Séance en hémicycle du mardi 18 mai 2021 à 15h00

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, demain commence la première des trois étapes de déconfinement telles que définies par le Président de la République. À cette occasion, le Gouvernement souhaite accélérer la vaccination. Or les Français ont besoin de savoir comment vous envisagez la période estivale. En effet, la moitié de nos soignants – épuisés – va alors se retrouver en vacances, ce qui est bien légitime. Quant aux Français, ils vont se déplacer, par millions. Le ministre des solidarités et de la santé a indiqué qu'il faudrait qu'ils organisent leurs vacances en fonction de la vaccination, ce qui est pour la plupart d'entre eux strictement impossible.

Dans le même temps, vous expliquez que vous allez mettre plus de vaccins à disposition dans les zones de vacances, en particulier sur le littoral. Seulement, les Français qui, en accord avec leurs employeurs, ont déjà fixé la date de leurs congés, ne peuvent pas savoir aujourd'hui quand ils seront vaccinés. La réalisation de la seconde injection posera des problèmes insurmontables. Aussi, si l'on veut accélérer la vaccination, est-il nécessaire que le Gouvernement anticipe. Nous attendons donc que vous nous expliquiez ce que les Français doivent faire pour recevoir deux doses de vaccin cet été.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Pour réussir la vaccination cet été, il faut d'abord que nous poursuivions nos efforts. Et je tiens ici à féliciter tous ceux qui ont concouru au franchissement du cap très important, que j'avais fixé pour le 15 mai dernier, de 20 millions de nos concitoyens devant avoir reçu une première dose.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Je tiens à souligner que c'est un effort collectif redevable à l'ensemble des professionnels de santé, à tous ceux qui, dans les centres de vaccination, sont mobilisés sept jours sur sept.

Mêmes mouvements. – Protestations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Je crois qu'ils méritent la reconnaissance de la représentation nationale unanime.

Nous allons continuer notre effort puisque nous allons recevoir 16 millions de doses au mois de mai et 30 millions au mois de juin.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

J'en profite, avant de répondre à votre question, monsieur le président Lagarde, pour rappeler que nous poursuivons deux objectifs – que du reste nous partageons. Le premier consiste à ne perdre aucune dose,…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…et nous l'atteindrons en élargissant, comme nous avons commencé de le faire, les cibles vaccinales. Le second consiste à ne pas perdre de vue qu'il y a des priorités vaccinales qui restent celles que je vous avais indiquées au mois de décembre dernier à l'occasion du débat consacré à la stratégie du Gouvernement. Je vous rappelle que ne sont pas encore vaccinés environ 4 millions de nos concitoyens soit qui ont plus de 75 ans, soit qui souffrent de comorbidités qui les rendent particulièrement vulnérables à la maladie, c'est-à-dire qui ont plus de risques que les autres d'aller à l'hôpital voire, en réanimation. Ces personnes restent plus que jamais la priorité de notre politique vaccinale.

Pour ce qui est de la période estivale – je vous signale au passage que nous sommes déjà en train de préparer les étapes suivantes comme le rappel vaccinal de cet automne et la vaccination des adolescents et des enfants –, oui, vous avez parfaitement raison, nous devons anticiper, sur les lieux de destination de nos concitoyens, en renforçant la possibilité pour ceux-ci de se faire vacciner. Mais pas seulement pour recevoir leur seconde dose : il faut en effet qu'ils prévoient autant que faire se peut – je dis bien : autant que faire se peut – leurs dates de vacances afin de recevoir leur seconde injection sur les mêmes lieux que la première.

Nous allons donc, en lien avec le ministère des solidarités et de la santé, les agences régionales de santé (ARS) et les centres de vaccination, organiser une planification de la livraison des doses en fonction de ces impératifs.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci pour votre réponse, monsieur le Premier ministre. Dans l'esprit de responsabilité qui les caractérise, les députés du groupe UDI et indépendants vous font trois propositions.

Premièrement, il s'agirait d'ouvrir très rapidement la vaccination aux plus jeunes qui vont partir entre le 15 juin et le 15 septembre, qui vont beaucoup se déplacer, faire la fête et qui pourraient être la source d'une nouvelle vague de contamination. Puisque les doses arrivent, c'est possible ; aussi, s'il vous plaît, faites-le rapidement.

La deuxième proposition concerne le pass vaccinal, désormais opérationnel.

Troisièmement, quand vous êtes vacciné, vous recevez un QR code sur votre application TousAntiCovid. Or il existe une solution très simple pour un Français qui ne peut plus changer la date de ses vacances et ne pourra recevoir sa seconde dose à l'endroit où il a reçu la première : grâce au QR code, il pourra se faire vacciner une seconde fois, à la bonne date, sur son lieu de vacances. Voilà qui ferait avancer les choses.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, nous exigeons de la police républicaine qu'elle soit exemplaire. En retour, la République doit être exemplaire avec ses policiers. Ils nous protègent, nous devons les protéger.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À défaut, nous manquerions à notre devoir, celui de garantir l'autorité de l'État.

L'autorité n'est pas un gros mot lorsqu'elle s'exerce au service de la justice et du droit. L'autorité n'est pas une obscénité lorsqu'elle protège les plus vulnérables. L'autorité n'est pas une offense quand elle garantit nos libertés. Or cette autorité est menacée chaque fois que les meurtres sont banalisés, lorsque les agressions, les intimidations sur les policiers, les gendarmes ou leurs familles sont négligées.

Demain, nous serons naturellement, comme beaucoup d'autres ici, aux côtés de ceux qui gardent la paix pour leur signifier notre respect et notre soutien.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais les mots ne suffiront pas. Pas davantage que la présence incongrue de votre ministre de l'intérieur.

C'est le continuum police-justice-pénitentiaire qu'il faut revisiter. De ce point de vue, la logique du Beauvau de la sécurité manque sa cible en n'associant pas l'ensemble de ces services publics.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Policiers, gendarmes, magistrats, surveillants pénitentiaires, conseillers d'insertion et de probation forment la même chaîne pénale.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un maillon vient à céder ? C'est l'ensemble de la chaîne qui est brisée. Aussi chacun doit-il être consolidé.

Quand entendez-vous faire dialoguer ces différentes forces qu'il ne faut pas opposer mais conjuguer autour d'un but commun ? Les policiers, bien qu'acteurs déterminants de réponse pénale, sont trop peu associés à celle-ci. Les contraintes procédurales se sont empilées, identiques quel que soit le niveau de gravité des actes considérés. Comment et quand comptez-vous agir ? La sécurité est un bien commun. Elle suppose non pas les surenchères démagogiques mais l'inébranlable détermination de la nation tout entière.

Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Le Gouvernement partage beaucoup de ce que vous venez de dire tant la police républicaine, la gendarmerie nationale sont, au-delà des gouvernements et des majorités successifs, les vigies de la sécurité publique, les protecteurs des libertés fondamentales et, en fin de compte, les premiers acteurs sociaux d'un territoire puisque la sécurité, c'est bien sûr la protection des plus faibles, ceux qui n'ont pas les moyens de se payer cette protection privée que nous ne souhaitons pas voir comme réponse à leurs difficultés, à la violence qui peut toucher les sociétés occidentales.

Vous évoquez le Beauvau de la sécurité, mais c'est bien peu en suivre les travaux que de ne pas voir que la réponse est comprise dans votre question… Votre sensibilité politique y est pourtant représentée, je pense à un sénateur socialiste qui pourrait vous indiquer que, précisément, au moment où nous évoquons ces questions avec le garde des sceaux, l'autorité judiciaire est particulièrement mise en avant dans les relations avec la police et la gendarmerie. Le garde des sceaux lui-même y sera présent – aussi n'hésitez pas à le consulter –, la semaine prochaine avec les représentants des organisations syndicales de la police, avec ceux de la gendarmerie, avec ceux des élus locaux.

Je rappelle au passage que la première adjointe de M. Rebsamen, maire de Dijon, qui, je crois, appartient à votre famille politique, y participe activement. D'ailleurs, je remercie le maire de Dijon qui a pris soin de saluer notre important travail en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants et de soutenir, malgré nos différences politiques, l'action du Gouvernement.

Il est en effet important de soutenir la police et, si je puis me permettre, il faut la soutenir tout le temps et à tout moment.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – « Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Pro patria vigilant – « Ils veillent pour la patrie », cette devise de la police est aujourd'hui incomplète : les forces de l'ordre ne se contentent pas de veiller mais se sacrifient au service de la population. Stéphanie Monfermé, 49 ans, poignardée à Rambouillet, Éric Masson, 36 ans, abattu en plein centre-ville d'Avignon, Arno Mavel, Rémi Dupuis, Cyril Morelle tués dans le Puy-de-Dôme en décembre 2020 et tant d'autres noms de victimes, de parents, de filles et de fils tués dans l'exercice de leurs fonctions.

Comment défendre l'ordre républicain quand la réponse pénale n'est pas assez forte ? Le ras-le-bol et les inquiétudes face à l'absence d'autorité de l'État se multiplient, que ce soit nos concitoyens qui craignent pour leur sécurité et ne font plus confiance à la justice, ou les policiers qui ont suspendu leur participation au Beauvau de la sécurité, ou encore les militaires et les policiers qui publient des tribunes pour mettre en lumière un malaise inédit dans la société,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…sans oublier ces fonctionnaires qui se suicident, comme ces jours-ci à Strasbourg et Amiens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, sous la pression des syndicats de police, vous avez annoncé la semaine dernière un durcissement des peines encourues par les agresseurs des membres des forces de l'ordre. Il était temps ! Il a fallu une flambée des violences et des assassinats pour que vous réagissiez. Pourquoi dépendre de l'actualité à l'heure où l'État doit être capable d'anticiper et d'appréhender dans sa réalité le quotidien des policiers ? Or nous faisons face à une justice qui laisse toute une génération de délinquants émerger et sévir.

Pour rétablir la confiance dans l'autorité, il faut rétablir la sécurité mais aussi la justice.

Aujourd'hui, l'Assemblée va examiner un projet de loi « pour la confiance dans l'institution judiciaire ».

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais pas « pour la confiance dans le Gouvernement », en tout cas !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais comment dépasser l'intention quand votre garde des sceaux semble plus préoccupé par sa campagne pour les élections régionales dans les Hauts-de-France que par une réforme pénale plus que nécessaire ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le garde des sceaux, comment pouvez-vous rétablir la justice tout en étant un ministre à temps partiel ? Occupez-vous de rétablir l'autorité dans ce pays, plutôt que de faire des Hauts-de-France votre nouveau prétoire.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Huées sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Les syndicats de policiers, et c'est bien légitime,…

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe LR

Touriste !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…réclament le respect.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le respect, c'est d'être ministre à plein temps !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

L'institution judiciaire aussi mérite d'être respectée. J'aurai l'honneur de le développer dans un moment : la police et la justice sont dans la même barque républicaine. Vous nous rappelez à chaque séance vos vieilles marottes comme les peines planchers qui résoudraient tout. Eh bien, non. Parce que c'est un fiasco et certains représentants des syndicats de policiers eux-mêmes le disent.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le quantum des peines prononcées pendant la période allant de 2008 à 2013 est nettement inférieur à celui des peines prononcées après l'abrogation des peines planchers.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Et si vous avez, messieurs, la solution magique, alors sortez-nous des chiffres qui montreraient que pendant cette période, avec ces peines planchers – qui d'ailleurs n'en sont pas, vous le savez, puisqu'elles ont été délaissées par l'institution judiciaire et à juste raison –, sortez des chiffres qui montreraient, disais-je, que pendant cette période, qui vous est si chère puisque c'est celle où vous avez été au pouvoir, la délinquance aurait baissé.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

S'il me reste suffisamment de temps, j'ai quelques chiffres à vous fournir : 132 000 peines d'emprisonnement ferme ont été prononcées en 2019, contre 120 000 en 2015. C'est cela, le laxisme, sans doute ! 113 000 années de prison ont été prononcées en 2016, contre 89 000 en 2005. C'est cela, le laxisme, n'est-ce pas ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LR

Ça ne veut rien dire !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Entre 2002 et 2020, la population carcérale a augmenté de près de 25 000 personnes, ce qui n'est pas sans poser les problèmes de surpopulation que vous connaissez !

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'associe à ma question les membres du groupe d'amitié France-Israël.

Depuis plusieurs jours, au Proche-Orient, des femmes, des hommes et des enfants meurent sous les missiles. Depuis plusieurs jours, la terreur règne en Israël et à Gaza. Il ne s'agit pas de tenir une comptabilité macabre, en opposant le nombre de victimes d'un côté et de l'autre, car chaque mort est un mort de trop.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Toutefois, 120 000 de nos compatriotes font partie des victimes potentielles des plus de 3 000 missiles lancés délibérément sur des civils, pour tuer, par l'organisation terroriste du Hamas.

Affirmer notre amitié à l'égard d'Israël, une démocratie amie, ce n'est pas cautionner la politique de ses gouvernements successifs : c'est réaffirmer que, partout dans le monde, la France est aux côtés de ceux qui sont victimes du terrorisme islamiste.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Meyer Habib applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le soutien à la population civile palestinienne, en grande difficulté, ne saurait se confondre avec le soutien à l'organisation terroriste qu'est le Hamas. Comme l'Allemagne et tant d'autres pays européens, la France doit jouer pleinement son rôle. Je connais l'engagement de Jean-Yves Le Drian et celui du Président de la République, qui s'est rendu sur place l'année dernière. Je sais que la France doit être et sera au rendez-vous pour protéger nos compatriotes, pour assurer un pays ami et allié de notre soutien, et pour porter un message de paix dans la région.

Quelle initiative la France entend-elle prendre pour limiter le nombre de victimes civiles…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…et faire en sorte qu'un cessez-le-feu soit instauré dans les plus brefs délais ? Quelles mesures comptez-vous prendre afin de relancer un processus de paix durable au Proche-Orient ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Je vous prie d'excuser l'absence de Jean-Yves Le Drian,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est le remplaçant du remplaçant qui nous répond !

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

…qui participe en ce moment même au Conseil des affaires étrangères de l'Union européenne pour évoquer, précisément, la question du Proche-Orient, où la situation est grave et où la priorité absolue est au cessez-le-feu. Plus de 3 000 roquettes ont atteint Israël en quelques jours…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Des bombes sont aussi tombées de l'autre côté !

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

…et 800 frappes israéliennes ont touché Gaza. Les victimes sont nombreuses et le bilan humain est lourd. Nous devons tout faire pour que les hostilités cessent.

Je veux réaffirmer ici notre indéfectible attachement à la sécurité d'Isräel : la France condamne les tirs de roquettes sur Israël.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Nous devons aussi dire très clairement combien nous sommes inquiets pour les civils de Gaza…

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

…et exiger que l'accès à l'aide humanitaire leur soit garanti, tout comme la sécurité du personnel médical et humanitaire.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Il importe également de protéger les journalistes et tous ceux qui, par leur expression, contribuent à la liberté d'information et au débat public, car ils exercent une responsabilité essentielle.

Le Président de la République et le Gouvernement sont mobilisés pour faire cesser ces hostilités. Il y a quelques minutes encore, le Président Macron échangeait avec le roi de Jordanie et le président al-Sissi, après avoir parlé au premier ministre Netanyahou et au président Abbas, afin de trouver une solution pour mettre fin au conflit. Jean-Yves Le Drian, comme je l'indiquais, travaille en ce moment même avec ses homologues européens au sein du Conseil des affaires étrangères.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Conflit israélo-palestinien

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous ne pouvons pas rester impuissants devant la tragédie qui déchire actuellement le Proche-Orient. Nous assistons en effet, entre Israël et la Palestine, à une terrifiante escalade des tensions, qui atteignent un degré de violence que la région, pourtant régulièrement meurtrie, n'avait pas connu depuis des années.

Face à cette résurgence d'un conflit déjà terriblement meurtrier, nous ne pouvons pas mettre sur le même plan le Hamas, un groupe terroriste et islamiste radical, et un État démocratique comme Israël.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Agnès Thill et M. Meyer Habib applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Hamas a régulièrement mené la politique du pire en torpillant les processus de paix, quitte à instrumentaliser les souffrances de la population palestinienne. Face à ses attaques, Israël défend légitimement son droit à exister et à vivre en sécurité.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais les tensions actuelles s'inscrivent dans un contexte de crise politique et d'instabilité institutionnelle qui perdure depuis deux ans dans l'État hébreu. Elles expriment aussi le refus de la population arabe de l'accroissement du nombre de colonies. Cet engrenage de violences ne semble plus avoir de limite, et ce sont encore une fois les populations civiles qui en sont les premières victimes. Aux tirs de plus de 3 000 roquettes sur Israël par le Hamas ont succédé en représailles les frappes de Tsahal sur la bande de Gaza. On déplore, en une semaine, plus de 220 morts et plus de 1 000 blessés, principalement du côté palestinien.

Désormais, la communauté internationale doit obtenir au plus vite un cessez-le-feu et amorcer la désescalade. Alors que les États-Unis semblent se désintéresser du conflit et que les trois réunions du Conseil de sécurité des Nations unies n'ont débouché sur aucune position commune, la France a un rôle majeur à jouer. Comment compte-elle agir concrètement pour sortir de cette impasse diplomatique et relancer le processus de paix enlisé depuis vingt ans ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Je l'ai dit, la situation au Proche-Orient est grave. La France exprime très clairement son attachement indéfectible à la sécurité d'Israël. Nous condamnons les tirs de roquettes : ils sont inacceptables et doivent cesser immédiatement. Les autorités israéliennes doivent quant à elles faire preuve de retenue dans leur réponse militaire et agir de façon proportionnée, dans le respect du droit international. Encore une fois, nous devons veiller à la sécurité des populations civiles de Gaza et trouver les voies et moyens d'une cessation des hostilités.

C'est ce que fait le Gouvernement à travers les actions du Président de la République, du ministre de l'Europe et des affaires étrangères et de nos représentants au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous mettez sur le même plan Israël et la Palestine !

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Soyons clairs : la situation actuelle est aussi la conséquence d'une absence de perspectives politiques qui n'a que trop duré et qui continuera de produire des violences tant qu'elle se prolongera. Sans la volonté très claire d'avancer résolument vers une solution à deux États dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité et du droit international, nous ne parviendrons pas à sortir de ce conflit souvent latent, qui embrase actuellement le Proche-Orient. C'est en ce sens que la France agit au quotidien, particulièrement dans ce moment de crise.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le 8 mars dernier, Alisha, 14 ans, succombait à la noyade, poussée dans la Seine par deux camarades de classe. Vendredi 14 mai, Marjorie, 17 ans, était tuée à coups de couteau à la suite de rivalités sur les réseaux sociaux. La liste des adolescents décédés à cause de la violence ou du harcèlement ne cesse de s'allonger. Les violences et le harcèlement gangrènent la société : au cours de la scolarité et des études supérieures, au travail, dans les espaces publics, en ligne, sous des formes morales ou sexuelles, ces fléaux sont omniprésents.

Or c'est souvent à l'école, puis sur les réseaux sociaux, que les enfants y sont confrontés pour la première fois. Tolérer la violence en ces lieux, c'est l'ancrer dans le développement des enfants et la cautionner dans la société des prochaines décennies. À l'inverse, prôner dès le plus jeune âge l'empathie et le vivre ensemble permettra aux adultes de demain d'adopter des modes de communication non violente.

Pour apaiser la société, nous devons intervenir dès le plus jeune âge. Les solutions sont nombreuses. Je songe par exemple à la création d'un baromètre du harcèlement et du cyber-harcèlement, qui nous permettrait de disposer de chiffres fiables sur le phénomène. Nous pourrions aussi créer un délit de harcèlement scolaire dans le code pénal, pour poser un interdit clair et précis et favoriser la prise de conscience. Il est également nécessaire de déployer une grande politique publique interministérielle de la jeunesse autour des questions de cyber-harcèlement, de violence et de harcèlement scolaire. Il nous faut aussi accompagner les victimes, mais également les auteurs, qui reproduisent souvent une violence subie, et mettre les réseaux sociaux face à leurs responsabilités : puisque leurs algorithmes propagent la violence, ils doivent en protéger leurs utilisateurs, notamment mineurs, en concertation avec les acteurs publics et associatifs.

Comptez-vous prendre ces propositions en considération afin de protéger la jeunesse de cette violence ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Vous avez raison d'évoquer ce problème de société mondial,…

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

…que tous les systèmes scolaires connaissent et affrontent. Tous ne le font pas avec la même efficacité. Adrien Taquet, très mobilisé sur cette question en tant que secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, et moi-même avons longuement étudié les mesures mises en œuvre dans différents pays. Vous l'avez également fait dans le rapport que vous avez remis en octobre et qui, je vous le confirme, a été, est et sera une source d'inspiration des politiques à mener en matière.

Pour être efficace, l'action doit reposer sur plusieurs piliers. D'abord, vous l'avez dit, il convient d'encourager, dès le début de la scolarité, un esprit de fraternité, d'équipe et de coopération, plutôt qu'un état d'esprit individualiste et de violence. Cet objectif englobe l'ensemble des politiques déployées à l'école primaire, même si je n'entrerai évidemment pas dans le détail aujourd'hui. C'est le premier point, car le harcèlement dépend d'une multitude de facteurs.

Ensuite, il faut considérer le harcèlement comme un élément central du climat scolaire. C'est à cette fin que nous avons développé une politique d'évaluation des établissements tenant compte du climat scolaire.

Enfin, il importe de mener une action résolue et directe dans chaque établissement où surviennent des cas de harcèlement scolaire. C'est, là aussi, le sens de la politique que nous menons, en désignant par exemple des ambassadeurs contre le harcèlement dans les établissements. Les résultats montrent que les écoles et établissements qui s'engagent dans cette politique en récoltent les fruits. Nous constatons ainsi que le harcèlement scolaire commence à refluer en France.

En revanche, le cyber-harcèlement ne recule pas. Vous avez raison d'insister, parmi d'autres points, sur la nécessité de lutter contre ce phénomène, qui a donné lieu à tant de tragédies, en France comme ailleurs : nous devons aussi mener une action résolue vis-à-vis des réseaux sociaux. En 2019, à l'issue de la réunion des ministres de l'éducation du G7, présidée par la France, nous avons lancé une coalition internationale sur cette question. Continuons à travailler en ce sens avec les plateformes. Les premiers résultats sont là. Certains acteurs agissent, d'autres non. Nous devons donc progresser sur cette question, avec votre aide et en retenant vos propositions.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Après les trois vagues sanitaires liées au covid-19, la quatrième est là : c'est la vague sociale. Elle est terrible. Depuis mars 2020, 100 000 ruptures de contrats ont été annoncées. La destruction de 271 000 emplois salariés est anticipée pour 2021. Ne prenez pas prétexte de la pandémie, puisque vous avez gaspillé un argent public pourtant précieux en le distribuant aux grands groupes qui organisent ces licenciements. En ce printemps, alors que le chômage augmente, les groupes du CAC 40 s'apprêtent à déverser un montant record de 51 milliards d'euros de dividendes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans le même temps, vous maintenez votre injuste réforme de l'assurance chômage, grâce à laquelle vous ponctionnerez 2,3 milliards dans les poches des plus précaires. C'est inacceptable !

Je prendrai un exemple précis : après avoir touché 5 milliards d'euros de l'État et versé 2 milliards à ses actionnaires, le groupe Renault, dont l'État est pourtant actionnaire, va se séparer de la Fonderie de Bretagne. Qu'avez-vous fait ? Rien ! À cette occasion, je salue les 350 salariés actuellement mobilisés, qui entament leur quatrième semaine de grève.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Autres exemples : Sanofi, qui a touché 1 milliard d'argent public, mais licencie 1 300 salariés, Bridgestone, qui a touché 3 millions d'euros d'aide publique et licencie 863 salariés, l'usine Saipol à Montoir-de-Bretagne, ou encore Aéroports de Paris avec 30 000 emplois menacés sur les plateformes de Roissy et d'Orly !

Ce n'est pas tout : les salaires aussi sont concernés ! Les salariés d'Auchan, à Bagnolet, se mobilisent parce qu'ils n'ont été augmentés que de 0,6 %, alors que leur groupe a reversé 18 % de profit à ses actionnaires. Je salue également les salariés de Carrefour.

Pourquoi donc ne pas exiger des contreparties aux aides versées ? Pourquoi rejeter notre proposition visant à établir une garantie d'emploi alors qu'elle permettrait de créer 2,8 millions d'emplois, pour un coût équivalent au montant de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, que vous avez supprimé ?

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourquoi ne pas interdire les licenciements dans les groupes qui font du profit et perçoivent des aides ?

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'emploi, l'emploi, l'emploi : voilà la première des sécurités. Or vous ne bloquez pas l'injuste quatrième vague sociale qui va détruire des milliers d'entre eux.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Je veux le répéter : jamais un Gouvernement n'a autant agi…

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

…pour protéger les salariés, les demandeurs d'emploi, les jeunes et les plus précaires.

Protestations sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Nous aurons mobilisé, en 2020 et 2021, plus de 40 milliards d'euros dans l'activité partielle, précisément pour protéger les emplois et les compétences.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Les résultats sont là. Après la crise de 2008-2009, le nombre de demandeurs d'emploi avait augmenté de plus de 25 % en un an. Grâce aux aides que nous avons déployées, nous avons pu contenir la hausse du chômage, lequel s'élève aujourd'hui à 8 %. Certes, c'est toujours trop mais il faut comparer ce chiffre aux 25 % de la crise de 2008-2009.

Nous continuerons à agir pour protéger les emplois et les compétences grâce aux accords d'activité partielle de longue durée, signés par cinquante-quatre branches. En outre nous mobilisons 1 milliard d'euros, au sein des branches, pour aider les entreprises à accompagner les salariés qui se forment pour adapter leurs compétences à la transition numérique et écologique.

Nous accompagnons également les demandeurs d'emploi. Vous savez que nous avons prolongé les allocations de ceux qui sont arrivés en fin de droits, à partir du mois de novembre 2020 et jusqu'à la levée des mesures de restriction sanitaire. Plus de 700 000 demandeurs d'emploi ont bénéficié de cette mesure.

Nous n'avons donc pas de leçon à recevoir, monsieur le député. Nous protégeons les salariés, les demandeurs d'emploi et les jeunes comme aucun gouvernement ne l'avait fait avant nous.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, il y a un an et demi, avec mes collègues du Val-d'Oise – que j'associe évidemment à cette question –, j'interpellais votre prédécesseur sur la nécessité d'agir urgemment pour l'est de ce département et sur l'avenir de ce territoire, en difficulté dans bien des domaines. Avec la Seine-Saint-Denis, ce département a été l'un des plus touchés par la crise sanitaire que nous traversons.

Le triangle de Gonesse a été au cœur de nombreux débats et de crispations. Beaucoup ont décidé d'instrumentaliser cet espace et d'en faire un terrain de jeu politique. Nous avons choisi de continuer de consacrer l'essentiel de ces terres à l'exploitation agricole mais aussi d'y investir pour faire naître de nouvelles activités respectueuses de l'environnement, pour notre jeunesse et pour le département.

Ces enjeux ne sont pas incompatibles, contrairement à ce que certains prétendent. En investissant à cet endroit, pour ces habitants, on fait une promesse d'avenir, comme vous-même l'avez rappelé lors de votre déplacement à Gonesse. Il s'agit – pour reprendre vos mots – de « tenir le pacte républicain ».

Le plan d'accompagnement que vous proposez au département et que nous, parlementaires de la majorité, appelions de nos vœux, est une réponse de l'État à toutes les difficultés que connaissent Gonesse, Sarcelles ou Cergy. Ce Gouvernement a pris la mesure des besoins et présente un plan ambitieux à la hauteur des défis.

Vous avez placé l'éducation au cœur du projet, notamment avec la création d'une cité scolaire internationale et d'un lycée agricole, ainsi que de cités éducatives à Goussainville et à Argenteuil grâce à l'action de notre ministre déléguée chargée de la ville, Nadia Hai. Mais des investissements pour la rénovation urbaine, la sécurité et la santé ont également été prévus, avec notamment la reprise de la dette des hôpitaux dans lesquels les effets de la crise sanitaire ont été les plus lourds.

Je me souviens de l'époque où l'annonce de l'arrêt d'EuropaCity avait provoqué de multiples autres déclarations : la présidente de la région Île-de-France avait ainsi annoncé ce fameux milliard dont on n'a jamais réellement vu les contours en critiquant, évidemment, l'action de l'État, comme si les problèmes abordés dataient d'hier.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aujourd'hui, les moyens sont là.

Monsieur le Premier ministre, je souhaite à présent que l'application du plan annoncé fasse l'objet d'un consensus. Quelle est la feuille de route du Gouvernement concernant le déploiement de ces mesures concrètes dans l'est du Val-d'Oise ?

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Je tiens à répondre moi-même à cette question importante qui fait suite au déplacement que j'ai effectué dans le Val-d'Oise le 7 mai dernier. Les annonces que j'y ai faites, et que vous avez rappelées, illustrent, me semble-t-il, les axes fondamentaux de la politique gouvernementale déclinée sur un territoire.

Le Val-d'Oise, en particulier sa partie orientale, est un des départements les plus jeunes et les plus dynamiques mais est aussi confronté à des difficultés structurelles, vous le savez – je salue au passage tous les parlementaires qui ont beaucoup travaillé pour élaborer les mesures que j'ai présentées.

C'est pourquoi nous avons mobilisé de façon prioritaire tous les leviers de l'action gouvernementale, à commencer par le plan de relance, qui se déploie – j'en profite pour le dire à la représentation nationale – de façon massive dans le pays et dont l'intensité va s'amplifier dans les semaines et les mois à venir.

Je pense également aux investissements prévus dans le cadre du Ségur de la santé que j'ai présenté ici-même, et aux mesures que j'ai annoncées lors du comité interministériel à la ville de Grigny, qui renforcent considérablement les moyens de la politique de la ville à destination des quartiers.

Toutes ces mesures doivent être appliquées en priorité dans les territoires de la République qui ont le plus souffert de retards et au bénéfice des populations qui ont été le plus touchées par la crise. Tel est le rôle de l'État auquel nous croyons.

Très concrètement, nous avons agi en faveur du désenclavement du Val-d'Oise. J'ai ainsi confirmé de façon définitive la réalisation de la ligne de métro 17 ainsi que l'interconnexion à Saint-Denis entre la ligne de Transilien H, le RER D et le Grand Paris Express. Des opérations de rénovation urbaine sont par ailleurs prévues à Garges-lès-Gonesse et à Villiers-le-Bel. Les hôpitaux de Pontoise, Argenteuil et de Gonesse bénéficieront de crédits dans le cadre du Ségur de la santé. En matière de sécurité, le commissariat de Sarcelles sera reconstruit et nous édifierons une nouvelle maison d'arrêt dans le département. D'autre part, de nouvelles formations seront proposées à l'université de Cergy, dont l'offre se déploiera à l'IUT de Sarcelles.

Enfin nous allons – mesure emblématique – régler l'affaire du Triangle de Gonesse. J'ai ainsi confirmé qu'une gare verrait le jour à la suite de l'abandon du projet EuropaCity et appelé au développement d'un pôle à vocation agroécologique, cette préoccupation figurant parmi les priorités majeures du Gouvernement.

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

J'ajoute qu'un lycée international y sera implanté.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et Laurent Saint-Martin est tête de liste aux régionales !

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Enfin, mesure hautement symbolique, l'extension du marché d'intérêt national de Rungis s'effectuera dans l'est du Val-d'Oise.

Vous le voyez, le Gouvernement est au rendez-vous pour répondre aux besoins de ce territoire, comme il le sera s'agissant de tous les territoires de la République.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

La France entamera demain une étape importante de son déconfinement. Après de longs mois d'attente et de nombreux sacrifices, les Français pourront enfin renouer avec la culture et un début de vie sociale. Nos acteurs économiques, tous secteurs confondus, ont été durablement et durement touchés par cette crise. C'est donc un déconfinement économique et social de notre pays qui s'amorce.

Si votre plan contient bien un allègement progressif des restrictions, il reste encore très contraint et je regrette qu'il ne s'accompagne pas d'objectifs clairs concernant les moyens scientifiques déployés pour prévenir l'apparition d'une quatrième vague épidémique.

L'accélération de la vaccination est une des clés pour y parvenir. Cependant l'apparition des variants constitue une menace sérieuse et la France peine à accroître sa capacité de veille. La semaine dernière, le ministre des solidarités et de la santé annonçait que 5 000 séquençages de génome étaient réalisés chaque semaine sur notre sol, alors que les professionnels de santé en réclament au moins trois fois plus. Or une vision claire de la circulation de ces variants est absolument nécessaire pour prévenir tout rebond épidémique.

Depuis le début de l'épidémie, seulement 27 300 génomes ont été publiés dans la base de données, sur les 5,7 millions de cas positifs recensés en France, soit un taux de séquençage qui ne s'élève qu'à 0,47 %. La Grande-Bretagne observe une inquiétante augmentation du nombre de cas de contaminations avec le variant indien. Aussi, il faut urgemment renforcer nos moyens au risque, à défaut, de voir s'effondrer nos espoirs de liberté retrouvée.

Monsieur le Premier ministre, vous devez être à la hauteur des sacrifices que vous avez demandés à nos concitoyens et à nos soignants. Quelles garanties pouvez-vous leur apporter concernant notre capacité à prévenir les variants ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

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La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

La France figure parmi les pays qui réalisent le plus de séquençages. L'activité de dépôt des séquences sur la plateforme GISAID – global initiative on sharing avian influenza data –, dont la programmation est continue, classe la France au huitième rang des pays contributeurs en matière de séquençage.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Vous avez raison, la dérive génétique du covid-19 est une évolution qui impose une surveillance en biologie moléculaire capable de détecter rapidement les variants les plus préoccupants. Plus de vingt variants différents circulent actuellement en France. Plus que le type de variant, il faut surtout surveiller les mutations du virus car ils ont un impact sur la transmissibilité, la pathogénicité et les capacités d'échappement immunitaire.

Votre question appelant un point d'étape à propos de la circulation des variants en France, voici la situation : le variant britannique concerne désormais plus de 77 % des cas détectés. L'ensemble des régions métropolitaines connaissent à cet égard un léger recul. Les variants dits sud-africain et brésilien voient leur part augmenter de 0,3 point, soit une progression égale à celle de la semaine précédente. Celle-ci s'élève à près de 6 % des cas détectés. C'est toujours en Île-de-France que les proportions sont les plus élevées.

S'agissant du variant indien, on rapporte, au 11 mai, vingt-quatre situations, identifiées dans huit régions différentes, impliquant au moins un cas de ce variant. Il s'agit surtout de personnes en provenance d'Inde et en transit de Guadeloupe.

La stratégie de traque des variants en France, affinée en permanence, permet de suivre parfaitement la situation, notamment grâce à un partenariat étroit entre public et privé. Le message qu'il faut adresser à nos concitoyens est que l'évolution des variants ne donne lieu à aucun motif d'inquiétude particulière et est suivie de près grâce à un partenariat très étroit entre les acteurs publics et les acteurs privés.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En retard sur les tests, en retard sur les masques, en retard sur les vaccins et en retard sur les séquençages de génome : voilà le bilan de votre Gouvernement.

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Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Mercredi dernier, en violation du droit international, des centaines de militaires des forces armées de l'Azerbaïdjan ont pénétré sur le territoire de la République d'Arménie, dans la région de Syunik. Cette situation est inadmissible.

Dès le lendemain, le Président de la République Emmanuel Macron a été l'un des premiers dirigeants à réagir en exigeant le retrait immédiat des troupes du territoire arménien et en appelant à une résolution de la situation par le biais du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette nouvelle agression intervient après l'invasion sanglante du Haut-Karabakh par les Azéris en 2020.

Six mois après le cessez-le-feu, la cathédrale de Chouchi est défigurée, le patrimoine plurimillénaire arménien est détruit.

Six mois après le cessez-le-feu, l'Azerbaïdjan exhibe, dans un funeste « parc des trophées » à Bakou, les casques des soldats arméniens tués lors des combats.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Six mois après le cessez-le-feu, les prisonniers de guerre arméniens sont toujours retenus en otage en Azerbaïdjan.

Aujourd'hui comme hier, nous sommes aux côtés de ceux qui nous interpellent, jusqu'aux portes de notre assemblée, pour exiger la libération des prisonniers et la sécurité pour le peuple arménien du Haut-Karabakh.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Face aux intentions belliqueuses de l'Azerbaïdjan, face au projet impérialiste de la Turquie d'Erdogan, la réponse de la France et de l'Europe doit être à la hauteur.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour empêcher l'Azerbaïdjan et la Turquie de poursuivre leur escalade de la violence ? Il y va du respect du droit et des frontières internationales, de notre capacité à défendre nos valeurs démocratiques et européennes et de l'amitié qui nous lie au peuple arménien. Nous serons toujours nombreux, sur tous les bancs de cet hémicycle, à être fidèles à cette amitié.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

La France, vous l'avez rappelé, est très mobilisée sur le dossier du Haut-Karabakh.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Le Président de la République a réaffirmé très clairement sa volonté que les troupes azerbaïdjanaises se retirent de cette zone frontalière, toujours mal délimitée, entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie.

Après le conflit dramatique de l'automne et six mois de calme relatif, des tensions à nouveau très fortes se font en effet jour à cet endroit si stratégique et si critique. La France est mobilisée pour que les troupes soient retirées et que les tensions s'apaisent, et l'incident que vous rapportez montre à quel point le cessez-le-feu du 9 novembre est fragile et combien nous devons veiller à en consolider les fondamentaux, à commencer par la libération des prisonniers arméniens, vous l'avez rappelé avec beaucoup de force,…

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

…et aussi veiller à ce que la délimitation des frontières internationales soit respectée, préserver le patrimoine culturel et religieux arménien et nous assurer que les populations civiles soient protégées. Cet engagement est au cœur de la politique du Gouvernement. Le Président la République a eu de nombreux échanges avec le premier ministre arménien, a évoqué la question avec le président russe, et Jean-Yves Le Drian, dimanche dernier encore, était en dialogue avec ses homologues azerbaïdjanais, arménien et américain. Je conclurai en rappelant qu'au sein du groupe de Minsk, nous sommes mobilisés pour que ce cessez-le-feu soit consolidé et respecté par les deux parties prenantes, à commencer par l'Azerbaïdjan.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En janvier 2019, nous proposions l'expérimentation du revenu de base… Refus du Gouvernement et de la majorité.

Au commencement de la crise, en avril 2020, nous proposions une aide d'urgence de plusieurs centaines d'euros pour tous les jeunes, pour tous les étudiants bénéficiant de l'aide personnalisée au logement ou d'une bourse… Refus du Gouvernement, de la majorité et du rapporteur général du budget, M. Saint-Martin.

Au mois de juin, nous proposions de renforcer de 350 millions d'euros les aides aux jeunes précaires… Refus du Gouvernement, refus de la majorité, refus du rapporteur général !

En décembre, pour venir au secours de cette jeunesse qui se noie, nous réitérions nos propositions… Refus du Gouvernement, refus de cette majorité, refus du rapporteur général, le même M. Saint-Martin !

Au mois de février, nous proposions un revenu minimum jeunesse parce que nous voyions se grossir les rangs devant les banques alimentaires et que nous savons à quel point la crise est dure pour cette jeunesse qui doute aujourd'hui de son avenir… Refus du Gouvernement, refus de la majorité ! En proposition de repli, nous demandions alors, comme il y a quelques jours encore avec le collègue Ruffin, l'ouverture, le temps de la crise, du RSA à ces jeunes… Nouveau refus de la majorité, nouveau refus du Gouvernement ! Vos dénégations, monsieur le Premier ministre, laissaient entendre que pour tout jeune, il y avait une autre solution : la réalité est évidemment toute différente, en dépit des efforts que vous déployez mais qui sont insuffisants.

Et voilà que dans la campagne des régionales, nous apprenons que ce qui était impossible à l'Assemblée nationale devient possible au plan régional ! que ce qui relevait de l'assistanat relève à présent de la solidarité ! que ce qui n'était pas finançable au plan national le devient au plan régional !

Protestations sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, vous qui conduisez cette campagne comme nous l'avons vu lors de votre réponse tout à l'heure, pouvez-vous arrêter de faire commerce de la difficulté de la jeunesse et vous ranger au grand compromis républicain que nous proposons, qui consiste à ouvrir le minimum jeunesse à 18 ans, le temps de la crise ?

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Je vous remercie, monsieur Vallaud, de me donner l'occasion de le redire : jamais un Président de la République n'aura autant placé la jeunesse au cœur de son projet, en mobilisant tous les moyens de l'action publique.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Arrêtez de commencer vos réponses comme ça ! Vous vous décrédibilisez !

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

C'est tout le sens du plan Un jeune, une solution, que nous avons présenté dès le mois de juillet dernier et qui mobilise plus de 9 milliards d'euros pour apporter une réponse à chaque jeune,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tout ne passe pas par l'argent, madame la ministre !

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

…pour l'aider à trouver un emploi, un apprentissage ou une autre formation, en tout cas pour qu'il bénéficie d'un accompagnement vers l'emploi. Et ce plan, contrairement à ce que vous laissez entendre, porte ses fruits : 1,5 million de jeunes ont été recrutés en CDD de plus de trois mois ou en CDI entre le mois d'août et la fin mars, c'est quasiment autant qu'avant la crise !

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Plus de 516 000 contrats d'apprentissage ont été signés en 2020, un record absolu dans notre pays, et plus de 300 000 jeunes se sont engagés depuis le début de l'année dans un accompagnement vers l'emploi,…

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

…accompagnement qui peut désormais être assorti d'une allocation jusqu'à 500 euros.

Et je vous confirme que le Gouvernement considère que la jeunesse mérite mieux qu'une allocation

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs des groupes SOC et FI

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

et que chaque jeune doit pouvoir bénéficier d'une allocation s'il en a besoin, mais surtout d'un accompagnement personnalisé vers l'emploi. Nous travaillons avec les collectivités, qui ont tout leur rôle à jouer dans ce domaine, que ce soit les régions, les départements ou les intercommunalités. Je signerai prochainement un partenariat…

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

…avec l'ADCF, l'Assemblée des communautés de France, pour que tout le monde soit mobilisé au service de notre jeunesse.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, dans les territoires palestiniens occupés et en Israël, depuis une semaine, le bilan humain ne cesse de s'alourdir : 212 morts à Gaza, dont soixante et un enfants, dix en Israël, dont un enfant. D'importantes frappes aériennes israéliennes, de véritables bombardements, visent impunément des zones densément peuplées ! Le déséquilibre dans l'utilisation de la force est manifeste ! Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme rappelle que le non-respect des principes de distinction, de proportionnalité et de précaution dans la conduite des opérations militaires constitue une grave violation du droit international humanitaire et peut s'assimiler à un crime de guerre ; des rapports font état d'un recours à la force excessif et discriminatoire de la part de la police et des colons israéliens ; une puissance occupante enferme, opprime, avec des violences injustifiables !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dire ce que je dis n'est pas faire acte d'antisémitisme. Dénoncer la politique du gouvernement d'extrême droite de Netanyahaou, dénoncer une colonisation entreprise en violation du droit international, dénoncer la spoliation des biens d'un peuple colonisé, dénoncer un système d'apartheid, dénoncer des crimes de guerre, ce n'est pas être antisémite ! Il ne faut pas tout mélanger !

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et interdire d'apporter un soutien à un peuple agressé, affamé, dans le cadre de manifestations pacifistes, n'est pas acceptable ! encore moins dans le pays des droits de l'homme et sous prétexte de motifs aussi fallacieux qu'insultants.

Fake news ! Mensonges !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Car, deux fois oui, la vie des Palestiniens compte aussi, monsieur le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La France ne peut plus se taire face à ce drame humain ! Nous vous demandons solennellement d'agir au sein du Conseil de sécurité pour obtenir la fin des violences et des sanctions fermes pour la violation du droit international.

La seule solution, c'est la paix ! mais une paix juste, une paix sans colonisation ! cette paix, dont Palestiniens comme Israéliens ont tant besoin !

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Monsieur le président Chassaigne, la situation est en effet extrêmement grave et préoccupante, et la France, sa diplomatie, au premier chef le Président de la République, sont à l'action face à ces événements dont le bilan humain, vous l'avez rappelé, est très lourd. Nous sommes inquiets du sort des populations civiles à Gaza, territoire déjà éprouvé par près de quinze années de blocus. Cette spirale de violence ne se limite d'ailleurs pas à Gaza puisque, dans plusieurs villes israéliennes, les tensions entre populations ont atteint un niveau de violence inédit ; en Cisjordanie et à Jérusalem, les affrontements entre Palestiniens, colons et forces de sécurité israéliennes se multiplient.

Face à cette situation,…

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

…la France appelle avant tout, de façon extrêmement ferme, l'ensemble des acteurs à mettre un terme immédiat à toutes les violences, à toutes les provocations et à toute incitation à la haine pour permettre un retour au calme.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Nous appelons tous les acteurs à garantir l'accès rapide et sans entrave de l'aide à Gaza. Un convoi humanitaire a été, vous le savez, autorisé aujourd'hui et ce mouvement doit se poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et la violence contre les civils israéliens ? Cette réponse est un scandale !

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Nous demandons également à tous de protéger le personnel humanitaire et médical.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Enfin, la sécurité des journalistes et de tous ceux dont l'expression concourt à la libre information et au débat public, et leur protection en temps de conflit, relève d'un esprit de responsabilité essentiel.

Mais, nous le savons toutes et tous ici, il faut une solution politique de long terme à ce conflit ! La France, à Jérusalem en particulier, a exprimé très tôt sa préoccupation à l'égard des tensions apparues dès avril, elle n'a cessé de souligner les risques liés à la poursuite de la politique de colonisation, notamment les évictions à Jérusalem-Est, elle a rappelé la nécessité de la stricte préservation du statu quo historique dans les lieux saints de la ville, et elle réitère devant la représentation nationale son attachement indéfectible à la sécurité d'Israël !

M. Meyer Habib quitte l'hémicycle.

Debut de section - Permalien
Jean Castex, Premier ministre

Le Président de la République vient de s'entretenir avec le roi de Jordanie et le président égyptien pour organiser la convergence de nos efforts. Il a reçu hier ce dernier après s'être entretenu, au cours des jours précédents, avec le Premier ministre Netanyahou et avec le Président Abbas. La France soutient sans réserve les efforts de médiation égyptiens avec lesquels nos démarches sont étroitement coordonnées.

Vous le voyez, monsieur le président Chassaigne, mesdames, messieurs les députés, la France ne ménagera aucun effort pour parvenir à une cessation des hostilités et à une solution politique, celle d'une paix durable.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre des armées, considéré comme un élément fondamental de la souveraineté nationale des États membres de l'Union européenne, le secteur de la défense a été investi de façon très graduelle par cette dernière, en particulier par la Commission, qui a d'abord souhaité renforcer l'application des règles du marché intérieur, puis a consacré une part importante du budget européen au renforcement de la compétitivité des industries via le Fonds européen de défense tout en consolidant les liens entre les bases industrielles et technologiques des défenses nationales dans le but de créer un élan européen en matière de défense. C'est dans cet esprit que s'est noué, vendredi dernier, un accord historique autour du SCAF, le système de combat aérien du futur : la France, l'Allemagne et l'Espagne ont publié hier un communiqué pour annoncer « la finalisation des discussions portant sur le contenu de la prochaine phase du programme ». La représentation nationale ne peut que se réjouir d'un tel accord tant l'Europe doit éviter à tout prix le décrochage technologique qui demeure un risque dans un contexte mondialisé.

Sachant que l'Europe doit à tout prix mobiliser de nouvelles ressources et poursuivre dans la voie de la relance de grands projets de défense et que la conclusion de cet accord est la preuve que cela est possible, ma question est la suivante : quelles sont les prochaines étapes de ce processus désormais solidement enclenché et quelle sera la part de la France dans cet ambitieux projet de système de combat aérien du futur ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

C'est historique, vous avez raison, madame la députée,…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LR

Maintenant tout est historique !

Debut de section - Permalien
Florence Parly, ministre des armées

…et je voudrais remercier la représentation nationale pour le soutien dont nous avons bénéficié. Oui, l'accord que j'ai annoncé hier avec mes homologues allemande et espagnole concernant le système de combat aérien du futur est historique. Depuis que le Président de la République et la chancelière Angela Merkel ont annoncé, en 2017, ce projet stratégique pour nos armées, nous avons toujours eu la même priorité : mettre le SCAF en vol pour assurer la défense des Français face à des menaces qui sont croissantes dans l'espace aérien, pour donner le meilleur à nos armées et pour renforcer notre souveraineté ainsi que celle de l'Europe, pour créer des emplois en France et dans le reste de l'Union, et afin de doter nos industries des technologies de pointe qui en feront des championnes dans le domaine de l'innovation dans le secteur de la défense. Cet accord va donc permettre à notre pays, dès 2027, d'opérer le premier vol d'un démonstrateur avec pour objectif, à l'horizon 2040, d'en assurer le déploiement opérationnel.

Je suis convaincue que l'Europe de la défense ne se construit pas sur des renoncements mais sur une ambition.

Dans le domaine de l'aviation de combat, nous n'avons qu'une seule boussole, celle de l'excellence. C'est pourquoi chacune des briques du programme sera pilotée par l'industriel le plus performant. Les avions décollent face au vent et, après des mois de longues négociations, nous avons démontré avec l'Allemagne et l'Espagne que notre volonté politique était intacte ; comptez sur nous pour conserver la même détermination.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LR

C'est historique !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

« L'ennemi raciste à abattre, l'ennemi de la République, c'est Marine Le Pen. » Monsieur le Premier ministre, ces propos irresponsables et indignes d'un ministre ont été récemment tenus dans les médias par la secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable. Dans une démocratie digne de ce nom, les membres d'un gouvernement ne devraient pas lancer des appels à abattre la présidente du principal parti d'opposition, candidate déclarée à la prochaine élection présidentielle. Lorsqu'on est républicain, on a des adversaires, pas des ennemis, et on appelle à les battre, pas à les abattre.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

Aucune leçon à recevoir !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces propos utilisant un champ lexical guerrier ne sont malheureusement pas inédits au sein de votre gouvernement. Ils font suite à ceux prononcés par le garde des sceaux qui a appelé à chasser le Rassemblement national. Hier encore, un parlementaire nous a qualifiés d'« ennemis de la République ». Dans un contexte où les menaces et les agressions contre les représentants de l'État et les élus explosent, ces déclarations contribuent à attiser les tensions alors que notre pays a un besoin impérieux d'apaisement. En ce début de période électorale, le fait qu'un membre du Gouvernement puisse utiliser des mots qui pourraient être interprétés comme un appel à la violence, voire au meurtre, est particulièrement inquiétant.

Une campagne électorale devrait être un temps de débat d'idées, d'échanges démocratiques et de dialogue serein, et non le prétexte à une chasse aux sorcières qui pourrait avoir des conséquences dramatiques – dont certains de vos ministres porteraient une part de responsabilité morale.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…ne souhaite abattre aucun ennemi, mais battre démocratiquement, dans les urnes, ses adversaires à l'issue d'une campagne électorale sereine et respectueuse. Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de désavouer ces propos et d'appeler à la retenue vos ministres et les membres de la majorité parlementaire…

M. Bruno Bilde applaudit.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Madame la députée, je vous ferai une réponse en trois parties. Tout d'abord, permettez-moi de vous le dire : recevoir des leçons de modération de la part de votre famille politique, il faut bien l'avouer, c'est un peu l'hommage du vice à la vertu.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Deuxièmement, la présidente du Rassemblement national, qui se trouve à vos côtés, pourra en témoigner : sans révéler les secrets de nos conversations, lorsqu'un membre du Rassemblement national, ou l'un de ses élus ou parlementaires est attaqué et menacé, il bénéficie – comme tout élu, quel que soit son bord politique – de la protection de la police, et de celle de l'État et du Gouvernement. Je suis à votre disposition pour vous le prouver, si vous le souhaitez.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Il est d'ailleurs un peu dommage que vous ne l'ayez pas rappelé : cela aurait permis à nos compatriotes de disposer d'une image sans doute un peu plus claire et équilibrée de la façon dont le Premier ministre me demande d'assurer, au maximum, la protection…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

…des personnes qui sont menacées, à commencer – puisque vous y avez fait allusion – par les élus de la République.

Enfin, comme – malheureusement – vous n'appartenez pas à un groupe politique, je ne sais pas si vous profitez souvent des quelques instants de parole qui vous sont accordés, mais vous gagneriez à poser un peu moins de questions centrées sur vous-mêmes, et un peu plus de celles qui touchent aux préoccupations des Français. Cela témoignerait sans doute davantage de votre sincérité concernant votre volonté de régler leurs problèmes.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse au ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Le 8 mai dernier, trois attentats ont eu lieu à la sortie d'une école de filles dans le quartier ouest de Kaboul : 63 personnes y ont trouvé la mort et plus de 150 ont été blessées – la plupart étaient des jeunes filles âgées de 12 à 17 ans.

Comme l'ont rappelé Fahimeh Robiolle et Michel Taube dans le journal Opinion internationale, les attaques les plus meurtrières de ces dernières années ont été menées en Afghanistan contre des civils, dans des écoles et des mosquées. Les talibans n'ont pas revendiqué ces attentats, ce qui leur permet d'échapper au regard de l'opinion internationale et d'imposer de plus en plus leurs conditions avant le départ définitif des Occidentaux. En septembre 2020, pour accepter la négociation de Doha, les talibans ont exigé la libération de 5 000 prisonniers. La communauté internationale l'a accepté, mais cela n'a contribué ni à faire avancer la paix ni à diminuer la violence. Pendant que les Américains accélèrent leur départ – qui sera définitif le 11 septembre 2021 –, les pourparlers continuent pour faire venir les talibans à la table des négociations, non plus à Doha mais à Istanbul. Cette fois-ci, le prérequis serait la libération de 7 000 prisonniers et le fait que l'ONU ne tienne plus de liste des personnes considérées comme proches des talibans, afin qu'elles puissent circuler librement.

Comment peut-on avoir la naïveté de penser que fermer les yeux sur les talibans nous aidera à lutter contre Al-Qaïda et que l'Afghanistan ne deviendra pas une des sources majeures de financement du terrorisme à travers la culture du pavot et maintenant la fabrication de l'héroïne, des activités qui alimentent le fléau de la drogue que nous prétendons combattre sur notre propre sol ? Une nouvelle guerre civile menace d'éclater en Afghanistan. Si elle survient, elle provoquera un flot de réfugiés dont s'indigneront à nouveau les pays européens, à commencer par le nôtre. Comment fermer les yeux ?

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que la France s'apprête bien à fermer son ambassade en Afghanistan ? Pouvez-vous nous préciser les initiatives concrètes en matière de coopération que la France, qui sera à la tête de l'Union européenne durant le premier semestre 2022, envisage de prendre après le 11 septembre ? La guerre contre le terrorisme est un échec, nous sommes en train de commettre les mêmes erreurs en Afrique, en Syrie, au Liban. Le conflit israélo-palestinien nous démontre le tragique auquel conduit l'escalade de la violence.

Applaudissements sur les bancs du groupe LT.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Madame la députée, nous continuons à suivre de très près la situation sur le terrain en Afghanistan. Comme vous l'avez dit, le 8 mai, le pays a été frappé par un terrible attentat qui a touché une école, tandis qu'un autre a frappé une mosquée près de Kaboul, le vendredi 14 mai dernier. Les violences ont retrouvé un niveau élevé, après la courte trêve du 13 au 16 mai, proposée par les talibans pour marquer la fin du ramadan. Les insurgés ont relancé leurs attaques d'envergure dans quinze provinces. Après une longue pause, l'équipe de négociateurs du gouvernement républicain afghan et celle des talibans ont repris leurs discussions de paix à Doha le 14 mai. Les talibans auraient accepté de participer à une conférence de paix internationale sous l'égide des Nations unies, à condition que les négociations se poursuivent ensuite à Doha, uniquement entre Afghans.

Malgré l'accentuation des violences, les Américains poursuivent le retrait de leurs troupes. Dans ce contexte politique et sécuritaire incertain, nous avons pris la décision d'inviter nos ressortissants à quitter l'Afghanistan dès que possible. Les États-Unis, le Canada, l'Italie et le Royaume-Uni ont envoyé à leurs ressortissants des messages similaires. Soucieuse du sort des personnels afghans, la France a amorcé leur mise en sécurité en France. Les premières opérations à cette fin ont commencé et vont se poursuivre dans les jours qui viennent. Nous le faisons non pas parce que nous aurions abandonné l'Afghanistan ou que nous adopterions je ne sais quelle position de retrait, mais parce qu'il est de notre responsabilité de protéger les agents qui ont servi la France, ainsi que leurs familles.

La France soutient le processus de paix en Afghanistan et j'ai moi-même eu l'occasion d'évoquer cette question avec le ministre ouzbek des affaires étrangères, Abdulaziz Kamilov, dans le cadre de mon déplacement en Ouzbékistan, pays qui est au cœur des pourparlers pour l'avenir de l'Afghanistan. Seule la préservation des acquis de ces vingt dernières années permettrait une paix durable ; l'aide de l'Union européenne ne devrait être poursuivie qu'à cette condition.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, les Français l'ont compris : avec Emmanuel Macron, vous voulez anéantir le pluralisme démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les pleins pouvoirs à la technocratie ! En fait, vous voulez éliminer le politique !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous voulez rejouer le scénario de 2017, Le Pen contre Macron, …

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous pouvez peut-être rappeler François Fillon !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…un scénario que les Français rejettent à 80 % et qui a conduit à ce que plus de 4 millions d'entre eux votent blanc ou nul, un record absolu sous la Ve République. Vous manœuvrez, vous imaginez des alliances contre nature pour les élections régionales en vue de la présidentielle. La République en marche est un conglomérat d'individus qui n'ont rien en commun…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…allant des Jeunes socialistes, amis de François Hollande et de Dominique Strauss-Kahn, à l'ancienne présidente des jeunes de l'UMP ; du conseiller parlementaire de la ministre socialiste Marisol Touraine à un député PS qui vous critiquait trois semaines avant de devenir ministre des comptes publics ou à un candidat qui a fait 2 % en 2016 à la primaire de la droite et du centre.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre démocratie a besoin de débats sincères, d'échanges, de confrontations dans les arguments pour que les Français choisissent leurs représentants en connaissance de cause. La France a besoin de respirer, …

Debut de section - Permalien
Une députée du groupe LaREM

Ce sont les Français qui choisissent !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…la France a besoin d'une vision claire pour son avenir. Avec votre duel mortifère et artificiel, Macron contre Le Pen, vous voulez étouffer le pays, annihiler le débat en le réduisant volontairement et cyniquement à une impasse que les Français rejettent. Je le dis aux Français : la droite républicaine et gaulliste, héritière de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, est bel et bien la première force d'opposition à l'Assemblée nationale ; elle est majoritaire au Sénat, et elle est au travail dans nos villes et nos régions.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Faites des propositions ! Proposez un programme aux Français !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je veux vous rassurer, nous aurons un seul et unique candidat avec un projet clair face à Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Monsieur le Premier ministre, allez-vous continuer à manœuvrer pour conserver le pouvoir ou vous mettre enfin au travail pour sortir le pays des crises sanitaire et économique ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député Cordier, j'ai écouté votre intervention jusqu'au bout…

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

…à la recherche d'une question que je n'ai pas entendue. Vous avez décrit le rassemblement qui s'est fait autour du Président de la République et l'exceptionnelle diversité de ses soutiens.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

En vous écoutant, j'avais l'impression de vous entendre en 2016 et en 2017. À l'époque, utiliser les mêmes arguments ne vous avait pas porté chance. Pourquoi ? Parce que les Français attendent le rassemblement, au service de notre pays. Oui, la droite de gouvernement, elle est au Gouvernement…

Protestations prolongées sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

…avec Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot.

La gauche de gouvernement, elle est aussi au Gouvernement. Dans la situation exceptionnelle de crise sanitaire et de crise économique que nous vivons, regretter le dépassement des clivages politiques, regretter que l'on fasse appel à tous les talents, d'où qu'ils viennent, au sujet d'un projet collectif, c'est se rétrécir, c'est se rabougrir ; voilà ce que vous représentez aujourd'hui. Si, comme vous le dites, vous voulez faire respirer la démocratie dans notre pays, faites des propositions en faveur d'une alternative politique crédible !

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Vous ne faites aucune proposition.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Il n'y a pas un seul élément de fond dans votre intervention. Vous critiquez, mais vous ne proposez jamais rien. Voilà pourquoi les Français ne vous font pas confiance. Pour le reste, nous sommes en démocratie et nous allons continuer à agir en cherchant le rassemblement le plus large possible, ne vous en déplaise.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Vives protestations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il n'y a personne ! Combien de ministres sont candidats ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Chers collègues, il faut aussi écouter les réponses aux questions qui ne sont pas posées.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques. La crise sanitaire a mis en évidence le caractère essentiel des outils numériques pour la résilience de notre société. En effet, ces derniers mois, les organisations publiques comme privées ont accéléré fortement leur numérisation pour maintenir leur activité et proposer de nouveaux services. La plupart de ces services reposent sur des technologies cloud et sont hébergés sur de puissants serveurs qui proposent plus de capacité de stockage, plus de puissance de calcul et plus de disponibilité de service. Cette transformation ne fait que commencer. Sans le cloud, pas d'industrie du futur, pas d'éducation à distance, pas d'armée performante et pas de technologie pour optimiser les mobilités du quotidien.

Les enjeux du cloud sont donc majeurs, tant en ce qui concerne la souveraineté nationale, l'efficacité de nos services publics ou encore la compétitivité de nos entreprises, que la qualité d'usage pour nos concitoyens. Or si quelques pépites françaises se développent, ce marché est largement dominé par des acteurs américains ou chinois, au premier rang desquels les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) et les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Pour en faire de véritables instruments de puissance, les États-Unis et la Chine ont même développé des lois à portée extraterritoriale qui exposent nos administrations, nos entreprises et nos concitoyens à un transfert de leurs données stratégiques hors de l'Union européenne.

Pour ceux qui en doutaient, la crise de ces derniers mois a également montré que lorsque la situation se tend, l'agressivité entre États devient la règle. Il n'est d'ailleurs pas innocent que les marines de guerre des principales puissances cartographient actuellement les réseaux de câbles sous-marins. Ainsi, pour rester maîtres du destin de notre nation, il est vital de garder le contrôle des données les plus sensibles de nos institutions, de nos entreprises et de nos hôpitaux.

C'est dans ce contexte que vous avez présenté hier la stratégie nationale pour le cloud, qui vise à concilier l'ambition de développer cet outil au niveau national et celle de préserver notre souveraineté. Pouvez-vous la détailler ?

Enfin, la France n'a pas la taille critique pour s'engager seule dans cette bataille. Comment cette stratégie s'intègre-t-elle aux initiatives européennes en la matière ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques

Vous l'avez dit, cette crise sanitaire a rappelé avec beaucoup d'acuité la nécessité pour notre pays d'investir dans sa transformation numérique, d'abord parce que le numérique a permis de poursuivre nos vies professionnelles, de maintenir le lien social et d'assurer la continuité du service public malgré les restrictions, mais aussi – vous l'avez également rappelé – parce que la question renvoie à des enjeux de souveraineté. La stratégie pour le cloud étant de plus en plus développée, nous devons veiller à protéger les données des Français, des administrations et des entreprises.

Aujourd'hui, ces données sont exposées de manière grandissante à des risques de transfert vers des pays hors Union européenne, ainsi qu'à des risques d'ingérence et d'influence étrangères. Le ministère de la transformation et de la fonction publiques, chargé de mener la transformation numérique de l'État, ne peut pas tolérer que ces données publiques sortent du territoire européen. Nous avons décidé d'accompagner la transformation numérique, mais aussi de protéger à tout prix notre souveraineté pour que les données stratégiques et sensibles des Français restent sur le sol européen.

La stratégie que nous avons présentée hier avec Bruno Le Maire et Cédric O comprend trois piliers qui clarifient les choses. D'abord, les offres de cloud devront respecter nos exigences de sécurité et de protection contre l'extraterritorialité, et bénéficieront le cas échéant d'un label octroyé par l'État, SecNumCloud. Ensuite, il s'agira d'accélérer la transformation numérique de l'État grâce au cloud. Enfin, nous entendons développer une politique industrielle autour de nos fleurons, ces entreprises françaises prometteuses, grâce à des investissements, notamment dans le cadre du plan de relance.

L'investissement se fera également à l'échelle européenne : onze pays de l'Union sont aujourd'hui partenaires au sein de ce projet important d'intérêt européen commun (PIIEC). Nous sommes pleinement engagés, avec nos partenaires allemands, dans le projet GAIA-X.

Ainsi, nous investissons pour protéger les données et moderniser notre service public et notre action économique, tout en restant vigilants sur la question de la souveraineté et en développant une vraie filière industrielle.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je parle au nom de notre collègue Marie-Noëlle Battistel, qui a rédigé cette question et qui aurait aimé la poser, car elle s'investit sur ce sujet depuis plus de huit ans, avec Jean-Louis Touraine.

L'Assemblée nationale a commencé l'examen d'une proposition de loi garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie – aboutissement d'un travail parlementaire vieux de quarante-trois ans. Notre assemblée s'est honorée d'un travail transpartisan qui a permis de mener des débats approfondis en commission des affaires sociales, d'amender et de voter la proposition de loi à une très large majorité. Le 8 avril dernier, malgré l'obstruction d'un petit nombre de députés, l'Assemblée nationale a pu examiner et voter l'article 1er de la proposition de loi garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie.

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article a été adopté par 240 voix contre 48, soit 83 % des députés présents.

Le travail parlementaire doit désormais se poursuivre pour répondre aux attentes de la représentation nationale et de l'immense majorité des Français, qui demandent que tout soit fait dans la période actuelle pour protéger les vivants et pour humaniser l'agonie des mourants. Si les débats doivent se poursuivre après les scrutins de juin, préserver leur sérénité implique de les organiser dès maintenant. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, près de 300 députés vous ont adressé un courrier en ce sens, vous demandant de donner votre accord à l'inscription de l'examen de la proposition de loi garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie à l'agenda du Parlement. L'examen du texte dans le cadre d'une niche parlementaire ne permettra pas d'aboutir. Le Gouvernement doit entendre les attentes des Français. Pouvez-vous vous engager aujourd'hui à donner du temps parlementaire pour poursuivre le travail et avancer sur cet important sujet de société ?

Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, LR et FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

La crise sanitaire que nous traversons depuis plus d'un an éclaire ces sujets d'une lumière un peu nouvelle. Les médias ont rapporté, ces derniers temps, quantité de témoignages sur cette douloureuse question dont les parlementaires, vous l'avez dit, ont été très nombreux à se saisir.

La question est actuellement régie par la loi Claeys-Leonetti, dont l'une des grandes avancées a été de permettre un accompagnement juste et adapté des personnes en fin de vie. Il y a des situations de grande détresse, qu'il faut évidemment prendre en considération pour trouver des solutions, mais certaines de ces solutions existent dans notre droit. Ainsi, la loi Claeys-Leonetti permet d'ores et déjà l'arrêt des traitements et la sédation profonde qui consiste, vous le savez, à endormir profondément une personne atteinte d'une maladie grave et incurable pour soulager ou prévenir une souffrance réfractaire. Cette loi a pour singularité de s'adapter à chaque situation individuelle en mobilisant les équipes soignantes médicales et paramédicales, qui connaissent mieux que personne la situation clinique de leurs patients.

Olivier Véran a lancé une nouvelle mission destinée à évaluer l'application réelle de la loi, car nous avons besoin d'un peu de recul pour apprécier ce qui fait obstacle à ce qu'elle soit pleinement mise en œuvre. On sait par exemple que la possibilité offerte par la loi de rédiger des directives anticipées reste insuffisamment connue. Il faut lever les obstacles chaque fois qu'ils se présentent, en mobilisant au besoin d'autres instances telles que le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) ou le Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Quant à rouvrir la discussion sur ce sujet, cela nécessite du temps. Si le débat doit se tenir dans le cadre parlementaire, comme vous l'avez souligné, il doit probablement dépasser les murs de cette assemblée pour concerner l'ensemble des Français. C'est aussi pour cela qu'Olivier Véran a lancé le nouveau plan national de développement des soins palliatifs et d'accompagnement de la fin de vie – ce sera le cinquième –, qui prendra le relais du plan précédent pour continuer la réflexion sur la question.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s'adresse au ministre des solidarités et de la santé.

Ils sont plus de 600 000 dans notre pays, soit un Français sur cent. On leur sert leurs trois repas quotidiens directement dans leur chambre, où ils sont cloîtrés. Quand ils peuvent voir leur famille, c'est au mieux une fois par semaine et pour une durée maximale de trente minutes, à travers d'épaisses protections en plexiglas. Cet isolement a provoqué chez certains une forte dégradation de leur santé mentale, entraînant souvent un syndrome de glissement, qui peut être fatal.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tout comme le covid, l'isolement tue.

Si M. le garde des sceaux se demande s'il doit répondre à ma question, qu'il se rassure, car je ne parle pas ici des prisonniers, mais bien des résidents des EHPAD.

Monsieur le ministre, cette situation nous fait honte ! Notre pays libère plus de 10 000 détenus de manière anticipée à cause du covid, mais prive de liberté ses citoyens les plus vulnérables. Si les restrictions sanitaires étaient bien entendu souhaitables il y a quelques mois, elles apparaissent aujourd'hui comme complètement disproportionnées, car la quasi-totalité des résidents ont été vaccinés, ainsi que de plus en plus de leurs visiteurs.

Mme Agnès Thill applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les familles hésitent désormais à y placer leurs proches, comme en témoignent les 10 % de places vacantes dans ces établissements.

Monsieur le ministre, des annonces doivent être faites dès demain à ce sujet. Qu'envisagez-vous pour rassurer les familles ? Rendez obligatoire la vaccination des personnels soignants en EHPAD, puisque les taux restent aujourd'hui en deçà de ceux des autres professionnels du secteur.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Passez des consignes claires : liberté d'aller et venir pour les résidents, et visites sans restriction sur présentation d'un test PCR négatif ou d'un justificatif de vaccination. En d'autres termes, nos anciens ne sont pas des citoyens de seconde zone. Alors qu'une partie de cet hémicycle s'est fortement mobilisée lors des débats sur notre manière de mourir, j'aimerais voir la même ardeur dans la réflexion sur notre manière de vieillir !

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

La crise sanitaire et les mesures de confinement auxquelles elle a conduit ont rappelé, votre question en témoigne, l'importance et la sensibilité du sujet de la liberté d'aller et venir dans les EHPAD. La question du droit de visite en est l'expression.

Après le succès de la campagne vaccinale qui a ciblé en priorité les personnes âgées les plus fragiles, un nouveau protocole, annoncé par Brigitte Bourguignon la semaine dernière, devrait être déployé dès demain.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Il traduit une nouvelle étape dans le retour à la vie normale dans les EHPAD, mais aussi dans les unités de soins de longue durée (USLD) et les résidences autonomie.

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Ce nouveau protocole, encore en discussion, est le fruit de la collaboration entre les différentes parties prenantes. Son principe est simple : il faut désormais que la liberté d'aller et venir soit la règle et les mesures de restriction, l'exception. Lorsqu'il faut, pour protéger nos aînés, prendre des mesures de restriction, elles doivent être précédées d'un dialogue entre les représentants de l'établissement, les résidents et bien sûr les familles. Il existe des instances de dialogue à cet effet, notamment le conseil de la vie sociale (CVS). Par ailleurs, la règle prévoyant la remise en cause immédiate de l'assouplissement des mesures dès le premier cas de covid, qui était appliquée jusqu'à présent, sera levée. Le nouveau protocole recommandera de déployer des mesures de protection à partir de trois cas, c'est-à-dire quand le lieu peut être considéré comme un cluster.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Trois cas chez les professionnels et les résidents ?

Debut de section - Permalien
Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles

Enfin, sachez que les accueils de jour seront autorisés à rouvrir.

La ministre déléguée Brigitte Bourguignon et le ministre Olivier Véran adresseront par ailleurs une circulaire aux directeurs d'établissement pour leur rappeler les droits fondamentaux des personnes qui y résident, notamment le droit de visite.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, en janvier 2019, ma circonscription sarthoise vivait un drame industriel avec la liquidation de la papeterie Arjowiggins, située à Bessé-sur-Braye ; 600 salariés perdaient subitement leur emploi, ce qui plongeait tout un bassin de vie dans le désarroi.

Vous vous êtes déplacée plusieurs fois en Sarthe. Ensemble, nous avons reçu les représentants des salariés et des syndicats, ainsi que les élus locaux, pour bâtir un vrai plan de bataille, bien adapté à la situation, afin de soutenir tous ces salariés et de faciliter leur reconversion. Je me souviens d'un tête-à-tête à la préfecture du Mans où nous mesurions pleinement l'ampleur du drame humain pour le territoire. Nous étions d'accord notamment sur un point : il fallait faire de cette crise une occasion d'agir, et tout faire pour redonner vie à ce site industriel avant la fin du quinquennat.

Le programme « Territoires d'industrie » piloté par Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires, nous a bien aidés. Plusieurs projets étudiés par le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ont fait l'objet de nombreuses réunions à Bercy, sans aboutir à une issue positive. Vous n'avez pas baissé les bras et je remercie vos services pour leur engagement et leurs réponses. Si la pandémie n'a pas porté un coup d'arrêt aux efforts déployés, le maire de Bessé-sur-Braye, que j'ai rencontré il y a deux semaines, n'a plus rien de concret à annoncer aux citoyens de sa commune. Notre territoire a besoin de réponses, d'espoir : à peine la moitié des salariés ont retrouvé un emploi.

Madame la ministre déléguée, pouvez-vous faire le point sur les pistes actuelles de réindustrialisation ? Le plan de relance doit sûrement offrir des réponses adaptées à notre problème.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie

Vous l'avez dit, la fermeture du site Arjowiggins de Bessé-sur-Braye avait été un choc pour l'ensemble du territoire. Je sais combien vous étiez mobilisée aux côtés des salariés et de leurs familles, et déterminée à accompagner la revitalisation de ce territoire. J'ai personnellement suivi la situation de ce site industriel. En appui des élus locaux, avec eux, nous avions mis en place des dispositifs pour accompagner de près les salariés et je m'étais personnellement engagée à ne pas abandonner ce site et à rechercher des solutions industrielles.

C'est aujourd'hui chose faite, et je veux partager cette annonce avec vous. L'entreprise Kolmi-Hopen, que nous connaissons tous – elle nous a notamment accompagnés, ces derniers mois, dans la production de masques sanitaires – a décidé d'investir 35 millions d'euros dans le site Arjowiggins de Bessé-sur-Braye afin d'y installer de nouvelles chaînes de production.

Ce projet répond à un double objectif : la reconquête industrielle et la revitalisation de ce territoire durement touché, mais également la reconstruction de notre souveraineté sanitaire, car cette usine fabriquera des gants en nitrile, ces gants à usage unique qui nous ont manqué dans les hôpitaux au cours des derniers mois et que nous avons dû importer massivement depuis l'Asie, notamment la Malaisie. Ce sera le deuxième site en Europe capable de fabriquer ces gants : jusqu'à deux milliards de gants par an, soit plus que les besoins des hôpitaux français.

Ce projet a été rendu possible grâce à notre travail et grâce au plan de relance qui l'a accompagné à hauteur de plusieurs millions d'euros. Je veux saluer la mobilisation de tous les élus du territoire au service de ce projet qui est l'illustration de la politique du Président de la République.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans un contexte politique largement dominé par la défiance, les sondages d'opinion détiennent, avec les principaux titres de presse nationaux, une influence importante sur les élections et la constitution du fameux vote utile.

Or l'Institut Montaigne, dans sa publication de février dernier, relève qu'à l'occasion de deux premiers sondages d'intentions de vote pour l'élection présidentielle de 2022 publiés en même temps – l'un réalisé par l'institut Harris Interactive, l'autre par Ipsos –, de profondes disparités sur la nature des questions posées et les personnalités sondées conduisent à s'interroger sur le respect de la méthodologie imposée aux sondeurs par la loi de 1977, rectifiée par celle de 2016.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quant aux élections régionales, le week-end du 8 mai, dans la région de mon collègue Paul Molac, un sondage Odoxa sur l'élection régionale en Bretagne a provoqué moult commentaires. La notice méthodologique jointe à ce sondage apporte des précisions incitant à regarder ses résultats avec prudence, car il comporte des biais qu'il est bon de connaître, notamment le fait qu'une partie de l'échantillon réponde « vite et au hasard », et un choix de méthodologie qui lui est propre.

Des questions s'imposent. De quelle manière ces grands groupes de sondage choisissent-ils les personnalités sondées ? Comment rédigent-ils les questions posées aux sondés ? La Commission des sondages dispose-t-elle des moyens suffisants pour faire respecter la loi aux sondeurs ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LT.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Le ministre des relations avec le Parlement, qui a une amitié particulière pour moi, m'a invité à répondre à la question de M. Lassalle…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Si j'ai bien compris, vous souhaitez savoir si les sondages, qui ont, comme vous l'avez dit, de l'influence sur l'opinion des électeurs, surtout en période électorale – on pense aux élections régionales et départementales, mais également aux élections présidentielle et législatives,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est sûr que l'opinion des électeurs quand il n'y a pas d'élections, c'est moins intéressant !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

…sont réalisés conformément à la loi qui permet, comme vous l'avez rappelé, de procéder à ces sondages et de les publier.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est dur de répondre à une question quand on n'a rien compris !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Vous l'avez dit à la fin de votre question, c'est une autorité administrative indépendante, la Commission des sondages, qui peut être saisie par les personnes concernées, mais aussi par n'importe quel citoyen ou par le Parlement – notamment l'Assemblée nationale, qui pourrait l'auditionner utilement. Cette commission est placée sous l'autorité des services du Premier ministre, même s'il n'y a pas de lien fonctionnel avec une autorité administrative indépendante.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Ce que je vous propose, indépendamment du fait que le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat pourraient avec vous interroger cette autorité, c'est qu'avec le ministre des relations avec le Parlement, nous saisissions la Commission des sondages de votre question, consistant à savoir si elle a les moyens de faire respecter la méthodologie que nous en attendons.

Cependant, monsieur le député, vous avez une carrière politique bien plus nourrie et plus efficace qu'une grande partie d'entre nous et savez mieux que personne que les sondages, c'est bien, mais que le vote, c'est mieux. Personnellement, ayant toujours eu des sondages défavorables, je suis très heureux de vous répondre – puisque j'ai gagné les élections – qu'il ne faut pas être trop soucieux du rôle que peuvent jouer les sondages.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis le 12 mai dernier, l'armée azérie occupe illégalement deux régions situées à l'intérieur des frontières internationalement reconnues de la République d'Arménie.

Après avoir déclenché le 27 septembre 2020, avec le soutien militaire de la Turquie et de milices djihadistes, une guerre contre l'Arménie et l'Artsakh ayant entraîné la mort de milliers d'Arméniens, l'Azerbaïdjan attaque une nouvelle fois l'Arménie.

La situation est dramatique. L'Azerbaïdjan refuse de libérer les prisonniers de guerre et pille le patrimoine religieux au Haut-Karabakh. L'Arménie se retrouve avec à ses frontières une alliance turco-azérie qui se revendique des génocidaires de 1915, appuyée dans ses desseins mortifères par des djihadistes. Le silence de votre gouvernement a conduit à l'implantation durable de djihadistes dans le Caucase du Sud et à la création d'un centre de commandement russo-turc au Haut-Karabakh.

En tant que coprésidente du groupe de Minsk, la France n'a pas joué son rôle diplomatique dans ce conflit.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Par votre passivité traduisant un renoncement, vous laissez la Russie prendre la main sur ces négociations pourtant demandées par l'Arménie.

Le Président Macron a semblé enfin exprimer un message de solidarité au premier ministre arménien, mais la France se réveille bien trop tard.

Monsieur le ministre, mes questions sont simples. Alors que l'Union européenne s'apprête à voter une résolution visant à libérer les prisonniers arméniens, le Président de la République va-t-il lui aussi s'engager dans cette voie ? Après avoir exprimé la possibilité d'un soutien militaire et diplomatique de la France à l'Arménie, va-t-il enfin passer des paroles aux actes ? Allez-vous saisir, et quand, le Conseil des Nations unies en ce sens ? Allez-vous enfin participer aux négociations aux côtés de la Russie ?

Je me permets d'insister car, interrogé à plusieurs reprises par notre assemblée, le Gouvernement a continué à traiter avec indifférence les résolutions adoptées par un consensus républicain visant à reconnaître la République d'Artsakh. Monsieur le ministre, nous souhaitons avoir enfin des réponses.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.

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La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Je ne peux pas vous laisser dire que la France n'a pas été au rendez-vous dans ce conflit dans le Haut-Karabakh.

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

La France a été au cœur des négociations en tant que membre du groupe de Minsk, avec les États-Unis et la Russie. Dimanche dernier encore, Jean-Yves Le Drian était en discussion…

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

…avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken et ses homologues azerbaïdjanais et arménien pour trouver des solutions concrètes au problème des troupes azerbaïdjanaises positionnées dans une zone où les frontières internationales sont mal délimitées, en appelant très clairement à leur retrait. Et nous appelons très clairement à ce que le cessez-le-feu soit mis en œuvre et consolidé, notamment en faisant appliquer la demande de libération immédiate des prisonniers arméniens.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Jean-Baptiste Lemoyne, quand il s'est rendu à Erevan pour la commémoration du génocide le 24 avril dernier, a rencontré les familles des prisonniers détenus pour les assurer du soutien de la France. Le Président de la République lui-même a été en contact encore très récemment avec le premier ministre arménien pour l'assurer du soutien de la France et de sa volonté d'agir au sein du Conseil de sécurité et du groupe de Minsk afin de trouver une solution de long terme dans cette région, ce qui est la seule façon d'assurer une paix durable dans le Haut-Karabakh.

En ce qui concerne la question du patrimoine culturel et religieux, nous sommes également mobilisés pour le protéger du danger auquel il est exposé.

Vous voyez, madame la députée, que le Gouvernement est totalement mobilisé dans cette région du Haut-Karabakh.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'Azerbaïdjan se base sur des cartes qui datent de l'URSS…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il y a un peu de partialité, monsieur le président !

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Sous couvert d'hommage aux policiers tués récemment dans l'exercice de leurs fonctions, une marche revendicative est organisée ce 19 mai devant l'Assemblée nationale. Le groupe parlementaire de La France insoumise s'est toujours associé aux hommages républicains rendus à celles et ceux qui ont payé de leur vie leur engagement pour le pays.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En revanche, nous refusons de participer à l'instrumentalisation politique de ces drames.

Le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin a annoncé qu'il irait saluer cette manifestation devant l'Assemblée nationale. Ainsi, vous vous autorisez à manifester avec les policiers devant l'Assemblée !

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LR

Incroyable !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Et pour dire quoi ? Pour dire aux députés que c'est la police qui fait la loi ?

Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est inacceptable, c'est un coup de force du pouvoir exécutif contre le pouvoir législatif.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La séparation des pouvoirs est une garantie pour la République.

Vous assumez donc de manifester avec l'extrême droite de Marine Le Pen – que vous trouvez trop molle par ailleurs – pour soutenir les poncifs d'une justice trop laxiste et d'un pouvoir législatif trop idéaliste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais c'est vous qui depuis quatre ans faites passer des lois toutes plus sécuritaires et liberticides ; elles sont donc inutiles et inefficaces. Vous faites la démonstration de votre échec.

M. Jean-Luc Mélenchon et Mme Mathilde Panot applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Attention, monsieur le ministre, quand vous vous faites passer pour l'avatar de l'extrême droite, certains préféreront toujours l'original à la copie… En agissant de la sorte, vous manifestez contre le peuple et violez l'ordre républicain.

Nous sommes pour réformer la police nationale de la cave au grenier,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…avec des propositions utiles et efficaces : police de proximité pour recréer les liens police-population, création d'un organe de contrôle indépendant à la place de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN),…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…dissolution des brigades anti-criminalité (BAC) et renforcement de la police judiciaire afin de démanteler les trafics et les réseaux, paiement des heures supplémentaires, limitation des contrôles d'identité, mise en place d'un récépissé,…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

Démago !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…plan de rénovation des commissariats, création de nouvelles écoles de police et passage de la formation à deux ans, valorisation des agents administratifs et scientifiques ,

Applaudissements sur les bancs du groupe FI

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

mise en œuvre de la désescalade dans la gestion du maintien de l'ordre, et j'en passe. Rien, absolument rien de tout cela n'est à l'ordre du jour de cette manifestation.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LaREM

C'est faux !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Renoncez à vous y rendre, monsieur le ministre.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Avant même qu'ait séché le sang

Exclamations sur les bancs du groupe FI

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

des policiers qui ont été assassinés, et après les propos ignominieux de votre président de groupe ,

M. Jean-Luc Mélenchon proteste

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

vous tenez un discours qui vous fait atteindre un degré supplémentaire dans la bassesse.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Vous évoquez la réforme de la police au moment où il faut soutenir ces policiers et gendarmes qui vous protègent dans les manifestations que vous organisez .

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Fidèle à votre idéologie mortifère, vous faites le choix d'appuyer ceux qui s'attaquent à l'ordre républicain, et de désarmer la police nationale par vos propos et vos insultes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Restez calme, monsieur Darmanin, vous êtes ministre de l'intérieur !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Nous pensons que les policiers et les gendarmes sont les enfants des soldats de l'an II.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Oui, monsieur Mélenchon, les policiers font un dur métier, et ils ne doivent pas en changer : vos propos font honte à ceux qui, tous les jours, ont pour devoir de protéger nos concitoyens.

Vous aimez les syndicats, sauf ceux qui représentent la police nationale. Vous aimez les manifestations, même interdites,…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

…mais je vous encourage à avoir la même dignité que la famille du brigadier Éric Masson, tué à Avignon, que celle de Stéphanie Monfermé, tuée à Rambouillet.

Mme Mathilde Panot s'exclame vivement.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Devant les exécutions de policiers, je serai toujours de leur côté et contre vous !

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, dont plusieurs députés se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre environnement dégradé affecte de façon dangereuse, voire mortelle, l'état de notre santé. L'OMS estime qu'en Europe, plus de 20 % de la mortalité découle de maladies chroniques liées à l'environnement. La dégradation de l'environnement constitue donc l'une des toutes premières causes avérées de notre mortalité.

Par ailleurs, la crise sanitaire de la covid-19 nous a renvoyés à nos responsabilités de colocataires de cette planète en mettant en évidence les interactions entre santé humaine, santé animale et santé de l'environnement.

Nos comportements collectifs à l'encontre de l'environnement ont des impacts décisifs sur la biodiversité et l'équilibre climatique, et ne sont pas étrangers à l'apparition des infections virales zoonotiques. Il est donc indispensable de mener une politique publique de prévention contre les effets de nos environnements malades.

En la matière, les attentes de nos concitoyens et de tous les acteurs de nos territoires sont de plus en plus pressantes. Depuis 2004, la France élabore un plan national santé environnement (PNSE) destiné à répondre à ces questions. Ce plan quinquennal, copiloté par les ministères de la santé et de l'environnement et coconstruit avec le groupe d'études « santé environnementale » que j'ai l'honneur de coprésider, tient compte de l'évolution des connaissances scientifiques et des attentes de la société.

Madame la ministre, alors que le quatrième PNSE vient d'être rendu public, pouvez-vous informer la représentation nationale des actions concrètes prévues pour protéger la santé des Français contre les effets nocifs de l'environnement ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Vous l'avez dit, le lien entre la santé et l'environnement est désormais établi, mais il reste à mon avis encore trop méconnu. La crise que nous traversons le montre malheureusement : un environnement dégradé peut entraîner des zoonoses, dont nous observons les conséquences tous les jours depuis des mois. Plus largement, notre environnement quotidien a des conséquences sur notre santé. C'est la raison pour laquelle nous avons annoncé, avec Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, le quatrième plan national santé environnement. Vous avez participé à son élaboration en tant que coprésidente du groupe d'études sur la santé environnementale et je vous remercie de votre implication.

Ce plan vise quatre objectifs ambitieux et doit tout d'abord permettre à chacun – jeunes, citoyens, élus, professionnels – d'être mieux informé et d'agir pour protéger sa santé et celle de ses proches grâce à des outils simples et facilement accessibles.

Le deuxième objectif est de réduire les expositions environnementales et leur impact sur la santé et les écosystèmes.

Le troisième objectif est d'impliquer davantage les collectivités, car nous ne devons pas agir uniquement au niveau national, mais aussi dans les territoires.

Enfin, notre dernier objectif est de mieux connaître, grâce à la recherche, les expositions environnementales tout au long de la vie. Nous savons, en effet, que certaines expositions chroniques ont des conséquences sur la santé.

Prenons quelques exemples. Le PNSE 4 prévoit notamment d'améliorer la lisibilité de l'étiquetage des produits ménagers pour réduire les risques liés à leur utilisation, grâce, entre autres, à un étiquetage de type « toxi-score ». Les Français achètent plus d'un milliard de produits ménagers par an et la pandémie a eu tendance à accélérer cette tendance. Ces produits doivent faire l'objet d'un étiquetage moins complexe et plus lisible.

Le plan prévoit également d'éviter les phénomènes de mousses parfois observés sur les plages françaises et liés à une pollution en encourageant l'utilisation de produits plus favorables à l'environnement et à la santé, mais aussi d'interdire les lumières bleues les plus dangereuses dans les jouets des enfants…

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

…et de renforcer la surveillance de la santé animale.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre pays s'embrase ; il se consume même partout à petit feu. Nos forces de l'ordre et nos militaires tirent la sonnette d'alarme, mais le Gouvernement reste impassible. Pis, il dément les dysfonctionnements avérés de notre État de droit. Notre justice vacille en raison de la situation sanitaire. Votre gouvernement a fait des choix. Partout en France des réductions de peine ou des jugements de libération hâtifs ont été prononcés – je pense évidemment aux « libérés covid ». Sous prétexte de vouloir soulager la surpopulation carcérale, des milliers de détenus ont été libérés par différents moyens. Malheureusement, plutôt que de reconnaître les dérives liées à ces libérations anticipées, vous vous obstinez à affirmer qu'il n'y a aucun problème.

Comment M. le garde des sceaux peut-il affirmer dans les médias – ce qu'il a fait à plusieurs reprises – que notre justice n'a en aucun cas failli alors qu'une jeune fille mineure a pu être violée, en octobre dernier, par un homme condamné pour des faits de violences conjugales et libéré de manière anticipée afin de « limiter les conséquences d'une éventuelle propagation du virus au sein de son établissement pénitentiaire » – tels sont expressément les termes du jugement ?

Monsieur le Premier ministre, quand reconnaîtrez-vous qu'une erreur a été commise dans notre chaîne pénale ?

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pardon de vous le dire, madame la députée, mais vous mélangez les sujets. Je vais m'efforcer de répondre à vos interrogations légitimes.

L'affaire que vous évoquez renvoie à une décision prise par un juge de l'application des peines (JAP) sur la base de plusieurs critères, en l'occurrence des critères traditionnels pour une telle affaire. Quant aux libérations intervenues au moment du confinement, il s'agit d'une tout autre question.

Permettez-moi de rappeler qu'il y avait en France, lors du déclenchement de la crise sanitaire, 71 600 détenus pour 61 000 places, soit un taux d'occupation moyen des prisons de 140 %. Chacun garde en mémoire les mutineries sanglantes intervenues en Italie, au Brésil et au Venezuela, les prises d'otages et les nombreux morts. Grâce à la décision que nous avons prise de libérer des détenus lors du confinement, nous avons limité la casse. Trois membres du personnel pénitentiaire sont morts de la covid-19 et des milliers de malades ont été dénombrés chez les détenus et au sein du personnel de l'administration pénitentiaire, auquel je veux d'ailleurs rendre hommage.

Vous aviez moins d'états d'âme lorsque vous étiez au pouvoir et que vous libériez, tous les 14 juillet, 3 000 à 4 000 détenus sans aucune autre raison que de faire de la régulation pénale qui ne portait pas son nom !

Exclamations sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'était sous François Hollande, pas sous Nicolas Sarkozy !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il était absolument indispensable de prendre les mesures que nous avons prises. Et cessez de dire que ce sont des criminels endurcis qui ont été libérés, puisque la règle que nous avons fixée était de ne libérer ni les violeurs, ni les auteurs de violences conjugales ! J'ajoute que les détenus libérés de manière anticipée l'auraient de toute façon été de manière imminente, dans la mesure où il s'agissait de détenus dont la fin de la peine devait intervenir au terme du confinement.

Voilà ce que nous avons fait et que nous avons bien fait de faire ! Qu'auriez-vous dit si nous n'avions rien fait et si la population pénale et les membres de l'administration pénitentiaire avaient été atteints en masse par la pandémie ?

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Émilie Bonnivard proteste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le garde des sceaux, vous connaissez l'affaire dont je vous parle et vous savez qu'il est écrit noir sur blanc dans le jugement que le condamné a été libéré pour raison de covid-19 et de surpopulation carcérale.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, ce n'est pas vrai !

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Pis, le juge de l'application des peines reconnaît dans sa décision que le risque de récidive, d'agression sexuelle et de viol est avéré et élevé.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est faux !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est incroyable !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Lisez le jugement !

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Le groupe Carrefour a annoncé sa volonté de se séparer de quarante-sept magasins, dont dix hypermarchés situés dans des territoires populaires, comme celui de Port-de-Bouc, dans ma circonscription. Les 3 500 salariés concernés ont appris cette décision par la presse. À ce jour, les instances représentatives du personnel n'ont pas été officiellement informées. Cette décision vise uniquement à satisfaire l'appétit des actionnaires au détriment des salariés du groupe, lequel revendique ainsi son irresponsabilité tout en déployant un puissant mécanisme de dumping social. Des témoignages préoccupants affluent de sites qui ont déjà connu cela…

Au cours des dernières années, Carrefour a touché des centaines de millions d'euros d'aides publiques. En 2020, il réalisait un chiffre d'affaires en hausse de 7,8 % – « sa meilleure performance depuis au moins vingt ans », assurait un communiqué – et il ne s'est pas privé de distribuer 183 millions d'euros de dividendes.

Les salariés du groupe ont bravé le virus pour que nous puissions continuer de nous approvisionner, sans même toucher la fameuse prime Macron. Aujourd'hui, ils sont inquiets, en colère, mobilisés, et refusent d'être ainsi méprisés, vendus, peut-être déclassés. Carrefour a des responsabilités à assumer et l'État est à tout le moins comptable de l'utilisation des aides qu'il verse aux entreprises.

Je ne vous demande pas, madame la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, si les logiques financières sont protégées par la loi au nom de la liberté d'entreprendre et si ces manœuvres sont couvertes par le secret des affaires. Mes questions sont politiques : peut-on rester impassible devant un tel comportement et accepter que ceux et celles qui ont déjà tiré profit de la situation sanitaire s'affranchissent du minimum de décence qu'appelle la sortie de crise ? Peut-on laisser s'accélérer encore la financiarisation d'un groupe qui joue un rôle structurant dans les échanges, la distribution et la production alimentaires ?

Au bout de sept journées d'action, les salariés, traînés en justice pour leur mobilisation, n'ont pour toute garantie que leur inquiétude. Que comptez-vous faire, madame la ministre ?

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Je comprends parfaitement l'émotion que suscitent les changements de modèle économique de certaines entreprises, notamment de Carrefour. Ce groupe s'est engagé dans une transformation qui le conduit à céder certains magasins en location-gérance tout en préservant les emplois. Vous le savez, le droit français est très protecteur dans ce type d'opération, puisque l'article L. 1224-1 du code du travail prévoit qu'en cas de changement d'employeur, l'ensemble des salariés doivent être repris par le nouvel employeur.

Protestations sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - Permalien
élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Nous ne disposons apparemment pas des mêmes informations, monsieur le député, car j'ai cru comprendre que le groupe Carrefour avait souhaité que ce passage en location-gérance fasse aussi l'objet de deux accords collectifs, négociés dans le cadre d'un comité de suivi associant les organisations syndicales. Ces deux accords collectifs prévoient des clauses sociales et, bien sûr, la reprise des salariés, mais aussi, au-delà de ce qui est prévu par le code du travail, le maintien des salaires, de la mutuelle et des différents avantages dont les salariés des magasins du groupe Carrefour bénéficient aujourd'hui.

Nous devons toutefois rester vigilants face à de telles opérations, qui illustrent les transformations profondes à l'œuvre dans certains secteurs de l'économie et en particulier dans la grande distribution, dont l'évolution s'accélère avec le changement des modes de consommation, lui-même ayant été accentué par la crise. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité innover dans les outils d'accompagnement de ces transformations. J'évoquais tout à l'heure l'activité partielle de longue durée ; je veux maintenant mentionner le dispositif « transitions collectives », qui permet d'accompagner des salariés dont les emplois sont menacés, l'État prenant en charge leur rémunération et leur formation pour qu'ils puissent entamer une nouvelle carrière dans les secteurs qui recrutent.

Soyez donc assuré, monsieur Dharréville, que je veillerai avec la plus grande attention à ce que les entreprises appliquent les règles protectrices de notre droit et se saisissent de tous les outils d'anticipation que nous mettons à leur disposition.

M. Rémy Rebeyrotte applaudit.

Suspension et reprise de la séance

La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Annie Genevard.

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L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire (4091, 4146) et du projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire (n° 4092, 4147).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

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La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La confiance des Français dans la justice s'érode chaque jour davantage,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…au point de mettre en danger notre pacte social. Les causes de cette défiance sont multiples…

Debut de section - Permalien
Un député du groupe LR

C'est vrai !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…et elles méritent que l'on s'y arrête.

L'une, bien connue et qu'il faut d'abord évoquer, trouve difficilement un remède, car elle tient à la frustration inévitablement ressentie par celui qui a perdu son procès. Parmi les mécontents, il y a, par exemple, celui qui, en matière civile, a perdu son procès et qui pense que la justice n'est pas au rendez-vous de ses espérances, même s'il a tort, et peut-être d'ailleurs surtout s'il a tort. En matière pénale, c'est le délinquant et sa famille qui estiment que la peine prononcée est trop lourde ; c'est aussi la victime qui estime que l'artisan de son malheur n'a pas été suffisamment condamné. Peine trop sévère, peine trop clémente… Rien n'est plus subjectif, mesdames et messieurs les députés, que l'appréciation d'une peine juste. Tous ceux qui ont été jurés le savent : au sein même du délibéré, de nombreux désaccords peuvent voir le jour sur la détermination d'une sanction. Contre cela, personne ne peut rien. La confiance ne se décrète pas, pas plus qu'elle ne s'ordonne. Car la justice, voyez-vous, est une institution humaine, merveilleusement humaine et donc, parfois, terriblement humaine. C'est de cette humanité que naissent ses défaillances. Le grand juge Casamayor rappelait à cet égard que la justice est une erreur millénaire qui veut que l'on ait attribué à une administration le nom d'une vertu.

Mais il est d'autres causes de défiance, plus objectives, plus graves, qui creusent le fossé entre nos concitoyens et l'institution judiciaire. Ces causes sont connues, anciennes. Elles se nomment lenteur des procédures, insuffisance chronique des moyens, mais aussi méconnaissance de son fonctionnement et critiques incessantes. Pour les deux premières causes, nous agissons, et nous agissons plus fort qu'aucun gouvernement avant nous : augmentation historique du budget…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…de plus de 8 % en 2021, et plus de 21 % depuis le début de la législature ; dépassement historique du cap des 9 000 magistrats et embauche de 2 000 personnels d'ici au mois de juillet, soit une hausse de 10 % des effectifs pour traiter la délinquance et résorber les stocks, notamment en matière civile ; doublement du nombre de délégués du procureur… Vous avez également adopté, mesdames et messieurs les députés, le code de justice pénale des mineurs et la loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, qui permettent une importante réduction des délais de jugement.

D'autres éléments viennent alimenter la défiance des citoyens envers l'institution judiciaire : les attaques incessantes et l'instrumentalisation nocive dont elle fait l'objet. Que les syndicats de policiers demandent que les forces de l'ordre soient respectées, je le comprends. Un certain nombre d'entre eux manifesteront ainsi demain. Je veux leur adresser ici l'expression de ma considération, tout en affirmant que la justice aussi mérite le respect. Police et justice sont dans la même barque républicaine.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Au quotidien, sur le terrain, loin des plateaux télévisés, policiers et magistrats travaillent ensemble et le font bien.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

J'entends, face aux critiques, être l'avocat de la justice, trop facilement coupable aux yeux de certains de tous les maux de notre société. Ainsi entend-on dire, à longueur de journée, que la justice est laxiste. Je répondrai par trois séries de chiffres et quatre questions. Quelque 132 000 peines d'emprisonnement ferme ont été prononcées en 2019, contre 120 000 en 2015.

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Un député

Mais combien ont été effectuées ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mesdames et messieurs les députés, est-ce là du laxisme ?

Exclamations de Mme Marine Le Pen et de M. Xavier Breton.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Le nombre total d'années d'emprisonnement prononcées par les juridictions est en hausse, avec 113 000 années d'emprisonnement en moyenne entre 2016 et 2019, contre 89 000 années d'emprisonnement entre 2001 et 2005. Est-ce là du laxisme ? Entre 2002 et 2020, avant le confinement, la population carcérale a augmenté de près de 25 000 personnes, posant des problèmes de surpopulation déplorés sur tous ces bancs. Est-ce là du laxisme ? Lorsque l'avocate générale, dans le procès de Nordahl Lelandais, requiert trente ans de réclusion dans son réquisitoire, mais que le jury populaire, c'est-à-dire les Français, le condamne à vingt ans, est-ce là du laxisme ?

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ces chiffres illustrent également des difficultés et des défaillances dont la justice ne peut pas être tenue seule responsable. Les hommes qui lui sont présentés sont d'abord le fruit de leur histoire, de leur éducation, de leur milieu socioculturel. La justice doit juger et punir leurs actes à la lumière de leur personnalité. Elle ne peut pas réécrire leur vie, mais elle doit pouvoir, sans tomber dans l'automatisme, faire la différence entre un primodélinquant inséré socialement et un récidiviste endurci. Si certains responsables politiques ont choisi délibérément de jeter l'opprobre sur l'institution judiciaire,…

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…pour promettre aux Français le mirage d'une société sans violence ni crime, je fais, moi, le choix de la vérité et de l'action.

Enfin, dans une époque où la polémique a pris le pas sur la nuance et le populisme sur la réflexion, le flux continu d'approximations et de contrevérités jette sur la justice un éclairage sans nuances. C'est pourquoi j'ai souhaité que, grâce à l'article 1er du présent projet de loi, la justice puisse être filmée, afin que nos compatriotes puissent mieux connaître et comprendre le fonctionnement de nos institutions et en appréhender toutes les difficultés.

Bien sûr, toutes les garanties ont été prises – et renforcées par la commission des lois –, qu'il s'agisse du droit à l'image, du droit à l'oubli ou de la présomption d'innocence. En outre, les audiences ne seront pas diffusées avant que l'affaire ne soit définitivement jugée. Il est indispensable, dans la période troublée que nous connaissons, que la justice vienne à la rencontre des Français, pour qu'ils se forgent une intime conviction sur son fonctionnement.

Que les choses soient claires : il ne s'agit pas de verser dans la justice spectacle, mais, au contraire, de permettre aux Français, par des explications pédagogiques et accessibles, de mieux appréhender le fonctionnement de la justice. Je me félicite d'ailleurs des améliorations que nos débats en commission ont permises sur ce point. En tout état de cause, ni les images des mineurs ou des majeurs protégés, ni celles des forces de l'ordre ne pourront être diffusées ; elles seront obligatoirement anonymisées, sans aucune exception. Le travail de réflexion du rapporteur a également permis d'enrichir l'article 1er par la création d'une incrimination spéciale en cas de diffusion d'images ne respectant pas ces dispositions, assurant ainsi la meilleure protection possible au justiciable.

Le présent texte vise ensuite à renforcer les droits de nos concitoyens au cours de la procédure pénale, cela dès le stade de l'enquête préliminaire, qui, avant 1959, portait le doux nom d'« enquête officieuse ». Suspecter une personne pendant trois, quatre ou cinq ans, sans lui donner accès à son dossier, sans qu'elle puisse se défendre, est gravement attentatoire aux droits de l'homme ; la situation est pire encore lorsque son honneur est livré aux chiens.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

La durée des enquêtes préliminaires de droit commun sera donc limitée à deux ans ; l'enquête pourra néanmoins être prolongée d'un an après autorisation du procureur de la République, pour tenir compte de la complexité des investigations. En outre, il sera toujours possible d'ouvrir une information judiciaire.

L'enquête préliminaire sera également ouverte au principe du contradictoire en cas d'audition, de perquisition, ou s'il a été porté atteinte médiatiquement à la présomption d'innocence d'un mis en cause. J'ajoute que les sanctions pénales et pécuniaires encourues en cas de violation du secret de l'enquête ou de l'instruction seront alourdies.

M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.

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éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Par ailleurs, il est urgent de restaurer le secret qui lie l'avocat et son client, mais qui ne cesse de se déliter, au point de ne plus protéger efficacement le justiciable. Une récente enquête montre d'ailleurs que 93 % des Français estiment que ce secret est aussi important que le secret médical. Disons-le clairement : il s'agit de protéger non pas l'avocat, mais bien le justiciable. Les actes d'enquête les plus intrusifs à l'encontre d'un avocat – l'exploitation, l'interception de ses communications téléphoniques, ou la perquisition de son cabinet – ne seront désormais possibles qu'à des conditions très strictement encadrées.

S'agissant du jugement des crimes, le projet de loi traduit tout à la fois l'attachement de nos concitoyens à la cour d'assises et l'efficacité permise par l'institution des cours criminelles départementales (CCD).

Tout d'abord, l'expérimentation réussie des cours criminelles départementales me conduit à vous proposer leur généralisation. Les magistrats et les avocats expriment leur satisfaction. Les justiciables également, puisque, pour ces cours, le taux d'appel est de dix points inférieur à celui des cours d'assises et le délai d'audiencement deux fois inférieur. Ces juridictions permettent en outre de régler le problème de la correctionnalisation des viols, incompréhensible et si mal vécue par les victimes.

Il convient également, face aux procès d'intention, de réaffirmer l'importance de la cour d'assises, dont le rôle est pérennisé non seulement pour les crimes les plus graves, mais aussi en cas d'appel des verdicts rendus par les cours criminelles départementales. De surcroît, j'ai tenu à redonner ses lettres de noblesse à la souveraineté populaire, en faisant en sorte qu'aucune décision de culpabilité ne puisse être prise sans les voix de la majorité des jurés.

Restaurer la confiance, c'est également donner du sens à la peine d'emprisonnement et prévenir plus efficacement la récidive.

Debut de section - Permalien
Une députée du groupe Dem

Absolument !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bien sûr, la prison est nécessaire pour mettre à l'écart des individus dangereux et préserver la sécurité de nos concitoyens. Mais elle doit également favoriser leur réinsertion. En fin de peine, nous le savons tous, une libération accompagnée divise par deux le risque de récidive, or trop de détenus sont encore libérés sans aucune prise en charge. Nous avons donc conçu un mécanisme systématique de suivi des détenus à trois mois de leur libération.

Par ailleurs, s'agissant des réductions de peine, je souhaite à la fois durcir le régime applicable aux condamnés pour des faits de violence contre les forces de l'ordre et mettre un terme aux crédits de réduction de peine automatiques (CRP), système parfaitement hypocrite de régulation carcérale, que nos concitoyens ne comprennent pas. Le nouveau mécanisme que nous avons conçu met fin à cette automaticité pour mettre en valeur le mérite, les efforts et la bonne conduite envers le personnel pénitentiaire, qui sont des gages tangibles de la volonté du détenu de se réinsérer. L'objectif essentiel de cette réforme est de favoriser la réinsertion, de rappeler que les exigences de la vie en société ne peuvent s'effacer en entrant en prison et que le sens de l'effort et du travail ne sont pas des sens interdits. Cette mesure incitera les détenus à accomplir des efforts qui pourront prendre des formes différentes : apprendre à lire, se soigner, se désintoxiquer, suivre une formation, ou travailler, bien sûr.

Dans les années 2000, 50 % des détenus travaillaient. Ils ne sont plus aujourd'hui que 29 %. Pour inverser cette tendance, j'ai dès à présent mobilisé un grand nombre d'acteurs économiques susceptibles d'offrir du travail en prison. Dans cette optique, j'ai souhaité créer un contrat d'emploi pénitentiaire pour le détenu qui exerce une activité professionnelle. Il sera assorti de certains droits sociaux, dès la libération, tels que l'assurance chômage et l'assurance vieillesse. Il s'agit là d'une question de dignité et d'un levier essentiel pour mieux lutter contre la récidive.

Enfin, le présent projet de loi vise à restaurer la confiance envers les professionnels du droit, qui constituent souvent le premier contact de nos concitoyens avec le monde judiciaire. Les règles déontologiques qui régissent les professions des officiers publics et ministériels comme des avocats sont anciennes et complexes et donnent lieu à très peu de sanctions. Nos concitoyens ont parfois le sentiment d'un entre-soi et d'un contrôle disciplinaire défaillant. Le texte modernise en profondeur les règles applicables, en prévoyant d'abord que chaque profession devra se doter d'un code de déontologie. Il renforce en outre la place de l'usager, qui devra être systématiquement informé des suites données à sa réclamation et pourra saisir directement la juridiction disciplinaire, en l'absence de conciliation et de poursuites. La refonte du système passe également par la modernisation de l'échelle des sanctions et par la création de véritables juridictions disciplinaires, composées, pour une plus grande impartialité, de manière échevinale, avec des avocats et des magistrats.

Je tiens enfin à remercier le rapporteur, Stéphane Mazars, ainsi que la députée Laetitia Avia, pour la qualité de leur travail de construction de ce texte et pour leur engagement continu en matière de justice. Plus largement, c'est l'engagement de l'ensemble des députés de la majorité que je tiens à saluer – je pense en particulier à Mme Vichnievsky et à M. Houbron.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il s'agit là d'une œuvre commune pour la justice de notre pays.

Si nous parvenons à rendre notre justice plus proche, plus lisible, plus accessible, plus efficace, alors nous aurons fait œuvre utile et nous pourrons nous souvenir des mots d'Albert Camus nous invitant à faire de la justice « une chaleur de l'âme ».

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Stéphane Mazars, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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« Dans notre France moderne, qu'est-ce donc que la République ? C'est un grand acte de confiance. » Voici le message que Jean Jaurès a voulu transmettre à la jeunesse dans son discours d'Albi, en 1903. La justice rendue au nom du peuple français en est l'un des plus beaux exemples.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous présentez deux textes, dont les mesures poursuivent un seul et même objectif : consolider la confiance de nos concitoyens dans l'institution judiciaire.

De même que l'ensemble des institutions de notre pays – nous sommes bien placés, sur ces bancs, pour le savoir –, la justice est fréquemment confrontée, dans le débat public, à des attaques ou à des critiques, d'ailleurs très souvent injustifiées, eu égard au dévouement et au professionnalisme des personnes qui la servent au quotidien.

Certains ne veulent parler que des moyens. Soit, parlons-en ! Le Président de la République, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont engagé un effort considérable pour renforcer les crédits de la justice : son budget a connu une hausse sans précédent, de 8 % ; 1 000 contractuels supplémentaires auront été recrutés d'ici à septembre 2021 ; le nombre de magistrats en activité a dépassé 9 000, ce qui est là encore historique. Nous n'avons pas à rougir de notre action, car jamais aucun de ceux qui donnent aujourd'hui des leçons n'a fait plus, ni mieux.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Ça, c'est sûr !

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En outre, nous avons fait bien plus que donner des moyens supplémentaires. Grâce à la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, nous avons déjà contribué à accroître la lisibilité, la rapidité, la cohérence et l'efficacité de certaines procédures dans notre système judiciaire. Je salue bien amicalement Laëtitia Avia et Didier Paris, rapporteurs de cette loi, ainsi que Mme Nicole Belloubet, qui vous a utilement précédé dans vos fonctions, monsieur le ministre. Qu'il s'agisse de la simplification des procédures civiles ou pénales, du sens accru de la peine ou de l'amélioration de l'organisation judiciaire, le Parlement a été, sous cette législature, source d'importants progrès, que visent à compléter les présents projets de loi organique et ordinaire pour la confiance dans l'institution judiciaire.

L'examen de ces deux textes est en effet l'occasion de poursuivre, de manière cohérente et pragmatique, l'œuvre entreprise. Ils permettront de franchir des pas décisifs, en matière civile comme en matière pénale, en aplanissant certaines difficultés persistantes et en répondant à un grand nombre d'exigences des professionnels et des justiciables. Ils rendront notre justice plus accessible, protectrice, humaine et efficace, afin que tous ceux qui s'y trouvent confrontés puissent se dire qu'elle a joué son rôle, qu'elle a apporté une solution ou un apaisement.

Il s'agit d'abord de rendre la justice plus accessible. À cette fin, il faut la donner à voir, mais sans l'exhiber. Nous n'allons pas faire entrer les caméras dans les salles d'audience, car, soyons francs, la loi qui les interdit par principe n'existe plus que sur le papier. Il règne en la matière une liberté anarchique, plus ou moins régie par des coutumes et des usages, et nous pouvons en voir, en quelques clics, le produit sur internet. Nous allons poser des règles, établir le cadre – que les précédentes législatures ont négligé –, pour assurer le respect des libertés fondamentales de ceux qui en deviennent les acteurs, le temps d'une audience. Nous serons stricts, mais n'ergotons pas en empilant des clauses de sauvegarde ! J'insiste sur ce point, c'est à un champ laissé en jachère que nous allons revenir.

L'accessibilité, c'est aussi la transparence qui préside à la réforme de la discipline des professions du droit. Construite avec les professionnels eux-mêmes, cette réforme mettra fin aux critiques sur l'entre-soi de ces professions, en simplifiant les procédures, en permettant à des magistrats de siéger dans les chambres disciplinaires et en garantissant une réponse rapide à chaque réclamation.

L'accessibilité, c'est enfin la proximité. En ce sens, la commission a fait évoluer les conditions de saisine des pôles de l'instruction, afin de maintenir l'instruction de certaines affaires criminelles au plus près des justiciables. Cette question me tenait particulièrement à cœur, et je vous remercie, mes chers collègues, monsieur le ministre, de m'avoir suivi sur ce point.

Il s'agit ensuite de rendre la justice plus protectrice. À cet égard, le projet de loi comporte des dispositions phares : la limitation dans le temps des enquêtes préliminaires ; le principe de l'ouverture au contradictoire ; la protection du secret des sources. Soulignons en outre l'apport significatif des députés de tous les groupes, puisque la commission des lois a consacré à l'unanimité la préservation des droits de la défense et des activités des avocats au profit de leurs clients. À cela s'ajoutent de nombreuses avancées dont on parle moins : l'affirmation du droit au silence ; la limitation de la détention provisoire ; l'organisation du témoignage anonyme des agents antiterroristes étrangers dans les procès ; la protection des personnes sous tutelle et curatelle dans la procédure pénale. Ces évolutions sont discrètes, mais modifieront les pratiques de manière très importante.

Il s'agit aussi de rendre la justice plus humaine. Cela passe d'abord par une exécution des peines plus proche des réalités de notre société et plus adaptée aux spécificités de chacune des personnes condamnées. C'est dans cette optique que nous proposons d'une part un mécanisme de libération sous contrainte de droit pour les personnes condamnées à une peine de moins de deux ans de prison et dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à trois mois, d'autre part un nouveau régime unique de réduction de peine, avec une évaluation individualisée se fondant sur la bonne conduite en détention et les efforts sérieux de réinsertion fournis par le détenu. L'exécution des peines doit refléter les décisions de notre justice ; à cette fin, il faut savoir faire preuve de fermeté, mais aussi se montrer humain en tenant compte de chaque situation et en favorisant, sur la base de la reconnaissance de l'effort, la réinsertion sociale et professionnelle des personnes condamnées.

La réinsertion est également l'objectif poursuivi par les dispositions relatives au travail en détention. Comme s'y était engagé le Président de la République dans le discours qu'il avait prononcé en 2018 à l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), il s'agit d'offrir au condamné la possibilité de réintégrer pleinement la société par le truchement du travail. Le contrat d'emploi pénitentiaire que nous allons créer marquera une avancée importante en la matière : il permettra de mieux encadrer le travail en détention et d'accorder aux détenus les droits qui en découlent, tout en tenant compte, bien évidemment, des contraintes inhérentes à la détention.

Il s'agit, enfin, de rendre la justice plus efficace. Notre justice est confrontée à des délais excessivement longs, les affaires criminelles étant les premières concernées. Les délais d'audiencement atteignent quarante mois en moyenne, ce qui est insupportable non seulement pour les victimes, mais aussi pour les accusés, notamment lorsqu'ils sont en détention provisoire. Ce n'est pas l'institution qui est en tort, mais le législateur doit agir avec pragmatisme si nous voulons que nos concitoyens gardent confiance dans notre capacité à juger et punir les actes les plus graves.

Tel est l'objet de la généralisation de la cour criminelle départementale, dont Antoine Savignat et moi avions effectué une première évaluation. Les premiers résultats sont très encourageants : les délais sont plus courts ; l'oralité des débats est préservée ; ces cours permettent de mieux juger certains crimes. À terme, cela réduira la correctionnalisation de certains crimes, notamment des viols ; personne ne pouvait se satisfaire de la situation actuelle. Au cours de ses travaux, la commission a renforcé les garanties entourant l'oralité des débats lors des audiences devant cette nouvelle juridiction.

Le projet de loi tend en outre à réformer la cour d'assises. Certains nous accusent de vouloir la faire disparaître ; nous lui rendons au contraire toute sa place, en lui attribuant les crimes les plus graves et toutes les affaires criminelles en appel. Qui plus est, en augmentant le seuil de majorité, nous rendons sa souveraineté au jury populaire. J'ai par ailleurs souhaité que les magistrats à titre temporaire puissent siéger dans les cours d'assises pour faciliter la tenue des sessions. C'est également dans ce sens que nous proposons d'expérimenter l'avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, pour compléter les jurys ; il pourra apporter un regard différent sur le jugement des crimes, qui est si spécifique.

L'efficacité de la justice passe aussi, parfois, par la définition d'un accord entre les parties, en dehors de l'intervention du juge. Lorsque les parties à un petit litige parviennent à trouver un accord grâce à l'intervention d'un médiateur, par exemple, tout le monde est gagnant, le système judiciaire comme les justiciables. C'est pourquoi nous avons décidé d'encourager davantage encore le recours aux modes amiables de règlement des différends, en leur donnant une pleine efficacité reposant sur le caractère exécutoire des accords conclus. Ainsi, désormais, les parties pourront solliciter auprès du greffe l'apposition de la formule exécutoire sur un accord contresigné par les avocats. C'est dans le même esprit d'une justice efficace et de proximité que nous avons adopté en commission plusieurs amendements destinés à encourager le recours à la médiation.

Enfin, un travail commun des groupes de la majorité permettra de faire émerger un pôle spécialisé dans les crimes non résolus. C'est une immense avancée qui apaisera, espérons-le, des familles démunies, meurtries et en perte de confiance, précisément.

Voilà résumés le contenu des deux textes et les travaux particulièrement riches que nous avons menés au sein de la commission des lois. Les débats dans l'hémicycle seront l'occasion de poursuivre les échanges à propos de notre justice et de confronter nos visions de cette institution, qui compte tant à nos yeux et à ceux de nos concitoyens.

« Nous avons à recoudre ce qui est déchiré, à rendre la justice imaginable dans un monde si évidemment injuste », écrivait Albert Camus.

Sourires.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.

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Ce n'est pas la peine d'essayer de recycler Albert Camus !

Sourires.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Surtout quand il parle de justice !

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La parole est à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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On dit souvent qu'un Parlement est fort lorsqu'il s'oppose ou exerce un contre-pouvoir, ce qui se mesurerait à des coups d'éclat. Pour ma part, je ne le crois pas. En tout cas, je ne crois pas que le rôle d'un Parlement se résume à cela.

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De mon point de vue, le Parlement est aussi une institution qui contrôle, évalue, essaie de construire des propositions dans la durée, grâce à un travail de terrain et à la recherche du consensus. Or, en matière de justice, le Parlement a beaucoup travaillé, proposé et construit depuis 2017, et c'est tout à son honneur.

Ce travail se retrouve dans plusieurs textes désormais en vigueur. On peut penser à la procédure d'amende forfaitaire, imaginée dès 2017 par Éric Poulliat et Robin Reda. On peut penser aussi au travail effectué par Naïma Moutchou et Philippe Gosselin sur l'aide juridictionnelle, qui a débouché, dans le dernier budget, sur une augmentation très sensible des niveaux de prise en charge.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le garde des sceaux, est emblématique du travail réalisé par le Parlement depuis le début de la législature. En effet, vous y avez repris les travaux de Cécile Untermaier et Fabien Matras sur la déontologie des officiers publics ministériels, notamment – vous l'avez évoqué – l'échevinage dans les procédures disciplinaires et la nouvelle échelle des sanctions. Ces travaux parlementaires, menés dans le temps long, ont permis de forger des consensus et nous permettent aujourd'hui, à mon sens, de légiférer de façon constructive et apaisée.

Le texte reprend en outre les travaux de Didier Paris et Xavier Breton sur le secret de l'instruction – M. Breton n'étant plus présent dans l'hémicycle, vous pourrez lui dire que je lui ai rendu hommage pour ce travail.

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Non, ce n'est pas rare, et les membres de la commission des lois le savent : je ne manque jamais de rendre hommage au travail de chacun. Or chacun a contribué, je crois, à l'œuvre de justice qui est la nôtre.

Outre ce travail de proposition, nous menons, bien sûr, un travail d'évaluation. Vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, Antoine Savignat et vous-même avez réalisé une évaluation des cours criminelles départementales, en allant sur le terrain, au contact des professionnels. Vous avez ainsi pu rendre compte à la commission des lois que l'expérimentation fonctionnait et qu'il convenait donc de la pérenniser. C'est précisément ce que vous faites dans ce projet de loi, monsieur le garde des sceaux.

Un Parlement fort, à mon sens, agit de la sorte : il propose, contrôle, évalue, échange. Monsieur le ministre, nous contribuerons ainsi à vos côtés à renforcer, je l'espère, la confiance que nos concitoyens doivent avoir dans leur justice.

Ce texte est particulièrement important à mes yeux, parce que vous y faites une place considérable à la détention. Depuis 2017, vous le savez, la commission des lois a mis la détention au cœur de ses travaux. En novembre 2017, plus de quarante députés de tous bords ont frappé le même jour et à la même heure, ou presque, à la porte de maisons d'arrêt ou de centres de détention, afin de se rendre compte très concrètement des conditions de détention sur l'ensemble du territoire français. À la suite de ces visites, la commission a formé des groupes de travail, menés notamment par Laurence Vichnievsky, Stéphane Mazars, Philippe Gosselin et moi-même.

Notre réflexion a notamment porté sur l'activité et le travail en détention. Nous pensons en effet que, pour mieux protéger nos concitoyens, il faut que la détention soit un temps utile. Je sais que vous partagez ce point de vue, monsieur le ministre. Le projet de loi permettra d'aller jusqu'au bout de cette logique, en supprimant les crédits de réduction de peine automatiques et en considérant qu'il faut systématiquement récompenser l'effort, c'est-à-dire le travail, la formation – ou le soin, lorsque les personnes sont victimes d'une addiction. Sur cette question aussi, vous nous trouverez à vos côtés.

À cet égard, j'appelle votre attention sur deux points : d'une part, il est toujours très difficile de trouver des entreprises qui acceptent de donner du travail aux détenus ; d'autre part, certaines régions – c'est d'actualité – rechignent à financer les formations dans les lieux de détention. Nous le savons, car nous l'avons relevé au cours de nos travaux parlementaires. Dès lors, je compte sur vous pour rappeler les régions à leurs obligations envers les détenus, afin que ceux-ci puissent trouver une formation diplômante.

Sur ce sujet comme sur l'ensemble du projet de loi, monsieur le garde des sceaux, vous trouverez la commission des lois à vos côtés pour contribuer à renforcer le lien de confiance avec les citoyens.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Isabelle Florennes applaudit également.

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J'ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement sur le projet de loi ordinaire.

La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes.

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Pourquoi une motion de rejet sur ce texte précisément ? Je commencerai par là – autant expliquer les choses –, puisqu'il y a dans ce texte des points positifs. Je l'ai déjà dit et je le répéterai autant de fois que nécessaire. Les mesures relatives au secret professionnel de l'avocat – ou au secret de la défense –, l'introduction du contradictoire dans l'enquête préliminaire ou le meilleur encadrement des contrats de travail en détention sont pour moi des avancées importantes, mais – oui, il y a un « mais », sinon je ne défendrais pas la motion de rejet préalable – il y a dans ce texte des éléments qui sont pour nous rédhibitoires.

Deux d'entre eux m'ont immédiatement sauté au visage : la généralisation des cours criminelles départementales – j'expliquerai pourquoi je suis opposé à ces cours et à leur généralisation ; la suppression des réductions de peine automatiques. J'y ajoute un troisième élément, qui n'était pas spontanément dans mon giron : l'article 1er relatif à l'enregistrement et à la diffusion des audiences.

Monsieur le ministre, je me permets de vous dire que vous faites une erreur ministérielle : vous nommez un texte de loi d'après un état psychologique, ce qui est assez étrange en la circonstance. Vous l'avez dit, la confiance ne se décrète pas ; mais c'est tout de même le titre du texte ! C'est tellement étrange que tout un tas d'amendements visant à remettre de la confiance dans l'institution, notamment ceux relatifs à la procédure de récusation d'un magistrat quand on soupçonne un conflit d'intérêts, sont irrecevables. Irrecevables !

Madame la présidente de la commission des lois, vous avez oublié de citer le travail remarquable effectué par Didier Paris dans le cadre de la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire – ce n'est pas très sympa pour lui. Chacun l'aura compris, je ne dis pas ça parce que j'en étais le président, mais parce qu'une question avait été soulevée concernant la remontée d'informations au sein de l'exécutif, la suspicion qu'on peut avoir à l'encontre de l'institution judiciaire et le mélange parfois étrange entre politique et justice. L'amendement issu de cette interrogation a été jugé irrecevable, preuve que votre objectif est non d'avancer sur ce point mais de présenter un texte pour dire que quelque chose a été fait en matière de justice.

Je vais commencer par le commencement : les audiences filmées. Monsieur le ministre, je dois vous avouer que je suis profondément déçu. Je vais vous dire pourquoi : parce que je suis favorable à la possibilité de filmer les audiences. Pour quelle raison ? Revenons au point de départ : pourquoi les audiences sont-elles publiques ? N'importe quel citoyen ou citoyenne peut y accéder, puisque la justice se rend à la fois au nom du peuple français et devant lui, de manière transparente, visible et accessible, pour que les jugements ne soient pas rendus dans un entre-soi, à l'abri des regards. Dans la continuité de cette publicité des débats, qui est un élément démocratique fort du fonctionnement de l'institution judiciaire, il nous semblait logique de pouvoir filmer les audiences. Mais les filmer ne signifie pas forcément en faire des produits télévisuels ; c'est là où nous divergeons.

Tout, dans l'article 1er , est fait pour aboutir à une émission de télévision et non pour que tout citoyen puisse avoir publiquement accès aux audiences filmées, par exemple sur le site du ministère de la justice. L'objectif est bel et bien de faire venir ponctuellement des caméras de télévision à certains procès choisis, au civil ou au pénal – j'ai bien compris que ce serait plutôt au pénal, mais a priori ce serait dans tous les domaines –, caméras qui repartiraient aussitôt leur produit terminé, pour faire de la pédagogie.

Tout ça est un peu hasardeux : si l'émission de télévision ne marchait pas – c'est une hypothèse – et que la chaîne avec laquelle nous aurions un partenariat nous lâchait en rase campagne, nous n'aurions plus d'audience filmée et plus de dispositif, parce que plus de caméras ni de production.

C'est quand même assez étrange. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre : il est hors de question de mettre un seul euro là-dedans. Il n'y aura pas de caméras installées dans les salles d'audience par le ministère de la justice, qui souhaiterait avoir la main sur les images ainsi produites et les mettre au service du public. Je me vois donc dans l'obligation de m'opposer à l'article 1er .

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oh ! Étonnant !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous voulez non un contrôle démocratique supplémentaire, mais un produit télévisuel pédagogique et sympathique, auquel des professionnels pourraient participer. Je n'y suis pas opposé, sauf que ça a été dit tout à l'heure par le rapporteur : en l'état actuel, c'est déjà possible. Les chaînes de télévision peuvent déjà filmer des procès – certes, un peu sans cadre. Mais avec ce texte, on ne sait pas davantage qui décidera des procès à enregistrer ou des émissions à produire. On ne sait pas qui décidera de quoi que ce soit : visiblement, ce sera la Chancellerie, à tout le moins le ministre, ce qui semble assez étrange et donne peu de garanties sur l'opportunité de filmer une audience ou une autre. Or ce n'est pas un petit sujet que de choisir telle audience ou telle autre.

Après l'article 1er , j'enchaîne sur deux autres éléments, en commençant par la cour criminelle départementale. Pourquoi y sommes-nous opposés ? Revenons tout d'abord, monsieur le ministre, sur vos déclarations dans lesquelles vous sembliez dire que tous les avocats sont très heureux des nouvelles cours criminelles départementales, des nouveaux procès et de la nouvelle procédure. Selon vous, tout est génial et les retours sont bons. Le député Savignat a conduit une mission avec le rapporteur sur le sujet. Ils paraissaient eux aussi enchantés par ces cours. C'est leur droit, je n'en disconviens pas, mais ils ne sont pas l'intégralité de la représentation nationale.

De la même façon, l'avis des quelques avocats avec qui vous avez pu échanger n'emporte pas celui de la majorité des avocats ou tout au moins de leurs instances représentatives. Le Conseil national des barreaux (CNB) et la Conférence des bâtonniers ont tous deux rappelé que leur bureau a décidé, à une très large majorité, de s'opposer aux cours criminelles départementales. Alors qui faut-il croire, le ministre ou les instances représentatives des avocats ?

Je crois que ces cours suscitent une opposition ; pourquoi ? Si vous vouliez que les cours criminelles départementales soient un succès en ne retenant pour critère d'appréciation que la rapidité de la procédure, il allait de soi que ce serait le cas. En raison de l'absence des jurés, elles sont plus rapides à réunir et à former – à cette limite près : une fois que le système sera complètement déployé, il n'est pas impossible que l'on constate un nouvel engorgement des affaires. Je mets cela de côté, car ce n'est pas l'actualité du débat. Retenons seulement que ce critère est forcément rempli.

Vous parlez du taux d'appel comme si c'était un taux de satisfaction.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Eh oui ! Un taux d'insatisfaction, en l'occurrence !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, monsieur le ministre, le taux d'appel n'est pas un taux de satisfaction ! Vous pouvez vous dire que ceux qui ne font pas appel sont satisfaits du jugement, mais il y a d'autres critères : certains en ont ras le bol et ne veulent pas aller à l'étape suivante, parce que c'est déjà suffisamment compliqué et lourd d'être devant la justice – qu'il s'agisse d'un auteur ou d'une victime d'ailleurs, peu importe ; c'est souvent un critère bien plus déterminant.

Les moyens économiques nécessaires pour aller à l'étape suivante en sont un autre. Rappelons qu'aller en justice n'est pas à la portée de toutes les poches.

Enfin, vous dites que cette juridiction évite les correctionnalisations. Je ne vais pas faire un point de droit sur celles-ci ou sur leurs raisons, mais l'argument me semble passer un peu rapidement sur la réalité du fonctionnement judiciaire en France. Non, il n'y a pas ceux qui sont favorables à la correctionnalisation et défavorables aux cours criminelles départementales, et les autres. Je suis tout à fait opposé aux correctionnalisations dans le cas de viols caractérisés par exemple ; je souhaite que ces crimes aillent devant les assises et non devant une cour criminelle départementale. Voilà notre positionnement politique.

Certaines personnes n'ont jamais été auditionnées pour donner leur avis sur la généralisation des cours criminelles départementales. Avez-vous interrogé les jurés, qui demain ne participeront pas à une cour d'assises ? Non, évidemment. Avez-vous interrogé les jurés des cours d'assises précédentes, pour savoir s'ils trouvaient intéressant de perpétuer le système ou de le réduire ? Vous n'allez pas le faire disparaître tout de suite, certainement pas vous, monsieur le ministre – d'autres en auront peut-être l'idée après vous –, mais il y aura tout de même moins de procès d'assises. C'est la réalité et c'est d'ailleurs votre objectif assumé.

Nous ne le partageons pas, parce que la place du peuple doit être centrale, autant que de besoin et autant que possible dans le cadre du fonctionnement du ministère de la justice et de l'institution judiciaire. Je le dis autant pour les conférences des tribunaux auxquels nous sommes invités en tant que parlementaires – pas par tous d'ailleurs – que pour les jurés des procès.

Vous m'avez reproché, monsieur le ministre, d'avoir plaidé pour une idée expérimentée par Nicolas Sarkozy, qui voulait mettre des jurés populaires dans les tribunaux correctionnels. Pourquoi a-t-il souhaité l'expérimentation et pourquoi l'a-t-il arrêtée ? Il l'a instaurée parce qu'il trouvait les juges trop laxistes – on entend beaucoup ça, en ce moment, on n'a rien inventé. Il trouvait que les juges étaient trop laxistes et s'est dit qu'il allait leur coller des citoyens pour qu'ils soient plus sévères. L'expérimentation est menée, résultat : ils sont moins sévères. Du coup, l'expérimentation est arrêtée.

Je veux la reprendre, non pas parce que les citoyens sont moins sévères – ce n'est pas l'objet –, mais parce que, chaque fois qu'un citoyen participe à un procès, il en sort grandi. Nous en sortons tous grandis. Pour écarter la démagogie dont vous parlez, qui a cours à longueur de temps sur les chaînes d'information en continu ou dans certaines corporations et organisations – notamment policières, on le sait bien –, nous faisons le choix du peuple, tout le temps, et nous choisissons de nous opposer à la généralisation des cours criminelles départementales.

J'en viens au point suivant : les réductions de peine automatiques. Vous partez du postulat selon lequel les personnes détenues seraient des fainéants – je résume, en caricaturant –, qui ne savent pas se lever le matin…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pas du tout !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…qui ne veulent pas apprendre à lire et qui ne veulent pas faire d'activités. Comme ils ne veulent rien de tout ça, il faudrait remettre un coup de bâton et arrêter les réductions de peine automatiques. Désormais, il n'y aurait que ceux qui se lèvent le matin qui bénéficieraient de l'équivalent des actuelles réductions de peine supplémentaires.

C'est un peu comme quand vous racontez – pas vous, monsieur le ministre, mais le Gouvernement – que, si l'on réforme l'assurance chômage et que l'on diminue les indemnités chômage, les gens trouveront plus facilement du boulot. S'il n'y a pas de boulot, vous aurez beau réduire toute l'assurance chômage, à la fin il restera des gens qui sont pauvres.

Eh bien, c'est pareil en détention. Comme il y a de la surpopulation et un nombre insuffisant d'activités proposées, ce dispositif appliqué en l'état conduira à un allongement des durées d'incarcération des personnes détenues. L'étude d'impact prévoit, dans les projections les plus pessimistes, une augmentation de 10 000 détenus à l'instant t. Le résultat ne sera pas atteint, parce qu'on fusionne réductions de peine automatiques et supplémentaires, en quelque sorte. Mais pour être suffisamment optimiste, il faudrait que 70 % des demandes des détenus soient acceptées par les juges d'application des peines.

Bien sûr, vous avez rétabli des critères de bonne conduite, mais je pensais que ce n'était pas ça le sujet. Je pensais que le sujet, c'était que les personnes détenues soient actives, se lèvent le matin, etc. Or qu'instaurez-vous à la fin du dispositif ? Une libération sous contrainte à trois mois de l'échéance de la peine, validant de fait l'échec du dispositif de réduction de peine automatique, confirmant qu'il y aura trop de monde en détention et qu'il faudra, oui, une mesure de gestion des stocks et des flux de détenus.

C'est assez étrange de se dire que le principal problème, en détention, ce sont les réductions de peine automatiques. Non, le principal problème, c'est la surpopulation carcérale. Que faites-vous pour lutter contre ? Vous construisez des prisons et vous incarcérez davantage. Le Gouvernement passe son temps à inventer de nouveaux délits et de nouvelles peines : regardez le texte sur la sécurité globale ! Même dans un texte sur l'enseignement supérieur, vous trouvez le moyen de créer de nouveaux délits. Ne vous étonnez pas qu'il y ait plus de gens condamnés ; vous l'avez dit tout à l'heure comme si c'était un sujet de fierté : « On condamne, on condamne, on condamne. » Mais où allons-nous comme ça ? C'est l'escalade permanente ! C'est ce qu'on appelle l'effet cliquet en matière pénale – que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Le moment venu, nous le contesterons.

Quant aux moyens, je le répéterai chaque fois que ce sera nécessaire : en 2021, le projet annuel de performance du Gouvernement prévoit cinquante magistrats supplémentaires par rapport à 2020. En 2020, Nicole Belloubet avait fait mieux avec 100 magistrats supplémentaires par rapport à 2019. Vous me direz : on est à l'effectif cible avec cinquante magistrats supplémentaires, on a notre total de 9 000. On en a toujours deux fois moins par habitant que nos voisins, mais on est à l'effectif cible ! Quelle bonne nouvelle.

Si je vous en veux, monsieur le ministre,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…c'est parce qu'en 2016, sous le gouvernement socialiste, il y avait 366 auditeurs de justice à l'ENM – École nationale de la magistrature –, soit la plus grosse promotion de cette école, preuve que vous n'êtes pas forcément le meilleur dans tous les domaines ! En 2021, cette école compte 195 élèves, soit 171 personnes en moins : l'ENM aurait pu former 171 nouveaux magistrats, opérationnels 31 mois plus tard – c'est-à-dire sous notre gouvernement. Donc, s'il vous plaît, faites un effort pour la rentrée prochaine et ouvrez les postes correspondant au maximum des capacités d'accueil de l'ENM ! Dès lors, peut-être daignerons-nous considérer avec sérieux vos propositions sur les moyens de ce pauvre ministère.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur la motion de rejet préalable sur le projet de loi ordinaire, je suis saisie par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je m'étonne souvent, de manière générale, que l'on dépose des motions de rejet qui ne correspondent pas aux motifs prévus dans notre règlement et offrent surtout l'occasion d'une prise de parole. Mon cher collègue Bernalicis aurait pu, s'il le souhaitait, déposer des amendements sur les différents sujets qu'il a évoqués. Sa motion de rejet ne me semble donc pas justifiée. C'est la raison pour laquelle mon groupe ne la votera pas.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est dommage que de tels dépôts de motions de rejet soient récurrents, alors que le présent texte est riche et balaie large : à l'inverse d'un rejet pur et simple, il invite à un débat nourri, qui dira s'il nécessite d'être enrichi et amélioré.

Je ne vois que des vertus à autoriser la diffusion des audiences, laquelle a une finalité pédagogique, donc socialisante. Dans la mesure où la population de notre pays ne comprend plus guère le fonctionnement de notre institution judiciaire, il est bon d'essayer de faire progresser ses connaissances en la matière.

De même, dans la mesure où il sera possible d'ouvrir une procédure par la suite, il me semble positif de baliser les enquêtes préliminaires en les ouvrant au contradictoire quand une personne est mise en cause dans les médias. Nous nous accordons tous sur l'importance de mieux protéger les droits de la défense, même s'il existe entre nous des divergences sur la manière de le faire.

Le texte supprime l'automaticité du crédit de réduction de peine, que nos compatriotes ne comprennent plus. On peut certes s'interroger sur la surcharge de travail que l'on créera ainsi pour le JAP – juge de l'application des peines –, sur les difficultés qu'il rencontrera si une remise de peine est suivie d'une récidive, mais, en tout état de cause, nous devons débattre des modalités pratiques d'une telle disposition.

Enfin, les dispositions relatives au contrat d'emploi pénitentiaire, qui encadre le travail des personnes détenues et prépare leur sortie de détention, sont très convaincantes, même si elles sont susceptibles d'être améliorées marginalement, à certains égards. Il est donc nécessaire de débattre du présent texte. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En votant la motion de rejet préalable, on accréditerait l'idée que le présent projet de loi serait d'une telle ampleur, qu'il bouleverserait les équilibres de l'institution judiciaire et de son fonctionnement à un tel point qu'il en deviendrait dangereux pour l'institution elle-même.

Or, le débat à venir le démontrera, ce texte est tout sauf une révolution. Il a vocation à apporter des solutions sur un certain nombre de points, à bousculer parfois quelques habitudes, mais il ne constitue en aucun cas une nouvelle façon de rendre la justice dans notre pays.

La défense de cette motion de rejet préalable a du moins permis à notre collègue Bernalicis d'émettre un certain nombre de critiques, dont certaines, que nous partageons, sont tout à fait légitimes sur la justice filmée ou la généralisation – sans qu'on en poursuive l'expérimentation – des cours criminelles départementales. Reste que le débat parlementaire doit avoir lieu. Notre groupe ne votera donc pas la motion.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous voterons évidemment la motion de rejet préalable et nous invitons tous nos collègues à faire de même. Nous contestons non seulement la constitutionnalité du projet de loi, mais aussi son opportunité. Voilà pourquoi cette motion fait pleinement sens, tant sur la forme que sur le fond.

Mon collègue Bernalicis a été très clair dans son exposé liminaire introductif, au point que le ministre en est resté ébahi, bouche bée, sans pouvoir opposer aucun argument. Un tel silence constitue un aveu qui plaide pour le rejet du texte. Je vous enjoins donc de suivre cet avis silencieux.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous considérons cette motion de rejet comme un appel à poursuivre le travail sur le présent projet de loi, puisque le dépôt d'une telle motion n'est plus possible en commission, où elle aurait gagné à être défendue.

Le présent texte comporte effectivement des points intéressants et positifs, comme le contrat d'emploi pénitentiaire, la procédure contradictoire au cours de l'enquête préliminaire, l'enregistrement et la diffusion des audiences, même si nous présenterons des amendements visant à garantir le caractère éthique de l'utilisation de ces enregistrements. Nous soulignerons surtout le rôle de la télévision publique en la matière et reviendrons sur la protection du secret professionnel des avocats, qu'il faut encore étendre.

Pour nous, il existe cependant des lignes rouges, notamment la généralisation des cours criminelles départementales, ainsi que la réforme des réductions automatiques de peine, qui ne nous semble pas suffisamment performante au regard de la situation du secteur pénitentiaire.

Nous voterons donc la motion, non dans l'idée qu'il faut rejeter globalement le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, mais pour inciter le Gouvernement à entendre les organisations représentatives des acteurs et des actrices de la justice, qui réclament une véritable concertation et des moyens pour remplir leur mission.

Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez, monsieur Bernalicis, commencé votre propos en disant au ministre qu'il faisait une erreur ministérielle. Or, c'est vous qui faites une erreur parlementaire,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…puisque rien dans votre propos, absolument rien, ne justifie le rejet du texte. Je mesure votre embarras, car vous savez que le projet de loi comporte de bonnes dispositions, importantes pour la justice. Mais il vous faut vous opposer, donc, vous vous opposez.

Sur l'article 1er , vous nous indiquez vouloir de la transparence, là où nous introduisons de la pédagogie. Quant aux cours criminelles départementales, que proposez-vous à toutes les victimes de viol qui acceptent une correctionnalisation ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Rien !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Que proposez-vous à ces personnes, qui sont notre priorité et à qui nous devons apporter une solution ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelles sont vos idées, en dehors du simple rejet ?

Nous avons proposé des avancées et déposé en commission beaucoup d'amendements sur les réductions de peine ; nous le ferons également en séance, parce que le dispositif du texte peut être affiné et qu'il relève de notre mission de parlementaires d'apporter des propositions d'amélioration des textes.

Nous proposons ; vous rejetez. Nous rejetterons bien évidemment votre motion de rejet.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai écouté avec attention notre collègue Bernalicis. J'ai du mal à comprendre que l'on puisse défendre une motion de rejet préalable sur un texte comportant autant de dispositions, et plus encore qu'on refuse le débat en ne citant que trois points : les audiences filmées, l'extension de la cour criminelle départementale et le nouveau régime de réduction des peines.

Cela revient à faire fi des améliorations considérables qu'il apporte en matière de secret professionnel pour les avocats, d'enquête préliminaire et d'instruction, ou à méconnaître les dispositions relatives aux titres exécutoires pour les avocats, et les dispositions en matière disciplinaire. Je partage toutefois le sentiment de notre collègue sur les audiences filmées, qui m'inspirent un certain scepticisme : je ne suis pas certain qu'un tel dispositif fonctionnera.

S'agissant des cours criminelles départementales, soyez rassuré, ni notre collègue Mazars ni moi-même ne sommes les seuls penseurs en la matière. La commission des lois nous a confié une mission d'information et nous avons effectué des auditions. Vous savez à quel point – nous en étions d'accord lorsque nous en avons débattu en 2018 – j'étais radicalement opposé à une telle expérimentation relative à ces cours criminelles. À présent que j'ai entendu l'ensemble des professionnels, je n'envisage pas d'aller à l'encontre de ce que tous nous ont dit, car ce faisant j'irais à l'encontre de ma fonction de représentation de nos concitoyens. Si un seul de ces professionnels avait émis une objection, j'aurais fait preuve de prudence, mais tel n'est pas le cas.

Sur la réduction des peines, nous n'avons pas la même lecture de l'importance de la peine dans notre société, ni de celle du travail rédemptoire dans le cadre de la détention : nous n'arriverons donc jamais à être d'accord.

En tout état de cause, nous ne pouvons pas refuser de débattre de l'ensemble de ces points. Nous ne savons pas ce que nous ferons à l'issue de la discussion, mais nous voulons examiner l'ensemble de ces dispositions. Nous ne voterons donc pas la motion de rejet.

Applaudissements sur les bancs du groupe LR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je mets aux voix la motion de rejet préalable sur le projet de loi ordinaire.

Il est procédé au scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 116

Nombre de suffrages exprimés 115

Majorité absolue 58

Pour l'adoption 10

Contre 105

La motion de rejet préalable sur le projet de loi ordinaire n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai reçu de Mme Valérie Rabault et des membres du groupe Socialistes et apparentés une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi organique.

La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Une motion de rejet, selon les termes de l'article 91 du règlement de l'Assemblée nationale – qui a supprimé la motion de renvoi en commission, plus appropriée – a pour objet « de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou de faire décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer ».

Désigné par tirage au sort pour défendre une telle motion, le groupe Socialistes et apparentés puise le sens de la présente intervention dans ces deux registres. Ce sera une occasion de dénoncer les sérieuses carences de ces deux textes.

Deux critiques principales fondent notre rejet. La première concerne le titre III de la loi organique, donc aussi l'article 1er du projet de loi ordinaire relatif à l'enregistrement et à la diffusion des audiences ; la seconde a trait à la réforme des peines. D'autres observations viennent renforcer nos critiques.

Le dispositif prévu à l'article 1er , relatif à l'enregistrement et la diffusion des audiences, fonde un rejet tenant au caractère inconstitutionnel du texte : celui-ci est entaché, selon nous, d'incompétence négative.

Diffuser la culture de la justice, faire de la pédagogie, démontrer que les affaires ne sont pas toujours simples et que les acteurs de la justice travaillent : nous ne pouvons qu'être favorables à ces idées. Cela va dans le sens de la transparence : Raymond Depardon disait que l'enregistrement et la diffusion servent à faciliter l'écoute des audiences qui sont parfois très techniques, répétitives ou confuses ; les rendre compréhensibles et intéressantes pour le plus grand nombre, c'est là, je n'en doute pas, votre objectif, monsieur le ministre.

Un de nos amendements allait d'ailleurs dans le sens d'une plus grande transparence : il visait à permettre un accès immédiat et gratuit aux écritures de l'ensemble d'une affaire jugée et devenue définitive – mémoires, expertises, conclusions des rapporteurs publics –, et cela qu'elle relève de la juridiction judiciaire ou administrative. Il a été déclaré irrecevable. Quelle honte !

Mais ce projet, qui est de faire du droit commun ce qui est l'exception à ce jour, doit être précisé. Ce n'est pas au pouvoir réglementaire qu'il revient de prévoir les garde-fous encadrant la communication des services publics de la justice, mais bien au législateur d'exercer l'ensemble de sa compétence sur le sujet. En effet, une telle disposition peut aussi avoir des effets dangereux si l'enregistrement et la diffusion ne sont pas encadrés de manière claire et intelligible.

Citons, dans l'actualité récente, un exemple douloureux : celui de la polémique déclenchée par la confirmation en cassation de l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Sarah Halimi. L'arrêt de la chambre d'instruction a retenu la culpabilité de Kobili Traoré et la dimension antisémite de son crime. On peut imaginer ce que pourrait susciter la diffusion de certaines phrases tronquées du procès sans préparation ni apport pédagogique. L'intérêt public auquel fait référence le texte pour fonder une communication ne peut suffire à nous rassurer et le législateur doit en dire davantage sur ce sujet.

Il faut enrichir la réflexion de l'opinion, mais la question de savoir comment et quand est déterminante et elle n'est pas traitée dans le texte. Nous devons absolument protéger le pouvoir du juge.

Voilà pourquoi il nous semble que ce dispositif, dont nous ne remettons en cause ni la finalité ni l'intérêt, est entaché d'incompétence négative ; certaines garanties doivent être apportées par le législateur, comme il lui revient de fixer les grandes règles du fonctionnement de ce dispositif.

Il s'agit d'abord de préciser qui donne l'autorisation d'enregistrement, et donc qui décide de la diffusion potentielle d'une audience : nous proposons que ce rôle revienne aux chefs de cour, après consultation des chefs de juridiction et des autres acteurs de la justice. Le Gouvernement ne doit pas céder à la tentation de s'ingérer dans les affaires de la justice.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Il ne le fait pas !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il le fait en renvoyant à un décret les points essentiels de la mesure.

Il s'agit aussi de préciser qui peut diffuser, et selon quel cahier des charges, écrit par qui et comment. Cette possibilité sera-t-elle ouverte à une chaîne d'information publique, à une chaîne d'information continue ? Selon quelles modalités et à quelles conditions se fera l'attribution ?

Il s'agit aussi de garantir que l'enregistrement d'une audience, dans le cadre d'une enquête ou d'une instruction, ne nuise pas à la manifestation de la vérité.

S'agissant de l'article 1er du projet de loi et du titre III de la loi organique, qui contiennent les dispositions les plus médiatisées du texte et sans doute parmi les plus passionnantes, nous disons donc que le législateur doit exercer toute sa compétence et qu'il ne le ferait pas s'il votait les textes en l'état.

Sur le second point, la réforme des réductions de peine, beaucoup de choses ont été dites. Je formulerai d'abord un constat : l'ensemble des professionnels que nous avons rencontrés nous disent qu'il n'y a pas lieu de légiférer sur cette question. Cela ne peut certes pas emporter un rejet de la loi, j'en conviens, mais notre rôle est de nous efforcer de vous démontrer que cette opposition est assez convaincante.

Nous devons en premier lieu écarter l'idée funeste selon laquelle les détenus ne seraient pas soumis à la sanction du juge s'agissant du crédit de réduction de peine dont ils bénéficient tous lors de leur condamnation.

Il s'agit bien d'un crédit dont les juges de l'application des peines, nonobstant les éventuelles mesures disciplinaires, se servent comme d'un bâton – un bâton légitime – pour sanctionner les mauvais comportements. La preuve en est qu'entre 10 % et 20 % des détenus, ce qui représente 8 % du volume global des crédits de réduction de peine, se voient retirer leur réduction de peine en raison d'une mauvaise conduite.

Nous devons préciser que le système actuel fonctionne plutôt bien, qu'il n'est entouré d'aucun laxisme, qu'il permet de valoriser les bonnes conduites et, grâce au mécanisme de la réduction de peine supplémentaire, de favoriser l'insertion.

De plus, cette réforme va à contre-courant de l'orientation constante – et intéressante – de l'actuel gouvernement, qui est de privilégier une société de la confiance. Le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire ferme la porte à la confiance que pouvaient avoir les professionnels de la pénitentiaire et les juges de l'application des peines dans le comportement des détenus – détenus dont plus de 80 % ne posent pas de problème et s'engageraient volontiers dans une action d'insertion si elle leur était proposée.

Il s'agit selon nous d'une réforme qui flatte l'opinion…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…plus qu'elle ne règle les problèmes, nombreux, de la prison.

Ce constat ne serait pas grave si votre réforme ne risquait pas d'avoir des effets néfastes, d'ailleurs identifiés par le Conseil d'État.

Tout d'abord, les effets de cette réforme seront peu prévisibles. En toute hypothèse, le travail des juges d'application des peines s'en trouvera fortement compliqué, sans plus-value pour la sécurité et la lutte contre la récidive. Les spécialistes des prisons redoutent un accroissement des disparités entre condamnés au niveau national, le juge de l'application des peines étant amené à statuer « à la carte » à la fois sur la bonne conduite et sur les efforts de réinsertion en fonction des options proposées par un établissement donné. Les efforts de réinsertion ne pourront être évalués qu'à la lumière des offres de formation, d'emploi, d'accompagnement éducatif proposées en prison. Or leur absence est pointée par le milieu carcéral.

Par ailleurs, on peut craindre une augmentation de la population carcérale, cela a été dit. Rappelons que la France fait déjà partie, avec la Turquie, des cinq pays parmi les quarante-sept du Conseil de l'Europe qui affichent la densité carcérale la plus élevée. Cette surpopulation complique la prise en charge des détenus et leur préparation à la sortie de détention.

C'est dans la voie de l'encellulement le plus souvent individuel que se trouve la clé de la lutte contre la récidive et la réinsertion, à notre avis. Tous les surveillants nous le disent : comment parler d'insertion, de réinsertion lorsque les détenus partagent une même cellule à quatre ?

Enfin, la réforme prétend mettre un terme à l'automaticité du crédit de réduction de peine mais introduit une très réelle automaticité de la réduction de peine, sans avis du juge cette fois, pour les détenus condamnés à une peine de prison inférieure ou égale à deux ans. Ce n'est pas cohérent. Cette libération sous contrainte automatique apparaît comme un outil de délestage et de correction partielle des effets redoutés de la réforme de réduction de peine.

En somme, la réforme revient sur un choix philosophique très fort : faire confiance, par principe, au détenu, en lui accordant une réduction de peine dès sa condamnation, afin de le responsabiliser bien avant sa sortie de prison. Avec ce texte, la méfiance quant à son comportement devient la règle et la confiance, l'exception.

Par ailleurs, nous sommes également en désaccord avec la généralisation des cours criminelles départementales, qui ne respecte pas la volonté du législateur de procéder à une phase expérimentale de trois ans. La volonté du législateur mérite plus de respect ; certes, une loi peut défaire une autre loi, mais s'agissant des expérimentations, nous avons ici la preuve qu'elles sont le plus souvent l'outil d'une volonté politique du Gouvernement qui n'ose pas s'affirmer d'emblée. Cela crée un sentiment de duperie désagréable et néfaste.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Alors ça, c'est extraordinaire !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur le fond, nous préférons une réforme facilitant la tenue des cours d'assises, préservant les jurés, que la création de ces cours criminelles qui les fait disparaître.

Le Gouvernement est ainsi éclairé sur les préoccupations de notre groupe, que nous voulons constructives. Cette motion met l'accent sur deux points essentiels du texte. À ce stade, après l'examen en commission, nous n'avons aucune avancée sur ces questions majeures ; c'est le sens de notre motion de rejet.

C'est pour nous l'occasion de dire aussi que la confiance dans l'institution judiciaire passe d'abord par la garantie de son indépendance. Mais, cette question de l'indépendance du parquet, qui n'exclut en rien une politique pénale menée par le Gouvernement et le garde des sceaux, vous ne voulez pas la traiter.

À tout le moins, nous aurions pu accueillir l'amendement souhaité par la Cour de cassation sur le rapporteur public et l'affirmation de son indépendance. Le Sénat sera, je pense, plus intelligent que nous et le fera.

Je tenais à remercier, nonobstant le ton de cette motion de rejet, la présidente de la commission des lois, pour les propos qu'elle a tenus vis-à-vis des parlementaires.

Monsieur le ministre, j'espère qu'au-delà de cette motion de rejet, nous saurons trouver au cours de cette première lecture en séance publique des solutions qui satisfassent l'ensemble des parlementaires ici présents.

Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Untermaier, vous présentez une motion de rejet tout en concluant sur les débats à venir : c'est dire à quel point vous croyez à l'avenir de votre motion ! J'ai cru d'ailleurs que, lors des travaux en commission, vous n'aviez pas cette hostilité ; peut-être s'agit-il à cet instant d'une logique de groupe. Je n'en sais rien et je ne souhaite pas le savoir.

Pourquoi avoir peur que des audiences soient filmées ? Regardez ce qui se passe aujourd'hui sur un certain nombre de chaînes : la justice est critiquée en permanence, des experts s'invitent, quinze à la douzaine, et vous racontent que le meurtre d'un policier – j'ai entendu ça il y a trois jours –, c'est dix ans d'emprisonnement.

Pardonnez-moi, mais je souhaite pour ma part que la justice s'invite dans le salon des Français ; je souhaite qu'ils puissent par eux-mêmes juger de la difficulté d'une procédure, de la difficulté de choisir une peine, qu'ils puissent se faire une idée de ce que sont les experts, de ce que sont les enquêteurs, qu'ils comprennent comment on forme un verdict. Je veux également lever le scepticisme de M. Bernalicis sur la justice civile et sur la justice commerciale. Bref, je souhaite que les Français aient enfin les moyens d'appréhender la justice. J'ai parcouru les cours d'assises toute ma vie et il m'est arrivé de rencontrer des jurés : eux qui n'y avaient jamais mis les pieds disaient tous combien cette expérience avait été enrichissante pour eux, et combien leur vision de la justice en avait été changée.

Nous n'avons rien à craindre, j'en suis persuadé. La Cour de cassation sera filmée : ce n'est pas rien, tout de même, sur les questions de droit, en particulier sur le dossier que vous évoquiez tout à l'heure. Le Conseil constitutionnel est déjà filmé. L'Assemblée nationale est filmée, et c'est un lieu de débat hautement démocratique.

J'ai rencontré le président de la Cour européenne des droits de l'homme, M. Robert Spano, qui m'a dit à quel point il jugeait cet outil absolument indispensable.

Que craignez-vous donc ? Je ne le comprends pas. Vous dites que la Chancellerie n'a pas à s'immiscer dans les affaires en cours, comme si le fait de donner une autorisation – nous y reviendrons, évidemment – pouvait être une ingérence. Vous évoquiez Raymond Depardon : il avait bien obtenu ses autorisations de la Chancellerie. On peut aussi compter sur les uns et sur les autres ! Je ne reviens pas maintenant sur les conditions de la diffusion, mais je dois préciser qu'elle ne concernera que des procès définitivement jugés. Il y aura une discussion thématique sur le plateau pour expliquer encore mieux, de façon plus précise, ce que l'on a vu.

C'est avec enthousiasme que nous devrions ouvrir à nos concitoyens la possibilité de mieux appréhender la justice !

Ensuite, madame Untermaier, je m'étonne que vous n'ayez pas compris ma philosophie sur le dispositif de réduction de peine. Concédez que ce système est totalement hypocrite. Il a été instauré il y a fort longtemps par la droite qui, tout en prônant la tolérance zéro, faisait de la régulation pénale sans le dire, comme M. Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Il coexistait avec la grâce collective du 14 juillet. Je l'ai indiqué en réponse à une question qui m'a été posée : on sortait entre 3 000 et 4 000 détenus.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Moi, je n'ai pas fait grand-chose. Monsieur Ciotti, vous êtes un vieux de la vieille ; ce n'est pas mon cas. Je voudrais pouvoir terminer.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Oui, mais c'est vous qui avez voté ces crédits de réduction de peine automatiques, ce qui vous gêne car vous savez bien que les Français ne les comprennent pas.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Pour une condamnation à une peine de prison de dix ans, ce crédit de réduction de peine automatique atteint vingt et un mois. Ainsi, un homme condamné à dix ans de prison sait, avant même d'avoir mis le pied dans le fourgon cellulaire, qu'il bénéficie de vingt et un mois de réduction de peine, sans faire d'effort. Je souhaite que la réduction de peine soit accordée en fonction de l'effort réalisé par le détenu, ce qui ne me semble pas indigne. De quel effort s'agit-il ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, la bonne conduite n'est pas un effort, c'est la moindre des choses !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alors pourquoi avoir retenu ce critère dans le texte ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je souhaite que l'on se soigne, que l'on apprenne à lire, que l'on travaille, que l'on se forme, que l'on se livre à des activités. Madame Untermaier, lorsque je me suis rendu à la prison de Villepinte, une éducatrice m'a expliqué que, pour certains jeunes, le seul fait de se lever représentait déjà un effort. Voilà ce que je veux encourager. Ce n'est pas indigne d'espérer cela du détenu, de l'y inciter. Cela me paraît tout à fait essentiel si l'on envisage également la prison comme une institution favorisant la réinsertion à un moment donné. Ce sont des gages que nous donnons à nos compatriotes.

Si la prison est séparée de la société par des murs d'enceinte, je souhaite que les mêmes codes s'appliquent en prison et à l'extérieur. Je le redis – je l'ai répété vingt fois : le sens du travail et de l'effort n'est pas un sens interdit. Je me suis rendu à Oermingen, en Alsace : plus de 70 % des détenus travaillent en période de covid et plus de 80 % hors période de covid. Or mon métier c'est aussi d'essayer de faire venir tous les entrepreneurs. La part des détenus travaillant est tombée de 50 % à 29 % ; je souhaite y remédier au plus vite et je ne comprends pas cette réticence.

Au fond, les juges d'application des peines sont parfaitement rodés à cette technique. Nous avons aujourd'hui deux systèmes : un système automatique et un autre qui ne l'est pas. Ainsi, il n'y aura qu'une seule commission de l'application des peines – CAP – annuelle. Cela signifie qu'il y aura vraisemblablement moins de travail. Je souhaite également associer le surveillant, acteur pénitentiaire, à l'élaboration de la décision.

S'agissant des cours d'assises, M. Antoine Savignat l'a rappelé : on pouvait craindre que la création des cours départementales n'entraîne leur disparition.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

C'est ce que je pensais lorsque j'étais avocat et je l'ai exprimé alors avec beaucoup de fermeté ; on me le reproche aujourd'hui. Au reste, si j'étais encore avocat, on me reprocherait à raison d'y rester opposé.

Je me réfère aux travaux parlementaires de MM. Mazars et Savignat, qui sont allés voir et ont entendu des gens, contrairement à ce qu'affirme M. Bernalicis. Il ne s'agit pas de l'audition de deux avocats : M. Mazars n'a pas auditionné M. Savignat et réciproquement ; ils sont allés voir des avocats et des magistrats et les ont entendus. Le taux d'appel n'est pas un taux de satisfaction, monsieur Bernalicis,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…mais plutôt d'insatisfaction. Je vous l'accorde, on peut parfois être épuisé par la procédure. Du reste, je dispose d'un peu plus de légitimité que vous pour m'exprimer sur ces questions que je connais mieux que vous.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous connaissez tout mieux que tout le monde, apparemment !

Ensuite, les délais d'audiencement, ce n'est quand même pas rien. Puis, il y a les viols, qui sont correctionnalisés.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Tout à l'heure, les députés du groupe La France insoumise s'étonnaient que je ne dise rien – Mme Obono se prétendait même abasourdie – et maintenant que je parle, cela ne leur va pas non plus,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…mais je voudrais quand même terminer mon propos.

En ma qualité de garde des sceaux, conscient de mes responsabilités, je n'ai pas voulu démolir ; je suis ici pour construire. Oui, la cour criminelle départementale m'a fait peur, mais elle fonctionne. Que pouvait-on faire ? Fallait-il tout raser ? Si je l'avais fait, on aurait dit que je venais ici avec ma fantasmagorie d'ancien avocat pénaliste et que je ne tenais compte de rien.

Il y a également la question de la correctionnalisation des viols, des infractions qui ont été créées, notamment les agressions sexuelles perpétrées sur les mineurs, dont certaines sont qualifiées de crimes. Vous avez voté avec enthousiasme ces mesures que j'ai défendues.

Enfin, non seulement la cour d'assises est maintenue, mais je renforce également la souveraineté populaire. D'abord, elle est compétente pour juger les personnes accusées d'avoir commis les infractions les plus graves ; puis, elle constitue la juridiction d'appel des décisions rendues par les cours criminelles départementales. La cour d'assises est là, au cœur de notre dispositif.

La critique nihiliste systématique, cela va bien deux minutes. Nous avons et nous aurons 9 000 magistrats ; c'est un chiffre historique. C'est grâce à ce gouvernement. Monsieur Bernalicis, il n'y a plus de vacances de magistrats dans notre pays…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…– je vous donnerai les chiffres très précis concernant l'ENM dans un instant. Vous pouvez gloser, vous pouvez ne pas être d'accord. Je sais qu'avec certains de vos amis, vous estimez non sans condescendance, que 2 000 personnels supplémentaires, c'est de la rustine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai regretté leur caractère contractuel !

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je vous ai invité à m'accompagner dans les juridictions, là où ça charbonne, où l'on a les mains dans le cambouis. Vous auriez vu les magistrats que je rencontre régulièrement lors de mes déplacements, vous auriez constaté à quel point ils ont apprécié les personnels que nous avons envoyés. Il est vrai qu'au sein du cénacle germanopratin,…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

…on considère que l'embauche de 2 000 personnes, ce n'est rien du tout. Voilà ce que je voulais vous dire. Je pense que vous avez, comme toujours, une vision tout à fait caricaturale des choses qui ne fait pas avancer le débat, d'autant que, comme d'habitude, vous ne proposez rien.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je voudrais remercier ma collègue Cécile Untermaier qui a énoncé les raisons pour lesquelles une motion de rejet préalable pouvait être déposée. Je suis souvent trop elliptique dans mes explications, estimant que chacun a déjà en tête ce que je pourrais développer.

Je le rappelle, il s'agit de démontrer que le texte proposé serait contraire à certaines dispositions constitutionnelles ou qu'il n'y aurait pas lieu à délibérer. Sur le premier point, si je n'ai pas été convaincue par les explications pourtant étayées de ma collègue, je partage son point de vue sur le choix de l'autorité à laquelle il incombe de donner l'autorisation d'enregistrer les audiences ou de diffuser ces enregistrements. Notre groupe a déposé un amendement visant à à ce que le choix de cette autorité incombe au législateur.

Sur les autres questions abordées, j'observe que nous délibérons déjà. Mes collègues et le Gouvernement ont déjà largement exposé leur argumentation s'agissant tant des cours criminelles départementales que de la modification du régime de l'exécution des peines. Je ne détaillerai pas la position de notre groupe sur ces différents sujets car ce n'est pas le moment. Je crois qu'il est temps de délibérer : nous y sommes prêts et le texte qui nous est soumis nous le permet. Ainsi, notre groupe ne votera pas la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai beaucoup de considération pour Mme Cécile Untermaier qui, en sa qualité de grande juriste publiciste, n'a plus de preuves à fournir, mais à qui je reprocherai aujourd'hui d'inventer une notion, en l'occurrence celle de motion de rejet constructive dont je n'avais pas connaissance. Je n'ai d'ailleurs pas bien compris si elle avait déposé une motion de rejet préalable sur le projet de loi ou sur le projet de loi organique.

S'agissant des questions relatives aux conditions de la diffusion et de l'immixtion éventuelle de la Chancellerie, elles doivent se débattre d'un point de vue technique.

Concernant les crédits de réduction de peine, je comprends mal qu'on parle de méfiance des détenus dans le système pénitentiaire quand il est justement question de la confiance des citoyens dans le système judiciaire de notre pays.

Sur la question de la constitutionnalité, je le dis chaque fois que l'occasion m'en est donnée : je suis toujours ému que le Parlement s'autocensure systématiquement, de crainte d'une éventuelle censure du juge constitutionnel, qui exerce sa mission de garant de la Constitution, lorsque nous menons à bien la nôtre en légiférant.

Nous pourrons toujours discuter des aspects techniques de la loi organique en revenant sur les dispositions relatives au recours aux magistrats honoraires, aux magistrats non professionnels, aux avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles lorsqu'ils peuvent devenir assesseurs de cours d'assises ou de cours criminelles.

Nous débattrons des modalités d'enregistrement et de diffusion des audiences devant la Cour de justice de la République, au sein de laquelle nous avons eu le plaisir de siéger au cours de cette législature, Cécile Untermaier et moi-même. Alors que je dispense des enseignements sur cette juridiction depuis une vingtaine d'années, j'ai pourtant beaucoup appris sur celle-ci en y siégeant quelques semaines. Nos concitoyens gagneraient à mieux connaître notre système judiciaire et je suis très favorable à cette disposition. C'est la raison pour laquelle nous serons opposés à la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir m'excuser : je ne suis pas avocat, je ne suis pas non plus magistrat ; en la matière, mon expertise est proche de zéro. Pourtant, j'espère pouvoir m'exprimer dans cette enceinte …

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…car indépendamment de notre parcours professionnel, de notre diplôme, de notre classe sociale, et même de l'endroit d'où nous venons – je suis de Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique sud, ce qui est très exotique –, nous devons avoir la possibilité de prendre la parole, sans être humiliés, rabroués ou tancés par le Gouvernement. Parmi l'ensemble de nos compétences, nous avons la capacité de contrôler le Gouvernement ; il ne faut pas non plus l'oublier.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué qu'on ne pouvait pas décréter la confiance. On ne peut pas l'ordonner, on ne peut pas non plus légiférer sur celle-ci. D'autant que le champ d'application du texte est en définitive assez réduit : ainsi que cela a été rappelé en commission, 75 % des affaires judiciaires en sont exclues.

Des dispositions pertinentes sont proposées sur les enquêtes préliminaires. Certes, le contradictoire et la limitation de la durée sont utiles, mais ils ne vont s'appliquer qu'à 3 % de celles en cours dans notre pays. De même, le contrat de travail pour les détenus est une belle avancée, mais il ne concernera, dans le meilleur des cas, que 30 % des détenus. Si le champ d'application du texte est réduit, certaines de ses dispositions sont néanmoins utiles et moderniseront certains pans de notre droit.

La confiance dans l'institution judiciaire sera acquise lorsqu'à leur sortie, les détenus réussiront, dans 90 % des cas, à se réinsérer. Tant que le taux de récidive est de 60 ou 70 %, le peuple français n'aura pas confiance dans l'institution judiciaire.

Nous voterons contre la motion de rejet préalable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous voterons la motion de rejet préalable, en cohérence avec celle que nous avons nous-mêmes déposée sur le projet de loi ordinaire et que j'ai défendue. Madame Vichnievsky, il n'y a pas que l'inconstitutionnalité qui puisse être soulevée dans une motion de rejet préalable ; l'opportunité même de débattre et de délibérer d'un texte peut l'être également, ce qui permet souvent de formuler une opposition, notamment en raison du contexte dans lequel un texte est présenté.

En daignant répondre à la motion de rejet préalable de ma collègue Untermaier – je la remercie de l'avoir déposée, car j'ai ainsi obtenu des éléments de réponse de votre part –, vous avez dit, monsieur le ministre, qu'un détenu condamné à dix ans de prison avait droit, sans faire d'efforts, à vingt et un mois de réduction de peine. Elle vous a alors rétorqué que le détenu doit tout de même faire preuve de bonne conduite, argument que vous avez balayé car, selon vous, il s'agit du minimum que l'on est en droit d'attendre d'un prisonnier.

En commission, vous avez pourtant réintroduit le critère bonne conduite parmi les éléments dont les détenus pourront se prévaloir devant le magistrat afin d'obtenir les nouvelles réductions de peine que vous instaurez par ce texte. La bonne conduite est donc bien quelque chose que l'on attend des détenus et qui, le cas échéant, est à mettre à son crédit. C'est même quelque chose d'important car, comme vous le savez, dans beaucoup de prisons les activités sont très réduites, avoir un travail est très compliqué et les listes d'attente pour obtenir un poste sont très longues.

Dans certains cas de figure, le détenu n'aura donc que peu de choses à valoriser, si ce n'est sa bonne conduite. J'espère que les juges d'application des peines leur accorderont tout de même des réductions de peine sur ce fondement car, dans le cas contraire, les projections les plus pessimistes de l'étude d'impact se réaliseront. Selon celles-ci, et toutes choses égales par ailleurs, la réforme se traduira par la détention de 10 000 personnes supplémentaires.

Pour quelqu'un qui appartient à la profession et qui est garde des sceaux, votre maîtrise du sujet me paraît donc un peu légère. Avec les quelques amateurs qui se trouvent dans cet hémicycle, nous ne vous lâcherons pas, tant sur le fond que sur la forme, et ferons valoir toutes nos oppositions.

Nous insisterons aussi sur les points sur lesquels nous sommes favorables, et ce autant que de besoin.

Enfin, s'agissant des moyens, se satisfaire des effectifs cible pour les magistrats, c'est se contenter de peu, monsieur le ministre ! Avec de tels effectifs, nous avons deux fois moins de magistrats par habitant que chez nos voisins.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Avant d'expliquer le vote de mon groupe, je souhaite formuler deux remarques.

Premièrement, Cécile Untermaier a raison de dire que son argumentation était davantage celle d'une motion de renvoi en commission qu'une motion de rejet préalable. Or la dernière réforme du règlement de l'Assemblée nationale a justement supprimé les motions de renvoi en commission, par lesquelles on proposait de prendre plus de temps pour se confronter à tous les risques juridiques et constitutionnels créés par un texte avant de l'examiner en séance publique.

À cela s'ajoute que l'article 45 de la Constitution est, selon nous, abusivement invoqué afin de déclarer irrecevables certains amendements au motif que leur lien avec le texte serait trop éloigné. Leurs auteurs estiment au contraire que ce lien est très étroit et que les amendements mériteraient donc d'être discutés.

De ce fait, l'examen des textes à l'Assemblée nationale est si corseté que nous n'avons pas d'autre outil à notre disposition, pour faire valoir nos positions, que la défense d'une motion de rejet préalable, alors que celle-ci n'est pas toujours adaptée.

Deuxièmement, à la suite de M. Gomès, je tiens à préciser que moi non plus je ne suis ni avocat, ni magistrat, ni membre de la profession. Je ne le dirai qu'une fois au cours de nos débats, mais que le ministre, la présidente de la commission, le rapporteur et la responsable du texte pour le groupe majoritaire soient tous avocats ne me semble pas souhaitable : on l'impression de se trouver dans un cercle d'initiés. Or pour élaborer une grande loi de rapprochement de la justice avec le peuple, il me semble qu'il conviendrait de donner davantage la parole à ce dernier, dont les composantes n'appartiennent pas nécessairement au monde juridique.

Georges Clemenceau a dit : « La guerre ! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires. » Je dirais pour ma part que la justice et, à plus forte raison, son rapport avec le peuple sont des choses trop graves pour qu'elles ne soient l'affaire que d'initiés de ce milieu.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Par ailleurs, sachez que les membres de la profession, que nous écoutons – du moins, c'est mon cas –, considèrent ce texte comme très décevant vis-à-vis des attentes des justiciables et du monde judiciaire, s'agissant particulièrement de la réforme du parquet et des remontées d'informations vers la Chancellerie. Il s'agit d'une énième réforme, sans dispositions ambitieuses, qui viendra s'ajouter aux précédentes. Celle-ci ne traduit ni vision ni stratégie véritable et, surtout, elle ne prévoit pas de moyens adaptés aux enjeux.

M. Ugo Bernalicis applaudit.

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Pour toutes ces raisons, nous voterons, avec les réserves que j'ai émises au début de mon propos, la motion de rejet préalable de Mme Untermaier.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.

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Je souhaite d'abord saluer la mesure de votre propos, madame Untermaier, dans la défense de votre motion de rejet préalable. J'insisterai néanmoins sur le fait que, pour qu'il y ait un tirage au sort, chère collègue, il faut qu'une motion de rejet soit déposée. Je ne puis donc que regretter que votre mesure ne soit pas largement partagée au sein de votre groupe.

En ce qui concerne les audiences filmées, nous entendons vos interrogations. Vous demandez qui décide d'une telle captation, or c'est écrit dans le texte : un décret en Conseil d'État définira l'autorité judiciaire compétente. Conformément à ce que vous avez souhaité à la tribune, cette responsabilité sera donc bien confiée à une autorité judiciaire. Quant au « cahier des charges » relatif à la diffusion des images, il a été détaillé en commission et nous avons tout le loisir de le compléter davantage en séance publique.

S'agissant des réductions de peine, je ne partage absolument pas votre point de vue. Quelle meilleure preuve de confiance vis-à-vis d'un détenu que de lui donner les clés de son avenir, de lui procurer les moyens de fournir des efforts de réinsertion et de produire des actes positifs de bonne conduite afin de sortir plus tôt de prison ? Faire confiance est exactement l'objet du texte.

Certes, il y a des disparités selon les différents établissements pénitentiaires, mais nous avons réglé cette question en commission, grâce notamment aux amendements de M. le rapporteur, lesquels ont permis de définir précisément ce qui relève de la bonne conduite et ce qui relève des efforts de réinsertion.

D'autres éléments encore restent à apporter, notamment pour répondre à la question des sorties sèches et, vous l'avez dit, le législateur doit effectivement exercer toute sa compétence. Ce sont vos propos et nous vous invitons à suivre votre propre recommandation. Bien évidemment, nous ne voterons pas la motion de rejet préalable.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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Je ne sais pas si vous m'autoriserez à parler, monsieur Peu, mais sachez que, dans cet hémicycle, je suis député comme vous, cher collègue, et non un avocat. Les électeurs de ma circonscription m'ont choisi, d'ailleurs au profit d'une professeure de droit : comme quoi, l'avocat peut prendre le dessus sur le professeur. Et je vous remettrai tout à l'heure la lettre incendiaire que m'a adressée hier le Conseil national des barreaux à la suite du dépôt d'un de mes amendements. Vous verrez qu'il n'y a donc pas de corporatisme dans mes propos.

S'agissant de la motion de rejet préalable, je n'ai pas été convaincu, madame Untermaier, par vos arguments relatifs aux enregistrements, car s'il existe un risque d'inconstitutionnalité, il nous appartient de trouver la bonne rédaction. Il ne peut y avoir de juge entre le Parlement et le peuple : nous devons faire en sorte que les dispositions que nous votons fonctionnent juridiquement.

En ce qui concerne les réductions de peine, le projet de loi organique est l'outil utile du projet de loi ordinaire. Nous ne pouvons donc pas l'écarter.

Je souhaite également voler au secours, monsieur le ministre, de mon collègue Éric Ciotti. Nous ne sommes pas là pour porter les valises du passé. Il était présent lorsque le dispositif de réduction automatique des peines a été instauré et il fut le seul à ne pas le voter.

Rires sur les bancs du groupe LR.

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Vous avez donc choisi le mauvais angle d'attaque, monsieur le ministre. Laissons mon ami Éric Ciotti tranquille : sur ce sujet, il ne mérite pas d'être critiqué.

Enfin, nous ne pourrons pas non plus vous soutenir, madame Untermaier, concernant les cours d'assises et les cours criminelles, étant donné que les dispositions contenues dans ce projet de loi organique et relatives à la participation des avocats honoraires aux audiences reprennent les propositions que j'ai faites avec Stéphane Mazars. Elles visent non à pallier un manque de magistrats mais à intégrer davantage la vision de la société civile dans les procès, ce qui nous paraît particulièrement utile.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne voterons pas la motion de rejet préalable.

La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

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Dans la discussion générale, la parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

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« Confiance dans l'institution judiciaire » : sous cet intitulé ambitieux, les projets de loi ordinaire et organique contiennent de nombreuses dispositions qui améliorent le fonctionnement de la justice, particulièrement de l'ordre judiciaire.

La justice est parfois sévèrement critiquée, mais nos concitoyens se montrent plutôt mesurés dans leur appréciation. Avec 48 % d'opinions positives contre 49 % d'opinions négatives selon l'enquête du CEVIPOF – le centre de recherches politique de Sciences Po – publiée en février 2021, la justice n'est pas si mal placée. Elle se trouve certes derrière les hôpitaux, l'école ou la police, mais devant beaucoup d'autres institutions.

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés avait déposé en commission un amendement relatif à l'irresponsabilité pénale. Nous regrettons qu'il ait été déclaré irrecevable tant il y a urgence à légiférer sur ce sujet qui a légitimement choqué nombre de nos concitoyens à la suite de la décision rendue par la Cour de cassation dans l'affaire Halimi. L'examen d'un tel amendement aurait pu répondre aux interrogations des Français.

J'en viens à quelques observations sur des dispositions majeures de ces textes.

L'article 1er du projet de loi ordinaire prévoit l'enregistrement et la diffusion d'audiences en raison d'un intérêt public, lié à l'affaire en cause. Nous soutenons cette mesure, mais souhaitons réserver au législateur plutôt qu'à l'exécutif le soin de déterminer l'autorité compétente pour décider de l'enregistrement et, surtout, de la diffusion des audiences. N'oublions pas que cette disposition ajoutera un article à la loi de 1881 sur la liberté de la presse et que l'intervention d'un ministère en ce domaine est toujours délicate.

L'article 2 du projet de loi ordinaire limite à trois ans la durée des enquêtes préliminaires, celle-ci étant portée à cinq ans pour certains crimes ou délits, s'agissant notamment de la criminalité organisée ou du terrorisme. Il introduit en outre une part de contradictoire au sein de cette procédure.

Je crois néanmoins qu'il faut nous montrer réalistes : lutter contre la délinquance suppose aussi de limiter, au niveau de l'enquête, les droits de la défense des personnes soupçonnées. À cet égard, nous proposerons un amendement visant à élargir aux infractions financières la possibilité de prolonger jusqu'à cinq ans la durée des enquêtes préliminaires. Il y va de la crédibilité de notre justice pénale financière, nécessairement longue et complexe, le risque étant celui de l'impunité.

L'article 3 s'attache à mieux garantir le secret professionnel dont bénéficie l'avocat dans le cadre de l'enquête pénale. Si nous soutenons cette démarche, nous prenons acte du fait que le texte exclut toute immunité de l'avocat lorsqu'il existe des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis l'infraction objet de l'enquête.

De plus, nous nous félicitons que le Gouvernement ait accepté de soutenir notre amendement tendant à étendre cette exclusion au cas où l'avocat est soupçonné d'avoir commis une infraction connexe à celle faisant l'objet de l'enquête. Tel sera le cas, par exemple, du recel ou du blanchiment.

L'article 7 généralise les cours criminelles départementales. Malgré le caractère inachevé de l'expérimentation de ces juridictions, nous soutenons la disposition, qui aura pour effet de désengorger les cours d'assises et de réduire le délai de jugement des affaires criminelles, tout en évitant le procédé critiquable de la correctionnalisation.

L'article 8 propose de faire siéger des avocats honoraires dans la formation de jugement des cours d'assises et des cours criminelles départementales. Si l'impératif de gestion peut-être invoqué pour les cours criminelles – on y manque parfois d'effectifs –, ce n'est pas le cas pour les cours d'assises. L'étude d'impact lie maladroitement le remplacement d'un magistrat par un avocat à la restauration de la confiance dans la justice : cet argument que je ne commenterai pas n'est pas recevable.

S'il s'agit à terme d'institutionnaliser l'avocat dans la composition de jugement en dehors des cas très circonscrits déjà prévus par notre procédure, je ne peux qu'y être défavorable : il ne s'agit pas d'entre-soi ou de corporatisme, mais de notre conception du procès et de notre organisation judiciaire, qui ne s'accommode pas de la confusion des deux fonctions essentielles, celle de juger et de défendre ; il s'agit de protéger la fonction essentielle de chacune des professions de juge et d'avocat, tout en respectant leur formation, leurs compétences et leur statut respectifs, et ce dans l'objectif de clarté et d'égalité de traitement que nous devons aux justiciables.

Nous partageons en revanche la philosophie du projet de loi en matière d'exécution des peines – nous ne développerons pas plus. Quant aux dispositions concernant la promotion du travail et la formation en prison, elles vont aussi dans le bon sens, même s'il reste à les confronter aux difficultés inhérentes à tout travail carcéral.

Nous nous réjouissons enfin que le Gouvernement ait repris, en le complétant et en le précisant, notre amendement tendant à faire traiter les crimes sériels et non élucidés par un pôle national spécialisé plutôt que par des pôles régionaux dédiés, même s'il n'est pas interdit d'envisager ultérieurement, si nécessaire, la création d'un ou deux autres pôles. À cet égard, je veux remercier, Mme le doyen des juges d'instruction de Paris et sa greffière, ainsi que Me Seban, dont la contribution a été déterminante. Je suis convaincue qu'une telle réforme nous permettra d'améliorer le taux d'élucidation de ces crimes à effectif constant et contribuera à donner aux Français confiance en leur justice.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme vous le voyez, monsieur le ministre, j'avais prévu que la motion de rejet n'aboutirait pas et que j'aurais à intervenir en discussion générale.

Le présent projet entend restaurer la confiance dans l'institution judiciaire. Certaines mesures du texte s'inscrivent bien dans cette restauration – je pense notamment à l'encadrement dans le temps de l'enquête préliminaire, à l'ouverture au contradictoire, au traitement du secret de l'instruction, défaillant, et à la protection du secret de l'avocat, ou encore à la déontologie des professionnels du droit. Vous ne manquerez pas d'y voir le signe de notre attitude constructive puisque, si nous sommes capables de formuler les critiques les plus sérieuses sur ce texte, nous en reconnaissons aussi les avancées utiles.

Nous dirons néanmoins que ce texte souffre de l'absence de dispositions concernant le droit civil. La justice du quotidien est pourtant la véritable vitrine de l'état d'un tribunal. Plus un pays est démocratique et avancé, plus on s'y occupe des invisibles, nous dit-on. À ce propos, je ne peux taire mon inquiétude – mais je pense que le garde des sceaux me rassurera – devant le développement de la médiation et des actes d'avocat : si j'y suis très favorable et milite pour cela depuis plusieurs années, je voudrais être certaine en revanche que les frais de justice engendrés seront bien couverts par l'aide juridictionnelle, pour les plus démunis. L'accès à la justice passe par là.

J'ai déjà évoqué l'enregistrement et la diffusion des audiences dans ma défense de la motion de rejet, et je vous remercie d'ailleurs, monsieur le ministre, des éléments de réponse fort complets que vous avez apportés. Je partage votre analyse sur l'utilité de ce dispositif que je n'ai pas remis en question – j'ai pris la précaution de le préciser. En revanche, je souhaiterais qu'ensemble nous en définissions davantage les contours, pour éviter toute mauvaise surprise ensuite : nous ne serons peut-être pas toujours dans un état démocratique, et nous devons en être conscients.

Dans la même perspective, il nous faut faciliter l'accès à la documentation des audiences, et je regrette que l'amendement que nous avions déposé ait été écarté parce qu'il s'inscrivait pleinement dans l'accompagnement de cette mesure. Il faut pouvoir ouvrir les mémoires et les procès-verbaux, une fois les affaires jugées, aux universitaires, aux juristes, aux personnes qui s'intéressent à ces dossiers, voire aux romanciers, selon un régime qui ne soit pas le régime commun des archives.

Il est vrai que la juridiction judiciaire est beaucoup plus ouverte sur ce point que le Conseil d'État, dont la jurisprudence en la matière est très restrictive. Le projet de loi aurait pu fournir une occasion de rappeler que tous ces documents doivent être accessibles, notamment à la communauté scientifique.

En ce qui concerne l'enquête préliminaire, nos amendements visaient à réduire encore davantage le délai, mais nous nous rangeons à votre proposition de la limiter à deux ans, ce qui constitue déjà une belle avancée, dans le prolongement des travaux de la commission d'enquête sur l'indépendance de la justice présidée par Ugo Bernalicis et dont le rapporteur était Didier Paris. J'y ai participé de manière assidue et avec beaucoup d'intérêt. L'ouverture renforcée de l'enquête au contradictoire est une mesure importante à mettre au crédit de ce nouveau dispositif.

Je salue aussi la consolidation effective du secret professionnel de l'avocat. Elle était attendue, comme l'était l'extension du champ d'application de ce secret professionnel au travail de conseil des avocats, adoptée par voie d'amendements.

Je ne reviens pas sur l'extension des cours criminelles dont j'ai beaucoup parlé ni sur la réforme des réductions de peine. Concernant la déontologie et la discipline des professionnels du droit, permettez-moi de remercier les administrateurs de l'Assemblée nationale qui nous ont accompagnés dans le travail que nous avons mené avec Fabien Matras sur ce sujet – j'aurai l'occasion d'en reparler. Je vous remercie également, monsieur le ministre, car vous n'êtes pas étranger à l'adoption de l'amendement que nous avons conjointement déposé avec mon collègue.

J'ai regretté de ne pas avoir pu être présente en commission des lois, lors de l'adoption de cet amendement, qui était un événement important. Permettez-moi simplement de dire que ces dispositions sur la déontologie n'ont pas pour objectif d'instiller le soupçon sur ces professions mais au contraire de diffuser une culture de la déontologie, essentielle à nos yeux.

Sachez enfin que, puisque la motion de rejet n'a pas été adoptée et qu'il y a un texte en débat, eh bien, nous allons en débattre.

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Le peuple français est un peuple épris de justice, et parfois cette passion va jusqu'au goût de la contestation. Là est notre défi : refaire de l'institution judiciaire, le ciment de notre République. Toutes celles et ceux qui s'attaquent à l'institution, fragilisent la justice et son travail, prennent une responsabilité immense vis-à-vis de notre démocratie et de notre État de droit.

L'intitulé de ce projet de loi est ambitieux, et les dispositifs qu'il contient sont à la hauteur de son objectif. Les illustrations de la volonté qu'a le Gouvernement de restaurer la confiance dans l'institution judiciaire sont légion sur le plan législatif comme sur le plan réglementaire. Vous êtes sur tous les fronts, monsieur le garde des sceaux, et je suis personnellement fier de faire partie d'une majorité qui aura tant fait pour la justice, car selon une variante plus littéraire du « y a qu'à, faut qu'on » – une fable de Jean de La Fontaine, « Conseil tenu par les rats » – : « Ne faut-il que délibérer, / La cour en conseillers foisonne ; / Est-il besoin d'exécuter, / L'on ne rencontre plus personne. »

Sans revenir sur l'architecture générale de ce projet de loi, brillamment exposée par notre rapporteur, j'utiliserai le temps qui m'est imparti pour, d'une part, saluer le travail de notre commission des lois, et, d'autre part, présenter certains des amendements que je défendrai au nom du groupe Agir ensemble.

L'article 1er du projet de loi prévoit la possibilité d'enregistrer et de diffuser des audiences, même lorsqu'elles ne sont pas publiques. De prime abord, une telle idée pourrait sembler inquiétante : la société du spectacle étendrait-elle ses antennes jusque dans nos prétoires ? n'a-t-on pas tiré les leçons de la terrible affaire O. J. Simpson aux États-Unis en 1995 ?

Une rapide lecture du texte suffit à lever nos doutes. Les dispositions prévues par ce projet de loi ont permis de border cette incursion des caméras dans les salles d'audience. Les dérives potentielles sont anticipées et neutralisées, la diffusion ne pourra se faire qu'une fois l'affaire définitivement jugée, les visages seront floutés, et le droit à l'oubli respecté.

En commission des lois, un amendement défendu par notre collègue Laëtitia Avia a été adopté, précisant que cette diffusion sera accompagnée d'éléments de description de l'audience et d'explications pédagogiques accessibles sur le fonctionnement de la justice. Le groupe Agir ensemble et moi-même sommes convaincus que cette précision est fondamentale pour parfaire l'équilibre de cet article.

En effet, si nous avons tous pu être médusés par les documentaires de Raymond Depardon, ils ne contribuent pas nécessairement à nous transmettre une meilleure connaissance du fonctionnement de l'institution judiciaire. Il faudra donc, pour que l'objectif soit véritablement atteint, que la diffusion de ces enregistrements soit suivie d'une explication claire et pédagogique fournie par un membre de l'institution judiciaire, un auxiliaire de justice ou un professeur de droit.

Je tiens également à saluer l'apport de mon collègue Didier Paris au présent projet de loi, qui a permis d'augmenter la peine encourue pour violation du secret de l'instruction. La partie à qui une reproduction des pièces ou acte d'une procédure d'instruction a été remise et qui diffuse ces documents à un tiers risque aujourd'hui 10 000 euros d'amende ; demain, la peine encourue s'élèvera à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Ceux qui violent le secret de l'instruction manquent de respect à toute l'institution judiciaire et contribuent à affaiblir la confiance de nos concitoyens envers elle et envers ses acteurs. Le groupe Agir ensemble salue donc cette avancée.

Notre groupe a également apporté sa pierre à l'édifice en commission, en rendant obligatoire l'audience de mise en état des affaires criminelles, qui permettra d'éviter, par exemple, de faire venir des témoins de la France entière alors que leurs témoignages n'ont le moindre intérêt pour l'affaire. Les conditions relatives à la tenue de cette audience seront facilitées par des amendements que les trois groupes de la majorité défendront ensemble cette semaine.

Je soutiendrai, au nom de mon groupe, une vingtaine d'amendements visant notamment à améliorer la prise en charge des détenus durant leur incarcération mais également l'efficacité des enquêtes relatives à des criminels en série.

Cela a été dit mais rappelons-le : la confiance ne s'impose pas, elle se tisse au fil du temps. Ce projet de loi nous permet incontestablement de retisser ce lien abîmé entre nos concitoyens et notre institution judiciaire. Vous l'aurez donc compris, le groupe Agir ensemble votera en faveur de ces deux projets de loi.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Camus semblait faire autorité au début de nos débats, je livrerai donc au Gouvernement et à la majorité ce qu'il a écrit : « La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. » Vous allez me dire que ça n'a que peu à voir avec le projet de loi sur la justice. Cela a beaucoup à voir en revanche avec nos débats parlementaires.

Monsieur le ministre, je voudrais vous le dire d'emblée, l'ampleur de votre projet de loi est inversement proportionnelle à l'ambition qu'il affiche. Comment d'ailleurs pouvait-il en être autrement, puisqu'à un an de la fin de la législature et de l'élection présidentielle, vous n'aviez évidemment pas le temps de procéder aux consultations et concertations nécessaires pour opérer une grande réforme de la justice, englobant l'ensemble des champs que vous décrivez.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Toujours aussi agréable !

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Le constat, nous partageons avec vous : le fossé se creuse depuis longtemps et toujours un peu plus entre l'institution judiciaire et nos concitoyens. C'est vrai en matière de délais, c'est vrai en matière d'accès de tous à la justice, c'est vrai aussi en matière d'indépendance de celle-ci et c'est encore vrai en ce qui concerne le sens des décisions qui sont parfois prises et qu'un certain nombre de nos concitoyens ne comprennent pas.

Dans ces quatre domaines, les réponses que vous apportez aujourd'hui sont pour le moins partielles. Vous avez fait le choix d'agglomérer des mesures qui sont plus ou moins connectées les unes aux autres. Si certaines vont dans le bon sens, elles touchent essentiellement au champ pénal et, pour le coup, ne concernent qu'environ 25 % de l'activité de l'institution judiciaire, alors même que les critiques les plus fortes qui sont émises par nos concitoyens portent sur la justice du quotidien, qui est essentiellement la justice civile, la justice de la famille, la justice des contrats ou la justice commerciale. Les projets de loi que nous examinons aujourd'hui ne s'intéressent pas à ces questions mais à la justice que l'on pourrait qualifier de « noble », c'est-à-dire la justice pénale.

Parmi les bonnes mesures, nous saluons la réduction des délais d'enquête préliminaire à moins de deux ans, mais, comme l'a dit Philippe Gomès, cela ne concerne que très peu de procédures. Peut-être aurait-il fallu envisager une réforme plus globale de l'enquête, en replaçant le parquet au centre de celle-ci ou en redéfinissant le rôle et les moyens du juge des libertés et de la détention, bref, là encore, prendre le temps d'une réflexion plus complète.

Les contrats de travail en milieu pénitentiaire sont également une bonne chose mais, on l'a dit, ils ne concernent que 30 % des détenus. La question centrale est en effet de savoir comment permettre, avec les moyens donnés à l'institution pénitentiaire, aux entreprises de mieux y « entrer » afin qu'elles puissent offrir des travaux aux détenus qui le souhaitent.

Ensuite, plusieurs dispositions nous préoccupent ou nous laissent dubitatifs. Je pense à la généralisation des cours criminelles départementales. J'entends vos arguments : vous affirmez que tout le monde s'accorde pour considérer que ce dispositif fonctionne et vous demandez donc pourquoi attendre la fin des expérimentations. Mais c'est agir dans la précipitation parce que vous nous soumettez dans l'urgence un projet que vous voulez faire adopter au plus vite.

Je pense également à diffusion audiovisuelle des audiences. On en comprend l'objectif mais on en perçoit très vite les dérives potentielles. Et vous pourrez imaginer tous les dispositifs d'encadrement, la justice spectacle, cette sorte de téléréalité, adviendra en raison de la nature même des médias, faite d'immédiateté – qu'on en juge par l'essor des chaînes d'information continue. On le mesure bien avec la politique spectacle. Un ministre candidat doit gravir un terril pour faire une demi-journée d'audience sur ces mêmes chaînes de télévision – vous n'y êtes pour rien, monsieur le ministre, c'est le système qui veut cela.

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Bravo !

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Eh bien, je le répète, nous aurons le même phénomène, demain, avec la justice : les médias s'en empareront – comme ils commencent déjà, d'ailleurs, de le faire – à des fins qui ne sont pas celles que vous poursuivez.

Ainsi donc, nous attendons beaucoup des débats pour nous faire une opinion car, au sein du groupe UDI-I, la balance ne penche pas encore d'un côté ou d'un autre.

Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La confiance dans l'institution judiciaire est au plus bas. Un sondage du CEVIPOF montre que moins d'un Français sur deux a confiance dans la justice. Pourquoi une telle défiance ?

Si nous partageons pleinement l'objectif de renforcer la confiance des citoyens dans la justice, il ne faudrait pas, en écho, que cela accroisse la défiance vis-à-vis des professionnels de la justice, malheureusement trop souvent entendue et coupablement entretenue – d'une part, par certains élus qui sont à la remorque de l'opinion et qui, dans une surenchère permanente, surtout à l'approche d'échéances électorales, préfèrent la démagogie à la pédagogie et ne cessent de vouloir légiférer, et, d'autre part, par les médias qui révèlent chaque jour de nouveaux experts dont les compétences et la lucidité n'éclairent que les plateaux.

La succession de réformes, ces dernières années, a déstabilisé l'institution judiciaire. Les magistrats sont seuls et de plus en plus surchargés, sans disposer de plus de temps pour assimiler les réformes précédentes. Le Gouvernement avait pourtant annoncé une seule grande réforme de la justice pour le quinquennat. Il est lui aussi tombé dans le piège de l'émotion législative. Les mesures proposées dans ce projet de loi sont très diverses : dès lors, on ne s'étonnera pas de son manque de cohérence globale qui le rend parfois contradictoire.

Je ne citerai que deux exemples pour le démontrer.

Vous prenez des mesures pour réduire la détention provisoire de façon à désengorger les prisons et, en même temps, la réforme des crédits de réduction de peine risque d'augmenter considérablement la durée de détention des détenus. Second exemple : vous souhaitez renforcer l'importance des jurys populaires dans les cours d'assises et, en même temps, vous généralisez les cours criminelles départementales qui font disparaître ces mêmes jurys de citoyens.

Dans le détail, le groupe Libertés et territoires accueille néanmoins positivement une grande partie des dispositions. Nous sommes ainsi favorables aux mesures visant à limiter la durée de l'enquête préliminaire à deux ans, alors que 95 % des justiciables déplorent une justice trop lente. Raccourcissons encore ce délai à un an renouvelable, ce qui serait plus en phase avec les durées observées.

Nous soutenons en outre les mesures visant à renforcer le secret de la défense, que nous avons contribué à améliorer en commission, et celles visant à ouvrir l'enquête au contradictoire – nous proposerons des amendements pour en accroître les garanties.

Favoriser le recours aux mesures alternatives à l'incarcération en détention provisoire va également dans le bon sens, bien que cela reste trop timoré.

Enfin, nous nous félicitons de la création d'un vrai contrat de travail et de l'ouverture de droits sociaux pour les détenus, ce qui met fin à une scandaleuse anomalie que j'ai pu observer lors de mes nombreuses visites de prisons.

Nous sommes toutefois bien plus mesurés pour ce qui est de certaines dispositions. Si nous saluons les efforts d'encadrement votés en commission concernant l'enregistrement et la diffusion des audiences, notamment en l'accompagnant d'explications pédagogiques, nous sommes inquiets du risque que cette mesure ouvre la voie à une justice spectacle. Des mécanismes sont déjà prévus pour retransmettre les grands procès historiques mais nous comprenons mal ce qu'apporterait la diffusion d'audiences anodines. Je crains pour ma part que la pédagogie supposée ne se transforme en procès médiatisé avec les dérives que l'on imagine.

Le texte prévoit par ailleurs la généralisation des cours criminelles départementales, alors même que l'expérimentation lancée en 2019 n'est pas terminée et que l'évaluation prévue n'a pas été remise. Pourquoi donc ne pas attendre la fin de l'expérimentation, d'autant plus que, monsieur le ministre, vous n'étiez à l'origine pas très enthousiaste, si je me souviens de vos déclarations de juin 2020 ?

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Je l'ai rappelé tout à l'heure !

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Comme vous, j'ai critiqué cette mesure qui ouvre la voie à une disparition progressive des jurys populaires. Au surplus, les premiers retours ne permettent pas de mesurer l'effet des cours criminelles sur la décorrectionnalisation des crimes, qui était l'objectif poursuivi. Procéder de la sorte résonne comme une contradiction.

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Vous déconnectez la justice du peuple alors même que vous déclarez vouloir redonner confiance dans l'institution judiciaire.

Nous sommes également inquiets de la réforme des crédits de réduction de peine. Le condamné ne pourra plus connaître à l'avance sa date de sortie de prison, ce qui risque d'accroître les sorties sèches. Et nous savons tous combien il est important pour un détenu d'envisager le temps prévisible avant sa sortie car cela contribue à ses chances de réinsertion.

Pour ce qui concerne la discipline des avocats, nous nous opposons à la mesure adoptée en commission, qui entérine la saisine directe des conseils régionaux de discipline par le justiciable, ce qui affaiblira l'autorité du bâtonnier.

Enfin, de manière générale, nous déplorons que le projet de loi comporte trop peu de mesures visant à favoriser les peines alternatives et à lutter contre la surpopulation chronique des prisons. Certaines dispositions vont aussi conduire à une surcharge de travail pour les magistrats, sans que la question des moyens supplémentaires nécessaires ait été posée.

En définitive, si notre groupe porte un regard bienveillant sur une majorité des dispositions du projet de loi, je demeure pour ma part réservé sur certaines. Redonner confiance est un défi et je vous sais gré de vouloir le relever. L'avenir nous dira ce qu'il en est. Reste que ce sont avant tout les moyens que vous donnerez à la justice qui en garantira la bonne fin.

Applaudissements sur les bancs du groupe LT.

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Comme vous avez dû vous en rendre compte du fait qu'ils ont défendu une motion de rejet préalable, les députés du groupe La France insoumise sont opposés à ce texte parce que c'est un mauvais texte.

Béatrice Brugère considère que « la confiance dans la justice ne peut relever simplement d'une loi ou se décréter ». Elle implique, selon Adélaïde Jacquin et Emmanuel Daoud, « une réflexion politique approfondie, des études d'impact complètes, outre une concertation avec l'ensemble de celles et ceux qui participent chaque jour à la construction de la justice en se confrontant au quotidien à un manque cruel de moyens, sauf à risquer de proposer un texte qui n'a d'autre lien avec la confiance que son titre ». Citant notamment l'avis du Conseil d'État, qui a relevé le caractère squelettique de l'exposé des motifs du projet de loi, les auteurs, tous deux avocats, concluent : « En définitive, ce projet de loi est un inventaire à la Prévert – la poésie en moins – dont on peine à voir la cohérence et parfois même l'utilité au regard de l'objectif annoncé de restaurer la confiance en l'institution judiciaire. »

De son côté, le syndicat des avocats de France a résumé ainsi son point de vue : « Restaurer la confiance dans la justice ne peut se contenter d'une réforme fourre-tout, sans réflexion sur le fonctionnement actuel des juridictions, le sens de la procédure pénale, les droits de la défense ou le contrôle indépendant des enquêtes. »

Nous partageons largement ces constats.

Sur la forme, ce projet de loi s'ajoute à la réforme Belloubet, qui n'a pas encore été absorbée par les juridictions, ainsi qu'au code de justice pénale des mineurs qui n'est pas encore entré en vigueur. L'accumulation des textes tous azimuts ne peut que nuire à leur lisibilité et à leur bonne application. C'est d'ailleurs ce que confiait ce mois-ci François Molins, procureur général près la Cour de cassation, cité dans un article édifiant du Monde diplomatique du mois de mai, intitulé « Une justice au bord de l'implosion » : « Aucun autre corps n'a fait face à autant de réformes depuis vingt ans, ni assimilé une telle inflation de normes. » L'auteur de l'article ajoute : « L'exécutif ne s'embarrasse plus vraiment d'étudier l'impact des mesures qu'il fait voter, notamment en termes d'effectifs nécessaires à leur mise en œuvre. Pas plus qu'il ne semble s'inquiéter de ce qu'elles peuvent produire. »

Voilà donc le nouveau garde des sceaux qui s'empresse de faire ce qui est constaté et critiqué par le corps judiciaire depuis très longtemps.

Pour ce qui est du fond, le compte n'y est toujours pas. Le fond, ce sont les moyens. Rappelons, monsieur le ministre, qui vous moquez de l'augmentation des moyens, de quoi vous vous gaussez exactement.

Le Conseil de l'Europe a indiqué que la France se situait en queue de peloton quant aux moyens alloués à la justice – elle est même le dernier des pays ayant un niveau économique comparable. Avec 138 euros par habitant, elle est bien en dessous de la moyenne des États européens qui se situe à 218 euros, loin derrière les Pays-Bas, en tête du classement avec 741 euros par habitant, et qui est également, notons-le, un pays dont les prisons sont les plus vides et qui a connu une baisse significative de la criminalité – on devrait peut-être se poser de la question de savoir comment et pourquoi on obtient un tel résultat.

Comme le précisait notamment Sophie Ferry, membre du Conseil national des barreaux, lors d'une récente audition que nous avons organisée sur l'accès à la justice, à population comparable la France a autant de juges aujourd'hui qu'elle en avait en 1850, soit un tiers de moins que la médiane européenne. La France compte quatre fois moins de procureurs, deux fois moins de personnel autre, que les autres pays. Il en résulte des délais de jugement très longs : deux fois plus longs que la moyenne en matière civile, en première instance, et trois fois en seconde instance ; trois fois plus longs en matière pénale. C'est dire, monsieur le ministre, que les hausses dont vous vous gargarisez n'y feront rien. Elles n'apporteront aucune réponse significative aux problèmes structurels qui minent le fonctionnement de l'institution judiciaire…

Debut de section - Permalien
éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Aïe, aïe, aïe !

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…et qui minent du coup la confiance que les citoyens et les citoyennes lui accordent.

Les tribunaux judiciaires encombrés de procédures vont le rester. Pendant ce temps, chez les justiciables, ce sont – comme le note un conseil – des vies suspendues, des angoisses et l'attente d'obtenir justice, mais aussi de toucher la réparation à laquelle on a droit. La défiance ne peut que croître. Quant aux personnels, ils sont maltraités par la politique du chiffre. Logique gestionnaire qui modifie les pratiques, poids des indicateurs sur les flux et les stocks, benchmarking – mise en concurrence entre juridictions comme s'il s'agissait d'entreprises –, tout ça pèse et l'institution ne tient souvent plus que par l'engagement et la passion des personnels pour leur métier, par la conscience qu'ils ont de leur mission et par leur acharnement.

En République, rappelons-nous, la justice est rendue au nom du peuple ; c'est ce principe qui lui confère sa légitimité et sa crédibilité.

Et, ne vous en déplaise, comme nous le montrerons au cours de la discussion, monsieur le ministre, nous avons des propositions pour rendre toute sa crédibilité, sa lisibilité à la justice.

M. Ugo Bernalicis applaudit.

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Nous les défendrons plutôt que de mettre en application une partie du programme de l'extrême droite, comme vous le faites avec ce texte. Il s'agit ni plus ni moins que de rendre à la justice ses lettres noblesse et ses moyens de fonctionnement. Voilà le programme que nous appliquerons une fois devenus majoritaires.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Lors de votre prise de fonction, vous avez, monsieur le garde des sceaux, annoncé vouloir lancer, « enfin, la réforme du parquet tant attendue » et vouloir « améliorer la justice de notre pays ». Vous avez alors souligné « les conditions de travail déplorables dans lesquelles se débattent quotidiennement magistrats et greffiers » et annoncé vouloir « mettre en place une justice plus proche du citoyen ». C'est donc avec bienveillance que nous avons accueilli ces annonces au regard de la situation critique de la justice et de son manque criant de moyens.

Hélas, nos espoirs ont vite été déçus. D'abord par la méthode du Gouvernement qui, il est vrai est un peu toujours la même. La réforme que nous examinons est en effet contestée par l'ensemble, ou presque, des professionnels de la justice qui dénoncent l'absence de consultations préalables à l'élaboration d'une réforme « fourre-tout », « sans ambition », « mal rédigée ». Ils considèrent en effet que cet énième projet de loi prétendant réconcilier les citoyens avec leur système judiciaire est en décalage total avec la réalité des besoins de la justice.

Or, comme le souligne la présidente de l'Union syndicale des magistrats, « la confiance ne se décrète pas ». Le désamour est bien réel puisque, selon une enquête du CEVIPOF publiée en février dernier, seuls 48 % de nos concitoyens disent avoir confiance dans l'institution judiciaire. Certes, en la matière, plusieurs mesures du texte constituent des avancées.

Je pense tout d'abord à la possibilité de filmer les procès pour un motif d'intérêt public et de les diffuser ultérieurement à la télévision. Cette mesure pourra présenter des vertus pédagogiques, à condition que ces diffusions ne soient pas l'occasion d'une course à l'audimat qui conduirait à privilégier les grands procès criminels ou ceux mettant en cause des personnalités publiques. C'est pourquoi nous proposons qu'elles soient confiées au service public.

Je songe également à l'encadrement de la durée de l'enquête préliminaire, qui garantira l'exercice d'une justice équitable – bien que le dispositif gouvernemental puisse être amélioré –, ainsi qu'au renforcement du secret professionnel de l'avocat. Nous nous réjouissons, à cet égard, que les garanties attachées au secret professionnel aient été étendues, en commission, à l'activité de conseil des avocats.

J'évoquerai enfin la réforme du statut des travailleurs détenus, lequel donne parfois lieu à des abus de toutes sortes, en particulier s'agissant de la rémunération et du temps de travail. Nous resterons donc très attentifs au décret qui sera pris par le Gouvernement, même si vous avez raison sur un point : il est urgent d'agir. Chacun sait en effet que les détenus ayant exercé une profession ou suivi une formation durant leur emprisonnement sont ceux qui présentent la plus faible probabilité de réincarcération.

Pour autant, comment pouvez-vous prétendre réconcilier le peuple et son système judiciaire quand vous généralisez les cours criminelles départementales au détriment des cours d'assises – ce qui écarte le peuple des décisions rendues en son nom ? Comment pouvez-vous prétendre restaurer la confiance de la population dans l'institution judiciaire quand les moyens dérisoires accordés à la justice, notamment civile, empêchent les professionnels de tenir les délais, ce qui contribue à l'exaspération populaire ? Comment pouvez-vous prétendre que vous vous inquiétez du sort réservé aux plus fragiles quand votre projet de loi ignore la justice de contentieux du quotidien, alors même que les mesures de déjudiciarisation et de dématérialisation prises ces dernières années ont encore un peu plus éloigné les justiciables des tribunaux de proximité ?

La justice civile rend 2,2 millions de décisions par an, quand la justice pénale en rend 800 000. Elle est donc au centre de la vie des Français. Pourtant, elle demeure la grande oubliée des réformes. L'annonce de l'embauche d'un millier de contractuels pour réduire les délais de traitement de la justice civile ne suffit pas à nous rassurer : 1,3 million de dossiers judiciaires sont en souffrance, avec des délais moyens de traitement de quatorze mois en première instance et de dix-sept mois en appel. Même si les 1 000 juristes assistants et renforts de greffe qui prendront leur poste d'ici à la rentrée de septembre auront pour tâche de délester les magistrats et les greffiers des tâches les plus chronophages, former des contractuels prend du temps et il est fréquent – nous le constatons régulièrement – que ces derniers, mal rémunérés, démissionnent avant la fin de leur contrat de trois ans. Seule la création de postes de magistrats et de greffiers permettrait à la justice civile de rendre des décisions intelligibles dans des délais raisonnables.

Ces contradictions n'auront échappé à personne – pas même à vous, monsieur le ministre. C'est pourquoi, sur ce texte qui, malgré quelques pas dans la bonne direction, passe pour l'heure à côté des vrais enjeux, nous réservons notre vote, en attendant de voir quelles avancées nos travaux permettront d'apporter.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :

Suite de la discussion du projet de loi et du projet de loi organique pour la confiance dans l'institution judiciaire.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra