Séance en hémicycle du mardi 18 mai 2021 à 21h00

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La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures.

Suite de la discussion d'un projet de loi et d'un projet de loi organique

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire (4091, 4146) et du projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire (n° 4092, 4147).

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.

La parole est à Mme Laetitia Avia.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La confiance ne se décrète pas. Elle ne s'impose pas non plus par la loi. Cela a souvent été dit ce soir, et c'est vrai. Ce n'est pas parce que nous aurons voté une loi pour la confiance dans l'institution judiciaire que dès le lendemain, les 50 % de nos concitoyens qui expriment de la méfiance, voire de la défiance, envers la justice changeront d'avis comme par magie.

Nous le savons pertinemment, mais nous savons aussi que si nous ne faisons rien, cette méfiance n'ira que crescendo. Il faut entendre ce que nous disent nos concitoyens et observer la justice de leur point de vue, avec leur regard, leur vécu, leurs a priori. Nous pourrons ainsi comprendre ce qui crée tant de distance entre les Français et leur justice et y remédier, par petites touches de bon sens, pour poser les fondations, combler les trous et créer les conditions d'une confiance renouvelée.

Nous devons donc entendre ce qu'expriment nos concitoyens quand ils nous disent qu'ils ne comprennent pas la justice et son fonctionnement. Procureur, partie civile, réquisition, mise en délibéré : que l'on soit victime ou mis en cause, on peut se sentir dépossédé d'une procédure dont on découvre les us et coutumes.

Si l'on n'est pas partie au procès, c'est encore pire, car on ignore ce qui se passe derrière les murs des palais de justice. La publicité des débats est certes de droit, mais elle est aussi théorique et réservée à ceux qui sont déjà du sérail ou aspirent à l'être. L'autorisation de filmer les audiences et de les diffuser dans un format pédagogique répondra à cette attente.

Nous devons aussi entendre ceux qui nous disent que les enquêtes sont trop longues, prendre en considération le sentiment d'injustice ressenti par ceux dont les affaires sont exposées au tribunal médiatique ou sur les réseaux sociaux sans qu'ils disposent des moyens équitables pour se défendre. L'encadrement des enquêtes dans le temps et le rééquilibrage des droits de la défense répondront à cette attente.

Nous devons entendre les cris d'alerte répétés de ceux qui luttent contre la correctionnalisation des viols. Comment avoir confiance en un système judiciaire dans lequel un violeur n'est jugé que pour un délit d'agression sexuelle, la victime l'ayant accepté pour éviter la lourdeur et la pression du jury populaire des assises ? La généralisation des cours criminelles départementales répondra à cette attente.

Nous devons entendre la stupéfaction de nos concitoyens lorsqu'ils réalisent que sitôt la peine de prison prononcée, le condamné sait qu'il ne l'effectuera pas entièrement. À quoi bon prononcer des peines dont on sait qu'elles ne seront pas pleinement exécutées ? Comment avoir confiance en un système dans lequel la réduction de peine est déjà acquise, et non pas conditionnée aux mérites et aux efforts ? La suppression des réductions de peine automatiques répondra à cette attente.

Nous devons entendre les interrogations légitimes concernant l'efficacité de la prison face au taux de récidive. Si la peine de prison est avant tout une sanction, elle doit aussi favoriser la réinsertion. Il doit y avoir un avant et un après. Si la prison n'est qu'une parenthèse dans la vie du délinquant, celui-ci récidivera. La création d'un code pénitentiaire, le renforcement du travail en détention et l'ouverture de droits sociaux pour les détenus contribueront à répondre à cette attente. La mise en œuvre de ces dispositions est pour une grande part entre vos mains, monsieur le garde des sceaux, d'abord parce qu'il s'agit de voter une habilitation, mais aussi parce qu'il faudra aller chercher, sur le terrain, dans chaque territoire, les entreprises qui accepteront de donner du travail aux détenus.

Enfin, la confiance dans l'institution judiciaire passe par la confiance dans ses professionnels du droit. Nous devons entendre qu'un justiciable qui formule des réclamations contre un professionnel puisse être désarçonné par les conditions d'entre-soi dans lesquelles sa plainte sera traitée. L'instauration d'un code de déontologie et l'échevinage des instances disciplinaires répondront à cette attente.

En commission des lois, nous avons voté de nombreux amendements constituant de réelles avancées dans ce projet de loi déjà ambitieux. Plus de 100 amendements de fond ont été votés, ce qui est assez inédit. Nous n'étions pas d'accord sur toutes les modalités, mais nous l'avons au moins été sur les objectifs à atteindre.

Si le débat fut d'une telle qualité, c'est, je crois, en raison de la conjugaison de deux facteurs. D'une part, nous pouvons saluer le garde des sceaux, sa grande écoute, son ouverture et sa disponibilité. Monsieur le ministre, vous avez permis l'aboutissement des travaux conduits par certains de nos collègues depuis de nombreux mois, voire depuis le début de leur mandat, et même parfois avant – n'est-ce pas, monsieur le rapporteur ?

Dans leur grande majorité, d'autre part, les hommes et les femmes ici présents aiment profondément la justice et y sont très attachés, qu'il s'agisse de l'institution, de celles et ceux qui la composent ou de ses lieux, ses murs, ses mots, son histoire. Nous ne pouvons nous résoudre à ce que tant de nos concitoyens ne partagent pas cet attachement. C'est cette volonté sincère qui guidera nos débats durant les prochains jours pour que notre confiance en la justice soit largement partagée par tous nos concitoyens.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avoir confiance dans la justice, lui faire confiance : sont-ce là des questions que nous devrions nous poser, tant il est évident qu'il ne peut en être autrement dans une société démocratique ? Est-il normal de devoir légiférer pour y répondre ? Évidemment non. Il est pourtant nécessaire, voire indispensable de le faire, tant la défiance des Français à l'égard de leur justice est devenue grande au cours des dernières années.

La justice ne doit être source ni de troubles ni de contestations. Elle doit être expliquée, impartiale et admise par tous sans exception – pas toujours bonne pour certains, mais toujours juste pour tous, dans l'intérêt de notre société. Il nous appartient donc de rétablir l'indispensable confiance entre les Français et leurs juges. C'est au pouvoir législatif de redonner toute sa dimension à l'autorité judiciaire.

Faire et faire savoir, expliquer, faire œuvre de pédagogie : tel est l'objectif de la diffusion des audiences proposée par ces textes. L'intention est louable, mais risque de se heurter à nombre de réticences – en premier lieu, celles des justiciables qui, ne sachant exactement comment ce dispositif sera contrôlé et si le droit à l'oubli sera réellement respecté, risquent de refuser la captation d'images. Nous en discuterons, mais nous devons aborder ce sujet avec une grande prudence et les dispositions réglementaires de mise en œuvre devront être les plus précises possible afin d'éviter toute dérive.

L'encadrement des délais de l'enquête et de l'instruction est une bonne mesure, nécessaire au rétablissement de la confiance, la durée étant de longue date source de fantasmes et de critiques ; mais cela ne pourra se faire sans l'allocation de moyens que requiert l'accélération du traitement voulue.

Encadrer les délais, mieux garantir les droits de la défense, mais aussi ceux du conseil, pendants directs de la défense, respecter le contradictoire, protéger le secret et renforcer la présomption d'innocence constituent des passages obligés pour rétablir la confiance.

La question de la limitation de la détention provisoire semble moins opportune dans la recherche du rétablissement de la confiance, la critique provenant toujours davantage de l'incompréhension qui naît de la décision de ne pas la prononcer ou de la lever que de son prononcé.

L'évolution proposée en matière de jugement des crimes et la généralisation des cours criminelles permettront d'apporter une réponse plus rapide, facteur indispensable de confiance, mais aussi et surtout plus satisfaisante pour les victimes s'agissant de faits qui, par opportunité, étaient trop souvent correctionnalisés.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

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Si nous ne pouvons que nous féliciter de voir l'effort vers la réinsertion reprendre toute sa place dans la décision de libération conditionnelle et les remises de peine automatiques disparaître, l'échelle proposée pour ces dernières semble peu réaliste, en particulier pour les courtes peines, pour lesquelles la remise serait calculée sur une période probatoire trop courte.

La question du travail des détenus nous semble mériter un débat bien plus complet, les nombreux enjeux ne pouvant se limiter aux quelques articles figurant dans le texte que nous allons examiner et à une habilitation à légiférer par ordonnance. Le risque de faire fuir les commanditaires nous semble trop important pour procéder aussi vite.

La discipline et la déontologie des professions du droit sont évidemment des facteurs qui contribueront à établir plus de sérénité et de confiance. Nous aurons l'occasion d'en discuter et de proposer quelques ajustements en la matière.

Je l'ai déjà dit en commission, nous n'avons pu formuler par voie d'amendement une proposition qui nous est chère et que nous avions soumise à l'issue de la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire : la mise en place, avec les jurés populaires, de conseils de juridiction qui pourraient être amenés à rencontrer les chefs de juridiction et à se faire expliquer les tenants et les aboutissants des politiques conduites en la matière. De la transparence, de l'écoute, de la pédagogie : autant d'éléments de nature à rétablir la confiance.

Bien évidemment, je l'ai déjà dit cet après-midi, nous ne nous opposerons pas à l'extension de l'expérimentation des cours criminelles : la mission d'information que nous avons conduite, Stéphane Mazars et moi-même, nous a permis de conclure que l'ensemble des professionnels ayant expérimenté cette juridiction émettaient un avis favorable non seulement à leur maintien, mais aussi à leur extension, pour permettre d'apporter des réponses à tous.

J'évoquerai enfin une petite contrariété : un amendement au projet de loi organique que nous avons déposé a été considéré comme un cavalier législatif. Il s'agissait de l'une des principales préconisations de la commission d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement, à savoir la séparation entre les fonctions du siège et du parquet, qui est à notre sens une mesure nécessaire pour assurer le rétablissement de la confiance et plus de lisibilité.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ça, c'est sûr !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous l'aurez compris, nous abordons avec sérénité l'examen de ces textes. Nous participerons évidemment aux débats avec enthousiasme ; nous vous dirons à leur issue quelle sera notre position.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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« La justice, c'est comme la sainte Vierge : si on ne la voit pas de temps en temps, le doute s'installe. »

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui !

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Cette phrase célèbre de Michel Audiard tient peut-être, en ce 18 mai 2021, un début de réponse avec ce projet de loi.

Celui-ci comporte notamment l'autorisation de filmer et de diffuser des audiences, ce qui représente une avancée importante pour nos concitoyens, pour notre justice, pour notre pays. Car s'il va de soi qu'en France la justice est rendue au nom des citoyens et pour eux et qu'elle est publique, il va aussi de soi que rares sont les Français à connaître son fonctionnement ou à s'en enquérir. Plus rares encore sont ceux qui, au cours de leur vie, ont eu l'occasion ou la curiosité de pousser les portes d'un palais de justice pour s'en faire le témoin.

Il y a dans ce texte bien d'autres dispositions qui visent à renouer ce lien essentiel entre les Français et la justice de leur pays, un lien qui, comme beaucoup l'ont déjà souligné, s'est parfois abîmé et qu'il convient de rétablir.

Je voudrais m'attarder plus particulièrement sur quelques-unes de ces dispositions. La première est la généralisation des cours criminelles départementales, une avancée importante qui permettra notamment de mieux juger les violences sexuelles, pour lesquelles notre système judiciaire n'est pas adapté.

Prenons l'exemple de la correctionnalisation des viols. Ces crimes sont, dans la pratique, régulièrement requalifiés en simples délits – cela représenterait 60 à 80 % des affaires. Les cours criminelles départementales expérimentées depuis 2019 permettront de juger plus rapidement ces crimes et d'éviter leur requalification en simples délits, sans obliger les familles à passer par des procédures en cour d'assises plus lourdes et plus éprouvantes.

Je souhaite aussi souligner que ce projet de loi entend redonner du sens, mais aussi de l'espoir s'agissant des peines de prison. D'une part, il prévoit de mettre fin aux réductions de peine automatiques pour redonner du sens et de la crédibilité au système pénitentiaire. Les réductions existeront toujours, mais elles résulteront du bon comportement d'un détenu.

D'autre part, le texte prévoit la création d'un contrat d'emploi pénitentiaire qui permettra de faciliter l'ouverture des droits sociaux aux personnes détenues et de favoriser leur réinsertion. C'est une avancée considérable, car lorsque la prison n'est qu'une parenthèse dans la vie d'un délinquant ou d'un criminel, sans que la sortie soit préparée, la récidive n'est jamais loin.

Je salue tout particulièrement ces dispositions qui, pour beaucoup d'entre elles, sont attendues par la grande majorité de nos concitoyens.

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Il en est d'autres que je tiens à citer : l'encadrement des enquêtes dans le temps, qui est particulièrement attendu par les victimes comme par les mis en cause ; la protection des avocats et du secret professionnel de la défense et du conseil ; le développement de l'assignation à résidence sous surveillance électronique ; la création d'un code pénitentiaire ou encore le renforcement de la déontologie et des procédures disciplinaires concernant les professionnels.

Après la loi de programmation et de réforme pour la justice, après l'augmentation inédite du budget de la justice de 8 % en 2021, après l'adoption de la proposition de loi présentée par Dimitri Houbron que je salue ici, et après les travaux menés par de nombreux autres collègues, ce projet de loi constitue une nouvelle contribution importante à l'effort mené depuis plusieurs années par la représentation nationale pour donner à la justice les moyens de ses ambitions et pour la rendre plus accessible et plus proche des citoyens.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Agir ens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

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Le groupe UDI-I est particulièrement réservé sur le dispositif. Si nous comprenons la vocation pédagogique mise en avant par le Gouvernement pour proposer ce nouveau régime d'autorisation de diffusion, nous considérons que les motifs prévus pour le justifier et les dispositions qui visent à l'encadrer ne sont pas suffisants pour permettre de prendre ce risque. Sinon, nous serions l'un des rares pays européens avec l'Espagne à le prendre, et encore faudrait-il que ce soit uniquement dans le cadre d'une expérimentation. Sur l'article 1er , nous émettons donc en l'état actuel du texte les plus expresses réserves.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre : depuis trop longtemps, le fossé se creuse entre les Français et leur justice. Elle n'inspire confiance qu'à une personne sur deux et les juges qui l'incarnent subissent le même sort puisque, en l'espace de dix ans, la confiance qu'ils inspirent à nos compatriotes a reculé de dix points, chutant de 63 % à 53 %. Encore un chiffre : près des deux tiers des Français estiment que les tribunaux fonctionnent mal… La justice n'a pas bonne presse.

Pour restaurer la confiance, vous avez imaginé ce nouveau projet de loi, qui aborde des sujets importants, avec une mesure phare, l'enregistrement des audiences, à l'article 1er . Il s'agit de la mesure la plus spectaculaire. Vous évoquez, pour la justifier, le souci d'une transparence démocratique, mais celle-ci existe déjà puisque le public peut assister aux débats, tant devant le tribunal correctionnel que devant une cour d'assises. C'est donc moins la transparence qui est nécessaire que la sérénité des débats. Je vous ai proposé en commission, monsieur le garde des sceaux, des garde-fous que vous n'avez pas jugé bon de retenir – une fois de plus – alors que la publicité d'un procès pose des difficultés au regard du droit à l'image des parties mais aussi, j'avais pourtant insisté sur ce point, de la protection de ceux qui rendent la justice. Se pose également la question du choix des procès qui seront filmés et diffusés : à qui va incomber cette appréciation ? Le texte reste malheureusement muet sur ce point, renvoyant à un simple décret.

Vous l'avez compris : je ne suis pas sûre – et c'est un euphémisme – que votre projet de loi redonnera confiance aux Français dans leur justice, d'autant que les mesures que vous proposez, à commencer par celle des procès médiatisés, semblent bien peu à même de combler ce gouffre qui existe entre les Français et leur justice.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je persiste dans les interrogations que j'avais formulées dans notre motion de rejet préalable : qu'en sera-t-il des procès filmés par des équipes de télévision et qui n'auront pas été diffusés dans des émissions ? Le ministre ayant confirmé que la Chancellerie n'installerait pas de caméras, ces images seront-elles accessibles sur le site du ministère de la justice ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais non, je l'ai déjà dit !

