Européens ; sinon, comme dirait Victor Hugo, nous mourrons tous, chacun tout seul.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, LaREM et Agir ens.

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Il y a un Victor Hugo optimiste et un Victor Hugo pessimiste…

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La parole est à Mme Liliana Tanguy, suppléant Mme Sabine Thillaye, présidente de la commission des affaires européennes.

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Je voudrais excuser Sabine Thillaye, présidente de la commission des affaires européennes, qui est souffrante. Elle est désolée de ne pouvoir participer à notre débat et m'a demandé, en tant que vice-présidente, de prononcer son discours en son nom.

Les priorités présentées par le Président de la République la semaine dernière et rappelées aujourd'hui traduisent la volonté assumée de faire de la souveraineté européenne le fil d'Ariane de la présidence française du Conseil. Comme l'a dit le chef de l'État, face aux défis actuels, sanitaires et économiques, la meilleure réponse est européenne. Soyons au rendez-vous et, en tant que parlementaires, soutenons ces priorités !

La présidence française est une occasion de défendre une Europe qui soit puissante, mais aussi de la faire mieux connaître à nos concitoyens. L'Union européenne n'est ni lointaine ni floue : elle a une influence sur la vie quotidienne des citoyens, et notre devoir est de leur en faire prendre conscience. Il nous faut, en priorité, réaffirmer au cours de cette présidence l'importance de nos valeurs communes et des droits fondamentaux soutenus par l'Union européenne.

La France va présider le Conseil au moment où la primauté du droit européen est remise en cause et où les règles constitutives de l'État de droit sont contestées. Nous devons tout faire pour que ces règles – qui, rappelons-le, font partie des critères d'adhésion à l'Union européenne que les États candidats se sont engagés à mettre en œuvre – soient pleinement respectées. Notre devoir est de faire de cette présidence un outil de promotion des valeurs qui sont au cœur de notre identité.

L'espace de coopération européen doit reposer sur des règles pleinement effectives, s'imposant aux États et aux acteurs économiques ; c'est pourquoi le principe de primauté est si important. Il n'y a pas de marché intérieur possible, garantissant une compétition loyale entre entreprises, si les normes applicables varient entre les États. Il n'y a pas d'espace de liberté, de sécurité et de justice, si les États n'ont plus de confiance mutuelle en la qualité de leurs systèmes judiciaires.

La confiance doit aussi se renforcer, voire s'établir, entre les citoyens et les institutions européennes. Nous devons parler d'Europe pour que l'Europe parle aux Français. Il est essentiel en effet qu'ils la comprennent et qu'ils se l'approprient. Les médias, qui sont le quatrième pouvoir de la démocratie, ont un rôle particulier à jouer. La commission des affaires européennes a publié un rapport d'information sur le sujet, ouvrant des pistes d'amélioration pour une meilleure information des citoyens sur les enjeux européens.

Mais les médias ne sont pas seuls à porter cette responsabilité. Soyons nous-mêmes un exemple. Nous devons nous féliciter de l'organisation de ce débat sur les sujets européens dans l'hémicycle car nous, parlementaires nationaux, sommes le trait d'union entre l'Europe et ses territoires, de l'est européen à l'extrême ouest, en Bretagne, alors que la nécessité de rapprocher les citoyens des institutions européennes n'a jamais été aussi forte.

La commission des affaires européennes s'engagera avec force et conviction pour promouvoir nos ambitions. Nous demandons au Gouvernement qu'il nous associe pleinement aux débats. De nombreuses réunions interparlementaires seront organisées sous présidence française. Les présidents de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, qui rassemble les membres des commissions des affaires européennes de tous les parlements nationaux ainsi que les représentants du Parlement européen, se réuniront au Sénat les 13 et 14 janvier prochain, tandis que la session plénière de l'instance aura lieu ici même, dans l'hémicycle, les 4 et 5 mars. Pour la première fois, nous instituerons au sein de la COSAC des groupes de travail thématiques, l'un sur l'État de droit, l'autre sur le rôle des parlements nationaux en Europe. L'objectif, inédit, est de lancer des travaux d'étude entre parlementaires des vingt-sept États membres, dans le respect de nos différences, pour aboutir à la synthèse de nos réflexions communes.

Enfin, c'est sous la présidence française qu'aboutira la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Notre engagement est nécessaire pour que cet exercice de démocratie participative ne débouche pas seulement sur des réformes institutionnelles. La Conférence sur l'avenir de l'Europe est l'occasion de renforcer la visibilité de l'action de l'Europe en faveur des territoires.

Chers collègues, la présidence française annonce six mois de travail intensif au service de l'Europe. Elle est l'occasion de faire de l'Union européenne le centre du débat démocratique et de démontrer à nos concitoyens qu'elle est l'échelon le plus efficace pour relever les défis actuels. Nous, élus de la nation, devons contribuer tous ensemble à la réussite de cette présidence.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Je veux ajouter quelques mots à ce débat fort utile.

Je partage entièrement l'avis de Jean-Louis Bourlanges au sujet des critiques, affichées parfois avec violence, sur le fait que la France préside l'Union européenne au moment où elle doit la présider. J'ai un peu de mémoire ; je me souviens de la dernière présidence, en 2008, et de celle d'avant, en 1995, mais je n'ai pas le souvenir d'avoir entendu alors le Premier ministre, M. Balladur, dire : « Nous allons présider l'Union européenne pendant l'élection présidentielle. » En réalité, il y a constamment des élections dans l'Union européenne, et il ne se passe pas trois ou six mois sans qu'elles aient lieu dans un pays. Faudrait-il envisager de modifier le tour des présidences en fonction des échéances électorales de tel ou tel pays ?

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Cela vous est pourtant proposé à chaque fois !

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Tout cela est absurde. Ce débat est exclusivement français. Il y a eu une exception allemande, une fois ; à part celle-ci, il n'y en a pas eu du tout.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Le calendrier revient à l'identique tous les treize ans, il faut en respecter l'ordre. La légèreté approximative manifestée par M. Dumont est spectaculaire, et je ne suis pas sûr que sa demande de renoncer aux principes fondamentaux du cycle de la présidence européenne soit de nature à valoriser ce qui apparaissait comme une volonté d'engagement européen de l'intéressé.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

J'ai été surpris qu'un tel argument forme l'axe central de la critique.

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

M. le président Castaner a très clairement dit que nous nous trouvions à un moment charnière. Nous vivons dans un monde de puissances, de rapports de force, de compétition à outrance, dans lequel certains considèrent manifestement que tous les coups sont permis ; nous vivons dans un monde dans lequel nos intérêts et les valeurs auxquelles nous tenons le plus sont contestés et remis en cause. Nous courons tout simplement le risque que les Européens sortent de l'histoire, parce que d'autres viendraient l'écrire à notre place.

C'est la raison pour laquelle l'enjeu principal de la présidence française sera, à mes yeux, de redonner une souveraineté collective aux Européens. Cette souveraineté constitue le meilleur prolongement et la meilleure garantie de nos souverainetés nationales. Voilà pourquoi j'estime que le débat entre les eurosceptiques et les eurobéats est un débat dépassé devant la nécessité du temps : la souveraineté européenne n'est pas une option, c'est une nécessité.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Sans les énumérer tous, je voudrais mettre en avant quelques points, déjà cités par plusieurs orateurs, sur lesquels la souveraineté me paraît essentielle.

Tout d'abord, notre souveraineté doit être sanitaire. C'est l'une des leçons majeures de la crise du covid-19. Même si, comme l'a dit M. le Premier ministre, l'Union européenne a été au rendez-vous de la crise, cette dernière a mis en évidence un degré de dépendance déraisonnable auquel il nous faut remédier par des mesures d'anticipation.

En premier lieu, il est indispensable de consolider une architecture de santé européenne : nous aurons la responsabilité de mettre sur pied l'autorité européenne actuellement en préparation, dénommée HERA – Health Emergency Preparedness and Response Authority, Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire.

Nous devons également nous réarmer au niveau industriel avec la constitution d'un projet important d'intérêt européen commun (PIEC) dans le domaine des biotechnologies. Nous devons renforcer la recherche européenne pour devenir des partenaires capables d'aider les pays du Sud à développer leur capacité de production de vaccins à ARN messager.

Monsieur Coquerel, sur ce point, nous ne sommes pas dans l'incantation, mais dans une réalité : l'Europe a permis l'exportation massive de ses propres vaccins, et c'est elle qui a le plus donné aux pays en développement, singulièrement en Afrique. Au total, 700 millions de doses auront été distribuées d'ici à 2022, et nous sommes au rendez-vous de la production africaine de vaccins de génération européenne.

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Vous êtes opposés à la levée des brevets !

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Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères

Celle-ci se traduira concrètement par l'implantation de vecteurs de production, en Afrique du Sud, à Kigali, à Dakar ; je les ai moi-même visités, ils sont en cours de réalisation. C'est cela, l'Europe de la solidarité et de la souveraineté sanitaire.

Notre souveraineté doit également être économique, commerciale et industrielle. M. Bertrand Pancher nous a demandé de sortir de la naïveté. Mais cela fait déjà trois ou quatre ans que nous avons commencé à en sortir, depuis le discours incitatif du président Macron à la Sorbonne ! Nous sommes sortis de la naïveté par les emprunts contractés en commun par les pays européens ; nous sommes sortis de la naïveté avec le retour de l'Europe parmi les puissances industrielles, grâce aux alliances industrielles et aux PIEC cités par le Premier ministre ; nous sommes sortis de la naïveté en nous dotant d'un mécanisme de filtrage des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques et en utilisant notre politique commerciale comme levier d'influence pour peser sur le cours de la mondialisation.

Il nous faut encore aller plus loin. Notre ligne de conduite sera de renforcer l'Europe puissance en imposant la réciprocité dans l'accès aux marchés publics, en luttant contre les subventions étrangères qui provoquent des distorsions de concurrence au détriment de nos entreprises, en instaurant l'instrument anticoercition proposé par la Commission européenne il y a tout juste une semaine et en introduisant au niveau européen le devoir de vigilance des entreprises multinationales, sur le modèle de celui que nous avons créé au niveau national en 2017 avec la loi Potier. Ce sont là les enjeux de la souveraineté industrielle.

La souveraineté stratégique sera l'un des autres enjeux de cette présidence. La défense est l'un des domaines où le sursaut de souveraineté des Européens est le plus flagrant : aujourd'hui, des Estoniens, des Tchèques, des Portugais, des Néerlandais sont engagés à nos côtés au Sahel dans l'opération Takouba ; nous pouvons nous appuyer sur le Fonds européen de la défense, sur la coopération structurée permanente, sur l'initiative européenne d'intervention. Tout cela était encore impensable il y a dix ans.

L'intensification des menaces et le recentrement de notre allié américain autour d'une définition plus ciblée de ses intérêts fondamentaux ont montré que c'était indispensable. Le renforcement de la défense européenne sera, par le biais de la boussole stratégique, un levier essentiel de notre souveraineté stratégique dans le cadre d'une alliance atlantique qui reste essentielle mais qui doit être rééquilibrée. Si nous voulons une Europe souveraine, nous devons définir une approche européenne des menaces qui pèsent sur nous et nous doter des moyens d'agir de manière autonome lorsque nos intérêts de sécurité sont engagés ou lorsque les valeurs auxquelles nous tenons le plus sont remises en cause.

La souveraineté stratégique devra notamment se manifester dans les espaces contestés. Nous devons prendre des initiatives sur les mers et les océans, dans l'espace exoatmosphérique et dans le cyberespace. Ce sera l'objet de la réunion qui se tiendra au début de l'année 2022 avec les ministres des armées et les ministres des affaires étrangères des Vingt-Sept pour définir la boussole stratégique, qui sera le premier Livre blanc européen de la défense. Ce saut qualitatif considérable relève également de notre responsabilité.

Enfin, notre souveraineté passe par la maîtrise des frontières. C'est une question essentielle qu'il ne faut pas aborder par la polémique, mais avec sérieux et sang-froid. Je le dis une fois pour toutes : l'Europe n'est ni une passoire ni une forteresse en devenir. Le but n'est pas de fermer les frontières au mépris du droit d'asile et de toutes les migrations légales qui renforcent l'Europe et notre nation. L'enjeu, c'est la lutte contre les réseaux de passeurs, la constitution de fichiers interopérables au niveau européen, la montée en puissance de Frontex et la négociation du pacte européen sur la migration et l'asile, pour définir un meilleur équilibre entre la solidarité des États européens entre eux et la responsabilité des États de première entrée ; l'enjeu, c'est la coopération avec les pays d'origine et de transit, la réforme de Schengen et la fermeté européenne face aux manœuvres cyniques de M. Loukachenko. C'est aussi, à l'égard des Britanniques, une attitude sans naïveté, mais aussi sans posture. Les accords du Touquet, qui encadrent les flux réguliers, ne sont pas à contester ; ce qu'il faut contester, c'est le modèle économique britannique, qui permet l'entrée sans garantie de travailleurs irréguliers. Nous demandons aux Britanniques de prendre leurs responsabilités et nous continuons de défendre l'idée d'un cadre de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni sur l'immigration illégale dans la Manche.

Voilà les chantiers que nous essaierons de faire aboutir pendant la présidence française de l'Union européenne. L'axe central sera de faire respecter la souveraineté européenne à l'extérieur comme à l'intérieur de l'Union. Cette souveraineté revêt encore d'autres dimensions, que Clément Beaune vous exposera dans un instant.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.

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Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

La question de la souveraineté est au cœur de l'agenda de la présidence française, et Jean-Yves Le Drian a répondu à l'essentiel. Comme l'a dit M. le Premier ministre, il ne s'agit pas d'inventer un agenda européen après s'être découvert soudainement une conviction européenne, mais de concrétiser l'ambition exposée par le Président de la République dans le discours de la Sorbonne, qui a déjà obtenu des résultats.

Mme Karamanli a évoqué les grands projets européens. Le sommet des 10 et 11 mars 2022 annoncé par le Président de la République sera l'occasion de discuter non seulement de défense et de sécurité, mais aussi, plus largement, d'autonomie stratégique et du nouveau modèle de croissance européen. Il sera l'occasion de lancer ou d'accélérer de grands projets industriels européens dans le cadre des PIEC sur la santé, sur l'hydrogène, sur les microprocesseurs, sur les semi-conducteurs… Autant d'éléments essentiels à l'autonomie européenne qui seront précisés d'ici au sommet et qui concernent les grands projets industriels des années à venir.

Jean-Paul Lecoq a posé la question de notre effort dans l'investissement et la relance. Plusieurs intervenants ont évoqué, à cet égard, les règles budgétaires.

Comme Pieyre-Alexandre Anglade, notamment, l'a souligné, l'effort visant à soutenir en urgence nos économies et à préparer la relance a été consenti au niveau européen, grâce à l'émission de dette commune et au plan de relance européen. Il y a encore deux ans, nous ne nous serions jamais attendus à une telle action exceptionnelle. Ce n'est évidemment pas la fin de l'histoire : un nouveau chapitre s'ouvre, qui sera consacré aux investissements d'avenir dans la prochaine décennie.

Contrairement à ce qu'on entend parfois, dans les domaines monétaire et budgétaire, l'Europe n'a rien à envier à l'effort de soutien et de relance que d'autres grandes puissances, comme les États-Unis, déploient depuis 2020. En revanche, nous manquons sans doute encore d'une stratégie d'investissement, laquelle ne saurait se résumer à définir des règles budgétaires. Pendant la présidence française, nous n'éviterons pas ce débat ; nous l'ouvrirons en premier lieu avec nos partenaires allemands et italiens, comme le Président de la République l'a clairement indiqué lors de sa conférence de presse du 9 décembre. À cette occasion, notamment lors du sommet des 10 et 11 mars, nous devrons envisager des règles budgétaires adaptées à la nouvelle situation économique et qui n'entravent pas l'investissement. Il s'agit de soutenir les filières industrielles des grands secteurs que j'évoquais – auxquels j'ajoute le secteur spatial – et, au-delà de l'effort de relance déjà consenti, de maintenir la capacité d'investissement européenne pendant les dix ou quinze prochaines années.

Cela sera-t-il simple ? Non. Existe-t-il un consensus européen concernant ces nouvelles règles ou les stratégies d'investissement ? Pas encore. Toutefois, les projets industriels que j'ai évoqués et l'émission de dette commune pendant la crise montrent qu'un tel chemin est possible ; les propos que le ministre des finances allemand a tenus lundi soir aux côtés de Bruno Le Maire et le contrat de coalition signé par les partenaires allemands sont de bon augure.

Pour citer un autre exemple éclairant, nos partenaires néerlandais ont signé aujourd'hui même un contrat de coalition qui ouvre la voie à une révision des règles européennes en matière budgétaire. C'est dire si le logiciel européen a changé – je crois que la France n'est pas pour rien dans cette évolution.

Les accords commerciaux ont été évoqués à plusieurs reprises. Aux côtés de Jean-Yves Le Drian, nous défendons un ajustement majeur de notre politique commerciale. Il s'agit notamment de respecter les clauses de l'accord de Paris, conformément au souhait de la France. Là encore, nous avons été pionniers. Nous étions bien seuls il y a deux ou trois ans, mais l'Allemagne soutient désormais cette position. Barbara Pompili défend régulièrement au niveau européen la nécessité de faire respecter des clauses sociales dans les accords commerciaux que nous aurions à signer.

Concernant le calendrier de la présidence française et la façon dont nous la préparons ou la coordonnons, je ne rouvrirai pas le débat, qui par moments a pris des accents surréalistes. En effet, monsieur Lecoq, nous travaillons avec ceux qui nous ont précédés, notamment l'Allemagne ; nos priorités se situent dans la continuité de celles qu'elle a définies en 2020. Nous travaillons également avec ceux qui nous succéderont, comme le veut la tradition.

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Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

Je suis content que ce trio vous intéresse – je m'en félicite et je vous en félicite –, car j'ai parfois l'impression de prêcher dans le désert.

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Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

J'étais hier à Bruxelles pour une longue journée de discussion avec nos partenaires du trio, la Suède et la République tchèque. Nous avons présenté un projet – le document est public – pour dix-huit mois, dans lequel vous reconnaîtrez les priorités définies par le Président, ainsi que d'autres éléments qui concernent la défense et le commerce, que je viens d'évoquer.

Pour conclure, je répondrai, si c'était nécessaire, à l'intervention de M. Dumont, dont l'engagement jusqu'à la dernière seconde du débat atteste l'intérêt qu'il porte à cette présidence.

Sourires.

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Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

Il est étonnant de nous reprocher pêle-mêle des ambitions législatives et des incohérences supposées ; cela ne fait que refléter – pardon de le dire ainsi, je ne veux pas m'étendre davantage – le vide abyssal de ses propositions, qu'il comble par une agressivité irrationnelle.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

On peut avoir des sensibilités différentes – les interventions pendant ce débat ont montré que c'est le cas, et c'est très sain – mais je crois que la discussion mérite que chacun s'écoute et la soutienne jusqu'au bout. Je serais ravi de répondre à M. Dumont sur la question migratoire ou la pêche, mais il n'est pas davantage présent quand Mme Girardin, ministre de la mer, et moi nous déplaçons à Boulogne pour rencontrer les pêcheurs…

Debut de section - Permalien
Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

…et nous tenir à leurs côtés, comme nous le ferons encore dans les prochains jours.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra