Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 16 décembre 2021 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 16 décembre 2021

La réunion est ouverte à 9 h 20.

Audition publique sur le thème : « Covid long, quelle connaissance et quelle prise en charge ? » (Jean-François Eliaou et Gérard Leseul, députés, Florence Lassarade et Sonia de La Provôté, sénatrices, rapporteures)

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Chers collègues, je vous souhaite la bienvenue pour cette audition publique organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui va nous permettre d'avancer dans l'étude de ce que l'on appelle le Covid long. En avril 2021, l'Office avait déjà organisé une audition publique sur les symptômes prolongés après une infection au Covid. Ses enseignements ont été intégrés dans le rapport intitulé « Les aspects scientifiques et techniques de la lutte contre la pandémie de Covid‑19 » qui a été publié en juillet 2021. Ce rapport formulait plusieurs recommandations. Les quatre rapporteurs souhaitent aujourd'hui faire le point sur les avancées intervenues depuis huit mois dans la compréhension des mécanismes et la prise en charge du Covid long.

Le Covid long désigne l'absence de retour à un état normal de santé après une infection à la Covid-19. Il est une réalité de plus en plus reconnue. Cependant les mécanismes à l'origine de ce syndrome multi-systémique sont encore mal identifiés et la recherche sur le sujet se poursuit. Par ailleurs, il n'existe pas encore de consensus concernant la prise en charge et l'accompagnement des malades, bien que de nombreuses initiatives intéressantes aient été mises en place. C'est pour cela que l'audition publique d'aujourd'hui sera structurée en deux séquences : la première tentera d'éclairer les raisons pour lesquelles on ne peut toujours pas élucider complétement les mécanismes à l'origine du Covid long. Au cours de la seconde séquence, nous nous demanderons si l'on pourra bientôt prendre en charge de façon correcte les patients souffrant du Covid long.

Je précise que l'audition est diffusée en direct sur le site Internet de l'Assemblée nationale, et sera ensuite disponible en vidéo à la demande. Les internautes peuvent soumettre des questions en ligne en se connectant sur la plateforme de gestion des questions à partir d'un ordinateur ou d'un téléphone portable. Certaines questions pourront ainsi être posées aux participants.

La première séquence de l'audition publique est placée sous l'autorité scientifique du docteur Olivier Robineau, infectiologue au Centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS - Maladies infectieuses émergentes. Il était responsable de la session Covid long lors du colloque de l'Institut Pasteur consacré aux avancées scientifiques sur la Covid (29 septembre-1er octobre 2021). Il a aussi été coordinateur d'une session sur le Covid long lors des Journées de Nancy, qui étaient la première manifestation scientifique nationale portant spécifiquement sur le Covid long et qui s'est déroulée le 19 novembre dernier. Sa parole est donc particulièrement autorisée.

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Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes

Merci beaucoup, Madame la présidente, de me faire l'honneur de pouvoir présenter ces travaux, tenter de faire un état des lieux de la recherche et expliquer pourquoi le sujet de ce jour est extrêmement compliqué.

Quelques diapositives vont vous être présentées. L'objectif est de montrer, à travers quelques exemples tirés de la littérature scientifique, que la question est éminemment complexe et qu'il va falloir faire preuve à la fois de nuance et d'ouverture d'esprit pour considérer les différentes possibilités physiopathologiques qui guident cette pathologie et qui sont probablement très intriquées.

La première diapositive, par laquelle je commence toujours, est très importante : il s'agit de la photographie, publiée dans le British Medical Journal en 2020, de la lettre d'une patiente ayant contracté le Covid-19 pendant la première vague, dans laquelle elle détaille les symptômes qu'elle a présenté et présente encore longtemps après. C'est de là qu'est venue l'expression « Covid long », qui est d'abord apparue sur les réseaux sociaux au sein de la communauté des patients concernés. Cette terminologie est ainsi étroitement associée à la forme ambulatoire de la pathologie, alors que la Covid entraîne aussi des conséquences pour les personnes ayant été hospitalisées.

Il est dès lors plus juste, si l'on veut réfléchir à un niveau plus général, de parler d'« état post-Covid », et c'est d'ailleurs ce terme, « post-Covid condition » en anglais, qui est utilisé par l'OMS.

Je vais m'intéresser assez longuement à la définition de cet état, parce que c'est nécessaire quand on fait de la recherche : pour pouvoir comparer différents travaux scientifiques, suivre les cas, il faut des définitions précises.

À l'heure actuelle, l'« état post-Covid » n'a toujours pas de définition précise, même si la notion est un peu plus claire. La problématique est celle de la chronicité : au bout de combien de temps peut-on parler de post-Covid ? On peut répondre de façon arbitraire : trois semaines pour le long, trois mois pour le chronique – c'est ce qui a été décidé très rapidement en Angleterre. On peut aussi utiliser un critère épidémiologique : ce serait alors la durée à partir de laquelle un nombre de patients anormal quoique faible présente encore des symptômes, et l'on pourrait ainsi décider qu'au-delà de la phase aiguë de la maladie, soit trois semaines, commence l'état post-Covid. Enfin, comme l'a fait la Haute Autorité de santé, on peut donner une réponse très pratique, qui ne constitue pas une définition à proprement parler mais tente de circonscrire la problématique : la durée à partir de laquelle il existe des interrogations sur la cause ou à partir de laquelle une prise en charge spécifique ou adaptée peut être proposée. Ce type de réponse très pragmatique existe déjà en médecine, dans d'autres situations : les diarrhées sont par exemple dites chroniques au bout de quelques semaines, ce qui signifie simplement que c'est à partir de ce moment que l'on va faire des examens complémentaires pour en chercher la cause et soigner les patients. Concernant l'état post-Covid, on s'est raisonnablement dit qu'au-delà d'un mois, il fallait faire des investigations pour éliminer la possibilité d'autres étiologies et pouvoir prendre en charge les patients rapidement.

La question de la définition de l'état post-Covid nécessite de s'intéresser aux populations concernées. S'agit-il de patients hospitalisés ou ambulatoires ? On se rend compte aujourd'hui que les deux catégories formulent plus ou moins les mêmes plaintes. La distinction faite initialement entre hospitalisés et ambulatoires a donc peut-être moins de fondement aujourd'hui.

L'état post-Covid est-il défini par des symptômes spécifiques ou une association spécifique de symptômes ?

Enfin, la définition d'une maladie se fonde en général sur une origine physiopathologique. Si un marqueur pouvait déterminer une cause physiopathologique de l'état post-Covid, ce serait très facile, mais ce n'est malheureusement pas le cas. C'est le problème ici, car beaucoup d'hypothèses demeurent.

L'OMS a proposé une définition, en utilisant la méthode Delphi : un panel d'experts a répondu à un ensemble de questions sur ce qui devait ou non entrer dans la définition, avec une gradation. La définition ainsi obtenue est celle-ci : on peut parler d'affection post-Covid lorsqu'il y a des antécédents d'infection probable ou confirmée par le SARS-Cov-2, et des symptômes présents trois mois après l'infection, persistant au moins deux mois, et ne pouvant être expliqués par un autre diagnostic.

Dans l'expression « infection probable ou confirmée », on aperçoit déjà la question de la sensibilité des tests et de la sur-attribution au Covid-19 de patients présentant des symptômes évocateurs et néanmoins non atteints.

La suite de la définition de l'OMS pose problème, toujours à cause de cette sur-attribution possible : « Les symptômes peuvent être d'apparition nouvelle après un rétablissement initial, à la suite d'un épisode de Covid-19 aigu, ou persister après la maladie initiale. Les symptômes peuvent également fluctuer ou récidiver au fil du temps. » Il faut évidemment que ces symptômes n'aient pas une autre explication physiopathologique ou une autre étiologie. Avec cette deuxième partie de la définition, on a ainsi le risque d'attribuer au Covid tous les événements cliniques survenant dans les mois qui suivent une infection au Covid. L'OMS le dit d'ailleurs clairement, qualifiant cette définition d'octobre 2021 de transitoire : elle sera amenée à être modifiée au fur et à mesure des découvertes.

Sur quoi ces définitions se fondent-elles ? En premier lieu, sur l'épidémiologie descriptive. Considérons la prévalence de cet état post-infectieux, en reprenant notre distinction entre patients ambulatoires et hospitalisés. Les données concernant les patients hospitalisés sont assez similaires selon les régions, malgré quelques différences : globalement, plus de 50 % de patients se plaignent d'au moins un symptôme au-delà de six mois. Pour les patients ambulatoires, il y a une grande variabilité selon les régions : cela tient essentiellement à la méthodologie utilisée et probablement aux populations sur lesquelles les études ont été faites. J'aime beaucoup une étude qui a été réalisée aux Îles Féroé très tôt dans la pandémie. L'ensemble des patients de ces îles avaient pu être suivis et 53 % d'entre eux avaient encore au moins un symptôme après quatre mois.

L'étude suisse du docteur Mayssam Nehme, qui interviendra tout à l'heure, fait partie des meilleures études jamais réalisées sur le suivi des patients ayant consulté pour leurs symptômes : 32 % des patients ont encore au moins un symptôme à J+45 jours, et un taux proche après 7 mois de suivi.

Dans l'étude du National Institute for Health Research (NIH), environ 10 % des patients britanniques étudiés ont encore un symptôme après trois mois.

Enfin, une étude internationale parue dans Nature Medecine, majeure, estime à 2,6 % les personnes encore symptomatiques à 84 jours. La réserve que l'on doit émettre est qu'il s'agit d'une estimation minimale, et que les patients ont été suivis de manière séquentielle : l'étude a considéré que les personnes qui n'étaient plus suivies et qui présentaient moins de trois symptômes lors de leur dernier examen étaient guéries. Or on sait aujourd'hui que la plupart des patients ont moins de trois symptômes. Cette étude sous-diagnostique donc la prévalence du Covid long. Mais elle reste excellente sur un certain nombre de points qui ont apporté assez tôt, en janvier 2021, une lumière sur le Covid long.

Au sujet de la présentation clinique et des facteurs de risque, l'étude suisse a suivi les patients au moment du diagnostic, entre 35 et 45 jours après, et entre 7 et 9 mois après. Sur la partie haute de la diapositive on trouve les symptômes recherchés initialement : il s'agissait de la liste élaborée lors de la première vague, qui a été augmentée par la suite. Dans la partie basse, on trouve les symptômes additionnels qui ont été recherchés au cours du suivi de ces patients. On voit que les patients présentant au moins un symptôme représentaient 44 % du total entre 30 et 45 jours après le diagnostic et 39 % de 7 à 9 mois. Les symptômes les plus prévalents sont l'asthénie, l'anosmie, les céphalées, la dyspnée, les myalgies et la toux. Cette étude ne permet pas encore de dire si ces symptômes sont vraiment tous attribuables au Covid, car ils sont assez communs, en dehors de l'anosmie qui est le seul symptôme vraiment spécifique et qui reste très importante – il y a ainsi 15 % d'anosmiques à 9 mois. Les autres symptômes peuvent être trouvés dans d'autres états pathologiques. Toute la question est donc de savoir quelle est la part de ces symptômes attribuable au Covid.

Quels sont les facteurs de risque connus ou discutés ? Parmi les facteurs les moins contestés, nous trouvons l'hospitalisation, ou le contact avec l'hôpital, autrement dit la sévérité de la maladie. Plus le patient a eu un Covid sévère, plus il a des symptômes qui persistent. On trouve également la présentation clinique initiale « bruyante » : un certain nombre d'articles montrent ainsi que plus les patients ont eu de symptômes, pour ceux suivis en ambulatoire, plus certains de ces symptômes persistent. On peut noter une particularité du symptôme de l'anosmie, qui peut apparaître de façon isolée lors de la phase d'infection et persister de façon isolée chez un certain nombre de patients. Enfin, l'âge et le sexe féminin ont été identifiés comme facteurs de risque d'avoir des symptômes persistants.

Parmi les facteurs de risque discutés, une publication évoque le faible taux d'anticorps. C'est possible, mais je reste prudent pour des raisons méthodologiques : l'étude n'était pas initialement faite pour cela, et il faudrait d'autres travaux pour confirmer ce point. Sans entrer dans des considérations calculatoires, disons qu'il faut prendre ces résultats avec certaines limites indiquées d'ailleurs dans l'étude.

À partir de l'image qui est ainsi dressée – les multiples symptômes évoqués par les patients, la comparaison entre les Covid longs et les Covid « courts », une première approche des facteurs de risque –, le problème majeur qui apparaît est qu'en dehors de l'anosmie et l'agueusie, les autres symptômes sont peu spécifiques. Ceci crée deux risques opposés : une sur-attribution au Covid de symptômes communs à d'autres pathologies, retardant le diagnostic de celles-ci ; à l'inverse, une sous-attribution au Covid des symptômes ressentis, entraînant la recherche d'autres causes, avec une multiplication d'examens inutiles et l'anxiété afférente. Il y a donc lieu de chercher si certains symptômes sont vraiment associés au Covid, c'est-à-dire à la fois s'ils sont plus présents que dans d'autres situations – on doit alors comparer les personnes faisant un Covid-long aux personnes n'ayant pas eu le Covid – et si les patients « Covid long » présentent des symptômes similaires ou non à d'autres infections.

Il faut partir du fait que le Covid long est un état post-infectieux. Or, de nombreux autres états post-infectieux existent, par exemple après une grippe : chacun connaît des personnes qui ont eu une grippe et disent ne pas s'en être remises six mois après. La question est de savoir si les symptômes et les hypothèses physiopathologiques sont les mêmes ou diffèrent selon ces états post-infectieux. A-t-on affaire à quelque chose de générique ou y a-t-il des mécanismes spécifiques et des particularités sémiologiques et cliniques dues à l'agent pathogène initial ?

Sur ce sujet, on dispose de très peu de travaux. L'un des premiers, un article de Havervall et al. publié dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), comparait les états à 2 mois et à 8 mois chez des soignants : 26% des soignants ayant été atteints du Covid présentaient au moins un symptôme pendant 2 mois, au lieu de 9 % chez les soignants ayant une sérologie négative ; pour les personnes présentant au moins un symptôme pendant 8 mois, les taux étaient respectivement 15 % et 3 % ; les symptômes rapportés étaient des troubles du sommeil, des céphalées, des palpitations, des troubles de la concentration, des douleurs musculaires, des troubles de la mémoire, une anosmie, de la fatigue, soit une liste assez importante.

L'étude n'a pas réalisé d'ajustements permettant de rendre comparables les groupes examinés : on peut imaginer qu'un groupe contiendrait peut-être des patients plus âgés, ou davantage d'individus d'un sexe plutôt que de l'autre. Des ajustements, en prenant des personnes de même âge, de même sexe, etc., auraient peut-être produit d'autres résultats.

Pour autant, cette étude est importante car elle est la première à s'être intéressée à la question de la qualité de vie : dans les trois dimensions du travail, de la maison et de la vie sociale, on trouve une qualité de vie altérée chez les personnes séropositives au Covid par rapport aux séronégatives.

L'article de Wanga et al. paru dans le Morbidity and Mortality Weekly Report est à l'heure actuelle la meilleure étude qui compare des personnes ayant eu le Covid et des personnes ne l'ayant pas eu. L'échantillonnage met en rapport des groupes d'Américains comparables, ce qui est très important. L'étude montre par exemple que la fatigue est ressentie par 34 % de personnes ayant eu le Covid et 28 % de personnes ne l'ayant pas eu, soit une différence de 6 points. On voit que ces symptômes sont très fréquents et que la part attribuable au Covid n'est pas négligeable. Pour le changement de l'odorat (symptôme très associé au Covid), c'est respectivement 26 % et 3,9 %. Pour la dyspnée, c'est 24 % et 12 % ; pour la toux, c'est 22 % et 11 %. Fait intéressant, les résultats sont inversés pour certains symptômes : les troubles du sommeil et les douleurs musculaires paraissent moins fréquents chez les personnes ayant eu le Covid que chez les personnes ne l'ayant pas eu. Ce sont pourtant des plaintes régulières chez les patients. Il faut donc réussir à faire la part des choses. Les diarrhées ne sont ainsi pas plus fréquentes chez les patients ayant eu le Covid.

Il est important de comparer ce qui est comparable : deux études ont comparé des personnes ayant eu le Covid et d'autres pathologies, notamment la grippe, sans doute la pathologie respiratoire qui s'en approche le plus en termes de gravité et comme phénomène épidémique. Il y a eu très peu de grippes pendant la pandémie, ce qui limite la portée de ces travaux, car on compare des patients qui n'ont pas été suivis pendant la même période. Ainsi le fait même de la pandémie, du confinement, avec ses conséquences psychologiques, n'a pas pu être pris en considération.

La première de ces études inclut à la fois des patients suivis en ambulatoire et des patients hospitalisés – la deuxième, que je ne présenterai pas, s'intéresse uniquement aux personnes hospitalisées. Les différences entre les patients ayant eu le Covid et les autres concernent à peu près tous les symptômes : anxiété, douleurs abdominales ou thoraciques, myalgies, etc. Ils sont plus importants chez les patients ayant eu le Covid.

On peut s'étonner car dans l'étude précédente, les différences étaient moindres. Mais on y considérait des personnes testées positives, prises dans la population générale, alors qu'ici on s'intéresse à des personnes qui ont consulté pour le Covid, ce qui signifie probablement que leur cas est un peu plus sévère. Ce que ces chiffres suggèrent, c'est que l'état des personnes qui consultent pour le Covid est plus sévère que celui des personnes qui consultent pour une grippe.

Il demeure donc une question : avec des symptômes équivalents en nombre ou en intensité, le Covid et la grippe entraînent-ils des symptômes similaires ? Quelques données, pas encore publiées, suggèrent qu'il y a très peu de différence entre le Covid et un autre état infectieux, à intensité initiale comparable. Mais cela reste encore à discuter et à démontrer.

En résumé, sur la problématique de l'épidémiologie, il faut caractériser soigneusement le public étudié – population générale, personnes ayant consulté pour leurs symptômes, personnes ayant été hospitalisées, avec ou sans un passage en réanimation, etc. – car les résultats diffèrent selon les catégories. Par ailleurs, la plupart des travaux ont concerné la première vague, mais les travaux à venir vont s'intéresser aux autres vagues, portées par d'autres variants. Nous n'avons pas encore de données quant à d'éventuelles différences selon les variants, il faudra là aussi faire attention au fait que les notions de prise en charge, d'anxiété, d'angoisse, de contexte épidémique se sont modifiées depuis la brutalité de la première vague et du premier confinement.

Dans le domaine physiopathologique, un article excellent, bien qu'un peu ardu, paru dans la revue Cell, reprend les différentes hypothèses. Pour rappeler ce qu'est le Covid : on a tout d'abord la phase aiguë, maintenant bien connue, qui correspond à la phase virale initiale avec ses symptômes viraux classiques : le nez qui coule, le petit essoufflement, la toux, les douleurs diffuses – à peu près ceux d'une grosse grippe. Ensuite, il peut y avoir une petite amélioration, puis les symptômes repartent : c'est ce qu'on appelle la phase inflammatoire. Le virus est probablement toujours un peu présent et l'inflammation apparaît ; c'est une défense de l'organisme, et c'est elle qui est délétère et responsable de la gravité de la maladie. Il y a bien sûr des personnes qui ne tolèrent pas la première phase, virale, mais chez la grande majorité des patients, c'est la phase inflammatoire qui n'est pas tolérée. Cela a un impact thérapeutique important, dont le grand public a entendu parler dans les médias : les traitements antiviraux et les traitements par anticorps, qui agissent sur le virus, donc pendant la première phase, et qu'il faut administrer très tôt, ont peu ou pas fonctionné sur les patients hospitalisés. Pour la phase inflammatoire, il faut des corticoïdes, ainsi que d'autres traitements immunosuppresseurs, ou immunomodulateurs, qu'on utilise dans d'autres maladies inflammatoires chroniques.

Après cette phase, les symptômes évoluent ; certains peuvent disparaître, d'autres apparaître. Plusieurs questions se posent : le virus disparaît-il ou est-il encore présent, par exemple sous la forme d'un réservoir caché ? L'inflammation persiste-t-elle ? Peut-elle augmenter ? Le virus peut-il même déclencher d'autres processus inflammatoires ? C'est une chose assez connue en médecine : il existe des déclencheurs viraux qui conduisent à d'autres pathologies. Au sujet du Covid, il y a eu très peu de diagnostics de maladies auto-immunes, alors qu'on pensait qu'il y en aurait beaucoup. Il y a eu notamment toute une discussion autour de la thyroïdite, l'inflammation de la thyroïde, or les données semblent finalement montrer qu'il n'y en a pas plus chez les personnes ayant eu le Covid, voire un peu moins. Il y a enfin une dernière question : persiste-t-il une inflammation chronique, celle-ci pouvant être associée à la persistance d'un virus ou en être complètement indépendante, dans une sorte d'autonomisation de l'inflammation ? Il existe d'autres infections virales qui peuvent persister longtemps dans l'organisme, par exemple l'infection au cytomégalovirus (CMV) ou au virus d'Epstein-Barr (EBV), la fameuse mononucléose. Chacun connaît des personnes ayant eu une mononucléose à l'âge adulte et qui sont restées fatiguées pendant six mois ou un an. Ce sont des virus dont la persistance est démontrée ; ils appartiennent à la grande famille des herpès, qui peuvent réapparaître et entraîner une inflammation parfois chronique. Bien que quelques cas aient été décrits, les coronavirus ne sont pas censés pouvoir rester longtemps dans l'organisme. L'hypothèse de la persistance virale comme explication de l'état post-Covid est parmi les moins probables, bien que les données actuelles de la littérature scientifique ne permettent pas de l'exclure et qu'il faille donc l'investiguer avec sérieux.

Je rappelle par ailleurs qu'il y a de multiples interactions possibles entre les cellules, et qu'elles vont mobiliser des mécanismes de défense qui peuvent être inappropriés.

Le tableau que je vous présente maintenant est tiré d'un article publié il y a deux mois dans la revue Frontiers in immunology : soixante-dix patients qui avaient des symptômes modérés ou importants à l'hôpital ont été comparés à des individus sains. Un grand nombre de marqueurs de l'inflammation, de régulateurs de l'inflammation, ont ainsi été dosés – moins de trois mois se sont écoulés depuis l'infection – et l'on voit qu'un certain nombre de protéines de l'inflammation sont anormalement exprimées chez les personnes qui ont eu le Covid.

De multiples articles ont été écrits sur ce sujet : la plupart ont porté sur des patients sévèrement atteints, parce qu'on les avait « sous la main », et il était sans doute dès lors plus facile de trouver quelque chose, car la gravité de la maladie entraîne des anomalies beaucoup plus visibles. L'étude citée permet de formuler diverses hypothèses : certains globules blancs, les monocytes CD16+, sont persistants et induisent la production d'une protéine IL6, qui entraîne des lésions pulmonaires. Y aurait-t-il chez les patients peu sévères une sécrétion locale a minima de cette protéine, entraînant des lésions pulmonaires et expliquant la persistance de la dyspnée, qu'on ne verrait pas sur une imagerie standard ? Cela fait partie des hypothèses.

Le TNF-alpha est une autre protéine de l'inflammation, qui active un certain nombre de cellules de l'inflammation, dont on peut imaginer qu'elles ont un impact sur certains symptômes, comme la fatigue.

L'étude, qui est assez originale, a mis en évidence les complexes immun-IgA. Ce sont des anticorps particuliers qui s'attachent à une autre protéine, et l'on retrouve cette association dans d'autres pathologies auto-immunes et dans d'autres maladies inflammatoires chroniques.

On trouve donc sur des patients à moins de trois mois des analogies avec d'autres maladies, des anomalies, dont le lien avec les symptômes reste cependant sujet à débat. Le défi majeur consiste à savoir s'il s'agit d'une convalescence longue, avec des anomalies qui vont finir par disparaître, ou d'une autonomisation d'un processus inflammatoire. La cinétique de l'état clinique doit être prise en compte : il va falloir attendre la disparition des anomalies et voir si ce retour à la normale est associé ou non à la disparition des symptômes.

Un autre article publié dans Frontiers in immunology a procédé à une revue de la littérature et fait le point, selon les symptômes – la diapositive n'en indique que trois : symptômes respiratoires, syndromes cardio-vasculaires et troubles du système nerveux central –, sur les manifestations cliniques, les lésions que l'on peut détecter avec les techniques standard d'imagerie, et les hypothèses associées. Pour chaque atteinte, la liste des hypothèses est très longue. Tout reste donc très ouvert. Est cité à différents endroits le rôle de l'hypoxie sur l'atteinte du système nerveux central, le rôle de l'inflammation ou de l'invasion virale : toutes ces hypothèses sont évoquées, mais aucune ne se détache réellement.

Il est important de faire un point sur les troubles fonctionnels, dont on entend beaucoup parler. On gagne d'ailleurs toujours à travailler sur ce sujet, car on trouve une part fonctionnelle dans toute pathologie chronique. Que sont les troubles fonctionnels ? Ce ne sont pas une maladie imaginaire, mais une véritable maladie, avec de vrais symptômes qui persistent sans pouvoir être expliqués par une dysfonction de l'organe qu'ils désignent. Ces symptômes sont l'apanage des pathologies chroniques. Il y a des facteurs de risque, notamment psychologiques mais pas uniquement, pour la persistance de ces symptômes. Il y a également des facteurs d'entretien de nature comportementale ; par exemple, le patient va éviter de faire les actions qui le fatiguent, et cet évitement entraîne en retour une baisse de la capacité à accomplir ces actions.

Les troubles fonctionnels ont probablement une part dans le Covid, mais il reste à démontrer s'ils expliquent tout ou partie des symptômes. Il est néanmoins très important de les rechercher, de les étudier et de les prendre en charge, et l'on doit noter qu'il y a à l'heure actuelle très peu de publications sur cette thématique.

En conclusion, les symptômes persistants post-Covid existent et sont polymorphes. Ils ne sont pas spécifiques de la pathologie, en dehors de l'anosmie et de l'agueusie, et ils n'éliminent pas des étiologies différentes aboutissant à des symptômes proches. La réflexion sur les phénomènes post-infectieux est donc un enjeu majeur de santé publique, tant pour les pathologies que l'on connaît que pour des pathologies futures, car nous ne sommes pas à l'abri de nouvelles émergences. C'est pourquoi il est nécessaire de faire de la recherche multidisciplinaire. Enfin, nous devons prendre conscience de la nécessité d'améliorer la prise en charge post-traitement des infections aiguës. En effet, il n'existe pas vraiment de suivi pour la plupart des pathologies de ville. Que se passe-t-il six mois ou an après avoir eu une grippe sévère, un EBV ou un CMV ? Les données sont très parcellaires.

Je termine en rappelant qu'un appel à projet sur le Covid long a été ouvert, du 8 novembre au 1er décembre ; les dossiers sont en cours d'arbitrage et l'on espère connaître très rapidement la liste des projets acceptés. Il y aura une deuxième session du 1er février à la mi-mars 2022, les dates étant à confirmer, et l'on y retrouvera probablement certains projets soumis en première session qui n'étaient pas alors assez mûrs. On a cherché pendant un an des équipes pour travailler sur ce sujet. Il a été compliqué d'en trouver, parce que les chercheurs étaient débordés. Sans parler d'engouement, le sujet suscite un intérêt véritable : des projets sont déposés, et depuis notre appel, plusieurs chercheurs nous contactent pour monter d'autres projets sur des questions qui n'ont été que très peu évoquées.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Merci beaucoup Docteur Robineau. Je vais donner la parole aux co-rapporteurs.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

J'ai participé à l'une des auditions conduites dans le cadre de l'examen de la proposition de loi tendant à créer une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la Covid-19. Je pense que le public a tendance à assimiler beaucoup de symptômes au Covid long, et des questions commencent à se faire jour sur la façon de bien cerner les personnes pouvant présenter un Covid long. Ayant une formation de pédiatre, je m'intéresse particulièrement à l'éventuel Covid long de l'enfant. J'ai bien entendu que le risque d'avoir un Covid long est en rapport avec l'intensité de la phase aiguë. Les pédiatres voient aussi des enfants qui décrochent sans que l'on ait étudié de près leurs symptômes initiaux, d'autant que le Covid est souvent asymptomatique chez eux. J'ai l'impression qu'on surestime le risque pédiatrique. Qu'en pensez-vous ?

Nous avons auditionné au mois d'avril dernier l'association #ApresJ20 dont j'ai revu par la suite certains membres. Je me souviens notamment d'une personne qui présentait des symptômes très impressionnants, très essoufflée, sous oxygène. J'entends bien qu'il s'agit peut-être de troubles fonctionnels, néanmoins il faut chercher s'il n'y a pas quelque chose qui se passe, au plan organique, avec ce virus sans équivalent jusqu'alors. Je ne suis pas sûre qu'on ait pu, à l'époque, évaluer les états pathologiques au long cours résultant de l'épidémie de grippe espagnole. Avez-vous des éléments à ce sujet ?

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Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes

Toutes ces questions sont majeures.

Je ne suis pas pédiatre, mais les enfants présentent effectivement moins de symptômes – on verra si c'est toujours le cas avec les nouveaux variants. L'étude britannique Clocks montre que certains enfants qui ont eu le Covid ont tout de même des symptômes qui persistent. A priori la sémiologie n'est pas tout à fait la même que chez les patients adultes : les céphalées et la fatigue sont prédominantes et l'on observe également des décrochages scolaires. Il reste à savoir si ces événements sont vraiment dus au virus, ou plutôt au contexte, d'où l'importance de faire des études comparatives avec des enfants qui n'ont pas eu le Covid.

Sur le deuxième sujet, il y a effectivement des patients qui sont sous oxygène, et dont les pathologies associées au Covid sont très importantes : on voit ainsi beaucoup de myocardites, d'inflammations du cœur, en consultation. Les symptômes post-Covid ont à l'évidence une part organique, mais comme les symptômes persistent, les troubles fonctionnels s'installent. Ce n'est donc pas dichotomique. Souvenons-nous, dans ce débat, que l'on parle d'une maladie émergente ; on aimerait avoir très vite des réponses tranchées, or la première phase de l'épidémie a montré que cela ne marchait pas comme ça. Il y a des incertitudes, il faut de la nuance, et plusieurs hypothèses physiopathologiques se superposent probablement.

Sur la persistance de l'inflammation et le caractère purement lésionnel, certaines personnes ont pu n'être pas hospitalisées mais avoir des lésions pulmonaires sévères. On sait en effet que les symptômes initiaux des patients Covid sont sous-estimés, pour des raisons que l'on ne connaît pas encore très bien. Ils arrivent à l'hôpital, heureux et hypoxiques : c'est la « happy hypoxia ». Ils ressentent très peu l'absence d'oxygène dans leur sang, ce qui est étonnant pour une pathologie d'apparition brutale et aiguë. Il y a une réelle dissociation entre les symptômes présentés et les marqueurs biologiques de la sévérité. C'est très difficile pour la prise en charge des cas aigus : un soignant sans expérience de cela ne s'attend pas à ce que l'état d'un patient puisse se compliquer si vite et qu'il doive aller en réanimation en l'espace de quelques heures. En réalité, le processus était déjà engagé et les patients étaient déjà dans un état grave mais ne le sentaient pas. Une hypothèse est donc que des patients non hospitalisés ont présenté des formes plus sévères que ce que l'on croit. Des travaux sont en cours, notamment en France, où une équipe s'intéresse à des patients suivis uniquement en ville et qui ont eu besoin d'un peu d'oxygène sans devoir aller à l'hôpital. Il s'agit sans doute d'une population intermédiaire, entre les personnes qui n'ont pas été identifiées comme hypoxiques et d'autres qui sont allées à l'hôpital. Ce sont des choses très importantes à étudier.

S'agissant des conséquences pathologiques à long terme de la grippe espagnole, l'existence de syndromes post-infectieux est bien connue dans l'histoire de la médecine, notamment quand un nouveau virus émerge. Après la grippe espagnole, des épidémies de troubles neurologiques ont été rapportées. À la fin du xixe siècle, il y a eu de grands épisodes de fatigue et de troubles neurologiques à la suite de la grippe russe – qui était probablement un coronavirus et non un virus de grippe. On pense aussi que Mozart est mort d'un syndrome post-infectieux ; il y avait à ce moment-là à Vienne une épidémie de « fièvre spumeuse », c'est-à-dire des œdèmes que l'on peut attribuer à un purpura rhumatoïde et que l'on trouve également en état post-infectieux. Ainsi, le fait qu'il y ait des épidémies avec des conséquences à moyen et à long terme est déjà décrit par le passé, même si c'était moins suivi qu'aujourd'hui.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

Merci beaucoup de cette présentation très éclairante. On est confrontés depuis plusieurs années à des pathologies polymorphes dont on ne sait pas encore si elles sont ou non fonctionnelles, et l'on s'interroge depuis une dizaine d'années sur ce qu'on peut regrouper sous le terme de pathologie post-infectieuse. Il est étonnant que l'on ne parvienne pas à avancer davantage sur ce sujet. Quelle est la part des viroses dans les pathologies post-infectieuses ? Avez-vous le sentiment que le syndrome post-infectieux est lié à un phénomène viral, à une infection virale initiale, plutôt qu'à un autre type d'agent pathogène ? On parle de la mononucléose infectieuse, des herpès, des syndromes post-grippaux, etc.

En ce qui concerne les enfants, on a beaucoup évoqué les états rappelant les syndromes de Kawasaki ; en l'espèce, il y a des choses identifiées sur le plan anatomopathologique, qui sont loin des troubles fonctionnels. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Lors de la première audition publique qu'avait organisée l'Office sur le Covid long au printemps 2021, nous avions noté l'émergence de symptômes végétatifs, notamment une inadaptation à l'effort persistant, chez des personnes très actives sur un plan physique, voire chez des sportifs. Vous avez évoqué des dyspnées persistantes, mais pas ce symptôme précis, qui inclut des tachycardies ou une polypnée après avoir monté trois ou quatre marches ; ce sont pourtant des éléments qui semblent assez spécifiques. Cet ensemble de symptômes est-il particulièrement suivi ?

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Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes

En ce qui concerne l'étiologie virale des symptômes persistants, il est vrai qu'on a tendance à penser par analogie : on sait que certains virus ont ces conséquences, et l'on se dit que ce doit être le cas de tous les virus. C'est en effet possible, et certaines personnes ont notamment du mal à se remettre de certains virus respiratoires. Il y a également pour certaines pathologies une hypothèse virale sous-jacente.

Y a-t-il d'autres agents pathogènes entraînant des symptômes persistants ? Après un certain nombre d'infections, avec des états inflammatoires importants, comme des pneumo-pathologies non virales mais bactériennes, certains patients peuvent avoir du mal à se rétablir et l'on peut trouver une discordance entre l'imagerie et la radiologie. Ce sont en fait des sujets très peu étudiés. Je n'ai pas vraiment d'explication à cela, si ce n'est que c'est compliqué car les épisodes sont aigus et les patients ne sont pas nécessairement suivis une fois sortis de l'hôpital. La recherche de médecine de ville sur ce genre de sujet n'est pas non plus très développée. Le phénomène pandémique actuel est donc l'occasion de regarder tous ces phénomènes avec sérieux. Quant à savoir si c'est uniquement le virus ou l'infection qui entraîne les syndromes de fatigue chronique, je ne m'avancerai pas puisque les symptômes ne sont pas spécifiques et qu'il y a certainement plusieurs causes.

Je ne suis pas pédiatre, mais il est évident qu'il y a des processus inflammatoires anormaux, aberrants, chez certains patients, dont le PIMS (syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique) est une manifestation extrême chez les enfants. Ces symptômes existent, ces mécanismes physiopathologiques et purement organiques existent ; en revanche, on ne sait pas si les formes minimales de symptômes persistants sont le fait de mécanismes similaires à ceux du PIMS, ou si elles n'ont rien à voir.

Le sujet de l'inadaptation à l'effort est assez difficile. On avait évoqué aux premiers temps de la pandémie de nombreux cas qui présentaient des troubles dysautonomiques, c'est-à-dire que la pression artérielle et le rythme cardiaque ne sont pas adaptés à l'effort ; on imaginait alors que ceci révélait une atteinte du système nerveux qui gère le stress – c'est-à-dire la réaction à une situation – et l'adaptation à l'effort, avec la modification de la pression artérielle et du rythme cardiaque. En fait, lorsque l'on fait des investigations poussées, en regardant par exemple si les patients transpirent de façon correcte, on en trouve très peu dont les symptômes authentifient un trouble dysautonomique. Seraient-ce des troubles a minima, avec malgré tout une lésion nerveuse ? Cela reste à démontrer.

Une autre hypothèse est celle d'une désadaptation majeure à l'effort. Mais pourquoi serait-elle si intense et si brutale ? On ne le sait pas. Le traitement passe par la rééducation, mais un certain nombre de patients la supportent mal car elle entraîne des symptômes. Il est alors difficile de doser la prise en charge du patient selon les conséquences de l'effort, en évitant d'arrêter totalement la rééducation. La question est physio-phatologique : quelle est la part de la dysautonomie ? de la désadaptation à l'effort ? Nous n'avons pas encore la réponse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci beaucoup pour cette présentation très détaillée et pour vos réponses. N'étant pas médecin, contrairement à mes collègues, je vais poser des questions très naïves. Vous avez dit tout à l'heure que ce diagnostic était souvent difficile à établir, en évoquant des risques de sur-attribution et de sous-attribution. Quels sont en fait les risques associés à un mauvais diagnostic du Covid ?

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Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes

Votre question est la problématique centrale dans la prise en charge des patients.

Le risque est d'abord celui du retard dans la prise en charge. Avec une démarche assez pragmatique de remise à l'effort, de soutien psychologique, d'explication des symptômes, de traitement symptomatique, beaucoup de patients s'améliorent. Et on a l'impression, très empirique car il n'y a pas de travaux là-dessus, que plus vite on prend les patients en charge, plus vite ils retournent au travail dans la mesure où ils peuvent le faire, et mieux ils évoluent. On manque de données scientifiques, mais ce sentiment est très partagé par les soignants.

Le deuxième risque, avec la surattribution, est sinon de réaliser un faux diagnostic, du moins de passer à côté d'un diagnostic différentiel, c'est-à-dire qui se surajoute au Covid long. En consultation, dans mon hôpital, 15 % des patients venus pour un Covid long repartent avec un autre diagnostic, et probablement le Covid long en plus. On a ainsi dépisté des insuffisances surrénaliennes – c'est rare mais ça existe –, ou bien des cancers chez des personnes fatiguées. Dans ces cas, l'attribution au seul Covid long aurait conduit à des conséquences extrêmes. A l'inverse, écarter la possibilité du Covid long peut aussi mener à une errance et un retard de prise en charge. Pour l'instant, cette dernière est certes très symptomatique, mais elle soulage vraiment les patients.

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Ludovic Haye, sénateur

Merci pour ces propos et pour votre présentation très complète. Je ne suis pas médecin non plus et ma question sera donc celle de l'honnête homme. Une proposition de loi a récemment été examinée, qui traitait de l'autorisation ou de l'interdiction d'exercer certains métiers en fonction de certaines pathologies. J'imagine que perdre l'odorat est très compliqué lorsque l'on travaille dans la parfumerie, la gastronomie ou l'œnologie par exemple. J'imagine aussi que pour un sportif professionnel, il est difficile de ne pas avoir récupéré sa capacité respiratoire. Je souhaiterais donc connaître le niveau de reconnaissance du Covid long aujourd'hui.

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Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes

Cette question, qui est majeure, dépasse sans doute le sujet de la recherche et sera sans doute davantage développée dans la deuxième partie de l'audition.

Il y a maints niveaux de reconnaissance. Le premier est celui du cercle familial, qui ne comprend pas toujours pourquoi les personnes sont fatiguées alors que les examens ne donnent rien. Il y a ensuite la reconnaissance dans le cercle professionnel : au prétexte que les examens ne montrent rien – malheureusement, tout se sait –, on considère que les personnes n'ont rien. L'un des grands maux aujourd'hui, qui dépasse le seul sujet du Covid, est que l'on considère qu'il faut des examens et des résultats pour diagnostiquer un état pathologique, alors qu'en fait, de nombreux diagnostics ne nécessitent pas de traces biologiques ni d'examens. Cette idée est très répandue dans la population et chez certains médecins.

Le troisième niveau de reconnaissance est celui de la santé publique, avec notamment la notion d'affection de longue durée (ALD). La difficulté vient de ce qu'il faut se demander à partir de quand on doit réorienter les personnes dans leur vie professionnelle ou leur proposer une prise en charge à 100 %. Il faut discuter de cela avec des médecins experts, car il y a probablement une différence d'appréciation entre les médecins du travail et ceux de la sécurité sociale quant à la prise en charge de ces patients. Il faut former le personnel médical – médecins généralistes, hospitaliers ou de sécurité sociale – à cette pathologie du Covid long, mais leur intérêt manifeste est d'ores et déjà un point très positif. Ainsi, les « réponses rapides » de la Haute Autorité de santé ont été lues par de nombreux médecins : une étude évoque le chiffre de 15 à 20 %, ce qui peut paraître peu mais est en réalité très important – on dit qu'un consensus médical met dix ans à entrer dans les pratiques. L'intérêt pour le sujet est là, et avec des lectures et de l'information, la reconnaissance suivra. Je n'aborderai pas en revanche les questions juridiques telles que celle de l'ALD, qui ne sont pas de mes compétences.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

J'ai moi aussi une question, qui donnera peut-être de l'espoir puisqu'on dispose maintenant d'un recul de deux ans sur tout ceci. Y a-t-il des patients, qui ont eu un Covid long selon la définition que vous en avez donnée, et qui ont connu récemment des améliorations ?

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Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes

Oui, c'est certain. Une grande majorité des patients s'améliore, et régulièrement certains guérissent. Pour autant, le secteur hospitalier a probablement affaire aux patients les plus symptomatiques, et qui vont probablement le rester le plus longtemps, quelle qu'en soit la cause. En ville, on trouvera plus souvent des patients qui s'amélioreront, spontanément ou après une prise en charge qui commence à s'organiser. Il y a effectivement une note d'espoir. L'amélioration se fait par vagues : les gens ont des symptômes a minima, avec des épisodes plus ou moins importants d'exacerbation, et il est rarissime que ces symptômes s'aggravent avec le temps ; au pire, c'est stable – ce qui est déjà terrible pour les patients qui ont des symptômes très importants ; le plus souvent, l'état de santé s'améliore avec le temps. On pense qu'il y aura toujours des personnes dont les symptômes persisteront ; celles-ci devront faire l'objet d'études particulières et dans toutes les dimensions.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

J'ai une dernière question concernant le symptôme a priori le plus caractéristique, l'anosmie – avec l'agueusie, la première étant peut-être la raison de la seconde – qui semble fréquent en Covid long, puisque l'on signale régulièrement des anosmies persistantes. Ne pourrait-on pas constituer une « cohorte » de patients anosmiques ? Certaines anosmies étant peut-être d'origine anatomopathologique, n'est-ce pas un phénomène intéressant à étudier sur un plan étiologique ?

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Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes

Des cohortes sont suivies dans beaucoup de centres hospitaliers. L'anosmie est effectivement le symptôme pour lequel les hypothèses physiopathologiques sont les plus avancées, comme la destruction du récepteur. Ce symptôme qui se retrouve très fréquemment chez les personnes présentant un Covid long semble ne pas être corrélé aux autres symptômes. L'agueusie et l'anosmie mobilisent peut-être des mécanismes différents, même si cela reste à démontrer.

L'anosmie est un symptôme majeur, et très fréquent chez les Covid long : elle concerne 15 % environ des patients à 7 ou 8 mois. Elle est par ailleurs très handicapante. Les études que j'ai présentées ont en commun d'évoquer très peu la notion d'intensité, qui nécessite notamment la mise en place d'échelles. Ainsi, parmi ces 15 %, quelle est la part d'anosmies complètes et partielles ? Le problème est identique pour les autres symptômes : la fatigue très intense dont les patients se plaignent est impossible à différencier, dans la plupart de ces études, d'une fatigue modérée. D'autres études sont nécessaires, ainsi que l'élaboration d'échelles particulières, pour voir l'évolution de ces différents symptômes au cours du temps.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Merci Docteur. Nous allons maintenant prendre les questions des internautes.

Première question : « La plupart des pays développés ont reconnu le Covid long pédiatrique et ont ouvert des centres multidisciplinaires de prise en charge des malades mineurs. Qu'attend la France pour s'aligner sur ces avancées internationales ? Les actions existent, alors que les patients sont en errance et font parfois face à un déni de diagnostic. »

Deuxième question : « Je suis Covid long depuis 20 mois et doublement vaccinée depuis mars 2021 ; je voudrais savoir si la troisième dose ne posera pas de problème. »

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Dr Olivier Robineau, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing, coordinateur de la stratégie Covid long de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes

La plupart des médecins sont d'accord sur le fait que le Covid peut avoir des conséquences chez les enfants. La Haute Autorité de santé est d'ailleurs en train de rédiger une fiche sur ce sujet. En revanche, la prise en charge nécessite un circuit et des réseaux qui manquent encore. Je suis évidemment d'accord avec l'internaute pour dire qu'il faut prendre en charge ces enfants et que cela reste insuffisamment fait à l'heure actuelle.

Il n'y a pour l'instant pas de données indiquant que la vaccination entraînerait une aggravation ou une amélioration des symptômes du Covid long. Le nombre de patients présentant des symptômes persistants n'est pas assez important pour pouvoir dire que les choses iraient dans un sens plutôt que dans un autre. A ce stade, la vaccination ne semble pas changer grand-chose. Chez certains patients, les symptômes semblent s'aggraver pendant quelques jours ; chez d'autres, on n'observe rien. En tout état de cause, le schéma vaccinal doit rester le même, chez les Covid longs comme chez les Covid courts, en considérant la première injection.

Une question revient régulièrement : la vaccination protège-t-elle du Covid long ? Il faut d'abord répondre qu'elle permet de diminuer le nombre de cas : elle protège du Covid long parce qu'elle protège du Covid. La deuxième partie de la réponse concerne les personnes ayant eu le Covid alors qu'elles étaient vaccinées, puisque c'est une chose qui arrive. Prenons l'hypothèse, pas encore démontrée, selon laquelle plus on a de symptômes du Covid, plus on a de chances d'avoir un Covid long. Si l'on retient cette idée d'un lien entre le nombre de symptômes initiaux et l'évolution vers un Covid long, on peut imaginer que des personnes vaccinées, ayant moins de symptômes lorsqu'elles contractent néanmoins le Covid, auront moins de symptômes persistants. Certes cela reste à démontrer, mais tout plaide pour la vaccination.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Merci beaucoup. Nous allons passer maintenant à la seconde séquence de la matinée, autour de la problématique suivante : « Pourra-t-on bientôt prendre en charge de façon correcte les personnes souffrant du Covid long ? ».

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Pr. Catherine Tourette-Turgis, enseignante à Sorbonne Université, fondatrice de l'Université des Patients visant à l'éducation thérapeutique du patient, membre du Conseil scientifique de l'association #ApresJ20

‑ Je vous remercie de m'avoir invitée. Je vais essayer de faire un point sur ce qui a déjà été fait en termes d'accompagnement, de donner quelques éléments d'analyse, de faire un nouveau point très rapide sur les besoins des malades, et de formuler quelques propositions et recommandations.

Dans le monde des sciences humaines et sociales, on est souvent obligé de commencer par indiquer d'où l'on parle, ce que l'on fait et qui l'on est. Je suis chercheure, praticienne, fondatrice et directrice de l'Université des Patients-Sorbonne. J'ai une expérience et une expertise cumulées dans le champ de l'accompagnement psychosocial des malades et de l'innovation pédagogique dans le soin, et j'ai travaillé vingt ans sur le VIH, dont dix ans aux États-Unis et dans neuf pays différents d'Afrique. En quoi consiste notre travail, dans notre domaine ? J'ai mis en place des dispositifs très concrets d'accompagnement, comme un counseling pré et post-test de VIH. J'ai mis en place un essai clinique sur l'observance thérapeutique, puisque le traitement par prise d'antirétroviraux nécessitait 95 % d'observance thérapeutique ; l'essai clinique a montré qu'avec une intervention médicale de type empathique plutôt qu'autoritaire, l'observance thérapeutique était meilleure. J'ai modélisé des interventions psychosociales, toutes fondées théoriquement. Dans les maladies chroniques, j'ai réussi à conceptualiser sur un plan méthodologique plus de cinquante programmes en éducation thérapeutique dans plus de quinze pathologies différentes et dix pays différents.

En 2010, j'ai fondé l'Université des Patients-Sorbonne (je reviendrai plus tard sur son implication dans le Covid long) ; en s'appuyant sur les dispositions de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST), de la loi de modernisation de notre système de santé, du plan 2002, il s'agissait de créer des parcours diplômants pour des malades qui désirent transformer leur expérience en expertise au service de la collectivité. Nous avons à ce jour diplômé 250 malades. Ils sont dans les services de santé, les services d'oncologie, les centres de santé, et dans la cité. L'université propose un diplôme en oncologie, destiné à des patients en cours de rétablissement qui iront ensuite travailler dans les services d'oncologie comme patients partenaires en faisant totalement partie des équipes. Elle propose également un diplôme en éducation thérapeutique ainsi qu'un diplôme Démocratie en santé où il s'agit de donner des outils aux étudiants patients qui désirent conduire des plaidoyers, faire avancer leur condition, savoir comment travailler avec les agences de santé, créer des associations, etc.

En 2016, je me suis intéressée au rétablissement après le cancer – il y a peut-être là une piste transposable au Covid long. Il ne suffit pas d'être déclaré guéri d'un cancer pour être rétabli, et nous avons mis en place des parcours de rétablissement après la phase intensive des traitements. J'ai identifié, à partir des consultations de surveillance du professeur Joseph Gligorov, à l'hôpital Tenon, les problèmes qui restaient à traiter par les patients et j'ai modélisé une intervention en posant les six composantes du rétablissement : sociale, professionnelle, médicale, psychologique, économique, existentielle. Il existe aussi un modèle de rétablissement dans le domaine de la santé mentale, qui peut sans doute nous aider à trouver des solutions – j'ai ainsi inventé les cafés du rétablissement. Il faut rappeler que 3,8 millions de personnes ont survécu à un cancer, dont un million en âge de travailler. Parallèlement, pour les cancers de très bons pronostic, 26 % de personnes ont quitté leur emploi au bout de deux ans. Il y a donc bien quelque chose à faire.

Je me suis intéressée très vite aux conséquences psychosociales du confinement ainsi qu'au Covid long. J'ai apporté bénévolement mon aide, en participant aux consultations du professeur Salmon et en travaillant avec l'association #ApresJ20. L'Université des Patients-Sorbonne a mis en place un groupe de travail et d'action en partenariat avec la chaire de philosophie à l'hôpital, en embauchant un jeune chercheur anthropologue, Jean Chomette, qui nous écoute en ce moment. Nous avons produit une revue internationale sur l'impact psycho-social, l'analyse de récits de patients, et nous avons lancé une campagne « Un jour une diapositive » – elle est en cours – pendant cent vingt jours afin de diffuser des savoirs académiques sur l'impact psychosocial. Nous sommes en train de finaliser une master-class sur la façon dont on peut devenir patient partenaire dans le Covid long. L'objectif est que les patients intègrent toutes les instances où l'on parle de Covid long, c'est-à-dire où l'on parle d'eux et de leur prise en charge. Il serait ainsi possible de partir de leur expérience vécue ou d'une formation qu'ils auraient reçue, et de les intégrer immédiatement, ce qui aurait d'ailleurs le mérite d'apaiser un peu le conflit – ou tout au moins le déséquilibre – dans la relation entre le médecin et le patient. Nous avons testé il y a quelques mois une nouvelle formule, un webinaire sur la place du patient dans le système de santé, pour expliquer à la fois ce qu'est le système de santé et les voies permettant au patient d'y être présent. Quatre-vingt-trois personnes y ont participé, alors même que la communication avait été minimale.

Que sait-on de l'expérience vécue par les patients ? Le Covid long est lourd de conséquences ; on peut même aller jusqu'à dire qu'il nécessite presque un état d'urgence, en tout cas dans la prise en charge du patient. Mais nous manquons de connaissances, il y a des lacunes dans la prise en charge, on assiste à une désinstitutionalisation du cours de vie, à une disqualification de la parole du patient, qui subit parfois une rupture biographique, des difficultés économiques, des conséquences morales, existentielles, émotionnelles, à la fois pour lui-même et pour son entourage et sa famille. Il y a trop peu d'associations de patients, une défiance médicale assez inexpliquée, des souffrances, des symptômes non soulagés, une stigmatisation. Évoquons enfin le problème de la prise en charge des difficultés dans l'aboutissement de dossiers d'affections de longue durée (ALD) : on sait très bien que ce n'est pas parce que des dispositifs législatifs existent qu'on parvient à les faire concrètement fonctionner.

Il est intéressant de faire des comparaisons avec d'autres pathologies, pour tenter d'en tirer des enseignements.

Au début du VIH, dans les années 1983-1987, au moment où le test n'existait pas encore, le tableau était sombre : connaissances quasi inexistantes, absence de thérapeutique, malades mis au banc de la société, rejetés par les institutions, les familles, les services sanitaires, les dentistes, les pompes funèbres, les services de soins, etc. Nous n'avons pas fait que nous poser des questions, nous nous sommes lancés dans l'action, et ce sont les malades qui nous ont guidés, ce sont les personnes directement concernées qui nous ont indiqué nos priorités. Les associations de malades relevaient de deux paradigmes : d'un côté, les associations centrées sur l'accompagnement et la délivrance de services, de l'autre celles centrées sur la résistance et la lutte, sachant qu'on avait compris qu'il fallait sans doute mieux s'adresser à la société qu'à l'État. Pour le VIH comme pour le Covid long, c'est l'expérience collectée par les malades eux-mêmes qui a guidé les premiers raisonnements médicaux ; en témoigne par exemple la construction de la définition du Covid long. Le point commun entre le VIH, le cancer, les pathologies mentales et le Covid long est que les survivants sont vulnérables et fragilisés socialement. Il ne suffit pas d'être guéri sur un plan médical, déclaré guéri, supposé guéri, pour être rétabli. La médecine est organisée autour du modèle de « l'aigu », ce qui a pour conséquence que le parcours de rétablissement n'est pas reconnu comme une étape importante dans le parcours de soin. C'est un point faible.

Cela a été dit et redit : les malades ont besoin à la fois de traitements qui soulagent leurs symptômes, de soins de qualité, et de comprendre ce qui se passe. On peut, selon la formule consacrée, être allongé dans son lit et debout dans sa tête. Il faut donc une approche capacitaire de la vulnérabilité du patient. Accompagner un patient, c'est d'abord prendre soin de son expérience vécue : on ne peut pas se contenter de lui dire qu'il est anxieux et qu'on n'a rien à lui proposer. Il faut dès lors inventer de nouveaux cadres, des espaces d'accompagnement adaptés, y compris sous des formes numériques, puisque les personnes sont souvent trop fatiguées pour venir consulter. Les malades et leurs proches, qu'il s'agisse d'adultes, d'enfants, de familles, ont besoin qu'on vienne défendre leur vie, leur santé, leur récit, leurs expériences. Comment participer à la construction de leur propre parcours de rétablissement ? En partant d'eux. Les patients doivent pouvoir bénéficier d'une prise en charge en affection de longue durée (ALD) et savoir comment la mettre en œuvre. Il nous faut cesser de disqualifier les récits des malades, en combinant l' evidence base medicine et la narrative base medicine, un courant extrêmement important déjà enseigné dans les facultés de médecine. Car s'il y a bien un lieu où le patient a le droit d'exprimer sa plainte, c'est chez un médecin.

Dans les recommandations et les propositions, peut-être faudrait-il faire des déclarations d' attention, car peut-être les déclarations d'intention ne suffisent-elles pas. Il faudrait ainsi intégrer les patients partenaires, comme on a su le faire dès les années 2012-2014 en santé mentale, mettre en place une collaboration réciproque entre le patient et le soignant. Beaucoup d'initiatives existent en termes d'information, d'orientation, de ressources, de recours en rééducation, réadaptation, soins de suite. Je propose d'intégrer des patients partenaires dans toutes ces initiatives, dans les instances de décision de santé et dans les instances de recherche, au sein des équipes de soins, et lorsqu'il y a une prise en charge. Cela se fait déjà pour d'autres pathologies. Il faudrait peut-être appliquer au Covid long le modèle de la « charte des 11 engagements » de l'Institut national du cancer (INCa), pour améliorer l'accompagnement des salariés et mettre en place une démarche cohérente de retour en emploi. Cela implique de travailler avec les personnes concernées, c'est-à-dire les salariés des entreprises, les managers, les services de ressources humaines, les collègues de travail. Nous l'avons fait dans quatre entreprises, notamment en mettant des antennes « cancer et travail » dans une entreprise de 25 000 salariés. Nous avons ainsi formé 150 personnes. On s'est aperçu que ces antennes n'ont fonctionné que lorsque les patients salariés ou les proches concernés se sont inscrits comme volontaires : alors seulement les autres salariés sont venus. Si l'impulsion vient du manager ou de la direction des ressources humaines, les salariés se méfient. Lorsque les salariés concernés dirigent ces antennes et travaillent avec les managers ou la direction des ressources humaines, on obtient des résultats. Il faudrait former des pairs aidants, former des patients partenaires, sur le modèle de la « pair-aidance » en santé mentale et en oncologie, dans un grand nombre de pathologies ; sensibiliser et plaider pour le devoir de soins et le droit au rétablissement ; prévenir la crise de confiance et l'errance thérapeutique, ce qui permet d'éviter que les malades aillent « acheter leur santé » n'importe où. Il faudrait étudier la question du genre dans le Covid long : certaines spécificités du Covid long chez les femmes, certaines remontées d'information quant aux symptômes rapportés, des débuts d'études à ce sujet sont à prendre en compte et méritent des dispositifs d'accompagnement. On devrait apprendre des malades pour penser leur prise en charge. En période d'incertitude médicale, dans les situations où l'on manque de connaissances, il ne faut jamais oublier que le malade est un pôle de connaissance légitime.

Une attention particulière doit être portée aux inégalités dans l'accès aux soins et à l'information. Certaines maladies comme le cancer, mais aussi le Covid, renforcent les inégalités sociales. Il serait important de mieux coordonner les parcours de soins, peut-être de former des case managers, de prendre modèle sur ce qui se fait en santé mentale et en oncologie, avec un système des pairs professionnalisés qui interviennent dans les services avec de très bons résultats. Pour faire avancer les connaissances, en produire de nouvelles, trouver les solutions qui s'imposent, le système de santé a besoin de la parole et de l'expérience vécue des personnes directement concernées par le Covid long.

En résumé, je propose de mettre en place immédiatement les principes d'une collaboration soignant-patient ; d'intégrer des patients partenaires, en particulier dans les centres engagés dans la prise en charge et le suivi ; de collecter les expériences des patients pour augmenter les connaissances ; de se souvenir que si les malades ne se sentent pas écoutés dans les consultations médicales, ils exprimeront leur plainte et leur colère sur les réseaux sociaux.

Un malade du Covid long, c'est au moins cinq autres personnes concernées. Il faut donc aussi penser de façon systémique. Et puis il faut former les médecins de sécurité sociale, les médecins du travail sur le Covid long et sensibiliser des entreprises à ce sujet. Nous pouvons nous appuyer sur plusieurs textes : la loi 2002 ; la loi HPST qui impose la participation des usagers à l'élaboration des programmes d'éducation thérapeutique ; la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 qui recommande l'inclusion des patients et des usagers dans les instances de décision en santé ; la recommandation publiée en 2020 par la Haute Autorité de santé sur l'engagement des usagers dans les secteurs sanitaires et médicosociaux. En vingt ans, les choses ont bougé. On recommande aujourd'hui la collaboration et le partenariat, alors qu'en 2002 on pensait en termes de droits. Le recours au partenariat permet une meilleure acceptabilité. Les patients ne disent plus : « C'est notre combat », ou « c'est notre droit ». Ils disent : « On vient collaborer avec vous. »

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Je vous remercie et je passe maintenant la parole au docteur Jérôme Larché, qui est en visioconférence.

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Dr Jérôme Larché, médecin interniste et référent d'un centre Covid Long à Montpellier, membre du conseil scientifique de l'association #ApresJ20

‑ Je vais présenter la mise en place d'un parcours de soins Covid long à Montpellier, en m'intéressant tout particulièrement à la difficulté du diagnostic.

Même si les chiffres diffèrent selon les études, il semble que 10 % à 30 % des patients Covid développent un Covid long. En France, on estime que 7 millions de personnes au moins ont été diagnostiquées positives au Covid avec des tests PCR ; le Covid long concerne ainsi au bas mot 700 000 personnes. C'est donc un enjeu de santé publique et un défi pour la prise en charge.

On a déjà pu voir la nécessité de formaliser un parcours de soins structuré, fluide, utilisant si besoin la télémédecine. Étant donné le nombre de patients engagés, les tensions dans le système de santé et la démographie médicale, la prise en charge des patients va nécessiter de recourir à la télé-expertise ou à la téléconsultation.

Chacun fonctionne déjà avec son propre réseau de collègues cardiologues, pneumologues, neurologues à qui il adresse régulièrement des patients. Nous devrons activer et formaliser ces réseaux centrés sur le patient : ainsi, celui-ci ne sera plus promené d'un spécialiste à un autre, mais il sera au centre des intervenants, mobilisés autour de lui. Cette démarche n'est pas en soi très originale, mais elle nécessite, pour ces patients-là, d'être mise en place d'une façon plus formalisée.

La première étape, celle de la prise de rendez-vous, se faisait soit sur Doctolib, soit lorsque les médecins généralistes nous adressaient un patient.

La deuxième étape, celle de la consultation, avait lieu si possible en présentiel ; mais il s'agissait parfois de téléconsultations car les patients venaient de toute la France, y compris d'outre-mer. Cette étape était longue : la consultation d'un patient pour lequel on a une suspicion de Covid long nécessite un véritable travail de diagnostic. Il faut au moins 45 minutes pour recueillir l'histoire de la maladie, les symptômes, examiner les patients, refaire le point sur les bilans qu'ils ont déjà eus, et se faire une idée de l'état du patient.

La troisième étape est celle des conclusions préliminaires, avec éventuellement la prescription d'examens paracliniques, comme des échographies cardiaques, des explorations fonctionnelles respiratoires, un scanner pulmonaire, ou une IRM cérébrale, pour établir un premier état des lieux et un diagnostic. Pour les patients qui n'avaient pas eu de bilan préalable ou dont les examens étaient trop anciens ou inadaptés, nous avons mis en place, sur une journée, un parcours de soins permettant de réaliser plusieurs examens, de recueillir plusieurs avis spécialisés, de statuer sur les problématiques existantes et, le même jour, de faire une consultation de synthèse et de déterminer un parcours de soins. Pour d'autres patients, ce parcours d'une journée n'était pas nécessaire, et on complétait ce qu'ils avaient déjà fait par d'autres examens.

Ce parcours visait à écarter divers autres diagnostics n'ayant aucun rapport avec le Covid ou avec le Covid long – les symptômes de ce dernier n'étant pas spécifiques). Il permettait également, à l'inverse, d'éliminer un diagnostic erroné de Covid long, grâce aux définitions désormais admises.

L'intérêt de ce type de parcours est multiple. Il permet en premier lieu d'accélérer le diagnostic et la démarche thérapeutique. Accéder à une simple prise en charge du diagnostic est un véritable parcours du combattant pour le patient. Pouvoir le faire en une journée permet de gagner des mois entiers.

Un tel parcours est un recours pour les patients qui ne sont pas encore pris en charge, mais aussi pour les médecins généralistes, pour qui ce diagnostic n'est pas évident à établir, notamment à cause du caractère chronophage de la consultation. À cet égard, un fonctionnement plus fluide en réseau ainsi que les moyens nouveaux de la télé-expertise devraient permettre d'accélérer les choses.

Un troisième intérêt de ce type de parcours concerne la recherche clinique : il offre la possibilité d'enrichir les cohortes de patients « Covid long » et de mieux comprendre ce qui se passe, dans un contexte brumeux où plusieurs hypothèses coexistent. Les données multiples provenant de différents pays et le grand nombre de patients concernés manifestent la réalité du phénomène. Il faut l'éclaircir en établissant des typologies de patients et proposer des thérapies.

Enfin, sur un plan sociétal, un parcours de soins structuré permettrait de faire des économies de santé, en rationalisant les examens et le suivi proposés aux patients. L'errance de diagnostic est onéreuse : les personnes non prises en charge consultent quatre ou cinq spécialistes sans aucune coordination, se font prescrire des IRM ou des scanners pas nécessairement pertinents, etc. Tout cela a un coût, pour le patient, pour la sécurité sociale et pour un système de santé qui est déjà en forte tension.

Voici maintenant un bilan chiffré rapide – car je ne pense pas que ce soit le plus important : en huit mois, nous avons pris en charge plus de 500 patients, fait plus de 800 consultations et mis en place un peu plus de 140 prises en charge et soins en secteur ambulatoire. Notre planning de consultations est plein jusqu'en juin 2022, ce qui est un vrai problème car certains délais de diagnostics et de prise en charge se chiffrent encore en mois.

Une organisation de ce type ne peut se faire sans la volonté du personnel médical et de la direction de l'établissement. Ce n'est pas simplement une question de système, mais de personnes : nous avons réussi à monter cette organisation parce que nous voulions le faire, et notre établissement nous a suivis parce qu'il a jugé que c'était important. Nous avons ainsi montré qu'un parcours de soins centré sur le patient, inclusif, intégratif, était faisable. Nous avons aussi montré qu'il était efficace en termes de prise en charge du diagnostic, de prise en charge thérapeutique – même si l'on traite davantage les symptômes que les véritables causes physiopathologiques – et de suivi des patients. Car il apparaît clairement que, même en l'absence de traitement définitif et parfaitement efficace, le fait d'être pris en charge, écouté, suivi régulièrement, a un réel effet positif sur les patients. Nous avons enfin montré que ce parcours de soins est parfaitement réplicable : il ne nécessite ni structures ni bâtiments particuliers.

Les compétences et les outils organisationnels sont donc aujourd'hui à notre disposition. Il faut simplement les mettre en œuvre, dans une démarche véritablement centrée sur le patient, où, je le répète, celui-ci n'est pas à la disposition des médecins, mais où les médecins s'organisent pour être à sa disposition. La mise en œuvre n'est pas si simple. Elle nécessite une réelle volonté, un peu d'agilité organisationnelle et l'usage des technologies nouvelles. Les vagues successives de Covid ont bien montré combien la téléconsultation avait été importante pour pouvoir continuer à suivre des patients pour des pathologies autres que le Covid. Cela représente une charge de travail supplémentaire parce que les autres activités n'ont pas disparu et qu'on ne peut abandonner les patients qui ont d'autres pathologies. Cela représente également une charge psychologique, en premier lieu pour les patients qui subissent le Covid long, mais également pour les médecins. Lorsqu'on est réellement à l'écoute, que l'on voit dix à quinze patients par jour pour des diagnostics de Covid long, la charge émotionnelle se fait lourde.

Cela nécessite de faire travailler les réseaux. Les personnes existent, il faut simplement les mettre en relation et créer une dynamique autour d'un objectif commun : s'occuper de ces patients. Enfin, tout ceci nécessite des moyens humains et financiers ; la volonté seule ne suffit pas.

Aujourd'hui, la vraie difficulté est d'obtenir un diagnostic positif de Covid long, car il demeure un simple diagnostic d'élimination. Ce n'est pas parce que les outils de diagnostic manquent que le Covid long n'existe pas, et il faut poursuivre les recherches clinique et fondamentale pour obtenir ce diagnostic positif.

La question de la prise en charge par les assurances, la Sécurité sociale, les mutuelles, et celle de l'ALD (affection de longue durée) sont essentielles. Pour donner un exemple concret, 40 % des patients que je suis sont soit en mi-temps thérapeutique, soit en arrêt maladie. Ces personnes finissent par avoir des problèmes financiers, des problèmes de reconnaissance sociale et sociétale.

La première recommandation que je formule est que nous devons nous organiser mieux, en ouvrant des centres labellisés Covid long comme le font déjà certaines régions de France sous l'impulsion des agences régionales de santé (ARS). Nous avons également besoin de plateformes téléphoniques : les plateformes territoriales d'appui (PTA) disposent de numéros de téléphone où les personnes qui pensent avoir un Covid long peuvent déjà, dans certaines régions, se renseigner sur les modalités de prise en charge au niveau territorial. Il faut accompagner les cellules de coordination départementale « Covid long » pour améliorer la formation et améliorer ce maillage important. Nous avons aussi besoin de réseaux régionaux : si les politiques nationales ne se traduisent pas par des adaptations territoriales, il sera compliqué de prendre en charge les patients.

Par ailleurs, je le répète, l'usage de la téléexpertise entre médecins généralistes et spécialistes doit être étendu, tout comme celui de la téléconsultation pour le suivi de patients. Et il faut développer des réseaux, à l'échelle régionale, nationale et internationale, pour améliorer la prise en charge de ces patients, revenir sur les différentes expériences et entrer ainsi dans un cercle vertueux.

La recherche clinique et fondamentale, pourvoyeuse de preuves, est également importante, mais on ne doit pas attendre d'avoir l'ensemble des résultats pour instituer un certain nombre de prises en charge pour les patients. La question des remboursements, pour les diagnostics et la thérapie, ainsi que le soutien politique et sociétal me semblent également essentiels.

Je tiens à vous remercier pour cette audition, parce que cela manifeste votre soutien politique ou tout au moins l'intérêt que vous y portez. C'est une pierre ajoutée à cet édifice.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Je passe maintenant la parole au docteur Mayssam Nehme.

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Dr Mayssam Nehme, cheffe de clinique aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG)

Je vous remercie de m'avoir invitée à participer à cette audition. Je suis médecin chef de clinique dans le service de médecine de premier recours et coordinatrice de la consultation Covid long aux Hôpitaux universitaires de Genève, sous le mandat du professeur Idris Guessous, médecin chef du service de médecine de premier recours.

Je vais aujourd'hui partager notre expérience de prise en charge des symptômes post-Covid aux Hôpitaux universitaires de Genève. Mon collègue le docteur Robineau a présenté une synthèse très complète de la prévalence des symptômes et de l'épidémiologie, je ne m'attarderai donc pas sur ces sujets.

Dans nos études de cohorte, nous avons suivi deux groupes de personnes venues consulter avec des symptômes respiratoires dans leur phase aiguë, que nous avons pu recontacter six à douze mois plus tard. Le premier groupe, composé de personnes qui avaient souffert ou étaient atteintes du Covid, avait une prévalence de symptômes plus élevée que les personnes du second groupe, qui n'avaient pas contracté le Covid mais probablement un autre virus ou une autre infection respiratoire. Ceci dit, la physiopathologie reste à l'étude, comme l'a souligné le docteur Robineau.

Quels symptômes sont attribuables à l'infection elle-même ? Quelle est la part de la pandémie et celle d'autres facteurs ? Un taux de 10 % à 20 % de personnes gardant des symptômes persistants à la suite d'une infection au Covid est élevé et appelle une prise en charge à grande échelle. Nous avons donc imaginé une prise en charge à plusieurs niveaux.

Au premier niveau, il s'agit de sensibiliser la population, de l'informer et d'apprendre avec elle. Nous avons pour cela mis en place une plateforme nommée Rafael, qui offre des informations académiques et vérifiées sur les différents symptômes post-Covid, sur la prise en charge, et sur l'impact social. Elle permet aussi d'échanger avec les patients, leurs proches, les citoyennes et citoyens au moyen d'un outil conversationnel, le chatbot, ainsi que des webinaires. Co-apprendre est la principale vocation de cette plateforme mise en place avec les spécialistes et les patients partenaires. En effet, le SARS-CoV-2 est un virus émergent et les professionnels de santé sont encore en train d'apprendre à gérer les symptômes et l'impact social de la maladie associée. La plateforme permettant le partage d'informations peut aider à la prévention, à l'information, à l'échange entre les citoyens, la communauté et les professionnels de santé.

Certaines personnes garderont des symptômes persistants à plus long terme et elles doivent être prises en charge. La première étape est de pouvoir les identifier. Nous pensons qu'une bonne information de la population en général, mais aussi des professionnels de santé, permettrait de dépister plus facilement des cas de Covid long ou de symptômes post-Covid, d'éviter des faux diagnostics et de prendre en charge plus rapidement les personnes venant consulter leur médecin traitant – c'est celui-ci qui devrait intervenir en premier lieu. Cette prise en charge implique des investigations pour exclure d'autres causes, ainsi qu'un suivi et aussi une bonne coordination dans le réseau primaire, que ce soit en ville ou autour du patient.

Si les symptômes persistants sont multiples ou très invalidants, s'ils ne s'améliorent pas, ou s'il y a aussi une dimension sociale ou médicale complexe, les patients doivent avoir accès à une consultation spécialisée. Comme l'a dit le docteur Larché, une consultation spécialisée nécessite non seulement une coordination multidisciplinaire, mais un consensus d'experts discutant des cas et décidant ensemble d'une prise en charge. Aux Hôpitaux universitaires de Genève, les patients ont accès directement à cette consultation spécialisée. La première évaluation est très complète et mesure avec des échelles validées l'intensité des symptômes persistants : la fatigue, l'essoufflement, le malaise post-effort, les troubles de concentration, les troubles du sommeil, etc. Nous allons par la suite discuter du dossier avec une coordination des soins. Nous imaginons également des collaborations multiples et interdisciplinaires, pour prendre en charge les conséquences médicales, mais aussi sociales et professionnelles de ces symptômes persistants.

Certaines personnes atteintes du Covid sont traitées en ambulatoire, mais d'autres vont malheureusement devoir être hospitalisées durant la phase aiguë, avec un passage en soins intensifs. Pour celles-ci, il existe une consultation post-soins intensifs, qui préexistait à l'épidémie de Covid ; cette consultation multidisciplinaire prend en compte tous les aspects médicaux et psycho-sociaux de la prise en charge.

Les patients qui sont hospitalisés sans passer par les soins intensifs et ceux qui sont traités en ambulatoire sont quant à eux pris en charge en premier lieu par leur médecin traitant.

J'insiste sur l'importance d'une coordination des soins pour la prise en charge de personnes atteintes de plusieurs symptômes simultanés ou dont les symptômes ont un fort impact sur la capacité fonctionnelle. Il est très important de pouvoir continuer à suivre ces patients, en leur donnant des traitements quand ils seront disponibles et en évaluant les conséquences de leurs symptômes sur leur vie sociale et professionnelle.

À Genève, les personnes traitées en ambulatoire ou en post-hospitalisation qui gardent des symptômes persistants ont accès directement à la consultation post-Covid – dans d'autres villes, cela dépend des différents systèmes de santé. Cela signifie qu'ils peuvent nous être envoyés par leur médecin traitant ou venir directement. Cette consultation prévoit une évaluation complète du patient, de chaque symptôme et de ses conséquences et, par la suite, une discussion régulière et multidisciplinaire entre médecins de premier recours, cardiologues, infectiologues, dermatologues, médecins en otorhino-laryngologie, neurologues, psychiatres, rhumatologues et pneumologues. Tous, autour d'une même table, discutent ainsi des cas à présenter et de leur prise en charge.

À ce jour, la prise en charge reste centrée sur la réadaptation et l'enseignement thérapeutique, à la recherche d'autres traitements dans le futur. Il est très important que la capacité fonctionnelle soit prise en compte dans l'évaluation et le parcours de soins.

En utilisant une échelle scientifiquement validée pour évaluer la capacité fonctionnelle, notre équipe Covicare a pu établir que les personnes ayant eu le Covid ont, à l'issue d'un délai de 6 à 12 mois, un score deux fois plus faible que les personnes ne l'ayant pas eu. Ce résultat n'est pas encore évalué par les pairs mais il est significatif. Cette dimension devrait donc être intégrée à l'évaluation des personnes atteintes et à leur parcours de soins.

Aujourd'hui, quels sont les besoins de la population générale, des professionnels de santé et du système dans son ensemble ? Comme l'a dit le docteur Larché, les patients se trouvent parfois dans une situation d'errance médicale et il est très important de pouvoir leur offrir un parcours de soins organisé et structuré pour éviter les retards de diagnostic. La coordination et la consultation multidisciplinaire sont indispensables pour pouvoir prendre en charge plusieurs symptômes à la fois, ou un spectre de symptômes ayant des conséquences à la fois personnelles, professionnelles et sociales chez la personne atteinte.

La reconnaissance est très importante. Elle progresse chez les patients adultes et il faut qu'elle progresse également en pédiatrie car je pense que les prochaines vagues toucheront les enfants. Depuis mai 2021, les Hôpitaux universitaires de Genève ont une consultation multidisciplinaire pédiatrique et la demande ne cesse malheureusement d'augmenter.

Enfin, il faut pouvoir agir sur les facteurs de prévention du Covid long. Comme l'a mentionné le docteur Robineau, la vaccination ne pourrait-elle pas agir en prévention, même si l'on ne sait pas si elle peut agir en thérapie ? Peut-on, en diminuant les symptômes dans la phase aiguë, diminuer le risque de symptômes persistants ?

Pour ce qui est de la recherche, il nous faut trouver des traitements médicamenteux et des thérapies, pour pouvoir offrir aux malades davantage d'outils de rétablissement.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Je vous remercie. Je vais maintenant passer la parole à Madame Elodie Senaux et Monsieur Julien Carricaburu de la Task force « Suivi du Covid » qui a été créée au sein du ministère des Solidarités et de la Santé.

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Dr. Julien Carricaburu, Task Force « Suivi du Covid » du ministère des Solidarités et de la Santé

Je remercie l'Office parlementaire pour cette invitation qui montre son intérêt pour les travaux du ministère. Nous n'étions pas présents lors de la première audition qu'a organisée l'OPECST, mais nous avons vu qu'au-delà des sujets purement scientifiques, vous avez rapidement abordé l'organisation des soins et la reconnaissance.

Je travaille auprès de la directrice générale de l'offre de soins (DGOS). Je suis très reconnaissant à tous les intervenants précédents d'avoir décrit la situation, qui est un contexte d'immense incertitude. Bien sûr, il y a des progrès et vous les avez mesurés. Cependant tous les intervenants ont montré qu'il restait beaucoup de choses à connaître et clarifier sur cette pathologie et, en premier lieu, sa définition : les délais, les symptômes, leur variété, la fluctuance, leur attribution, les critères, sont très importants pour soigner, mais aussi tout simplement pour prendre en charge les patients. Des hypothèses physiopathologiques et des mécanismes sont encore discutés. On en imaginera peut-être d'autres, et ils seront sans doute finalement multiples. Ceci pourrait modifier les parcours de prise en charge de façon significative. Enfin, la question la plus importante est peut-être : Qui va être atteint ? Quels sont les facteurs de risque ? Peut-on prédire cela ? Peut-on le prévenir ?

Je suis heureux que l'on ait évoqué la vaccination, même si c'était peut-être un peu tard dans la discussion. Je vais moi aussi porter le message essentiel du moment, qui est de ne pas oublier de se faire vacciner, car éviter un Covid est peut-être l'une des démarches de prévention les plus efficaces si l'on veut s'épargner un Covid long.

Dans ce monde d'incertitudes, il faut agir. Comme l'a dit le docteur Larché, il n'est pas question d'attendre que tout soit certain pour commencer à avancer. Il faut prendre en charge les patients parce que les souffrances sont réelles, authentiques, et qu'il faut réduire les errances.

Mais nous naviguons entre deux écueils : ne pas se hâter, ne pas faire trop, mais ne pas faire moins. Dans cette perspective, l'approche que nous allons vous présenter se veut pragmatique et pratique. Chaque fois que possible, elle va s'appuyer sur des preuves, sur la science, mais aussi sur l'expérience, celle qu'on recueille auprès des patients et des professionnels de santé. Cette approche est évolutive car elle se calque sur les connaissances, et elle se veut adaptée aux besoins des patients et des professionnels ainsi qu'à l'offre qui peut être variable d'un territoire à l'autre, d'une ARS à l'autre. Le cadre d'action que nous proposons est pragmatique et évolutif pour améliorer la prise en charge.

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Elodie Senaux, Task Force « Suivi du Covid » du ministère des Solidarités et de la Santé

Je travaille à la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) et j'appuie les travaux de la Task force « Suivi du Covid long ». La constitution du groupe de travail sur le Covid long s'est inscrite dans une mobilisation sanitaire plus globale. Au dernier trimestre 2020, une Task force a été organisée autour de la DGOS, la Direction générale de la santé (DGS), la Direction de la Sécurité sociale (DSS), les cellules interministérielles Recherche Covid et une réunion mensuelle d'associations de patients. À l'automne 2020, le ministère a saisi la Haute Autorité de santé (HAS). Le 12 février 2021, celle-ci a publié des recommandations sur la prise en charge du Covid long, sous forme de « réponse rapide » ; elles ont été actualisées le 19 novembre dernier. Complétant ces réponses rapides, douze fiches pratiques permettaient aux acteurs de soins de premier recours d'avoir une synthèse pour chaque tableau clinique. Je crois qu'elles ont été complétées récemment par des fiches sur la dimension pédiatrique.

En parallèle, le 23 mars 2021, le ministère a publié ses propres recommandations, fondées bien évidemment sur celles de la HAS, mais orientées vers les questions d'organisation territoriale et les filières de prise en charge. A également été créée une plateforme de coordination destinée aux agences régionales de santé. Elle permet à la fois de transmettre des informations aux ARS, mais aussi de recueillir des retours d'expérience et des difficultés que celles-ci pourraient rencontrer dans la mise en œuvre de nos recommandations.

En complément, le ministère a mis en place des cycles d'échanges mensuels avec les ARS pour parler de nos recommandations, de leur évolution, etc. Nous avons aussi établi des cycles mensuels sous la forme d'une enquête Flash, permettant de récolter des chiffres sur la montée en puissance des cellules de coordination dont je vais parler tout de suite.

Les recommandations publiées le 23 mars dernier sur l'organisation des soins portent six principes : informer le public et les professionnels de santé sur la connaissance à date de la maladie ; positionner les acteurs de soins de ville au commencement de la prise en charge post-Covid, en « porte d'entrée » ; faire des acteurs de la coordination qui existent déjà sur les territoires des leviers majeurs de l'organisation des prises en charge post-Covid ; s'appuyer sur les établissements de soins de suite et de réadaptation dans les cas les plus complexes ; partager l'information sur les cohortes ambulatoires ; mieux prendre en compte le symptôme post-réanimation.

Le point central des recommandations ministérielles consistait dans la mise en place de cellules de coordination post-Covid dont les trois missions principales étaient d'informer, d'orienter les professionnels et les patients, et de coordonner les interventions nécessaires à la prise en charge des cas les plus complexes. Outre ces trois missions, trois enjeux avaient été identifiés : l'organisation du parcours de la prise en charge des patients de façon multidisciplinaire, à la fois médicale, psychologique et sociale ; la téléexpertise ; la mise en place d'observatoires et de suivis de patients post-Covid en situation complexe ; enfin, la constitution d'un vivier de professionnels intervenant sur le post-Covid dans les territoires.

Pour éviter de créer de nouvelles structures, nous avons donné ce rôle aux acteurs locaux de la coordination qui existaient déjà avant la crise sanitaire. Ce peut être des Dispositifs d'appui à la coordination (DAC) ou des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). On a donné aussi une importante marge de manœuvre aux ARS afin qu'elles puissent identifier, en fonction des spécificités de leurs territoires, les acteurs les mieux à même de coordonner cette organisation.

Un premier état des lieux significatif a été réalisé en octobre 2021. On dénombre à peu près 118 cellules de coordination post-Covid et l'on peut donc considérer que l'ensemble de la France métropolitaine dispose d'un maillage. Les cellules sont majoritairement portées par les acteurs locaux de la coordination tels que les DAC et les CPTS ; dans certaines régions, elles le sont par des structures hospitalières, les groupements hospitaliers de territoire (GHT), les « bed management » ou encore d'anciennes structures de coordination, par exemple les réseaux, ou alors des structures plus atypiques telles que l'hospitalisation à domicile. En revanche, les départements d'outre-mer n'ont pas encore structuré ces cellules, en raison de la situation épidémique qu'ils ont connue cet été.

Au mois d'octobre 2021, près de 400 patients pris en charge ont été recensés par ces cellules. En réalité, ce nombre est plus élevé puisque seuls les parcours les plus complexes sont recensés. Ces 400 patients représentent en quelque sorte le sommet de l'iceberg des patients pris en charge par les cellules de coordination.

Des mesures d'accompagnement complémentaires ont été déployées par les ARS. Il s'agit essentiellement de mesures financières supportées par le fonds d'investissement régional (FIR). Elles peuvent être, par exemple, déployées pour des démarches de labellisation des établissements de soins de suite et de réadaptation, mais il peut s'agir aussi de financements de réseaux régionaux, respiratoires par exemple, ou de financements de prestations qui sont non remboursables en ville.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Merci. Je passe maintenant à la parole à Mme Anne-Briac Bili, qui va présenter la vision des agences régionales de santé à partir du cas de la Bretagne.

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Anne-Briac Bili, directrice de cabinet du directeur général de l'Agence régionale de santé Bretagne

Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les parlementaires, je vais effectivement parler des initiatives qui ont été conduites en Bretagne sur la prise en charge post-Covid.

L'ARS Bretagne agit dans un cadre national, dont les dispositions nous ont guidés pour mettre en place des filières Covid long avec une gradation de prise en charge. Nous avons lancé un Appel à manifestation d'intérêt (AMI) Covid long au printemps dernier. Il s'agissait en premier lieu d'identifier les organisations qui existaient. Les intervenants précédents l'ont dit : la prise en charge du Covid long est d'abord une histoire de personnes, de volonté, et de nombreuses actions se faisaient déjà en région. L'AMI visait aussi à accompagner les acteurs pour mettre en place une filière Covid long dans leurs structures.

Une enveloppe de 250 000 euros provenant du Fonds d'intervention régional (FIR) a financé à la fois du temps de coordination, par exemple d'infirmière, en établissement, mais également de l'ingénierie de projet, par notamment des investissements pour l'activité physique adaptée. L'ARS cherchait à structurer des prises en charge Covid long dans chaque territoire de santé.

L'AMI a été transmis à l'ensemble des établissements de santé et des professionnels libéraux. Nous avons aussi sollicité les représentants d'usagers pour qu'ils puissent rapporter des initiatives. Dix établissements de santé ont finalement répondu – mais aucun professionnel libéral – et ils ont été accompagnés par le FIR.

L'ARS a lancé une enquête régionale pour faire le recensement complet de l'offre. Parmi les établissements proposant une prise en charge Covid long, on trouve ainsi des CHU, des centres hospitaliers ou des établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR). Si chaque département a une offre, le maillage de proximité reste encore à travailler. Nos premiers constats ont montré que les dispositifs d'appui à la coordination (DAC) avaient du mal à mettre en place les cellules de coordination ; la raison principalement invoquée était la nouveauté du Covid long et le manque de connaissance sur sa prise en charge et sur l'offre en région – je rappelle que les DAC ont un rôle d'orientation et d'information sur l'offre existante. On s'est aperçu également qu'il était nécessaire d'informer et de former les professionnels de santé de premier recours, à la fois pour repérer les patients atteints de symptômes post-Covid, mais également pour les orienter. En effet, comme les Hôpitaux universitaires de Genève, nous avons choisi d'avoir en point d'entrée un médecin qui puisse établir le programme de soins du patient et, si son état le nécessite, l'orienter vers un établissement de santé ou vers d'autres professionnels de santé libéraux, par exemple une rééducation respiratoire chez un kinésithérapeute de ville ou une consultation chez un ORL pour l'anosmie.

À la suite de cet état des lieux, nous avons expérimenté la structuration d'une filière sur le bassin rennais, couvrant le territoire de Rennes-Métropole. Le modèle reposait sur le financement d'une infirmière de coordination au CHU de Rennes, chargée d'évaluer et d'orienter les demandes. Un arbre décisionnel a été établi avec le CHU : le médecin traitant fait des évaluations, notamment sur la base des questionnaires mis à disposition par la Haute Autorité de santé, et oriente le patient en contactant l'infirmière diplômée d'État de parcours, le dispositif d'appui à la coordination ou un professionnel de ville.

Depuis le 20 septembre, date à laquelle a ouvert l'unité Covid long du CHU, 180 demandes ont été traitées : 75 % proviennent de médecins de ville, ce qui montre qu'il y avait bel et bien un besoin, et 25 % sont des demandes directes de patients, via la ligne téléphonique dédiée qui a été ouverte. 50 patients ont été pris en charge au CHU et 130 ont été orientés vers d'autres dispositifs avec un programme de soins.

Un tel dispositif, avec une infirmière de parcours positionnée dans un établissement de santé, est très pertinent au début, lorsqu'il s'agit de structurer la filière sur un territoire et d'avoir une visibilité sur son offre et ses orientations. Mais ce ne sera plus utile lorsque l'ensemble des acteurs connaîtra bien le dispositif d'orientation.

Plusieurs actions complémentaires ont été réalisées. J'ai évoqué tout à l'heure le besoin d'information et de formation des professionnels du premier recours. À partir des recommandations de la Haute Autorité de santé, l'ARS a travaillé sur un guide à destination des médecins généralistes pour le repérage et l'orientation des patients, avec l'arbre décisionnel que j'évoquais il y a quelques instants. Surtout, un webinaire de formation et d'information sur le Covid long a visé à toucher l'ensemble des professionnels de ville de la région. Ce webinaire était structuré autour de cinq interventions, avec un infectiologue du CHU de Rennes et des médecins hospitaliers spécialisés en rééducation, mais aussi des acteurs de ville : un orthophoniste qui faisait de la rééducation, notamment pour l'anosmie, en lien avec un ORL, un médecin du sport et un kinésithérapeute. Ce webinaire a rassemblé plus de 500 participants, alors qu'il a eu lieu au même moment que l'intervention du président de la République. Ce fut un grand succès. D'ailleurs, les professionnels du premier recours ont insisté pour que nous réitérions ce webinaire en communiquant toute la cartographie de l'offre en établissement de santé ; nous sommes en train d'y travailler.

D'autres actions sont à venir. Nous avons prévu d'organiser au tout début du mois de janvier une revue de projet avec l'ensemble des établissements de santé, qu'ils aient été financés ou non dans l'appel à manifestation Covid long, pour faire un retour d'expérience sur les prises en charge et pour mieux évaluer les files actives des patients, qui restent aujourd'hui difficiles à quantifier. Comme vous le savez, la Bretagne a été peu touchée par la première vague de l'épidémie. La thématique du Covid long est arrivée en même temps que la publication des orientations et des documents nationaux. On a donc du mal à identifier les patients en errance et sous diagnostiqués, voire pas du tout diagnostiqués ni pris en charge.

L'ARS compte aussi formaliser un guide à destination des autres professionnels de santé, qui nous a été demandé. Le travail mobilise les Unions régionales de professionnels de santé (URPS) et se fonde sur les documents nationaux qui constituent le socle de toutes les modalités de prise en charge.

Enfin, nous avons bien sûr rencontré des représentants de l'association #ApresJ20, et nous allons organiser un webinaire à destination des patients pour présenter ces filières que nous sommes en train de structurer.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Merci. Je vais passer la parole au docteur Amélie Tugaye, qui va présenter la vision de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM).

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Dr Amélie Tugaye, médecin conseil à la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (CNAM)

Je vous remercie d'avoir invité l'Assurance maladie à participer à cette audition. J'exerce comme médecin conseil à la Caisse nationale de l'assurance maladie et je suis chargée de coordonner toutes les actions en lien avec les syndromes persistants du Covid ou syndromes post-Covid, selon la nouvelle définition de l'OMS.

En mai dernier, lorsque la situation sanitaire s'est un peu améliorée, la CNAM a commencé à élaborer un plan d'action sur ce sujet. Prérequis de toute action de santé publique, la première question que nous nous sommes posée a été de savoir combien de personnes étaient concernées. Puis nous avons rencontré les acteurs concernés, patients et professionnels de santé, pour identifier leurs besoins et déterminer quelles actions pourraient être mises en place pour les accompagner et y répondre.

S'agissant du nombre de personnes concernées, les éléments d'épidémiologie ont déjà été largement détaillés. Je voudrais néanmoins insister sur un point important. Les études actuelles évoquent la fourchette de 10 % à 30 % de patients qui présentent toujours un symptôme trois mois après un épisode aigu, mais ce taux ne tient pas compte de la gravité de leur état. Or, il est très différent d'avoir une anosmie persistante – certes gênante si l'on travaille dans la restauration – ou un épuisement qui vous empêche de travailler, de vous occuper de vos enfants, qui vous empêche en somme de fonctionner. Or l'enjeu pour la CNAM, en tant qu'assureur et acteur de santé publique, est bien de savoir combien de ces personnes sont sévèrement atteintes et courent le risque d'une désinsertion professionnelle. Malheureusement, nous n'avons pas encore les chiffres. Les départements statistiques de l'Assurance maladie y travaillent et j'espère que nous les auront très prochainement.

S'agissant de la rencontre des différents acteurs, les associations de patients ont signalé cinq besoins principaux. Le premier était un besoin d'information sur la prise en charge, Internet offrant une information assez hétérogène et très peu de renseignements sur l'offre de soins et le parcours envisageable. Le deuxième concernait la reconnaissance en affection de longue durée (ALD), entraînant une prise en charge à 100 %. Puis venaient la reconnaissance en maladie professionnelle, le besoin d'accompagnement et l'orientation dans le système de soins. On l'a vu, l'offre se structure et des filières commencent à apparaître, mais les patients ne les connaissent malheureusement pas et n'y ont dès lors pas accès.

Une question vous intéresse probablement tous : l'affection de longue durée (ALD). La reconnaissance comme ALD permet au patient d'être exonéré du ticket modérateur ; c'est pour cette raison que l'on parle aussi de « prise en charge à 100 % ». Aujourd'hui il n'existe pas d'ALD spécifique pour le Covid. Pour autant, un patient peut être pris en charge, remboursé et indemnisé en ALD, et ceci dans trois situations. Il peut tout d'abord s'agir d'un patient ayant déjà une pathologie en ALD, qui se serait aggravée du fait d'un épisode de Covid. Par exemple, un diabétique ou un insuffisant cardiaque dont le cas s'est aggravé.

La deuxième situation est celle d'une séquelle de l'épisode aigu qui entrerait dans la liste des ALD, comme une insuffisance respiratoire. Je rappelle que 30 pathologies sont dans la liste ; on les appelle les « ALD 30 », ou les « ALD liste ».

Enfin, pour les autres situations, il est possible de faire une demande d'ALD hors liste. Cela concerne des pathologies qui sont graves, invalidantes, durant plus de six mois et nécessitant une prise en charge complexe. On peut donc dire qu'il est aujourd'hui possible d'avoir une ALD pour le Covid long.

La problématique est assez similaire en matière de reconnaissance du Covid long comme maladie professionnelle. Au départ, quand il a été question de créer le tableau de maladies professionnelles pour le Covid, la question des symptômes persistants ne se posait pas encore. Le tableau a donc été centré sur les formes aiguës graves ayant nécessité de l'oxygénothérapie. Concrètement, un patient dont l'état répond à tous les critères du tableau peut obtenir la reconnaissance comme maladie professionnelle.

Les patients ayant des symptômes persistants du Covid n'ont pas forcément été hospitalisés, ni eu besoin d'oxygénothérapie, et ne répondent donc pas aux critères du tableau. Pour autant, la législation prévoit la possibilité pour les cas de forme sévère d'obtenir une reconnaissance en maladie professionnelle. Le dossier est alors étudié par un comité d'experts, celui-ci est national pour les symptômes persistants du Covid, alors qu'il est constitué au niveau régional pour les autres pathologies.

Pour satisfaire le besoin d'information, la CNAM a mis en place plusieurs actions, dont je citerai les plus importantes : une page spécifique pour les symptômes persistants du Covid a été mise en ligne, qui regroupe toutes les informations et les questions les plus fréquentes qui nous ont été posées. Ces problématiques n'étant pas spécifiques du Covid mais communes à toutes les maladies chroniques, je vous invite à prendre connaissance d'un nouvel espace qui a été mis en ligne au mois de septembre, consacré aux ALD et aux maladies chroniques. Il regroupe toutes les questions que l'on peut se poser en termes de réinsertion professionnelle, indique où trouver de l'aide, comment bénéficier de transports, etc., même si l'on ne bénéficie pas d'une ALD. Enfin, en collaboration avec l'ARS-Île de France, une vidéo a été créée pour les professionnels, expliquant les filières, les ressources disponibles et leur rôle sur le territoire. Elle apparaîtra prochainement sur nos sites.

L'assurance maladie propose également des services d'accompagnement pour les assurés. La mission d'accompagnement santé est ainsi un accompagnement de premier recours pour les personnes qui rencontrent des difficultés d'accès aux droits et aux soins. En deuxième recours, un service social accompagne les patients et les assurés dans les situations les plus complexes.

Comme on l'a vu, l'offre est structurée, elle commence à exister, mais les patients ne la connaissent pas. Nous travaillons avec l'association « TousPartenairesCovid » ; elle nous a proposé le projet d'une plateforme qui permettrait d'anticiper la consultation en préparant des éléments pour le médecin traitant. Ceci lui permettra d'aller plus vite dans la consultation et lui apportera des informations sur les ressources de proximité, les cellules de coordination, les consultations spécialisées. Il est impossible de mener à bien ce projet isolément, et la CNAM travaille donc avec le ministère.

Nous nous sommes intéressés aux médecins généralistes. Une enquête réalisée par BVA sur un échantillon représentatif de 300 médecins a cherché à identifier leurs besoins et leur niveau de connaissances. Elle a apporté cinq enseignements.

Le premier est que chaque médecin a relativement peu de patients concernés : 13 patients en moyenne et seulement 4 en arrêt. Il convient de prendre ces chiffres avec prudence, car l'effectif de 300 médecins est assez réduit ; on ne peut donc pas les extrapoler à l'ensemble de la France. Mais ceci donne tout de même une idée du nombre de patients qui ont besoin d'une prise en charge complexe.

Le deuxième enseignement est celui de la méconnaissance des plateformes de coordination : à peine un tiers des médecins les connaissent, et seuls 9 % savent comment les joindre.

Nous avons également cherché à savoir si les canaux privilégiés de communication vers les médecins, à savoir la Haute Autorité de santé, le site de l'assurance maladie et la presse spécialisée, étaient effectivement leurs sources privilégiées. Seuls 30 % des médecins ont eu connaissance de la réponse rapide de la HAS et seuls 6 % l'ont lue entièrement. Mais comme l'a dit le docteur Robineau, il ne faut pas oublier qu'il faut normalement dix ans pour qu'une recommandation soit mise en pratique. En l'espèce, le recul est inférieur à un an et ces taux, même modestes, sont plutôt encourageants et montrent qu'il y a un intérêt. Enfin, les médecins sont demandeurs d'informations puisque 95 % ont dit vouloir davantage d'information et d'accompagnement. Pour y répondre, une page du site ameli.fr dédiée aux médecins reprend toutes les informations nécessaires : les recommandations, où les trouver, l'existence des plateformes de coordination, les démarches administratives, où orienter son patient en cas de difficultés sociales ou financières, etc. En lien avec le Collège de médecine générale, la CNAM travaille à créer des outils pratiques, d'utilisation simple et immédiate, pour que les médecins s'approprient ces recommandations qu'ils ne connaissent pas forcément.

Nous travaillons également avec les masseurs kinésithérapeutes. Très schématiquement, ceux-ci vont avoir deux rôles dans la rééducation des patients souffrant de symptômes persistants : la réadaptation à l'effort et la rééducation respiratoire. Comme nous le faisons pour les médecins, nous travaillons avec le Collège de masseurs kinésithérapeutes, avec des experts de la HAS et l'URPS kiné, à créer de petits outils de formation qu'ils puissent s'approprier, avec des vidéos, des mémos, pour améliorer la pratique et la prise en charge des patients.

Pour conclure, il y a trois messages à retenir. Premièrement, l'identification des patients les plus sévèrement touchés et qui nécessitent une prise en charge complexe est un grand enjeu. Deuxièmement, l'assurance maladie propose déjà de nombreux services et de nombreux supports d'information que je vous invite à aller consulter et à promouvoir autour de vous. Troisièmement, il reste beaucoup à faire pour améliorer la lisibilité du système de santé et limiter le risque d'errance médicale.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Merci beaucoup. Le temps est venu des questions des rapporteurs.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

Vos nombreuses interventions nous ont délivré des informations très diverses. Si je suis le docteur Jérôme Larché qui estime que près de 700 000 personnes ont eu un Covid long en France, et étant donnée la capacité d'accueil de 500 malades par centre, il faudrait à peu près 1 000 centres de référence pour prendre en charge correctement tous les patients. Actuellement, on donne des fiches conseils aux médecins généralistes. Mais puisqu'il y a encore 75 % des patients qui ont un médecin référent, ne faudrait-il pas davantage insister auprès des généralistes pour qu'ils puissent eux-mêmes orienter correctement leurs patients ? On sait que les généralistes sont débordés et qu'ils n'ont pas le temps de se former. Néanmoins, ne pourrait-on pas leur fournir une information assez percutante et concise, qui leur permettrait d'accompagner leurs patients ?

Je pense que, dans un premier temps, il faut d'abord s'adresser à un centre de référence proche de son lieu de résidence. Je salue l'organisation mise en place par les Hôpitaux de Genève qui paraît très pertinente, avec une plateforme dédiée au Covid-19. J'ai peur que nos confrères se perdent dans toutes ces fiches conseils, pourtant pleines de bonne volonté, et qu'il leur soit difficile d'avoir une idée claire de ce qui est disponible.

Pour ce qui est du « patient expert », mon expérience de médecin pédiatre m'a amenée à être beaucoup plus à l'écoute des patients, des parents et de leur inquiétude. Cela me paraît un élément essentiel, que le système français n'a pas toujours bien pris en compte. Le médecin est là pour la phase aiguë et pour la phase chronique : n'a-t-il pas besoin, justement, de l'éclairage et de l'appui des patients experts, qui sont le plus souvent tout à fait bienveillants ?

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Dr Jérôme Larché, médecin interniste et référent d'un centre Covid Long à Montpellier, membre du conseil scientifique de l'association #ApresJ20

‑ Il est clair que mettre en place mille centres de référence n'a aucun sens. Le véritable enjeu aujourd'hui est la reconnaissance du Covid long ou du post-Covid, la sémantique n'étant pas ce qu'il y a ici de plus intéressant, la reconnaissance de cette entité pathologique nouvelle, au sujet de laquelle subsistent beaucoup d'incertitudes et d'inconnues, mais pour laquelle il faut organiser une prise en charge à l'échelle nationale.

Je pense que le rôle du ministère, de la HAS et des ARS est de poser un cadre pour cette prise en charge, et il est donc normal que des fiches de recommandations soient diffusées. Le travail des ARS est important parce qu'elles assurent un maillage territorial adapté à chaque situation, tant géographique que sociale. Mais le cadre, lui, doit rester national.

Les médecins généralistes sont les médecins de premier recours, et il faut insister là-dessus. Ceci implique qu'il faut les former, et les webinaires sont essentiels. Mais on ne peut pas les laisser tout seuls face à ce problème et aux contraintes de la prise en charge post-Covid. Ainsi, plutôt que leur dire d'envoyer les patients à un centre de référence pour toute suspicion de post-Covid, il faut les rendre capables de faire eux-mêmes les premières étapes de la démarche diagnostique, quitte à être aidés avec des outils de téléexpertise pour fluidifier les parcours de soins. Les centres de référence doivent de leur côté prendre en charge les cas les plus complexes et en assurer le suivi.

À titre de comparaison, le Royaume-Uni, où un rapport officiel a estimé il y a quelques semaines à 1,2 million environ le nombre de patients ayant un Covid long, dispose déjà d'une centaine de centres de référence. La France a à l'évidence un certain retard, qu'il faut essayer de combler rapidement. Il est possible de trouver un moyen terme raisonnable entre les dix centres actuels et une cible de mille qui est inatteignable. On doit essayer d'être agile, fluide, et utiliser toutes les ressources possibles. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, il faut organiser un vrai maillage au niveau de chaque territoire, de façon systémique. Parce que c'est vraiment dangereux.

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Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure

Une question, qui relève plutôt de la première partie, me tracasse : une vaccination au détour d'un Covid ou lors d'un Covid long peut-elle poser problème, s'il y a un phénomène inflammatoire par exemple ? Je pense qu'il faut de toute façon vacciner tout le monde. Mais a-t-on pu observer une accentuation des symptômes lors de la vaccination ou de la revaccination ?

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Dr Jérôme Larché, médecin interniste et référent d'un centre Covid Long à Montpellier, membre du conseil scientifique de l'association #ApresJ20

Le docteur Robineau a évoqué ceci lors de son intervention et je suis complètement d'accord avec lui. Chez certains patients, la vaccination a pu accentuer certains symptômes pendant quelques jours ; chez d'autres elle n'a eu aucune conséquence, chez d'autres encore on a pu constater un peu d'amélioration. Il n'existe pas encore d'études donnant des conclusions fermes. Je rejoins mon collègue du ministère de la Santé et pense qu'il faut être extrêmement pragmatique. Aujourd'hui, la vaccination est l'un des outils majeurs pour éviter de nouvelles contaminations, donc des formes de Covid long, mais surtout des formes graves et qui conduisent en réanimation. Donc, ma réponse à cette question que les patients me posent régulièrement est extrêmement simple : je n'ai pas aujourd'hui de réponse concernant le Covid long. Par contre, la vaccination reste absolument indispensable en termes de prévention du Covid, en tenant compte bien sûr des modalités de bonne administration et des contre-indications. Que les patients aient ou non un Covid long n'entre pas dans ma décision – en tout cas, rien aujourd'hui ne permet de dire autre chose.

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Dr. Julien Carricaburu, Task Force « Suivi du Covid » du ministère des Solidarités et de la Santé

Ces derniers conseils rejoignent l'opinion du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, qui a été interrogé très précisément sur ce point. Nous avons relayé modestement cette réponse au moyen de messages « DGS-urgent » adressés à l'ensemble des médecins qui sont abonnés, pour lever les doutes.

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Dr. Mayssam Nehme

On dispose d'un faisceau d'indices, avec une étude qui sera publiée très bientôt. Comme l'a dit le docteur Robineau, la plupart des symptômes restent stables. Dans une étude qui sera publiée très prochainement, on trouve plus de 72 % des personnes dont les symptômes restent stables. Chez d'autres, les symptômes s'aggravent pendant quelques jours, avant de se stabiliser. Enfin, chez certaines personnes, on voit une amélioration des symptômes.

La vaccination est recommandée pour les personnes qui gardent des symptômes persistants suite à une infection au Covid. Elle n'est peut-être pas un outil thérapeutique mais elle pourrait agir en prévention de symptômes persistants du Covid long. Une grande étude au Royaume-Uni, publiée dans le Lancet par Antonelli et al., a montré que les personnes vaccinées qui ont eu une infection après la vaccination ont deux fois moins de risques d'avoir des symptômes persistants à 28 jours que les personnes non vaccinées infectées.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

J'ai plusieurs questions concernant la caractérisation ou le profil des Covid-long. On a parlé du genre. Où en est-on dans l'analyse des déterminants sociaux évoqués plus tôt ? Le risque augmente-t-il en fonction de ces déterminants ? de l'âge ? Ou bien serait-ce simplement l'intensité des symptômes initiaux qui compte ?

Commence-t-on à avoir des données sur les contours et l'importance de l'errance diagnostique ? A-t-on une évaluation de son coût pour la Sécurité sociale et la santé publique ? Dans certains territoires, la prise en charge commence à être mieux organisée et mieux structurée, mais quelle part de l'offre représente-t-elle ?

L'une des difficultés rencontrées pour faire reconnaître un Covid long en maladie professionnelle est d'obtenir la confirmation qu'on a bien contracté le Covid en milieu professionnel. Où en est-on dans la mise en place des critères ? Comment établit-on le lien avec la profession puisqu'il n'y avait pas systématiquement de tests de dépistage au début de la pandémie ? Combien de demandes sont actuellement en instance devant la Commission des accidents du travail / maladies professionnelles – je souligne qu'elles concernent tous ces cas un peu atypiques pour lesquels la preuve du lien avec le milieu professionnel n'a pas encore été apportée ?

A-t-on une idée du nombre de consultations des sites Internet et des foires aux questions des canaux officiels ? Voit-on augmenter fortement le nombre de questions, de consultations, ce qui pourrait être un révélateur indirect d'une augmentation de l'incidence des Covid longs dans notre pays ?

Il a été précisé que réduire l'intensité des symptômes pendant la phase aiguë est la meilleure prise en charge possible, à l'hôpital et en réanimation. A-t-on également privilégié cette piste au regard d'un « amoindrissement » du risque de Covid long ? Je mets des guillemets parce qu'on n'a pas encore de certitudes en matière d'apparition de Covid long, qui représente un coût important pour la santé publique.

Je termine en évoquant les cellules post-Covid et les ARS : a-t-on mis en place une stratégie territoriale ? On voit bien que ce n'est pas encore structuré partout, qu'il y a encore des endroits où il n'y a pas de centres. Or, pendant la première vague, notamment, nous avons pu observer des contrastes régionaux importants en matière d'incidence : certaines régions ont été fortement touchées par l'épidémie, avec des formes très graves, un engorgement hospitalier et en réanimation très important. A-t-on privilégié le développement de filières de soins et de prise en charge post-Covid dans ces régions-ci ? En effet, il y a de fortes chances que là où l'épidémie de Covid a été importante, il y ait eu ensuite une épidémie de Covid long plus importante. Une stratégie a-t-elle été établie ?

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Dr Jérôme Larché, médecin interniste et référent d'un centre Covid Long à Montpellier, membre du conseil scientifique de l'association #ApresJ20

‑ Je vais répondre, sinon à toutes vos questions, du moins à quelques-unes d'entre elles. La question du diagnostic, notamment biologique, avec les tests PCR me semble extrêmement pertinente. Lors de la première vague, seuls les patients hospitalisés ont eu un test PCR. Mais ces cas les plus graves n'étaient pas majoritaires. J'ai vu beaucoup de personnes ayant eu des symptômes en février ou mars 2020, et la plupart n'ont pas eu de test PCR. Les sérologies sont extrêmement aléatoires. Cela n'a pas tellement été évoqué, mais on sait aujourd'hui qu'environ 30 % des personnes qui ont eu le Covid n'ont pas de sérologie positive, et que les mois passant, le taux sérologique des personnes positives diminue. La sérologie est donc un très mauvais test diagnostic rétrospectif et il est très difficile d'identifier la pathologie Covid chez une personne présentant des symptômes du Covid long lorsqu'il n'y a pas eu de diagnostic Covid posé initialement. Bien sûr, c'est plus simple quand il y a une anosmie, mais tous les patients ne sont pas anosmiques. Il y a une véritable zone grise où il est compliqué d'identifier la pathologie, ce qui pose des difficultés en termes de reconnaissance assurantielle et de reconnaissance professionnelle.

En tant que médecin, mon rôle est d'écouter les patients et de ne pas mettre a priori leur parole en doute. Des milliers de patients sont très probablement dans cette situation-là. Éclaircir ceci est un véritable enjeu de santé publique et de politique sanitaire.

La question de l'errance diagnostique va de pair avec celle de l'accès aux soins et des possibles déterminants sociaux qui restent à identifier complètement, me semble-t-il. On sait très bien que, dans d'autres pathologies, les revenus financiers des patients ou leur répartition géographique sont des déterminants importants conditionnant la prise en charge et l'accès aux soins. Malheureusement, les personnes qui sont dans une situation financière ou sociale difficile sont souvent diagnostiquées avec retard et développent des formes plus graves, pour des pathologies comme le diabète, l'asthme ou le cancer. Je ne vois pas pourquoi les choses seraient différentes pour le Covid long ou pour le Covid et ces mêmes déterminants seront mis en évidence lorsqu'on aura un peu plus d'informations. Mon expérience est parcellaire et personnelle, je l'admets avec beaucoup d'humilité, mais je n'ai pas vu beaucoup de patients qui n'aient pas erré moins de trois mois. J'ai vu aussi des personnes qui, pendant trois, six voire neuf mois, n'ont pas eu accès à une prise en charge adéquate. Pour revenir au diagnostic, lorsque je reçois un patient, je ne lui dis pas d'emblée qu'il a un Covid long. Je le reçois comme n'importe quel patient à qui je dois établir un diagnostic sur une pathologie qui n'est pas encore déterminée. Mais ces personnes-là sont vraiment dans des situations compliquées, et il y a encore beaucoup de travail à faire.

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Dr Amélie Tugaye, médecin conseil à la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (CNAM)

Lorsque l'on prend en charge des patients en consultation, il va de soi que la question n'est pas tant de savoir quel diagnostic poser, mais quel est le ressenti du patient, et le retentissement sur son existence. Or la reconnaissance en maladie professionnelle suppose d'avoir un diagnostic. C'est indispensable. Lorsqu'on ne dispose pas d'un PCR, on peut utiliser un scanner ou des éléments sérologiques, mais la simple présomption ne suffit pas. Il faut par ailleurs que soit établi un lien avec le milieu professionnel.

Pour ce qui est du nombre de dossiers, nous avons depuis un an 117 cas qui sont étudiés spécifiquement au titre de symptômes persistants du Covid, et ces cas sont des femmes à 80 %.

Enfin, je regrette de ne pas avoir d'informations sur la fréquence de consultation des pages Covid long.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

Je souhaiterais avoir une réponse sur la stratégie territoriale de déploiement des centres de référence et les bons processus en matière de parcours de soins, compte tenu de la sur-incidence de l'épidémie dans certaines régions et départements. Ceci concerne en priorité les ARS.

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Anne-Briac Bili, directrice de cabinet du directeur général de l'Agence régionale de santé Bretagne

Nous cherchons bien entendu à établir un maillage de proximité. Il y avait 18 établissements de santé dans la carte que je vous ai montrée. Mais on estime que la grande majorité des patients peut être aussi prise en charge en ville par l'offre de premier recours. Nous travaillons à ce que tous les médecins puissent intégrer effectivement ces parcours.

À un deuxième niveau, il y a les cellules, les dispositifs d'appui à la coordination, etc. qui servent à orienter les patients et communiquer l'offre aux médecins. Ils n'apparaissent pas non plus sur la carte, mais dans les lieux éloignés de tout centre de référence, l'ARS travaille avec les établissements de proximité pour qu'ils puissent aussi proposer cette offre. Nous sommes donc totalement engagés dans ce maillage de proximité.

Sur l'incidence et la file active potentielle de patients Covid long, l'enveloppe FIR régionale est répartie par département, et le taux d'incidence est l'un des critères de cette répartition intrarégionale.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

Qu'en est-il de la cellule gouvernementale qui est chargée de déployer une stratégie ?

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Dr Julien Carricaburu

Le cadre que nous établissons est national, même si, comme je l'ai dit précédemment, il préserve une large marge de manœuvre pour les ARS. Il retient ce même principe qui consiste à s'appuyer d'abord sur une offre de toute première proximité.

Sauf à déconsidérer toute l'organisation du système de soins, la porte d'entrée est si possible le médecin traitant. Ensuite, peuvent intervenir les réseaux dont on a déjà parlé, autour des professionnels habituels. Pour les cas les plus complexes, qui représentent environ 30 % du total, on mobilise les cellules de coordination. Enfin, certains établissements ont été repérés pour prendre en charge les patients les plus lourds, éventuellement en ambulatoire. Les cellules de coordination sont plus sollicitées dans les régions qui ont été fortement touchées. D'après les premiers chiffres partiels, qui datent du mois de novembre, il s'agit des régions Île de France, Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche Comté et Occitanie. Paradoxalement, comme elles sont un peu plus touchées que les autres, même si cela s'harmonise peu à peu, elles ont du mal à activer ce type de dispositif. Nous informons donc régulièrement les directeurs généraux des ARS, nous les sensibilisons à ces mesures, à l'amplitude de l'incidence – même si elle est affectée d'une certaine incertitude. Mais la prise en charge post-Covid est importante et pèsera sur le système de soins.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Afin de rassurer les intervenants, je rappelle que l'OPECST, et notamment les quatre co-rapporteurs, s'est exprimé très fortement depuis décembre 2020 en faveur de la vaccination et des différents rappels. Mais nous nous sommes aussi exprimés sur les tests, sur le dépistage, et nous avons d'ailleurs regretté qu'il n'y ait pas davantage d'autotests dans les écoles, nonobstant ce que nous dit le ministre de l'Éducation nationale.

Mme Senaux, M. Carricaburu, vous nous avez parlé du dispositif de la Task force Covid. Pouvez-vous nous préciser quelle forme prend la participation active des patients dans ce dispositif ? Pour reprendre l'expression de Mme Tourette-Turgis, cette « approche collaborative » est-elle aussi mise en place dans le cadre de la Task force Covid ?

Plus globalement, Mme Tugaye a évoqué des études statistiques en cours. Restons-nous sur la première estimation de 700 000 personnes potentiellement touchées par le Covid long. Est-ce plus ? Est-ce moins ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces études en cours ?

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Dr Julien Carricaburu

La Task force que nous avons décrite est l'émanation de ce qui s'est constitué dès le début de la pandémie pour traiter les sujets liés à la crise aiguë avec les directions d'administration centrale, les représentants de certaines professions de santé, les réanimateurs, anesthésistes, pneumologues, etc. Lorsque sont apparus les sujets liés au Covid long, on les a associés en tant que de besoin. Je me souviens notamment de pneumologues, car ce sont eux qui avaient donné les premières descriptions les plus solides. Les associations de patients sont intégrées depuis un mois ou deux je crois, de façon mensuelle, dans des réunions qui sont animées par un membre du cabinet du ministre de la Santé. Il s'agit de l'association #ApresJ20. D'autres participants de cette audition figurent également dans ces réunions. L'idée est d'associer tous les regards, toutes les compétences, pour proposer les mises en œuvre les plus adaptées possibles.

Nous rencontrons une fois par semaine France Assos Santé, qui fédère de nombreuses associations d'usagers et de patients, et nous leur rapportons les études dont nous avons eu connaissance ainsi que les avancées de nos propositions en matière de Covid long. Nous leur demandons de nous communiquer les types de besoins des patients en matière de prise en charge des Covid long.

Certaines organisations, dont #ApresJ20, ont été reçues à leur demande par le cabinet du ministre. #ApresJ20 est membre du groupe de travail qui élabore des recommandations à la HAS. Voilà ce que je peux dire sur la place des patients dans nos travaux.

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Dre Amélie Tugaye

Les études statistiques ne montrent pas encore de résultats robustes car les données brutes doivent encore être ajustées, notamment en fonction de l'hospitalisation ou non des patients, des arrêts itératifs, des temps partiels thérapeutiques, etc. L'idée est en effet de partir des épisodes de Covid pour regarder si s'en est suivie une modification, telle que des arrêts de travail, une consommation de soins, etc., chaque patient étant son propre témoin. Mais les chiffres dont je dispose donneraient actuellement des conclusions probablement erronées.

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Pr. Catherine Tourette Turgis

Depuis une dizaine d'années, la question de la place des patients dépasse le cadre des représentants d'usagers et des associations. L'approche collaborative entre patients et soignants se fait au sein même du service. Cette approche vise à améliorer la qualité du soin sur chaque site, de manière personnalisée, en travaillant avec des patients, en les intégrant par exemple aux réunions de concertation multidisciplinaire (RCP), à diverses réunions, etc. Lorsqu'on fait une réunion pour mettre en place quelque chose, les patients du service doivent être inclus comme membres de l'équipe. Il n'y aura alors pas de discours politique ou de discours d'intention, seulement des pratiques. Dans un climat apaisé de collaboration, le patient est ce qu'on appelle un nouvel acteur de santé dans l'équipe. Quand on monte, par exemple, une consultation pluridisciplinaire, on se demande combien de patients participent à cette consultation. Ils pourront par exemple faire un travail de médiation, participer à l'équipe, animer la salle d'attente, collecter l'« expérience patients ». Les établissements de soins sont tenus aujourd'hui, pour une question de certification, de démontrer cette « expérience patients ».

Le modèle n'est plus celui du patient militant, mais celui du patient intégré comme membre à part entière de l'équipe, à titre volontaire, bénévole, chargé de recherche de subventions, voire salarié. C'est un nouveau modèle vers lequel on ne pourra pas ne pas aller, d'autant que dans la période de troubles et de déceptions que nous traversons, il serait vraiment dommage de pas rectifier tout de suite les pratiques en prenant les patients avec nous. L'expérience de leur maladie nourrit leur savoir, mais également l'expérience d'usage du système de santé. Ce sont eux qui peuvent dire par exemple, comme je l'ai entendu en santé mentale il y a quelques jours : « La consultation le matin, ce n'est pas très bien parce qu'on dort mal. » Ils vont nous amener directement sur des choses concrètes, qui permettront de simplifier des procédures qui seront établies avec eux. Ceci est très important, et je vous recommande vivement de le faire. D'ailleurs, cela ne vient pas du Covid long, mais de l'histoire, de l'oncologie, de la santé mentale, et d'autres pathologies. C'est quelque chose qui a déjà été évalué. Entrons donc tout de suite dans le partage et l'approche collaborative.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Je reviens sur la reconnaissance du Covid long comme maladie professionnelle, plus spécifiquement pour les soignants. Je suis très étonnée par le nombre qui a été mentionné à propos des possibilités de Covid long. Il y a donc certainement des soignants qui ont un Covid long qui les empêche de travailler. Pouvez-vous nous donner le nombre de demandes qui ont été déposées par eux et le nombre de dossiers qui ont abouti ?

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Dr Amélie Tugaye, médecin conseil à la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (CNAM)

Je n'ai pas de spécification aussi fine, je n'ai que des chiffres globaux. Je peux malgré tout vous dire que la commission nationale a étudié 626 dossiers au total. Parmi eux, 36 % correspondaient à des dossiers hors tableau, c'est-à-dire aux 117 symptômes persistants.

Il est dommage que la plupart des patients s'arrêtent à la question du tableau des maladies professionnelles et n'aient pas forcément conscience qu'il est possible d'obtenir une reconnaissance en maladie professionnelle par la procédure des comités. Il n'y a pas de demandes parce que les patients ne le savent pas.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Je vais maintenant vous transmettre une sélection de questions des internautes. « Infectée par la Covid depuis mars 2020 sur mon lieu de travail : perte de l'odorat ; 22 mois en Covid long et toujours en arrêt de travail. La CPAM refuse donc l'Affection de longue durée (ALD) et la reconnaissance de la maladie professionnelle. Comment prouver que j'ai eu la Covid à mon travail, car pas encore de test PCR en mars 2020 ? »

Ensuite : « Bonjour. Covid long depuis mars 2020, je constate que malgré l'ampleur de ce problème de santé publique, la prise en charge est inégale selon la région dans laquelle on habite et je souhaite savoir à quel moment il y aura partout en France des centres de parcours de soins et de suivi adaptés. »

Une autre question : « Face aux difficultés d'accès aux différents spécialistes, sans compter les difficultés pour les patients de se rendre aux différents rendez-vous, pourquoi ne pas développer des call centers médicaux ? Un patient pourrait exposer tous ses symptômes à distance. »

De nombreuses autres questions ont été posées par les internautes. Nous allons les collationner et je propose qu'elles soient adressées aux intervenants qui veilleront à leur apporter des réponses non personnalisées. Je vous en remercie par avance.

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Dr Amélie Tugaye, médecin conseil à la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (CNAM)

La reconnaissance en ALD hors liste exige, au-delà du côté invalidant de la pathologie – c'est a priori le cas de cet internaute puisque son arrêt de travail est long – et de la durée de plus de 6 mois, une prise en charge complexe. Or une personne peut connaître un véritable épuisement sans nécessairement bénéficier d'une prise en charge, complexe ou pas ; pour cette raison, elle ne pourra pas prétendre à une ALD, qui est toujours conditionnée à ce critère de prise en charge complexe. Une circulaire en définit les contours.

Une reconnaissance en maladie professionnelle relève d'une situation « hors tableau », donc la demande sera préalablement examinée par des médecins conseils de l'assurance maladie qui en étudieront tous les éléments. S'il n'y a pas de test PCR, mais que l'argumentaire est suffisamment solide, le médecin conseil appréciera si la demande peut être présentée en comité régional. Si l'internaute qui a posé la question n'a pas encore fait sa demande, qu'il la fasse dans ce sens-là.

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Dr Jérôme Larché, médecin interniste et référent d'un centre Covid Long à Montpellier, membre du conseil scientifique de l'association #ApresJ20

‑ Je souhaite apporter un complément de réponse. On observe aujourd'hui une vraie hétérogénéité dans le traitement des dossiers et dans les réponses apportées. Les caisses primaires ne jouent pas exactement le même jeu, et cela pose problème. Mes patients proviennent de toute l'Occitanie, voire d'autres régions de France, et il y a à l'évidence des endroits où ils sont écoutés, où les CPAM cherchent réellement des solutions, et d'autres endroits où le Covid long n'est pas un enjeu et ne suscite aucun intérêt.

Même si je sais qu'avec les incertitudes actuelles, il est complexe d'élaborer un cadre formel, la CNAM a un vrai rôle à jouer pour qu'il y ait de l'équité dans le traitement des dossiers. Aujourd'hui, ce n'est clairement pas le cas dans les réponses des CPAM aux patients. Cette question reviendra tant qu'on n'aura pas de cadre clair pour l'ensemble des patients.

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Dr Amélie Tugaye, médecin conseil à la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (CNAM)

C'est un problème dont la CNAM a conscience, et nous sommes en train de rédiger des instructions au réseau, tant pour les maladies professionnelles que pour le traitement des demandes d'ALD. Je signale malgré tout que le taux de refus n'est que de 5 %. Il n'y a donc pas de refus massifs. Certes, ce taux n'est peut-être pas totalement représentatif puisque notre requête portait sur des motifs clairement associés au Covid long. Certaines demandes faites sur d'autres motifs peuvent n'être pas intégrées dans ce taux. Il n'empêche que lorsqu'on est sur des intitulés Covid long, il n'y a pas beaucoup de refus. Je ne pourrais même pas parler d'hétérogénéité selon les régions, parce qu'on est sur des effectifs qui sont très faibles. Il est donc assez compliqué d'aller plus loin dans les analyses.

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Dr Jérôme Larché, médecin interniste et référent d'un centre Covid Long à Montpellier, membre du conseil scientifique de l'association #ApresJ20

‑ Comme vous l'avez dit, si l'on se base uniquement sur les chiffres dont nous disposons, les taux de refus seront faibles. Mais la raison en est qu'aujourd'hui, l'accès des patients à une prise en charge pluridisciplinaire reste très compliqué. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas beaucoup de patients qui ont des besoins parce qu'il n'y a pas beaucoup de demandes. Le problème est que pour faire un diagnostic et monter un dossier suffisamment complet pour prétendre à une ALD, il faut que les patients aient pu suivre en amont un parcours de soins pluridisciplinaire, c'est-à-dire bénéficier d'un suivi et d'une prise en charge parfois complexes. Quand l'accès à un diagnostic de Covid long sera déverrouillé, vous verrez probablement un peu plus de dossiers. C'est là qu'il faudra veiller à avoir une homogénéité dans le traitement des dossiers.

Je sais que cette problématique nationale est compliquée. Le vrai problème tient à la difficulté de l'accès au diagnostic. Les files d'attente pour avoir un rendez-vous dépassent parfois six mois, ce qui est absolument intolérable.

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Sonia de La Provôté, sénatrice, rapporteure

Je reviens sur l'intervention du Pr. Tourette Turgis et sur les réponses qui ont été apportées à mes questions. Manifestement, le genre peut constituer un facteur de risque supplémentaire – c'est en tout cas ce qui semble ressortir d'études en cours. Identifier des déterminants sociaux est certainement important pour développer l'accompagnement des patients post-Covid dans les territoires. Au-delà des éléments classiques de prise en charge sanitaire que l'on connaît déjà, j'attends donc avec impatience les résultats des études en cours.

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Angèle Préville, sénatrice, vice-présidente de l'Office

Il m'appartient de clore cette audition très riche. Nous devons faire preuve de beaucoup d'attention envers les personnes qui subissent le Covid long, et cette problématique qui n'en est qu'à ses débuts doit susciter une vigilance constante. Je remercie l'ensemble des intervenants pour le temps qu'ils ont consacré à éclairer l'Office.

La réunion est close à 12 h 50.

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 16 décembre 2021 à 9 heures

Députés

Présents. - Mme Émilie Cariou, M. Gérard Leseul

Excusés. - M. Philippe Bolo, M. Jean-François Eliaou, M. Cédric Villani

Sénateurs

Présents. - Mme Laure Darcos, M. André Guiol, M. Ludovic Haye, Mme Sonia de la Provôté, Mme Florence Lassarade, Mme Angèle Préville, M. Bruno Sido

Excusés. - M. Gérard Longuet, Mme Michelle Meunier