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Ce n'est pas la peine de bougonner, monsieur le ministre : tout va bien se passer ce soir.

Debut de section - Permalien
Une députée du groupe LaREM

Oh là là !

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La question est donc de savoir ce que vont devenir ces images si elles ne sont pas accessibles sur le site du ministère de la justice alors que toute citoyenne et tout citoyen peut aujourd'hui en principe – sans parler évidemment du covid – accéder librement à n'importe quelle salle d'audience hors huis clos. Quel est votre véritable objectif politique, monsieur le ministre ? Je vous ai interpellé en commission pour vous rappeler que la raison pour laquelle on doit pouvoir filmer les audiences, avant d'être pédagogique – même si je vous rejoins sur ce point –, est d'abord une raison démocratique, au nom du contrôle de l'institution judiciaire par le peuple souverain et donc de la publicité des débats. J'aimerais avoir des éléments de réponse, parce que j'ai peur de trop bien comprendre quelles sont les véritables intentions de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, n° 8 , 15 , 21 , 173 , 238 et 503 , tendant à supprimer l'article 1er .

La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l'amendement n° 8 .

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Face aux différentes lacunes mises en évidence par les nombreux amendements sur cet article, il apparaît préférable de le supprimer intégralement.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ben tiens !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le principe de la publicité de la justice n'a jamais eu besoin d'une diffusion vidéo pour être respecté. En outre, la question matérielle – qui n'est pas abordée dans le texte – se pose. Les moyens de la justice, s'ils ont fait l'objet d'une récente amélioration, restent insuffisants : tous les acteurs du secteur s'accordent à dire que leurs moyens sont limités et que les effets de cette fameuse augmentation historique du budget se font attendre. Le dispositif prévu à l'article 1er comporte des zones d'ombre et son bien-fondé ne fait pas l'unanimité alors que certaines priorités qui, elles, font l'unanimité, et ce depuis longtemps, ne sont pas traitées dans ce texte. Je pense par exemple aux commissariats de campagne, qui tombent littéralement en ruine et nécessitent depuis des années les moyens nécessaires à l'exercice de leurs fonctions régaliennes dans la dignité. Et pourtant, ce texte va allouer des moyens importants à un dispositif de captation, de diffusion et d'explication vidéo des audiences… Devant l'incohérence du fléchage des moyens de la justice, je demande la suppression de cet article.

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La parole est à Mme Marine Brenier, pour soutenir l'amendement n° 15 .

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À la lecture du titre de ce projet de loi, « Confiance dans l'institution judiciaire », on aurait pu penser que son article 1er traiterait des délais de l'instruction ou encore de la responsabilité des magistrats. J'ai donc été surprise de voir que cet article 1er , tout de même symbolique puisqu'il inaugure un texte, portait sur l'enregistrement des audiences. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, de nous avoir précisé que le coût n'en incomberait pas à l'institution judiciaire, mais deux questions restent en suspens. Premièrement, l'enregistrement ne risque-t-il pas de nous faire assister à de la politique spectacle, à une forme de téléréalité du procès ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette question se pose d'autant plus que comme l'enregistrement ne sera pas pris en charge par l'institution judiciaire, il y a un risque de verser dans le sensationnalisme selon la manière dont les images seront montées. Ce côté téléréalité ne serait pas utile pour une meilleure confiance dans l'institution judiciaire. Seconde question : qu'en sera-t-il de la sincérité du procès pénal ? Les avocats, les magistrats, les victimes et les accusés auront-ils la possibilité de s'exprimer de manière naturelle, conformément à ce qu'on est en droit d'attendre d'un tel procès ? En l'absence de réponse à ces deux questions, j'ai déposé cet amendement de suppression.

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La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement n° 21 .

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Ma position personnelle est un peu plus mitigée, mais il est vrai que nombre de collègues s'interrogent sur les conséquences de la concrétisation de cet engagement. Ce n'est pas tant l'entrée des caméras dans les prétoires qui les effraye que ses modalités. Il y a la crainte d'un système à l'anglo-saxonne qui façonne déjà, qu'on le veuille ou non, les esprits – un juge s'entend parfois appeler « votre honneur »… On sent bien poindre l'américanisation.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Raison de plus !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il ne s'agit pas tant pour nous d'un refus de la communication, d'un refus de la pédagogie – plusieurs grands procès ont à cet égard dérogé au droit en vigueur et à juste titre, pour l'histoire avec un grand H –, mais le quotidien des prétoires peut ne pas intéresser…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ah, si !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…et, au-delà des montages et des utilisations des enregistrements pouvant aboutir à des manipulations, sans faire aucun procès d'intention, des doutes et de vraies interrogations persistent. Voilà qui pousse un certain nombre de mes collègues, dont Emmanuel Maquet, à demander la suppression de cet article, dans l'attente d'éclaircissements et de développements supplémentaires.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 173 .

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Dans une décision du 6 décembre 2019, le Conseil constitutionnel a rappelé le principe d'interdiction générale de procéder à la captation ou à l'enregistrement des audiences des juridictions administratives ou judiciaires ; c'est le fruit d'une jurisprudence constante, à la recherche du juste équilibre entre d'un côté, l'interdiction du recours à tout appareil photographique ou d'enregistrements sonores ou audiovisuels dès l'ouverture de l'audience, au risque de porter atteinte à la liberté d'expression et de communication, et de l'autre, l'impérieuse nécessité d'assurer une justice indépendante, juste et équitable. La liberté d'expression et de communication peut être limitée dans le respect des exigences de nécessité, d'adaptation et de proportionnalité, et, depuis plusieurs années maintenant, le tribunal médiatique a montré toute sa puissance, allant parfois jusqu'à remettre en question la présomption d'innocence. Il me semble dès lors primordial de préserver le plus possible le secret des audiences en vue d'une meilleure justice. C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement de suppression. Mais comme je vous l'ai dit en commission, monsieur le ministre, il s'agit plus d'un amendement d'appel, car je ne suis pas foncièrement opposée à la retransmission des audiences, sous réserve que certains aspects en soient précisés. Vous avez longuement évoqué les grandes affaires au retentissement national, mais votre proposition pose nécessairement la question du choix des procès qui seront filmés et diffusés, et vous n'avez pas apporté de réponse claire à ma question : à qui ce choix incombera-t-il ? Le texte est muet sur ce point, renvoyant seulement à un décret. Il me semble que ce n'est pas suffisamment précis pour que nous puissions voter cet article en l'état.

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La parole est à Mme Catherine Pujol, pour soutenir l'amendement n° 238 .

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La législation en vigueur jusqu'à présent interdit de procéder à la captation ou à l'enregistrement des audiences des juridictions administratives ou judiciaires afin de garantir la sérénité des débats au vu des risques de perturbations liées à l'utilisation d'appareils d'enregistrement. Le Conseil constitutionnel a confirmé que cette législation était conforme à l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice. La législation actuelle apparaît équilibrée, car elle ne prive pas le public présent, en particulier les journalistes, de rendre compte de la teneur des débats, y compris pendant le déroulement de l'audience. L'ensemble de ces arguments étant toujours valables, nous proposons par cet amendement de supprimer l'article 1er .

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La parole est à M. Pascal Brindeau, pour soutenir l'amendement n° 503 .

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Monsieur le ministre, jusqu'à présent, dans les échanges que nous avons eus en commission comme depuis le début de l'examen de ces deux textes dans l'hémicycle, vous ne m'avez pas convaincu sur les objectifs visés par l'enregistrement et la diffusion télévisée des procès, ni sur l'encadrement prévu. Comme ce ne sera pas un système public et maîtrisé par l'institution judiciaire, vous ne pourrez empêcher des chaînes de télévision privées, des producteurs de séries ou de films, de romancer ce qu'aura été le procès. Vous pourrez essayer de prévoir tous les garde-fous possibles, rien n'y fera. Je note d'ailleurs que nous ne savons rien de ces garde-fous, puisque tout est renvoyé au pouvoir réglementaire.

Rien sur la définition de l'intérêt public ; rien concernant les personnes qui décident et qui encadrent ; rien au sujet des modalités et des garanties liées à la diffusion, une fois le procès devenu définitif. Monsieur le garde des sceaux, vous le savez puisque vous avez vous-même longtemps plaidé, notamment dans les cours d'assises : se sachant filmés en vue de la diffusion de l'audience, un accusé, un avocat, des parties civiles, voire les magistrats auront un comportement qu'ils n'auraient pas eu si le procès n'avait pas été filmé et diffusé. Ce n'est pas de la pédagogie, c'est de la justice spectacle.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.

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La parole est à M. Stéphane Mazars, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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J'avais retenu des travaux de la commission qu'une certaine unanimité s'était dégagée concernant l'enregistrement et la diffusion des audiences, du moins sur le principe. Parmi ceux qui ont défendu des amendements de suppression, plusieurs ont d'ailleurs rappelé que sur le principe, ils y étaient favorables. Il peut certes y avoir des discussions, et peut-être un désaccord, concernant les modalités de mise en œuvre : d'aucuns peuvent considérer que les garde-fous prévus par le texte et qui, pour certains, seront précisés dans les décrets d'application, ne sont pas suffisants – nous y reviendrons en examinant les amendements qui suivent. Mais sur le principe, vous aurez compris que le garde des sceaux est très attaché à cette mesure. Il a d'ailleurs déjà développé plusieurs arguments afin de défendre le dispositif en réponse aux motions de rejet préalable présentées par les groupes d'opposition. La commission des lois a également déclaré, de manière assez large, y être favorable.

Encore une fois, quelle est la situation aujourd'hui ? En dehors des procès historiques qui sont filmés puis diffusés dans un cadre bien réglementé, on peut trouver sur les chaînes de télévision ou en faisant quelques clics sur internet des reportages qui ont été tournés dans des salles d'audience, parfois dans les cabinets des juges d'instruction, voire dans l'enceinte d'un commissariat ou d'une gendarmerie en dehors de tout cadre juridique. Certaines émissions passent parfois allègrement sur les grands principes qui animent notre discussion – ou ont vocation à l'animer. Il y a donc nécessité de légiférer afin d'encadrer une pratique qui existe déjà et qui donne même parfois lieu à de véritables chefs-d'œuvre, qui sont salués comme tels. Je pense notamment à l'œuvre de Raymond Depardon, qui est unanimement reconnu pour avoir réalisé un très beau documentaire sur la justice dans notre pays.

Le garde des sceaux souhaite, de façon légitime, encadrer l'enregistrement des audiences en vue de les diffuser dans un but d'intérêt public. C'est tout le débat que nous allons avoir dans le cadre de l'examen de l'article 1er . Quel est l'intérêt public en question ? Évidemment, il est pédagogique : il s'agit de faire comprendre à nos concitoyens ce qu'est la justice du quotidien, comment elle fonctionne au pénal comme au civil, ou comment on règle un conflit de voisinage. Voilà l'objectif de l'article et un certain nombre de garanties vont être apportées pour permettre de tenir compte des différentes situations – audience publique, à huis clos ou en chambre du conseil – et assurer le respect des droits des personnes présentes dans la salle d'audience, y compris les justiciables.

En plus de l'intérêt pédagogique, on peut penser à d'autres types d'intérêt public. Je pense à l'intérêt scientifique. Nous sommes en effet quelques-uns ici à être passés par une faculté de droit, monsieur Peu. Cependant, il y a un monde entre ce que l'on apprend sur les bancs de la faculté et la pratique judiciaire, la façon dont les procès se déroulent et dont les praticiens appréhendent la chose du droit. Le dispositif présentera ainsi un intérêt scientifique pour les étudiants en leur permettant de voir comment le droit est mis en pratique.

En outre, la mesure est parfaitement encadrée. La commission a adopté un amendement présenté par Laetitia Avia au nom du groupe La République en marche qui prévoit que les diffusions seront mises en œuvre dans un cadre pédagogique, avec des praticiens qui expliqueront ce qui se joue dans la salle d'audience ou dans le cabinet du juge d'instruction. Monsieur Brindeau, tout cela sera précisé dans un cahier des charges…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

… qui sera entre les mains du garde des sceaux et de la Chancellerie, et qui correspondra à ce que nous voulons faire du dispositif. Les diffuseurs devront se mettre au diapason de ce que nous avons voulu et de ce que le garde des sceaux voudra montrer afin de répondre au mieux à l'intérêt public de faire connaître la justice. Avis défavorable.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis évidemment défavorable aux amendements de suppression qui ont été déposés. Je vais essayer d'être le plus clair possible. Tout d'abord, on excipe d'une décision du Conseil constitutionnel, alors que ce dernier avait été saisi pour se prononcer sur la constitutionnalité de l'interdiction d'enregistrement qui existe actuellement. Vous me concéderez que cela n'a strictement rien à voir avec ce dont nous discutons. Au passage, puisque l'on évoque le Conseil constitutionnel, je vous ferai remarquer que ses audiences sont filmées.

Évidemment, un certain nombre de questions se posent. Monsieur Brindeau, il y aura bien sûr un cahier des charges. Je me suis déjà exprimé à ce sujet : je souhaite que ce soit le service public qui soit en charge de la diffusion des films sur la justice. Il y aura donc un cahier des charges, et la Chancellerie sera très exigeante. Vous avez peur du trash, mais le trash, c'est ce qui se passe aujourd'hui – j'y reviendrai dans un instant.

Concernant la sincérité des débats, il faudra que tout le monde s'adapte. Tous les avocats et les magistrats présents dans cet hémicycle pourraient vous dire qu'une audience sans public n'est pas la même que s'il y en avait un. De même, une audience avec 20 personnes qui y assistent n'est pas la même que celle qui aurait lieu, comme dans certaines salles, devant 400 personnes, laquelle serait encore différente si des journalistes de la presse locale étaient présents. Et s'il s'agit de la presse nationale, l'audience n'est pas non plus la même.

Le dispositif reposera sur des caméras, et nous exigerons qu'elles soient discrètes. Je veux d'ailleurs vous dire qu'un certain nombre de procès ont d'ores et déjà été filmés. Il s'agit bien sûr des procès historiques, mais, il y a longtemps, d'autres types d'autorisations ont aussi pu être accordés. On a parlé de la réalisation de Depardon. On oublie peut-être le documentaire sur la justice – de l'enquête préliminaire au jugement devant la cour d'assises – réalisé par Daniel Karlin et Tony Lainé, qui est un petit bijou de pédagogie.

Dans toutes les démocraties, le principe est tout de même celui de la publicité des débats. Dans les États totalitaires, il n'y a pas de publicité – on la craint. Il est très important de ne pas craindre la publicité telle qu'elle résultera des films sur la justice. Comme nous l'évoquerons tout au long de nos débats, nous avons vraiment pris toutes les précautions possibles concernant le droit à l'image, l'anonymisation, le fait que ne pourront être diffusées que les affaires définitivement jugées, sans créer aucune interférence malsaine avec le vrai procès, ou encore que la diffusion du film sera suivie d'explications, etc.

On me reproche d'avoir inscrit cette disposition à l'article 1er . Concédez-le : il faut bien qu'il y ait un article 1er . Pourquoi l'avoir fait dès le premier article ? En réalité, j'ai d'emblée voulu montrer qu'on critique très souvent âprement et sévèrement la justice parce qu'on ne la connaît pas. Vous avez repris, monsieur Gosselin, un des exemples grâce auxquels j'ai tenté d'illustrer mon propos. Si vous demandez à un gamin comment on appelle, en France, le président de la cour d'assises, il y a fort à parier qu'il vous réponde « votre honneur ». S'il regarde un film sur la justice, il saura qu'on utilise la formule « monsieur le président ». Nous n'avons rien à craindre de cela.

Je voudrais revenir rapidement sur la paranoïa, si j'ose dire, de la France insoumise qui voit dans le dispositif une façon pour le garde des sceaux de chapeauter la justice, de lui tenir la bride courte. Cela n'a aucun sens. Comme nous allons l'écrire dans la loi, car cela me paraît utile et nécessaire, il y aura un double système : la Chancellerie proposera et les chefs de juridiction disposeront. Cela ne paraît pas très compliqué.

Nous l'écrirons dans le cahier des charges, je m'y engage devant la représentation nationale : ce dispositif ne concerne pas forcément les grands procès médiatiques, qui sont déjà largement couverts. Il faut d'abord aller voir dans les territoires comment la justice est rendue à tel endroit ou à tel autre dans le cadre de petites affaires – ne prenez pas mal cette expression, je sais bien qu'il n'y a jamais de petites affaires pour ceux qui les vivent.

Certaines affaires permettraient de développer des thématiques particulières. Par exemple, si une expertise ADN est déterminante dans un procès, ce sera l'occasion d'aborder ce thème en offrant à nos compatriotes l'éclairage de vrais experts, et non celui des experts à Miami, monsieur Gosselin. Pourraient ainsi être présents sur le plateau un magistrat et un enquêteur qui expliquerait ce qu'est devenue la police scientifique. On pourrait expliquer ce qu'est l'ADN et se demander s'il s'agit ou non de la reine des preuves. Autant d'éléments passionnants qui vont captiver nos concitoyens : on ne peut pas avoir peur de cela !

Quand on parle de la justice à la télévision, on a parfois un plateau sur lequel on trouve un ancien président de cour d'assises qui parle d'un dossier sans avoir lu un seul procès-verbal. Il est assisté d'un policier à la retraite qui, lui non plus, n'a pas lu de procès-verbal et d'un avocat qui n'a rien d'autre à faire que de venir parler d'une affaire qui n'est pas la sienne.

Sourires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout le monde blablate, discute et commente avec quinze experts à la douzaine et, à la fin, l'expert psychiatre arrive et livre son diagnostic sur le suspect, sans jamais l'avoir rencontré. Voilà ce qu'on offre aux Français aujourd'hui, quand il ne s'agit pas tout simplement d'émissions trash – étant hélas parfois pris d'insomnie, il m'arrive de les regarder – qui y vont hardi-petit avec la présomption d'innocence. On n'attend même pas que le procès soit définitif : la diffusion intervient parfois alors que l'affaire n'est jugée qu'en première instance. Pendant une heure et demie, on raconte à quel point M. Bernard Jean-Jean est coupable et, à la fin, on s'exonère de toute responsabilité avec la formule incantatoire rappelant que M. Jean-Jean est présumé innocent. Sachant que c'est ce qu'on offre aujourd'hui à nos compatriotes, de quoi avez-vous peur ? On va enfin parler sérieusement de la justice ! Quant aux chaînes d'information en continu, l'une d'entre elles…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

… titrait ce week-end « la France à feu et à sang », ou encore « la France au bord de la guerre civile ».

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Voilà qui fait du bien à la justice de notre pays ! Rendez-vous compte : on voit, sur les plateaux, des personnes qui ne sont jamais contredites et qui racontent que le fait de tuer un policier est puni de dix ans d'emprisonnement.

Je veux que les Français puissent voir comment on juge le meurtrier d'un policier ou toute autre affaire, qu'elle soit par exemple civile – le divorce intéresse nos compatriotes – ou commerciale. La seule façon de faire connaître la justice, c'est de la montrer et de la donner à voir.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Elle ne doit rien avoir à craindre, c'est pour cela que je suis contre ces amendements.

Permettez-moi de vous répondre d'un mot, madame Ménard. Comme vous le savez, une salle d'audience n'est pas extensible. J'ai vécu cette situation deux ou trois fois : si la salle contient quarante places et qu'elles sont déjà toutes occupées par des personnes qui veulent assister à l'audience parce qu'elles sont intéressées par la justice, la quarante-et-unième personne souhaitant être présente ne verra rien. Filmer l'audience constituera donc une grande garantie démocratique.

Quant à la sincérité, je pense que le dispositif ne pourra qu'améliorer le travail de tous les intervenants. Le président sera encore meilleur que d'habitude. Vous en doutez, monsieur Brindeau,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…mais moi qui ai fréquenté les assises pendant trente-six ans,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…je peux affirmer – et je ne pense pas être contredit par les professionnels de la chose judiciaire – que certains comportements n'ont pas lieu quand ils sont regardés. C'est là le sens de la garantie démocratique qu'apporte la publicité. L'avocat fera également mieux que d'habitude, tout comme le policier et l'expert. Je ne crains pas que l'on regarde la justice.

Vous avez peur ? Préférez-vous ce qui se passe aujourd'hui sur les chaînes d'information continue ? Préférez-vous la désinformation et le mensonge qui font que nos compatriotes sont totalement écœurés par la justice de leur pays, victimes d'un trop-plein de contre-vérités ? Je souhaite au contraire qu'ils regardent la justice. Ils en ont le droit puisque c'est en leur nom que celle-ci est rendue.

Avis défavorable.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tout a été excellemment dit par M. le rapporteur et M. le garde des sceaux.

Protestations sur les bancs du groupe LR.

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Eh oui, c'était parfaitement clair ! Je vais tout de même en rajouter une couche.

Chers collègues, il ne faut pas avoir peur de la transparence et de la pédagogie.

Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.

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Pourquoi supprimer la possibilité d'enregistrer et de diffuser des audiences ? Quel problème cela pose-t-il ? Bien sûr, la pratique doit être encadrée, et c'est ce que nous avons fait en commission en prévoyant une série de garde-fous qui viennent compléter ceux du texte d'origine. Nous avons renforcé les conditions de consentement, garanti la protection du droit à l'image, assuré la diffusion dans un cadre pédagogique. Le texte précise bien que c'est l'autorité judiciaire qui décidera du bien-fondé de l'enregistrement. Nous avons également prévu la possibilité, pour le magistrat, d'interrompre l'enregistrement si cela porte atteinte au bon déroulement des débats.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette disposition est aux antipodes de la téléréalité. Celle-ci est diffusée en direct et s'apparente à une forme de voyeurisme. Mais la justice est publique et rendue au nom du peuple. L'ensemble de nos concitoyens doivent pouvoir la voir en train de se faire, et s'ils ne peuvent se rendre dans les palais de justice, autant que la justice vienne à eux via leur poste de télévision ou leur ordinateur.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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Au moins, avec ce débat, on apprend des choses ! Vous dites donc, monsieur le ministre, qu'un cahier des charges est prêt…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il le sera ! C'est obligatoire.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…et que le ministre de la justice décidera quels seront les procès qui devront ou non être filmés et diffusés,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…sa décision étant avalisée ou non par le chef de cour. C'est bien ce que vous avez dit. C'est une information dont nous ne disposions pas jusqu'à présent.

Le débat est intéressant, mais vous ne me convainquez pas. Vous dites que c'est le service public qui s'en occupera. Admettons que c'est en effet le service public qui filmera et diffusera en premier lieu ces émissions, et que des personnes éprises d'éthique assureront une médiation entre les images et le récepteur. Ce que je dis vous déplaît, mais cela pourrait décrire la réalité de ce qui se passera. Ensuite, ces images seront captées et interprétées par d'autres médias,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…et on retombera quand même dans la justice spectacle et la téléréalité. Ce sera toujours le même système qu'on connaît : ces émissions avec les experts inventés de la veille et d'anciens professionnels du droit.

Ce que je dis vous déplaît, vous pouvez tourner la tête, mais je finirai malgré tout ma démonstration.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le ministre peut faire ce qu'il veut !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Autoriser ou non cette pratique ne changera rien. Votre article 1er ne sert en réalité à rien. Voilà la réalité, quelque déplaisante qu'elle soit !

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et parmi certains députés non inscrits.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne suis pas défavorable au principe de l'enregistrement des audiences dans les palais de justice, mais je voudrais toutefois vous poser quelques questions.

D'abord, vous avez tendance à dire que si c'est transparent, c'est démocratique. Je ne suis pas d'accord avec vous : la transparence peut aussi nourrir le soupçon et il existe des enceintes sans transparence. J'adorerais savoir ce qui se dit en conseil des ministres ou au comité Théodule créé par le Président de la République à l'occasion de la crise sanitaire, mais leurs discussions restent obscures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En vous écoutant, j'ai eu l'impression qu'à vos yeux, parce que le public aurait une mauvaise perception de la justice française, qu'on lui présenterait comme proche de la justice américaine, il faudrait rétablir la vérité en filmant ce qui se passe dans les prétoires. Pourquoi n'avez-vous pas pensé à un moyen plus direct : confier au service public le soin de produire des séries et des films, inspirés de faits réels, mais joués par des acteurs ? Vous pourriez atteindre le même objectif – diffuser la connaissance de la justice française – sans pour autant filmer ce qui se passe réellement.

Vous avez l'air étonné, mais tout le monde n'a pas vocation à être acteur. Vous êtes un cas particulier : en 2018, vous avez joué un avocat dans Neuilly sa mère, sa mère ! – …

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pas uniquement, monsieur Aubert !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…avec votre statut de ministre et de candidat aux régionales, cela vous fait trois points en commun avec Bernard Tapie

Sourires sur les bancs du groupe LR

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La classe mondiale !

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…mais tout le monde n'en a pas envie. Qu'avez-vous prévu pour les magistrats qui désireraient être floutés ? En effet, c'est une profession où l'on peut souhaiter une certaine discrétion. Quelles assurances apportez-vous en cette matière ?

Enfin, j'ai deux questions de forme.

Pourquoi est-ce un décret qui détermine l'autorité compétente ? Si vous savez déjà de quelle autorité il s'agira, pourquoi ne pas le mentionner dans la loi ?

Vous avez l'air de dire que le marché public sera remporté par les chaînes France 2 et France 3 ; mais n'y aura-t-il pas de mise en concurrence ? Que se passera-t-il si c'est C8, Canal+ ou un groupe allemand qui remporte le marché ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Vous ne connaissez pas bien ma filmographie : elle est beaucoup plus longue !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On voit bien que l'objectif politique de l'article 1er est de concevoir une émission de télévision à vertu pédagogique, mais vous mettez sur le même plan des choses qui n'ont rien à voir. Vous dénoncez l'instantanéité médiatique où l'on raconte n'importe quoi sur tel ou tel procès en cours et prétendez que cet article viendrait miraculeusement rétablir la vérité de ce qui se passe dans les salles d'audience. Mais l'article 1er , dans sa rédaction actuelle, prévoit que la diffusion ne pourra se faire qu'une fois que la chose a été définitivement jugée et que le délai pour faire appel a expiré. Le film ne répondra donc pas à ce qui se dira comme bêtises, en temps réel, sur les chaînes d'information en continu.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ou alors vous avez mal rédigé l'article 1er , monsieur le ministre : vous vous êtes planté !

De toute façon, ce ne seront pas des caméras qui filmeront toutes les salles d'audience en direct, mais des équipes de télévision qui viendront pour un procès en particulier, dont ils feront un objet pédagogique. Celui-ci n'aura rien à voir avec les bêtises qui se déversent – et continueront à se déverser, quoi qu'il advienne – sur les procès en cours.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr que non !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est ainsi dans notre pays : la bêtise est tolérée, et c'est tant mieux.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À l'Assemblée nationale aussi, bien que certains, dans la partie droite de l'hémicycle, soient très agités !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne suis pas pour pénaliser la bêtise à outrance, sinon nous serions un certain nombre à en pâtir !

Votre objectif est bien de faire une émission de télévision. Ce n'est pas une idée nouvelle : après votre arrivée au ministère, la presse indiscrète révélait que vous étiez déjà en relation avec une chaîne de télévision pour monter une émission. Les mauvaises langues disaient que ce serait l'émission du ministre Dupond-Moretti…

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J'imagine que ce n'est pas vous qui présenterez l'émission pédagogique en question,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Si, si !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…ou alors une fois que vous ne serez plus ministre. Je n'ose imaginer qu'il pourrait s'agir d'un plan de carrière – loin de moi cette idée ! Quoi qu'il en soit, le but de l'article 1er n'est pas du tout de permettre aux Français de voir en direct, comme s'ils étaient dans une salle d'audience, ce qui se passe dans les procès. Si c'était le cas, je l'aurais voté !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ben voyons !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le garde des sceaux, pour vous, visiblement, confiance rime avec transparence. Pour moi, confiance rime plutôt avec présomption d'innocence. Comme vous l'avez rappelé, il aurait peut-être été préférable, plutôt que d'autoriser la diffusion a posteriori d'images de procès pénaux, d'interdire la diffusion de reportages sur les procès en cours, très souvent à charge, qui ne garantissent pas la présomption d'innocence.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui !

Les amendements identiques n° 8 , 15 , 21 , 173 , 238 et 503 ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l'amendement n° 593 .

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Il propose de réécrire l'article. Je dois avouer qu'entre l'examen en commission et celui en séance, je n'ai pas eu le temps de l'aménager en fonction de nos discussions et que je le sous-amenderais volontiers moi-même. Mais la philosophie générale est la suivante : nous proposons d'autoriser à filmer toutes les audiences, à partir du moment où le chef de juridiction et le président de l'audience en sont d'accord, et de verser ces images sur le site du ministère de la justice, qui en garantirait l'anonymisation grâce à un bureau dédié qui se chargerait de réaliser le floutage et les corrections. Les images ne viendraient alimenter cette base de données publique, en libre accès, qu'au terme d'un délai bien défini, une fois que la chose a été définitivement jugée, et avec l'accord des parties. On pourrait alors en extraire le film de tel ou tel procès pour en faire un support pédagogique.

En effet, ce qui pourrait être intéressant, ce serait de voir l'intégralité d'une audience de comparution immédiate, avec tous ces dossiers qui défilent du début de l'après-midi – les gilets jaunes ont bénéficié d'un traitement de faveur ! – jusqu'à trois ou quatre heures du matin. Il serait intéressant pour les Françaises et les Français de voir les conditions dans lesquelles la justice est rendue. Mais quelle chaîne de télévision se permettra de passer une vidéo de huit heures de comparution immédiate en continu ? Aucune, jamais ! Pour en avoir un aperçu, vous devrez soit aller vous-même au tribunal pour assister à l'intégralité d'une audience, ce qui reste possible ; soit, si notre proposition est retenue, consulter un enregistrement sur le site du ministère de la justice, en accès libre, les images bénéficiant d'une garantie d'anonymisation.

Voilà la philosophie d'un vrai contrôle démocratique sur ce qui se passe au sein du ministère de la justice. Après, libre à telle ou telle émission de télévision de prendre les éléments qui l'intéressent, de faire les montages appropriés et d'appeler les experts de son choix. L'actuel futur ex-garde des sceaux se fera un plaisir d'être invité à l'émission pour commenter telle ou telle procédure, et ce sera très intéressant ; mais cela ne poursuit pas le même objectif politique.

D'ailleurs, si la chaîne de télévision qui veut contractualiser avec le ministère vous plante, que ferez-vous des vidéos ? Comment les réalisera-t-on et qu'en fera-t-on ?

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Avis défavorable.

Si je comprends bien, l'amendement propose une expérimentation. Mais se lancer dans la rédaction d'un cahier des charges, trouver un opérateur qui acceptera d'enregistrer et de diffuser les images en respectant le cadre qu'on souhaite donner à ces reportages sur la justice, demande un investissement très important. On ne peut pas se permettre de prévoir un temps limité d'expérimentation, sans retour assuré sur l'investissement – financier, mais aussi technique et scientifique.

Dans l'exemple que vous prenez, celui des comparutions immédiates, on peut très bien envisager que, sur ce thème et plus généralement celui de la défense pénale d'urgence, des images soient prises d'une comparution immédiate pour être explicitées auprès des téléspectateurs qui ne sont pas rompus à ces audiences et pour que leur soient expliquées les vertus – ou pas – de ce type de procédure.

Encore une fois, il n'y a pas d'antinomie sur le principe, mais les contraintes dans lesquelles vous souhaitez enserrer la captation et la diffusion de ces images rendent à mon avis le dispositif inopérant.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le député, je ne vois pas une chaîne investir quoi que ce soit si l'on est dans la précarité de l'expérimentation.

Encore une fois, je ne comprends pas – peut-être n'ai-je pas votre ouverture d'esprit – que vous ayez peur de voir la justice présentée à nos concitoyens. Votre histoire du site du ministère de la justice, c'est bien gentil, mais sans être désobligeant à l'égard de ce site, qui est un très beau site, je peux vous dire que nous aurons trois pékins.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je préfère une grande chaîne nationale avec une diffusion grand public. Ce qui m'intéresse, c'est que la justice entre dans le salon des Français !

On peut très bien filmer une ou deux comparutions immédiates pour que le public comprenne que ce qui est intéressant, c'est le temps mis pour juger. On peut ensuite avoir sur le plateau un magistrat qui expliquera le rythme – qui est effréné, disons les choses comme elles méritent d'être dites.

Ce qui est désagréable, c'est que pour vous, tout est sujet à paranoïa.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous allons, et vous le dites avec un ton suspicieux, choisir le juge qui va bien, l'expert qui va bien. Je veux présenter la justice : pourquoi irais-je chercher le juge, l'expert qui vont bien ? J'irai chercher un bon juge, un bon expert. Mais notre rôle ne sera que de proposer, et les chefs de juridiction disposeront.

Je n'ai pas répondu tout à l'heure, madame Brenier, sur ce que cela va coûter au ministère de la justice. Rien, en réalité.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas du tout le problème. C'est la chaîne en question qui dépensera l'argent qu'il faut.

Permettez-moi aussi de vous dire que ce n'est pas une idée du garde des sceaux, mais une idée très ancienne. Dans le procès Dominici, on avait failli filmer ; mais le matériel de l'époque faisait tellement de bruit, c'était tellement dérangeant pour les différents acteurs, qu'on y a renoncé. Aujourd'hui, le matériel peut être très discret.

En outre, je vais vous rappeler quelque chose : les procès criminels sont aujourd'hui enregistrés. On ne peut utiliser ces enregistrements que dans le cadre d'une révision, mais il n'empêche que tous les interlocuteurs savent qu'ils sont enregistrés du début à la fin et que tous leurs propos seront gravés sur cet enregistrement sonore.

Je suis totalement défavorable à cet amendement. C'est d'ailleurs toujours la même technique : d'abord suppression, ensuite expérimentation,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…puis rapport.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il faut aller à l'essentiel. Ici, les choses sont filmées, beaucoup de nos concitoyens suivent les débats…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…et je pense que beaucoup iront voir comment fonctionne leur justice. Quant aux débats de l'Assemblée nationale, détrompez-vous, monsieur Cordier : quand vous prenez la parole, ils sont très suivis !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vais tâcher d'articuler le mieux possible pour être compris, car je ne suis pas sûr que cela soit le cas, surtout avec le masque : je le redis, je suis pour que l'on puisse filmer les audiences et qu'elles soient visibles par toutes et tous.

« Ah ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ne me faites donc pas dire le contraire : j'y suis favorable, d'accord ? Or ce n'est pas l'objectif de votre article, puisque cela coûtera zéro euro au ministère de la justice. Je suis pour que, comme à l'Assemblée nationale, il y ait des caméras dans les salles d'audience, que le ministère puisse décider de lui-même, et non sous la houlette de je ne sais quels chaîne et impératifs d'audimat, de filmer tel ou tel procès et de le mettre en libre accès. L'objectif n'est pas la chaîne de télé…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…mais les citoyens de ce pays, qui doivent avoir accès à la publicité des débats.

Une expérimentation me semble plus indiquée qu'une généralisation d'emblée sur un sujet comme celui-là, car il faut pouvoir constater les effets de bord, l'instrumentalisation des images… Nous pouvons nous laisser deux ans pour voir comment cela s'organise plutôt que de partir bille en tête – mais je comprends que vous ne puissiez pas, vu que vous vous êtes déjà engagé avec je ne sais trop quelle chaîne, passer par une expérimentation. Je le désapprouve.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pas grave !

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Je ne souhaite pas que le ministère de la justice travaille pour une chaîne de télé, fût-elle publique et quelle qu'elle soit.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est ridicule !

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Tel n'est pas le sens de l'intérêt général.

Ici, nous sommes filmés : c'est sur le site de l'Assemblée nationale. Allez-vous me dire que personne ne va sur le site de l'Assemblée, que personne ne regarde le direct sur une chaîne de grande écoute ?

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Les chaînes d'information prennent les images ici pour monter des sujets d'actualité, c'est vu par le grand public et c'est très bien comme ça !

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Monsieur le ministre, je vous trouve d'un optimisme que je qualifierais presque de béat.

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Vous qui avez pourtant du métier, qui savez occuper les prétoires, qui regardez de temps en temps la télévision durant vos insomnies, disiez-vous, vous prêtez au service public, que je respecte infiniment, beaucoup de vertus qu'il n'a peut-être pas. Votre objectif est la pédagogie. Nous pouvons tous le partager et vouloir une meilleure appropriation par nos concitoyens des règles et des procédures, mais même le service public est soumis à l'audience, vous le savez bien.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui !

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Que va-t-il se passer ? En réalité, on ne fera pas de documentaires très pédagogiques : ce qui sera intéressant, c'est ce qui aura l'odeur de la poudre. Imaginez, et je reprends une suggestion de M. Savignat, une chaude plaidoirie devant le tribunal paritaire des baux ruraux : je ne suis pas sûr que cela passionne nos concitoyens. Il n'est d'ailleurs pas certain que beaucoup connaissent l'existence de l'échevinage au tribunal paritaire des baux ruraux.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Justement !

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Bref, sur ce genre d'audiences, on risque d'avoir trente secondes à quatre heures du matin.

J'entends bien la nécessaire ouverture, le besoin de pédagogie et d'appropriation, mais je ne suis pas sûr que le cahier des charges tel que vous l'envisagez soit le cœur du réacteur. Cela nécessiterait quelques éléments supplémentaires dans l'article pour préciser les choses.

L'amendement n° 593 n'est pas adopté.

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La parole est à Mme Alexandra Louis, pour soutenir l'amendement n° 382 .

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Permettez-moi tout d'abord de partager mon optimisme sur cet article 1er qui nous offre un outil très intéressant répondant à un enjeu démocratique, celui de permettre à nos concitoyens de mieux connaître la justice même quand ils n'y sont pas directement confrontés. C'est un exercice intéressant, car cela permettra à chacun d'entre nous de bien comprendre comment fonctionne cette justice – pas seulement en allant sur un site, mais aussi en allumant sa télévision. Je pense également à la justice civile, que l'on oublie souvent, à la justice prud'homale, également passionnante,…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Les baux ruraux aussi !

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…à la justice commerciale.

Si nous fixons un cadre très précis pour ces émissions, il faut aussi penser à la contrepartie. Nous savons que pendant les audiences, certaines personnes filment à leur insu les parties, les magistrats,…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ils tweetent !

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…et c'est rarement dans un intérêt pédagogique, mais souvent pour porter atteinte à la présomption d'innocence.

C'est pourquoi je vous propose, par cet amendement, d'augmenter le quantum de la peine du délit existant déjà dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, pour laquelle le fait de filmer, d'enregistrer ou tout simplement de prendre une photo constitue une infraction punie d'une amende de 4 500 euros, en le portant à deux mois d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende. La peine de prison sera beaucoup plus dissuasive et permettra également un placement en garde à vue. Or dans de nombreux cas, ces vidéos ou photos sont produites dans des buts beaucoup plus inquiétants.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Merci, chère collègue, pour cet amendement judicieux. La peine proposée reste mesurée au regard de l'atteinte portée à la loi de 1881, tout en permettant une garde à vue et une comparution immédiate. J'y suis très favorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je suis évidemment favorable à cet amendement, que je trouve judicieux.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, parce qu'il est judicieux.

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J'ai compris que tous les amendements de la majorité étaient par construction judicieux. Nous allons passer de la lumière à l'ombre. Tout en approuvant le principe de l'amendement, je souhaite, monsieur le ministre, vous reposer une question à laquelle vous n'avez pas répondu. Vous dites que cela sera confié à une chaîne du service public. Or il existe un code des marchés publics. Dans votre esprit, cette mission dérogera-t-elle au code ? Sinon, comment pouvez-vous savoir que ce sera une chaîne du service public qui remportera le marché ? Toute votre construction intellectuelle repose sur le fait que c'est une chaîne du service public qui s'en chargera pour des motifs d'intérêt général. Quid si c'est une chaîne étrangère ou une chaîne spécialisée dans le divertissement qui remporte le marché ? Comment donc articulez-vous les règles actuelles – que vous n'êtes pas censé ignorer – avec votre proposition ?

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Devant cet amendement, je ne puis m'empêcher de penser qu'il faut toujours une sanction, de la prison, des amendes pour quoi que ce soit… Sincèrement, deux mois de prison pour avoir filmé, alors que nous savons que nos prisons regorgent de prisonniers…

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe SOC

Oui !

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Je m'interroge sur le sens que l'on donne à la peine. Il serait tellement plus simple de prévoir, comme dans n'importe quelle salle publique, un local à l'entrée où déposer les téléphones. C'est de la démagogie sans limite que de proposer cela et je suis personnellement catastrophé de voir des choses pareilles.

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J'aimerais rebondir sur les questions de mes collègues. Il y a dans votre argumentation, monsieur le garde des sceaux, des points de faiblesse qu'il faudrait résoudre avant la fin de la discussion sur cet article 1er . Vous dites que cela ne coûtera pas un centime au ministère, que les chaînes, qu'elles soient publiques ou privées, je ne vous fais pas de procès d'intention là-dessus, payeront, que vous comptez faire entrer la justice du quotidien dans le salon des Français. L'objectif est très noble, mais quelque chose ne colle pas dans la manière dont c'est rédigé.

Tout d'abord, cela engendrera des coûts de production et de diffusion, que les chaînes devront bien rentabiliser d'une manière ou d'une autre.

Comment ne pas penser qu'elles sélectionneront certaines affaires, sans doute les plus scabreuses et les plus croustillantes, au détriment d'autres types de contentieux, qui ne seront jamais présentés au public ? Telle est la première utopie que je relève dans votre démarche.

La seconde concerne la diffusion, qui ne serait possible, d'après l'article 1er , qu'une fois les délais de recours purgés et l'affaire définitivement jugée. Mais qui peut croire que vous ferez ainsi entrer la justice dans le salon des Français et qu'une chaîne de télévision trouvera un intérêt à diffuser une émission sur une affaire déjà jugée ?

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est obligatoire !

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Cela n'apporterait strictement rien de plus par rapport à aujourd'hui.

Votre raisonnement souffre de ces deux points de faiblesse. Vous devez y remédier sous peine de devoir revoir vos ambitions à la baisse.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pourquoi une affaire qui a connu son épilogue et qui a été jugée définitivement n'intéresserait-elle personne, monsieur le député ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Si je vous comprends bien, vous estimez en tout cas que l'audience serait faible. Je crois au contraire que le fait qu'elle soit définitivement jugée permettra de nous préserver du trash. Ceux qui veulent le procès en direct et le procès médiatique en parallèle, ce n'est pas sur cette chaîne qu'ils iront les chercher. Nous ne pourrons évidemment pas interdire à certaines chaînes de diffuser du trash et à certaines émissions d'être ce qu'elles sont déjà.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais, croyez-moi, il y a des gens qui s'intéressent à autre chose qu'au trash et qui sont intellectuellement curieux de comprendre comment fonctionne la justice. Tel est le public que nous espérons toucher. Je ne les citerai pas, mais plusieurs émissions de grande qualité permettaient autrefois d'expliquer rétrospectivement les procès – je pense notamment à une émission diffusée sur une chaîne du service public.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur Aubert, vous tremblez à l'idée que nous puissions ne pas faire les choses dans les règles, mais je n'ai pas dit que notre choix était fait, j'ai dit que j'avais une préférence pour le service public. Le ministère de la justice respectera bien évidemment les règles qui s'imposent s'agissant du marché qu'il passera avec la chaîne qui aura été choisie selon le droit positif en vigueur.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

N'ayez crainte ! Il n'est rien de plus terrible qu'un a priori. Vous semblez penser que nous allons forcément mal faire ; nous avons tout au contraire la volonté de bien faire les choses. Vous pouvez tout critiquer en long, en large et en travers : vous faites votre travail d'opposant,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…mais essayons d'être constructifs !

Je veux, pour finir, dire quelques mots de la question de la sincérité, au sujet de laquelle j'ai été interpellé. Aujourd'hui, la presse s'exprime beaucoup par live-tweets – je ne vois d'ailleurs pas en vertu de quoi nous pourrions le lui interdire. Les procès sont donc commentés à la seconde près. Je le mentionne pour répondre aux inquiétudes exprimées tout à l'heure par M. Brindeau sur le risque de débats moins sincères parce que filmés. Aujourd'hui, quand quelqu'un dit « Oh ! » à dix heures vingt-deux, tout le monde sait qu'il a dit « Oh ! » à dix heures vingt-deux !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'ajoute que des journalistes très sérieux, chroniqueurs judiciaires et fins connaisseurs du monde de la justice, avaient envisagé, pour rendre compte d'un procès, de faire jouer certaines scènes par des acteurs. De toute évidence, on y aurait perdu beaucoup : on y aurait perdu par exemple, pour un procès pénal, le regard de l'accusé – si, bien sûr, il accepte que son visage soit diffusé…

Exclamations sur les bancs du groupe FI.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le dispositif que nous proposons reposera sur un régime fondé non pas sur la contrainte, mais sur des précautions multiples. Reste qu'il y a des instants, dans une audience, qui doivent être saisis. La difficulté de rendre la justice relève précisément de ces instants, qui ne peuvent pas être rendus par la fiction, fût-elle de qualité.

Sans doute, mesdames et messieurs les députés, avez-vous besoin que je vous rassure davantage. Nous n'avons rien à craindre à ce que la justice soit vue par nos compatriotes dans son fonctionnement quotidien. Certains magistrats, et parmi eux de hauts magistrats, l'ont d'ailleurs dit eux-mêmes : si certaines audiences avaient été filmées, on n'aurait pas raconté ce que l'on a raconté – vous voyez évidemment à quelle affaire je fais allusion. C'est un point extrêmement important, puisqu'il s'agit d'éviter que l'on dénature les propos des acteurs de la justice. Je pense à un avocat général dont on a rapporté qu'il avait dit « Vous êtes les petits chéris de la République » alors qu'il a tenu des propos totalement opposés. Si l'audience avait été filmée, peut-être certaines personnes n'auraient-elles pas eu l'audace d'exploiter à des fins politiciennes des discours mensongers ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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D'où l'intérêt des caméras du ministère de la justice dans les salles d'audience !

L'amendement n° 382 est adopté.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 167 .

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Vous dites, monsieur le garde des sceaux, que devant les caméras, le magistrat, l'avocat et même le policier qui vient rendre compte de son enquête seront meilleurs ; j'espère que l'accusé et la victime le seront également, mais rien n'est moins sûr. Tout le monde n'a pas vocation à faire l'acteur ou le cabotin. Certaines personnes sont même tétanisées devant les caméras, car elles ont une tendance bien compréhensible à se comporter différemment lorsqu'elles savent qu'elles sont filmées ou enregistrées. Filmer les audiences comporte donc un risque : celui de nuire à la spontanéité et à la liberté des débats,…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Et quand il y a 500 personnes dans la salle ?

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…lesquelles constituent pourtant un élément essentiel d'une audience judiciaire. Et je ne vous parle pas de la solennité de la justice, qui perdra immanquablement de son éclat lorsqu'elle sera regardée d'un canapé un verre à la main.

Les critères d'autorisation d'un enregistrement sonore ou audiovisuel tels qu'ils sont présentés à l'article 1er ne sont pas suffisamment précis.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

D'accord !

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Tout juste est-il indiqué que les modalités de l'enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties. Mais qui va autoriser cet enregistrement ?

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je l'ai dit trois fois !

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Quel est le motif d'intérêt public ? Qui va prendre la décision ? Il faut absolument encadrer l'enregistrement des audiences, ce que ne fait pas suffisamment l'article.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Lisez le texte !

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Il revient au pouvoir législatif – et non au pouvoir réglementaire – de déterminer l'autorité compétente au sein des juridictions pour autoriser un tel enregistrement. Tel est le sens de mon amendement.

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En supprimant l'alinéa 6 de l'article 1er , cet amendement équivaudrait à la suppression globale du dispositif. Pour cette raison et pour toutes celles que nous avons déjà évoquées, avis défavorable. ,

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable également.

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L'image modifie-t-elle le comportement d'un individu ? Telle est au fond la question dont nous débattons depuis tout à l'heure. Vous dites, monsieur le garde des sceaux, que ce n'est pas la même chose de plaider ou de s'exprimer devant un prétoire de 40 ou de 400 personnes : c'est vrai.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas vrai !

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Vous avancez que le prévenu, le magistrat et l'avocat savent que leur voix est enregistrée dans l'hypothèse d'un procès en révision. Soit, mais ce n'est pas la même chose que de se savoir filmé. L'heure n'est pas à un débat sur le pouvoir de l'image, mais ce pouvoir est bien plus puissant que celui de la radio ou du public d'une salle d'audience. Vous-même, monsieur le garde des sceaux, si vous aviez à plaider dans un procès devant une cour d'assises, ne seriez pas le même selon que vous vous savez filmé ou non.

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Il a changé depuis qu'il fait de la politique !

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L'enregistrement télévisuel des audiences entraînera un changement profond, qui n'a rien à voir avec la publicité des débats ou avec une démarche pédagogique à destination de nos concitoyens, mais qui a tout à voir avec le pouvoir de l'image. Or la justice doit être rendue de la manière la plus sereine possible.

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Permettez-moi de reprendre votre exemple pour illustrer les conséquences de l'article 1er , monsieur le garde des sceaux.

Vous mentionnez un procès dans lequel les propos de l'avocat général ont été déformés par des chaînes d'information en continu et des responsables politiques et vous prétendez que rien de tout cela ne serait arrivé avec l'article 1er – je résume à grands traits ! Mais pour que cet article permette réellement d'éviter cette situation, il aurait fallu au préalable que la Chancellerie désigne ce procès particulier comme digne d'une captation télévisuelle, puis que le chef de cour l'autorise, que la chaîne de télévision consente à envoyer une équipe de tournage, que la scène soit filmée, qu'il y ait des mises en cause politiques…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Qu'il y ait des mises en cause politiques ?

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…et qu'enfin le Gouvernement fasse diffuser l'extrait, sans doute au titre de l'article 11. Or, si l'on en croit les critères définis à l'article 1er , il est obligatoire, pour diffuser l'enregistrement d'une audience, que l'affaire ait été jugée définitivement. Votre exemple n'est donc pas valable.

Encore un cas dans lequel vous n'auriez pas pu répondre avec des images au problème concret que vous exposez ! Cessez donc de nous raconter des carabistoules, monsieur le garde des sceaux, et assumez l'objectif politique que vous visez en réalité avec cet article : faire une émission de télévision pédagogique, point barre !

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Lorsque des personnes savent qu'un procès est ou a été filmé, elles sont dissuadées de le commenter à tort et à travers.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Voilà tout ce que je dis ! Elles s'interdisent de raconter le contraire de ce que l'avocat général a dit parce qu'elles savent qu'un jour,…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…lorsque l'affaire aura été jugée définitivement, les images du procès seront diffusées.

En l'occurrence, si nous évoquons la même affaire, il me semble que nous étions déjà en appel quand les propos de l'avocat général ont été repris et déformés. Sauf erreur de ma part, le procès s'est conclu peu de temps après. Quand on sait que dans dix jours, on risque d'être démenti, on évite de mentir et on rapporte les choses telles qu'elles se sont vraiment déroulées.

Et du côté politique, on fait attention à ne pas reprendre des propos mensongers. Carabistouilles : comme vous y allez, monsieur Bernalicis !

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Carabistoules ! Dans le Nord, on dit carabistoules !

L'amendement n° 167 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements, n° 474 et 594 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Gomès, pour soutenir l'amendement n° 474 .

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Je m'excuse auprès de M. le garde des sceaux : cet amendement est un amendement non judicieux ! Cela me rappelle une phrase célèbre de l'un de nos anciens collègues, qui avait déclaré dans cette enceinte : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires ».

Sourires.

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Nous voyons aujourd'hui la nouvelle déclinaison de cet adage : l'amendement judicieux !

Cet amendement non judicieux propose d'appliquer le dispositif à titre expérimental plutôt que de sauter le pas immédiatement. La publicité des audiences est actuellement soumise à un régime d'interdiction absolue, exception faite des archives. C'est également le cas dans plusieurs autres pays européens, dont le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui ne sont pas des États totalitaires. Nous souhaitons sortir de ce régime d'interdiction, mais notre débat, les analyses contradictoires et les risques encourus justifient que nous choisissions la voie de l'expérimentation pendant trois ans et qu'après le bilan, vienne le temps de la décision. Tel est l'objet de cet amendement.

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La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l'amendement n° 594 .

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Sans doute s'agit-il également d'un amendement non judicieux, mais cet amendement de repli, qui vous paraît sans doute étrange, monsieur le garde des sceaux, vise à réconcilier les différentes positions exprimées dans ce débat depuis plus d'une heure, c'est-à-dire à la fois ceux qui sont inquiets et ceux qui souhaitent la réforme.

Nous proposons de prévoir une période d'expérimentation, ce qui permettrait de résoudre la question financière qui ne manquera pas de se poser lorsqu'une chaîne de télévision aura été choisie, mais aussi, compte tenu du nombre d'audiences qui se tiennent chaque année dans notre pays, de préciser les critères objectifs de sélection des audiences retransmises afin d'assurer l'équité entre tous les types de contentieux.

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Tout à l'heure, je me suis exprimé concernant la proposition d'Ugo Bernalicis qui souhaitait instaurer une expérimentation sur cinq ans. Ayant émis à ce sujet un avis défavorable, je fais de même s'agissant de ces amendements. Un tel dispositif sera lourd à déployer, et il reposera sur le diffuseur qui en aura été chargé par la Chancellerie. Comme je le disais, il nécessitera des investissements importants, financiers mais aussi scientifiques et pédagogiques.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

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Il faut donc d'ores et déjà lui donner de la visibilité et de la lisibilité : je suis défavorable à l'idée même d'expérimentation.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Même avis, pour les mêmes raisons. Nous nous sommes déjà expliqués tout à l'heure : l'expérimentation n'est vraiment pas la solution adéquate.

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Monsieur le garde des sceaux, après la loi pour une école de la confiance, voici celle pour la confiance dans l'institution judiciaire. La confiance est un terme souvent utilisé par le Gouvernement qui, faute de résultats, emploie sans doute la méthode Coué. Or à n'en pas douter, notre pays traverse une crise de confiance profonde, particulièrement concernant ses valeurs, et cela se reflète indubitablement dans sa justice. Pourtant, le pacte social repose sur deux jambes que sont la sécurité et la justice.

Eu égard à la triste situation actuelle, notre pays semble plus que jamais dans une position dangereuse. En effet, au-delà des évolutions techniques qui touchent l'institution judiciaire – cela a été largement mentionné dans l'hémicycle –, la réponse pénale doit être à la hauteur de la violence qui gangrène notre société.

Pour réconcilier les Français avec leur justice, puisqu'elle est rendue d'abord et avant tout en leur nom, plusieurs dispositifs sont proposés, comme celui du présent article, qui vise à faciliter l'enregistrement et la diffusion des audiences. Néanmoins, il convient de maintenir l'équilibre nécessaire entre le statu quo et la libéralisation totale de ces enregistrements et de leur diffusion, qui se ferait sans retour d'expérience de la part de nos voisins qui les ont expérimentés, sans consultation préalable de la CNIL – Commission nationale de l'informatique et des libertés – et sans concertation véritable avec les professionnels de la justice du quotidien, notamment les avocats.

C'est l'objet de l'amendement présenté par notre collègue Pierre Vatin, que je tiens à soutenir et qui vise fort justement à proposer une période d'expérimentation préalable. Monsieur le ministre, vous espérez redonner confiance dans la justice. Cela passe aussi par le fait que vous accordiez votre confiance, dans cet hémicycle, à ceux qui représentent la nation. Écoutez aussi les propositions de l'opposition ! Cet après-midi, ici même, le porte-parole du Gouvernement dénonçait le fait que l'opposition ne fasse aucune proposition.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous ne sommes pas d'accord, c'est tout ! Faites-m'en une bonne et je l'accepterai !

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Ce soir, j'ai envie de vous dire : il n'y a plus qu'à !

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J'ai du mal à accepter l'argument développé par le rapporteur et repris par le ministre. Selon eux, on ne peut pas faire d'expérimentation sur un tel dispositif car il représente un investissement trop important – pas tant sur le plan financier, d'ailleurs, qu'en matière de moyens humains et de procédure – pour que l'on prenne le risque de tester avant de décider, de dresser un premier bilan avant une généralisation.

Des expérimentations ont pourtant déjà été lancées dans plusieurs domaines afin de s'assurer que la décision prise était la bonne : c'est un mode de gouvernance qui a fait ses preuves. Nous avons d'ailleurs adopté cette méthode concernant les cours criminelles départementales ; le Gouvernement ayant jugé que l'expérimentation était d'ores et déjà satisfaisante, elles viennent d'être généralisées. Votre argument n'est donc pas recevable pour retoquer cet amendement.

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Ce qui vient d'être dit est complètement vrai et je n'y reviendrai pas. J'ai juste une question, puisque le dispositif ne coûtera rien au ministère de la justice – c'est ce que vous semblez indiquer, monsieur le garde des sceaux, et c'est un problème car il y a là un enjeu de souveraineté, pour le service public de la justice, sur ses propres images. Ma question est donc la suivante, et peut-être une expérimentation permettrait-elle de mieux régler tous ces petits détails : qui sera propriétaire des images ?

Les amendements n° 474 et 594 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à M. Philippe Gomès, pour soutenir les amendements n° 471 et 470 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Puisque l'expérimentation n'a pas été retenue, essayons d'encadrer de manière un peu plus stricte les autorisations qui pourront désormais être délivrées « pour un motif d'intérêt public ». Où commence et où s'arrête le spectre de l'intérêt public ? Cela dépend de la personne qui délivre l'autorisation et du moment auquel elle le fait.

Je propose de nous en tenir à l'étude d'impact, qui est particulièrement explicite sur le sujet. Elle indique que « ce motif d'intérêt public » peut justifier « une autorisation […] en vue d'une diffusion précise, et d'un projet éditorial, pédagogique ou culturel arrêté. » Je propose donc de substituer à la notion d'« intérêt public » celle de « projet pédagogique, culturel ou scientifique. »

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Avis défavorable. Il ne me paraît pas souhaitable d'énumérer tout ce qui peut relever de l'intérêt public ; je pense plutôt que nous devons être pragmatiques. Certains éléments nous viennent facilement à l'esprit aujourd'hui ; d'autres émergeront à l'avenir de la pratique et du débat que de telles émissions télévisées ne manqueront pas de créer. Nous ne devons donc pas nous limiter à une appréciation trop restrictive de ce que peut être l'intérêt public d'images enregistrées dans les salles d'audience en vue de leur diffusion.

Il y a par exemple un intérêt auquel je n'avais pas pensé jusqu'à présent, qui a trait au caractère dissuasif d'une audience pénale.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Exactement !

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Le fait d'y assister pourrait inciter certaines personnes à respecter la loi, tout simplement parce qu'elles se rendraient compte qu'en tant que citoyens, elles pourraient tout à fait se retrouver dans une situation similaire à celle qui leur est décrite et expliquée.

Nous devons donc être très pragmatiques et privilégier un dispositif très souple.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable. Je partage l'analyse de M. le rapporteur, et l'exemple qu'il a donné me semble pertinent. Nous avons voté un certain nombre de textes répressifs mais nos concitoyens, pour beaucoup, ne les lisent pas : ils ne lisent pas le code pénal.

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Il y a même des ministres qui ne le lisent pas ! Je pense à Darmanin !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Cette question de l'exemplarité est souvent soulevée ; elle est lancinante.

Je pense en particulier à une disposition sur la haine en ligne, votée par le Parlement, qui permet de juger en comparution immédiate les haineux du quotidien. Nombre de nos « gamins » profèrent des paroles monstrueuses sur les réseaux en pensant qu'ils ont le droit de le faire, en toute impunité. Je me dis qu'une émission comme celle à laquelle nous pensons pourrait avoir plus d'impact que la loi votée ici même. Il faut dire les choses comme elles sont : qui consulte le Journal officiel ? Certainement pas un gamin ou un adolescent ! Et le code pénal ? Pas davantage !

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Dans ce cas, il faut faire des vidéos pour TikTok !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

En revanche, si une émission montrait que la diffusion de la haine en ligne peut désormais entraîner une comparution immédiate et de graves conséquences, je pense qu'elle aurait des effets relevant de l'intérêt public.

L'« intérêt public », c'est une notion très large mais qui dit parfaitement bien ce qu'elle veut dire. Je pense qu'il ne faut pas la restreindre par d'autres termes et par une précision qui serait finalement nuisible à la philosophie de notre texte.

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On voit bien que les objectifs énoncés dans l'article ne sont pas ceux qui sont véritablement poursuivis. Ce que vous voulez, c'est faire une émission de télévision. Voilà, point ! On ne va pas tourner autour du pot.

Je répète ma question, elle est toute simple et je ne vous ennuierai pas très longtemps – peut-être très souvent, néanmoins, car je la poserai de nouveau tant que je n'aurai pas obtenu de réponse : qui sera propriétaire des images ainsi filmées ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

LFI ! On va vous offrir les films !

Sourires.

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J'avais compris au départ que le « motif d'intérêt public » devait restreindre le champ du possible, de façon à éviter qu'il englobe n'importe quoi. Nous avons donc essayé d'agir en conséquence en nous appuyant sur l'étude d'impact rédigée par le Gouvernement lui-même, selon laquelle la demande doit s'inscrire dans « un projet éditorial, pédagogique ou culturel ». Mais vous nous dites que c'est trop restreint et qu'il faut en rester à la notion d'intérêt public, suffisamment large pour qu'à peu près tout puisse être autorisé. Cela prouve bien que le motif d'intérêt public mis en avant par le Gouvernement dans son étude d'impact n'est pas celui qu'il envisage aujourd'hui.

Les amendements n° 471 et 470 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement n° 168 .

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Avant de le défendre, je voudrais tout de même rappeler – on l'oublie facilement – que nos « gamins », comme vous dites, monsieur le ministre, regardent de moins en moins la télévision. Vous le savez, ils passent de plus en plus de temps sur les réseaux sociaux mais la télévision occupe une part de moins en moins grande du temps qu'ils passent sur les écrans.

S'agissant de l'amendement n° 168 , comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le rappeler en commission, je veux appeler votre attention sur le fait que la publicité des audiences pose une difficulté relative au droit à l'image des personnes qui sont parties au procès comme de celles qui rendent la justice, donc nos magistrats. Afin de les protéger, je vous ai proposé un garde-fou…

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…dont vous n'avez pas voulu en commission, mais je vais persévérer.

Il me semble qu'il serait intéressant de prévoir une disposition autorisant l'enregistrement et la diffusion d'une audience « dans la limite d'un procès par an filmé avec les mêmes magistrats ». On ne pourrait donc pas filmer plus d'un procès par an avec les mêmes juges.

L'objectif est évident : éviter la starification et la justice spectacle. On risque de voir toujours les mêmes visages – vous le savez, monsieur le ministre, à la télévision, il y a de bons clients. Les chaînes ont tendance à toujours aller chercher les mêmes personnes. Si nous voulons éviter qu'elles filment toujours les mêmes procès, avec le « bon » magistrat ou le « bon » avocat, il serait prudent de prévoir des garde-fous à ces dispositions, car la starification ne me semble pas vraiment souhaitable.

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Nous en avons déjà discuté en commission avec Mme Ménard, qui craint que le fait de filmer toujours les mêmes salles d'audience, les mêmes tribunaux, donne lieu à une starification des acteurs de la justice. Encore une fois, l'objectif c'est la pluralité : nous voulons filmer les lieux de justice dans leur diversité et rendre visibles différents types d'affaires, toujours dans l'idée de répondre à un « motif d'intérêt public », c'est-à-dire aux visées pédagogiques et scientifiques que nous avons déjà évoquées, qui rendent nécessaire de retenir un éventail très large de situations.

Le dispositif ne risque donc pas de privilégier des « super-magistrats » ou des « super-avocats » qui se retrouveraient de manière récurrente dans les émissions en question.

Votre amendement pose aussi un problème déjà évoqué en commission : un pôle spécialisé peut traiter trois ou quatre affaires intéressantes durant la même année ; il serait dommage de se priver de la possibilité de filmer pour plusieurs d'entre elles au motif qu'elles sont traitées par un même pôle. Comme en commission, mon avis est donc défavorable.

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De toute façon, ce sera diffusé six ans après !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je veux rassurer Mme Ménard. Vous n'avez pas bien compris, ce ne sera pas la télévision qui fera son marché ! Vous dites que la télévision ira vers le juge vedette ou l'avocat vedette, mais ce n'est pas de cette manière que le système fonctionnera ! Vous l'avez dit tout à l'heure, l'autorisation sera proposée par la Chancellerie et validée par le chef de juridiction concerné. Voilà, n'ayez pas de crainte, madame Ménard ! Aucune crainte ! Défavorable.

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On finira par élire le meilleur juge de France !

Sourires.

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L'amendement semble poser une difficulté car il faudra que tous les délais de recours soient purgés pour que les images puissent être diffusées, souvent plusieurs années après. Allez contrôler ce que l'on pourra filmer et à quel moment les images pourront être diffusées ! C'est impossible à dire.

Au-delà de ce fait, je viens au secours du ministre qui semble avoir quelque difficulté à répondre à la question du collègue Bernalicis. La réponse est dans la non-réponse du ministre : il dit que le ministère ne consacrera pas de moyens publics à ces captations ; ce seront donc les moyens des chaînes, lesquelles seront de facto propriétaires des images puisqu'elles les auront produites. C'est cela qui va se passer, jusqu'à preuve du contraire.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

En quoi est-ce dérangeant ?

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Je ne dis pas que c'est dérangeant, monsieur le garde des sceaux. Je réponds juste à la question de notre collègue pour qu'il passe une nuit sereine…

Sourires.

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J'essaie aussi de vous aider, car vous semblez gêné par la question.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pas du tout !

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Le fait que vous n'y répondiez pas montre qu'il y a un embarras. Il vaut mieux crever l'abcès tout de suite : les chaînes qui filmeront les procès produiront les images et en seront propriétaires. Il faut le dire, c'est comme ça.

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Di Filippo, directeur de cabinet du ministre !

Sourires.

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M. le rapporteur comme M. le garde des sceaux disent, en fin de compte, qu'il faut laisser le dispositif en l'état et ne pas circonscrire la définition de l'intérêt public : ayons confiance, et tout va bien se passer. Vous nous dites, monsieur le garde des sceaux, qu'il y aurait une sorte de codécision entre les chefs de juridiction et le ministère. Mais qui va dire que tel procès d'assises a un intérêt public plutôt que tel autre ? En fonction de quels critères ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous ai déjà répondu, monsieur Brindeau.

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En fonction de la gravité des faits reprochés au prévenu ? En quoi un crime odieux aurait-il une vertu plus pédagogique qu'un crime, disons, moins trash ? À qui revient la décision finale ? C'est de cette réponse dont nous avons besoin. Vous nous dites : faites-nous confiance, tout sera géré dans le décret et, ensuite, dans le dialogue entre la Chancellerie et les chefs de juridiction ; circulez, il n'y a rien à voir ! Non ! Nous sommes là pour comprendre comment les choses vont se passer.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pour comprendre, il faut écouter et, mieux encore, entendre ce que disent ses interlocuteurs. Je vous ai déjà répondu : l'intérêt, ou plutôt les intérêts, car ils sont évidemment pluriels, sont innombrables. Je ne pourrais même pas tous vous les livrer ici. La thématique d'un soir pourrait être : quel est le travail d'un avocat ? Quel est le travail d'un avocat général ? Quel est le travail d'un juge d'instruction ? Quel est le travail d'un enquêteur ? Quel est le travail d'un expert ? Qu'est-ce que la comparution immédiate ? Monsieur Gosselin, pour vous qui aimez le beau rural et le bel urbain, cela pourrait être une affaire familiale.

Il y a autant d'émissions possibles que de problématiques, c'est un champ infini. Et vous voudriez que l'on dresse ici la liste des sujets d'intérêt public susceptibles d'intéresser nos concitoyens ? Monsieur Brindeau, je vous le dis assez fermement, cela n'aurait aucun sens. Nous pourrions y passer un temps considérable, car il s'agit de s'arrêter sur des thématiques, de les expliquer et de les développer.

Cela dit, si vous estimez que nos compatriotes sont suffisamment informés sur la justice de notre pays, dites-le clairement. Au contraire, les attentes sont très fortes. Allez voir un ancien juré, demandez-lui s'il n'a pas appris ce qu'était la justice, et si sa vision de la justice n'a pas été modifiée. Il y a un avant et un après. Eh bien, quand on aura diffusé un film sur une thématique, il y aura un avant et un après, c'est le but. Je veux bien que nous y passions des heures, je veux bien vous répondre, je veux bien tout ce que vous voulez mais, au bout d'un moment, essayez, vous aussi, de m'entendre. C'est comme cela que l'on fait avancer le dialogue, du moins quand on veut le faire avancer.

L'amendement n° 168 n'est pas adopté.

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Je suis saisi de deux amendements identiques, n° 385 et 592 .

La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 385 .

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On a bien compris que les caméras vont entrer dans les prétoires, mais on ne sait toujours pas qui sera demain le détenteur des droits. Si c'est le cas, il faut lever les doutes. Lever les doutes, c'est aussi protéger les citoyens.

L'amendement vise à compléter l'alinéa 6 en précisant explicitement la compatibilité du dispositif avec les garanties apportées par le RGPD – règlement général sur la protection des données – et le droit à l'oubli dont les dispositions sont protectrices des personnes filmées lors du procès. Puisque nous devons aller dans cette direction, œuvrons à une rédaction précise de la loi en apportant ce complément.

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La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l'amendement n° 592 .

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Il me semble particulièrement important de rassurer les parties à un procès sur le droit à l'oubli, qu'elles soient victimes ou accusés, condamnés ou non. On voit déjà, bien souvent, l'effet que provoque, pour certaines personnes, le fait d'être simplement convoquées : il n'en ressort rien, mais ce que l'on retient, c'est qu'elles ont été convoquées, et cela les poursuit. Le droit à l'oubli me paraît donc extrêmement important, a fortiori s'agissant d'un système vidéo. Vous savez bien que l'on retrouve toujours ce que vous avez publié sur Facebook, même dix ans plus tard.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Toutes les garanties sont dans le texte !

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Avis défavorable. Le texte prévoit déjà des dispositions sur le droit à l'oubli ; nous y reviendrons tout à l'heure. Vous évoquez les règlements européens, notamment le RGPD. Je rappelle que ces règlements sont d'effet direct en droit national : il n'y a donc pas besoin de les mentionner dans le projet de loi ni de les transposer. Je précise également que la disposition sera compatible avec la loi dite informatique et libertés. Tout cela est prévu. Je le répète, le dispositif tel qu'il figure dans le projet de loi et tel qu'il a été amendé en commission prévoit le droit à l'oubli pour ceux de nos concitoyens qui seraient filmés dans le cadre de ces enregistrements.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Défavorable. Toutes les garanties ont été prises, toutes. Les rajouter dans le texte serait superfétatoire – en particulier le droit à l'oubli, qui est bien sûr absolument essentiel.

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Il serait plus simple de faire appliquer le droit à l'oubli si le ministère de la justice détenait la propriété des images et pouvait, suivant des règles précises, décider d'arrêter de les diffuser sur son site et de poursuivre ceux qui continueraient à les diffuser après l'expiration du délai. Ce n'est pas ce qui est prévu à l'article 1er . Je remercie le collègue Di Filippo de m'avoir éclairé, même si le doute subsiste : est-ce vraiment la réponse ? Je crains que oui, mais enfin…

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Je sais bien qu'il est fiable, mais si cela venait de la bouche du ministre lui-même, ce serait plus simple. On voit toute la difficulté que nous avons à apporter un certain nombre de garanties, or nous allons nous en remettre à une chaîne qui aura des objectifs d'audimat pour se rémunérer – car il faut bien payer les techniciens et le matériel, tout cela n'est pas gratuit.

On se fait des nœuds au cerveau pour déterminer quels procès choisir, alors que la position la plus raisonnable serait de décider de la publicité audiovisuelle des débats et de mettre des caméras dans toutes les salles d'audience. Ensuite, on déterminerait sur des critères objectifs quelles audiences filmer. Cela pourrait être une audience sur dix : une fois sur dix, on filme, point. Voilà un critère objectif. On fait un roulement et on met la vidéo sur le site du ministère de la justice. Ensuite, n'importe quelle émission de télévision pourrait la reprendre et en faire un commentaire pédagogique, comme c'est le cas des images qui sont filmées ici. Le ministère pourrait même proposer un montage de ses propres images, avec des experts et des professionnels qui expliqueraient ce qui est en train de se passer. Oui, oui, c'est possible au XXIe siècle, en 2021, je vous le jure !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est ridicule !

Les amendements identiques n° 385 et 592 ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de deux amendements, n° 415 et 64 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain David, pour soutenir l'amendement n° 415 .

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Comme l'indique l'étude d'impact, le Gouvernement se donne, dans cet article, un objectif essentiellement pédagogique. Il s'agit de favoriser l'exercice d'une justice « plus transparente et mieux comprise » afin de « restaurer la confiance » que lui porte le citoyen. Beau programme ! Si l'on considère les objectifs assignés à ce dispositif, il apparaît souhaitable que l'enregistrement et la diffusion des audiences soient réalisés par des chaînes du service public, lesquelles, du fait de la mission de service public qui leur incombe, sont les mieux à même de répondre à la visée pédagogique associée à ces diffusions. Sous réserve de la légalité de l'introduction de la notion de service public dans le cahier des charges, la mise en concurrence doit se faire entre les chaînes du service public. L'amendement vise à le préciser.

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La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement n° 64 .

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Je souhaite d'abord remercier M. le garde des sceaux d'avoir cité Daniel Karlin et Tony Lainé. Notre groupe politique a entretenu une relation de camaraderie particulière avec eux et, au-delà de cet élément partisan, c'est grâce à leur travail que, jeune militant, j'ai découvert le monde de la justice.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Et voilà !

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Je ferai simplement remarquer, comme vous le savez sans doute, que Karlin et Lainé travaillaient du lieu de la garde à vue au bureau du juge d'instruction, en passant par l'entretien de l'avocat avec la victime ou avec l'accusé, jusqu'à l'audience, dans un cheminement qui permettait de comprendre comment tout cela se construisait.

Nous sommes plutôt favorables à l'idée de l'article 1er . Nous croyons à la vertu pédagogique d'une justice filmée, d'une justice plus transparente qui, pour reprendre votre expression, aille dans le salon des gens. Néanmoins, je comprends certains amendements. C'est une innovation, puisque le dispositif n'existe pas dans notre pays, sinon de manière exceptionnelle. Comme toute innovation, elle nécessite des garde-fous, et cet amendement en propose un qui ne nous paraît pas minime.

Comment éviter, avec la médiatisation, la justice spectacle ? Il nous semble qu'à partir du moment où le projet de loi justifie la captation et la diffusion par l'intérêt public et pédagogique, la meilleure garantie c'est l'intervention des chaînes publiques, car elles ne sont pas soumises à une concurrence commerciale qui peut provoquer beaucoup de dégâts – je pense à la recherche du sensationnel, de l'audimat à tout prix, du spectacle, etc. Monsieur le garde des sceaux, vous avez déclaré dans des interviews et vous avez répété tout à l'heure ici que votre préférence serait que la diffusion soit assurée par le service public.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui.

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Nous sommes d'accord, mais votre préférence à vous durera le temps que vous serez place Vendôme ; demain, il pourrait y avoir une autre préférence. Il n'y a rien de mieux que la loi pour s'assurer que la diffusion relèvera des chaînes du service public.

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Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

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Ce débat, nous l'avons eu tout à l'heure. M. le garde des sceaux a exprimé son souhait, mais ce n'est qu'un souhait. Le cahier des charges sera rédigé par la Chancellerie. Sur la base de ce cahier des charges, il y aura un appel d'offres. Il sera peut-être remporté par une chaîne publique, peut-être par une chaîne privée…

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Si plusieurs chaînes de télévision sont intéressées par la diffusion de ces images, nous serons bien obligés de faire jouer la concurrence entre elles. Le modèle choisi n'est pas celui du Conseil constitutionnel, qui diffuse en direct ses audiences relatives aux questions prioritaires de constitutionnalité sur son site internet ; nous sommes sur un autre registre. Soyons clairs : il est aujourd'hui impossible, si ce n'est d'exprimer une préférence, du moins de se positionner fermement sur le choix d'un opérateur public ou d'un opérateur privé. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Avis défavorable.

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Monsieur le rapporteur, j'ai bien compris que, pour l'instant, le projet de loi prévoit un appel d'offres. Mais, je suis désolé de vous le dire – c'est le sens de notre amendement –, puisqu'un tel appel d'offres concerne un objet d'intérêt public, vous n'êtes nullement obligés de mettre en concurrence toutes les chaînes publiques et privées.

En effet, la loi pourrait très bien disposer que les appels d'offres pour la diffusion des audiences de justice, s'il doit y en avoir, sont réservés aux seules chaînes publiques, parce que ces questions relèvent de l'intérêt public, qui est promu au mieux par le domaine public, c'est-à-dire par les télévisions publiques – puisqu'il en reste plusieurs.

Juridiquement, votre position n'a donc aucun fondement : nous pouvons inscrire dans la loi un garde-fou important, en réservant la diffusion de telles images aux chaînes publiques.

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Je ne sais pas s'il est possible, juridiquement, d'imposer que la diffusion ait lieu sur les chaînes de l'audiovisuel public. Certains jugeront cela inconstitutionnel, car contraire à la liberté de la presse, à la liberté d'entreprendre, à la liberté du commerce, et ainsi de suite. Ces questions concernent des biens marchands, les droits à l'image, ceux de la propriété, de la réalisation et de la diffusion. Or le caractère public de tout cela n'est pas toujours évident. Si j'étais de droite et mal intentionné, je plaiderais donc l'inconstitutionnalité des amendements – mais ce n'est pas mon cas, je ne le ferai donc pas.

Néanmoins, je rappelle que, pour notre part, nous proposons une autre solution technique : le ministère de la justice capterait les audiences, puis les diffuserait sur son site internet, comme le Conseil constitutionnel le fait pour ses audiences QPC. Les images pourraient ensuite être reprises par n'importe quelle chaîne de télévision, qui pourrait en faire ce qu'elle veut. Et si le ministère de la justice souhaite par ailleurs conclure une convention avec une chaîne publique, pour élaborer des formats pédagogiques de diffusion, voire les cofinancer, très bien !

Vous voyez bien que le dispositif n'est pas correctement ficelé ! Vous voulez que des émissions de télévision de grande écoute permettent de faire comprendre la justice aux gens. Mais peut-être ferait-on mieux, pour cela, d'introduire un peu de droit dans les filières générales de l'enseignement secondaire, par exemple ? Ce serait intéressant et plus efficace – mais laissons cela de côté.

Je ne comprends pas pourquoi vous vous entêtez à refuser…

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…d'entendre nos propositions, alors que, le texte étant mal rédigé, je crains qu'il n'emporte des conséquences funestes, y compris pour le ministère de la justice. Au mieux, tout sera comme avant.

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J'ai probablement été inattentif et je m'en excuse par avance, mais je n'ai toujours pas compris l'objectif poursuivi par le présent article.

Celui-ci prévoit la création d'un régime d'autorisation préalable pour des motifs d'intérêt public. Or l'étude d'impact indique qu'au cours de l'année 2019, une cinquantaine d'autorisations ont déjà été délivrées, en dehors des clous, à des chaînes de télévision et des sociétés de production, pour des reportages divers et variés. Pour partie, l'article 1er vise donc à asseoir juridiquement de telles autorisations.

On comprend également de nos débats que le ministère de la justice prévoit une émission de grande écoute à vocation pédagogique et qu'un appel d'offres est susceptible d'être lancé, selon des modalités qui ne sont pas encore déterminées, avec un cahier des charges en cours de rédaction.

Avec l'article 1er , s'agit-il donc de donner un nouveau cadre légal aux autorisations déjà accordées aux chaînes de production et aux sociétés de production, tout en permettant au ministère de mener sa propre opération ? Ou faut-il comprendre autre chose ?

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L'enregistrement et la diffusion sont scindés. Or, puisque l'enregistrement sera réalisé dans un lieu public, un tribunal, où un service public est rendu, il doit être concédé à un service public et cela doit être notifié dans un cahier des charges bien précis. Rien ne l'empêche, puisque l'on peut introduire des clauses sociales et bien d'autres critères dans les appels d'offres.

À partir du moment où les images appartiennent au service public, à qui l'enregistrement a été confié, libre à celui-ci de les concéder, s'il le veut, ou de les diffuser lui-même. Et je ne pense pas que le Conseil constitutionnel verra d'inconvénient à ce que nous imposions la diffusion de ces images par le service public, si c'est au titre d'une mission de service public bien précise à des fins pédagogiques.

Les amendements n° 415 et 64 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

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Je suis saisi de plusieurs amendements, n° 386 , 595 , 65 , 488 , 472 , 196 et 636 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements n° 386 et 595 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 386 .

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Dans sa rédaction actuelle, le texte subordonne l'enregistrement des audiences non publiques au consentement des seules parties. Or nous souhaitons élargir le recueil du consentement à toutes les personnes concernées par la procédure, à tous les acteurs de justice présents. Cette sécurité doit être donnée et le dispositif mieux encadré.

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La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l'amendement n° 595 .

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Cette proposition fait pendant à celle de tout à l'heure, concernant le droit à l'oubli. Il s'agit de la protection de chacun.

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La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l'amendement n° 65 .

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Comme les orateurs précédents l'ont expliqué, il convient de recueillir le consentement de l'ensemble des personnes concernées et pas seulement celui des parties au litige. Pensons particulièrement aux personnels, qui seraient filmés après une simple autorisation administrative, alors qu'il faut solliciter leur consentement, comme nous le proposons dans cet amendement.

Votre dispositif pose des problèmes du point de vue du droit du travail, puisque les agents et les magistrats ne sont pas soumis à l'obligation d'accepter d'être filmés et que la décision serait prise par d'autres qu'eux. L'amendement vise donc à le compléter.

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La parole est à M. Philippe Gomès, pour soutenir les amendements n° 488 et 472 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Ils ont le même objet. En l'état actuel, le texte ne prévoit pas l'autorisation préalable et écrite de l'ensemble des personnes concernées, y compris des professionnels. Bien sûr, on nous explique que les éléments permettant leur identification seront supprimés, pour empêcher celle-ci. Malgré cela, dans certaines circonstances, pour certains cas, certains procès, il ne sera pas possible d'éviter à coup sûr l'identification.

Le groupe UDI et indépendants considère donc que, y compris pour les audiences publiques, l'accord préalable et écrit de l'ensemble des parties, mais également des professionnels, doit être sollicité avant que l'enregistrement puisse être effectué.

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La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir les amendements n° 196 et 636 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.

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Dans la même optique que les orateurs précédents, l'amendement n° 196 prévoit le recueil de l'accord de l'ensemble des personnes susceptibles d'être filmées, et non celui des seules parties.

Quant à l'amendement n° 636 , il tend à préciser qu'il faut s'assurer du consentement de chacune des parties pour autoriser l'enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience, qu'elle soit publique ou privée – cela irait mieux en l'indiquant.

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Quel est l'avis de la commission sur les amendements en discussion commune ?

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Permettez-moi de revenir sur le dispositif prévu dans le projet de loi et sur les garanties offertes aux personnes présentes dans la salle d'audience au moment de l'enregistrement des images, comme lors de leur diffusion.

Distinguons entre audience publique et non publique, seules les premières étant accessibles à tous. Ainsi, si la salle où elles se déroulent peut accueillir quarante personnes et que vous vous présentez parmi les quarante premières, vous pourrez voir les visages de tous les acteurs du procès – ceux du public, des juges, des témoins, des victimes, des accusés. Il s'agit ici de la même idée. Nous n'allons pas demander à toutes les personnes présentes dans la salle où se tient une audience publique l'autorisation de les filmer : elles seront sous l'objectif des caméras comme elles sont aujourd'hui sous le regard du public qui assiste aux débats.

C'est seulement pour les audiences privées – qu'elles se déroulent en chambre du conseil, comme les divorces, ou à huis clos, pour la justice des mineurs –, que l'enregistrement d'images sera subordonné, aux termes du projet de loi, à une autorisation préalable des parties.

J'en viens à la diffusion des images enregistrées. Si l'audience est publique, les parties au procès et les témoins seront floutés, impossibles à reconnaître, totalement anonymisés, sauf s'ils acceptent de paraître à visage découvert. En commission, il a été précisé qu'il leur serait demandé de remplir une autorisation écrite en ce sens et qu'ils pourraient se rétracter, ce qui garantit une double sécurité. En outre, les mineurs, les majeurs incapables, ainsi que certains membres des forces de sécurité intérieure, ne pourront pas donner leur autorisation, ni, a fortiori, se rétracter.

Par ailleurs, quand les audiences se déroulent en chambre du conseil ou à huis clos, les personnes concernées seront automatiquement floutées, impossibles à reconnaître.

En plus de ce dispositif, il faut mentionner le droit à l'oubli, dont nous avons parlé tout à l'heure. Le visage des personnes qui auront donné par écrit leur autorisation pour apparaître lors de la retransmission d'une audience publique sera automatiquement flouté, cinq ans après la première diffusion et dix ans après l'enregistrement. Il sera impossible de les reconnaître. En effet, nous considérons qu'au bout d'un certain temps, après que les images ont été utilisées pour des reportages, le droit à l'oubli doit prévaloir.

Quant aux images enregistrées lors d'audiences en chambre du conseil, ou à huis clos, elles ne permettront bien évidemment jamais l'identification des personnes concernées. En effet, ces audiences nous placent dans l'intimité des gens, ou concernent des mineurs, dont la protection doit être assurée du début à la fin, de l'enregistrement à la diffusion.

À ces dispositions s'ajoute la police de l'audience. Imaginons – l'hypothèse a été évoquée – que l'enregistrement crée une émotion particulière et que le président du tribunal éprouve des difficultés à tenir l'audience. Dans ce cas, celui-ci pourra à tout moment mettre fin à l'enregistrement ou le suspendre, en vertu de son pouvoir de police de l'audience.

Le dispositif est, vous le voyez, parfaitement ficelé. Il garantit la protection des individus, la préservation des droits de la défense, le respect du principe de la présomption d'innocence.

L'important, cela a été rappelé, est que la diffusion des images ne sera possible que lorsque l'affaire aura fait l'objet d'une décision définitive. On évitera ainsi l'écueil du trash ou du sensationnel et, surtout, l'atteinte au principe de la présomption d'innocence dans le cas où il y aurait quelques velléités de diffuser l'image d'un justiciable qui ne serait pas définitivement jugé.

Tel est le dispositif prévu. Mon intervention a été un peu longue, mais j'ai répondu ainsi par avance aux auteurs de nombreux amendements. J'émets un avis défavorable sur l'ensemble des amendements de cette discussion commune.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

M. le rapporteur a rappelé toutes les dispositions pertinentes que nous avons prévues dans le texte. Je n'ai strictement rien à ajouter. Je suis moi aussi défavorable à cette série d'amendements.

Par ailleurs, je souhaite une petite suspension de séance, monsieur le président.

Les amendements identiques n° 386 et 595 ne sont pas adoptés.

Les amendements n° 65 , 488 , 472 , 196 et 636 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq.

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La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements, n° 287 et 678 , pouvant être soumis à une discussion commune.

L'amendement n° 287 fait l'objet d'un sous-amendement n° 856 .

La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir ledit amendement n° 287 .

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Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés soutient le principe de l'enregistrement et de la diffusion des audiences, mais souhaite que ce dispositif très novateur soit encadré, et ce dès le départ, dès le stade de l'autorisation donnée à cette fin.

Au cours des discussions précédentes, de nombreux collègues se sont interrogés sur l'autorité qui serait chargée de donner cette autorisation. La réponse figure dans le projet de loi, à l'alinéa 17 de l'article 1er : « Les conditions et les modalités d'application du présent article, notamment la désignation de l'autorité compétente au sein des juridictions pour décider l'enregistrement prévu au I, sont précisées par décret en Conseil d'État. » Or nous pensons qu'il appartient non pas à l'exécutif, mais au législateur de déterminer l'autorité compétente en la matière.

Je peux difficilement faire abstraction du sous-amendement déposé par M. le rapporteur. Si vous m'y autorisez, monsieur le président, je m'exprimerai à ce sujet, d'autant que M. le ministre l'a fait lui-même, puisqu'il a indiqué à plusieurs reprises que le ministre propose et l'autorité judiciaire dispose.

Dans notre amendement, nous avons prévu que l'autorisation sera donnée par les chefs de cour – ou le vice-président du Conseil État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, s'agissant de ces juridictions. Vous souhaitez, monsieur le rapporteur, remplacer le terme « donnée » par « délivrée ». Les mots ont un sens, et je craignais qu'il ne s'agisse que de délivrer une sorte de reçu, c'est-à-dire que la décision ne consiste en réalité qu'à confirmer une proposition. Dès lors, je ne voyais guère l'intérêt d'une telle substitution. Les propos de M. le garde des sceaux m'ont un peu rassurée : il s'agira bien, je suppose, de donner ou de délivrer une autorisation. Pouvez-vous néanmoins me préciser, monsieur le rapporteur, pourquoi vous avez choisi le terme « délivrée » ?

Je souhaite vous poser une seconde question. Vous prévoyez que le ministère de la justice sera le « guichet d'entrée » des demandes d'autorisation. Vous faites valoir qu'il convient de respecter un équilibre, du point de vue tant de la géographie que du type d'audience : il ne faudrait pas que l'on enregistre toujours les mêmes procès, ou toujours au même endroit. Je suis sensible à cet argument, mais le filtre du ministère ne pose-t-il pas tout de même une difficulté au regard des dispositions de la loi sur la liberté de la presse ? Pour ma part, je n'ai pas prévu une telle intervention du ministère, estimant qu'elle pouvait être interprétée comme une immixtion.

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La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n° 856 .

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Il porte sur l'amendement que vient de défendre Mme Laurence Vichnievsky. Madame, je suis d'accord avec vous sur le principe : la loi doit indiquer qui autorise les enregistrements. Nous avions eu cet échange en commission et je vous avais dit que sur le principe, j'étais d'accord pour ne pas renvoyer à un décret en Conseil d'État la désignation des autorités à même de donner cette autorisation. Il est donc souhaitable de l'inscrire dans la loi.

Conformément aux explications de M. le ministre, le sous-amendement vise à préciser que la porte d'entrée est le ministère lui-même, la Chancellerie. C'est d'ailleurs le cas pour la plupart des enregistrements effectués aujourd'hui dans un cadre contra legem.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui !

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Cela se fait par la porte d'entrée du ministère ; les demandes sont présentées au garde des sceaux, avant de descendre dans les juridictions.

J'ai employé les mots « délivrer une autorisation », qui me semblaient plus conformes et plus judicieux que « donner une autorisation ». Je n'en fais pas une affaire d'État, je pense que délivrer et donner, en l'espèce, veulent dire la même chose. Mon sous-amendement vise principalement à préciser que la porte d'entrée est bien la Chancellerie. Celle-ci proposera et les autorités compétentes disposeront, sur la base de cette proposition.

Madame Vichnievsky, vous souhaitez que les chefs de cour donnent l'autorisation pour les juridictions qui dépendent d'eux. Le sous-amendement indique que cela ne vaut ni pour l'ordre administratif ni pour le Tribunal des conflits. Il précise également quels seront les chefs de juridiction du Tribunal des conflits, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs qui, à l'instar des chefs de juridiction des cours d'appel, pourront donner l'autorisation, sur la base de la proposition de la chancellerie. Je serai favorable à l'amendement n° 287 sous-amendé.

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Dans la discussion commune, la parole est à Mme Cécile Untermaier, pour soutenir l'amendement n° 678 .

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Je voulais simplement faire une petite observation et interroger le rapporteur et le ministre. Il est question d'enregistrement et de diffusion : nous sommes d'accord que l'enregistrement a lieu, que l'audience soit publique ou non ; bien évidemment, les magistrats sont alors à découvert. En revanche, lorsque la diffusion sera envisagée, il est exclu, en l'état actuel du texte, que les personnels, en particulier les magistrats et les greffiers, puissent faire valoir leur souhait d'être floutés. C'est sur ce point-là que nous nous interrogeons, parce que nous pensons que nous devons protéger le juge. Si celui-ci se trouve dans une situation dans laquelle il ressent une insécurité, il doit pouvoir exiger le floutage lors de la diffusion. J'espère que cette situation est clarifiée et je souhaite avoir une réponse sur ce point.

L'amendement traduit l'argument relatif à l'incompétence négative que j'ai présenté lors de la motion de rejet : c'est évidemment au législateur de décider qui, au sein de l'autorité judiciaire, doit autoriser l'enregistrement et la diffusion. En ce sens, je souscris à l'amendement de Laurence Vichnievsky.

Je pense qu'il n'y a pas de malice dans la substitution des termes « donner » et « délivrer ». Il est vrai que « délivrer » laisse croire à une forme d'automatisme à la suite de la réception d'un dossier, alors que « donner » évoque une beaucoup plus grande autonomie de l'autorité concernée. Je vous donne quitus, si je puis dire, à ce sujet.

Notre amendement n'aura pas la chance ou le privilège d'être sous-amendé : il recevra un avis défavorable. Nous considérons que les chefs de cour, dans leurs juridictions respectives, doivent s'approprier ce service public de communication et décider de l'enregistrement ou de la diffusion, avec l'ensemble des personnels, en consultant les chefs de juridiction. Les chefs de cour doivent avoir la main sur ce qu'ils considèrent comme utile à la communication du service public de la justice. Cela ne signifie pas que le garde des sceaux et la Chancellerie n'ont rien n'a dire, bien évidemment ; ils disposent de la voie de la circulaire et de celle du service. Mais il me semble très important de conserver à la justice l'appropriation de son outil de communication.

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Nous avons bien compris que M. le rapporteur était favorable à l'amendement n° 287 sous-amendé ; peut-il nous donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 678  ?

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Demande de retrait ou avis défavorable. J'apporte une précision par rapport à ce que je disais tout à l'heure : l'intérêt de faire de la Chancellerie une porte d'entrée, c'est aussi d'apporter le gage d'une variété du type d'audiences enregistrées à des fins de diffusion.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mais bien sûr !

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C'est également une garantie en matière de répartition géographique des audiences. Cela répond donc bien à l'exigence d'intérêt public qui est au cœur du dispositif.

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Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements et le sous-amendement ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La Chancellerie a à sa disposition, si j'ose dire, le vivier des affaires – pardon de m'exprimer ainsi. Comme on veut justement aller dans tous les territoires, au pénal ou au civil selon les thématiques, il est très important que la Chancellerie, qui a une vision « panoramique » de tous les procès à venir, puisse proposer. Mais il est normal également que les magistrats disposent ; c'est comme ça qu'il faut l'entendre.

Si la Chancellerie recueille les différentes autorisations, avec cette vision panoramique de la situation, c'est du travail en moins pour les juridictions. Il ne faut pas y voir de malice. Tout à l'heure, j'ai entendu parler de choix des procès et de choix des experts…

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C'était en commission, il y a deux semaines !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous allons simplement faire de façon légale ce qui se fait aujourd'hui sans que les choses soient encadrées.

Madame Untermaier, les juges et les greffiers seront floutés, sauf s'ils y renoncent en donnant une autorisation. Je rappelle que, dans le système actuel, tout le public qui peut entrer dans la salle d'audience voit les magistrats et les greffiers, et que, souvent, le nom du magistrat est dans la presse. Les précautions seront prises : normalement, les visages seront floutés, sauf si les personnels – on va le dire comme ça – donnent une autorisation.

Il y a un autre risque si la Chancellerie n'intervient pas : on ne filmera que du pénal à Paris, parce que ce sera le plus simple. Or justement, le texte vise le contraire : je souhaite même – je l'ai dit – que les procès présentés ne soient pas les grands procès médiatiques déjà suivis par la chronique judiciaire qui fait son travail. Je pense à des procès différents ; j'ai expliqué tout ça tout à l'heure, je n'y reviens pas. Mais c'est pour cela qu'il faut la double autorisation.

Je demande le retrait de l'amendement de Mme Untermaier. Celui de Mme Vichnievsky est particulièrement bienvenu et j'y suis favorable, sous réserve naturellement que le sous-amendement de M. le rapporteur soit adopté. Ce n'est pas un avis défavorable, comme vous le subodoriez, madame Untermaier, c'est une simple demande de retrait.

Sourires.

Mêmes mouvements.

Le sous-amendement n° 856 est adopté.

L'amendement n° 287 , sous-amendé, est adopté. En conséquence, l'amendement n° 678 tombe.

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La parole est à M. Meyer Habib, pour soutenir l'amendement n° 551 .

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Le 14 octobre 2020, j'ai déposé une proposition de loi visant à autoriser le filmage des procès d'assises en matière de terrorisme. Je suis heureux de constater qu'avec ce projet de loi, par dérogation au premier alinéa de l'article 38 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l'enregistrement sonore ou audiovisuel d'une audience pourra être autorisé pour un motif d'intérêt public en vue de sa diffusion. Mon amendement a pour objectif d'aller plus loin : il veut rendre automatique le filmage des audiences relevant des crimes terroristes prévus au titre II du livre IV du code pénal.

Monsieur le garde des sceaux, vous le savez mieux que quiconque : en octobre 2017 s'est ouvert le procès d'Abdelkader Merah, frère du terroriste de Toulouse qui a tué sept personnes en mars 2012, dont Gabriel et Arieh Sandler et la petite Myriam Monsonego, à bout portant, dans l'école Ozar Hatorah de Toulouse. Devant l'intérêt historique que ce procès représentait, la famille du pauvre Mohamed Legouad, l'un des militaires assassinés, avait demandé l'enregistrement vidéo de l'audience. La présidente de la cour a refusé. Pourtant, l'histoire nous a tristement démontré que cette terrible affaire avait, hélas, un intérêt historique ; elle préfigurait de nombreux autres attentats terroristes djihadistes qui se sont depuis déroulés sur notre sol.

Le procès des attentats de janvier 2015 – ceux de Charlie Hebdo, de l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes à Paris et de Montrouge –, ouvert le 2 septembre 2020 devant la cour d'assises spéciale de Paris, a été intégralement filmé ; c'est donc possible, mais c'est une pratique très rare dans les faits. Seule une dizaine de procès ont été filmés ou sonorisés depuis la promulgation de la loi du 11 juillet 1985 tendant à la constitution d'archives audiovisuelles de la justice.

Si vous me le permettez, je voudrais citer votre illustre prédécesseur Robert Badinter, lorsqu'il présentait son projet de loi dans l'émission « L'Heure de vérité », rendez-vous politique télévisé des années 1980 : « L'audience est ouverte. Les journalistes entrent librement, c'est une garantie des libertés. Il faut que la presse soit présente dans les grands procès. Pourquoi les caméras n'y seraient-elles pas ? »

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr !

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À l'ère de la communication numérique, ce constat garde plus que jamais toute son actualité. C'est pourquoi l'amendement vise à rendre systématique le filmage des procès de crimes terroristes.

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Je comprends l'intérêt de votre amendement, mais il est déjà largement satisfait puisque la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (LPJ) prévoit que l'enregistrement du procès est de droit dans les affaires de terrorisme, à la demande du ministère public. La diffusion peut avoir lieu sans autorisation préalable dès que la décision de justice est devenue définitive. Les cas que vous visez sont donc pris en considération par cette disposition de la LPJ : il est possible de filmer, à la demande du ministère public – c'est de droit –, considérant que l'enregistrement de ces procès revêt un caractère historique.

L'article 1er du projet de loi n'a pas de lien avec cette disposition utile et nécessaire, relative à des situations déjà encadrées par le droit. Il concerne ce que j'appelle la justice du quotidien, les petites affaires, qui sont également importantes pour la pédagogie que nous devons à nos concitoyens.

Je demande donc le retrait de l'amendement, considérant qu'il est en bonne partie satisfait et qu'il n'entre pas dans le périmètre de l'article 1er . J'en comprends néanmoins tout à fait l'intérêt.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je tiens, monsieur le député, à vous apporter quelques précisions. Tout d'abord, un procès en matière de terrorisme peut être filmé dans les conditions qui ont été rappelées s'il présente un intérêt historique. Le dernier procès qui s'est déroulé devant la cour d'assises de Paris a fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel et celui qui viendra prochainement le sera également.

L'article 1er porte sur un registre différent et vise à montrer à nos compatriotes différents types de procès : des grands, des petits, des procès civils, des procès pénaux, commerciaux ou en droit de la famille. Rien n'empêche donc que l'un de ces procès concerne une affaire de terrorisme, sachant qu'il ne sera diffusé qu'une fois qu'il connaîtra son épilogue, puisque ne seront diffusés que les procès ayant autorité de la chose jugée. Mais il ne sera pas possible de filmer tous les procès en matière de terrorisme, dans la mesure où nous souhaitons procéder par thématiques : pourquoi pas un procès en matière de terrorisme, qui intéresse tous nos compatriotes, puis un procès d'assises et ensuite une cour criminelle départementale, puis une correctionnelle et une comparution immédiate ?

Le fait de filmer tous les procès en matière de terrorisme ne correspondrait pas à ce que je souhaite à des fins pédagogiques. Certes, il sera possible d'en filmer un – nous venons d'en discuter –, puisque la Chancellerie pourra le proposer et que la juridiction concernée pourra l'accepter : nous serons dès lors dans le cadre d'une explication pédagogique. Je le concède, en matière de terrorisme, la pédagogie et l'histoire sont très proches.

Vous avez évoqué l'affaire Merah : j'aurais beaucoup aimé que ce procès soit filmé. Il fallait en effet d'abord répondre à la question suivante : est-il possible de défendre Merah, l'incarnation du mal absolu ? Il fallait ensuite rappeler que la différence entre la civilisation et la barbarie, c'est la règle de droit, ce qui, d'un point de vue pédagogique, est extrêmement important. J'entends donc ce que vous dites.

Je vous remercie aussi d'avoir repris la formule de Robert Badinter, qui figurait dans mes notes – c'est une confidence que je vous livre – et que je comptais utiliser ultérieurement : vous m'avez coupé l'herbe sous le pied, mais je ne vous en veux pas !

Sourires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pour les raisons que j'ai évoquées, je ne suis pas favorable à votre amendement, même si, naturellement, j'en comprends le sens et l'essence.

Et ne vous inquiétez pas, monsieur Lassalle, je reprendrai cette citation ! Elle est tellement belle, en plus !

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Il faut s'interroger sur les procès des terroristes, car ce qu'ils veulent, c'est faire régner la terreur et faire parler d'eux. Leur donner l'occasion de passer à la postérité n'est peut-être pas indiqué. Il faut faire preuve d'une extrême prudence, afin de ne pas mettre en valeur un acte ou un geste qui s'en prendrait à notre société.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

On ne les met pas en valeur !

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On dit, par exemple, qu'il ne faut pas communiquer le lieu où est enterré un terroriste, parce qu'il deviendrait, pour certaines personnes, un véritable mausolée, un lieu de pèlerinage.

Murmures.

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Oui, il faut le considérer ainsi et éviter de faire de la publicité à des gens aussi exécrables, qui ne méritent que le mépris.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce que vous dites est vrai, monsieur le député, mais on peut aussi, par le truchement d'un film de cette nature, démontrer à quel point certains des terroristes, islamistes en l'occurrence, n'ont absolument aucune connaissance de la religion, ce qui peut être utile pour les gamins tentés par le séparatisme.

Nous ne pouvons pas nier l'intérêt des films tournés lors du procès de Nuremberg, du procès d'Eichmann ou de celui du bourreau de Treblinka : relevaient-ils du prosélytisme ou de l'explication judiciaire ? Quand je les regarde, c'est la seconde réponse qui vaut. Certes, ce que vous dites est vrai, mais il existe aussi de nombreuses personnes qui s'écarteront de telles idéologies, nazies, mortifères, islamistes, parce qu'ils auront vu ces films et constaté que, souvent, d'un point de vue idéologique, les accusés sont pitoyables.

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Vous êtes un humaniste, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'essaie, monsieur le député !

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Je suis très sensible à l'amendement de mon collègue Meyer Habib. Il diffère de votre argumentation, monsieur le rapporteur, puisqu'il propose que, pour tous les procès pour terrorisme, il y ait systématiquement un enregistrement au service de la mémoire collective. Cela ne signifie pas, monsieur le ministre, que leur diffusion sera systématique. Vous dites que votre objectif est de pouvoir filmer dans le sud de la France ou en Bretagne, un procès pénal, un procès au civil. Certes, mais l'un n'exclut pas l'autre. Cet amendement présente un intérêt certain du point de vue de la mémoire collective.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ce n'est pas l'article 1er !

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Il reste que je ne comprends pas pourquoi vous ne donnez pas un avis favorable à l'amendement de M. Meyer Habib. Votre argumentation n'est pas exclusive de la sienne. Pour la mémoire collective de notre société, les procès en terrorisme devraient être tous filmés, ne serait-ce que pour les archiver : ils pourraient par exemple être conservés par l'INA – Institut national de l'audiovisuel –, si l'on ne souhaite pas les diffuser. Le jour où on en aurait besoin, si l'on décide d'y travailler, on pourrait utiliser ces images. Puisque vous semblez affectionner les émissions de télévision, certains d'entre eux pourraient donner lieu à une émission particulière. Cela présenterait un véritable intérêt pour notre société.

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Je rejoins ma collègue : il ne s'agit pas de diffuser, mais – et ce sont deux choses différentes – d'enregistrer et de filmer de façon systématique et obligatoire. Me dites-vous que c'est le cas ? Ce n'est pas ce qui s'est passé en 2015,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est vrai !

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…ce que l'actuel garde des sceaux a regretté à l'époque, et manifestement aujourd'hui encore. Pourquoi devrais-je retirer mon amendement ?

J'en reviens à l'intervention de mon collègue David : je ne suis pas d'accord avec ce qu'il dit des films des procès terroristes. À l'inverse je suis totalement contre la prochaine réédition par Fayard de Mein Kampf, quand bien même, demain, l'éditeur, que le groupe d'études sur l'antisémitisme doit auditionner, nous expliquera qu'elle a des vertus critiques et pédagogiques. Je considère que c'est un autre débat. L'essentiel, en matière de terrorisme, de djihadisme, de crimes contre l'humanité, c'est de conserver une trace visuelle et sonore parfaite, témoignant des divers moments des audiences et des réactions au cours du procès : c'est extrêmement important.

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Je suis partagé, si l'on considère la perspective d'une mise en valeur de certaines personnes, qui pourraient tenter de se glorifier de leurs actes. La relecture attentive de l'amendement de notre collègue indique qu'il ne concerne pas la diffusion, mais la captation, ce qui fait une grande différence, puisque l'on peut capter pour l'histoire, pour l'avenir, pour les archives, pour conserver une trace qui, par la suite, pourra être exploitée par des historiens, avec un regard très critique et, peut-être, le cas échéant, juger, dans un certain nombre d'années, qu'une diffusion est possible. La qualité des archives est en effet susceptible d'être reconnue, avec une durée de conservation, prévue par des textes, ce qui existe déjà puisque cela a été fait pour d'autres grands procès, pour des crimes contre l'humanité – je ne cherche évidemment pas à banaliser les crimes contre l'humanité en les évoquant.

Une chose est de savoir si l'on doit diffuser ; une autre de savoir si l'on doit enregistrer, et donc conserver pour l'avenir. Le devoir de mémoire, le devoir citoyen, la pédagogie exigent de garder trace de ce qui est innommable, pour essayer de le déconstruire, pour pouvoir en faire œuvre, le cas échéant et par la suite, de pédagogie. Donc, à titre personnel, je suis très favorable à cet amendement que je voterai.

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Je réagis parce que Mme Ménard considère que je n'ai pas vraiment répondu aux arguments de notre collègue. Ils se fondent sur ce qui s'est passé pour un procès remontant à 2015 alors que j'évoque une loi datant de 2019, qui permet de filmer tous les procès : c'est possible de droit à la demande du ministère public.

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Tout à fait, mais ce n'est pas obligatoire !

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Il est permis de penser que, lorsqu'un procès a un intérêt public, le ministère public, garant de l'intérêt public, notamment s'agissant de la justice rendue sur son territoire, demandera l'enregistrement qui sera archivé.

Alors que votre amendement – visant à enregistrer des procès à des fins d'archivage – est satisfait par la loi de 2019, qui fait d'ailleurs référence aux crimes contre l'humanité, l'article 1er concerne l'enregistrement à des fins de diffusion principalement du travail de la justice du quotidien, ce qui est différent. Cet article comporte des préventions qui ne seraient pas du tout souhaitables pour le type de procès que vous évoquez : je ne suis pas certain qu'il soit utile d'y flouter tous les visages, ni de produire des bips à chaque évocation d'un nom. Nous ne sommes donc pas du tout sur le même registre. C'est la raison pour laquelle je vous invite à retirer votre amendement.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Nous avons très envie de soutenir votre amendement, mais nous ne pouvons pas.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, parce que ce que vous souhaitez au fond, c'est une révision de la loi de 2019.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Notre objectif est de filmer pour diffuser, et vous nous demandez de filmer, pour ne pas diffuser. Nous deviendrions ainsi la mémoire, les archivistes, des procès en matière terroriste : ce n'est pas du tout l'objet du présent texte.

Oui, un procès en matière terroriste sera filmé une fois, car il est essentiel de montrer à nos compatriotes comment il fonctionne. Celui-ci comportera peu d'accusés et se déroulera sur un temps assez court, pour pouvoir le présenter le plus complètement possible dans le cadre d'une émission de télévision, qui ne peut pas durer cinq ou six heures.

Au passage, l'idée d'une diffusion sur le site du ministère de la justice me paraît totalement saugrenue.

Vous souhaitez, monsieur Habib, modifier la loi de 2019. Bien sûr que le cœur nous dit d'accepter votre amendement ! Mais la raison et le droit nous disent le contraire. Je vous le répète : nous voulons filmer pour faire œuvre de pédagogie, pas pour stocker.

C'est la mort dans l'âme que je suis défavorable à votre amendement.

L'amendement n° 551 n'est pas adopté.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire.

La séance est levée.

La séance est levée à minuit.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra