Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 29 juin 2021 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • infirmier
  • paramédicale
  • universitarisation
  • université

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 29 juin 2021

La séance est ouverte à dix‑sept heures cinq.

La commission procède à l'examen du rapport de la mission d'information sur la formation des professions paramédicales (Mme Annie Chapelier, rapporteure).

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Chers collègues, vous vous souvenez qu'à l'automne nos débats sur la proposition de loi de Stéphanie Rist visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification avaient soulevé plusieurs questions qu'il nous a semblé utile d'approfondir par des travaux dédiés. Dans une semaine, Cyrille Isaac-Sibille nous présentera ses conclusions sur l'évolution des périmètres d'activité des protocoles de coopération et des pratiques avancées. Cet après-midi, Annie Chapelier nous exposera les travaux qu'elle a conduits sur la formation des professions paramédicales.

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Lors de son allocution aux Français le 13 avril 2020, le Président de la République, M. Emmanuel Macron, déclarait : « Il nous faudra nous rappeler que notre pays, aujourd'hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Avons-nous pris véritablement la mesure de ce constat, après de longs mois où les personnels soignants ont fait preuve de leur dévouement, voire pour certains de leur héroïsme ? Si beaucoup de professions ont obtenu, quoique de manière disparate, des avancées réellement majeures en matière de rémunération, les professions de santé souffrent encore d'un manque de reconnaissance criant et particulièrement alarmant. Moins attractives, ces professions suscitent dans certaines filières de moins en moins de vocations, et sont surtout confrontées à une démobilisation et une démotivation des professionnels en activité, qui sont nombreux à chercher à se réorienter. À terme, c'est tout le système de santé qui sera menacé.

Ce manque de reconnaissance affecte plus particulièrement les professions médicales visées aux titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique, et qui font l'objet de mon rapport : les infirmiers, bien sûr, qui en représentent la plus grande partie, en incluant les infirmiers spécialisés : infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE), infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE), infirmiers puériculteurs, et depuis peu infirmiers en pratique avancée (IPA) ; mais aussi les professionnels de la rééducation et de la réadaptation, à savoir diététiciens, pédicures-podologues, orthophonistes, orthoptistes, kinésithérapeutes, ergothérapeutes et psychomotriciens ; les professionnels de la vision, de l'audition et de l'appareillage, comme les opticiens-lunetiers, les audioprothésistes, les orthoptistes à nouveau et les prothésistes-orthésistes ; les professionnels de l'assistance médicale et technique, techniciens de laboratoire et manipulateurs en électroradiologie médicale.

Parmi les nombreuses difficultés rencontrées par ces professionnels, nous avons choisi de nous concentrer sur la problématique de la formation, au carrefour d'un grand nombre d'enjeux. En effet, comme l'a rappelé la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Mme Frédérique Vidal, à l'occasion du lancement de la stratégie « Ma Santé 2022 » : « Former les futurs professionnels de santé, c'est préparer l'avenir de notre système de soins ». La formation joue en effet un rôle clé dans la valorisation des métiers et contribue pleinement à leur attractivité. C'est aussi grâce à leur formation que les professionnels de santé développent les aptitudes et savoir‑faire indispensables à l'exercice de leur mission. La réflexion sur la formation renvoie également aux périmètres d'activité et aux compétences exercées par chaque métier.

Or, le système de formation aux professions paramédicales souffre de nombreuses failles, dénoncées par les professionnels au cours des auditions que nous avons menées. En particulier, ce système contrevient aux engagements pris lors des accords de Bologne en 1999, qui avaient pour objet l'harmonisation de l'enseignement supérieur européen autour du schéma licence-master-doctorat, dit « LMD ». L'universitarisation des études paramédicales, revendication partagée de longue date par l'ensemble des professions et proposée par de nombreux rapports restés lettre morte, est en effet loin d'être achevée. Je tiens quand même à saluer les efforts importants réalisés depuis quelques années dans ce champ, mais à rappeler que cet objectif est néanmoins bien loin d'être atteint. Je rappelle qu'aujourd'hui, les professions qui peuvent être qualifiées d'« universitarisées » incluent, en plus des infirmiers, les infirmiers anesthésistes et les IPA, les manipulateurs en électroradiologie médicale, les pédicures-podologues, les orthoptistes et les orthophonistes. Cette situation n'est pas acceptable et a de nombreuses répercussions.

D'abord, les formations aux professions paramédicales se caractérisent par leur très forte hétérogénéité. Pour chacune de ces professions, il existe en effet des formations, diplômes, niveaux d'étude et des statuts totalement disparates ! Certaines professions, comme celle des techniciens de laboratoire, font même appel à des dizaines de formations différentes : j'en ai répertorié treize, relevant de quatre ministères de tutelle différents. À ce paysage hétéroclite est associée une gouvernance complexe, faisant intervenir un grand nombre d'acteurs, aux compétences souvent enchevêtrées. La répartition des prérogatives entre l'État et les régions n'est pas claire, notamment s'agissant du pilotage financier des formations. La multiplication des tutelles ministérielles sur les formations apparaît elle aussi très problématique, au regard de la difficulté qu'ont les acteurs à se retrouver dans ce paysage institutionnel complexe.

L'intégration à l'université des formations paramédicales, intervenue au par cas, sans souci de cohérence globale, pose aussi un enjeu de reconnaissance et d'égalité. Le système LMD permet en effet de favoriser un meilleur équilibre des relations de travail entre les professionnels de santé, et un respect mutuel de chaque corps de métier. Les formations qui en sont exclues sont ainsi particulièrement défavorisées.

Enfin, les professionnels auditionnés ont parfois souligné l'inadéquation de leur formation à l'exercice de leur profession. Pour certaines d'entre elles, les formations sont en effet particulièrement datées : il faut par exemple évoquer les opticiens-lunetiers ou les audioprothésistes, dont les formations n'ont respectivement pas évolué depuis 1998 et 2001. Au‑delà de la seule formation, ce sont parfois les référentiels d'activité et les compétences mêmes des professionnels qui ne sont plus adaptés.

Voilà pourquoi, nous devons répondre à l'attente légitime des professionnels de santé d'une réingénierie de leur formation, associée à une réingénierie de leurs statuts et de leurs compétences.

Je demeure convaincue que la formation, et plus précisément son universitarisation, doivent constituer une véritable priorité au vu des nombreux avantages qu'elles comportent. Au-delà de l'enjeu essentiel de la reconnaissance, l'intégration complète des formations paramédicales à l'université contribue à la flexibilité des parcours d'étude et professionnels et favorise la libre circulation des professionnels de santé dans l'Union européenne. Il faut par ailleurs évoquer l'intérêt de l'universitarisation pour la recherche, particulièrement essentielle dans le domaine des sciences paramédicales. Je souhaite dès à présent répondre à la principale objection à l'universitarisation : celle d'une incompatibilité supposée entre université et apprentissage pratique. Je le répète : la dimension professionnelle peut tout à fait être conciliée avec la formation universitaire. Un grand nombre de métiers, au premier rang desquels figurent les professions médicales, ont en effet montré leur capacité à intégrer les savoirs pratiques au sein de l'université. Il nous faut abandonner à tout prix ce clivage désuet entre sachants et praticiens.

Notre rapport comporte une série de préconisations visant à rendre véritablement effective l'universitarisation de ces formations. Nous proposons ainsi d'intégrer dans le schéma LMD l'ensemble des professions paramédicales. Cela implique de conférer à l'ensemble des formations de niveau bac + 3 le grade licence qui devrait leur être reconnu, celui de master aux formations de niveau bac + 5 et d'amener à trois ans d'études reconnues au grade licence l'ensemble des formations qui se déroulent aujourd'hui en deux ans ou en trois ans, mais ne sont reconnues qu'au niveau bac + 2. Il est par ailleurs essentiel de simplifier le système de formation, en ne prévoyant qu'une seule formation par profession et en clarifiant les responsabilités respectives de chaque acteur dans la gouvernance des formations. À cet égard, nous proposons de définir le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et le ministère des solidarités et de la santé comme seuls ministères compétents pour les treize professions, à l'exclusion de tout autre ministère.

L'universitarisation nous paraît en outre constituer un levier essentiel pour favoriser l'interprofessionnalité et la connaissance par les étudiants de l'ensemble des corps de métier. Nous préconisons de mettre en place, autant que possible, des modules et enseignements communs aux étudiants de spécialités médicales et paramédicales, en particulier au travers d'exercices de simulation, de colloques ou de jeux de rôle, essentiels pour les familiariser au travail d'équipe et à la pluridisciplinarité dès l'université. Il s'agit d'une demande forte de la part de tous les étudiants.

S'agissant des modalités concrètes de l'universitarisation, nous considérons que les conventions passées entre les instituts de formation et les universités doivent constituer la voie privilégiée de l'intégration à l'université. Alors que la création de nouvelles universités ne nous paraît pas réaliste, il est préférable de s'appuyer sur les instituts existants et leur personnel, afin de maintenir un enseignement pratique élevé et adapté au cœur de métier de chaque profession.

Notre rapport comporte par ailleurs une série de propositions visant à adapter les professions paramédicales aux besoins de santé de la population. Il est d'abord indispensable d'ajuster en continu la formation et les compétences des professionnels de santé aux besoins identifiés en matière de santé publique. Nous proposons ainsi de procéder, à échéance régulière, par exemple tous les deux ou cinq ans, à l'évaluation des référentiels d'activité et des compétences des formations et d'adapter, en fonction, les maquettes de formation. Nous ne pouvons en effet nous contenter de la situation actuelle d'une réingénierie partielle et tardive, toujours suspendue aux crises et menée sans concertation des professionnels, ni souci de cohérence globale.

Nous recommandons aussi de redéfinir l'exercice infirmier en pratique avancée. Ce dernier constitue une innovation majeure pour notre système de santé : il ouvre des possibilités accrues de coopération entre personnels médicaux et paramédicaux, offre de nouvelles perspectives de carrière et, comme le montrent les exemples étrangers, peut constituer un véritable atout pour la prise en charge des patients. La réforme aboutissant à la création du statut d'IPA a pourtant été relativement mal menée. En particulier, elle a conduit à opposer les spécialités classiques et la pratique avancée en créant des différences symboliques de statut, très mal vécues par certains corps comme les infirmiers spécialisés. Pour répondre à ces difficultés, nous proposons d'appliquer en France le modèle de pratique avancée retenu par le Conseil international des infirmières et en vigueur dans de nombreux États, qui repose sur deux catégories de pratique infirmière avancée : les infirmiers praticiens d'une part, généralistes et pouvant intervenir en premier recours auprès des patients, et les infirmiers cliniciens spécialisés, d'autre part, dont l'expertise est centrée sur un champ ou domaine d'intervention spécialisé. Nous proposons ainsi de déployer ces deux nouvelles catégories au sein du code de la santé publique. Cette nouvelle organisation permettrait d'intégrer les IADE dans un premier temps, puis les IBODE et les puériculteurs, lorsque la réingénierie de leur formation en deux ans sera achevée. Ce modèle permettrait de remettre sur un pied d'égalité les actuels IPA et spécialités infirmières, dont le rôle indispensable doit être reconnu au même titre.

Nous recommandons, par ailleurs, d'étendre la pratique avancée à trois nouveaux domaines : la santé scolaire, la santé au travail et la gériatrie-soins palliatifs. Le développement de la pratique avancée pourrait en effet permettre de répondre aux besoins croissants d'accompagnement des personnes âgées et en fin de vie et de suivi médical des élèves et salariés. Cette proposition avait par exemple été évoquée pour les infirmiers en santé au travail à l'occasion de la proposition pour renforcer la prévention en santé au travail de notre collègue Charlotte Parmentier‑Lecocq. Il est par ailleurs nécessaire de s'interroger sur l'opportunité d'ouvrir la pratique avancée, qui ne concerne aujourd'hui que la profession infirmière, à d'autres métiers, à l'instar des opticiens‑lunetiers ou des manipulateurs en électroradiologie. Il est essentiel d'évaluer, en concertation avec les professions, les métiers et domaines pour lesquels cet exercice en pratique avancée pourrait être opportun. Avant d'entamer ces concertations, il sera nécessaire de réaliser un bilan de la formation actuelle au diplôme d'infirmier en pratique avancée et l'intégration professionnelle des IPA.

Mes chers collègues, les professionnels de santé, que nous avons tous applaudis tous les soirs au cœur de la crise sanitaire, attendent urgemment que nous revalorisions leur profession et leur permettions d'exercer dans les meilleures conditions, et surtout dans leur cœur de métier. Ce rapport comme d'autres avant lui, notamment le rapport de 2011 du professeur Berland, qui conduisait exactement aux mêmes préconisations, propose des mesures concrètes pour atteindre ces objectifs. À nous de nous en saisir !

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Merci, madame la rapporteure, de nous présenter aujourd'hui le rapport d'information sur la formation des professions paramédicales, qui fait suite aux nombreux débats occasionnés par l'adoption de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, que j'ai eu la chance de porter. Cette loi a permis de faire évoluer les compétences de plusieurs professions de santé, pour simplifier et fluidifier le parcours de soin des patients. Ce texte a aussi été l'occasion de montrer le chemin d'une réflexion plus large sur l'évolution de notre système de santé, et plus particulièrement sur la place et l'évolution des différents métiers et filières médicaux. La question de la formation est donc centrale dans le cadre d'une réflexion sur les compétences exercées par chacun, et les propositions que vous nous rapportez aujourd'hui sont d'autant plus nécessaires pour avancer.

En effet, votre mission trouve en partie sa genèse dans les débats que nous avons pu avoir en lien avec l'article 1er de ce même texte, prévoyant initialement la création d'une profession médicale intermédiaire. Comme vous le soulignez dans votre rapport, la formation joue un rôle clé dans la valorisation des métiers et contribue pleinement à leur attractivité. Les conclusions de la mission que vous rapportez permettent ainsi de mettre en lumière les faiblesses du système actuel de formation des professions paramédicales et d'imaginer un système nouveau. Vous proposez à ce titre de faire évoluer la formation des auxiliaires médicaux, notamment en accélérant l'universitarisation, facteur d'égalité et de reconnaissance, pour répondre au constat actuel du manque de valorisation de ces métiers si importants. Vous proposez plus précisément de créer une seconde catégorie de pratique infirmière avancée, les infirmiers cliniciens spécialisés, au côté des infirmiers praticiens. Cette seconde catégorie permettrait d'intégrer notamment les infirmiers anesthésistes, les infirmiers de bloc opératoire, les infirmiers puériculteurs, et donc de valoriser ces spécialités de la même manière que les actuels IPA.

En lien avec cette idée d'une nécessaire évolution de la place de ces métiers que nous partageons, et à la suite des nombreuses auditions que vous avez menées, quelle est la place de la formation pour de nouvelles professions intermédiaires de santé qui pourraient améliorer l'attractivité de ces métiers et l'accès aux soins ?

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Madame la rapporteure, je vous remercie pour la qualité et la pertinence de votre travail, qui concentre son analyse sur la formation des professionnels paramédicaux et les enjeux qui y sont associés. Les professionnels paramédicaux contribuent au soin et à l'amélioration de la condition de vie de leurs patients. Leur rôle, bien qu'essentiel dans notre système de santé, ainsi que la nécessité d'un décloisonnement entre les diverses professions de santé, ont été mis en exergue par la crise sanitaire.

Parmi la vingtaine de métiers répertoriés, plusieurs profils coexistent : les soignants – infirmiers, aides-soignants, puériculteurs –, les professionnels de la rééducation – psychomotriciens, masseurs-kinésithérapeutes, diététiciens –, les métiers de l'appareillage – opticiens‑lunetiers, orthopédistes –, et enfin les métiers d'assistance médicale et technique. Les parcours de formation de ces professions doivent impérativement être repensés, dans la perspective d'une évolution de ces métiers.

Les professions non médicales sont aujourd'hui en attente de réingénierie et de transversalité. Leurs formations ne correspondent plus aux réalités de terrain. Certaines sont souvent confrontées à la nécessité de dépasser leur cadre de compétence, par manque de personnel.

La formation des personnels paramédicaux doit aussi être universitarisée, comme vous le soulignez longuement dans votre rapport, pour permettre à tous les étudiants d'intégrer les parcours LMD. Ce système permettrait aussi de développer les pratiques avancées, et ainsi de donner de nouvelles perspectives aux soignants qui souhaitent être davantage formés. Ces entrées à l'université se font aujourd'hui au cas par cas, et dans un manque total de cohérence.

Pour chacune des professions, il existe des formations, des qualifications, des niveaux d'études et des statuts très différents. Une harmonisation et un regain de cohérence sont essentiels, dans le respect des particularités de chaque profession, et afin de faciliter les passerelles entre ces formations. L'amélioration de la qualité du soin n'en serait que très renforcée.

Veiller à développer l'enrichissement entre les disciplines médicales et paramédicales constitue aussi une ambition clairement énoncée dans ce rapport. Cette transversalité doit intervenir au plus tôt, et ceci dès le commencement de la formation des étudiants en santé, ce qui paraît tout à fait pertinent. La création de conférences pédagogiques au sein de chaque faculté de médecine, qui associeraient tant les facultés de médecine que les instituts et écoles de formation aux professions paramédicales, permettrait de mettre en cohérence les supports pédagogiques entre les filières médicales et paramédicales, afin de favoriser entre les formateurs et les étudiants un dialogue, véritable amorce d'une organisation pluridisciplinaire et horizontale.

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Madame la rapporteure, je commencerai par vous féliciter pour ce travail. Une vraie réflexion est en effet nécessaire. Nous avions commencé à la mener ensemble suite à la proposition de loi de Mme Rist sur les professions intermédiaires.

Il est toujours utile de recourir à l'histoire pour évaluer la situation actuelle. Les médecins ont été les premiers à être formés à l'université, dans les facultés de médecine, tandis que les autres formations paramédicales étaient réalisées dans des institutions et écoles très diverses, et qui répondaient dans chaque territoire à des préoccupations très particulières. Le moment est venu de reprendre l'ensemble de ce système de formation.

Comme vous l'avez dit, le succès récent des IPA nous montre le chemin. Ils font désormais l'objet d'une formation universitaire, qui confère un grade de master. Les universités s'en sont emparées, parce que le climat requis avait été créé à cette fin. La question est maintenant de savoir comment transposer ce succès aux autres professions.

Les formations et écoles conduisant à ces professions sont très hétérogènes, et leurs coûts également. Pour le moment, ce sont souvent les élèves qui payent ces formations, à moins qu'elles soient prises en charge par leurs établissements de santé. Avez‑vous pu estimer le coût que représenterait la prise en charge par l'université de l'ensemble de ces formations ?

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L'un des nombreux enseignements que nous pouvons tirer de la crise concerne l'importance des professionnels de santé dans notre société, et la nécessité de repenser à la fois leur formation et la répartition des compétences entre les soignants. Le problème est ancien, mais la crise que nous vivons constitue sans doute une opportunité de réformer ces organisations en profondeur. Je voudrais donc vous remercier pour votre travail et pour ce rapport très utile.

Au travers de vos constats et propositions concernant la formation des professions paramédicales, vous abordez aussi la question de l'organisation des soins. Je voudrais vous interroger en particulier sur vos propositions concernant les IPA. Vous considérez que le développement de ce modèle permettrait de donner aux infirmiers à la fois des perspectives d'évolution et une meilleure reconnaissance, et surtout qu'il permettrait de renforcer l'efficacité de notre système de soins. Je pense que votre constat est le bon. On le voit surtout dans les zones où l'accès aux soins est difficile, ou aux urgences, où l'on peut être confronté à des situations d'attente extrêmement longues, à cause d'une répartition des compétences inefficace.

J'aimerais connaître votre regard sur la création du statut d'IPA. Que pensez‑vous de cette réforme, notamment en matière de formation, mais aussi s'agissant de la différence de statut qu'elle introduit entre infirmiers et IPA ?

Vous estimez par ailleurs que la pratique avancée pourrait être développée pour d'autres professions paramédicales. Dans quel domaine cela vous paraîtrait-il pertinent ? Avez‑vous pu obtenir des données d'autres pays qui auraient déjà développé cette pratique ?

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Merci, madame Chapelier, pour votre rapport aussi complet que réellement intéressant.

La crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant plusieurs mois n'a cessé de nous démontrer combien notre système de santé et ses infrastructures, jusqu'aux schémas organisationnels, étaient déjà fragilisés au départ. Cependant, ces temps difficiles nous ont aussi rappelé à quel point les soignants étaient essentiels et même nécessaires à notre survie et à notre bien‑être quotidien. Ces soignants que nous avons applaudis, encouragés, aimés, font face aujourd'hui à un manque de reconnaissance, combiné aux problèmes de formation, amenant à la perte d'attractivité du secteur, la lassitude des soignants en exercice et surtout la menace du système de santé tout entier. C'est par la formation de ces professionnels, vous nous le démontrez, que nous pourrons réformer, améliorer et perfectionner la coordination des services de santé.

J'irais en effet dans le sens de votre rapport, madame Chapelier, en insistant sur l'universitarisation de la formation et l'harmonisation des disciplines, en passant par l'intégration au système LMD des facultés. Il est nécessaire, dans une France déjà en retard sur ses voisins, d'axer les efforts sur la cohérence des formations paramédicales. C'est un véritable travail de fond, que vous soulignez, qui devra s'articuler autour d'une gestion centralisée des études de santé, avec la délivrance d'un véritable diplôme d'État, et une gouvernance financière et organisationnelle unifiée.

Malgré ces statuts disparates des professions engendrés par la durée des études, la diversité des diplômes et des instituts de formation, il est urgent de moderniser la structure des formations paramédicales. Il est temps de se mobiliser pour agir et repenser l'avenir de nos soignants, comme celui des futures générations qui prendront la relève.

Quelle importance réelle accordons‑nous aujourd'hui à ceux qui sauvent, à ceux qui soignent et à ceux qui aident la société dans l'altruisme, la générosité et la connaissance ? Peut-être pourrions-nous imaginer ensemble de sortir du « tout-technologie » au profit de davantage d'humain, et surtout de valoriser l'humain qui soigne.

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Je voudrais à mon tour remercier notre rapporteure pour ce travail qu'elle a effectué, et dire la préoccupation qui est la nôtre de prendre soin des personnels dans leur diversité.

Cela passe en premier lieu par une reconnaissance des métiers. Vous avez travaillé sur ces enjeux dans le cadre de votre rapport. Les métiers ne consistent pas seulement à accomplir des tâches séparées, mais ils supposent de savoir où l'on se situe, et de connaître le sens de ce que l'on fait, etc. La perte de sens est l'un des problèmes graves auxquels nous sommes confrontés, notamment dans les professions de santé, mais évidemment pas seulement.

La question du salaire doit être posée également. La question décisive de la formation, sur laquelle vous avez eu raison d'insister, va de pair avec celle de la reconnaissance de la formation, donc des qualifications – et non seulement des compétences – avec lesquelles une grille salariale puisse être associée. Cet enjeu ne doit donc pas être laissé dans l'ombre.

D'après vous, comment les redécoupages des tâches qui seront nécessaires pourront‑ils être réalisés dans de bonnes conditions, en résultant notamment d'un travail de concertation avec les différents acteurs afin qu'ils correspondent aux besoins et aux pratiques réels, et qu'ils soient bien vécus ?

Enfin, quelles possibilités de progression et d'évolution professionnelle, peut-être de changement de trajectoire, pourrons-nous offrir à ces hommes et ces femmes à l'issue de leurs formations initiales, et sur leur fondement, afin qu'ils puissent se projeter ailleurs et nous faire bénéficier de leur expérience concrète assortie à une formation universitaire ?

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Notre collègue Thierry Michels ne pouvait pas être présent aujourd'hui, mais il souhaitait poser la question suivante.

« Chère collègue, j'ai apprécié votre rapport. Quelques interrogations pour savoir si vous avez pu examiner les points suivants.

« Combien de personnes quittent tous les ans les professions de santé concernées par votre rapport, notamment la profession d'infirmier ? Combien évoluent au sein de la profession d'infirmier ? Combien l'intègrent après avoir été aides-soignants, par exemple ? Comment se passe la passerelle entre la profession d'infirmier et l'accès aux études médicales ? Selon quelles modalités et quelles contributions financières la collectivité soutient-elle ce dispositif ?

« Ce sont des interrogations assez générales, madame la rapporteure, mais je m'interrogeais sur la gouvernance de la profession et la possibilité d'y entrer, d'y évoluer et d'en sortir réellement dans une logique de filière.

« Je prends d'ailleurs au mot votre rapport : vous proposez qu'il y ait une promotion des infirmiers en pratique avancée compétents en matière de gériatrie. Je voulais vous demander comment vous aviez abordé dans votre rapport l'enjeu du grand âge sur la démographie et les carrières des soignants, et comment faire pour déployer notre cinquième branche avec des besoins en hausse en personnel qualifié, en y faisant évoluer les professionnels présents et en y attirant de nouveaux professionnels, sans pour autant déshabiller d'autres segments de l'offre de soins et l'offre médico-sociale. »

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Nous sommes au cœur d'un défi important. Les métiers et carrières paramédicales ont besoin de souplesse et d'adaptabilité, et vous évoquiez à juste titre, madame la rapporteure, les problématiques de formation qui sont à l'origine de nombreux enjeux pour les professions paramédicales dans ce qu'elles ont de commun.

La qualité de nos formations est un enjeu pour le système de santé de demain, qui doit s'adapter aux évolutions épidémiologiques – nous souhaitons tous être davantage soignés en ambulatoire – et à l'exigence d'une meilleure prévention. Les professionnels de santé doivent acquérir les compétences nécessaires à un exercice interprofessionnel, en modifiant en profondeur une organisation aujourd'hui en silo. Comment repenser l'interprofessionnalité des professions de santé, dont le paramédical fait pleinement partie ?

Nous l'avons déjà évoqué, l'universitarisation des formations en santé est un sujet ancien et crucial, que nos voisins européens ont pu saisir. Il s'agit de faire en sorte que les étudiants en santé puissent apprendre à coopérer dès les bancs de l'université et bénéficient des mêmes droits et des mêmes services que les étudiants inscrits dans un cursus LMD. Comment faire justement coopérer les différents acteurs dont vous souhaitez favoriser les partenariats ?

Les modalités de recrutement dans les filières paramédicales sont aujourd'hui très disparates. Il est parfois effectué après une première année, universitaire ou non, après un temps de préparation, un concours, ou sur dossier. L'insertion de l'ensemble des formations dans Parcoursup a‑t‑il produit un effet et permis de rendre ces formations plus visibles pour tous les lycées ? Comment simplifier les procédures d'admission, et les rendre plus pertinentes ? Comment réduire les coûts pour les étudiants, préserver et améliorer la diversité des publics accédant à ces formations ?

Enfin, la crise sanitaire a souligné certaines des difficultés rencontrées par le milieu médical. Le Ségur de la santé a répondu à un certain nombre de points et, le 12 avril 2021, le second temps des accords du « Ségur » a été dévoilé, prévoyant cette fois-ci la revalorisation des carrières des soignants paramédicaux. Plus de 500 000 professionnels sont concernés par cette seconde série de revalorisations, qui prendra effet au 1er octobre 2021. Pourtant, certains acteurs, tels que les préparateurs en pharmacie hospitalière, sont très inquiets : il semble que la hausse salariale pour ce métier serait conditionnée à la réingénierie préalable de leurs diplômes. Votre rapport s'inscrit-il dans le calendrier de cette réforme ? Ces acteurs pourront‑ils bénéficier des revalorisations annoncées le 12 avril 2021, et le cas échéant pourront‑ils en bénéficier de manière rétroactive ?

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Merci, madame la rapporteure, pour la qualité de votre rapport, que j'ai lu avec attention. Il souligne à juste titre à quel point la crise sanitaire a encore renforcé le caractère indispensable des professions de soin dans notre société.

Je salue votre travail fouillé, tout en m'étonnant que le nombre de places ouvertes dans les différentes formations ne soit pas spécifiquement évoqué. Le tableau en page 10 par exemple nous enseigne que le nombre d'ergothérapeutes a augmenté de 69 % de 2012 à 2021, celui des psychomotriciens de 73 % et celui des infirmiers de 31 %. Pourtant, pas une semaine ne se passe sans que les citoyens de ma circonscription et les membres des établissements médicaux ne m'alertent sur le manque de tels ou tels professionnels. Les parcours de soin et d'accompagnement pour les enfants atteints de troubles cognitifs spécifiques sont très lents à mettre en œuvre, et parfois chaotiques, car certaines spécialisations manquent.

Aussi, si je me félicite du processus d'universitarisation des formations paramédicales et de leur réingénierie, et souscris à la simplification de leurs processus, je souhaiterais que madame la rapporteure nous éclaire concernant le nombre de places ouvertes dans ces formations au regard des besoins dans nos territoires.

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Je voudrais en préambule rappeler que le périmètre de mon travail concernait treize professions. Les préparateurs en pharmacie par exemple, qui ont été évoqués par M. Perrut, n'en font partie, puisqu'ils ne font pas partie des titres Ier à VII du livre III de la quatrième partie du code de la santé publique, mais se situent dans un autre registre. C'est pourquoi il n'était par exemple pas question dans mon rapport. Les problématiques que rencontrent les autres professions – aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers, préparateurs en pharmacie, etc. – sont toutefois presque similaires, même si un certain nombre d'entre elles, par exemple les ambulanciers et les aides-soignants, ne sont pas concernées par l'universitarisation. Ces treize professions représentent quand même un peu plus d'un million d'actifs, ce qui est donc loin d'être négligeable. Surtout, elles sont très mal connues par la population générale et sollicitent constamment cette réingénierie, comme depuis vingt ans maintenant cette universitarisation. Même pour les infirmiers, elle est encore incomplète. Le sentiment général est également que des avancées ne sont obtenues que par les revendications et les manifestations. Or, cette nécessité de descendre dans la rue pour faire valoir des demandes légitimes est épuisant et démobilisant pour les professionnels.

Madame Rist, vous me questionnez sur l'universitarisation. Je souhaiterais en rappeler les enjeux majeurs, qui sont réellement essentiels. Son objectif n'est pas seulement de fournir des perspectives aux professionnels, ni d'harmoniser les formations au niveau national et de permettre entre elles des passerelles. Il s'agit également de fournir un diplôme reconnu au niveau international, et d'ouvrir ainsi ces étudiants à l'ensemble de l'Europe. La moitié des kinésithérapeutes qui s'installent actuellement en France ont par exemple été formés dans des pays de l'Union européenne. Universitariser le cursus français de formation à la kinésithérapie, qui est très complexe, est donc essentiel pour permettre aux étudiants qui l'ont suivi d'être à égalité avec les autres.

Vous m'interrogez également sur la place qui pourrait être faite pour de nouvelles formations à de nouveaux métiers. Je propose en fin du rapport un focus sur la pratique avancée, métier nouveau qui n'est apparu que depuis quelques années en France, alors qu'il est très ancien dans de nombreux pays – il existe depuis près de soixante ans aux États-Unis –, où des formations universitaires ont été mises en place pour y accéder. L'universitarisation des formations existantes constitue le préalable indispensable à la mise en place de tous ces métiers et donc de ces nouvelles formations. Il n'est pas concevable de créer de nouvelles formations tant que cette harmonisation et cette approche des professions qui leur permettra d'être en situation d'égalité n'auront pas été mises en œuvre. Au regard des besoins des populations et de l'offre de soin, de nouvelles professions devront évidemment être créées ensuite, mais seulement en fonction des besoins de la population. Mon rapport ne portait cependant pas sur cet enjeu. Celui de mon collègue Cyrille Isaac‑Sibille sera beaucoup plus centré sur ces points, et pourra beaucoup mieux y répondre.

J'insiste vraiment toutefois sur ce préalable indispensable de l'universitarisation associée à une réingénierie et une simplification, des financements comme des offres de formation. Les techniciens de laboratoire, par exemple, qui étaient encore dans la rue récemment, présentent une demande forte de simplification de leur parcours de formation, qui comprend plus de treize formations, incluant un institut de formation, différents BTS, des BTSA – dépendant du ministère de l'agriculture – et des licences disparates, les unes sur deux ans, les autres sur trois ans, etc. Il est impératif de prévoir une seule formation pour une seule profession. Les infirmiers, qui sont les plus nombreux parmi les professionnels paramédicaux, ne disposent que d'un seul modèle de formation : celui de la maquette de l'institut de formation en soins infirmiers, alors que leur champ d'activité est très large et peut amener les professionnels à travailler dans des milieux très divers. L'argument selon lequel multiplier les types de formations permettrait d'ouvrir au maximum l'accès de la population estudiantine à une profession ne tient donc pas. Cette multiplication ne présente au contraire aucun intérêt. Elle nuit seulement à la lisibilité des parcours de formation, dont tous les professionnels réclament la clarification. Parcoursup, notamment, conduit de nombreuses personnes vers des formations de second choix, faute précisément de savoir en quoi elles consistent. Si, de manière très lisible et simple, une formation était associée à une profession, l'attractivité de certaines des professions qui en manquent serait beaucoup plus grande.

Madame Valentin, vous avez évoqué les aides-soignants, qui ne font pas non plus partie du périmètre de mon rapport. Vous avez souligné que les formations étaient parfois inadéquates. En effet, les référentiels de certaines professions datent de plus de cinquante ans. Les orthésistes-prothésistes, par exemple, travaillent encore sur des modèles en cire au cours de leurs études, alors qu'ils fabriqueront ensuite des appareillages avec des imprimantes 3D : le décalage est donc total. Ils sont donc en attente d'une réingénierie qui est en cours depuis plus de dix ans.

Vous promouvez les passerelles entre les professions. L'objectif de l'universitarisation est aussi de permettre ces passerelles. Le modèle que je préconise à cet égard est le conventionnement entre les instituts de formation – lorsqu'ils existent déjà, ce qui n'est pas le cas dans toutes les professions, certaines n'étant accessibles que par des BTS et des lycées – et l'université. Il ne s'agit surtout pas de créer des chaires universitaires propres à chacune de ces professions. Ce serait trop complexe et trop long. Mieux vaut réellement travailler avec l'existant. C'est là aussi une demande très forte, et surtout très réaliste, des professionnels.

Je partage totalement vos arguments en faveur de la pluridisciplinarité et de l'horizontalité.

Monsieur Isaac-Sibille, comme vous le soulignez à raison, l'histoire nous rappelle que nous sommes en constante évolution, que jamais rien n'est acquis, dans les métiers comme dans la science, et que nous devons continuellement progresser. Or, l'universitarisation, décidée il y a déjà vingt ans en Europe, s'inscrit dans cette marche de l'histoire et le temps est venu de la réaliser.

Comment faire pour intégrer les autres professions spécialisées ? Pour les professions spécialisées d'infirmier, du moins, j'ai proposé un modèle calqué sur celui du congrès international des infirmiers, qui permet de définir la pratique avancée. Le modèle français est un modèle hybride créé pour répondre à une certaine demande, mais qui a rencontré très rapidement certaines limites, en raison de sa trop grande rigidité. Elle est notamment manifeste dans le cas de la pratique avancée urgentiste, pour laquelle le modèle français est à ce titre très difficilement acceptable. La proposition que j'ai présentée a été discutée avec de nombreux professionnels spécialisés. La pratique avancée pourrait servir de cadre dans lequel les professions spécialisées s'inscriraient progressivement, en y distinguant les praticiens jouant un rôle de premier recours et les infirmiers cliniciens spécialisés, auxquels pourraient s'intégrer les infirmiers anesthésistes.

Surtout, vous posez une question fondamentale : quel serait le coût de cette universitarisation ? J'ai posé cette question au ministère de l'enseignement supérieur, à la direction générale de l'offre de soins (DGOS), etc. : je l'ai posée à tout le monde. Personne n'a été en mesure d'y répondre. Chaque fois que la question de l'universitarisation est soulevée, son coût est invoqué. Pourtant, personne n'est capable de l'estimer. Je doute pour ma part que ce coût serait réellement prohibitif. Les études existantes en elles-mêmes ont en effet déjà un coût, et la multiplicité des acteurs représente pour elles un surcoût. L'existence par exemple de deux filières pour les diététiciens ou les manipulateurs radio multiplie leurs coûts, parce qu'elle multiplie les acteurs qui y interviennent, etc. Il coûtera donc moins cher de tout ramener au seul modèle des instituts de formation ou des universités, comme dans le cas des orthophonistes. La simplification entraîne nécessairement des économies. Faute d'estimation existante du coût de l'universitarisation, je ne peux cependant parler que d'une manière générale et au conditionnel.

Monsieur Potterie, vous m'interrogez sur les effets de la pratique avancée. Je viens de rappeler ma proposition à cet égard. La différence entre les infirmiers diplômes d'État et IPA est extrêmement bien définie dans le code de la santé publique. Les IPA suivent une formation de deux ans supplémentaires à l'université, qui leur accorde le grade de master. Ils sont donc parfaitement universitarisés et, depuis plusieurs années, les infirmiers sont également universitarisés, au niveau licence.

Tous les autres pays disposent de pratiques avancées pour les infirmiers. En revanche, je ne connais pas d'autres pays qui en disposent pour d'autres professions, et avoir ouvert ce champ de la pratique avancée à l'ensemble des professions paramédicales constitue une spécificité française. Il faut garder à l'esprit que les professions telles que nous les connaissons en France ne sont pas universelles : elles sont seulement françaises. Les infirmiers anesthésistes par exemple n'existent pas dans de nombreux pays : au Canada, seuls existent des inhalothérapeutes, dont le champ d'action beaucoup plus restreint les apparente davantage à des kinésithérapeutes, d'ailleurs appelés « physiothérapeutes », comme en Suisse ou en Belgique. Le métier de psychomotricien n'existe pas dans certains autres pays. Les orthophonistes sont appelés « logopèdes » en Belgique et « logopédistes » en Suisse, et ainsi de suite. Si j'encourage une évolution de ces professions vers la pratique avancée, il faut donc comprendre qu'elle se limitera à un champ français, et qu'elle devra rester acceptable pour la population. Cela signifie qu'elle devra rester compréhensible, et que les nouveaux professionnels devront rester identifiables. Sur le terrain, les IPA sont précisément aujourd'hui confrontés à cette difficulté de ne pas être identifiés. Une communication est nécessaire à cet égard. Chaque fois qu'on imagine un nouveau métier, il est indispensable de le promouvoir et de s'assurer qu'il répond à une réelle demande de la population. Les professionnels le rappellent en permanence. Ce qu'ils souhaitent, c'est travailler au cœur de leur métier et nulle part ailleurs.

Madame Wonner, vous posez la question fondamentale de l'importance que nous accordons à nos soignants. Je ne pourrai pas y répondre moi-même, mais je pense que nous y apportons une réponse chaque fois que nous leur apportons une forme de reconnaissance. L'évolution de leur formation constitue une telle reconnaissance, qui est très importante et très attendue de leur part. Il faut demander à chacun ce qu'il souhaite, et non pas imaginer ce qu'il souhaiterait. Si les professionnels de santé sont à ce point demandeurs à ce sujet, c'est qu'il est réellement important pour eux. Cela doit finir par nous interroger, et nous devons accélérer ce processus. À cet égard, il faut quand même reconnaître que la DGOS a vraiment accéléré le travail de réingénierie de très nombreuses professions, représentant près des deux tiers des professions paramédicales. Un tiers d'entre elles sont cependant encore laissées « sur le bas de la route ». Le calendrier est très serré. Ce problème n'ayant pas été traité durant près de vingt ans, la charge de travail est très importante et rattraper le retard accumulé prendra du temps. Cette accélération est néanmoins indispensable.

Vous parlez également de valoriser l'humain. Tous les professionnels ont ainsi rappelé qu'ils souhaitaient travailler dans leur cœur de métier, qui consiste à s'occuper des autres. Il n'est donc pas possible de valoriser leurs professions si l'on ne comprend pas qu'il s'agit de métiers du soin, dont les professionnels ne souhaitent pas qu'ils s'intellectualisent. Ils veulent que leurs professions soient universitarisées pour qu'elles aient accès à la recherche paramédicale, ce qui est indispensable pour les améliorer, mais ils veulent quand même rester centrés sur leurs métiers en tant que tels, et non devenir des intellectuels, mais rester des techniciens, qui sachent réaliser les gestes, les actes cliniques, et poser des diagnostics.

M. Dharréville a posé la question des salaires. L'universitarisation et la promotion des professions paramédicales seraient nécessairement suivies d'une revalorisation des salaires. Les plus inégalement traités à cet égard étaient peut-être les masseurs kinésithérapeutes en milieu hospitalier qui, après cinq ans d'études, ne relevaient que d'une grille indiciaire à bac + 3. De telles inégalités considérables sont en train d'être supprimées, mais elles ont persisté durant de nombreuses années. Les salaires en milieu hospitalier sont vraiment revus à la hausse par le ministère de la santé, mais il a besoin de continuer à progresser et peut-être de changer de méthode, car certaines professions sont encore oubliées : vous avez parlé des préparateurs en pharmacie, mais d'autres professions, et parfois même certains infirmiers, sont oubliés également, parce qu'ils ne relèvent pas des périmètres concernés.

M. Michels a posé de nombreuses questions sur la démographie et l'évolution des professions, comme sur les passerelles existantes entre aides-soignants et infirmiers. Je ne dispose pas de chiffres à ce sujet. Plusieurs articles publiés dans des revues spécialisées ont montré que la « légende urbaine » selon laquelle de nombreux infirmiers quittaient leur profession ne pouvait s'appuyer sur aucun chiffre existant. Il s'agit donc davantage d'un ressenti que d'un fait objectif. Il est néanmoins certain qu'un véritable mal‑être existe dans l'ensemble des professions, et chez les infirmiers en particulier, qui, suite à la crise sanitaire, sont nombreux à dire envisager de changer de métier, pour quitter l'hôpital notamment, car les conditions de travail y sont devenues trop pénibles pour eux. Le manque de reconnaissance est également très mis en avant, ce qui montre l'importance de s'orienter vers une universitarisation.

M. Michels a aussi évoqué la question du grand âge. Si ce rapport met en avant la nécessité de faire évoluer la formation, c'est aussi parce que le monde du soin et de l'aide aux personnes est bien l'un des secteurs où les besoins en recrutement seront les plus importants dans les années à venir. Les effectifs manquent déjà beaucoup dans certains secteurs et dans certaines professions, et nous en manquerons encore plus à l'avenir. Une augmentation en nombre des effectifs de toutes les professions est indiquée dans un tableau du rapport, mais elle reste très insuffisante au regard des besoins de la société. Ces besoins en recrutement nécessitent de rendre le secteur aussi attractif que possible en accordant une reconnaissance aux professionnels.

M. Perrut a parlé d'un « défi » : c'en est un, auquel nous sommes confrontés depuis longtemps. Promouvoir l'interprofessionnalité constitue une demande très forte de la part des professionnels, et surtout des étudiants, qui entrent dans leur vie professionnelle en se rendant compte qu'ils ne connaissent rien aux autres professions. Ils ont émis de nombreuses propositions pour y remédier, et des actions ont été mises en place en ce sens, mais qui restent largement insuffisantes. Des enseignements communs avec les autres professions peuvent parfois être mis en place lorsque les professions sont universitarisées, mais des moments d'échanges, et des échanges de rôle ou des exercices communs de simulations sont très demandés. Ils existent déjà dans certains centres hospitaliers universitaires, mais représentent un coût et ne sont pas suffisamment développés. Créer des colloques interprofessionnels fait également partie des propositions. Une multitude de petits gestes et d'enseignements sont ainsi à mettre en place systématiquement dans l'ensemble des professions, de l'aide-soignant au médecin, pour permettre de mieux comprendre quel est le rôle de chacun dans l'architecture de santé.

Comment simplifier les procédures d'admission ? Depuis maintenant deux ans, Parcoursup est devenu la règle, ce qui a déjà considérablement simplifié l'admission pour l'ensemble des professions. Les études infirmières constituent ainsi la formation la plus demandée à Parcoursup. Tout n'est cependant pas simple. La réforme des études médicales, avec la mise en place du parcours accès santé spécifique (PASS) et des licences avec option accès santé (LAS), a beaucoup complexifié leur lisibilité. Les kinésithérapeutes par exemple ont le choix entre quatre filières – PASS, LAS, sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ou première année de licence de biologie – pour suivre leur première année. Certes, les étudiants ne savent pas toujours exactement ce qu'ils souhaitent faire après le bac, mais l'essentiel est alors de prévoir des passerelles. Il n'est pas possible de laisser certains étudiants, dans des zones d'indécision, accumuler durant plusieurs années des connaissances générales qui ne soient pas spécifiques à un métier et ne les spécialise pas réellement dans une profession. Pour devenir ergothérapeute, il faut s'y consacrer durant trois ans, et non passer deux années en cursus universitaire généraliste avant d'intégrer le parcours d'ergothérapeute. Les étudiants savent quand ils veulent s'engager dans de tels métiers, et il faut pouvoir les y aider.

Les psychomotriciens sont également les seuls à ne pas avoir affaire à Parcoursup.

Monsieur Belhaddad, vous parlez du manque de professionnels. Combien de places sont ouvertes dans nos territoires ? Ce sont actuellement les régions qui décident de ce nombre de places. L'universitarisation n'impliquera pas nécessairement de changement à cet égard. Il sera possible de laisser les régions décider du nombre de places qu'elles peuvent créer. Augmenter le nombre de ces places constitue cette fois un coût certain à intégrer au niveau des régions, l'État dispensant seulement les trames d'enseignement et les maquettes de formation. La première conséquence de l'universitarisation sera le développement du nombre de places en formation, ce qui est indispensable dans un secteur où les recrutements seront considérables. Penser que le reste de l'Europe pourra venir répondre aux besoins constitue un non‑sens, car ces besoins sont absolument universels, et chaque pays a besoin de ses propres professionnels. Il n'est donc pas possible de penser qu'ils nous enverront leurs professionnels, d'autant plus que leur formation sera très différente si nos propres professionnels ne sont pas universitarisés. Il faut donc procéder par étapes, commencer par l'universitarisation, ensuite ouvrir des places supplémentaires, puis créer des passerelles. Le monde est à nous : à nous de nous en saisir.

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Il me semblait que la formation des kinésithérapeutes ne passait plus par les PASS et LAS. Elle a donc peut-être été déjà simplifiée, du moins en France.

Par ailleurs, vous avez évoqué treize professions qui devraient être universitarisées. Il faudrait cependant selon moi expliquer quels sont ces métiers aux jeunes avant qu'ils aient à s'inscrire sur Parcoursup. Il leur est aujourd'hui demandé à 17 ans de cocher une case, alors qu'ils ne savent pas en quoi ces métiers consistent. Pour davantage valoriser les formations à ce type de professions, avant même de réformer ces formations en elles-mêmes, ne serait‑il pas plus judicieux d'aider les conseillers d'orientation et les professeurs à expliquer la nature de ces métiers, au niveau du moins des lycées, et en lien avec l'éducation nationale ? Il n'est pas possible selon moi de demander à des jeunes de 18 ans de choisir ou non la carrière d'ergothérapeute. À titre personnel, je ne savais pas en quoi consistait le métier d'ergothérapeute à 18 ans, et je ne suis pas sûre de le comprendre totalement à mon âge, car personne ne m'a jamais parlé de ce métier. Une telle approche aiderait probablement aussi à fluidifier l'ensemble des formations possibles, à mieux déléguer certaines tâches et sans doute à harmoniser les formations au niveau européen.

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L'orientation constitue un problème global en France.

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Elle constitue en effet un problème tout court. Les conseillers d'orientation sont là pour aider les élèves qui entrent au lycée à savoir quel métier choisir. Ils y ont trois ans, non pas pour les orienter définitivement, mais au moins pour les informer sur les métiers existants et sur les possibilités ouvertes. Je ne sais pas comment est conduite l'information sur les professions paramédicales dans les établissements, mais elle est visiblement insuffisante. Votre remarque sur les ergothérapeutes est très pertinente. Comme celle de pédicure-podologue ou de psychomotricien, l'ergothérapie est d'ailleurs une profession que l'on choisit généralement par défaut, lorsqu'on n'a pas réussi à obtenir une formation au « métier phare » d'infirmier. En effet, les élèves qui arrivent à 18 ans au bac ne connaissent pas l'ensemble des professions. Ces professions paramédicales, mal connues, sont alors placées en dixième choix, même si les étudiants sont ensuite satisfaits d'intégrer ces formations.

C'est pourquoi aussi il est nécessaire de simplifier ces filières. Il existe des milliers de BTS : comment un conseiller d'orientation pourrait-il informer les lycéens de l'existence de chacun d'eux ? De plus, un élève qui par exemple demandera comment devenir diététicien, métier qui commence à être connu, pourra se voir conseiller de devenir nutritionniste, métier qui demande moins d'études, alors qu'en fait les deux métiers souhaitent désormais être fusionnés. Par ailleurs, plusieurs diplômes et différentes études permettent de devenir diététicien, selon différents PASS en fonction des régions. Il s'agit donc d'un sac de nœuds, pour lequel un véritable toilettage est nécessaire.

Les conseillers d'orientation devraient également pouvoir signaler que les professions paramédicales sont très sollicitées, présentent des niveaux de recrutement très importants et permettront de trouver très rapidement et facilement un emploi. Avec les mesures de revalorisation des salaires et d'universitarisation que nous promouvons, il s'agit également de métiers qui offriront de véritables perspectives d'évolution de carrière. Universitariser le métier de psychomotricien permet, et permet seul, de continuer par exemple à évoluer après avoir exercé le métier de psychomotricien durant quinze ans. Même si cela ne relève pas de mes compétences, il me semble donc que les conseillers d'orientation devraient mettre l'accent sur ces professions, qui plaisent aux étudiants qui s'y forment, et surtout recrutent. Ces arguments me semblent plutôt attractifs.

Les kinésithérapeutes peuvent bien toujours passer par la voie PASS‑LAS, mais toutes les universités ne proposent cependant pas des places de kinésithérapeutes en PASS ou en LAS : il faut donc dans certaines régions passer par STAPS ou une licence de biologie pour devenir kinésithérapeute. La situation est donc très disparate sur les territoires. Une réingénierie qui se termine actuellement permettra cependant de valider les cinq années d'études des kinésithérapeutes en leur accordant le grade de master, donc une reconnaissance qui sera suivie d'une reconnaissance salariale et statutaire.

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Je vous remercie d'avoir évoqué dans votre rapport ces treize professions qui sont rarement citées.

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Je remercie également la rapporteure et la félicite pour la qualité de ses travaux comme de ses réponses aux questions des députés.

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Je souhaite également remercier très chaleureusement les services de l'Assemblée, sans lesquels ce rapport n'aurait pu exister.

En application de l'article 145, alinéa 7, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'information.

La séance s'achève à dix‑huit heures cinq.