Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 21h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues visant à l'instauration d'une taxe sur les profiteurs de crise (4020, 4081).

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La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Le texte soumis à la représentation nationale vise, comme son titre l'indique, à instaurer une taxe sur les profiteurs de crise. Vous ne serez pas surprise, madame la rapporteure, d'entendre que le Gouvernement…

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

…ne partage ni le constat qui anime votre proposition ni, a fortiori, les remèdes que vous proposez.

Nous avons, tout d'abord, un profond désaccord sur le constat. La crise économique et sanitaire que nous connaissons depuis plus d'un an affecte fortement notre économie. Certains secteurs sont plus directement touchés que d'autres : les secteurs dépendant de l'accueil du public payent, nous le savons, un tribut particulièrement lourd. C'est pourquoi le Président de la République a décidé de les soutenir « quoi qu'il en coûte ».

Il s'agit là du choix le plus responsable, qui se révèle efficace. Il a un coût pour notre économie – 158 milliards d'euros en 2020 au titre des pertes de recettes et des dispositifs d'aides –, mais cette stratégie est la bonne car elle permet à notre économie de résister, donc de préserver des milliers d'emplois. Je rappelle que malgré le prolongement des mesures sanitaires, le PIB de la France a augmenté de 0,4 % au premier trimestre 2021, ce qui constitue une des meilleures performances d'Europe. Nous conservons la perspective d'une croissance de 5 % pour l'année 2021. Je rappelle également que le taux de faillite fut, en 2020, inférieur de 40 % à la moyenne habituelle. Je veux d'ailleurs profiter de cette occasion pour rassurer les entreprises : il n'y aura pas de retrait brutal des aides. Le Gouvernement ne prendra pas le risque de mettre en péril soudainement les entreprises après les avoir protégées efficacement.

Les secteurs directement affectés doivent donc continuer d'être soutenus. Mais ceux dont l'activité fut davantage sollicitée par la lutte contre l'épidémie ou plus compatible avec les nouvelles réalités du travail à distance ne doivent pas pour autant, selon nous, être taxés – c'est le cas de le dire – de « profiteurs », au contraire. Ce sont d'ailleurs ces secteurs et les milliers de Françaises et de Français qui travaillent en leur sein que nous avons applaudis tous les soirs à vingt heures. Je fais ici référence aux salariés des grande et moyenne distributions.

Nous avons, ensuite, un profond désaccord sur le remède. Le Président de la République a été très clair : il n'y aura pas de hausse d'impôts tant qu'il sera en exercice. Bien au contraire, la politique visant à les réduire se poursuivra. Nous ne pensons pas qu'il suffise d'agiter la baguette magique de la hausse d'impôts pour prétendre régler tous les problèmes. Nous souhaitons autre chose pour notre pays. Nous ne croyons pas non plus qu'une entreprise qui réalise un bénéfice manque à ses obligations morales, économiques ou sociales. Nous croyons au contraire qu'elle crée de la richesse pour la France et que cette richesse doit contribuer, dans une juste mesure, aux dépenses de la collectivité.

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Notre conviction – c'est le sens de la politique fiscale conduite depuis le début du quinquennat par Bruno Le Maire pour traduire les engagements du Président de la République –, c'est qu'il faut baisser les impôts. C'est ce que nous avons fait depuis plus de trois ans. Ainsi, nous avons baissé de 5 milliards d'euros l'impôt sur le revenu pour 17 millions de foyers fiscaux appartenant aux classes moyennes. Nous avons supprimé la taxe d'habitation, impôt injuste et obsolète, pour 80 % des Français. À la fin du quinquennat, plus aucun Français ne paiera de taxe d'habitation pour sa résidence principale. Nous baissons également les impôts des entreprises pour améliorer la compétitivité de notre économie. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le taux d'impôt sur les sociétés atteignait 33,3 % ; il s'élèvera à 25 % à partir de 2022. De même, nous avons massivement diminué les impôts de production, à hauteur de 10 milliards d'euros par an : il s'agit là d'une baisse historique.

Nous continuerons donc de baisser les impôts des Français et des entreprises pour créer plus de richesse nationale, parce que notre politique économique porte ses fruits et parce que nous remettons ainsi la France dans la course. Je rappelle que la France affiche le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé des pays de l'OCDE : il atteint, en 2020, 44,7 % du PIB,…

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Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

…soit douze points de plus que dans les pays de l'OCDE et cinq points de plus que dans la zone euro, où il s'élève en moyenne à 40,5 %.

Au-delà de ces deux différences d'approche, il existe au moins trois raisons pour lesquelles l'avis du Gouvernement ne peut qu'être défavorable à votre proposition de loi. La première, c'est qu'on ne relance pas l'économie en surtaxant les entreprises qui parviennent, en pleine crise économique, à maintenir une activité rentable, donc des emplois. Nous avons proposé un plan de relance massif de 100 milliards d'euros, parce que c'est le meilleur moyen de favoriser la reprise, en préservant des pans entiers de notre économie, des milliers d'entreprises et par conséquent, des milliers d'emplois. Nous avons déjà engagé 30 milliards d'euros au titre du plan de relance. Nous voulons mobiliser les 70 milliards restants d'ici à la fin de l'année.

Le déploiement du plan France Relance est une réalité. J'en veux pour preuve quelques exemples : dans le domaine de la rénovation énergétique, ce sont déjà 235 000 dossiers MaPrimeRénov' qui ont été soumis ; dans le domaine de la compétitivité, plus de 1 500 entreprises industrielles ont bénéficié d'une subvention pour le développement ou la modernisation d'une ligne de production ; dans le domaine de la cohésion et de la solidarité nationale, 500 000 nouveaux apprentis ont été formés en 2020, ce qui constitue un record historique. Il s'agit, bien sûr, d'un enjeu important pour les finances publiques, mais nous sommes déterminés à ce que la réponse que nous apportons à la crise économique et sanitaire ne remette pas en cause la trajectoire de baisse continue des prélèvements obligatoires engagée par la majorité depuis 2017. On ne peut pas, en effet, reprendre d'une main ce qu'on donne de l'autre, sous peine d'abandonner le principe même d'une relance de l'économie.

La deuxième raison, c'est que l'instauration d'une nouvelle contribution exceptionnelle compromettrait la cohérence de notre politique fiscale et les effets bénéfiques de la trajectoire de baisse du taux de l'impôt sur les sociétés – laquelle permettra seulement de nous repositionner à un niveau un peu plus comparable à celui de nos partenaires européens. Cette baisse est une priorité pour les entreprises. Elle est aussi une condition de l'attractivité de la France. Nous nous y tiendrons. Vous proposez d'instaurer une contribution exceptionnelle de 50 % sur les bénéfices des grandes entreprises, assise sur la différence, lorsqu'elle est positive, entre les bénéfices dégagés en 2020 et ceux dégagés en 2019. Une fraction non négligeable des bénéfices dégagés en 2020 serait ainsi imposée à hauteur de 78 %, un taux totalement inédit qui pourrait même, légalement, être jugé confiscatoire.

La troisième raison, peut-être la plus importante, c'est que nous ne pensons pas que les « profiteurs » soient ceux que vous désignez. Ceux qui sortent gagnants de la crise, Bruno Le Maire l'a dit, ce sont notamment les grandes entreprises internationales du numérique. Alors, travaillons collectivement à une plus grande équité dans les règles de la fiscalité internationale. Les moyens que vous proposez pour appréhender les bénéfices réalisés par les grandes entreprises hors de notre territoire ne sont pas les bons. Vous mettez fortement en avant le cas des acteurs du commerce électronique parmi les prétendus profiteurs de crise. Sur cette question, nous avons apporté une réponse graduée au défi de l'équité du traitement fiscal entre commerce physique et commerce en ligne, à travers la création de la taxe sur les services numériques, qui vise spécifiquement les grands acteurs transnationaux du numérique. Je rappelle que la France a été le premier État à s'engager politiquement en faveur d'une fiscalité plus juste de ces acteurs. Nous n'avons pas attendu que les enceintes multilatérales le fassent, mais avons ouvert un débat international pour refonder en profondeur la fiscalité des entreprises multinationales et faire en sorte qu'elle reflète mieux la création de valeur sans créer de distorsions de concurrence. Enfin, le cadre multilatéral de l'OCDE reste selon nous l'échelon privilégié pour apporter une réponse fiscale adaptée aux nouveaux enjeux économiques.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est évidemment pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Ugo Bernalicis.

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Nous sommes appelés à examiner un texte portant sur les profiteurs de crise. Je veux tout de suite lever un doute : certains estiment que ce terme est trop dur envers les entreprises, sous-entendant ainsi que « profit » serait un gros mot. Ce n'est nullement le cas. Chacun s'accorde à dire qu'une entreprise génère des profits, et il est indéniable que certaines profitent davantage que d'autres de la situation actuelle. Ce n'est pas grave – à tel point que nous proposons de résorber ces inégalités en instituant une taxe qui, je le rappelle, ne porterait pas sur tous les profits réalisés par les entreprises, ni même sur l'augmentation de leur chiffre d'affaires, mais bien sur les profits supplémentaires réalisés au titre de l'exercice 2020 par rapport à l'année 2019. Je précise également que nous n'entendons pas prélever 78 % de cette différence, mais 50 %, monsieur le secrétaire d'État.

Je reviendrai sur certains des points que vous avez soulevés. Vous indiquez ne pas partager notre constat, car il faudrait aider les entreprises en difficulté. Vous aurez remarqué que le dispositif prévu dans le texte ne s'attaquerait nullement à ces dernières. D'abord, il ne concerne que les entreprises réalisant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires : vous conviendrez avec moi qu'il ne s'agit pas du bistrot, du boulanger ou du coiffeur du coin, mais bien des très grandes entreprises françaises. En outre, ces grandes entreprises, si elles n'ont pas réalisé de profits supplémentaires en 2020 par rapport à 2019, ne seront tout simplement pas concernées par le texte dont nous parlons : il s'agit bien uniquement de celles qui ont dégagé des bénéfices additionnels. Vous nous opposerez que ce sont des entreprises qui réussissent et qu'elles ont fait des bénéfices grâce à leur travail.

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Mais précisément, dans combien de cas les salariés de ces entreprises – vous évoquiez la grande distribution – luttent-ils pour réclamer la prime qui leur a été promise, à l'époque, au titre des profits supplémentaires générés par leur employeur ? Visiblement, on leur répond qu'ils peuvent toujours se gratter, puisque leur combat continue. Nous les soutenons d'ailleurs chaque fois qu'il est possible de le faire. Il est donc clair que ces gains supplémentaires disparaissent de la circulation. Vous suggérez que nous devrions laisser les entreprises garder ces superprofits afin qu'elles les réinjectent dans l'économie réelle, qu'elles créent de l'emploi, etc. Mais c'est tout le contraire qui se produit : non seulement elles ne les partagent pas avec leurs propres salariés, mais, au-delà, que fait une entreprise comme Sanofi, qui a tiré son épingle du jeu dans la période écoulée ? Cela a été dit et redit à de multiples reprises, dans cet hémicycle, dans les médias et partout dans le pays : elle supprime des emplois en France et elle ferme des laboratoires de recherche.

Pourtant, vous vous entêtez à ne pas taxer ces entreprises. Il est d'ailleurs assez savoureux – le terme n'est peut-être pas le bon, car je ris jaune, en réalité – de constater que vous avez chiffré les pertes de recettes et les dispositifs d'aides à 158 milliards d'euros. Il se trouve qu'un indicateur a atteint un niveau assez proche en 2020, à savoir la hausse de la fortune des milliardaires français : elle a atteint 175 milliards d'euros entre mars et décembre 2020. L'ordre de grandeur est le même. Je ne sais pas s'il existe une corrélation entre les deux chiffres, mais ceux-là se sont enrichis de 175 milliards d'euros tandis que les autres – toutes les petites et moyennes entreprises qui font tourner la France au quotidien et que nous sommes évidemment fiers de fréquenter pour consommer, échanger et nous sociabiliser – ont perdu 158 milliards.

On pourrait se demander pourquoi les très riches, qui se sont encore enrichis durant cette période si funeste pour tant d'autres, ne partageraient pas leur richesse, de sorte que chacun – entreprises comme particuliers – puisse vivre correctement. Je dis bien « partager » : il ne s'agit pas, ici, de s'accaparer leurs profits, car en contribuant au pot commun – vous avez vous-mêmes employé cette expression, monsieur le secrétaire d'État –, on aide tout le monde, y compris les grandes entreprises.

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Je ne doute pas, en réalité, que le Gouvernement finira par changer d'avis, car, chacun le constate, le président Biden exerce un certain pouvoir sur vous.

Sourires sur plusieurs bancs du groupe LaREM.

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Vous ne vouliez pas lever les brevets des vaccins, au prétexte que cela servirait à rien et qu'il était bien normal que les laboratoires les ayant déposés en tirent tout le mérite et s'enrichissent, mais, le président Biden ayant décrété que les brevets devaient être publics, patatras : cette idée est redevenue géniale ! Tant mieux : nous sommes pour lever les brevets afin que les vaccins puissent être produits massivement dans le monde entier, y compris à destination de pays qui n'ont pas les moyens d'en fabriquer et qui n'en obtiendront pas tant que cette décision ne sera pas prise – je pense notamment aux pays du Sud.

Pour votre information, monsieur le secrétaire d'État, le président Biden a annoncé d'autres mesures, que vous venez de qualifier d'inutiles et de contre-productives et qui ne correspondent pas à la trajectoire que vous empruntez. Je fais notamment référence à sa volonté de taxer les profits des entreprises, non seulement aux États-Unis, mais aussi à l'échelle internationale.

C'est avec une certaine gourmandise que j'ai appris que le président Biden appelait de ses vœux l'instauration d'une taxation internationale minimale sur les profits des entreprises en fixant ce taux à 21 % : je me suis dit que c'était déjà bien mais que nous pourrions peut-être faire mieux. Je me suis alors demandé à quel niveau était ce taux jusqu'à présent et quelle était la position défendue par la France. J'ai été catastrophé de découvrir qu'au moment où Biden proposait un taux de 21 %, notre pays, lui, se battait pour un taux maigrelet de 12,5 %.

Si, pour une fois, vous ne voulez pas que la France se retrouve à la remorque d'autres pays qui prennent de bonnes décisions pour relancer l'activité, alors il va falloir adopter ce texte. Je ne doute pas que vous le ferez lorsqu'il ne portera pas le vernis de La France insoumise et que vous le proposerez vous-mêmes. Cela vous conviendra sans doute mieux. Peu importe : si le résultat est là, nous serons satisfaits.

Vous avez dit : « quoi qu'il en coûte ». Très bien ! Vous avez mis 158 milliards sur la table. Et ce n'est pas fini. Mais qui va les payer ? Je vous rappelle qu'il y a une dette, qui fait l'objet de débats entre nous, qu'elle soit publique ou privée – de toute façon, même lorsqu'elle est privée, la dette est amenée à devenir publique puisque ce sont en général des prêts garantis par l'État. Certes on ne déplore aucune faillite pour le moment mais vous n'expliquez pas du tout de façon claire comment vous allez prendre en compte la dette privée. Des faillites se produiront donc forcément si vous n'agissez pas convenablement.

À travers la réforme de l'assurance chômage, vous dites aux chômeurs de ce pays que, les comptes n'étant pas très reluisants, il va falloir se serrer la ceinture et participer à l'effort collectif. Mais vous êtes infichus d'appliquer ce raisonnement à ceux dont la richesse a augmenté ! Je ne crois pas que les chômeurs de ce pays se soient enrichis entre l'année dernière et cette année : c'est plutôt le contraire ! Pourtant c'est leur argent que vous prenez pour équilibrer les comptes.

Il va donc falloir faire participer les uns et les autres. Notre dispositif, en taxant les superprofits, c'est-à-dire les profits réalisés en 2020 et qui excèdent ceux de l'année précédente, permettrait, d'après nos projections, de récupérer 10 milliards d'euros si l'on considère l'ensemble des entreprises concernées, celles qui enregistrent un chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros – ce montant s'élevant à un peu plus de 6 milliards pour les seules entreprises du CAC40.

Récupérer 10 milliards, ce serait déjà bien. Certes, ça ne fait pas la maille : on n'atteindrait pas les 158 milliards. Néanmoins cela permettrait de contribuer à l'effort collectif. On éviterait ainsi de demander, demain, aux fonctionnaires des administrations de faire un effort et de se serrer la ceinture en raison du service de la dette, en leur expliquant que le « quoi qu'il en coûte », c'est terminé, que c'était seulement valable au moment du covid-19, et que, maintenant que nous sommes vaccinés, il faut passer à la caisse.

Non ! Nous pensons que tout le monde doit contribuer. Mais vous avez le toupet d'affirmer, monsieur le secrétaire d'État, qu'il serait contre-productif de taxer les superprofits et que cela nuirait à l'économie en tant que telle. Je vais de nouveau donner l'exemple des États-Unis – je reconnais que cela peut prêter à sourire. Au passage, le fait que des insoumis citent autant le Fonds monétaire international et les États-Unis d'Amérique devrait tout de même vous faire réfléchir. Si le président Biden taxe les entreprises, c'est parce qu'il a compris qu'il fallait investir dans les infrastructures. À l'inverse, il est certain que les 100 milliards de votre plan de relance ne sont pas correctement orientés – et je pense par ailleurs aussi qu'ils sont insuffisants.

Revenons à mon exemple américain : les entreprises viennent s'installer quand les infrastructures sont de bonne qualité et non pas, comme vous le croyez, quand l'environnement fiscal est favorable puisque, au bout du compte, cela tire tout le monde vers le bas. D'ailleurs les entreprises déjà installées en France se portent plutôt bien. Les milliardaires français sont contents puisqu'ils s'enrichissent plus que les milliardaires allemands, belges, espagnols, que sais-je encore – je pourrais allonger la liste à l'envi étant donné que nous sommes les premiers en Europe de ce point de vue.

Oui, il faut taxer ceux qui ont profité de la situation, non pas pour les punir mais pour partager, parce que nous avons collectivement besoin de cet argent, pour tout le monde et donc aussi pour ces chefs d'entreprise et pour leur propre profit. Il ne s'agit donc même pas de discuter de la remise en cause du capitalisme – remarquez, cela m'aurait beaucoup plu. D'ailleurs, M. Biden dit lui-même qu'il est tout à fait acquis au système capitaliste et que c'est justement pour relancer l'activité et l'économie qu'il augmente les impôts.

Je note que cela ne vous a pas échappé non plus. Si vous êtes en mesure de prévoir que la croissance augmentera de 5 %, c'est bien parce que vous avez investi, mis de l'argent sur la table. Or, quand on génère des recettes fiscales et quand on redistribue, on enclenche un cercle vertueux sur le plan économique. Quand on mène une politique d'austérité, en revanche, on finit par tuer l'économie à petit feu ; certains s'enrichissent, certes, mais ce qui s'accroît finalement dans le pays, c'est la pauvreté. Et comme nous ne voulons pas de cette pauvreté, nous disons qu'il faut taxer les profiteurs de crise.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

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L'année dernière, lors de la niche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous avions inscrit à l'ordre du jour une proposition de loi visant à instaurer une contribution des hauts revenus et des hauts patrimoines à l'effort de solidarité nationale. Notre pays traversait alors, déjà, l'une des plus graves crises de son histoire. Cette contribution des plus riches nous semblait non pas révolutionnaire, mais juste et utile. Cependant cette proposition avait été rejetée par le Gouvernement et par la majorité.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui s'inscrit dans cette même logique. Nous souhaitons remercier la rapporteure Mathilde Panot d'avoir défendu ce texte et de l'avoir inscrit à l'ordre du jour. En prévoyant la taxation des bénéfices excédentaires réalisés par les grandes entreprises durant la crise du covid-19, cette proposition se veut le pendant de celle que nous avions déposée. Nous la soutenons et la défendons.

Depuis un an, cependant, des digues ont bougé même si vous ne semblez pas vous en rendre compte. Le Président de la République nous avait promis, lors d'un discours de mars 2020, une réinvention et des lendemains heureux. Mais la baisse des impôts de production décidée dans le cadre de la relance et la réforme de l'assurance chômage ont douché les maigres espoirs que le logiciel néolibéral soit abandonné.

Au mois d'avril, un responsable des affaires budgétaires du FMI – une institution dont nous n'aurions pas soupçonné qu'elle serait capable d'une telle inflexion – déclarait que pour réduire les inégalités sociales accentuées par la crise, les pays pouvaient envisager des taxations temporaires sur les ménages les plus aisés ou sur les bénéfices excédentaires des entreprises qui ont prospéré durant la crise.

Le président Biden, après avoir proposé l'instauration d'un impôt minimal mondial sur les sociétés, augmentera prochainement dans son pays le taux de l'impôt sur les sociétés, le taux supérieur de l'impôt sur les revenus et, surtout, alignera la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail.

Il s'agit là d'évolutions, pas de rupture avec le modèle que vous avez en commun. Cependant, disons-le, cela ringardise un peu plus encore la politique économique à laquelle vous croyez mordicus, la théorie du ruissellement.

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Nous savions qu'elle n'avait aucune assise scientifique mais cela commence un peu à se voir. Pourtant, votre majorité, le Gouvernement, et Emmanuel Macron en tête, ne cessent de la défendre.

Au-delà des aspects économiques, les différentes études commandées par le Gouvernement lui-même n'ont pu établir de lien entre la baisse de la fiscalité et l'activité économique ou l'emploi. La politique menée depuis 2017 crée une fracture sociale qui s'est profondément aggravée depuis la crise du covid-19.

C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui plus encore qu'hier, il est essentiel de repenser notre fiscalité pour qu'elle soit juste. Une fiscalité juste, cela signifie que chacun paierait sa juste part et que le consentement à l'impôt serait entier ; ce serait un outil dans la lutte contre les inégalités économiques qui continuent de se creuser dans le pays ; cela permettrait de lutter contre l'extrême pauvreté qui, elle aussi, croît dangereusement.

Le besoin de justice fiscale s'intensifie depuis 2017 lorsque, dès votre arrivée, vous avez supprimé l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune. Avec, ensuite, la mise en place de la flat tax et la baisse de l'impôt des entreprises, cette aspiration a encore grandi. La crise du covid-19 a exacerbé des inégalités déjà grandes entre des petits commerces fermés et des géants du numérique – les GAFAM – qui prospèrent, entre des travailleurs au chômage partiel qui perdent plus de 16 % de leur salaire et des milliardaires dont la fortune a augmenté de 45 % en 2020, mais aussi entre des petites entreprises qui galèrent et des grosses entreprises qui se gavent.

Les Français se disent légitimement que cette situation ne peut pas durer et que chacun doit participer à l'effort, au moins temporairement. C'est d'autant plus vrai – il faut le dire – que l'accumulation de bénéfices par ces entreprises qui prospèrent pendant la crise se fait au détriment des plus pauvres. Il existe un lien évident de cause à effet entre la situation des uns, qui s'engraissent, et celle des autres, qui galèrent.

J'étais allée le rappeler il y a quelques semaines à Bercy avec mon collègue Ugo Bernalicis, aux côtés d'ATTAC – l'Association pour la taxation des transactions pour l'aide aux citoyens – en posant une question simple : qui doit payer la crise ?

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C'est aussi ce que nous avions dit à travers notre proposition de loi visant à une participation des plus aisés, dont nous avions discuté il y a un an. C'est encore le sens de la proposition de loi de Mme Panot, qui vise à taxer les profiteurs de crise.

Sur cette question comme sur d'autres, nous ne vous lâcherons jamais. Nous ne vous lâcherons pas parce que nous refusons de voir les premières et premiers de corvée payer la crise qu'ils ont mieux contribué à combattre que ceux qui en ont profité.

Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.

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Nous examinons ce soir la proposition de loi visant à instaurer une taxe dite « sur les profiteurs de crise ». Ce texte a si peu de mérite que je préfère commencer par évoquer le rare point positif que j'ai désespérément essayé d'y trouver.

La crise sanitaire a été et demeure effectivement une épreuve particulièrement douloureuse pour les TPE et les PME.

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C'est pourquoi la majorité, avec le soutien de presque toutes les oppositions, a mis en place depuis dix-huit mois un plan de soutien, sans commune mesure dans notre histoire, pour les aider. Je dis « presque toutes les oppositions » car lorsqu'il s'agit d'aider nos TPE et nos PME, les insoumis, ce sont avant tout et surtout les invisibles.

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L'abondement du fonds de solidarité et du chômage partiel ? Vous étiez contre. La prime pour les 4 millions de ménages les plus précaires ? Vous étiez contre. Le plan de relance qui prévoit 100 milliards pour investir dans le futur ? Vous étiez contre, bien évidemment.

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Bref, sur la planète insoumise, la poupée de Polnareff, qui fait non toute la journée, est reine.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Oui, certaines entreprises, notamment les géants du numérique, ne paient pas suffisamment d'impôts en France au regard de leurs activités commerciales. Oui, elles jouent à cache-cache grâce aux différences qui existent entre les juridictions à des fins d'optimisation. Oui, cette pratique est indigne et révoltante.

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Elle se fait sur le dos de leurs propres utilisateurs, de leurs propres clients et d'une bonne partie des sociétés auxquelles ces mêmes entreprises se targuent de contribuer à coup de grandes campagnes de communication financées par des impôts qu'elles ne paient pas.

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Mais que dire de la réponse apportée par une proposition de loi qui interpelle par sa légèreté autant que par son inconséquence ? Que dire d'une proposition de loi se résumant à un seul article, qui réussit pourtant le tour de force de ne pas être d'accord avec elle-même ?

Quelles entreprises voulez-vous taxer, madame Panot ? Celles dont le chiffre d'affaires excède 100 millions d'euros, selon votre exposé des motifs ? Mais entre celui-ci et le premier alinéa, vous avez changé d'avis puisque, dans le deuxième cas, le seuil est fixé à 150 millions d'euros. À moins que ce seuil soit de 750 millions, si l'on en croit l'alinéa suivant ?

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Ce matin vous sembliez avoir tranché et opté pour le dernier seuil, qui exclut donc certaines entreprises que vous citez nommément dans votre exposé des motifs, dont le ton est le seul élément qui, en effet, rappelle les années 20, les années 30 et l'épuration.

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Vous avez supprimé les amendements rédactionnels !

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Une étude d'impact ? Que nenni ! Le nombre d'entreprises concernées ? Aucune idée ! Une réflexion sur la faisabilité de la proposition ? Hors de question ! Sur son efficacité ? N'exagérons pas ! Quelle désinvolture coupable face à un problème d'une telle ampleur !

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Faites une demande de rapport, chers collègues de La France insoumise !

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Heureusement, cette majorité ne cantonne pas son action à des propos d'estrade dont le lyrisme camoufle mal la vacuité.

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À vous entendre, on n'en doute pas un instant !

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En ce qui concerne la juste imposition des grandes entreprises du numérique, la France est l'un des premiers pays du monde à avoir mis en place, en 2019, une taxation des GAFA.

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Or cette mesure est loin d'être le seul chantier fiscal en la matière. Dès juillet 2021, les plateformes de commerce en ligne deviendront redevables de la TVA de leurs vendeurs. Plusieurs milliards, perdus dans le cadre de la fraude à la TVA, seront ainsi récupérés.

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Mais non, c'est déjà le cas ! Ça se la joue techno et ça ne sait même pas comment ça marche…

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Au-delà des frontières communautaires, c'est la France qui s'est faite l'apôtre des discussions sur la taxation des services numériques à l'OCDE. C'est ce volontarisme qui a conduit les ministres des finances et de l'économie de l'Union européenne à s'accorder sur la nécessité de parvenir à un cadre commun sur la taxation des entreprises de l'économie numérique d'ici à l'été 2021.

C'est grâce à cet engagement, et au vu du changement radical de position des États-Unis sur ce sujet, qu'une véritable transformation fiscale au niveau international est à portée de main. C'est cette transformation que le Gouvernement appuiera pleinement dans les prochains mois.

Au-delà de la désinvolture avec laquelle cette proposition de loi est soumise à notre assemblée – un comble pour ceux qui aimeraient s'ériger en chantres du parlementarisme ! –, je dois convenir que ce texte est la traduction d'une cohérence politique implacable…

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…qui flirte avec l'obsessionnel : si l'économie va bien, nous dites-vous, taxons-la et nous nous porterons mieux.

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C'est ce que vous avez fait en 2017 pour réduire la dette !

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Mais si l'économie va mal, taxons-la aussi, nous ne nous en porterons pas plus mal et, dans le doute, taxons, c'est mieux que rien ! Bref : l'insoumission, c'est avant tout l'imposition !

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Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ce n'est pas notre façon de voir les choses.

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Nous avons fait le choix de ne pas écraser nos concitoyens et nos entreprises par plus d'impôts, toujours plus d'impôts,…

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Nous ne proposons pas de taxer nos concitoyens mais les profiteurs !

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…car investir, investir et encore investir, c'est la voie que nous avons choisie pour créer des emplois partout sur le territoire et retrouver le chemin d'une croissance durable.

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La République en marche votera donc cette proposition de loi dont elle ne partage ni la philosophie ni les moyens choisis pour parvenir à ses objectifs.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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Mon collègue Bruno Millienne l'a rappelé lors de la discussion générale de cet après-midi sur la proposition de loi relative aux impacts négatifs de la publicité, et il a raison : il ne s'agit plus d'une niche parlementaire mais d'une journée d'interdictions et de taxations – taxons, taxons, il en restera toujours quelque chose, selon vous.

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La proposition de loi qui nous est soumise vise à taxer plus largement ceux que nos collègues « insoumis » désignent sous le nom de « profiteurs de la crise ». J'ai eu l'occasion de le dire en commission des finances et je ne boude pas mon plaisir de le répéter ici devant l'ensemble de la représentation nationale pour que tous nos concitoyens prennent conscience que tout ce que vous préconisez n'est que démagogie, populisme et insulte pour le monde de l'entreprise en général et pour les entrepreneurs en particulier.

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C'est vrai que les insultes, vous, vous n'en proférez jamais !

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Vous versez une nouvelle fois dans la provocation, chers collègues, car rien ne va dans votre proposition de loi, ni sur le fond ni sur la forme, à commencer par le titre : « Instauration d'une taxe sur les profiteurs de crise ». L'exposé des motifs est truffé de termes choisis comme « s'engraisser », « entreprises-voyous », et j'en passe… Pour vous, « entrepreneur » est un gros mot

« Non ! Pas du tout ! » sur les bancs du groupe FI

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et les entreprises qui gagnent de l'argent et ne demandent aucune aide publique seraient des fraudeuses, des profiteuses et des voyous !

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Pas du tout ! Nous proposons une méthode pour punir les voyous !

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Ces propos honteux me scandalisent et scandalisent tous les chefs d'entreprise, mais ne m'étonnent guère car ce langage populiste caractérise très bien les experts que vous êtes : l'extrême droite a son bouc émissaire, c'est l'étranger, et la France insoumise a le sien, c'est le chef d'entreprise !

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Vous racontez n'importe quoi ! Vous n'avez aucun argument et êtes juste bon à injurier !

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La mesure que prévoit votre proposition de loi ne relève d'aucune logique économique ; elle est complètement contre-productive. Ainsi, vous voulez taxer le résultat net sans même le définir. Sans vouloir jouer le professeur que je ne suis pas ,

« Non, bien sûr ! Pas de fausse modestie ! » sur les bancs du groupe FI

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je vais vous apporter une précision pour votre bonne compréhension : un résultat net après impôts peut tout à fait apparaître en hausse en 2020 par rapport à 2019 du fait d'un résultat exceptionnel positif,…

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…à la suite d'une cession d'actifs par exemple, alors même que le résultat d'exploitation serait déficitaire en raison d'une baisse d'activité,…

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…et l'inverse est vrai également. Votre copie est à revoir pour bien définir la notion de résultat.

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Et je ne reviendrai pas sur la rétroactivité de votre proposition de loi,…

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…mais laissons de côté l'aspect technique que vous avez négligé pour revenir sur l'aspect plus politique, celui qui vous intéresse le plus.

J'ai beau lire et relire votre proposition de loi, je n'arrive toujours pas à identifier les prétendus profiteurs.

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Il est vrai que dans la vie profane, je ne suis qu'un humble expert-comptable. Dites-nous ici qui, selon vous, sont les profiteurs de la crise ? Ceux qui s'adaptent en période de crise pour répondre à un marché ? Ceux qui ont réussi tant bien que mal, en pleine crise, à créer de la richesse, à préserver l'emploi et même à en créer ? Ne devrions-nous pas plutôt encourager et applaudir ces entrepreneurs qui, comme leurs équipes, se lèvent tôt le matin et se retroussent les manches pour continuer d'avancer, en pleine tempête mondiale, pour faire face à la crise et à la concurrence internationale ?

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Croyez-vous que les multinationales se lèvent tôt le matin ? Elles n'en ont pas besoin, elles ont des laquais !

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C'est pourtant bien l'objectif que nous avons poursuivi en accordant des aides d'urgence et en établissant un plan de relance.

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Il est vrai que vous restez cohérents puisque vous ne les aviez pas votés, mais allez donc expliquer cette posture incompréhensible aux familles…

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On va s'en charger ! Avec des bulletins de vote !

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…qui font la richesse des entreprises dont vous stigmatisez les dirigeants. Une fois de plus, vous manquez votre cible, et vous essayez de diviser les Français en deux camps sans vraiment comprendre ce qui caractérise une entreprise : les gagnants et les perdants de la crise.

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Il est d'ailleurs significatif que vous ayez cité le cas de Stéphane Bancel, le dirigeant français de Moderna, à vos yeux le symbole même du profiteur de la crise.

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La vaccination, qui nous coûtera entre 3 milliards et 4 milliards d'euros cette année, générera un retour sur investissement sans précédent pour la dépense publique, convenez-en.

En outre, dois-je vous rappeler que Moderna a annoncé ne pas invoquer ses brevets sur son vaccin, se privant ainsi de revenus potentiels, ce qui correspond à ce que vous réclamez à cor et à cri depuis plusieurs mois déjà.

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Enfin, cette proposition de loi visant à imposer les grandes entreprises me donne l'occasion de saluer au nom de mon groupe les avancées des négociations relatives au taux minimum d'imposition qui ont pris un nouveau départ avec la nouvelle administration américaine. La France, depuis le début du quinquennat, s'engage fortement sur ce sujet et nous espérons que l'on arrivera bientôt à un accord – même si, en matière fiscale comme en d'autres, le diable se cache dans les détails et les assiettes… fiscales, bien sûr.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Dem s'opposeront à ce texte.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LaREM.

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Ce communiqué du MEDEF vous a été lu par le MODEM !

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La parole est à M. Jean-Louis Bricout. Et je vous invite, chers collègues, à écouter avec attention l'orateur.

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Nous ne faisons qu'apprécier le spectacle, monsieur le président !

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Je sais votre intérêt à entendre les différents arguments qui sont formulés.

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On l'espère bien, monsieur le président… J'ai considérablement réduit mon intervention, ce qui rendra certainement service aux collègues de La France insoumise en leur laissant davantage de temps pour présenter leurs autres textes.

Nous soutiendrons cette proposition,…

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…qui vise à trouver de nouvelles recettes dans la poche de celles et ceux qui ont profité de la crise pour s'enrichir, l'objectif final étant sans doute d'améliorer le plan de relance et de soutenir les plus précaires – outre le fait que cela contribuerait peut-être à limiter la dette.

Nous soutiendrons ce texte, mais pas dans le même état d'esprit que nos collègues du groupe FI

« Oh ! sur les bancs du groupe FI

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et en tous les cas pas sur ce ton, qui dénote un esprit de vengeance à l'encontre des riches.

« Ah bon ? » sur les bancs du groupe FI.

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…et je ne suis pas un adepte de la formule « salauds de riches ».

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En somme, nous n'avons pas le même maillot mais nous avons la même passion !

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Quoi qu'il en soit, je suis d'accord pour mobiliser des recettes supplémentaires, afin que le partage des richesses soit plus équitable – on l'attend tout de même depuis le début du quinquennat – et de répondre aux urgences sanitaires et sociales provoquées par cette crise, s'agissant notamment de la jeunesse, comme on l'a rappelé à l'occasion des textes déjà examinés aujourd'hui.

Je voterai donc en faveur de ce texte pour rendre un peu de dignité à la jeunesse, aux plus précaires et aux ouvriers, mais aussi pour répondre dans une certaine mesure aux enjeux climatiques. Je le voterai aussi pour les plus riches. Je sais que cela peut surprendre, mais je me dis que si j'avais été riche hier et qu'avec cette crise je l'étais devenu bien plus encore, même archiriche, je ne me sentirais pas très à l'aise avec cet argent. Ce n'est pas de l'argent très propre.

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Il y a une forme d'insolence, d'indignité dans la manière dont ces revenus sont arrivés….

Sourires.

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Non, je ne le crois pas. En fin de compte, je suis persuadé que cette proposition de loi rend service aux plus pauvres mais aussi aux plus riches.

« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe FI.

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Nous sommes tous élus ici avec, dans notre ADN, la volonté de rendre les gens heureux ; c'est peut-être le sens de ce texte.

Je ne me fais pas trop d'illusions sur l'issue de son examen car on commence à connaître le sens qu'a la majorité de la démocratie, du respect de l'opposition et donc de ses propositions. À part Biden, je ne sais pas qui peut vous faire reculer…

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Je crois aussi que vous êtes persuadés – parce que vous avez malgré tout des convictions – que plus on est riche, plus on est heureux, alors que le bonheur, c'est tout de même un peu plus complexe.

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Je vais donc plutôt m'adresser directement aux plus riches s'ils nous écoutent, puisque ce texte n'aboutira sans doute pas : si cette majorité ne nous autorise pas à vous taxer, il vous reste la solution des dons aux associations caritatives, pour la jeunesse par exemple – les causes ne manquent pas. Là est peut-être le bonheur.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

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Au fond, cette proposition de loi a le mérite d'une certaine cohérence : c'est votre vision d'une transformation radicale de la société,…

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…d'autres auraient dit une vision révolutionnaire, tandis que la nôtre, c'est plutôt celle de la modération, une vision européenne, humaniste et ouverte de la société. Il y en a une troisième, la vision nationaliste et identitaire que nous combattons avec autant de force – mais ses représentants ne sont pas présents aujourd'hui.

Votre proposition de loi présente plusieurs difficultés. Sa rédaction, d'abord : elle fait apparaître une première incohérence entre l'exposé des motifs et le texte lui-même. Dans l'exposé des motifs, les entreprises assujetties à cette nouvelle taxe doivent réaliser un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions d'euros et employer plus de 500 salariés alors que le texte ne fait, lui, pas état du nombre de salariés et renvoie à un chiffre d'affaires supérieur, de 150 millions d'euros et même de 750 millions d'euros pour les entreprises liées. Par un amendement, madame la rapporteure, vous confirmez finalement que le seuil retenu est bien celui de 750 millions d'euros.

J'ajoute que si le résultat net réalisé par l'entreprise, assiette retenue pour votre taxe, est un instrument comptable qui a le mérite d'être clair et compréhensible, il ne traduit pas nécessairement la performance financière d'une entreprise.

Et voilà !

Votre but est d'établir une contribution pour les entreprises qui ont été plus profitables en 2020 qu'en 2019, mais le résultat net n'inclut pas seulement le résultat d'exploitation mais aussi les produits exceptionnels comme la vente de machines ou de filiales. Ainsi, une entreprise ayant subi la crise de plein fouet l'année dernière au point qu'elle aurait dû vendre des actifs pour compenser ses pertes d'exploitation pourrait être soumise à votre taxe et, à l'inverse, l'acquisition onéreuse d'une entreprise par une autre pourrait avoir pour conséquence de sortir cette dernière du champ d'imposition. À l'évidence, votre taxe présente de grands risques de manquer sa cible.

Au-delà de ces problèmes juridiques, nous nous interrogeons sur la philosophie de votre proposition.

Tout d'abord, le titre incrimine des profiteurs de crise. Vous faites ici une analogie avec les profiteurs de guerre…

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…qui sont historiquement des industriels, dirigeants de grandes entreprises ou petits patrons, qui ont tiré leurs profits de malversations – y compris en sous-estimant frauduleusement les profits réalisés – ou de ventes d'armes. Or il me semble que la situation actuelle, aussi difficile soit-elle, ne peut être le miroir de ces épisodes de notre histoire.

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C'est pourtant le Président de la République qui a dit que nous étions en guerre !

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Si beaucoup d'entreprises ont subi la crise de plein fouet, malgré l'aide puissante de l'État, d'autres sont parvenues à maintenir leur activité ou à l'intensifier, générant donc des bénéfices. Cela en fait-il pour autant des entreprises profiteuses ?

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Nous ne le pensons pas. De nombreuses entreprises ont joué un rôle salutaire dans la crise…

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Non, ce sont les salariés qui ont joué ce rôle !

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…tout en augmentant leurs bénéfices : c'est le cas des entreprises de l'agroalimentaire, qui ont permis d'assurer la continuité de l'approvisionnement alimentaire du pays, et de nombre d'entreprises qui ont été en première ligne dans la crise que nous traversons.

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Ce sont les travailleurs qui travaillent, pas le capital !

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Notre modèle économique libéral, même s'il est loin d'être parfait, a tout de même permis la fabrication de vaccins en un temps record.

Exclamations sur les bancs du groupe FI.

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Les profits réalisés en vendant les vaccins sont-ils immoraux ? Nous ne le pensons pas non plus.

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Cela n'empêche pas de défendre l'idée qu'il faut faciliter la distribution vaccinale dans les pays les plus pauvres.

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C'est bien la position qu'a défendue le Président de la République sur la scène internationale en plaidant pour que le vaccin contre la covid-19 devienne un bien public mondial unique du XXIe siècle

Exclamations sur les bancs du groupe FI

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qu'il faudra rendre disponible, accessible et abordable pour tous.

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Bien sûr, cette crise a montré les nombreuses limites de notre modèle, d'où la recherche d'une solution adaptée, notamment à travers la fiscalité du numérique. Celle-ci est une priorité du groupe Agir ensemble et le Gouvernement a annoncé l'inscription de ce sujet à l'agenda politique de la présidence française de l'Union européenne qui débutera en janvier 2022.

En résumé, madame la rapporteure, votre proposition de loi ne nous semble pas toucher sa cible ni apporter de réponse efficace à la crise que nous traversons. Toutefois, votre texte a au moins le mérite de la constance et de la cohérence avec vos positions politiques, qui emportent une vision de la société et d'une transformation radicale – révolutionnaire, auraient dit les historiens.

Nous avons une vision différente de la société, qui assume la volonté d'une France ouverte dans une Europe forte, pour créer et partager la richesse afin d'assurer la cohésion sociale.

Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et Dem.

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La discussion générale est close.

La parole est à Mme Mathilde Panot, rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.

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Je commencerai par répondre à M. le secrétaire d'État en citant le ministre des finances de 1916 – j'aurais aimé que le Gouvernement tienne aujourd'hui le même discours : « Tout le monde trouvera juste que ceux qui doivent à la guerre un supplément de revenus alors qu'elle a causé à d'autres tant de misères et de ruines, participent pour une part plus large aux dépenses qu'elle entraîne. Cette idée est tellement simple qu'il n'est pas besoin d'opposer dans un tableau plus ou moins impressionnant l'enrichissement rapide des premiers à la détresse prolongée des seconds pour qu'elle s'impose à l'esprit. » Déjà à l'époque, le Gouvernement affirmait d'emblée qu'il n'y aurait pas de hausses d'impôts. Pourtant, la taxe sur les profiteurs de guerre fut adoptée à 470 voix contre une seule ; elle avait donc fait largement consensus.

Sommes-nous dans la même situation qu'en 1916 ? Certes non, nous ne sommes pas en guerre, nous faisons face à un virus. Il se trouve néanmoins qu'en annonçant le premier confinement le 16 mars 2020, le Président de la République, a répété six fois « nous sommes en guerre ».

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Nous avons fait le parallèle avec 1916 à cause de cette affirmation. Certes, le virus n'a aucune stratégie militaire, ce serait absurde de le prétendre. En revanche, s'agissant de la situation de malheur national, le parallèle est valable : comment accepter que des entreprises fassent autant de bénéfices et de surprofits alors que la pauvreté explose comme jamais depuis 1945 ?

S'agit-il d'une taxe confiscatoire ? Vous avez tous l'air de pâlir d'effroi, voire de vous évanouir face à notre proposition. Non, ce n'est pas une taxe confiscatoire. Je vous rappelle d'ailleurs que, dans la première loi de finances rectificative pour 2017, vous avez vous-mêmes instauré deux surtaxes pour porter le taux maximal de l'impôt sur les sociétés à 44,4 %, au nom de la sacro-sainte règle européenne des 3 % de déficit public. Si vous avez été capables de le faire pour respecter ce principe, vous accepterez aussi que les riches et les grandes entreprises qui ont fait des profits contribuent à la solidarité nationale.

Avec 1 million de personnes qui tombent sous le seuil de pauvreté et 1 million de chômeurs en plus, la sixième puissance économique du monde se retrouve avec 10 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté ; c'est tout de même d'une indignité absolue, convenez-en. En outre, 7 millions de personnes sont privées d'emploi et 300 000 personnes dorment dans la rue – combien d'autres les rejoindront quand les expulsions locatives reprendront en juin ?

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Mais, pendant ce temps, on pourrait continuer de considérer que les plus riches ne devraient pas apporter leur contribution ? C'est vous qui divisez les Français. En 1916, l'un des principaux arguments était le suivant : sans mettre en place la taxe sur les profiteurs de guerre, on aurait eu d'un côté toutes celles et tous ceux qui avaient souffert de la situation de crise et à qui on demandait constamment des efforts et, de l'autre, ceux qui s'étaient enrichis sur un malheur national et qui pourraient continuer à se gaver sans que personne ne trouve rien à y redire. Monsieur le secrétaire d'État, c'est absolument intolérable et d'autant plus indigne qu'on essaie de faire directement la poche des chômeurs en prévoyant une économie annuelle de 2,3 milliards avec la réforme de l'assurance chômage !

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

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On ne peut pas, d'un côté, prendre encore plus aux précaires qui ont déjà beaucoup souffert et, de l'autre côté, laisser tranquilles les plus riches.

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Vous dites ne pas partager le constat. J'ai pourtant déjà rappelé les chiffes : en 2020, Total a versé 7,6 milliards d'euros de dividendes ; Sanofi, 4,8 milliards ; AXA, 3,7 milliards ; LVMH, 3 milliards ; et Vivendi, 2,8 milliards. Prenons l'exemple de certaines fortunes : plus 21 milliards d'euros en 2020 pour Françoise Bettencourt ; plus 7 milliards pour Patrick Drahi ; plus 15 milliards pour François Pinault ; et, pour Bernard Arnault, notre grand champion, plus 62 milliards. Quelle indécence ! Le collègue Bricout avait parfaitement raison : quelle indignité que des gens s'enrichissent autant face à un malheur national aussi fort.

En 1916, il y a eu exactement les mêmes débats…

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…pour savoir s'il fallait prendre en compte la forme de l'enrichissement ou considérer simplement la période. À l'époque, les députés avaient jugé que la temporalité primait sur la forme de l'enrichissement, et ils avaient raison.

Certains collègues ont qualifié la proposition de loi de démagogique et populiste, en disant qu'elle constituait une insulte au monde de l'entreprise.

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Si on suivait le FMI, il faudrait baisser notre niveau d'imposition !

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La France insoumise n'a pourtant pas l'habitude de citer ce chantre de l'austérité qu'est le FMI, mais il tient ce discours, de même que l'ONU. L'Espagne, l'Argentine, la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni sont en train d'instaurer des taxes exceptionnelles…

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…et nous, en France, on ne s'y intéresse pas. Nous sommes complètement à rebours de ce qui se fait dans le monde, et vous préférez vous en tenir à une posture idéologique. Dans cette histoire, c'est vous qui êtes dogmatiques

Applaudissements sur les bancs du groupe FI

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en refusant, face à des urgences sociales aussi fortes, de mettre tout le monde à contribution ; là encore, cela divise la société.

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Une chose m'a frappée dans les différentes prises de parole : plusieurs d'entre vous se sont glorifiés de ce que la France est le premier pays à avoir mis en place une fiscalité sur les grandes entreprises numériques.

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Vous l'avez dit vous-même, monsieur le secrétaire d'État. Si vous en êtes heureux, pourquoi ne serions-nous pas également l'un des premiers pays à instaurer une taxe sur des entreprises qui ont gagné des milliards en pleine crise sanitaire qui a plongé des millions de nos concitoyens et concitoyennes dans la pauvreté ?

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Pourquoi instaurer une taxe sur les grandes entreprises numériques et ne pas taxer les profiteurs de la crise ? C'est absurde, et même contradictoire avec votre discours. La France pourrait lancer un appel au niveau international, en montrant que dans notre société, tout le monde participe à l'effort, et pas seulement les plus faibles et les plus précaires, même si j'ai bien compris que vous ne suivez pas cette ligne.

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L'orateur du groupe LaREM disait qu'il ne savait plus à qui s'adressait notre proposition de loi, citant plusieurs seuils de chiffre d'affaires.

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Je vous présenterai sous peu un amendement, que vous pourrez tout à fait adopter. Je rappelle simplement que d'après les calculs, la taxe sur les profiteurs de crise rapporterait au moins 6 milliards en se bornant aux entreprises du CAC40. Au total, elle représenterait entre 6 et 10 milliards.

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Il s'agit d'une proposition de loi, collègue. J'attends que vos propres propositions de loi soient systématiquement accompagnées d'études d'impact, et j'espère que vous prêterez la même attention aux très fréquentes coquilles présentes dans les textes du Gouvernement.

La taxe que nous proposons représente dix-sept fois le rendement de la taxe GAFAM. Allons chercher l'argent là où il est !

Dernière chose : si vous refusez aujourd'hui d'instaurer une taxe sur les profiteurs de crise, quand le ferez-vous ? Quand le ferez-vous ?

Applaudissements sur les bancs d es groupe s FI et GDR .

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Monsieur le secrétaire d'État, souhaitez-vous intervenir ?

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Non.

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J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

Sur l'article unique et sur l'amendement n° 7 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

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Il me semble que Mme Obono souhaitait intervenir sur l'article, mais le président Mélenchon demande également la parole. Or il ne peut y avoir qu'un orateur par groupe.

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Je crois que vous ne comprenez pas grand-chose au patronat ni à l'entreprise.

MM. Roland Lescure et Jean-René Cazeneuve s'esclaff ent.

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Ce n'est pas parce que vous avez bossé dans un fonds de pension qui n'a jamais rien produit…

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…ou que vous récitez des brochures en répétant des choses entendues cent fois que tout cela fait de vous des spécialistes.

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Vous avez déjà créé une entreprise ? Créé un seul emploi ?

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En vérité, nous vous parlons des profiteurs de crise, de personnes qui ont accumulé des fortunes considérables sans cause. Quand on voit qu'une entreprise, qui s'est d'abord gorgée d'argent public…

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…n'est même pas foutue, à la fin, de produire un vaccin, de la même façon que d'autres étaient incapables de produire des masques en tissu ou des bouteilles d'oxygène, ne venez pas nous chanter les merveilles de la libre initiative qui répondrait à tous les problèmes. Ce n'est pas vrai. Ces gens se sont remplis les poches et font des super-profits.

De qui parle-t-on ? Des très grandes entreprises, en particulier de celles qui forment le CAC40 et dont je vous garantis que deux fois sur trois, le patron ne sait même pas ce qu'on y produit, et serait incapable de dire comment fonctionne une automobile ou un vaccin.

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Je l'ai constaté quand j'étais ministre de l'enseignement professionnel : j'ai vu des patrons de boîtes d'automobiles qui ne savaient pas comment fonctionne un moteur !

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Lescure, ça vous va bien, vous qui maniez du pognon sans vraiment savoir pourquoi !

Exclamations.

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Qu'est-ce que vous nous servez ? Vous nous parlez des petits entrepreneurs qui se lèvent le matin, mais vous croyez qu'on ne sait pas comment ça marche ? Ce n'est pas à eux que s'adresse notre texte. Et vous êtes du MODEM ? Vous représentiez la démocratie chrétienne, il fut un temps où vous vous indigniez que certains se gavent…

Protestations sur les bancs du groupe Dem.

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Mais vous ne savez pas ce que c'est, une entreprise !

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…sur le dos des pauvres, des humbles et de ceux qui n'ont…

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Monsieur le président Mélenchon, je veux bien vous laisser conclure d'une phrase ; je rappelle que les interventions sur un article sont limitées à deux minutes.

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Merci pour votre amabilité, président. C'est entendu : nous ne sommes pas d'accord et notre collègue a eu raison de dire que nos visions du monde sont différentes.

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Complètement ! Mais vous n'aimez pas l'entreprise, dites-le !

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Vous n'entendez pas la grande roue de l'histoire. Croyez-vous que les peuples vont se laisser tondre comme c'est le cas et que rien ne se passera face à autant de misère ? C'est votre droit, mais je vous invite à ouvrir vos portefeuilles avant qu'il soit trop tard.

Applaudissements sur les bancs d es groupe s FI , GDR et SOC .

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La parole est à M. Alexandre Holroyd, pour soutenir l'amendement n° 7 , qui vise à supprimer l'article.

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Mme la rapporteure a relevé à juste titre une petite erreur à la fin de mon intervention que je tiens à corriger : le groupe LaREM ne votera pas le texte.

Monsieur le président Mélenchon, j'aimerais vous répondre brièvement. Vous dites que nous ne connaissons pas l'entreprise ; je crois, à lire cette proposition de loi, que vous ne comprenez pas très bien la loi. Visiblement, trois décennies passées à siéger à l'Assemblée et au Sénat ne vous ont pas aidé. Il y a encore quelques heures, on ne savait pas quel était le seuil d'application de la taxe que vous proposez. Vous n'avez pas réfléchi une minute pour déterminer quelles entreprises seraient concernées, et la réalité est que vous ne le savez pas !

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750 millions de chiffre d'affaires : c'est pourtant clair !

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Cet amendement de suppression s'explique parce que le texte est mal écrit, mal pensé, mal réfléchi, et philosophiquement contraire à la structure de notre économie.

Vous mentionnez Moderna ; or c'est une entreprise grâce à laquelle on inocule des vaccins dans tout le pays. Ce n'est pas le grand méchant loup ! Les entreprises de la grande distribution – que visiblement vous détestez – sont celles qui ont contribué à nourrir les Français…

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…pendant le premier confinement, en travaillant de très près avec l'État – vous avez dû connaître cela quand vous exerciez des fonctions ministérielles.

Ces grandes entreprises ont participé à l'effort de guerre, contrairement à ce que prétend cette loi. C'est pourquoi le groupe La République en marche propose le présent amendement de suppression, car cette proposition de loi n'aurait jamais dû parvenir jusqu'à l'hémicycle dans cet état.

Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Collègue, vous nous dites que vous ignoriez encore le seuil de taxation il y a cinq ou six heures. Il se trouve qu'en commission, j'ai présenté le même amendement que j'espère présenter tout à l'heure, si vous n'adoptez pas cet amendement de suppression et que vous laissez la discussion avoir lieu.

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Où étiez-vous pendant l'examen du texte en commission ?

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Or la majorité du groupe LaREM a refusé cet amendement en commission, ce qui ne nous a pas permis de préciser notre copie pour mieux vous éclairer avant l'examen en séance.

Je n'ai pas répondu tout à l'heure à M. Bournazel, selon qui le système libéral fonctionne bien. Dans cette crise sanitaire, il a tout de même manqué 100 000 lits à l'hôpital public car ils ont été supprimés au nom de l'austérité. D'autre part, j'ai ri d'entendre M. Bournazel parler du vaccin comme d'un bien commun de l'humanité alors que la France a voté deux fois à l'OMC contre la levée des brevets…

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…et qu'il y a peu encore les eurodéputés de La République en marche ont voté contre cette levée au Parlement européen.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Monsieur Holroyd, vous nous dites que les grandes entreprises ont participé à l'effort de guerre et que les entreprises agroalimentaires, notamment, ont contribué à nourrir les Français. Oui, mais si elles se sont autant enrichies, c'est parce que les petits commerces étaient fermés et se trouvent dans un état désastreux, beaucoup risquant la faillite.

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Non, beaucoup risquent la faillite ; vous verrez, et je le regrette autant que vous.

Ce que nous proposons n'est pas de taxer les PME mais les entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 750 millions d'euros. Je crois qu'elles s'en remettront mais, pour que vous soyez tout à fait rassurés, un mot sur Sanofi, le plus grand profiteur de crise français – alors même que cette firme s'est révélée inutile puisqu'elle n'a absolument rien trouvé, ce qui n'est pas tellement étonnant vu l'argent public dont elle a été arrosée, ce qui lui a permis de licencier la moitié de ses chercheurs et de distribuer 4,8 milliards de dividendes, mais passons. Avec la taxe sur les profiteurs de crise que nous proposons, cette entreprise réalisera tout de même en 2020 un bénéfice supérieur à celui de 2019.

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Vous n'avez donc pas à vous inquiéter pour les bénéfices de Sanofi.

Cette taxe ne s'attaque pas non plus aux profits mais aux surprofits ; il est intellectuellement malhonnête de faire semblant de ne pas le comprendre.

Je rappelle que, dans le premier projet de loi de finances rectificatives de 2017, la majorité a voté, avec l'accord du Gouvernement, une taxe plus élevée que celle que nous proposons ; ce n'est donc pas non plus une taxe confiscatoire. Vous l'aviez fait au nom de la règle sacro-sainte des 3 % de déficit : vous pouvez le faire à un moment où les besoins sociaux sont immenses.

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Ce n'est pas non plus une taxe de punition mais une taxe de cohésion. Ce qui est pris en compte, c'est la temporalité des profits.

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Mais oui, c'est tout à fait différent. Il s'agit de dire que, dans une période de crise nationale comme celle que nous vivons, il est normal de participer à l'effort collectif.

Enfin, l'ONU, le FMI, de grands pays qui ne sont ni socialistes ni communistes…

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…envisagent ou adoptent des taxes exceptionnelles ou plus durables sur les profiteurs de crise et sur les plus riches, parce que c'est une question de cohésion. Collègues, je crois que vous ne vous rendez pas compte de ce que veut dire qu'il y ait, dans un pays aussi riche que le nôtre, 10 millions de personnes sous le seuil de pauvreté. La crise sociale ne fait que commencer. Lorsque vous perdez votre emploi, que vous vivez dans un logement indigne, que vous avez peur d'être expulsé, savoir que ceux qui se sont gavés en haut n'auront pas à dépenser un centime pour la solidarité nationale vous dégoûte vraiment et crée dans la société une fracture extrêmement dangereuse.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Si j'ai bien compris la substance de votre propos, votre avis est défavorable à l'amendement de suppression ?

Debut de section - Permalien
Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Favorable.

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Levons plusieurs malentendus. À ceux qui pensent qu'il s'agit d'une mesure révolutionnaire, je réponds que ce n'est pas le cas, à tel point que même Joe Biden, qui avait pourtant fait campagne en prenant des engagements tout à fait contraires et en affirmant que rien ne devait fondamentalement changer, est désormais obligé de reprendre les propositions de Bernie Sanders, son concurrent insoumis, tout simplement parce que ce sont des propositions de bon sens.

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Il ne s'agit ni d'esprit de vengeance ni de mesquinerie : même du point de vue de l'économie capitaliste, c'est une proposition de bon sens, sans même parler de l'enjeu de justice sociale.

Au-delà de cette mesure ponctuelle, il existe une différence de philosophie entre nous. Plusieurs collègues ont dit que ce sont les entreprises et l'économie qui permettent la richesse. Au contraire, nous ne pensons pas que ce soit l'entreprise ou l'économie en soi, leur notion abstraite ; ce sont les salariés qui produisent la richesse, les travailleurs et travailleuses qui sont aujourd'hui encore à pied d'œuvre.

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Dans l'agroalimentaire, qui a fait tourner les entreprises pendant la crise, qui a permis de nourrir les Français ? Ce sont les salariés, les transporteurs ubérisés, toutes les personnes qui produisent la richesse en France, en Europe et dans le reste du monde, et qui, les rapports d'Oxfam le répètent à l'envi, sont aussi ceux qui en bénéficient le moins.

Alors, oui, c'est une philosophie selon laquelle cette richesse doit être partagée plus équitablement, selon laquelle on ne saurait vivre heureux dans un océan de misère, selon laquelle c'est au bénéfice même des plus riches que de partager et d'avoir une société plus juste. Vous allez voter ces amendements de suppression, mais vous finirez par y venir – ou peut-être pas ; il sera peut-être trop tard pour vous, mais soyez sûrs que nous prendrons ces mesures une fois que nous serons majoritaires !

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Je constate l'amour soudain des insoumis pour Joe Biden…

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Joe Biden a annoncé la semaine dernière un plan de nouveaux impôts inédit pour les États-Unis, mais j'invite les insoumis à faire un peu d'économie…

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…et à regarder la réalité des choses. D'où partons-nous et où allons-nous ?

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Monsieur Mélenchon, ma grand-mère disait : « Soyez poli à défaut d'être joli. »

Exclamations sur les bancs du groupe FI.

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Laissez-moi aller au bout de mon propos.

Dans le grand plan de M. Biden, on trouve la crèche gratuite ou en tout cas moins chère.

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C'est exactement ce que nous avons chez nous : un système d'amortissement social et d'imposition sociale…

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…qui n'est pas du tout du même niveau que les Américains.

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Vous êtes vraiment un spécialiste des États-Unis !

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Vous êtes en train de comparer, le texte n'étant pas très précis…

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Monsieur le président, est-ce qu'on peut s'exprimer sans subir leurs braillements, que n'entendent pas les gens qui nous regardent à la télévision ?

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Pour une fois que nous recevons un spécialiste des États-Unis et de Joe Biden !

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Parlez en me regardant, monsieur Balanant. Chers collègues de La France insoumise, sur un texte que vous avez proposé, je suis sûr que vous êtes soucieux que le débat puisse vivre. Je vous demande simplement du respect pour l'orateur.

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C'est un cours participatif ! Le professeur parle et les élèves réagissent !

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S'il vous plaît, cessez d'interrompre l'orateur. Le respect des orateurs est un principe de base ; je vous invite à laisser M. Balanant achever tranquillement son propos.

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…je le comprends puisqu'il prend des mesures qui existent déjà en France et que nous continuons de renforcer. Alors arrêtez avec vos sornettes, arrêtez de dire que nous détruisons tout ! Certes il y a des inégalités en France, comme dans tous les pays du monde, mais ne comparez pas les inégalités françaises avec les inégalités américaines !

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C'est vrai, c'est comme dans la vie : il y a bien des grands et des petits, pourquoi n'y aurait-il pas des riches et des pauvres ?

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Les États-Unis partent d'un niveau tellement plus bas que le nôtre. Je vous rappelle que dans ce pays, il n'y a pas de sécurité sociale.

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Vous savez bien qu'il n'existe pas de vraie sécurité sociale aux États-Unis, elle n'est pas la même que chez nous.

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Avez-vous déjà entendu parler de Roosevelt ?

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Non, nous n'arrêterons pas ! Vous ne représentez rien !

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Il n'y a pas de profiteurs, notre système permet aux plus riches de participer à la solidarité nationale et c'est le modèle que nous aimons.

Exclamations sur les bancs du groupe FI.

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À présent que nous sommes éclairés, je mets aux voix l'amendement n° 7 .

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 75

Nombre de suffrages exprimés 73

Majorité absolue 37

Pour l'adoption 47

Contre 26

L'amendement n° 7 est adopté ; en conséquence, l'article unique est supprimé et la proposition de loi rejetée.

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Je vous informe que le groupe La France insoumise retire de l'ordre du jour la proposition de loi instaurant un domaine public commun afin de lutter contre la précarité des professionnels des arts et de la culture…

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…et la proposition de loi relative à l'interdiction des fermes-usines.

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L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Luc Mélenchon visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif (4087, 4013).

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La parole est à M. Alexis Corbière, rapporteur suppléant de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

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Sommes-nous vraiment les représentants de la nation assemblée ? Sommes-nous vraiment ici par la volonté du peuple ? Derrière la tribune où je m'exprime se trouve le magnifique bronze de Jules Dalou représentant ce moment fondateur dans notre histoire politique, pendant la Révolution française, le 23 juin 1789, quand le représentant du roi, le marquis de Dreux-Brézé, demandant au représentant des États généraux de quitter les lieux,…

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…Mirabeau lui répondit : « Nous sommes ici par la volonté du peuple. » Je repose la question.

C'est tout l'objet de cette proposition de loi qui vise à instaurer la proportionnelle intégrale afin que cette assemblée soit vraiment celle de la volonté du peuple. Elle s'inscrit dans la continuité des textes que nous vous avons déjà présentés, en particulier votre serviteur, et qui visent à modifier le fonctionnement des institutions. Vous connaissez notre proposition – nous l'avons défendue à l'occasion de deux élections présidentielles et le ferons prochainement à l'occasion d'une troisième – de refondation radicale de nos institutions par la voie d'une assemblée constituante donnant la parole au peuple, passant ainsi à une sixième République.

Les propositions que nous vous faisons sont inscrites dans la panoplie de ce qui permettrait au peuple de faire entendre sa pleine souveraineté.

Ce matin, il s'agissait de faciliter la possibilité de présenter un candidat, mais nous proposons également de donner le droit aux citoyens, entre deux rendez-vous électoraux, de contrôler les élus et éventuellement de les révoquer s'ils le jugent nécessaire. Cette fois-ci, il s'agit de permettre aux représentants du peuple d'être élus à la proportionnelle intégrale, mais aussi, vous l'aurez compris, d'instaurer des mesures pour contrecarrer l'abstention massive, qui ne cesse d'augmenter élections après élections. Cette abstention est le symptôme d'une résignation grandissante des citoyens, trop longtemps tenus à l'écart de la vie politique.

Je regrette bien évidemment que les propositions de loi que nous avons présentées aujourd'hui aient jusqu'ici été rejetées, mais je forme le vœu que celle-ci ne le soit pas. Elle est en effet soutenue par d'autres forces politiques que La France insoumise, et je sais que certains députés souhaitent ce soir faire entendre une voix positive.

La présente proposition de loi vise donc à introduire la proportionnelle intégrale au scrutin législatif. Rappelons que le code électoral prévoit actuellement l'élection des députés tous les cinq ans au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, afin de désigner 577 députés. La victoire est acquise dès le premier tour au candidat obtenant la majorité absolue des suffrages. Dans le cas contraire, elle revient au second tour à celui qui recueille une majorité, même relative.

Le constat est implacable : ce mode de scrutin est particulièrement injuste, puisqu'il contribue à des logiques d'élimination et de vote utile qui nuisent à une représentation équilibrée de l'ensemble des courants politiques. Il prive des millions de nos concitoyens d'une représentation politique fidèle à leurs idées et à leur sensibilité.

Quelques exemples me permettront d'illustrer mon propos. À l'occasion des dernières élections législatives, en 2017, le parti majoritaire, La République en marche, avait obtenu 28 % des suffrages exprimés au premier tour…

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…et détient aujourd'hui plus de la moitié des sièges de députés. La France insoumise, quant à elle, a obtenu 11 % des voix et 17 sièges ; les membres de notre groupe représentent donc moins de 3 % des députés. De toute évidence, il y a là une déformation de la volonté populaire. Vous avez à nous supporter, mais supportez-nous du moins à notre juste mesure !

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Bien que nos collègues de l'extrême droite soient absents – c'est l'une des particularités de l'extrême droite française de ne jamais siéger, nous savons trop bien pourquoi… –,

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…rappelons qu'ils ne disposent que de 1,39 % des sièges de l'Assemblée nationale alors qu'ils ont obtenu 13 % des suffrages lors des dernières élections législatives et que leur candidate était présente au second tour de l'élection présidentielle.

Tout cela n'est pas sain, quelle que soit l'opinion que nous avons des positions des uns ou des autres. Depuis l'adoption, en 2000, de la loi constitutionnelle instaurant le quinquennat, les élections législatives sont réduites au rôle de voiture-balai de l'élection présidentielle. Elles sont devenues un scrutin ultra-présidentiel.

Que ceux qui m'écoutent avec ironie observent les affiches collées sur les panneaux électoraux.

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Le député est généralement photographié à côté du candidat qu'il a soutenu à l'élection présidentielle. C'était aussi mon cas en 2017, puisque j'avais l'honneur de figurer aux côtés de Jean-Luc Mélenchon.

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Un député du groupe LaREM

Soyons modestes !

Sourires sur les bancs des groupes LaREM et Dem.

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Je fais de l'humour, mais le sujet est sérieux, chers collègues.

Sommes-nous représentatifs ? Je l'ai dit en commission : moi qui ai été élu avec près de 60 % des voix au second tour, je ne représente que 20 % des électeurs inscrits de ma circonscription ! 80 % des électeurs n'ont donc pas voté pour moi.

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Si j'ajoute les étrangers, ce sont près de 90 % des habitants de ma circonscription, soit neuf personnes sur dix que je croise dans la rue, qui n'ont pas voté pour le député qui les représente. Cela s'applique à moi comme cela s'applique à vous. Il y a là un problème de fond, que nous ne devons pas banaliser, sous peine de creuser le fossé entre les citoyens et les députés. Pour bien des gens, les députés de l'Assemblée nationale parlent beaucoup, mais ne représentent personne. Dans leur grande majorité, les Français n'ont pas soutenu le député de leur circonscription.

C'est précisément le problème auquel nous entendons remédier avec cette proposition de loi. Le sujet n'est pas nouveau, les failles du scrutin majoritaire ayant été identifiées dès le XIXe siècle dans plusieurs pays qui ont introduit dans leur droit électoral le scrutin proportionnel. En 1855, le Danemark a été le premier pays du monde à l'adopter. Aujourd'hui, vingt-et-un pays de l'Union européenne recourent au scrutin proportionnel quand cinq autres ont adopté un système mixte.

Notre pays fait figure d'exception. Il est le seul à recourir au scrutin uninominal majoritaire malgré tous les biais que je viens d'illustrer. Tout cela n'est pas nouveau, et la critique du système existant a déjà été exposée à l'occasion de divers débats parlementaires. Je pense en particulier à celui de 1875 au cours duquel le député républicain de la Seine, Charles Pernolet, avait présenté une proposition de loi en faveur du scrutin proportionnel afin d'assurer une meilleure représentativité des représentants de la nation.

Avant la première guerre mondiale, il existait même un large consensus transpartisan dans notre pays en faveur de la représentation proportionnelle. Jusqu'en 1986, la France a recouru à seulement deux reprises à ce mode de scrutin. Au cours des soixante-dix ans qu'a duré la IIIe République, la représentation proportionnelle a été expérimentée entre 1919 et 1928 dans le cadre d'un scrutin mixte de listes plurinominales à un tour. La IVe République, en revanche, n'a pas permis de réelle avancée.

Contrairement aux arguments qui ont été avancés en commission des lois, l'instabilité d'un régime politique ne saurait s'expliquer par ce type de scrutin. Pour ne donner qu'un exemple, entre 1928 et 1940, bien que le système proportionnel n'ait plus été appliqué, vingt-huit gouvernements se sont succédé. À l'inverse, à une période où le scrutin proportionnel était appliqué, aucune instabilité particulière n'a été constatée.

Sous la Ve République, un scrutin à la représentation proportionnelle intégrale, avec un seuil de 5 % des suffrages exprimés, n'a été instauré qu'une seule fois, pour les élections de 1986. Contrairement à ce que craignaient ses détracteurs, ce scrutin n'a pas non plus entraîné d'instabilité.

Si la proportionnelle avait été mise en place en 2017, le résultat des élections législatives aurait été différent, sans occasionner pour autant une trop grande dispersion de l'offre électorale. Toutefois, le groupe majoritaire n'aurait pas obtenu tout seul la majorité. Il n'aurait bénéficié que d'une majorité relative, ce qui l'aurait obligé à forger des accords et des consensus avec des partis politiques de sensibilités différentes – ce qui n'aurait pas été plus mal du point de vue du fonctionnement démocratique de la France. L'ultra-concentration du pouvoir sur le parti majoritaire, à savoir celui du candidat élu à l'élection présidentielle, n'est pas un phénomène anodin : elle participe de l'épuisement civique auquel nous assistons aujourd'hui, alimente l'abstention et nourrit le sentiment de rejet d'un grand nombre d'électeurs, qui ne se sentent plus représentés.

Je le répète, ce débat n'est pas nouveau. En 2015, un groupe de travail sur l'avenir des institutions, coprésidé par le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone et l'historien Michel Winock, avait réfléchi à tout cela et recommandé l'instauration d'une dose de proportionnelle. De toute évidence, il est nécessaire de réformer le scrutin législatif.

Ce besoin n'a pas échappé, amis macronistes, à votre champion, aujourd'hui Président de la République, à la parole duquel vous êtes fidèles ! Dès le début de son mandat, lorsqu'il vous avait réunis au Congrès de Versailles, auquel les insoumis n'ont pas participé, il avait déclaré : « La représentativité reste […] un combat inachevé dans notre pays. Je souhaite le mener avec vous résolument. Je proposerai ainsi que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées. »

Chers collègues du groupe La République en marche, où sont les macronistes « canal historique » prêts à porter la parole du Président de la République dans cette assemblée ?

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Il n'y en a plus ! Et il n'y a plus de canal non plus !

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Faut-il que les insoumis fassent le travail ? Nous le faisons, mais c'est fort regrettable…

La réflexion a été relancée il y a peu, notamment par plusieurs dirigeants de partis politiques. Je pense bien sûr à Jean-Luc Mélenchon, mais aussi à François Bayrou, qui ont formulé des propositions. Il est temps de les défendre. Nous vous proposons un vote à l'échelle départementale, afin de garantir le lien entre l'élu et le territoire. En adoptant notre proposition de loi, l'Assemblée enverrait un signal fort à nos concitoyens. Il est temps d'agir – et pour moi de conclure !

Sourires.

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Le débat va maintenant s'engager, mais je le redis avec gravité : nous sommes ici par la volonté du peuple – et « nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes », disait Mirabeau. Prenons garde, chers collègues : si nous ne faisons rien, si nous n'engageons aucune réforme institutionnelle et si nous maintenons un système qui déforme la volonté populaire, alors nous pourrions sortir d'ici par une vague populaire dégagiste, ou peut-être même par la force des baïonnettes, si l'on en croit l'inquiétant appel récemment lancé par quelques militaires…

Il est temps de résoudre la crise démocratique et de changer les institutions. Tel est le sens du texte que nous vous proposons.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

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La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Mesdames et messieurs les députés, il est porté à l'attention de votre assemblée une proposition de loi visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif. Par son article unique, ce texte propose l'instauration de ce nouveau mode de scrutin dès l'élection législative de 2022.

Je commencerai par dire mon désaccord avec une grande partie des propos tenus il y a quelques instants à cette tribune, s'agissant notamment de l'illégitimité supposée des députés.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Le calendrier électoral est ainsi fait que les Français choisissent habituellement – c'est toujours ainsi que cela s'est passé jusqu'ici – …

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

…de donner une majorité législative au Président de la République qu'ils viennent d'élire ; et cela n'a jamais délégitimé les députés, qui sont élus sur leur nom. Respecter la démocratie, c'est aussi respecter celles et ceux qui ont été élus, quels que soient les circonstances et le calendrier.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Le débat sur le mode de scrutin le plus adapté à notre démocratie est aussi ancien que la République. Il est toujours sain de réfléchir à la manière dont nous pouvons améliorer la représentation nationale. Ce débat est d'ailleurs souhaité par nombre de nos compatriotes, et nous avons nous-mêmes tenu à l'aborder dès le début du quinquennat du Président de la République.

Je rappelle que le Premier ministre Édouard Philippe a présenté, dès le début de l'été 2018, un projet de réforme institutionnelle qui comportait trois mesures fortes alors plébiscitées par les Français : la réduction du nombre de parlementaires, la limitation du cumul des mandats dans le temps, tant pour les parlementaires que pour les élus locaux, et l'élection de 15 % des députés au scrutin proportionnel sur des listes nationales. L'élection de soixante et un députés à la représentation proportionnelle devait assurer une meilleure représentation parlementaire des différentes sensibilités politiques de notre pays.

Malheureusement, en 2018, les multiples oppositions parlementaires ont empêché que les conditions d'un débat serein soient réunies…

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

…et ont conduit au report du projet de loi. En 2019, c'est cette fois le Sénat qui n'a pas voulu avancer sur cette réforme institutionnelle majeure. Le débat sur la proportionnelle n'a cependant pas été interrompu, puisqu'il a repris en commission des lois avec Jean-Louis Debré, dont l'audition a été l'occasion d'échanges riches et utiles qui ont permis d'éclairer encore notre jugement.

Le Gouvernement partage la volonté de renforcer le lien de confiance avec les Françaises et les Français dans les institutions démocratiques, de mieux lutter contre le phénomène de l'abstention et d'améliorer la représentativité de l'Assemblée nationale. Toutefois, il sera opposé à ce texte et à l'instauration de la proportionnelle intégrale au scrutin législatif. Nous estimons en effet que cette disposition ne permet pas de répondre aux défis actuels, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, si le Gouvernement est favorable à une dose de proportionnelle dans le scrutin, il estime que traiter le sujet de la crise de confiance des citoyens et de l'abstention uniquement par ce prisme, notamment lors des élections législatives, en ne traitant que le mode de scrutin, serait une erreur. C'est pourquoi nous avions proposé trois mesures fortes et complémentaires pour améliorer le fonctionnement de nos institutions. À notre sens, ce n'est que par une réflexion globale sur l'ensemble du fonctionnement de nos institutions que nous parviendrons à agir sur la confiance des Français et sur la représentativité de la vie démocratique.

Nous estimons par ailleurs qu'instaurer la proportionnelle intégrale serait contre-productif dans le contexte actuel, alors que nous connaissons une crise sanitaire majeure et que nous sommes à un an seulement du prochain scrutin législatif. L'ensemble des Français se battent contre le virus et nous ne sommes pas encore sortis de la crise. Les Français demandent avant tout à retrouver une stabilité durable et à sortir des restrictions sanitaires. Nous estimons qu'il n'y a pas lieu, dans ce contexte particulier, d'induire de tels bouleversements dans le fonctionnement de nos institutions. Il est de notre responsabilité de maintenir le cap pour sortir le pays de la crise et permettre à nos concitoyens de retrouver une vie normale, notamment grâce à la campagne de vaccination et au plan de déconfinement.

J'ajoute que le Parlement a consacré en 2019, dans la loi visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, dite loi Richard, un usage républicain qui consiste à ne modifier ni le régime électoral, ni le périmètre des circonscriptions dans l'année qui précède un scrutin. Si une loi peut déroger à cette norme de niveau législatif, il nous semble toutefois malvenu d'y contrevenir si peu de temps après son adoption – par vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés !

Enfin, la proposition de loi nous semble lacunaire puisqu'elle ne prévoit pas le cas des territoires qui élisent un seul député, ni le remplacement des députés élus au scrutin proportionnel. Elle ne prévoit pas non plus les adaptations concernant les incompatibilités, ni les inéligibilités, et encore moins les règles de financement. La transformation de notre système électoral est un sujet sérieux, qui doit être examiné dans son entièreté.

Mais surtout, nous estimons que si notre mode de scrutin peut bien sûr être amélioré, nous devons aussi prendre en compte le fait que le scrutin majoritaire uninominal conserve un certain nombre d'avantages notables qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main. Nous le savons, il permet de dégager des majorités stables aptes à gouverner. A contrario, la proportionnelle intégrale peut faire courir le risque d'un émiettement du champ politique conduisant à l'instabilité.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Neuf groupes à l'Assemblée, ce n'est pas de l'émiettement ?

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

Elle oblige à passer des alliances, différents jeux d'appareil dans lesquels l'électeur a toutes les chances de ne pas se reconnaître.

Le scrutin majoritaire uninominal permet aussi d'avoir des députés ancrés dans les territoires. L'électeur est enclin, chacun le sait, à rencontrer et à questionner le candidat auquel il accorde son suffrage ; la proportionnelle intégrale consacrerait selon nous le risque de donner lieu à des listes éloignées des territoires. L'ancrage territorial d'un député est à de nombreux égards essentiel ;…

Debut de section - Permalien
Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

…il permet de guider les décisions à la lumière de ce que vivent quotidiennement les Françaises et les Français. Nous estimons que la relation de confiance passe aussi par là, dans le sens où elle appelle à une plus grande proximité entre les élus et les citoyens. La connexion avec le terrain est un élément important qu'il ne faut pas perdre de vue, à notre humble avis, pour faire vivre la démocratie.

En définitive, nous ne souscrivons pas à l'idée selon laquelle l'instauration de la proportionnelle intégrale dans le scrutin législatif serait la réponse aux défis rencontrés par notre démocratie, que ce soit l'abstention, l'équilibre des pouvoirs ou la représentativité des forces politiques. La réponse à apporter va selon nous bien au-delà de la simple question du mode de scrutin. Elle ne peut faire l'objet d'une réflexion partielle qui risquerait d'aggraver cette forme de déconnexion que chacun dénonce entre les citoyens et leurs représentants.

Nous sommes donc défavorables à cette proposition de loi, mais nous restons évidemment pleinement ouverts au dialogue, prêts à travailler ensemble sur l'instauration d'une dose de proportionnelle au scrutin législatif. Nous restons en cela fidèles à la volonté du Président de la République, car nous le savons, l'exigence de représentativité nécessite un travail permanent, qu'il nous faudra mener jusqu'au bout et collectivement.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Après l'intervention d'Alexis Corbière, mon rôle dans cette discussion générale consistera à éclairer les points sur lesquels il semble que nous ne nous soyons pas compris. En premier lieu, je voudrais vous dire que ce qui nous anime avant toute chose, c'est le sentiment que notre démocratie parlementaire, représentative et républicaine, est en train de s'effondrer. Les signaux qui nous sont parvenus récemment auraient été inimaginables il y a dix ou vingt ans ; je pense à l'invraisemblable déclaration des militaires, mais je pourrais aussi citer celles de syndicats de police factieux, et d'autres encore.

Tout cela émerge sur le fond d'une représentation politique dont la légitimité est minée. Je ne dis pas que nous nous en réjouissons…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…ni que nous contestons la légitimité de l'élection de qui que ce soit. La règle a été définie, les gens sont élus, ils occupent leur poste. Mais nous devons prendre conscience de l'immense glissement de terrain qui est en train de se produire et essayer d'y répondre ; c'est pour nous une affaire vitale et je pense qu'elle l'est pour beaucoup d'entre vous. Nous savons qu'il faut réagir et qu'il faut répondre à l'endroit où le problème est posé.

À quel endroit est-il posé ? Ce sont évidemment toutes les conditions générales de la société qui ont fait exploser le champ politique : des catégories sociales pulvérisées, des pouvoirs politiques dont tout le monde pense – à juste titre – qu'ils se trouvent ailleurs que dans nos hémicycles, des organisations politiques dont les liens avec les anciennes grandes plaques du pays sont rompus.

J'ai connu une période, pour la famille qui me concerne – la gauche –, à laquelle il existait un lien direct entre la représentation politique et d'amples secteurs socioprofessionnels, en particulier des syndicats ; j'ai connu une période où la droite était elle aussi articulée directement avec d'amples secteurs de la société, marqués à la fois par l'histoire et par les caractéristiques socioprofessionnelles des gens qui s'y trouvaient. Tout cela est parti en morceaux, en même temps que toutes ces catégories sociales. Nous, la gauche, avons été dévorés par la précarisation et la destruction de tous les grands statuts ; la droite, elle, l'a été par l'explosion de sa fraction libérale, car les secteurs de la société qu'elle représentait ont fini de tout émietter autour d'eux. Voilà la réalité ! C'est une histoire qui finira mal si nous n'apportons pas de réponse politique.

Entendons-nous déjà sur un mot. Dans cette affaire de proportionnelle, de quoi s'agit-il ? De faire en sorte que chaque citoyenne et chaque citoyen se dise que son bulletin de vote va servir à quelque chose, parce qu'il croit à ceci ou à cela et vote donc en conséquence, pour que des gens le représentent. Or vous savez très bien que ce n'est pas la règle du jeu actuelle ! Au premier tour, on est censé choisir un candidat, mais de nombreuses personnes pensent que cela ne sert à rien parce qu'au deuxième tour, de toute façon, on ne fait plus qu'éliminer. Ils sont donc nombreux à se dire que tout ça ne sert à rien et on comprend mieux pourquoi, une fois qu'ils ont voté aux élections présidentielles, ils ne reviennent pas pour voter aux législatives – cela aurait été tout à fait inenvisageable il y a dix ou vingt ans, car les gens revenaient voter, parfois avec l'espoir de prendre une revanche.

Il y a d'ailleurs eu des circonstances où il s'en est fallu de peu pour qu'une telle revanche ait lieu. Je pense aux élections de 1967 : à une voix près, la gauche aurait eu la majorité à l'Assemblée ; elle a ensuite tout perdu un an plus tard, lors des élections de 1968. Il y avait alors une articulation directe entre la respiration du pays et sa représentation sur le plan politique. Je vais faire une comparaison qui m'est très défavorable : si tous ceux qui ont voté Mélenchon à l'élection présidentielle de 2017 étaient revenus voter pour les députés de La France insoumise qui se présentaient dans leur territoire, nous aurions été majoritaires à l'Assemblée ! En effet, le parti majoritaire – La République en marche – a obtenu moins de voix que nous n'en avions recueilli à l'élection présidentielle – moins de 7 millions. C'est la réalité !

Notre but n'est pas de faire un procès à untel ou à untel. Si nous vous rappelons les déclarations du Président de la République, c'est parce qu'il nous semble qu'elles devraient vous convaincre plus facilement que ce que nous disons. S'il vous disait cela à l'époque, c'est qu'il avait une bonne raison de le faire ! En octobre 2016, il disait que « la réforme de notre mode de scrutin » était « une nécessité » ; il a ajouté – Alexis Corbière l'a cité tout à l'heure – vouloir introduire « une dose de proportionnelle dans l'élection du Parlement, afin que toutes les sensibilités y soient justement représentées. » Ce n'est pas à vous, collègues, que je vais apprendre à quel point le mot « justement » est ambigu, car qui décide de ce qui est « juste » et de ce qui ne l'est pas ? La preuve, nous sommes occupés à en débattre toute l'année sur tous les sujets.

Ce qui est certain, c'est ce que ce n'est pas d'une « dose » de proportionnelle dont nous avons besoin :…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…aucune « dose » ne permettra de rendre compte de la diversité réelle du pays de la même manière qu'une proportionnelle intégrale. Entendons-nous sur le mot, madame la ministre déléguée : le fait que nous soutenions une proportionnelle intégrale n'a jamais voulu dire que nous proposerions un système dans lequel recevoir 1 % des suffrages suffirait à être représenté dans l'hémicycle. Non ! Nous nous référons à un modèle très précis, le mode de scrutin proposé pour les élections de 1986, soit un système dont vous savez déjà comment il a été appliqué et par qui il a été décidé.

Si vous aviez l'intention d'introduire de la proportionnelle, vous disposeriez dans cet hémicycle d'une majorité favorable à la proportionnelle de 1986. Vous trouveriez pour la voter des voix dans votre majorité et des voix dans l'opposition, parce qu'il n'y aucune raison que l'opposition actuelle se dédise s'agissant d'un mode de scrutin qu'elle avait approuvé il y a trente-cinq ans de cela. À plus forte raison, ceux qui l'ont connu de près – c'est mon cas, puisque je commençais alors à avoir des responsabilités politiques – savent que si la gauche a perdu en 1986, c'est parce qu'elle n'était pas rassemblée sur des listes communes ; si elle l'avait été, elle aurait gagné.

Qui a gagné ? Ceux qui ont su se rassembler à ce moment-là, lors de ce scrutin, c'est-à-dire la droite. La droite a gagné et a pu former un gouvernement stable ! Il n'y a eu aucune instabilité ; c'était la première cohabitation et le Premier ministre a pu faire passer ses lois en s'appuyant sur sa majorité. La situation a été agitée, certes – je m'en souviens d'autant plus que j'y ai amplement participé. Mais c'était une agitation sociale, suivant le cours normal d'une démocratie telle qu'elle doit exister dans un grand pays comme le nôtre.

Par conséquent, ce que nous vous proposons, c'est la proportionnelle qui fut établie en 1986, c'est-à-dire une proportionnelle départementale, qui produit des effets légèrement différents suivant le département dans lequel elle s'applique et le nombre de députés qui s'y trouvent. Il n'y a donc pas besoin d'inventer des règles compliquées comme celles qu'avait imaginées notre collègue Bourlanges pour arriver à ce résultat. La proportionnelle de 1986 est la base de l'accord que j'ai donné à François Bayrou : lorsqu'il m'a consulté sur ce sujet, je lui ai dit que j'allais demander aux membres de mon groupe s'ils étaient prêts à accepter le retour du mode de scrutin de 1986 ; nous en avons discuté et nous avons conclu que ce système permettrait sans doute de réparer la démocratie française pendant qu'il est encore temps de le faire.

Le scrutin uninominal à deux tours est une invention de Napoléon III ; il correspondait à une structure politique – pardonnez-moi, chers collègues – dont aucun d'entre vous ne voudrait. Il y avait des candidats officiels, et les autres étaient interdits ! De cette manière, le problème de l'élection était assez vite réglé. Aucun pays européen voisin de notre patrie ne pratique ce type de scrutin : tous ont adopté la proportionnelle et l'ont intégrée à leur constitution. Avez-vous entendu dire que l'Espagne est ingouvernable ou que l'Allemagne est un tohu-bohu chaotique ? Bien sûr que non.

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Il suffit de disposer d'une règle électorale stable, claire, dotée d'un seuil pour parvenir à une représentation raisonnable. Dans la proportionnelle départementale de 1986, il est fixé à 5 % ; ce seuil contrarie ceux qui font moins de 5 %, et on le comprend, mais il garantit la stabilité.

Il n'est donc pas vrai qu'un scrutin proportionnel produit mécaniquement de l'instabilité. Pardon de dire qu'une assemblée organisée comme la nôtre, qui compte neuf groupes parlementaires, ne témoigne pas d'une homogénéité telle qu'elle justifie le mode de scrutin selon lequel elle est élue. De la même manière, si vous vous penchez sur la durée de vie moyenne des ministres et en particulier des ministres des finances, vous vous apercevrez qu'il n'y a pas non plus dans ce domaine de stabilité très nettement supérieure à celle de la IVe République, que l'on ne cesse pourtant d'agiter pour faire peur, comme si elle avait été une abomination permanente. Elle avait d'innombrables défauts et il était temps d'en finir, mais ça ne justifie pas qu'elle soit présentée comme le régime du mal-vivre des Français.

Ce fut très compliqué, mais nous voici à une autre étape. Je vous invite à bien mesurer la situation – je pense que beaucoup d'entre vous l'ont fait : en 1997, 68 % des gens venaient voter aux élections législatives – j'ai connu mieux que ça, mais ne parlons que de 1997. En 2007, ils étaient 60 % ; et en 2017, 48 %. En vingt ans, nous avons donc perdu 20 points de participation ! Bien sûr, vous pouvez dire que ce ne sont que les apparences – apparemment, la vie continue, le système tient –, mais vous êtes tous bien conscients du fait que nos présidents de la République sont de plus en plus les responsables de tout, de tout le monde et sur tous les sujets, et que ceci a à voir avec cela. Ce sont les seuls dont la légitimité politique paraît suffisante au pays pour qu'il consente à leur autorité, pour peu qu'il y consente – c'est souvent le cas.

Voilà ce que nous vous disons. La proportionnelle que nous vous proposons n'est pas une aventure ; c'est une réparation. La proportionnelle que nous vous proposons, ce n'est pas l'instabilité ; c'est la garantie de la stabilité qui nous importe le plus, celle du lien entre ceux qui sont élus et ceux qui les élisent.

J'achève en vous disant que pour nous – surtout pour nous –, il est importantissime que la démocratie se répare. La révolution citoyenne à laquelle nous aspirons est bien une révolution, mais elle passe par les urnes, exclusivement par les urnes ; elle passe par les bulletins de vote et exclusivement par eux. Et s'il apparaît à une masse considérable de pauvres gens – et même à ceux qui ne sont pas pauvres – que les bulletins de vote ne servent à rien, pas plus que les assemblées, et que seul compte le chef, alors c'en est fini de la République.

Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les députés de La France insoumise nous invitent à débattre d'un texte qu'ils mettent enfin à l'ordre du jour de notre assemblée, porteur d'une réforme qui contribuerait à moderniser nos institutions. Nous les en remercions.

Le chef de l'État avait pris pour ce quinquennat des engagements à propos de la proportionnelle ; il est pour l'instant resté aussi vague qu'inactif sur le sujet. Au moins disposons-nous aujourd'hui d'une proposition concrète ; nous devrions nous en saisir. C'est un chemin que nos institutions ont déjà emprunté grâce à la loi du 10 juillet 1985.

Certes, ce ne serait pas encore la VIe République, que nous appelons pour notre part de nos vœux, mais au moins serait-ce un pas dans la bonne direction : nous contribuerions à rétablir et à conforter le précieux lien de confiance entre nos compatriotes et la représentation nationale. Ce lien, pourtant vital, s'est dangereusement distendu. Les études d'opinion soulignent le fossé qui s'est creusé entre les Français et leurs institutions, dans leur diversité : notre assemblée, les communes, les régions, les départements, le Sénat et même la présidence de la République. Interrogés récemment, 70 % des Français déclaraient ne pas se sentir bien représentés.

Les raisons d'une telle défiance sont nombreuses, mais sont assez claires pour ce qui concerne notre assemblée. Notons pour commencer que les Françaises et les Français sont assez lucides pour accorder un crédit mesuré à une institution à qui on a coupé les bras et les jambes. Le coup le plus dur fut probablement porté par l'inversion du calendrier électoral, qui a soumis tendanciellement notre assemblée au pouvoir présidentiel. L'actuel hôte de l'Élysée a fait le reste, poussant l'exercice de son mandat aux confins de logiques quasi monarchiques, décidant de tout, réservant au Parlement un rôle toujours plus accessoire et faisant de l'état d'urgence permanent le mode de vie démocratique le plus courant de notre République.

Sur ce terrain, il conviendrait certes d'ouvrir d'autres chantiers que la réforme du mode de scrutin, mais du moins cette proposition de loi nous aiderait-elle à ce que la représentation nationale porte à bon droit son nom. La France est désormais le seul pays de l'Union européenne à appliquer le scrutin majoritaire pour l'élection de ses députés ; tous les autres pays ont fait le choix d'un mode de scrutin proportionnel, ou à tout le moins mixte. À l'évidence, le scrutin proportionnel permettrait une représentation plus fidèle tant de la diversité que de l'intensité des choix politiques de nos compatriotes.

Je relève par ailleurs, à l'instar de plusieurs orateurs précédents, que nos voisins européens ne sont pas la proie de la paralysie parlementaire que l'on nous promet si nous adoptons le scrutin proportionnel. Si nous l'avions fait pour les élections de 2017, notre assemblée aurait un visage tout autre : l'absence de majorité absolue en son sein aurait rendu à ses travaux leur place centrale dans la vie démocratique du pays ; l'arrogance qui exaspère tant nos concitoyens aurait dû faire place au dialogue et à la recherche du compromis.

Au-delà d'une meilleure représentation politique, c'est aussi un autre visage du pays qui serait affiché, une autre diversité. D'abord, dans la mesure où cette proposition de loi fait du département la circonscription électorale, elle n'entamerait pas l'ancrage territorial qui sert généralement de justification au scrutin majoritaire. L'élu de la nation que je suis, qui tient tout particulièrement à s'exprimer depuis la réalité de son département de la Seine-Saint-Denis – on me le reproche parfois, même souvent –, peut vous le confirmer.

Ensuite, au-delà des territoires, c'est bien toute la diversité de la nation qui pourrait mieux s'exprimer sur nos bancs, à commencer par la parité, chantier sur lequel notre pays connaît un retard important.

Enfin, je pense à la sociologie de notre chambre, terriblement homogène. D'après une étude produite au lendemain des élections de 2017, à laquelle je vous renvoie, jamais depuis le XIXe siècle la représentation nationale n'a été composée de manière aussi homogène par les catégories sociales supérieures.

Certes, le scrutin proportionnel ne modifierait pas mécaniquement, en lui-même, la sociologie de notre assemblée, mais du moins permettrait-il aux partis de faire preuve d'une plus grande résolution pour que la diversité sociale trouve mieux le moyen de s'exprimer. Je pose la question : cela ne permettrait-il pas à nos compatriotes de se sentir mieux représentés – par voie d'affinités qui ne sont pas illégitimes –, de considérer que leurs préoccupations sont mieux défendues et, partant, de juger leurs institutions plus justes parce que plus représentatives ?

Je l'ai dit, la réforme proposée par le président Mélenchon serait un progrès démocratique sérieux, que les députés communistes ont eux-mêmes régulièrement défendu. C'est pourquoi nous voterons cette proposition de loi.

Applaudissements sur les bancs du groupe FI.

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Le débat sur le mode de scrutin – majoritaire ou proportionnel – est ancien, et peut-être aussi vieux que notre République. Pour notre part, nous en parlons depuis le début de la législature. En 2017, rappelez-vous, le président Emmanuel Macron nous a réunis en Congrès à Versailles et a annoncé sa volonté de garantir une efficacité et une représentativité accrues du Parlement. Conformément à cet engagement, le premier ministre Édouard Philippe a présenté, au début de l'été 2018, un projet de réforme institutionnelle prévoyant trois mesures fortes, plébiscitées par nos concitoyens : la réduction du nombre de parlementaires ; la limitation du cumul des mandats dans le temps, tant pour les parlementaires que pour les élus locaux ; l'élection de 15 % des députés au scrutin proportionnel, sur des listes nationales.

L'élection d'environ soixante et un députés à la représentation proportionnelle devait assurer une meilleure représentation dans notre enceinte des différentes sensibilités politiques de notre pays. Nous estimons en effet que ce n'est pas en empêchant certains partis extrémistes de constituer un groupe à l'Assemblée que nous lutterons durablement contre la montée du populisme en France ; c'est plutôt en déconstruisant leur idéologie, notamment par la force du débat dans l'hémicycle.

Malheureusement, cette réforme ne put être débattue, et encore moins votée, car à la suite de ce qu'on a appelé « l'affaire Benalla », l'ensemble des oppositions parlementaires se sont livrées à une obstruction massive et quasiment sans précédent, obligeant le Gouvernement à retirer son projet de loi constitutionnelle.

Plus récemment, les membres de la commission des lois ont évoqué la question de la proportionnelle avec M. Jean-Louis Debré, ancien ministre de l'intérieur, ancien président de l'Assemblée nationale et ancien président du Conseil constitutionnel. Très défavorable à la proportionnelle, il a considéré que l'objet d'un mode de scrutin n'était pas de donner une photographie de l'opinion publique. Si tel était le cas, a-t-il précisé, la proportionnelle serait tout indiquée, mais il faudrait alors organiser des élections chaque année pour suivre la tendance de l'opinion publique. Il a au contraire estimé, dans l'esprit qui fut celui du général de Gaulle lorsqu'il rénova nos institutions en 1958, qu'il fallait un scrutin majoritaire pour dégager une majorité stable qui apporte son soutien à un gouvernement et permette à celui-ci de gouverner, tout particulièrement dans les périodes de crise.

De même, le politologue Maurice Duverger – cité ici même en 1985 lors des débats qui conduisirent à l'adoption du scrutin à la proportionnelle pour les élections de 1986 – jugeait qu'un bon système électoral était non pas un appareil photographique, mais plutôt un transformateur qui devait changer en décisions politiques des préférences énoncées par les bulletins de vote. L'objet d'un mode de scrutin est donc non pas d'assurer une stricte représentation des différentes tendances politiques, mais de permettre la constitution d'une majorité capable de s'entendre pour permettre à un gouvernement d'agir.

La proportionnelle intégrale, mes chers collègues, c'est la loi de la minorité et de l'instabilité.

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Prenons un exemple : l'Italie. Avec un système mixte où 61 % des députés sont élus au scrutin proportionnel quand les autres le sont au scrutin uninominal majoritaire à un tour, la constitution d'une majorité forte est loin d'être assurée. En découle une instabilité gouvernementale constante depuis des décennies, ces dernières années étant marquées par une alternance entre gouvernements populistes et gouvernements techniques. Et encore s'agit-il, je l'ai dit, d'un système mixte, et non pas de la proportionnelle intégrale telle que la propose le groupe La France insoumise.

Surtout, le scrutin uninominal majoritaire garantit que les députés sont ancrés dans un territoire, où ils vivent et doivent rendre compte à des administrés qui les connaissent. L'électeur est plus enclin à connaître le candidat auquel il accorde son suffrage, ce qui n'est absolument pas le cas avec la proportionnelle. Celle-ci consacre un rôle excessif des partis, la constitution des listes étant décidée par leurs états-majors, dans les antichambres.

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Le scrutin majoritaire permet de dégager une majorité claire, dès le soir du second tour, tandis qu'avec la proportionnelle, si aucun parti n'obtient la majorité des sièges, c'est le jeu des alliances et des combinazioni.

Pour finir, nous traversons une période douloureuse et les Français ont d'autres préoccupations qu'une modification du mode de scrutin pour l'Assemblée nationale ; ils attendent autre chose de leurs représentants et de leurs responsables. Je serais pour ma part très mal à l'aise de forcer une telle réforme, compte tenu du contexte de crise sanitaire, économique et sociale.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche votera contre la proposition de loi visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif.

Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.

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Le fonctionnement de notre démocratie et nos institutions sont en souffrance. Ce constat est hélas largement partagé par nous tous, et surtout par les Français. Souvenez-vous du grand débat national : nos concitoyens expriment entre autres le besoin de se sentir vraiment représentés, de manière juste, et dans toutes leurs sensibilités. Or cela passe par l'instauration de la proportionnelle pour l'élection de notre assemblée. Ce sujet rassemble de très nombreux Français et des parlementaires de différents groupes politiques.

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés souhaite depuis longtemps que la proportionnelle soit réintroduite. Vous le savez – de nombreux rappels historiques ont été faits –, ce mode de scrutin n'a été appliqué que lors des élections législatives de 1986. Quelques mois plus tard, l'une des premières initiatives du premier ministre nouvellement nommé a consisté à revenir sur la proportionnelle, pour des raisons d'ailleurs plus politiques ou politiciennes que démocratiques.

Pour ma part, j'ai rejoint le Mouvement démocrate dès 2007 en raison, entre autres, de sa volonté de redonner tout son éclat et sa vitalité à notre système démocratique, de son ambition d'œuvrer à l'indispensable modernisation du fonctionnement de nos institutions. Nous en aurions particulièrement besoin en cette période de crise sanitaire, où notre démocratie est mise à rude épreuve.

La proportionnelle a figuré dans le programme de plusieurs candidats à l'élection présidentielle, notamment de deux candidats élus, de bords pourtant opposés, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Pourtant, ces promesses de campagne n'ont pas été traduites dans le code électoral au cours de leurs quinquennats respectifs. Emmanuel Macron a lui aussi souhaité « que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient justement représentées » – vous êtes nombreux à l'avoir cité, mais nous ne le rappellerons jamais assez.

Cette réforme, défendue avec conviction depuis longtemps par le MODEM, vise principalement à assurer une représentation politique des Français la plus juste et la plus fidèle possible, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Il s'agit de faire de notre assemblée le miroir de la nation. Sans cela, nos concitoyens ont le sentiment de vivre une trahison représentative.

La conséquence, nous la connaissons et nous la voyons s'amplifier scrutin après scrutin : c'est la désaffection des Français à l'égard des consultations électorales et, plus largement, de nos institutions démocratiques. L'abstention et la défiance sont les fossoyeurs de notre démocratie. Quant à moi, je refuse de rester les bras croisés lorsque je vois mes concitoyens se détourner ainsi de nos institutions démocratiques. Le scrutin proportionnel n'est évidemment pas la seule solution, mais c'est un levier considérable.

Ce mode de scrutin soulève, je le sais, des inquiétudes. La première découle notamment des fameuses élections législatives de 1986, qui ont vu l'entrée massive de l'extrême droite à l'Assemblée nationale. Cependant, je crois profondément en l'intelligence de nos concitoyens quant aux choix qu'ils seront amenés à faire. Plus encore, je préfère de très loin que le débat se déroule dans notre hémicycle plutôt que de voir les partisans du « y'a qu'à, faut qu'on »

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, FI et GDR – M. Gilles Le Gendre applaudit également

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courir les plateaux des chaînes d'information en continu pour alimenter le ressentiment des Français, sans faire face à la réalité du travail sérieux et concret que nous menons à l'Assemblée nationale.

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Exactement !

La seconde inquiétude concerne l'absence de majorité qui serait la conséquence de ce mode de scrutin. Or, bien au contraire, le scrutin proportionnel vise à renforcer la légitimité du Parlement et à maintenir la stabilité du régime de la Ve République.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la crise de légitimité de la représentation dont souffre notre assemblée : elle fragilise notre démocratie. L'expérience de tous les pays européens qui appliquent la proportionnelle le montre, la formation de coalitions et le travail mené en commun par différents partis ne peuvent que renforcer les régimes politiques. L'Italie que vous avez prise en exemple, monsieur Rudigoz, constitue sûrement l'exception. Il est grand temps que notre pays opère à son tour sa mutation dans cette direction ; il y est largement prêt.

Certains estiment que les conditions de la mise en œuvre d'une telle réforme ne sont pas réunies. Je n'ignore pas ce qui se dit à ce sujet, mais à l'évidence, le moment ne sera propice que lorsque nous l'aurons décidé. La crise sanitaire n'éloigne pas les exigences démocratiques, notamment en matière de représentation de nos concitoyens, bien au contraire.

Je rappelle que le président de notre groupe, Patrick Mignola, a déposé au début de l'année deux propositions de loi, l'une relative au scrutin législatif à la proportionnelle intégrale, l'autre visant à introduire une dose de proportionnelle lors des élections législatives.

Le MODEM a également publié un livre blanc sur l'abstention, dans lequel il recommande le retour du scrutin de liste proportionnel pour les élections législatives. Vous le voyez, c'est un sujet sur lequel nous sommes particulièrement mobilisés et depuis très longtemps ; nous continuerons à l'être. Nous devons en débattre et avancer de manière concrète. Aussi, fidèles aux valeurs que nous défendons depuis tant d'années, fidèles à notre volonté de donner à l'Assemblée le vrai visage politique de la France et des Français, nous voterons en faveur de la proposition de loi : nous le devons à nos concitoyens.

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et FI.

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L'objet de cette proposition de loi est de rétablir le scrutin proportionnel pour les élections législatives de 2022. C'est un sujet important. Ce matin déjà, notre collègue Alexis Corbière présentait un texte qu'il m'a semblé fondamental de débattre concernant la place de l'élection du Président de la République dans nos institutions. Nous en venons maintenant à l'élection des députés.

Sincèrement, je suis assez surpris de ne voir aucun représentant du Rassemblement national ce soir, sur un sujet aussi important et fondamental.

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Pardonnez-moi de parler en leur absence, mais je trouve cela assez choquant.

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Ce mode de scrutin a été utilisé une seule fois, en 1986. Il visait à attribuer des sièges à des listes de candidats en proportion des voix qu'elles avaient reçues, permettant ainsi de refléter le plus fidèlement possible la mosaïque des idées politiques des Français. Je le dis d'emblée : à titre personnel, j'y suis favorable. Ce n'est malheureusement pas le cas de la grande majorité des membres du groupe Agir ensemble, qui ne soutiennent pas ce mode de scrutin.

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Il ne faut en effet pas omettre les effets de bord du scrutin proportionnel. Tout d'abord, la proportionnelle intégrale peut faire courir un risque d'instabilité. Sous la IVe République, l'absence de majorité forte à l'Assemblée nationale a contribué à un défaut de stabilité du régime. Ensuite, ce mode de scrutin peut tendre à favoriser les alliances de circonstance, ce qui pourrait potentiellement renforcer encore le manque de confiance des citoyens envers leurs représentants. Le scrutin majoritaire a un mérite – et il faut saluer l'intelligence et le génie du général de Gaulle : légitimer pleinement le candidat au premier tour, là où la proportionnelle pourrait donner l'impression de déposséder les électeurs de leur vote. L'exemple italien, avec les départs de membres du parti de la L e ga, en est la parfaite illustration. Pour défendre les arguments des députés du groupe Agir ensemble qui n'y sont pas favorables, j'ajoute que la proportionnelle peut porter en elle un risque de confusion pour les électeurs, qui ne pourront pas voter pour un candidat en particulier, individuellement, puisqu'ils éliront une liste présentée par un parti politique.

À titre personnel, j'ai travaillé assez longuement sur le sujet dans le cadre de la réforme constitutionnelle que nous voulions mener à bien en 2018, qui a malheureusement été interrompue. L'année dernière, j'ai publié un livre dans lequel je propose une réflexion ; il m'est apparu que ce mode de scrutin pouvait offrir un souffle démocratique à nos concitoyens, sans prendre sa forme intégrale. L'idée est de proposer un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, tout en introduisant, comme le Président de la République l'avait proposé, une dose de proportionnelle. Dans les rangs de la majorité, une telle solution est notamment soutenue par François Bayrou.

Les élections législatives n'étant bien souvent, dans le cadre du quinquennat, que le troisième tour de la présidentielle, nos concitoyens ont souvent l'impression d'un manque de représentativité à l'Assemblée. Il suffit de voir ce qui s'est passé il y a deux ans avec les gilets jaunes. Aujourd'hui, quand on demande aux Français quel est leur principal sujet de préoccupation, celui qu'ils aimeraient voir défendu à l'Assemblée nationale, ils répondent : l'écologie. Dans l'hémicycle, il n'y a pas de groupe qui défende pleinement l'écologie. Comment peut-on par ailleurs justifier qu'un parti ayant envoyé une candidate au second tour de la présidentielle et qu'un autre ayant fini troisième aux dernières élections européennes ne puissent disposer d'un groupe à l'Assemblée nationale faute d'un nombre suffisant de députés ?

Le scrutin proportionnel est un instrument intéressant. On peut imaginer qu'il améliorera la santé de la démocratie, en évitant que les électeurs aient la sensation que leur vote est perdu. Plus concrètement, nous pourrions élire 385 députés au suffrage uninominal majoritaire direct dans 385 circonscriptions, ce qui représenterait deux tiers du total. Les 192 autres, soit le tiers restant, pourraient être élus à la proportionnelle régionale. De cette façon, nous aurions une meilleure représentativité de la pluralité du pays et de la diversité des opinions de nos concitoyens. De plus, aucun parti ne serait laissé de côté et toutes les opinions seraient représentées. Certains députés de mon groupe, comme ma collègue Valérie Petit, y sont favorables. Le groupe Agir ensemble votera contre la proposition de loi. En revanche, j'y suis résolument favorable à titre personnel.

Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et FI.

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La discussion générale est close.

Sur l'article unique et les amendements n° 1 et identiques, je suis saisi par le groupe La France insoumise de demandes de scrutins publics.

Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Alexis Corbière, rapporteur suppléant.

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Madame la ministre, mes chers collègues, je vous remercie d'avoir enrichi le débat par vos réflexions et vos interventions. Je vais concentrer ma réponse sur vos propos, madame la ministre : vous avez décliné trois axes de désaccord.

Premièrement, vous indiquez que vous êtes favorable à une dose de proportionnelle – une dose. M. Rudigoz, orateur du groupe LaREM, est également intervenu en ce sens. À ce sujet, je voudrais vous répondre à tous les deux. Ce matin, lorsque j'ai présenté le principe des 150 000 parrainages citoyens, parallèlement aux 500 signatures de maires, pour les candidats à l'élection présidentielle, M. Rudigoz a considéré qu'il y aurait là un problème d'unicité du soutien : des candidats seraient soutenus d'une certaine façon, alors que d'autres le seraient différemment. Il considérait que cela aboutirait à un déséquilibre inacceptable. En revanche, il est favorable à ce que dans cette assemblée, tous les députés ne soient pas élus de la même façon. Je vois là une contradiction. Le mode de scrutin doit être le même.

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Soit la proportionnelle est une bonne solution, et appliquons-la ; soit elle n'est pas une bonne solution, et ne l'appliquons pas. On ne met pas une dose de bonne solution ou une dose de mauvaise solution !

Sourires.

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Il faut nous mettre d'accord : si certains députés – et c'est respectable – disent « pas de proportionnelle », nous serons en désaccord. Mais s'ils disent « c'est plutôt une bonne idée, mais on va voir, on va peut-être essayer un peu, donner sa chance au produit, mais pas complètement », on s'y perd et cela entretient la confusion.

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Certains députés ne croient pas vraiment à la proportionnelle, mais cela fait bien devant les électeurs. Alors on n'ose pas le mettre pleinement : on ajoute « dose », ce qui signifie « entourloupe » face aux électeurs.

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Collègues, assumons les positions ! Si vous vous présentez devant les Français pour dire que vous instaurerez la proportionnelle, faites-le ! On a évoqué 1986 : le scrutin proportionnel faisait partie des 110 propositions du candidat Mitterrand, et il l'a fait ! Il fut un temps où ceux qui étaient élus appliquaient leurs programmes – il est vrai que cela se pratique de moins en moins, mais c'était le cas à l'époque, avec toutes les conséquences que cela entraînait.

Je ne comprends pas l'argument de la dose de proportionnelle. Disons-le clairement, cela risque en plus d'être un lot de consolation pour ceux, un peu difficiles, qui n'auraient pas trouvé de circonscription à leur goût mais qu'il faudrait quand même caser au Parlement : ils seraient automatiquement élus. On s'y perdrait. Franchement, ce n'est pas une réponse satisfaisante.

Deuxièmement, Mme la ministre nous dit : « Après tout, pourquoi pas, mais ce n'est pas le moment. » Est-ce le moment d'appliquer la réforme de l'assurance chômage, en pleine crise sanitaire ?

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Quel est le rapport ? Celui qui dit cela est l'ex-président du groupe majoritaire. Cela montre bien que vous n'êtes pas au chômage, car pour ceux qui vont vivre cette réforme de l'assurance chômage et voir leurs droits baisser en cette période de crise, la situation est tout de même assez sensible.

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Avez-vous mis entre parenthèses votre programme politique ? Non, vous continuez à agir. Pourquoi suspendrait-on les décisions quand il s'agit de réformer les institutions pour les rendre plus démocratiques ? Vous comme moi, nous sommes issus du grand bouleversement politique qui secoue ce pays : moi comme candidat présenté par La France insoumise, vous comme représentants de La République en Marche. Nous n'existions pas en 2015 ou en 2016. Le pays est en plein bouillonnement, il balaye les partis politiques jusque-là installés, il cherche une voie, une solution. Ce grand bouillonnement, cette tempête politique ne s'est pas arrêtée. Si vous avez été élus, chers collègues, c'est qu'à votre façon – et votre candidat à la sienne –, vous représentiez cette volonté de dire « on balaye tout ça, il faut tout changer, il faut que les sensibilités politiques soient représentées ». Vous avez été élus aussi parce que votre candidat, devenu Président de la République, a dit qu'il instaurerait la proportionnelle, certes avec l'astuce de la « dose ». Faites-le, parce que vous risquez de prendre de front ce que j'ai évoqué tout à l'heure. La tempête ne s'est pas arrêtée et le pays reste une mer déchaînée, a fortiori en période d'épidémie de covid-19. Ne croyez pas que tout cela a gelé : je crois même que la colère n'a fait qu'augmenter. Il y a là quelque chose d'important.

Madame la ministre, vous dites que ce n'est pas le moment. Je vous réponds que c'est justement le moment, dans ce pays blessé, qui doute de lui-même.

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Il faut s'assurer que l'assemblée qui nous succédera soit plus représentative de toutes les sensibilités du peuple, car il n'est jamais bon de laisser dans l'angle mort la question de l'abstention, qui finit toujours par se dénouer. Lorsque nous tempêtons contre la tribune publiée par des militaires, nous ne pensons pas que ces 20 000 personnes vont prendre le pouvoir demain. Mais il y a là quelque chose qui relève de l'égratignure, et celle-ci peut aller jusqu'à la gangrène. Quand on a le sentiment que ceux qui sont ici – dont moi, je ne vous incrimine pas – ne sont qu'une bande de bavards qui ne règlent aucun problème et qu'il est temps qu'une autorité forte, issue des militaires, prenne le pouvoir, cela veut dire quelque chose du moment.

Sans vouloir digresser, c'est de là que vient ma critique de l'hommage sans nuance qui a été rendu par le Président de la République à Napoléon Bonaparte. Bon sang, ce n'est pas le moment d'exalter le bonapartisme, surtout pas !

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Qu'a-t-il fait, Napoléon Bonaparte, si ce n'est envoyer le général Murat et ses grenadiers devant nos prédécesseurs, pour leur dire « foutez-moi ça dehors ! ». C'est cela qui risque d'arriver, si nous ne prenons pas les mesures pour que nos institutions soient véritablement représentatives. Oui, les choses se dénoueront d'une manière ou d'une autre, et je crois que c'est le bon moment pour instaurer un scrutin proportionnel.

Troisièmement, un sujet intéressant dont nous avons parlé en commission : l'ancrage du député. Je vous donne des arguments avec passion, mais je trouve malgré tout que le débat mérite que nous prenions le temps d'y réfléchir les uns et les autres. Cela devient de plus en plus une obsession ; mais dire que nous ne sommes finalement pas des élus nationaux – je le dis sans arrogance – et que nous devons d'abord être des élus locaux, c'est en réalité un rabougrissement, une forme de municipalisation du mandat de député. L'impuissance du député à l'Assemblée est souvent corrigée localement par tous les petits services qu'il peut rendre, qui n'ont souvent rien à voir avec son mandat. Nos concitoyens viennent nous voir dans les permanences, parce qu'après être allés à la mairie, ils n'ont pas trouvé de réponse ; après avoir fréquenté les services sociaux, ils viennent frapper à la porte du député…

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…pour demander un courrier adressé au maire ou à son adjoint chargé du logement. Nous le faisons de bon cœur, car c'est notre travail, bien entendu ; mais en réalité, cela n'est pas notre mandat.

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Nous sommes des élus nationaux. Nous devons expliquer à nos concitoyens que notre boulot – qu'on le fasse bien ou mal – c'est de débattre de la loi, de la critiquer ou de la proposer. J'ai été élu municipal pendant quatorze ans ; c'est passionnant de parler des dérogations scolaires, de discuter de la façon de créer et d'attribuer des logements, mais ce n'est pas un boulot de député ! Or 80 % des courriers que je signe dans ma permanence traitent de ces sujets.

De nombreux collègues ne viennent plus siéger, parce qu'ils ont le sentiment de perdre leur temps. Ils veulent soi-disant « recoller avec le terrain », mais c'est la manifestation d'une impuissance. Nous sommes tous des élus de terrain, mais en réalité, nous sommes des élus nationaux. Personne ici ne passe son temps à l'étranger ou je ne sais trop où ! Si nous voulons être réélus, nous devons connaître le pouls réel et l'état de l'opinion, nous devons aller sur les marchés !

Entendez bien que cet argument ne tient pas. Pire, il repose sur une vision déformée de ce que doit être un député. Si nous voulons réhabiliter son rôle, il ne faut pas lui demander d'être sur le terrain : c'est ici qu'il doit être !

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Pas seulement, bien entendu ! Mais comprenez qu'il est malsain et antirépublicain de considérer que l'on vote pour quelqu'un que l'on voit le dimanche sur le marché. Non, on vote pour celui dont on partage les idées, quand on estime que son projet servira l'intérêt général. Un député n'est pas quelqu'un à qui l'on tape sur l'épaule et dont la qualité première est d'assister tous les dimanches au match de foot des minimes. En le considérant ainsi, nous rabougrissons son rôle et le pouvoir du Parlement.

Par ailleurs, je ne crois pas que proposer des listes départementales nous détache du terrain. Je n'ai pas les chiffres en tête, mais beaucoup de départements ne sont représentés que par un ou deux députés. Je suis élu d'une circonscription urbaine de Seine-Saint-Denis qui ne comporte que deux agglomérations ; je peux assez facilement me rendre presque tous les dimanches sur les deux marchés. Vous êtes sans doute élus dans des circonscriptions qui réunissent je ne sais combien de villes : fort heureusement, vous n'allez pas tous les dimanches sur les marchés, sinon vous passeriez votre journée à rester cinq minutes dans chacune des quarante agglomérations, ce qui serait absurde.

Bref, vous comprenez mon argument : il est hors-sol de considérer que le député accomplit seulement un travail local ;

Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM

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la fonction des députés est de siéger ici, de participer aux commissions et surtout d'animer le débat national. Je ne suis donc pas convaincu par cette objection.

Il nous faut prendre la mesure de la crise politique profonde que traverse notre pays et poursuivre nos échanges sur les solutions à y apporter. Choisir le scrutin proportionnel ne peut constituer la seule solution, mais peut contribuer à créer les conditions d'une amélioration. Je l'ai dit tout à l'heure, je ne crois pas non plus que l'instauration d'un parrainage citoyen prenant la forme de 150 000 signatures soit la seule solution.

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Nous proposons une panoplie de mesures. Je crois profondément que nos institutions sont en crise, et vous le voyez vous-mêmes. Ne prenez pas comme une injure le constat que j'ai fait tout à l'heure en rappelant que 24 % des électeurs du premier tour s'étaient tournés vers le candidat finalement élu, dont le parti a ensuite obtenu la majorité dans cette assemblée. Ce n'est pas sain !

Debut de section - Permalien
Une députée du groupe LaREM

C'est un problème de confiance !

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Non, ce n'est pas un problème de confiance. M. Mélenchon l'a bien expliqué : beaucoup de gens considèrent qu'une fois l'élection présidentielle passée, il ne sert plus à rien d'aller voter. Les gens vont à l'essentiel, ils vont voter pour les institutions qui leur paraissent exercer le pouvoir. Pourquoi ne votent-ils plus après l'élection présidentielle ? Parce qu'ils ont compris que notre régime était de plus en plus présidentialiste. Ils ne votent pas aux autres élections parce qu'ils pensent qu'elles ont peu d'incidence – et ils n'ont pas tort.

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Si nous voulons revivifier les institutions et raffermir la République, il faut s'y essayer, par petites touches. La France insoumise considère même qu'une grande réforme, impliquant la réunion d'une assemblée constituante, permettrait de dénouer pacifiquement les tensions qui traversent la société. Voilà, mes chers collègues, où j'en suis de mes réflexions. Certes, j'ai pris le temps de répondre, mais nous avons le temps pour ce débat. C'est notre niche parlementaire, après tout, pas la vôtre. Je vous laisse vous exprimer.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI. – M. Erwan Balanant applaudit également.

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J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi, dans le texte dont l'Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n'a pas adopté de texte.

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En 2017, vous aviez promis plus de droits et plus de démocratie. Quatre ans plus tard, quelle est la grande loi démocratique du quinquennat ? Il n'y en a aucune. Vous n'avez rien fait pour donner davantage de droits à nos concitoyens. Pire, les droits reculent. Jamais les libertés publiques n'auront autant régressé que sous le quinquennat d'Emmanuel Macron. Existe-t-il aujourd'hui un contrôle populaire de l'action du pouvoir exécutif ? Non. Le Parlement ne remplit pas ce rôle, malheureusement : nous ne sommes plus qu'une chambre d'enregistrement des desiderata de l'exécutif. Cette proposition de loi vise à rétablir un Parlement digne de ce nom, une Assemblée nationale plus forte, véritable contre-pouvoir à l'exécutif. Voilà ce qu'a brillamment expliqué le rapporteur suppléant.

Évidemment, vous allez rejeter cette proposition de loi, comme vous avez rejeté toutes celles dont vous n'étiez pas les auteurs. Voilà votre conception de la démocratie.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe LaREM

Ce n'est pas vrai !

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L'année prochaine, lorsque nous serons au pouvoir, nous instaurerons le scrutin proportionnel par la voie d'une assemblée constituante, afin de donner au peuple politique les moyens de se refonder. Avec la VIe République qui s'ensuivra, nous revivifierons enfin la démocratie, dont nous avons tant besoin.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.

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Il y a un ordre précis : je suis les indications du service de la séance.

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Nous vous faisons confiance, monsieur le président.

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Vous appelez l'attention sur un vrai problème, à savoir l'abstention grandissante aux élections législatives. Cependant, la proportionnelle intégrale, comme d'ailleurs l'instauration d'une dose de proportionnelle – je vous rejoins sur ce point – est à mon sens une mauvaise solution. La difficulté naît du calendrier électoral : il n'y a plus d'enjeu à voter aux élections législatives, puisqu'elles succèdent directement à l'élection présidentielle, et sont devenues la suite logique du résultat de cette dernière.

Selon moi, nous devons donc réfléchir à une révision du calendrier électoral afin de décorréler les élections législatives de l'élection présidentielle. Il y aurait là une réforme institutionnelle ambitieuse et audacieuse, qui remettrait de l'enjeu dans la désignation de la représentation nationale. Si l'on ne touche pas au calendrier, je crains que l'instauration d'un scrutin proportionnel ne change pas les résultats électoraux – même une proportionnelle intégrale par département offrira probablement une majorité confortable au Président nouvellement élu. Le calendrier électoral est la première cause de l'affaiblissement du Parlement, et c'est sur celui-ci que nous devons agir.

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Excusez mon impatience, monsieur le président. Je voudrais répondre à quelques arguments des opposants au scrutin proportionnel.

À l'exception de M. Rupin, qui vient d'apporter une nuance, tous expliquent que l'élection à la proportionnelle ne permet pas de dégager une majorité. Or une majorité peut parfaitement être issue d'une élection au scrutin proportionnel : simplement, sa structure sera différente de celle que l'on a longtemps pu observer sous la Ve République, traditionnellement bicéphale – gauche, droite. Vous avez cité l'exemple italien, mais la situation en France est complètement différente : nous avons un Président doté d'un pouvoir fort, élu au suffrage universel direct. Les élections législatives se tiennent dans la continuité de sa désignation. Il faut donc évacuer l'argument du risque d'instabilité. Cela a été dit, certains pays ont un scrutin proportionnel et ne souffrent pas d'instabilité.

Ensuite vient l'argument toujours répété de la IVe République, qui offrirait un archétype d'instabilité à cause de la proportionnelle. Regardons la réalité historique. La IVe République a connu trois législatures. Dès la deuxième, en 1951, le principe d'apparentement a été appliqué : avec 50 % des voix, vous emportiez tous les sièges du département. Dès lors, la proportionnelle avait disparu. Ce n'est pas la proportionnelle qui a tué la IVe République, mais la guerre d'Algérie.

S'agissant des arguments politiques, nous avons besoin d'un Parlement fort pour équilibrer la Ve République. L'élection du Président de la République au suffrage universel direct, l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral ont donné trop de pouvoir au Président – même si je respecte celui que nous avons aujourd'hui. Le scrutin proportionnel offre la meilleure solution pour disposer d'un Parlement fort, lieu de débat, capable de créer un consensus. Il n'existe pas de démocratie forte sans Parlement fort.

Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.

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La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement n° 11 . Aucun des amendements précédents n'ayant été défendu, je suis heureux que vous puissiez défendre celui-ci !

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Cet amendement vise à mieux représenter la pluralité politique de notre pays, donc la diversité des opinions de nos concitoyens. Il est du devoir de l'Assemblée nationale de représenter les différents courants de pensée et l'évolution de la société. L'amendement tend à instaurer une dose de proportionnelle. Je sais que le rapporteur suppléant n'y est pas favorable. J'estime cependant que l'objectif est d'introduire du pluralisme, non d'aboutir à une mosaïque peu susceptible de dégager une majorité. Il faut donc conserver une part de scrutin uninominal majoritaire à deux tours et introduire une part de scrutin proportionnel, comme nous nous y étions engagés pendant la campagne électorale de 2017. Nous avions également promis de réduire le nombre de députés, mais cet amendement ne vise qu'à introduire une part de scrutin proportionnel.

L'amendement n° 11 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

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La parole est à M. M'jid El Guerrab, pour soutenir l'amendement n° 12 .

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Vous proposez d'établir un scrutin départemental. Je suis né à Aurillac, dans le Cantal, département que certains d'entre vous connaissent bien. Il est représenté par deux députés seulement, comme d'autres, notamment l'Ariège et la Corrèze – la Creuse n'en a qu'un. Introduire un scrutin proportionnel dans ces départements n'a pas de sens. L'amendement tend donc à élargir les circonscriptions à l'échelle de la région, afin d'obtenir une plus grande diversité permettant de susciter un vrai débat. Il va donc dans votre sens.

L'amendement n° 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

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Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.

Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.

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Le grand Montesquieu disait que les lois électorales étaient les lois les plus importantes.

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Elles ne figurent pas parmi les lois constitutionnelles, et pourtant elles sont constitutives de la démocratie. Nous examinons ce soir un texte qui concerne l'essentiel. On nous dit qu'il serait inadmissible d'adopter la proportionnelle, car cette proposition irait trop loin en instaurant une proportionnelle intégrale. Pas du tout !

En 1986, les électeurs ont voté selon le mode de scrutin aujourd'hui proposé par ce texte, permettant à des gens qui avaient réuni 40 % des voix d'obtenir plus de 50 % des sièges. L'effet majoritaire existe, mais il est limité. Il existe parce qu'il s'agit d'un scrutin à la plus forte moyenne, parce que la circonscription est départementale, donc de taille relativement restreinte, et parce qu'un seuil de 5 % des voix est prévu.

Que s'est-il passé ? Le scrutin majoritaire a changé de nature. Du temps du général de Gaulle, un parti réunissant 40 % des voix obtenait une majorité en sièges.

Avec l'atomisation et la fragmentation du corps électoral, le parti qui arrive en tête, à savoir La République en marche et le MODEM, obtient moins de 25 % des voix, mais plus de 50 % des sièges : le hiatus est énorme !

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et FI. – MM. Gilles Le Gendre et M'jid El Guerrab applaudissent également.

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Le fossé s'est creusé. C'est contre ce hiatus que nous nous prononçons, là est l'essentiel.

D'aucuns nous disent que nous avons peut-être raison, mais que ce n'est pas le moment. Eh bien, si ! Cela me rappelle ce que me dit un jour un ancien conseiller de Jacques Chirac, un homme plein de finesse, Denis Baudouin : « lorsque vous avez un problème, que vous ne savez pas quoi dire, ne dites qu'une seule chose : est-ce bien le moment ? ».

Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe FI.

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Vous verrez qu'en disant cela, le débat collapse !

Oui, c'est le moment, mes chers collègues ! D'abord, parce que c'est le moment d'honorer, fût-ce de façon radicale, si j'ose dire, une promesse essentielle du Président de la République !

Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et FI. –Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

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Oui, c'est le moment, parce qu'il suffit d'un seul vote ce soir pour changer la donne : nul besoin de travaux techniques incroyables !

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Veuillez conclure, cher collègue : votre temps de parole est écoulé.

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C'est le moment, parce qu'en adoptant ce texte, nous changerions l'équilibre de la République.

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Nous avons le pouvoir de le faire, nous pouvons le faire, nous devons le faire : pouvoir, c'est devoir !

Les membres du groupe Dem se lèvent et applaudissent. – Applaudissements sur les bancs du groupe FI. - MM. Gilles Le Gendre et M'jid El Guerrab applaudissent également.

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J'aurai voté un texte insoumis dans ma vie ! Mais comme c'est le nôtre…

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Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 88

Nombre de suffrages exprimés 86

Majorité absolue 44

Pour l'adoption 31

Contre 55

L'article unique n'est pas adopté.

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Vous n'honorez pas cette assemblée, messieurs !

Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, lundi 10 mai, à seize heures :

Projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures trente.

Le directeur des comptes rendus

Serge Ezdra