Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 4 novembre 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 4 novembre 2021

La réunion est ouverte à 9 h 40.

Audition publique sur la transmission du coronavirus dans les milieux confinés, les capteurs de CO2 et les purificateurs d'air (Jean-Luc Fugit, député, et Angèle Préville, sénatrice, rapporteurs)

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Chers collègues, chers invités, en présence ou en visioconférence, je vous souhaite la bienvenue pour cette audition publique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) qui porte sur la transmission du coronavirus dans les milieux confinés. Nous parlerons de transmission dans l'atmosphère, de purificateurs d'air, de capteurs de CO2, ce qui nous conduira à évoquer à la fois des questions d'épidémiologie et de mécanique des fluides.

Notre collègue de l'Assemblée nationale Jean-Luc Fugit et notre collègue du Sénat Angèle Préville présideront cette audition. Elle fait suite à un premier travail de Jean-Luc Fugit portant sur les liens entre la pollution de l'air, les gaz à effet de serre et le coronavirus, travail qui a été présenté devant notre Office au printemps 2020. L'audition d'aujourd'hui s'inscrit dans le cadre d'une étude sur les relations entre la pollution de l'air et l'épidémie de Covid-19 engagée sur une saisine conjointe de la commission des affaires sociales et de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale.

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Nous sommes donc réunis ce matin pour une audition publique sur la transmission du coronavirus dans les milieux confinés. Nous évoquerons aussi la question des capteurs de CO2 et les purificateurs d'air.

En mai 2020, l'Office parlementaire a publié une note intitulée Pollution de l'air, gaz à effet de serre et crise du Covid-19 : quelles interactions ? Cette note mise en ligne le 15 mai 2020 s'intéressait, deux mois après le début de la crise en France, à l'évolution de la pollution lors du confinement du printemps 2020, au sens des gaz à effet de serre mais aussi des polluants réglementés tels que les oxydes d'azote et les particules fines. Elle s'intéressait d'autre part à la pollution de l'air comme possible facteur aggravant de l'épidémie.

Si différents moyens de mesure avaient permis d'explorer précisément le premier axe, celui de l'effet du confinement sur l'évolution de la pollution de proximité, les études sur le deuxième point n'en étaient encore qu'à leurs débuts ; elles manquaient de données de long terme et de retours d'expérience. Le scientifique que je suis insiste : il faut prendre le temps de comparer, de regarder, d'approfondir, de valider, c'est-à-dire de faire un travail sérieux avant de communiquer et publier un certain nombre d'informations. Au mois de mai 2020, lors de l'examen de la note, l'Office avait décidé qu'une mise à jour serait nécessaire afin de suivre l'évolution des travaux nationaux et internationaux sur ce sujet de grande importance.

En octobre de cette année, l'Office a été saisi par la commission des affaires sociales et la commission du développement durable de l'Assemblée nationale afin de prolonger cette étude. Il s'agit donc maintenant de faire le point sur les avancées scientifiques puis de tirer des conclusions et des recommandations par rapport aux politiques publiques d'amélioration de la qualité de l'air, conduites et à conduire à la lumière de la crise sanitaire.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

Nous nous intéressons au transport et à la propagation du virus en air extérieur mais aussi en air intérieur. L'aération des pièces et la transmission du virus par aérosols ont longtemps été les angles morts des gestes barrières en France mais ils sont maintenant bien intégrés et ont permis de mettre à jour les conditions d'accueil dans les établissements recevant du public, notamment les écoles.

Ces derniers mois, des questions ont émergé autour de l'utilisation des capteurs de CO2 et des purificateurs d'air en complément de l'aération régulière des espaces clos. C'est un sujet à part entière qui fait l'objet de débats ; nous avons donc décidé de le traiter à travers l'audition publique de ce matin, qui réunit différents spécialistes et différentes expertises.

Je rappelle que cette audition est publique, diffusée en direct puis en différé sur le site de l'Assemblée nationale. Les internautes ont la possibilité de poser des questions en se connectant à la plateforme dont les coordonnées figurent sur les pages Internet de l'Office. Nous en poserons un certain nombre aux intervenants présents autour de cette table.

Nous commençons par la présentation du professeur Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), responsable de l'équipe Épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires (EPAR) à l'Université Paris 6, directrice adjointe de l'Institut Desbrest d'épidémiologie et de santé publique, qui intervient en visioconférence. Le professeur Annesi-Maesano a écrit une tribune dans Le Monde en avril 2021, intitulée Il faut que l'air intérieur soit considéré comme un bien public. Elle a aussi fait partie des premiers chercheurs à avoir alerté dès 2020 sur les dangers de la contamination par aérosols, surtout en milieu confiné.

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Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l'Inserm

Je suis effectivement impliquée dans de nombreuses études et je fais partie de sociétés médicales européennes, notamment consacrées à la santé allergique et respiratoire. Sous mon impulsion, la problématique de la contamination par le SARS-CoV-2 et le danger de vivre dans des zones polluées ont été beaucoup approfondis. Considérer à la fois la pollution de l'intérieur et la pollution de l'extérieur, comme vous le faites dans votre étude, me semble une très bonne idée.

Vous avez mentionné la tribune dans laquelle je faisais le point sur l'air intérieur. Cette tribune faisait état de faits moins solides que ce que nous savons maintenant sur la pollution en air extérieur. Il existe actuellement 1 294 études sur PubMed et 52 sur medRxiv (med-archive) sur le thème des liens entre pollution et SARS-CoV-2 ou Covid : c'est énorme.

Une méta-analyse a été réalisée et, à la fois pour les effets à court terme et pour les effets à long terme, les risques relatifs sont significatifs. Les études sont éparses et hétérogènes mais leurs résultats sont vraiment concordants. Ces études mettent aussi en évidence un problème majeur, à savoir un gradient selon le niveau socioprofessionnel : les classes sociales les moins favorisées sont les plus exposées, celles où la Covid sévit davantage. La raison en est très simple : la pollution est un irritant et altère la perméabilité des voies aériennes. C'est vrai tant pour la pollution de l'air extérieur que pour celle de l'air intérieur.

Pour les effets à long terme, cette méta-analyse a montré que les organes visés par la pollution de l'air et la Covid sont les mêmes. Des raisons biologiques maintenant bien cernées par les experts étayent cette hypothèse.

Pour en revenir à la période de confinement, je vous cite ce papier assez ancien qui porte sur le SARS-CoV-1. Il provient d'une très bonne revue, le New England Journal of Medecine. Les auteurs concluent, entre autres, que lorsque l'épidémie se propage de personne à personne, à grande échelle et rapidement, il faut envisager, au-delà de la transmission par gouttelettes et par contact, un autre mode de transmission et accorder une grande attention au mécanisme de transmission par aérosols, ce qui a été fait. J'ai signé la première lettre écrite par le professeur Lidia Morawska qui alertait sur le sujet dans le cas du SARS-CoV-2.

Schématiquement, une personne infectée en contact avec un individu peut contaminer ce dernier par les aérosols liés à l'expiration, à la parole ou au chant mais également par évaporation, par les gouttelettes qui sèchent : le virus peut ainsi circuler et contaminer les amis. Bien sûr, ce phénomène est d'autant plus important que l'on se trouve dans un lieu de faible volume.

J'aime bien l'image suivante : il faut penser à la personne infectée comme à une bougie. La cire qui tombe à proximité est constituée de grosses gouttelettes lourdes ; ce sont celles de la contamination directe. La fumée est constituée de gouttelettes légères, qui se dispersent dans l'air et dans l'environnement : ce sont les aérosols, ceux qui s'éloignent.

Voici quelques données qui rappellent des points bien connus maintenant. Une personne infectieuse peut expulser jusqu'à 200 millions de particules virales chaque fois qu'elle tousse, ce qui est énorme. La plupart des gouttelettes sont lourdes et tombent mais certaines entrent en suspension dans l'air pour des durées importantes – jusqu'à sept heures – et elles peuvent se retrouver à plusieurs mètres de la personne qui les a émises.

Tous les environnements fermés avec peu d'échanges d'air et une forte densité de personnes sont idéaux pour la propagation du virus. C'est là qu'il faut vraiment être prudent et, dans les lieux fermés avec un espace suffisant, nous devons bien sûr rester éloignés de la cire de la bougie. Je trouve que cette notion de distanciation s'est perdue.

L'image présentée maintenant montre un crachat et, en bas à droite, une personne qui émet des aérosols tout simplement en respirant. Mme Lydia Bourouiba avait mesuré ainsi que les aérosols se diffusent jusqu'à huit mètres de distance et restent en suspension dans l'air.

Après ces trois modes de transmission, voyons les répercussions au niveau de l'organisme. Une fois la gouttelette séchée, il reste un petit virus de 0,12 micron, comme celui de la grippe. Ce virus, une fois inhalé, peut franchir la barrière alvéolaire et se retrouver dans le sang – c'est très important – mais aussi bien sûr au niveau de l'épithélium alvéolaire. Un autre point très important et peu connu est qu'une partie de ces particules – en fonction de leur taille – s'arrêtent au nez de par leur mouvement brownien. C'est pourquoi le masque doit couvrir le nez. Les gens ne le savent pas et n'imaginent pas que c'est très important. Des calculs ont été faits et nous savons quelle part de particules ultrafines restent dans le nez.

À titre de démonstration, je vous présente trois cas emblématiques de ce mode de contamination. Le premier concerne une chorale dans le comté de Skagit aux États-Unis. Nous savions déjà qu'il fallait se laver les mains, porter un masque et être éloignés mais, au moment de chanter, les gens enlevaient le masque. Cela se passait dans un local fermé et 50 personnes ont été contaminées. Deux décès ont même eu lieu.

Ce qu'il s'est passé à Wuhan dans un restaurant à plusieurs étages comme il en existe en Chine est encore plus spectaculaire : un individu a contaminé d'autres personnes à plusieurs étages de distance, par le biais d'un système de ventilation mal adapté.

Pour en revenir à la France, l'étude ComCor – un questionnaire très intéressant – de l'Institut Pasteur avait montré que, dans le cas des contaminations extra-domiciliaires, 80 % des contacts avaient lieu à l'intérieur des locaux, fenêtres fermées, et ce en dépit du respect des gestes barrières. Les gens enlèvent le masque pour manger, pour boire, pour prendre un café ou parce qu'il les gêne et, évidemment, c'est problématique.

Pour moi, il faut absolument empêcher la transmission aéroportée du virus. C'est le défi à relever. Il faut compléter les mesures actuelles par des mesures de prévention de la transmission des aérosols à l'intérieur des locaux. Naturellement, il faut ventiler autant que possible. Je sais qu'il fait froid en hiver ou que certains bureaux n'ont pas de fenêtre même si ceci est interdit. Il faut augmenter la distanciation dans les espaces bondés, définir des jauges de fréquentation des locaux. Bien sûr, il faut installer des appareils capables de piéger les aérosols en suspension porteurs de virus ; c'est l'objet de la discussion d'aujourd'hui mais je ne suis pas une experte. Il faut mesurer le CO2, j'en reparlerai, mais je souhaite d'abord insister sur deux aspects déjà mentionnés.

Premièrement, il ne faut pas confondre ventilation et isolation thermique. Une isolation thermique empêche souvent les échanges d'air si elle n'est pas bien faite.

Deuxièmement, je vous ai déjà parlé du gradient socio-économique dans le risque de contamination. Il faut donc mettre en œuvre en priorité un plan d'assainissement de l'air dans les lieux fréquentés par du public tels que les écoles, universités, lieux de culture, hôtels.

Un appel d'offres Horizon Europe a été lancé. Mes collègues et moi avons soumis un projet concernant notamment les virus – pas seulement le SARS-CoV-2 – à l'école en améliorant la qualité de l'air mais aussi en mettant en place des systèmes d'alerte. Il existe une sonde très intelligente qui permet de détecter le SARS-CoV-2 dans l'air. Le procédé n'est pas complètement validé mais nous pourrons en parler. Dans tous les lieux fréquentés par du public, le dioxyde de carbone peut être utilisé comme indicateur. Je l'avais utilisé lors d'études dans les écoles françaises voici quelque temps.

Nous en arrivons à la priorité générale qui est de réduire les émissions de polluants atmosphériques. Je souhaite vraiment qu'une étude française puisse dire quels sont les liens entre Covid et pollution. Je fais partie du conseil scientifique d'une grande équipe internationale qui a regardé en détail ce que l'on appelle les biais en épidémiologie. Elle a trouvé une relation entre pollution de l'extérieur des locaux, Covid, mortalité et morbidité. J'aimerais qu'une telle étude soit réalisée aussi en France.

Pour finir, j'en viens à ce que j'appelle « le faux sentiment de sécurité ». Il m'arrive de parler avec des gens qui sont sans masque dans le train ou dans l'avion et qui me disent : « De toute façon, je n'en ai pas besoin parce que je suis vacciné. » Nous savons que, malheureusement, les vaccins ne protègent pas complètement. Il existe de nouveaux variants et, chez certains sujets, les vaccins ne fonctionnent pas comme il le faudrait.

Nous avons en interne un service de pneumologie. Nous commençons à revoir des malades, même en réanimation, qui ont eu une double dose. Le vaccin est très important mais il faut que les gens comprennent qu'il est toujours utile de porter le masque. Deux publications récentes ont montré que certains sujets ne sont pas complètement protégés par le vaccin. Il faut aussi savoir que les individus asymptomatiques sont contagieux. C'est pour cette raison que les masques doivent être mis et je conseille vraiment le masque FFP3 dans certaines situations.

Le Japon a enregistré 19 000 décès depuis le début de l'épidémie pour 126 millions d'habitants alors que les Japonais sont âgés ce qui est un facteur de risque de la Covid. Les Japonais disent éviter autant que possible les espaces clos, trop bondés et le contact proche. Je pense qu'il ne faut pas l'oublier.

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Je précise aux internautes qui ont déjà déposé un certain nombre de questions que nous écouterons d'abord les intervenants qui sont conviés à cette audition, puis la présentation d'un exemple concret de mise en œuvre de purificateurs d'air. À la fin de ces présentations, nous poserons un certain nombre de questions des internautes, dans la mesure du temps disponible.

Je passe la parole à M. Benoît Semin, chercheur au Laboratoire de physique et mécanique des milieux hétérogènes du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et membre du collectif « Projet CO2 ». Ce collectif préconise l'installation de capteurs de CO2 dans les établissements recevant du public (ERP) et met en ligne un contenu scientifique, technique et pratique sur l'aération et la mesure du CO2 comme moyen de lutte contre la propagation de la Covid en milieu clos.

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Benoît Semin, membre du collectif « Projet CO2 »

Ma présentation porte sur la mesure du CO2 : pourquoi mesurer le CO2 et comment mesurer le CO2 ?

Quand nous parlons ou respirons, nous émettons non seulement de grosses gouttelettes – les postillons – qui tombent rapidement mais aussi des aérosols, des gouttelettes de taille inférieure à cinq ou dix microns, qui sont invisibles et qui restent en suspension dans l'air. Une très bonne analogie est celle de la fumée de cigarettes : dans une salle où quelqu'un fume, la concentration maximale se trouve à proximité de la personne qui fume mais, même à plus de deux mètres, se trouve une concentration importante en fumée de cigarette si l'espace est mal ventilé. Si quelqu'un inhale ces aérosols, ils se déposent dans les voies respiratoires, du nez jusqu'aux poumons. Ce mécanisme de transmission par aérosols est à la fois à courte portée et à longue distance, à plus de deux mètres dans un même espace clos.

Beaucoup d'arguments justifient cette transmission par aérosols. J'en discuterai quelques-uns. Tout d'abord, du virus viable a été trouvé dans l'air lors de mesures dans des hôpitaux. Ce n'est pas seulement une analogie : le virus a vraiment été détecté dans l'air.

D'autre part, des expériences ont été réalisées avec des animaux, par exemple avec des hamsters, en mettant deux hamsters dans des cages séparées qui partagent le même air. Si l'un des deux hamsters était initialement malade, l'autre devenait malade alors qu'il n'existait pas de contact entre les deux animaux.

Il faut savoir que cette épidémie est dominée par les clusters. Or, les clusters sont un phénomène qui s'explique particulièrement bien par la transmission par aérosols puisque toutes les personnes d'une pièce peuvent respirer le même air et être contaminées. Dans les exemples de la chorale aux États-Unis et du restaurant en Chine, le fait qu'une personne malade et certaines des personnes contaminées aient toujours été distantes de plus de deux mètres a été vérifié, par exemple par vidéosurveillance dans le restaurant chinois. La contamination ne peut pas s'expliquer autrement que par une transmission par aérosols.

Enfin, nous savons par des études avec du traçage de cas contacts en Chine et en Allemagne que le risque de contamination est nettement plus faible à l'extérieur, ce qui montre que cette transmission par aérosols est notable. Ce qui change principalement entre l'intérieur et l'extérieur est que, à l'extérieur, les aérosols sont notablement dilués par l'air.

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Benoît Semin, membre du collectif « Projet CO2 »

Les ordres de grandeur donnés sont de dix à douze mais la fiabilité des études reste assez faible.

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La transmission par aérosols serait donc dix fois plus faible en extérieur qu'en intérieur mais ce ne sont pas des chiffres très fiables.

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Benoît Semin, membre du collectif « Projet CO2 »

Oui, même en restant très prudents, nous savons que c'est plus faible, beaucoup plus faible pour la même durée.

De très nombreux articles sur la transmission par aérosols ont été publiés depuis le début de la pandémie dans les principaux journaux scientifiques et médicaux et ils affirment clairement la réalité d'une telle transmission.

Une manière de limiter le risque de transmission par aérosols est la ventilation ou l'aération – ce sont des synonymes – qui consiste à renouveler l'air d'une pièce par apport d'air extérieur ; ceci permet de diluer les aérosols et donc de réduire le risque.

Mesurer les aérosols émis lorsque nous parlons ou respirons est difficile puisque d'autres aérosols sont présents dans la pièce, notamment les particules fines de pollution. Une méthode pour savoir si une pièce est bien ventilée est d'utiliser le fait que, quand nous expirons, nous émettons non seulement des aérosols mais aussi du CO2. La dilution et le mouvement du CO2 sont similaires à ceux des aérosols. Plus la concentration en CO2 est faible, meilleure est la ventilation. La mesure de CO2 est une mesure de la qualité de la ventilation. Elle présente l'avantage d'être connue et validée dans le domaine du bâtiment et de la qualité de l'air.

Je vous donne quelques valeurs de référence du taux de CO2. Le taux à l'extérieur est de 0,04 %, ce qui est usuellement noté 400 parties par million (ppm). Dans ses avis, le Haut Conseil de la santé publique a conseillé de ne pas dépasser 800 ppm dans les zones avec masques et 600 ppm dans les zones sans masque comme les restaurants.

Dans les standards pré-Covid donnés par l'Association américaine des professionnels de la ventilation, une bonne ventilation était définie comme une valeur inférieure à 1 000 ppm, ce qui correspond aux valeurs des hygiénistes du XIXe siècle.

Pour mesurer le CO2, il faut acheter un capteur de CO2. Un point de vigilance important est que de très nombreux capteurs ne sont pas fiables. La technologie de référence est celle appelée infrarouge ou NDIR (non-dispersive infrared sensor). La technologie photo-acoustique est prometteuse. Par contre, il faut proscrire les technologies MOX ou électrochimiques. Nous avons constaté que certains capteurs NDIR ne sont malheureusement pas fiables et c'est pourquoi nous proposons sur notre site une liste de capteurs fiables que nous avons testés – à nos yeux, ceci ne crée pas de conflit d'intérêts vis-à-vis des fabricants.

L'utilisation de tels capteurs est relativement aisée. Il faut en étalonner certains en les plaçant à l'extérieur pendant dix minutes et en appuyant sur un bouton. Ces capteurs s'utilisent en présence des occupants. Il faut les placer à la hauteur où nous respirons, entre un et deux mètres de hauteur, et loin des entrées et des sorties d'air, sur une table ou sur un mur.

Ce graphe donne un exemple de mesures issues d'un capteur que nous avions prêté à un collège. Trente personnes sont présentes dans la salle et le taux de CO2 est initialement de 400 ppm. Au bout d'une heure, le taux est monté à 2 000 ppm puis il atteint 2 500 ppm. Ce qui est intéressant est que, en ouvrant portes et fenêtres, le taux descend très vite et revient à 400 ppm. Ce sont des valeurs qui sont tout à fait similaires à celles des études systématiques réalisées par l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur, qui relevait que beaucoup d'écoles ont un air très confiné, ce qui signifie avec un fort taux de CO2. C'est similaire à ce qui est observé dans les autres pays européens.

Nous avons mesuré que, comme le dit la littérature scientifique, la qualité de la ventilation varie beaucoup au sein d'une même catégorie de locaux. Il existe des logements bien ventilés ou mal ventilés, des transports en commun mal ou bien ventilés. Cela montre que les solutions existent – l'ouverture des fenêtres, la ventilation mécanique contrôlée – mais qu'elles ne sont pas mises en œuvre partout.

Pour finir, je parlerai de l'intérêt de la mesure du CO2 et de la ventilation hors contexte Covid-19. La transmission par aérosols n'est pas propre au SARS-CoV-2. De très nombreuses maladies peuvent se transmettre par aérosols comme la rougeole, la tuberculose, la varicelle, la grippe. Cela montre deux choses. Premièrement, la ventilation peut être utile pour lutter contre les maladies saisonnières telles que la grippe et elle est également un moyen de se protéger et de se préparer en cas d'émergence d'une nouvelle maladie respiratoire qui se transmettrait par aérosols. Deuxièmement, et c'est particulièrement important pour les écoles, les taux de CO2 élevés diminuent de façon réversible les capacités intellectuelles.

En conclusion, les capteurs de CO2 permettent de mesurer de façon quantitative la ventilation dans une salle et, lorsqu'il existe des ouvertures comme les fenêtres, ils permettent de sensibiliser les occupants. Ils permettent aussi de déterminer quand il faut ouvrir les fenêtres.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

. Je passe maintenant la parole à M. Fabien Squinazi, médecin biologiste, ancien chef du bureau de la santé environnementale et de l'hygiène à la Mairie de Paris, vice-président de la commission spécialisée « Risques liés à l'environnement » du Haut Conseil de la santé publique.

Depuis le début de la pandémie, le Haut Conseil de la santé publique a rendu plusieurs avis sur la gestion de l'air en milieu confiné et la transmission par aérosols mais aussi sur les capteurs de CO2 et les purificateurs d'air.

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Fabien Squinazi, vice-président de la commission spécialisée « Risques liés à l'environnement » du Haut Conseil de la santé publique

Je contribue au Haut Conseil de la santé publique dans une commission sur les risques liés à l'environnement depuis 2013, date à laquelle j'ai quitté le poste de responsable du laboratoire d'hygiène de la Ville de Paris. L'année dernière, au mois de mars, j'ai participé à un groupe de travail du Haut Conseil de la santé publique sur la Covid qui a répondu à de très nombreuses saisines de la Direction générale de la santé et d'autres ministères. Suite à ces avis, nous avons, au mois d'avril de l'année dernière, rendu un avis sur les aérosols en disant qu'il ne fallait pas exclure la transmission par aérosols. Au mois de juillet de l'année dernière, nous écrivions que nous devions envisager la transmission par aérosols, qui était une hypothèse suggérée par toutes les études scientifiques citées précédemment.

Je ne reviendrai pas sur le sujet de la qualité de l'air intérieur, de l'aération et de la ventilation qui vient d'être exposé par mon collègue Benoît Semin, avec qui nous travaillons d'ailleurs dans le « projet CO2 » pour améliorer le choix des capteurs de CO2.

Le renouvellement de l'air dans les locaux, qu'il soit réalisé par aération ou par ventilation mécanique, est fondamental car il permet de diluer les aérosols et les polluants intérieurs puis de les extraire. Le contrôle des valeurs de dioxyde de carbone émis par la respiration humaine permet de s'assurer du bon renouvellement de l'air et de l'apport d'air neuf venant de l'extérieur. C'est absolument fondamental.

La notion de purification d'air est apparue en cours de route lorsque nous avons commencé à parler des aérosols, avec en particulier les unités mobiles de filtration d'air. Par « purificateur d'air », on désigne, d'une part, les appareils venant sous forme de boites contenant des ventilateurs et permettant de piéger les particules par des systèmes de filtration, d'autre part, les systèmes qui réalisent un traitement physicochimique des différents polluants et détruisent les micro-organismes et les polluants chimiques.

Je distingue les deux parce que le Haut Conseil de la santé publique a mis plutôt en avant les appareils de filtration et a écarté, notamment suite à différents avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), des appareils qui font du traitement physico-chimique et qui peuvent créer des substances chimiques secondaires toxiques, comme l'ozone pour des appareils qui utilisent des champs électriques ou le formaldéhyde pour ceux qui reposent sur la photocatalyse.

Je reviens aux purificateurs d'air, qui sont connus depuis très longtemps. Des appareils pour piéger les aérosols sont apparus l'année dernière. En matière de filtration d'air, il faut différencier trois niveaux. Le premier niveau concerne l'efficacité de la filtration et du filtre utilisé. Elle est mesurée sur des bancs d'essai en laboratoire et le Haut Conseil de la santé publique a recommandé des filtres à très haute efficacité contre les particules aériennes dits HEPA (high-efficiency particulate air) et, en particulier, les filtres de catégorie HEPA13 ou HEPA14, qui piègent les particules les plus fines.

Le filtre est installé dans un appareil : il s'agit d'une boîte munie d'un ventilateur et, au deuxième niveau, il est important de tester aussi l'appareil lui-même. Pour cela, depuis déjà de nombreuses années, j'ai contribué à la rédaction d'une norme française, la B44-200, qui permet de tester les purificateurs d'air sur des bancs d'essai pour mesurer leur efficacité. Cette norme aboutit au calcul du débit d'air épuré, en anglais le CADR (clean air delivery rate). Le débit d'air épuré permet de qualifier les performances intrinsèques d'un purificateur d'air. Cette notion est fondamentale car elle permet de différencier les appareils en fonction de leurs performances. Il existe des appareils qui ont des petits débits d'air épuré, d'autres qui en ont des plus importants. On a besoin de ces données pour apprécier la performance et l'efficacité de ces appareils.

Le troisième niveau n'est pas toujours abordé. Souvent, on parle uniquement des filtres. Les filtres sont importants, bien sûr, puisqu'ils piègent les particules mais il est aussi important de tester l'appareil lui-même. Le troisième niveau consiste à tester cet appareil en situation réelle car il est difficile de transposer une étude faite en laboratoire, dans une chambre d'essai ou sur banc aéraulique à ce qu'il se passe en situation réelle dans un local, dans une pièce où ont lieu des activités humaines, où se produisent des émissions permanentes d'aérosols. Il peut exister dans cette pièce des obstacles aux flux d'air, une ventilation ou une aération. Plusieurs facteurs interviennent donc sur l'efficacité réelle du purificateur d'air. Il est très important de mener cette étude comme le recommande le Haut Conseil de santé publique, car l'installation d'un purificateur d'air est une véritable intervention technique. Ce n'est pas un appareil que l'on peut placer n'importe où dans une pièce et pour lequel il suffirait d'appuyer sur un bouton pour en purifier l'air.

Un des points très importants à considérer est donc le positionnement de l'appareil dans la pièce. Faut-il le mettre contre un mur ou en plein milieu ? Ce sont des études aérauliques qui permettent de savoir à quel endroit placer cet appareil pour brasser l'air de la pièce. D'autres facteurs interviennent, comme les obstacles au flux d'air ou l'interférence avec la ventilation. Toute une étude technique préalable est nécessaire avant d'installer un purificateur d'air.

Une unité de filtration d'air ne remplace pas la ventilation. Celle-ci a son propre rôle : elle apporte de l'air neuf, de l'oxygène, elle permet de diluer les polluants et elle permet d'extraire ces polluants. L'appareil de filtration d'air quant à lui traite un air pollué, vicié. Il brasse l'air de la pièce mais n'apporte pas d'air neuf et ne fait pas baisser les niveaux de CO2. Si c'est une unité de filtration d'air, ce purificateur ne traitera que les particules.

Les particules fines sont souvent d'une taille inférieure au micromètre : en effet, les gouttelettes des aérosols s'évaporent et forment ce qu'on appelle des fines particules ou des résidus secs en suspension dans l'air. Ce sont de très fines particules et, pour que l'appareil soit efficace, il faut qu'il fasse venir, si je puis dire, ces particules jusqu'à lui pour pouvoir les piéger. Or nous n'avons encore que peu d'études qui montrent l'homogénéité de l'efficacité de l'appareil, c'est-à-dire que nous ne savons pas si la concentration de ces particules très fines, porteuses potentiellement du virus qui sera ensuite inhalé, a été réduite partout dans la pièce. Ceci rejoint le troisième niveau dont je parlais précédemment et justifie les études complémentaires que nous essayons de mener actuellement.

Beaucoup d'études sont publiées sur ce sujet mais elles ne permettent pas de mesurer l'homogénéité de la réduction de la contamination particulaire, de savoir quel est le niveau d'exposition à ces particules fines et de savoir si ce sont les particules les plus fines qui ont été traitées. Nous avons besoin de ces informations. La ventilation et le renouvellement de l'air par l'apport d'air neuf restent la mesure principale dans la lutte contre la propagation du virus par les aérosols. Les appareils de purification viennent en complément et ne s'y substituent pas mais il faut mener des études pour quantifier la valeur ajoutée de ces appareils.

Enfin, dans les cas où la ventilation est défaillante, où il est impossible d'ouvrir régulièrement les fenêtres et où l'on souhaite installer un purificateur d'air pour pallier ce défaut de ventilation, il faut savoir que ceci va à l'encontre des textes qui imposent des débits de ventilation réglementaires. Il ne faut jamais oublier que, si la ventilation est défaillante, il faut la remettre en état pour respecter la réglementation, notamment le règlement sanitaire départemental ou le code du travail. Les débits de ventilation réglementaires doivent être respectés. Nous parlions tout à l'heure des écoles mais, souvent, dans d'autres lieux qui reçoivent du public, il n'existe pas de système de ventilation. Ils peuvent avoir un climatiseur pour rafraîchir ou pour réchauffer l'air mais pas de système de ventilation efficace qui permette d'obtenir le résultat attendu.

Je parle évidemment comme représentant du Haut Conseil de la santé publique, qui a publié de très nombreux avis sur le sujet, encore tout récemment, et j'ai donné des explications sur nos avis du mois de juillet dernier. Je parle également de tous les travaux que nous avons pu mener sur la question. La purification de l'air est un sujet sur lequel je travaille depuis de très nombreuses années puisque j'ai été à l'origine de la norme qui teste les purificateurs et mesure leur performance.

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Je vous remercie pour cette intervention passionnante. Elle nous a donné des explications qui sont basées sur la science et la technologie et non sur les croyances. C'est ce dont nous avons besoin pour bien comprendre les enjeux.

Nous poursuivons avec M. Matteo Redaelli qui est coordinateur scientifique de l'unité d'évaluation des risques liés à l'air à l'Anses. En 2017, l'Anses a publié un rapport intitulé Identification et analyse des différentes techniques d'épuration d'air intérieur émergentes qui passait en revue les différentes techniques de purification de l'air. Plus récemment, à l'été 2021, un axe de recherche « Air et Covid » a été ouvert au sein de l'Anses.

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Matteo Redaelli, coordinateur scientifique de l'unité d'évaluation des risques liés à l'air à l'Anses

J'espère que ma participation permettra d'apporter quelques éléments constructifs sur la question des épurateurs d'air. Comme vous l'avez signalé, l'agence s'était autosaisie du sujet en 2012. À l'époque, elle n'était évidemment pas motivée par le contexte actuel mais par la multiplication d'équipements qui revendiquaient des propriétés de traitement de l'air. Ces travaux avaient abouti à un avis et à un rapport publiés en 2017.

Il est important de rappeler que nos objectifs, à l'époque, étaient doubles. Il s'agissait d'abord de recenser les techniques d'épuration de l'air disponibles pour le grand public ou en traitement d'appoint en milieu professionnel, donc en écartant les grands systèmes utilisés en conditions industrielles ; il fallait, ensuite, analyser les connaissances sur l'évolution de la qualité de l'air associée à l'utilisation des nouvelles techniques, ce qui n'inclut donc pas les techniques de filtration mécanique, notamment les filtres à haute efficacité déjà cités, qui datent des années 1940 et ont fait leurs preuves en termes d'efficacité et de performance intrinsèque.

Cette analyse s'est, à l'époque, appuyée sur quelque 189 publications scientifiques. Dans la sélection d'articles réalisée, nous avions privilégié les essais en conditions réelles ou en conditions proches de la réalité, pour justement essayer de bien apprécier l'efficacité de ces dispositifs, pas uniquement en conditions expérimentales.

Je rappelle que l'épuration de l'air repose sur deux grands principes. Le premier est de piéger les contaminants, le second est de détruire ces contaminants. Ces techniques d'épuration peuvent être intégrées soit dans des appareils autonomes, soit dans les systèmes de ventilation, chauffage, climatisation d'un bâtiment. Mon propos se centrera plutôt sur le premier point.

En 2017 – cela a pu évoluer depuis –, nous avions recensé 14 technologies d'épuration de l'air sur le marché français. Il s'agissait, par exemple, de l'ionisation, l'adsorption physique, la photocatalyse, la catalyse, le plasma, les rayonnements ultraviolets (UV), l'ozonation. Il est à noter qu'en France, comme ailleurs à l'international excepté dans l'État de Californie, il n'existait pas de réglementation contraignante encadrant ces dispositifs mais, comme cela a déjà été évoqué, il existe des normes sur les performances et l'efficacité intrinsèque en conditions de laboratoire.

Nos travaux ont notamment mis en évidence plusieurs points intéressants. Tout d'abord, il existe peu d'études réalisées en conditions réelles ou proches de la réalité. Ces études ne permettent pas de démontrer une efficacité significative de ces dispositifs en conditions réelles.

La seconde conclusion est que certains dispositifs peuvent dégrader la qualité de l'air intérieur en générant de nouveaux polluants, notamment l'ozone pour des systèmes tels que l'ozonation, l'ionisation ou le plasma. La formation de particules a également été soulignée, en lien avec l'interaction qui peut se produire entre des terpènes déjà présents et le dispositif. Les terpènes sont des composés organiques volatils qui servent par exemple de désodorisants, que l'on peut retrouver dans l'air intérieur, et leur interaction avec le dispositif peut former des particules secondaires. Il peut aussi se former des polluants cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques tels que le formaldéhyde ou le toluène avec certains autres dispositifs.

Certains traitements utilisent des UV, qui sont un germinicide puissant. Ils s'attaquent au matériel génétique des micro-organismes et sont évidemment efficaces pour les détruire. Les seules réserves sur ces traitements sont, d'abord, qu'ils ne puissent pas rayonner directement vers l'être humain puisque nous savons que ceci peut provoquer des érythèmes, des lésions cutanées, des inflammations au niveau de la cornée, des conjonctivites et, ensuite, d'assurer que leur utilisation ne produit pas d'ozone.

À l'inverse de toutes ces technologies qui impliquent un traitement physico-chimique de l'air, la filtration de type HEPA, qui n'avait pas été investiguée à l'époque, n'induit évidemment pas de sous-produit dangereux pour la santé puisqu'elle repose sur une filtration mécanique. Par ailleurs, nous avons plus de recul sur cette technologie qui est déjà ancienne. Elle est notamment utilisée dans les hôpitaux et les laboratoires. Les normes doivent garantir une efficacité de filtration d'au moins 99,95 % des particules de 0,3 micron à partir de tests en conditions de laboratoire. Il s'agit donc de filtres de type H13 ou H14.

Les réserves portant sur les filtres HEPA rejoignent ce qui vient d'être dit par monsieur Squinazi : le rapport entre coût et efficacité en conditions réelles nous semble loin d'être évident, pour quatre raisons. La première est que leur efficacité en conditions réelles n'est pas démontrée. La deuxième est que cela nécessite des réglages, un conditionnement adapté aux conditions de la salle et à la fréquentation. Cela nécessite aussi un entretien régulier des filtres : il ne s'agit donc pas uniquement de poser le matériel et d'appuyer sur un bouton. La troisième raison est que ces appareils peuvent générer un faux sentiment de sécurité. Leur utilisation peut donc entraîner une moindre observance de la ventilation naturelle ou mécanique et du respect des gestes barrières dans le contexte de la pandémie. Le dernier point est que ce filtrage ne permet pas l'apport d'air neuf.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que la priorité doit être tournée sans conteste sur l'aération et la ventilation, en complément des gestes barrières et du port du masque in primis pour ce qui concerne la pandémie.

Ensuite, je voudrais évoquer un point sur la question des concentrations de CO2 dans l'air intérieur puisque c'est un sujet sur lequel l'Agence a également rendu une expertise, en 2013. À l'occasion de cette expertise, nous avions fait une revue des valeurs de concentration en dioxyde de carbone et de leurs effets sur la santé dans les environnements intérieurs, en collaboration avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).

Il faut rappeler qu'il existe des valeurs limites, réglementaires ou normatives, pour les concentrations de CO2, qui varient usuellement entre 1 000 ppm et 1 500 ppm suivant les pays, plutôt vers 1 000 ppm en France. Les règlements sanitaires départementaux et le code du travail encadrent ces valeurs.

Nous savons que certains environnements avec un fort taux d'occupation, comme les salles de classe, sont souvent loin du compte au regard du respect de ces normes. Nous savons aussi que les concentrations en CO2 mesurées dans l'air des écoles ont été associées à des symptômes d'asthme, à une altération des performances cognitives et à de l'inconfort. Une publication de Satish datant de 2012 suggérait également des effets sur les performances psychomotrices – prise de décision ou résolution de problèmes – à partir d'une concentration de 2 000 ppm.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que les investissements qui peuvent être consentis pour améliorer le renouvellement de l'air intérieur ne doivent pas être vus qu'au regard du contexte épidémique actuel. Ils sont également susceptibles d'améliorer sur le long terme la santé, le confort et les capacités d'apprentissage de nos enfants. Cela justifie d'investir sur une amélioration de la ventilation dans ces espaces.

Pour conclure sur le thème de la pollution de l'air et du Covid, nous avons publié une note d'appui scientifique et technique en juillet dernier. Cette note avait d'abord pour objectif de récapituler l'état des connaissances sur la transmission par aérosols, qui a déjà été largement évoquée par les précédents interlocuteurs. L'objectif était également d'étudier la viabilité dans l'air du virus et les questions de dose infectante qui restent encore très complexes. Nous avons analysé à cette occasion quelque 400 publications scientifiques.

La note confirme qu'il existe un fort faisceau d'arguments en faveur d'une transmission par aérosols. Nous parlons toujours de faisceau d'arguments et non de preuve pour la simple et bonne raison que, aujourd'hui, il n'existe pas d'étude expérimentale chez l'homme permettant de prouver la transmission par aérosols et que des études épidémiologiques ne permettent pas de prouver une transmission par aérosols, même si beaucoup de travaux épidémiologiques déjà évoqués montrent un risque augmenté dans les environnements intérieurs mal ventilés.

Nous n'avons toujours pas de réponse quant aux parts respectives des différentes voies de transmission dans le risque d'infection. Très honnêtement, c'est une question à laquelle il risque d'être très difficile, voire impossible, de répondre puisqu'elle s'est déjà posée pour la grippe et qu'elle reste sans réponse. Pour autant, les nombreuses publications scientifiques sur le sujet au cours de ces deux années d'épidémie montrent de façon certaine que le risque de transmission est augmenté dans les environnements intérieurs fortement fréquentés, confinés ou mal ventilés. C'est un point sur lequel nous avons une forme de certitude.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

Je vous remercie. Je passe maintenant la parole à M. Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm et codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath) qui interviendra en visioconférence. Le laboratoire VirPath, en partenariat avec la société VirHealth, a rendu en mars 2021 les conclusions d'une étude qui consistait à tester l'efficacité de deux purificateurs d'air contre le SARS-CoV-2, notamment les filtres HEPA.

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Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath)

Je suis virologiste de formation. Le savoir-faire du laboratoire VirPath à Lyon consiste en l'étude, la manipulation, la production et la quantification des virus respiratoires infectieux tels que les virus influenza, les pneumovirus notamment responsables des bronchiolites des jeunes enfants et le SARS-CoV-2 depuis janvier 2020. Nous avons une activité très soutenue, tant sur le volet des antiviraux que sur le volet des vaccins. Un troisième axe nous implique fortement dans la lutte contre le SARS-CoV-2 depuis deux ans et s'inscrit dans notre démarche de contribuer à un meilleur contrôle des pathogènes viraux respiratoires : il s'agit de l'évaluation des dispositifs et technologies d'épuration de l'air.

Je suis en complet accord avec les interlocuteurs précédents mais j'ai quand même plusieurs commentaires et précisions à apporter. Le premier est que la pandémie à SARS‑CoV‑2 a, je crois, permis de prendre véritablement conscience de l'importance de l'enjeu sanitaire, économique et sociétal de la qualité de l'air intérieur. Finalement, le SARS‑CoV-2 et d'autres virus respiratoires tels que les virus influenza ou les virus responsables des bronchiolites sont des pathogènes qui se transmettent par aérosols comme cela a été prouvé par différentes études précliniques avec des modèles animaux, mais également par contact de surface.

Je donne quelques chiffres pour replacer dans son contexte la lutte actuelle contre le SARS-CoV‑2 mais aussi, en termes d'investissement d'avenir, contre des épidémies saisonnières. Les virus influenza responsables de la grippe provoquent entre 5 000 et 15 000 morts par an en France et plus de quatre millions de journées de travail perdues, alors qu'il existe plusieurs vaccins disponibles sur le marché et plusieurs antiviraux. Pour les pneumovirus responsables notamment des bronchiolites mais aussi de pneumopathies sévères chez les personnes âgées, il n'existe sur le marché ni vaccin ni antiviral. C'est un vrai problème et, actuellement, avec le déficit de l'immunité collective vis-à-vis des virus type virus respiratoire syncitial (VRS) et métapneumovirus, une problématique sanitaire supplémentaire s'ajoute à la pandémie à SARS‑CoV‑2.

Dans ce contexte, nous avons mené un certain nombre d'études et d'essais pour évaluer les purificateurs d'air filtrants, notamment sur la base des recommandations du Haut Conseil de la santé publique comme l'a rappelé monsieur Squinazi, et à la demande de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avons mobilisé un banc d'essai de 2,5 mètres cubes, dans lequel nous sommes capables de générer des atmosphères très hautement contaminées par des virus respiratoires – en l'occurrence le virus SARS-CoV-2 – pour caractériser selon un protocole scientifique, avec tous les contrôles nécessaires, les performances des purificateurs d'air filtrants. Nous avons notamment étudié l'abattement de particules virales infectieuses et la stabilité du SARS‑CoV‑2 sur les filtres HEPA.

L'objectif n'était bien évidemment pas de prouver l'efficacité des filtres HEPA H13 ou H14. Ce sont des dispositifs que nous avons dans nos laboratoires, notamment dans notre laboratoire BSL-3 (biosafety level 3) ou P3 (pathogènes de classe 3) au niveau de l'air entrant et de l'air sortant. L'objectif était d'évaluer un dispositif dans son entièreté, selon son mode de fonctionnement, le débit d'air et la durée de fonctionnement.

Nous sommes conscients des limites de nos technologies et de nos savoir-faire. Le premier point important à retenir est que, pour évaluer ces technologies, la mesure fondamentale en ce qui concerne les virus respiratoires est le nombre de particules infectieuses et non la détection de génomes viraux. Ceci nécessite un savoir-faire en termes de production en grands volumes de ces virus respiratoires, de génération d'atmosphères très hautement contaminées par nébulisation et de récolte en préservant le mieux possible les virus infectieux résiduels après fonctionnement de ces épurateurs, de façon à pouvoir quantifier ces particules virales infectieuses et mesurer l'abattement viral.

Pour évaluer ces dispositifs in situ, nous n'allons certainement pas nébuliser du virus infectieux dans une salle de classe ou dans un établissement recevant du public (ERP). L'enjeu est de disposer d'un banc d'essai de très grand volume mimant le mieux possible les conditions environnementales in situ, c'est-à-dire avec des approches d'aéraulique, de génération de flux d'air anarchiques comme dans une salle de classe ou maîtrisés, contrôlés comme par exemple dans une salle propre, de pouvoir modéliser cette aéraulique, de faire varier des paramètres environnementaux comme la température et l'hygrométrie, et de générer des atmosphères très hautement contaminées par des virus infectieux dans de grands volumes.

Notre ambition est de proposer un protocole de déploiement in situ de ces dispositifs, ce que nous ne sommes pas capables de faire aujourd'hui. Je parle du nombre de ces dispositifs, de leur mode de fonctionnement selon leurs caractéristiques de débit d'air, et de leur disposition dans ces environnements. Nous nous sommes fixé cet objectif avec plusieurs acteurs du domaine et nous espérons bien pouvoir l'atteindre parce que le besoin est énorme. Il a été exprimé par les interlocuteurs précédents, par les institutions et par les industriels. Il faut pouvoir évaluer les performances de toutes ces technologies dans les conditions les plus proches de la réalité.

L'autre problème auquel nous sommes confrontés aujourd'hui est l'absence de normes françaises, et même mondiales, par rapport à la décontamination de l'air sur un plan virologique. Ce problème s'explique assez facilement parce que manipuler, produire, quantifier des virus infectieux nécessite des savoir-faire, des technologies, des espaces de laboratoire dédiés et qualifiés au niveau BSL‑2 ou BSL-3.

Nous avons intégré plusieurs groupes de travail de l'Association française de normalisation (AFNOR) pour essayer de compléter la norme B44-200 que M. Squinazi a contribué à mettre en place par un volet virologie. Comme l'Anses et le Haut Conseil de la santé publique l'ont recommandé, nous intégrons l'évaluation de ces dispositifs selon une norme qui mime le plus fidèlement possible la réalité des environnements avec ces données d'aéraulique, de paramètres environnementaux et toute la biologie associée au virus.

En effet, la contamination par aérosols est possible mais ces aérosols sont très hétérogènes en termes de taille de particules et de composition. Ils sont constitués de mucus, de salive et tout l'enjeu de notre travail au laboratoire est de mimer au mieux les conditions environnementales in situ pour être capables de caractériser du mieux possible les performances des dispositifs purificateurs d'air filtrants mais également des autres technologies comme les UV-C (bande 100-280 nm des ultraviolets), l'ozone, la photocatalyse. Il s'agit de proposer des protocoles de déploiement in situ de ces dispositifs.

Pour vous faire saisir la difficulté technologique et les besoins logistiques et matériels pour évaluer ces dispositifs en atmosphère très hautement contaminée, je vais vous présenter une vidéo d'une minute environ.

Une courte vidéo présente le banc d'essai aux membres de l'Office (culture du virus, nébulisation des virus dans le banc, récupération et quantification des virus après test).

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Est-il si important de faire ces tests expérimentaux avec de « vrais virus », si je puis dire ? Ne serait-il pas possible d'utiliser des modèles chimiques ayant des caractéristiques similaires ? Pour le formuler autrement, parmi les processus de filtration que vous souhaitez calibrer, lesquels utilisent le fait qu'il s'agit vraiment d'un virus et lesquels utilisent juste le fait qu'il s'agit d'une particule de 0,1 micron, pour laquelle ce sont les aspects chimiques et physiques qui comptent et non les aspects biologiques ?

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Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath)

En tant que virologiste, je peux vous répondre qu'il est essentiel d'évaluer ces dispositifs et ces technologies avec de véritables virus infectieux. Comme je le disais au début de mon exposé, il faut bien faire la différence entre des particules virales infectieuses d'une taille donnée et des particules virales non infectieuses, en l'occurrence la quantification des génomes viraux. Ce n'est pas parce que nous détectons ou quantifions du génome viral dans une chambre d'hôpital ou dans une salle de classe que des virus infectieux sont encore présents, et inversement.

Le deuxième point est que les microgouttelettes sont très hétérogènes en termes de taille mais également en termes de composition. Ce sont des mélanges physiologiques très complexes, avec du mucus, de la salive, des quantités très variables de particules virales infectieuses effectives. Je pense qu'une évaluation dans des conditions environnementales les plus proches possible de la réalité sur du vrai virus infectieux et avec un protocole expérimental dédié, robuste comportant les contrôles nécessaires permet d'évaluer de manière pertinente les performances de ces technologies en termes d'abattement viral. Surtout, en intégrant la dimension aéraulique du sujet, cela rend capable de proposer un protocole de déploiement de ces dispositifs in situ.

Bien évidemment, évaluer ces dispositifs dans des grands volumes ou dans des pièces comme des salles de classe, sur des particules physiques avec des notions d'aéraulique, est très important parce que ceci permet d'avoir des données très précises sur les performances en termes de débit d'air et de renouvellement de l'air. Mais il n'en reste pas moins qu'une évaluation avec des vrais virus infectieux est essentielle.

De plus, cela permet de connaître le temps de stabilité des virus infectieux sur les filtres, ce qui est très important, notamment pour les personnels qualifiés qui devront les changer de manière régulière et surtout pour les personnels non qualifiés. Imaginez dans l'Education nationale : comment savoir qui changera ces filtres, à quelle fréquence et avec quel risque, si nous n'avons pas préalablement évalué la durée de stabilité des virus infectieux sur les filtres ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La première étape du processus d'évaluation d'un filtre consiste donc à vérifier son efficacité vis-à-vis de paramètres chimiques. La deuxième étape est un travail fin et réaliste avec le vrai virus pour savoir comment le potentiel de contamination est abaissé et quelles sont les précautions à prendre par rapport au filtre usagé.

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Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath)

C'est tout à fait cela et j'ajoute la nécessité de bien évaluer un dispositif dans son entièreté. La question ne porte pas uniquement sur le filtre HEPA H14 ou H13 mais sur le dispositif tout entier, dans ses réelles capacités de débit d'air, de renouvellement d'air, d'aspiration et d'étanchéité. C'est pour cela que la mise en œuvre de tels protocoles dans des bancs d'essai de très grands volumes est à mon sens nécessaire pour évaluer les performances de tels dispositifs.

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Les termes HEPA H13 ou H14 font-ils référence à des technologies particulières ou à des performances en termes de pouvoir filtrant ?

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Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath)

Monsieur Squinazi pourra répondre de manière plus complète mais ce sont avant tout des qualifications relatives aux matériaux et à la capacité filtrante.

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Nous y reviendrons. Il s'agit de capacités de filtration, en lien avec la taille des particules.

Nous passons maintenant à un exemple encore plus concret avec la présentation conjointe de l'expérimentation menée dans le 9e arrondissement de Paris par l'installation de purificateurs d'air dans deux écoles, en février et avril dernier. Vont intervenir M. Tony Renucci, directeur de l'association Respire, M. Thierry Ricci, président et fondateur de Natéosanté, et M. Sébastien Dulermo, premier adjoint à la mairie du 9e arrondissement de Paris, chargé entre autres de la vie scolaire, de l'alimentation durable et de la végétalisation des bâtiments.

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Sébastien Dulermo, premier adjoint à la mairie du 9e arrondissement de Paris

Pour commencer cette présentation collective, je vais poser le contexte et la chronologie qui nous ont amené à installer ces purificateurs.

Tout a commencé bien avant la crise sanitaire puisque nous avons commencé à réfléchir à ce système d'équipement en 2017, lors de la Journée nationale de la qualité de l'air, créée en 2015. Lors de cette journée, la maire d'arrondissement et quelques membres de son équipe ont écouté une interview sur la qualité de l'air dans les classes. Nous avons alors vu que des questions se posaient sur l'absence de ventilation mécanique contrôlée (VMC) dans ces bâtiments publics, le nombre d'élèves au mètre carré et leur temps de séjour dans ces classes, l'utilisation de solvants, l'utilisation de feutres qui sont ouverts et fermés par les élèves, etc. et donc la présence d'un grand nombre de polluants dans l'air intérieur. La maire d'arrondissement est ensuite intervenue sur le sujet devant le Conseil de Paris mais la réponse de l'exécutif n'était pas vraiment satisfaisante puisqu'il ne mettait pas en place un plan global ou une étude à l'échelle de la ville.

En janvier 2018, la loi « Grenelle II » a rendu obligatoire la surveillance de la qualité de l'air dans certains établissements recevant du public et plus particulièrement dans les écoles maternelles et élémentaires, justement là où la question s'était posée au niveau de l'ensemble de la ville. Encore une fois, nous n'avons pas eu de réponse et nous avons réfléchi à une action locale, sur le terrain.

En juin 2018, l'étude Écol'air de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) préconisait d'aérer le plus possible ces lieux confinés et, en l'absence de système de ventilation mécanisé, elle préconisait l'installation de capteurs et de purificateurs. En 2018, donc bien avant la crise sanitaire, nous avons équipé l'ensemble des 150 classes de l'arrondissement avec des capteurs de CO2.

En 2019 est parue l'étude de l'association Respire qui parlait de la qualité de l'air extérieur aux abords des écoles, avec un tableau assez noir pour les écoles parisiennes et notamment certaines écoles du 9e arrondissement qui sont dans un milieu assez pollué. Nous avons alors souhaité aller plus loin que les capteurs de CO2 et, avec Natéosanté, nous avons installé, dans chaque classe, deux appareils purificateurs d'air, soit 300 appareils dans les 150 classes de l'arrondissement.

C'est ainsi que l'aventure a commencé, bien avant la crise sanitaire et vous connaissez la suite. Nous voilà donc aujourd'hui devant vous pour vous présenter cette expérimentation et cette évaluation.

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Tony Renucci, directeur de l'association Respire

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous recevoir pour cette audition aujourd'hui et, surtout, je salue le fait que ce sujet de la pollution de l'air intérieur soit étudié par la représentation nationale.

Avant de vous présenter synthétiquement les enseignements de l'étude, je voudrais faire un petit rappel sur l'association Respire dont j'ai pris récemment la direction générale. Nous sommes la principale association de lutte contre la pollution de l'air. Notre philosophie est de nous appuyer sur les données scientifiques pour informer, communiquer et sensibiliser sur les enjeux de la pollution de l'air.

C'est à ce titre que la mairie du 9e arrondissement a fait appel à nous pour l'accompagner dans une démarche d'expérimentation et étudier l'action conjointe des purificateurs et capteurs de CO2 dans les écoles.

En effet, la qualité de l'air est préoccupante dans un grand nombre d'établissements parisiens. Nous avons publié en 2019 une étude réalisée sur les données de 2018 d'après laquelle la pollution dépasse les normes légales aux alentours de 467 établissements en Île-de-France dont 350 à Paris, avec des conséquences connues. Les enfants sont plus vulnérables car leur système respiratoire immunitaire n'est pas encore arrivé à maturité. Ils sont donc plus soumis aux crises d'asthme et à un retard de développement, et leurs capacités scolaires sont également amoindries.

Deux solutions sont possibles : soit diminuer la pollution extérieure aux abords des établissements mais, même si nous progressons, c'est encore trop lent ; soit agir sur la qualité de l'air intérieur. Une expérimentation portant sur ce deuxième levier était donc intéressante.

Nous avons réalisé une campagne expérimentale en situation réelle entre février et avril 2021 dans deux classes de maternelle. Nous avons installé deux purificateurs d'air et des capteurs de pollution de la marque Natéosanté dans chaque classe. Des mesures de concentration de particules fines de diamètre inférieur à 2,5 microns (PM 2,5) ont été réalisées dans chaque classe pendant une semaine, avec et sans épurateur d'air.

Durant la première semaine, la classe A n'a pas d'épurateur d'air et, dans la classe B, un épurateur d'air est allumé sur le niveau 1. Durant la deuxième semaine, un épurateur d'air est allumé sur le niveau 1 dans la classe A et la classe B n'a pas d'épurateur d'air. Bien sûr, des capteurs de CO2 étaient installés. Je rappelle que la concentration en CO2 augmente lorsque l'air n'est pas suffisamment renouvelé, avec comme conséquences possibles une perte d'attention, voire de la somnolence. Ce sont des capteurs de la marque Pyrescom qui ont été installés dans les salles de classe, près de l'entrée. Lorsque la concentration en CO2 devient élevée, un voyant passe du vert à l'orange puis au rouge, signalant qu'il faut aérer.

Le graphe montre que le taux de CO2 dépasse largement le seuil recommandé de 1 000 parties par million ; il monte même parfois à 3 000 parties par million. Le niveau de CO2 augmente rapidement dès que les enfants arrivent dans la classe et il chute plus rapidement encore lorsque les salles sont aérées. Les moments d'aération correspondent bien sûr aux moments de pause comme le montrent les différentes infobulles qui ont été placées sur le graphique.

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Thierry Ricci, président et fondateur de Natéosanté

Je me réjouis d'être parmi vous pour partager ce retour d'expérience qui, lorsque nous l'avons mise en place, était innovant puisque nous accompagnions la mairie du 9e arrondissement dans une démarche à l'époque exemplaire.

Je suis un convaincu de la purification de l'air par filtration et j'ai créé la société Natéosanté voici douze ans parce que j'étais moi‑même allergique et souffrant de nombreux symptômes respiratoires. J'ai fait porter mes efforts sur la fabrication, en France, de produits de haute efficacité. Aujourd'hui, notre technologie et notre savoir-faire commencent à être clairement identifiés puisque nous exportons dans 50 pays. Ces deux dernières années, nous avons équipé en France des centres médicaux, des hôpitaux mais aussi de nombreuses écoles et des espaces tertiaires.

Nous nous sommes toujours appuyés sur la technologie HEPA et nous avons toujours été très transparents sur les performances. Nous connaissons plutôt bien la norme de Monsieur Squinazi puisque nous l'avons mise en application. Notre intérêt est également de démontrer l'efficacité d'ensemble de nos dispositifs, sans s'appuyer uniquement sur la norme des filtrages HEPA H13 ou H14. Il faut vérifier aussi l'étanchéité globale du système.

Nous sommes aussi très attachés à l'innocuité qui résulte de l'écoconception. Nous avons été deux fois lauréats de l'ADEME et, surtout, nous avons été accompagnés par le programme ETV (Environmental technology verification) qui est le programme de la Commission européenne pour les écotechnologies innovantes, particulièrement la validation des performances et de l'innocuité.

Notre société accompagne les professionnels sur des enjeux forts de santé, notamment ceux que nous appelons aujourd'hui les « professionnels exigeants ». Nous nous sommes renforcés ces deux dernières années sur cette mission.

Lorsque nous avons intégré le parcours de qualification pour la mairie du 9e arrondissement, le cahier des charges était plutôt technique, puisque le premier souhait était d'avoir un niveau acoustique très faible, l'objectif étant de ne pas perturber l'environnement de travail de la classe. Comme cela a été précisé tout à l'heure, deux dispositifs étaient placés dans chaque salle de classe et ces dispositifs devaient forcément être petits et d'installation facile. Il fallait qu'une prise électrique suffise à l'alimenter. Les autres critères étaient une filtration par filtre HEPA, une faible consommation d'énergie et une maintenance sans contrainte, sans outil, pour qu'il soit facile de procéder au changement des filtres de manière assez régulière.

L'exercice a porté essentiellement sur les particules PM 2,5 ce qui peut sembler à la fin de l'année 2021 un peu en décalage avec ce dont nous parlons aujourd'hui, qui concerne plutôt des particules entre 0,3 et 0,1 micron. De notre côté, nous avons continué à avancer sur cette technique mais il faut comprendre que le sujet de la qualité de l'air accélère très fortement depuis le printemps 2020.

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Anaïs Guyomarc'h, directrice des opérations et directrice recherche et développement de Natéosanté

. Nous avons en effet accompagné la mairie du 9e arrondissement sur un protocole destiné à évaluer l'efficacité des purificateurs d'air en condition réelle dans les salles de classe.

Le graphique visible à l'écran présente la concentration en particules fines sur une semaine. Nous avions choisi de faire l'étude sur une semaine pour limiter les désagréments pour les enseignants, notamment pour ne pas avoir à allumer et éteindre les purificateurs, à bouger les capteurs, etc. Nous avons mis au point un protocole qui était simple pour les usagers.

Nous voyons en rouge l'exemple de la semaine 2 sans épurateur d'air et en noir avec épurateur d'air. Que ce soit durant les périodes de calme, la nuit, ou au moment des pics, la concentration en particules fines sans épurateur d'air est plus élevée qu'avec l'épurateur. Les pics correspondent aux périodes d'aération, de récréation, d'ouverture des fenêtres ; ils étaient assez bien corrélés avec la mesure de CO2 réalisée en parallèle. Ces pics peuvent être dus à plusieurs phénomènes, à la fois à l'agitation des élèves pour se ruer vers la cour de récréation qui provoque un déplacement des particules mais également à l'entrée des particules atmosphériques venant de l'extérieur.

En moyenne, durant la semaine 1, nous avons constaté une amélioration de 19 % du nombre mesuré de particules par mètre cube et, durant la semaine 2, une amélioration de 29 %. Pour les concentrations maximales, l'amélioration était de 18 % durant la première semaine et jusqu'à 53 % la deuxième semaine.

Il faut prendre en compte le fait que les deux classes n'avaient pas le même positionnement dans l'école. Pendant la semaine 1, la salle avec épurateur se trouvait côté rue et la salle sans purificateur côté cour. Le niveau de particules, en ligne de base, était forcément plus important côté rue mais nous avons malgré tout obtenu une amélioration avec le purificateur. Il est plus significatif en semaine 2 puisque c'était la salle de classe côté cour qui était équipée.

Nous avions choisi de mesurer les PM 2,5 qui sont caractéristiques de la pollution atmosphérique puisque c'était le sujet à l'époque. M. Dulermo reviendra sur le retour d'expérience côté mairie mais nous avons la chance aujourd'hui de travailler aussi avec le professeur Squinazi car au sein de la Fédération interprofessionnelle des métiers de l'environnement atmosphérique (FIMEA), nous sommes convaincus qu'il faut améliorer les protocoles d'évaluation en conditions réelles.

Des études relatives aux particules de 0,3 micron dans des écoles situées en Allemagne sont récemment sorties et ont montré une décroissance significative en présence d'unités mobiles à filtre HEPA. Une étude dans un hôpital à Cambridge, en prépublication dans Nature, a montré que l'utilisation dans un service Covid d'unités de traitement HEPA et UV-C permettait de ne plus mesurer de SARS‑CoV‑2 dans l'air. Des études démontrent donc l'intérêt d'utiliser de tels dispositifs.

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Sébastien Dulermo, premier adjoint à la mairie du 9e arrondissement de Paris

Le retour d'expérience porte notamment sur l'installation de ce matériel. Nous avons eu au départ beaucoup de questions sur les capteurs : le personnel enseignant voyait arriver cet objet d'un œil un petit peu intrigué ; des enfants questionnaient les instituteurs et les institutrices sur le voyant qui passait du vert à l'orange puis de l'orange au rouge. Nous avons dû faire de la pédagogie au niveau des enfants et au niveau du personnel en expliquant que, dès que le voyant passait à l'orange, il fallait ouvrir les fenêtres. Cela ressemblait à une alerte à la bombe au début mais, finalement, tout s'est bien passé.

Pour installer les purificateurs – ce sont des questions pratico-pratiques mais elles sont très importantes – les classes doivent être équipées de prises électriques. Bien sûr, il en existe mais elles sont en général toutes utilisées et il fallait donc trouver des prises disponibles. Comme nous mettions deux purificateurs par classe, il fallait que ces purificateurs ne soient pas situés dans la même zone, plutôt un en fond de classe et un vers le tableau. Il fallait aussi qu'ils restent allumés en permanence, sachant que la mairie n'a pas de lien hiérarchique avec le personnel de l'Education nationale. Comme c'était une volonté politique de notre part, il fallait aussi que la volonté soit partagée par le personnel de l'Education nationale.

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Sébastien Dulermo, premier adjoint à la mairie du 9e arrondissement de Paris

Malheureusement non – ou heureusement, je ne sais pas… En tout cas, elle nous a laissés faire, sans donner d'instruction à son personnel. Si celui-ci ne s'était pas inscrit dans la démarche, nous aurions pu nous voir opposer un refus et les purificateurs n'auraient pas été installés. En fait, le personnel était vraiment très motivé.

Le début a été la phase la plus compliquée pour nous. Avec la crise sanitaire, la situation s'est dégagée puisque, finalement, tout le monde a bien voulu les installer dans les classes et dans chacune des pièces de l'école. Toutefois, au début, alors que personne n'avait installé ces purificateurs dans aucune classe, que la Ville de Paris ne nous suivait pas et que l'Éducation nationale ne nous donnait pas raison, nous étions précurseurs et ce n'était pas toujours évident. Mais nous y sommes arrivés.

La question du coût se pose aussi ; c'est un réel investissement. Nous avons installé, dans le 9e arrondissement, 150 capteurs de CO2 à 300 euros pièce soit un total de 45 000 euros. Quand nous avons voulu installer les purificateurs avec Natéosanté, comme nous étions précurseurs, tout le monde a fait des efforts – nous les en remercions au passage. Ils ont coûté au total 28 400 euros pour les 150 classes de l'arrondissement.

À la rentrée 2021, nous avons souhaité poursuivre cet effort en installant des purificateurs dans les crèches du 9e arrondissement. Depuis la rentrée 2021, toutes les crèches sont équipées mais les purificateurs ne sont pas au même prix. Ceux qui équipent les écoles coutaient environ 95 euros pièce mais, dans les crèches, nous avons payé les appareils 250 euros pièce. Nous avons aussi installé des purificateurs de plus grosse capacité dans les réfectoires. Ainsi, les crèches, les cantines et tous les établissements scolaires publics de l'arrondissement sont équipés.

Nous souhaiterions maintenant aller plus loin en équipant tous les locaux sportifs puisque ce sont des établissements confinés avec peu d'aération naturelle, mais le budget d'une mairie d'arrondissement ou d'une mairie de plein exercice est limité. C'est un réel effort financier, qui suppose une réelle volonté politique. Si nous sommes présents aujourd'hui, c'est aussi pour le dire et pour proposer de réfléchir à un plan national. La maire d'arrondissement, Delphine Bürkli, a écrit à Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, le 10 mars dernier pour lui suggérer qu'un effort soit fait sur ce sujet dans le Plan de relance, avec les filières françaises avec lesquelles nous travaillons. Il est possible d'agir pour équiper l'ensemble de nos lieux publics. Je vous remercie en tout cas de nous avoir reçus aujourd'hui.

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Angèle Préville, sénatrice, rapporteure

Je vous remercie beaucoup pour ces interventions très intéressantes et très riches dont nous ferons notre miel pour la rédaction de notre rapport.

J'étais professeur moi-même avant d'être parlementaire et il serait très intéressant que, si possible, des documents très concrets soient envoyés aux professeurs, sur le rythme souhaitable des aérations et sur les temps d'aération, en hiver ou en été.

Puisque nous avons parlé de la taille des particules, les purificateurs d'air sont-ils bien adaptés à la filtration des particules ultrafines, c'est-à-dire de taille inférieure à 0,1 micron ? Nous avons également parlé des cantines scolaires ; est-il vraiment envisageable de généraliser une installation telle que celle que vous avez mise en place, considérant les volumes d'air expirés et l'important volume de ces locaux ? J'ai bien pris note du coût des installations et de l'effort financier qu'elles représentent ; il me semble que toutes les communes ne seront pas capables de financer des installations similaires à celles du 9e arrondissement.

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Benoît Semin, membre du collectif « Projet CO2 »

Sur notre site « Projet CO2 », nous avons mis en ligne de très nombreuses ressources pédagogiques qui vont de l'école primaire jusqu'au lycée voire un peu après. Nous discutons effectivement de sujets comme la fréquence d'aération. Typiquement, dans une salle de classe « normale », il faut aérer trois fois par heure plutôt qu'une seule fois par heure. C'est très exigeant. La contrainte pour les enseignants est le principal frein. À certaines saisons, il est facile d'ouvrir la fenêtre en permanence s'il n'y a pas de bruit dehors, mais, à d'autres saisons, c'est plus difficile à cause des températures. Par contre, la durée peut être assez courte lorsqu'il y a des courants d'air : en ouvrant portes et fenêtres, cinq minutes peuvent suffire et le taux de CO2 descend très vite.

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Fabien Squinazi, vice-président de la commission spécialisée « Risques liés à l'environnement » du Haut Conseil de la santé publique

Je voudrais compléter ce propos parce que le capteur de CO2 ne mesure que l'effet de la présence humaine. Or, en période d'inoccupation, il existe également une pollution liée aux matériaux et aux mobiliers. Dans un plan d'aération, il est donc important d'aérer avant l'arrivée des occupants pour éliminer la pollution résiduelle qui s'est accumulée durant la période d'inoccupation, la nuit. Il ne faut pas démarrer l'aération uniquement au moment où entrent les occupants.

De même, si la ventilation mécanique a été à l'arrêt ou si son débit a été réduit, il faut la remettre deux heures avant l'arrivée des occupants pour chasser la pollution résiduelle de la nuit. Dans le plan d'aération, il ne faut donc jamais oublier d'aérer ou de ventiler avant l'arrivée des occupants et après la sortie des occupants.

Avec le CO2, seule une partie de la pollution intérieure est prise en compte alors qu'il existe d'autres polluants qu'il ne faut pas oublier, notamment le formaldéhyde ou les autres composés organiques volatils.

Vous demandiez si les purificateurs peuvent filtrer de très fines particules, qui sont les particules potentiellement virales. En théorie, oui, puisque le filtre a les capacités de filtrer et de piéger les particules fines à partir d'une certaine taille. Toutefois, en pratique, l'appareil lui-même peut-il attirer ces particules très fines, présentes en suspension dans l'air, et peut-il les filtrer ? C'est une autre histoire et c'est pour cette raison que nous avons besoin d'études en situation réelle, pour mesurer le nombre de particules captées en fonction de leur taille. Surtout, il faut aussi vérifier l'homogénéité du processus dans la pièce car, si nous mettons un appareil de mesure à un endroit, rien ne dit que le nombre de particules sera réduit à d'autres endroits de la pièce, d'où l'importance de mettre en place un protocole pour mesurer l'homogénéité de la réduction des particules.

Plus que l'efficacité de la réduction, notamment par rapport au nombre de particules, l'important est surtout le niveau que l'on obtient. Une ventilation ou une aération réduit le nombre de particules. Qu'apporte en plus le purificateur qui filtre ces particules ? C'est de cette information dont nous avons besoin pour connaître la valeur ajoutée de l'appareil par rapport à la ventilation. Je le rappelle : la ventilation est l'élément essentiel. Ensuite vient la filtration de l'air.

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J'ai deux questions. La première est d'ordre technique, notamment pour les technologies recommandées reposant sur les filtres HEPA. Une mauvaise maintenance peut-elle engendrer des effets contre-productifs ? J'imagine que oui. Comment donc mieux sensibiliser à la nécessité d'un entretien régulier ? Quelles démarches préconisez-vous ?

Au-delà des ERP dont nous parlons beaucoup ce matin – ce qui est bien normal –, pouvons-nous imaginer que des purificateurs d'air soient utilisés de façon durable, continue, à proximité de zones fortement émettrices, notamment dans les logements ? Je pense à des boulevards connaissant une forte circulation automobile, avec des rentrées d'air de l'extérieur vers l'intérieur. Cette question concerne tout autant le parlementaire que le président du Conseil national de l'air que je suis.

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Fabien Squinazi, vice-président de la commission spécialisée « Risques liés à l'environnement » du Haut Conseil de la santé publique

Votre première question est fondamentale. On parle de filtre à très haute efficacité mais il faut protéger ce filtre, c'est-à-dire ne pas le mettre directement en situation d'aspirer ces particules. Plus on protège le filtre à haute efficacité des poussières de l'environnement, de l'air intérieur par exemple, plus sa durée de vie est élevée. Il faut donc recourir à un préfiltre qui élimine les poussières, sinon les filtres à très haute efficacité s'encrassent très rapidement.

Un autre point très important est l'étanchéité. Il ne faut pas que l'air passe à côté du filtre donc il faut assurer l'étanchéité du dispositif. Le changement des filtres doit être fait par des professionnels pour assurer justement l'étanchéité et éviter les fuites d'air ; sinon nous perdrons le bénéfice de la filtration.

Quant à l'emploi des purificateurs au plus près des sources de pollution atmosphérique en général, je pense que nous manquons d'études pour apporter des arguments et dire que nous obtiendrons une réduction des niveaux de polluants atmosphériques à proximité de sources. C'est peut-être un autre débat.

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C'est peut-être le début d'une recommandation qui pourrait figurer dans notre rapport. C'est aussi pour cette raison que nous voulions vous entendre.

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Anaïs Guyomarc'h, directrice des opérations et directrice recherche et développement de Natéosanté

Je reviens sur votre question relative au filtre. Le risque est en effet qu'il devienne plus dangereux à l'usage s'il n'est pas changé dans les temps.

Plusieurs éléments sont à prendre en compte lorsque nous parlons de filtrage HEPA. Il y a bien sûr la capacité des filtres, c'est-à-dire la quantité de particules qu'ils peuvent emmagasiner dans leur cycle de vie. Il faut aussi être attentif à leur usure, mesurée notamment par différentiel de pression. C'est la méthode la plus sûre aujourd'hui pour savoir à quel moment le filtre est encrassé : il s'agit de mesurer l'écart de pression entre l'amont et l'aval du filtre. Nos appareils s'arrêtent si le filtre est trop encrassé pour ne pas risquer un relargage si l'on continue à l'utiliser. Les purificateurs doivent être en mesure d'indiquer cette usure réelle et le bon moment pour changer les filtres.

Je tiens à préciser que nous sommes tout à fait d'accord avec le fait que la purification et l'aération sont des pratiques complémentaires. L'aération reste la première chose à faire pour renouveler l'air. Par contre, les nombreuses études qui ont été réalisées sur le CO2 montrent que l'aération de cinq minutes toutes les vingt minutes est peu pratiquée dans les salles. Tous ces dispositifs ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients mais, cumulés, ils permettent une meilleure protection au quotidien.

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Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath)

Je suis complètement en ligne avec M. Squinazi : la ventilation est très importante et les systèmes et technologies de purification de l'air sont des compléments.

Le problème est qu'il est très difficile de maintenir en pratique une ventilation suffisante dans les ERP ou les salles de classe. Ma femme est enseignante en école primaire. Mme la sénatrice l'a rappelé, c'est très compliqué d'aérer la classe toutes les trente minutes ou toutes les quarante-cinq minutes, d'autant que nous allons entrer dans la saison hivernale et qu'il ne faut, à mon avis, absolument pas préconiser d'ouvrir les fenêtres toute la journée car cela provoquerait d'autres problèmes sanitaires vis-à-vis des enfants et des enseignants.

Il est important de caractériser la durée de stabilité des virus infectieux sur les filtres pour proposer un protocole de maintenance et de changement de ces filtres, pour s'assurer des performances ou de la continuité des performances de ces dispositifs mais aussi pour protéger les personnels qui changeront ces filtres. Il est très important d'évaluer la stabilité des virus, notamment dans différentes conditions.

Je ne veux pas entrer trop dans la technique mais les conditions physiologiques de dépôt et de filtration de ces virus sont très importantes : selon la présence et la quantité de mucus ou de salive, la stabilité et la durée de vie des virus infectieux seront très différentes. C'est pour cette raison que nous préconisons de les évaluer au banc d'essai avec de vrais virus infectieux. Il s'agit donc de compléter les caractéristiques techniques de ces dispositifs.

Dans le contexte actuel, il faut procéder avec du SARS‑CoV‑2 car les virus respiratoires ont des caractéristiques physico-chimiques différentes. Un virus influenza est différent d'un virus SARS‑CoV‑2 et des coronavirus classiques, comme le 229E, ont aussi des caractéristiques physico-chimiques et des propriétés de stabilité très différentes du virus SARS‑CoV‑2. Il est donc très important d'évaluer aussi ces dispositifs et ces technologies avec tous ces virus infectieux.

Enfin, je confirme que la pollution atmosphérique par des composés organiques volatils et par des particules physiques est un facteur aggravant des pathologies virales respiratoires. En effet, ces pollutions physiques et chimiques impactent directement la physiologie du tractus respiratoire, notamment l'épithélium qui recouvre notre tractus respiratoire. Leur premier effet est d'empêcher le battement des cils au niveau des cellules épithéliales respiratoires, dont la fonction est d'éliminer les particules et en particulier les particules virales. L'impact physiologique de ces pollutions chimiques et atmosphériques est donc très fort et elles contribuent à la sévérité des pathologies respiratoires infectieuses.

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Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l'Office

J'ai deux questions. Une filière spécifique existe-t-elle pour la décontamination des filtres ? Lorsque de nombreux équipements équipés de filtres seront en fonction, il faudra bien disposer d'une filière de décontamination. Des mesures particulières de transfert de ces filtres avant destruction ou recyclage sont-elles prévues ?

Ma deuxième question est pour la mairie du 9e arrondissement, que je félicite pour son initiative : a-t-on pu mesurer, dans les classes qui ont bénéficié de ces équipements, s'il s'était produit plus ou moins de cas de Covid ? Ces classes ont-elles dû être fermées ou non ?

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Je vous félicite aussi vivement pour avoir mis en place cette démarche appuyée sur une méthodologie et un protocole et avec le soutien d'associations très impliquées dans ces questions. Vous êtes cependant face à un défi méthodologique assez considérable puisqu'il s'agit de comparer les situations avec et sans purificateur mais aussi de prendre en compte l'influence de l'emplacement des dispositifs dans des salles de classe qui ont des configurations très variables. Il pourrait aussi être question d'étudier les différences d'efficacité selon le modèle de purificateur ou le protocole de remplacement des filtres dans la durée. Comment avez-vous prévu d'évaluer l'ensemble de ces paramètres pour en tirer les meilleures conclusions ? Cela ne doit-il pas s'insérer dans une démarche expérimentale plus générale que ce que vous pouvez faire à l'échelle d'un arrondissement ?

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Sébastien Dulermo, premier adjoint à la mairie du 9e arrondissement de Paris

Nous n'avons pas vraiment pu savoir si l'expérience a eu un effet positif sur les contaminations par le Covid et les fermetures de classes. Les études menées, non pas dans le 9e arrondissement ou en France mais dans des pays étrangers, ont montré un lien de cause à effet plutôt bénéfique entre l'installation des purificateurs et l'élimination du virus. Dans les écoles du 9e arrondissement, il y a peut-être eu moins de fermetures et moins de cas de Covid que dans d'autres arrondissements mais je ne pourrai pas vous dire si c'est ou non lié à l'utilisation de ces purificateurs.

Concernant l'expérimentation que nous avons mise en place dans les classes, je pense effectivement qu'il faudrait que nous nous insérions dans un plan beaucoup plus large. À l'échelle d'un arrondissement, c'est compliqué de pouvoir tout faire, nous sommes un peu limités, surtout au niveau de la technique. Nous avons été accompagnés par l'association Respire, par les professionnels que sont Natéosanté et d'autres qui installent les purificateurs dans les crèches et maintenant dans les réfectoires. Toutefois, pour tester toutes les situations, notamment le fait que les configurations diffèrent d'une classe à l'autre et d'une école à l'autre, il faudrait que nous nous insérions dans un programme beaucoup plus global, c'est certain.

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Tony Renucci, directeur de l'association Respire

Suite à l'expérimentation, l'association Respire a écrit au ministre de l'Éducation nationale pour lui demander qu'une étude nationale similaire soit menée en France. En effet, cette expérimentation est une première étude en conditions réelles mais elle reste circonscrite dans son périmètre. On nous demande s'il faut généraliser et je pense que c'est la question que nous devons nous poser, avec le recul. Vous parliez tout à l'heure de recommandations ; cela peut en être une. Comme l'a dit Sébastien Dulermo, d'autres pays l'ont fait, pour confirmer l'efficacité de ces dispositifs avec capteurs de CO2 et purificateurs d'air et, surtout, pour faire des recommandations sur les protocoles d'installation et de maintenance.

Nous avons écrit au ministre le 25 mai 2021 ; nous n'avons pas encore eu de réponse et il est d'ailleurs dommage qu'aucun représentant de l'Éducation nationale ne soit présent aujourd'hui. Nous sommes souvent arrivés à la conclusion que nous manquions d'études. Demander une étude nationale sur ce sujet est clairement une recommandation importante à formuler.

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Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l'Inserm

Je voudrais féliciter également la mairie du 9e arrondissement et rebondir sur la dernière réponse pour rappeler que l'Inserm avait financé une étude concernant quand même 9 000 enfants dans laquelle nous avions mesuré le CO2. D'autre part, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) – dans le conseil scientifique duquel Fabien Squinazi et moi sommes présents – a commencé une étude mais il manque encore de nombreuses informations.

Nous avons besoin de faire de la recherche sur le plan national et sur le plan public, avec des partenaires tels que Natéosanté. Les compétences existent mais, si je peux me permettre, il ne faut pas se priver de dire dans votre rapport que nous avons besoin de données. Nous avons entendu dire de nombreuses fois qu'il est impossible de répondre car nous n'avons pas les données et je trouve que c'est dommage, alors que nous avons des compétences en France et que nous sommes en lien avec d'autres chercheurs.

J'ai beaucoup travaillé dans les écoles, dans le cadre de l'étude SINPHONIE ( Schools indoor pollution and health : observatory network in Europe ) financée par l'Union européenne. Nous avions un capteur de CO2 et les enfants, lorsque le voyant rouge s'allumait, voulaient absolument ouvrir à la fenêtre. Ils participaient beaucoup. Nous avions fait une affichette pour les informer sur la pollution, sur l'importance de l'aération, etc.

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Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath)

Madame la sénatrice, nous avons pris l'initiative en région Auvergne-Rhône-Alpes de construire une filière avec plusieurs acteurs tels que des laboratoires académiques mais aussi des industriels, des start-up et des petites et moyennes entreprises (PME). Il s'agit, dans ce domaine de la décontamination microbiologique de l'air et des surfaces, de construire une filière ambitieuse pouvant avoir un rayonnement international et de contribuer très significativement à apporter des données pour proposer des protocoles et des technologies sur la décontamination de l'air en particulier. Je pourrai fournir des éléments d'information sur ce projet de filière en région Auvergne-Rhône-Alpes, qui est assez avancé.

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Catherine Procaccia, sénateur, vice-présidente de l'Office

Pour l'instant, quand vous retirez les filtres, que deviennent-ils ?

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Monsieur Rosa-Calatrava, vous avez dit que vous pourriez apporter des éléments complémentaires. Ma collègue Angèle Préville et moi-même en sommes preneurs.

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Anaïs Guyomarc'h, directrice des opérations et directrice recherche et développement de Natéosanté

Je vais rebondir sur la question en m'appuyant sur une étude du professeur Rosa-Calatrava. En Auvergne-Rhône-Alpes ont été testés à la fois l'abattement de virus dans l'air et la persistance des particules infectieuses sur le filtre. D'après cette étude menée par VirPath, il n'existait plus de virus infectieux sur le filtre après quarante-huit heures.

La persistance des virus sur les surfaces étant relativement faible, elle n'a pas d'impact sur la maintenance. Des filières de revalorisation des déchets peuvent quand même être mises en place pour ces filtres mais, d'un point de vue biologique, aucune étude n'a démontré un danger lors de la maintenance.

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Ma première question concerne les technologies utilisées. Nous parlons beaucoup des purificateurs d'air. Il existe aussi des solutions mobilisant un laser pour détruire toute forme de virus dans une salle. J'aimerais savoir si ce type de solution a été étudié.

Ma deuxième question concerne les enfants en bas âge, notamment dans les crèches. À cet âge, les enfants font leur immunité et je voudrais savoir si des expérimentations de purificateurs d'air ont été menées dans des crèches, au-delà de ce que les différentes mairies ont mis en place pour des écoles.

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Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath)

Je remercie Mme Guyomarc'h d'avoir rappelé les données générées par l'étude que nous avons menée en début d'année sur les filtres HEPA H14 et H13. Je confirme que, quarante-huit heures après le dépôt de virus SARS-CoV‑2 infectieux, la contamination résiduelle se situe en dessous de la limite de détection du virus infectieux mais cela ne signifie pas que ces filtres, après un fonctionnement donné in situ, ne seront plus infectieux. Il manque des données véritablement in situ ou en banc d'essai de grand volume pour dire, en fonction du mode et de la durée de fonctionnement de ces dispositifs ainsi que de leurs caractéristiques techniques, si ces filtres présentent ou non un danger infectieux après un temps donné.

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Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l'Inserm

Pour répondre à la question portant sur les crèches, une ancienne étude de l'Inserm a montré que les enfants étaient exposés à des polluants liés au nettoyage, celui-ci apportant des composants organiques volatils qui, comme cela a été dit tout à l'heure, abîment les muqueuses. Malheureusement, les rares études qui existent ne sont pas vraiment représentatives de la vie réelle. Encore une fois, nous manquons de données mais il s'agit d'une population très importante parce que les enfants sont en formation et il faut les protéger.

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Ce qui se dégage de cette audition est qu'il s'agit d'un sujet majeur mais qui a besoin de beaucoup mûrir. Nous voyons toutes les incertitudes sur les questions épidémiologiques, les incertitudes sur l'efficacité des dispositifs, en particulier la comparaison entre l'efficacité in situ et en laboratoire. Que dire avec des particules réelles de virus ? Nous avons vu les difficultés de méthodologie : la pollution PM 2,5 a été étudiée faute de mieux en se disant que, si la purification avait un effet sur les PM 2,5, elle pouvait aussi en avoir sur quelque chose qui est plutôt de l'ordre de 0,1 micron, tel que le virus. Évidemment, tout ceci est lié, et la purification et l'aération sont intéressantes à la fois en soi et en raison de la synergie entre la pollution, les taux excessifs de CO2 et le virus.

Je regrette que nous n'ayons pas pu avoir aujourd'hui de représentant du ministère de l'Éducation nationale, qui a été sollicité par nos soins. Il est évidemment de notre devoir de revenir à la charge pour avoir une position officielle du ministère.

Nous avons peu parlé des diverses technologies et certaines questions des internautes sont complémentaires de nos échanges à cet égard ; c'est pourquoi je propose de tenter d'y répondre dans la mesure du possible. Plusieurs questions portent sur l'organisation et le niveau national ; d'autres concernent ce qui est au-delà des espaces clos dont nous avons parlé jusqu'ici parce que ce sont les principaux lieux de transmission.

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Nous avons reçu un nombre de questions assez conséquent – une trentaine – que nous avons regroupées selon dix thèmes. Nous ne pourrons pas toutes les aborder ici. Je vais en poser un certain nombre et, à la fin de l'audition, nous les transmettrons aux intervenants en leur demandant de bien vouloir prendre le temps par la suite de nous envoyer quelques éléments de réponse pour alimenter le débat et notre réflexion sur le rapport. Je précise cela pour que les internautes ne se sentent pas frustrés, qu'ils ne pensent pas que nous avons écarté un certain nombre de questions. Nous sommes dans la transparence.

Première question, que je pose très directement : est-il possible de contrôler et de purifier l'air dans les transports en commun ? Nous savons que c'est un sujet majeur, notamment pour le métro.

Une question est revenue plusieurs fois sur la stérilisation de l'air par les UV-C « upper room » ou en haut de pièce. Connaissez-vous cette technologie ? Pensez-vous qu'elle présente un intérêt ?

Plusieurs questions portent sur la dimension économique : la généralisation des capteurs et des purificateurs, en particulier dans les écoles, est-elle un investissement rentable compte tenu des contaminations évitées ? Pouvons-nous parler de rentabilité ? Comment essayer de se projeter sur cette question économique ?

Nous avons aussi une question sur le fait que l'État a annoncé une aide financière pour les collectivités locales pour l'achat de capteurs de CO2. Une cellule nationale d'expertise et d'aide opérationnelle pourrait sans doute accélérer les déploiements et mutualiser les efforts. Que pensez-vous de l'idée de créer une telle cellule, ou tout au moins d'avoir une organisation nationale ?

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Tony Renucci, directeur de l'association Respire

Le sujet des transports en commun fait partie de l'actualité de l'association Respire puisque nous avons porté plainte contre la RATP pour la pollution de l'air intérieur aux enceintes ferroviaires. Je pense que la question est liée à cette actualité. Nous avons déposé cette plainte pour deux raisons : l'insuffisance de la surveillance de la pollution dans les enceintes ferroviaires et le manque de transparence.

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Tony Renucci, directeur de l'association Respire

Cela concerne tout ce qui est souterrain, c'est-à-dire le métro, les stations, etc.

Il existait trois stations de mesure voici encore quelques semaines pour tout le réseau RATP, ce qui est très faible par rapport à la densité du réseau. Deux stations ont été ajoutées depuis. Nous avions fait deux études, dont une portant sur dix stations en partenariat avec le CNRS dans laquelle nous avions démontré que l'air était dix fois plus pollué à l'intérieur qu'à l'extérieur, sachant que l'air extérieur est déjà pollué, et que nous ne respectons ni les normes européennes ni les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). L'amélioration passera par un système de mesure plus étendu, plus dense donc plus précis, et par la transparence des mesures réalisées.

Deux aspects peuvent faire l'objet de recommandations. Le premier est la purification ; je sais que le sujet est étudié en ce moment par la région Île-de-France, en lien avec Île-de-France Mobilités. Le second porte sur le freinage parce que les particules fines et très fines sont notamment issues des systèmes de freinage, sûrement en raison aussi du manque d'investissements sur ce point. Il faudrait savoir comment capter plus près de la source les particules issues des frottements entre les roues, le rail et le système de freinage. Des procédés d'aspiration des particules se mettent en place. Ensuite, c'est une question d'investissements et d'argent.

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Matteo Redaelli, coordinateur scientifique de l'unité d'évaluation des risques liés à l'air à l'Anses

Je souhaite répondre sur la purification de l'air dans le métro. Nous avons publié en 2015 un rapport d'expertise concernant les risques pour les travailleurs exposés à la pollution de l'air dans les enceintes ferroviaires souterraines. Nous avions dressé un état de l'art à la fois des effets sur la santé de ces particules dans ces enceintes et sur les techniques et les mesures de gestion mises en place ou exploratoires à l'époque. Les régies avaient déjà effectué un certain nombre de travaux avant ce rapport et ont continué depuis pour améliorer l'état de l'air.

Je tiens à rappeler un point important. On dit souvent que l'air dans le métro est beaucoup plus pollué que l'air extérieur, avec des concentrations en masse qui sont trois, quatre, cinq ou dix fois supérieures à ce qui est trouvé à l'extérieur. Certes, mais il s'agit des concentrations en masse de particules de freinage, donc de particules métalliques ayant une densité beaucoup plus importante et une composition qui n'a à peu près rien à voir avec ce qui peut être trouvé à proximité du trafic routier. Il faut souligner ce point. Ceci étant, c'est évidemment une problématique qu'il faut traiter.

L'Anses n'a à ce jour pas investigué la question de la purification dans le contexte du Covid-19. Je sais que des dispositifs ont été testés dans le métro new-yorkais, avec des traitements UV dans un caisson situé au-dessus des rames. Un système d'aspiration fait passer l'air sous un traitement UV puis le réinjecte dans la rame. C'est le seul principe que je connaisse ; il en existe peut-être d'autres et je ne peux donc pas être exhaustif sur la question et encore moins sur l'efficacité de ces méthodes.

Par ailleurs, à ce jour, aucun cluster n'a été mis en évidence dans le métro, que ce soit dans la littérature scientifique ou à partir des données de Santé publique France. Cela ne signifie pas qu'il n'en existe pas car il faut faire attention aux biais d'information mais nous n'avons pas d'information sur des clusters qui seraient apparus dans les rames de métro.

Nous travaillons de nouveau sur la pollution de l'air dans les enceintes ferroviaires souterraines. Comme les travaux sont en cours, nous n'avons malheureusement pas grand-chose à communiquer sur le sujet mais, d'ici l'année prochaine, une mise à jour sera faite de ce que nous savons des effets sur la santé de l'exposition des usagers à cette pollution. Nous prévoyons également de fournir des recommandations et des valeurs guides pour aider, nous l'espérons, à améliorer ces conditions de pollution de l'air.

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Benoît Semin, membre du collectif « Projet CO2 »

Avec des collègues, nous avons fait quelques mesures de CO2 dans le réseau parisien. Nous n'avons pas observé de taux de CO2 élevés dans les stations mais ce n'était pas du tout une mesure systématique. Par contre, nous avons observé des valeurs de CO2 élevées dans certaines rames, notamment dans le RER B ou le RER C, avec une différence vraiment importante suivant que les fenêtres sont ouvertes ou fermées. Cela paraît évident mais cela change tout. Le fait que même de petites fenêtres soient à moitié ouvertes permet de passer sous les 800 ppm de CO2. Il est donc très facile d'améliorer la situation pour le SARS-CoV-2.

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Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l'Inserm

Pour rebondir sur ce qui a été dit à propos des études dans les transports en commun, le sujet de recherche n'était pas le même. La question posée concerne les mesures au niveau d'une station ou de plusieurs stations. En mettant des capteurs dans les stations – très peu sont en place dans le réseau d'Île-de-France –, on peut répondre sur la qualité de l'air à un endroit donné.

La question consistant à savoir ce qu'il se passe dans le train est différente et ce que nous venons d'entendre sur le niveau de CO2 dans les rames est la vraie réponse à cette question. Si je ne me trompe pas, une polémique a eu lieu au niveau des TGV car le personnel s'était promené avec des capteurs de CO2 dans les rames et avait trouvé un problème de qualité de l'air. L'air présent dans le TGV est recyclé alors que ce n'est pas le cas dans les avions.

Je précise aussi que les freinages produisent a priori de très grosses particules. Nous nous intéressons plutôt aux particules ultrafines qui restent en suspension dans l'air.

Il existe quelques publications sur de possibles clusters de Covid dans les trains, malheureusement à prendre avec des pincettes parce qu'elles ne sont pas de bonne qualité. En effet, il est difficile de suivre les sujets et de savoir s'ils ont vraiment été contaminés dans le train ou dans le métro.

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Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche à l'Inserm, codirecteur du laboratoire de virologie et pathologie humaine (VirPath)

Pour répondre de manière concise aux internautes, nous évaluons actuellement plusieurs dispositifs de purification d'air, avec des filtres fonctionnalisés ou d'autres technologies comme les UV-C, à la demande d'équipementiers et d'industriels. Il s'agit justement d'évaluer des dispositifs qui pourraient être déployés dans les véhicules personnels ou dans les transports en commun.

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Je vous propose de prendre une dernière question. Les autres seront transmises aux intervenants qui auront, j'imagine, la gentillesse de bien vouloir essayer d'y apporter des réponses écrites.

Cette question est : « Les hôpitaux possèdent-ils des protocoles spécifiques contre la transmission du virus par voie aérosols, à la fois dans leur fonctionnement mais aussi dans la conception des pièces ? » Peut-être lançons-nous ici un nouveau débat : à votre connaissance, existe-t-il à ce stade des réflexions, des débuts de réflexion ou avez-vous vous-même des idées à soumettre ? Je lance volontairement le débat autour de ce sujet qui est revenu à plusieurs reprises.

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Fabien Squinazi, vice-président de la commission spécialisée « Risques liés à l'environnement » du Haut Conseil de la santé publique

J'ai présidé une commission de l'AFNOR sur les salles propres pendant vingt ans. Nous avons beaucoup travaillé sur le milieu hospitalier et notamment sur toutes les salles à environnement protégé. Effectivement, dans des zones à risque en milieu hospitalier, des conditions très particulières de ventilation et de filtration de l'air en général sont prévues. Des contrôles sont réalisés sur la contamination particulaire dans ces locaux. Je pense donc qu'il n'existe pas de sujet dans ces locaux, qui sont complètement maîtrisés.

En revanche, la question peut se poser dans des chambres de malades. Tout récemment, j'ai publié avec des collègues hospitaliers des travaux sur la recherche, non pas du virus lui-même, mais de l'ARN viral qui est une trace de la présence du virus. Nous en avons trouvé dans les chambres de patients Covid, d'où l'importance de pouvoir, en l'absence de ventilation mécanique, aérer ces chambres pour éviter la transmission, notamment lorsque ce sont des chambres doubles. Dans les autres zones contrôlées de ces établissements, comme les blocs opératoires ou les réanimations, la qualité de l'air et la contamination de l'air sont tout à fait maîtrisées. Il existe d'ailleurs des normes hospitalières en la matière.

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J'aimerais m'appuyer sur deux des questions posées en ligne pour demander quelques éléments supplémentaires sur les techniques de stérilisation. L'une des questions est : « Que penser des technologies de stérilisation de l'air par UV-C en haut de pièce ? Connaissez-vous cette technologie ? Pensez-vous qu'elle présente un intérêt ? » Nous avons entendu mentionner brièvement dans l'une des interventions que de tels protocoles se mettaient en place.

Une autre question est : « Quelle est votre position vis-à-vis du déploiement et de l'utilisation de purificateurs d'air ayant un système à base de plasma pour désactiver les pathogènes ? Comment les tester et les certifier de façon indépendante comme sûrs ? Faut-il réglementer les normes des purificateurs d'air ? ». À titre personnel, je sais que se trouve dans ma propre circonscription une entreprise incubée à l'École Polytechnique qui développe une technique de plasma froid pulsé. Elle est actuellement en phase de recherche et développement. Que penser de ces technologies ? M. Squinazi a dit tout à l'heure qu'en matière de purification, il faut faire attention aux produits secondaires qui pourraient être synthétisés. Pouvez-vous en dire davantage et quand pouvons-nous espérer avoir des comparatifs des différentes technologies disponibles ?

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Fabien Squinazi, vice-président de la commission spécialisée « Risques liés à l'environnement » du Haut Conseil de la santé publique

Effectivement, il existe des technologies que nous n'avons quasiment pas évoquées ce matin puisque nous avons beaucoup parlé de la filtration de l'air. J'y ai fait allusion rapidement dans mon exposé.

Le problème des techniques destructives est qu'elles peuvent générer des produits secondaires, notamment de l'ozone, avec des champs électriques comme le plasma froid. La photocatalyse peut aussi générer des produits secondaires. Il faut donc rester prudent.

Des études de laboratoire ont montré que ces technologies sont efficaces sur les micro-organismes mais, lorsqu'elles sont intégrées dans un appareil, la question n'est plus celle de l'efficacité de la technologie elle-même mais de l'appareil tout entier. Beaucoup de technologies sont efficaces en laboratoire mais, sur le terrain, c'est un peu plus compliqué. C'est pourquoi nous avons besoin d'études complémentaires. C'est une bonne chose d'avoir des technologies efficaces mais il faut ensuite pouvoir les vérifier sur le terrain.

Les UV-C sont effectivement connus pour être efficaces. Cependant, quels résultats donnent-ils ? Certains purificateurs ont des lampes UV mais certains génèrent des UV-C dans la pièce. Toutes ces technologies méritent d'être validées in situ pour s'assurer de leur efficacité. Nous manquons encore d'éléments pour apporter les réponses attendues.

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Pour rebondir sur cette question, des programmes sont-ils en cours ?

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Fabien Squinazi, vice-président de la commission spécialisée « Risques liés à l'environnement » du Haut Conseil de la santé publique

Oui, nous essayons d'y travailler mais nous aimerions bien un programme national pour monter un protocole d'essai et savoir enfin si ces systèmes d'épuration apportent quelque chose de plus par rapport à la ventilation. La grande difficulté est que, parfois, un seul appareil ne suffit pas et qu'il en faut deux voire trois pour être efficace dans une pièce. Tout dépend de la géométrie et de la configuration de la pièce.

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Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche à l'Inserm

Une question avait été posée sur la dimension économique. Nous parlons de tester des appareils, d'en mettre plusieurs. Il faut évidemment que, dans ce programme national que nous préconisons, un calcul soit fait du coût des appareils envisagés. Il faut aussi considérer les coûts à long terme et les coûts indirects parce que, parfois, nous nous focalisons trop sur l'immédiat et les coûts sont ailleurs.

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Vous avez parfaitement raison ; il faut essayer d'avoir une approche et une analyse économique complètes. Je pense que ces points ressortiront de nos travaux.

Nous remercions nos intervenants, ainsi que celles et ceux qui ont suivi en ligne cette audition et qui ont envoyé des questions ; nous les regrouperons et les transmettrons à nos intervenants, pour qu'ils apportent quelques éléments de réponse supplémentaires par écrit.

Cette audition publique était très riche, très complète et a permis de voir que ce sujet est de plus en plus étudié, ce qui est rassurant. Il s'agit d'une question de santé environnementale qui me paraît majeure et, le 15 décembre, lors d'une des prochaines séances du Conseil national de l'air que je préside, nous présenterons certains résultats de ces travaux pour les partager avec l'ensemble des membres du Conseil national de l'air. Celui-ci regroupe des acteurs de tous types et de tous secteurs, aussi bien les associations environnementales que les représentants du monde agricole, du monde industriel ou du monde du bâtiment ainsi que les ministères.

Au nom de l'Office, je remercie une nouvelle fois tous les intervenants.

La réunion est close à 12 h 30.

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 4 novembre 2021 à 9 h 30

Députés

Présents. - M. Jean-Luc Fugit, M. Antoine Herth, Mme Huguette Tiegna, M. Cédric Villani

Excusé. - M. Philippe Bolo

Sénateurs

Présents. - Mme Sonia de la Provôté, M. Gérard Longuet, Mme Michelle Meunier, M. Stéphane Piednoir, Mme Angèle Préville, Mme Catherine Procaccia, M. Bruno Sido