Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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  • SGP
  • chantier
  • express
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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a procédé à l'audition, en application de l'article 8 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, de M. Jean-François Monteils, dont la nomination est envisagée aux fonctions de président du directoire de la Société du Grand Paris.

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Nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-François Monteils, dont la nomination est envisagée aux fonctions de président du directoire de la Société du Grand Paris. Je rappelle que cette audition préalable par les deux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat est prévue par l'article 8 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris et ne donne pas lieu à un vote.

Monsieur Monteils, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Vous êtes proposé pour exercer une fonction de responsabilité à la tête d'un établissement public à la mission particulièrement complexe et lourde, face à plusieurs enjeux. Citons parmi eux le phasage du projet, le calendrier des travaux, la gouvernance, la trajectoire financière du projet ou encore son impact en termes d'aménagement du territoire et de mobilité du quotidien, un sujet qui m'est cher.

Nous souhaiterions connaître votre appréciation du projet lui-même, mais aussi les priorités de votre action future à la tête de l'établissement et la nature de vos relations avec les diverses parties prenantes.

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Jean-François Monteils

Je remercie d'abord votre commission de m'entendre dans le cadre de ce processus de désignation prévu par la loi de 2010.

J'évoquerai ensuite devant vous mon analyse de la situation actuelle, tant du projet Grand Paris Express que de la Société du Grand Paris, avant de vous brosser mon parcours en quelques mots, de manière à répondre à votre question sur les moyens que j'entends mobiliser pour poursuivre ce projet, si je suis nommé.

Comme vous l'imaginez, je ne peux pas prétendre aujourd'hui à une connaissance exhaustive et détaillée du dossier. Son historique ne m'est toutefois pas inconnu.

En effet, si ma nomination est confirmée, je me trouverai pour la deuxième fois de ma carrière dans cette situation singulière de pouvoir mettre en œuvre un projet à la naissance duquel j'ai participé. En tant que membre du cabinet du Premier ministre en 2009 et 2010, en charge notamment du développement durable et des transports, j'ai participé aux réflexions puis à la prise de décisions à l'origine, entre autres, de la loi 3 juin 2010 et du décret du 7 juillet 2010 relatif à la Société du Grand Paris. Une telle situation n'est pas si fréquente, pour reprendre les propos tenus par le Premier ministre le 14 décembre dernier lors de l'inauguration du prolongement nord de la ligne 14, la première à entrer en service parmi les lignes du Grand Paris Express. Je la trouve en tout cas stimulante.

J'ai consacré l'essentiel de ma vie professionnelle à la chose publique et à des sujets compliqués, parfois difficiles, tels que la réforme de l'État ou la situation financière des collectivités territoriales. Il est intéressant et stimulant pour quelqu'un au parcours comme le mien d'entrer de plain-pied dans un projet où il s'agit plus de faire que de corriger.

Ce projet du Grand Paris a, depuis onze ans, connu un certain nombre de recalages et d'adaptations mais aussi et surtout un démarrage concret, comme l'illustre l'inauguration du 14 décembre dernier, sans parler d'innombrables avancées sans doute moins immédiatement visibles mais qui démontrent déjà la capacité de la Société du Grand Paris (SGP) à le mener à bien.

Évidemment, ce projet connaîtra encore de nombreuses vicissitudes. Tel est le lot de tout grand projet public. Parions d'ailleurs que les difficultés à venir seront à la hauteur de l'ambition qui le porte. Il n'en ira pas moins jusqu'à son terme, je tiens à le souligner. C'est dans cet esprit que je me présente devant vous.

Je rappellerai cette période où s'est concrétisée cette immense ambition. Par ailleurs, puisque je me trouve, certes virtuellement, à l'Assemblée nationale, j'évoquerai quelques acteurs de l'époque, comme Gilles Carrez, excellent connaisseur du financement du Grand Paris Express, que j'aurai plaisir à retrouver. Ensuite, je vous dirai quelques mots du Grand Paris, et de l'ambition qui porte ce projet, définis l'un et l'autre par la loi de 2010.

Celle-ci rappelle que le projet d'ensemble s'appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs, le Grand Paris Express, pour lequel les superlatifs sont de mise. Je n'en emploierai toutefois pas, d'abord parce que le recours à ces superlatifs, aussi justes soient-ils, ne me semble plus à l'ordre du jour depuis que le projet est entré en phase de réalisation. Ensuite, parce que la participation au chantier du siècle, si elle justifie une mobilisation exceptionnelle de ses acteurs, ne doit pas non plus tétaniser.

Quels termes utiliserai-je pour qualifier le projet aujourd'hui ? J'en retiendrai trois.

D'abord, de toute évidence, le projet Grand Paris Express est indispensable. Il ne s'agit pas seulement de creuser des tunnels ni même de faire rouler des trains, y compris à une vitesse inédite sur ce type d'équipement, mais bien d'améliorer la vie des habitants. C'est dans cet esprit que j'aborderai ma mission. Il s'agit aussi de réduire les déséquilibres territoriaux et de conforter la trajectoire et les engagements français en matière de développement durable et de lutte contre les effets du changement climatique.

Vous avez, je crois, abordé la lecture d'un projet de loi sur ce sujet, traitant de résilience. Je ne peux évidemment qu'inscrire le Grand Paris Express dans cette dynamique.

Comme me le disait par ailleurs, voici quatre jours, le président d'un conseil départemental particulièrement concerné par le projet, celui-ci redessine les cartes et annonce enfin les voies d'un désenclavement si nécessaire à de nombreux territoires d'Île-de-France.

J'ajoute enfin que dans la période si difficile que nous vivons collectivement depuis un an, ce projet est aussi une manifestation d'espoir en l'avenir. Il doit démontrer la capacité de notre pays à conduire un chantier de cette ampleur. Malgré ma réticence à user de superlatifs, il me semble intéressant de rappeler qu'un projet comme celui-là n'a pas d'équivalent en Europe actuellement. De grands projets d'infrastructures structurantes existent ou ont existé en Europe. J'ai lu récemment que certains d'entre eux, chez nos voisins, avaient connu des difficultés gigantesques.

Malgré les problématiques universelles de mise en œuvre d'un grand projet d'infrastructure publique, nous devons démontrer aussi bien la capacité de notre pays à conduire un chantier de l'ampleur du Grand Paris Express que notre souhait de retrouver puis de développer des échanges réels et non plus seulement virtuels entre les hommes.

Ce projet possède en outre une profonde cohérence. L'ambition initiale du Grand Paris, confirmée par tous les gouvernements depuis 2010, ne se limite pas à proposer une série de tronçons détachables, réalisés séparément en fonction des moyens, voire abandonnés tour à tour au gré des difficultés ou des oppositions.

Ce réseau, défini dans toute sa cohérence et ses interconnexions avec l'ensemble des réseaux existants par l'article 2 de la loi de 2010, s'est traduit par le schéma d'ensemble voté à l'unanimité par le conseil de surveillance et approuvé par le décret du 24 août 2011. La cohérence d'ensemble du réseau s'inscrit dans une cohérence plus globale encore de l'ensemble des aménagements induits : les 68 gares et leurs quartiers, futurs pôles de développement, auxquels s'ajoutent des éléments de requalification urbaine et de potentialités encore loin d'avoir été toutes envisagées.

Le projet du Grand Paris Express se caractérise enfin par son caractère collectif. La concertation a présidé à toutes les étapes préalables à l'entrée dans la phase opérationnelle en cours. Elle se poursuit au niveau local comme à celui du pilotage d'ensemble. J'y vois une condition essentielle à la réussite du projet.

Depuis le lancement de sa phase opérationnelle, le Grand Paris Express n'a pas manqué d'apparaître comme une source de nuisances plutôt que comme ce grand réseau de transport public destiné à améliorer la vie quotidienne. Dès à présent, même si tout m'a paru mis en œuvre pour régler cet impact territorial source d'inconvénients préalables à d'éventuels avantages, on n'y parviendra qu'en concertation étroite et permanente avec les élus.

La conception et la conduite collectives et concertées du projet passent par les relations avec les élus comme avec le reste des acteurs, au sein du conseil de surveillance de la SGP, organe délibérant doté de larges prérogatives. Une telle concertation résulte en outre du caractère collégial, relativement peu commun, du directoire de la SGP, que j'estime d'autant plus intéressant que, proposé pour en devenir le président, je nourris une culture de la délibération.

En bref, cette mobilisation collective de toutes les énergies s'appuyant sur un exercice de concertation et de transparence permanente m'apparaît comme la marque de fabrique du Grand Paris et de la SGP. Elle est aussi la condition de son succès.

Où en est le projet aujourd'hui ?

Il ne me paraît pas inutile de rappeler quelques étapes depuis sa naissance. La promulgation de la loi de 2010 a été suivie, la même année, d'un décret et d'un débat public. En 2011 a été approuvé le schéma d'ensemble. L'étude du projet, la première déclaration d'utilité publique et la maîtrise foncière se sont échelonnées de 2012 à 2016. L'intégralité des déclarations d'utilité publique a été obtenue en 2016 et 2017, quand ont débuté les travaux de génie civil à l'aide des premiers tunneliers.

Nous reviendrons sur la question des échéances et des délais. J'aimerais aborder ma mission, si elle m'est confiée, en gardant en tête ce calendrier initial. On l'a estimé retardé, probablement en raison d'évaluations de départ imparfaites, pour ne pas dire pire. Pour un projet de ce type, il n'en a pas moins progressé rapidement.

Aujourd'hui, toutes les lignes du Grand Paris Express sont en travaux. Une centaine de chantiers ont débuté sur les 300 prévus. 7 000 personnes y œuvrent quotidiennement. 40 des 200 kilomètres de tunnels sont déjà creusés, et la série d'émissions obligataires vertes a été couronnée de succès.

Enfin, à titre d'exemple, voici quelques jours a été attribué le marché de réseau multiservices des lignes 15, 16 et 17, et publié l'appel public à concurrence du deuxième marché (en conception réalisation) de la ligne 15 ouest.

Pour arriver à ces résultats concrets, le projet et la SGP sont passés par des crises et ont traversé – ce qui n'a rien d'anormal pour un tel projet – des difficultés importantes.

Je voudrais toutefois souligner qu'une de ces crises, à mes yeux fondatrice, a marqué un tournant majeur dans l'histoire du projet, fin 2017 et début 2018. Des signaux d'alerte ont incité la Cour des comptes à rendre fin 2017 un rapport qui a donné lieu à une réestimation du coût du projet. Délais et plannings ont été ajustés et la priorisation des travaux, redéfinie, sans toutefois modifier la consistance du projet. Pour faire face à des modifications d'une telle conséquence, les moyens de l'opérateur, comme y invitait d'ailleurs le rapport de la Cour des comptes, ont été largement recalibrés. Sa stratégie a été redessinée et son modèle financier, adapté.

Outre les superlatifs que j'ai renoncé à rappeler, il faudrait mentionner cet épisode d'aggiornamento franc et massif, atypique pour un projet de cette ampleur, et significatif de la volonté politique qui le porte.

La réévaluation des coûts de 2017-2018 me paraît relativement robuste. Depuis l'évaluation de la Cour et l'expertise indépendante ayant suivi, le Sénat a rendu en octobre 2020 un rapport d'information qui ne remet pas significativement en cause l'évaluation inscrite dans la loi de finances 2021.

Qui plus est, en surmontant cet obstacle de l'augmentation de son coût, le projet d'ensemble a démontré sa solidité. Je ne veux pas dire par là que le projet Grand Paris Express serait à l'abri de difficultés ou de crises, mais qu'il a démontré sa capacité, selon moi primordiale, à les surmonter.

Où en est la Société du Grand Paris ?

Premièrement, les effectifs ont connu une croissance exponentielle, suite aux analyses de la Cour et de l'expertise indépendante, à partir du tournant de 2018. Ils s'élèvent aujourd'hui à 750 personnes et l'objectif est d'atteindre le millier en fin d'année. L'intégration fluide des nouveaux collaborateurs et la capacité à leur donner aussi vite que possible une pleine opérationnalité comptent parmi les enjeux majeurs à relever par la SGP dans un proche avenir.

Comme chacun s'en doute, une extrême attention sera portée aux difficultés supplémentaires liées aux mesures de lutte contre la pandémie.

En second lieu, la crédibilité démontrée par la SGP sur les marchés financiers constitue un atout restant à consolider. Attestée par les levées de dettes de la fin de 2020 et du début de 2021, cette crédibilité conforte une stratégie de sécurisation d'un financement à bas coût via un programme d'émissions d'obligations vertes, validé par le conseil de surveillance et salué par le dernier rapport du Sénat.

Je me présenterai maintenant brièvement.

Je me suis partagé, au fil de mon parcours, entre des missions centrales, pendant une douzaine d'années, et locales, ainsi qu'entre des fonctions de contrôle pendant une douzaine d'années également, et des fonctions opérationnelles pendant dix-huit ans. Mon corps d'origine est la Cour des comptes. J'exerce pour l'heure les fonctions de président de la chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine.

Je crois pouvoir dire que, même si je n'y ai jamais directement exercé, j'ai consacré plus de treize années de ma vie professionnelle aux collectivités territoriales, en tant que sous-préfet, secrétaire général aux affaires régionales, ou encore contrôleur ; métier que j'exerce encore aujourd'hui. Mes fonctions au sein des juridictions financières ont consolidé (elles m'y prédisposaient de toute façon) ma culture de ce que j'aime appeler le bon emploi des fonds publics.

J'ai également exercé des fonctions d'ordonnateur, aussi bien pour les programmes support du ministère de la transition écologique qu'indirectement pour un programme exceptionnel d'investissement régional, dont j'étais le responsable local.

L'opportunité m'a ainsi été donnée d'acquérir une expérience utile des contraintes et enjeux de la dépense publique, et de ce qui en garantit l'utilité.

Au-delà de ces éléments biographiques, je souhaiterais aborder sans détour deux questions légitimes que m'ont suggérées les premières réactions que j'ai recueillies et la lecture de la presse, notamment spécialisée.

Mon arrivée à la présidence du directoire de la SGP signifie-t-elle une rupture dans la conduite et la signification de ce projet ?

N'ayant jamais dirigé d'entreprise ni creusé de tunnel, avec quelles expériences tirées de mon parcours personnel puis-je prétendre faire face aux défis nombreux qui se posent à la SGP ?

La première question, celle de la continuité, mérite qu'on la pose malgré son caractère quelque peu théorique. J'ai lu çà et là qu'on pouvait inférer de mon parcours de magistrat financier des intentions cachées sur le dimensionnement du projet ou de nouvelles mesures susceptibles de nuire à sa cohérence.

Ces intentions qu'on me prête sont imaginaires.

La crainte d'une éventuelle rupture à l'arrivée d'un nouveau président du directoire de la SGP néglige la collégialité de sa gouvernance, d'autant plus significative qu'elle est prévue dans les textes et correspond à ma façon de fonctionner. Au cœur de mon métier de président d'une juridiction résident la délibération et la construction de décisions collectives par le partage des analyses, suivies par la prise de décision qui m'incombe.

En même temps que ma propre nomination au directoire, le renouvellement de deux autres membres, présents à la SGP depuis 2015 et 2017, est proposé. J'y vois assurément un atout pour mener à bien cette transition dans la continuité.

La SGP a par ailleurs pris, y compris récemment, sous l'impulsion de son conseil de surveillance et sur la proposition de son directoire, des décisions stratégiques déterminantes pour la réussite du projet. Je m'appuierai dessus et mettrai tout en œuvre pour les conforter, les développer et en tirer tout le parti possible.

Je songe entre autres à la sécurisation des flux financiers, permettant dès à présent de faire face d'une part aux besoins de décaissement de la SGP jusqu'en 2027 environ, d'autre part à la conception et à la réalisation de certaines parties complexes du projet – en particulier les marchés de la ligne 15 est et 15 ouest. Cette sécurisation permet aussi la mise en place d'un dispositif renforcé de gestion des risques, sous le contrôle du comité d'audit et des engagements, au sein du conseil de surveillance. Ces exemples parmi tant d'autres démontrent la consistance et la solidité du projet. Je recevrai à mon arrivée une lettre de mission du Premier ministre qui confortera cette trajectoire et cette stratégie.

Concernant l'expérience professionnelle que je compte mobiliser pour faire face aux différents défis attendant la SGP, l'énonciation de capacités techniques ou juridiques dans un domaine précis n'aurait pas de sens. À la tête d'une telle entité, entouré d'ici un an de 1 000 collaborateurs, je m'attellerai à des sujets complexes et diversifiés dans une perspective avant tout managériale.

J'ai assumé des fonctions de management à la tête du secrétariat général d'un ministère qui employait 60 000 personnes lors de mon arrivée, ainsi que dans de nombreux contextes différents. C'est sur ma capacité d'assumer de telles fonctions que je m'appuierai d'abord. Par ailleurs, pour conduire ce projet, mon expérience du dialogue avec les élus et l'ensemble des services de l'État, mon passage en cabinet ministériel ou en administration centrale mais aussi mes fonctions de président de conseil d'administration d'un établissement public me seront également utiles.

J'ai conscience d'arriver dans un contexte qui n'est pas simple, face à des enjeux majeurs touchant le projet dans sa globalité mais aussi chacune de ses composantes.

Je ne sous-estime pas ces difficultés mais ne tiens pas non plus à ce qu'elles me paralysent. La SGP, en tant que maître d'ouvrage, est désormais dotée de moyens considérables qu'il s'agit d'abord de rendre opérants au sein de son écosystème national et local, en valorisant sa culture d'entreprise que je résumerai en quatre mots : technicité, concertation, transparence et adaptabilité.

En première analyse, la clé des succès à venir – c'est en tout cas dans ce sens que je conduirai ma mission – réside dans l'équilibre entre objectifs et exigences, non pas contradictoires mais qu'il faut en permanence concilier grâce à la capacité d'adaptation que j'ai mentionnée.

L'équilibre doit être trouvé aussi entre conduite opérationnelle au quotidien et pilotage stratégique, quitte à passer par des arbitrages politiques. Il faut en outre concilier le management d'une entité de près de 1 000 salariés dans un an et le dialogue constant entre l'ensemble des partenaires externes. Ce dialogue ne passe pas seulement par la transparence brute, micro-événement par micro-événement, mais par l'établissement d'une relation de confiance réciproque fondée sur des relations interpersonnelles. Enfin, il conviendra de mettre en balance la cohérence globale du projet d'ensemble avec la faculté d'adaptation nécessaire à tout projet de ce type.

La nécessité d'une cohérence d'ensemble compte sans doute parmi les leçons les plus marquantes de mon expérience dans les débuts du Grand Paris. Je me verrai comme le garant de sa préservation.

Quelles seront les priorités de la SGP ? Voici, en réponse à votre question, Monsieur le président, celles que j'entrevois à ce stade : la sécurité des riverains, des agents et de tous ceux qui travaillent sur ces chantiers d'une extrême complexité ; puis la fiabilité et la capacité à délivrer dans les délais, qui supposent avant tout la maîtrise des risques ; et enfin la maîtrise des coûts et de la trajectoire financière qui l'accompagne, en toute transparence.

Je garde de mes premiers contacts brefs et rapides avec la SGP l'impression d'un établissement tendu vers son objectif et qui mobilise un impressionnant panel de compétences. J'en tire la certitude que l'ensemble des partenaires de la SGP partage sa volonté d'aboutir et de remplir l'objectif d'intérêt national dont fait état la loi du 3 juin 2010. Cette mobilisation collective est sans doute l'une des caractéristiques les plus fortes du Grand Paris. Comme toute entreprise collective, le projet devra encore surmonter bien des vicissitudes. Faire en sorte qu'il y parvienne me paraît une tâche enthousiasmante. Elle sert en tout cas un projet fondateur et c'est avec la volonté d'y contribuer que je viens de prononcer ces quelques mots.

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Merci, je laisse maintenant la parole aux orateurs des groupes.

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Nous vous remercions pour cet exposé détaillé de votre stratégie en tant que futur président du directoire de la SGP. Permettez-moi de rendre, comme vous, hommage au travail accompli par vos prédécesseurs. Nous sommes tous conscients de la pression subie par les équipes de la SGP pour mettre sur les rails les 200 kilomètres de lignes automatiques reliant les 68 gares du Grand Paris Express.

En tant qu'élue d'une circonscription des Hauts-de-Seine où l'on inaugurera bientôt, espérons-le, la première ligne (15 sud), je reste convaincue que ce projet de métro circulaire automatisé ne prendra tout son sens qu'une fois achevé, d'où mon attachement aussi aux autres lignes (la 16, la 17, la 18).

Je ne vous cacherai pas la réelle inquiétude des parlementaires et des élus locaux franciliens et nationaux, tant à propos du calendrier que de la capacité de la SGP à mener à terme ce projet.

Voici trois points sur lesquels mon groupe La République en Marche souhaiterait insister. Nous estimons en premier lieu indispensable d'associer étroitement les élus à ce projet éminemment technique mais aussi politique. Au-delà des lignes et des gares, des projets de ville et d'aménagement de quartiers ont été pensés, par et avec les élus. Ils auront un impact en termes d'investissement, de développement économique et de logements. Toute modification du calendrier ou du projet lui-même s'apparente à une remise en cause de ces investissements. Comment entrevoyez-vous la collaboration avec les élus locaux ? Pouvons-nous compter sur un respect intangible des engagements pris ?

Deuxièmement, la pérennisation des financements, afin de sécuriser la totalité de ce projet dans la durée, représente un enjeu crucial à l'heure où la Cour des comptes et le Parlement ont pointé une dérive budgétaire préoccupante. Pour quelle stratégie de maîtrise des coûts opterez-vous ?

Enfin, la réussite de ce projet titanesque tient aux équipes de la SGP que nous, législateurs, avons d'ailleurs tenu à renforcer. Quelle politique de ressources humaines souhaitez-vous mettre en œuvre pour éviter la rotation – de fait, assez importante – du personnel de la SGP, nuisible à la continuité du projet ?

Ces trois points se rattachent à un seul objectif : s'assurer de la continuité et de la faisabilité du projet dans son intégralité et, surtout, rassurer les habitants, contribuables et usagers d'Île-de-France et du Grand Paris, qui attendent avec impatience cette nouvelle infrastructure.

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Merci, Monsieur Monteils, pour votre vision claire de l'avenir de la SGP et du chantier du siècle que vous devrez gérer. Nul ne doute que l'expérience acquise dans vos différents postes vous assurera une efficacité immédiate dans vos nouvelles fonctions.

Ce grand chantier poursuit un objectif clair : permettre un désenclavement du Grand Paris et une meilleure utilisation des transports collectifs, en adaptant Paris aux grandes manifestations à venir telles que les Jeux Olympiques. Serons-nous prêts à temps pour les accueillir ?

Ce chantier a en outre pour mission d'assurer le rayonnement de Paris dans l'hexagone. Il conviendra de veiller au rattachement des gares TGV au réseau du Grand Paris et de rendre plus efficace l'accès, depuis les parkings-relais, aux futures lignes de transports en commun.

La crise sanitaire qui nous a plongés dans bien des réflexions nous engage un peu plus encore sur la voie d'une mobilité respectueuse. Comment ambitionnez-vous d'assurer un meilleur rayonnement de Paris à l'intérieur de la France ?

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Je tiens d'abord à vous remercier pour votre présence, Monsieur le président, puisque vous êtes encore président de la chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine. Je m'étonne de la nomination d'un nouveau président au directoire de la SGP : vous serez le cinquième en dix ans à occuper ce poste. Je vous souhaite d'assumer un mandat complet à la tête de cette structure à la mission fondamentale pour l'avenir de la région parisienne et du pays, et qui requiert un engagement et une vision pérennes.

Votre tâche s'annonce difficile, voire complexe : elle concerne l'un des plus grands chantiers du monde pendant l'une des périodes les plus compliquées de notre histoire récente. De nombreuses contraintes pèsent sur le projet : d'abord, celle du temps.

Au-delà de l'échéance des JO en 2024, le projet doit répondre à une situation d'urgence climatique. Alors que certains osent proposer de couper les vivres aux transports en commun, ce nouveau réseau offrira la possibilité d'une mobilité propre à de très nombreux Franciliens. Il permettra aussi de densifier la métropole afin de lutter – l'enjeu est de taille – contre l'étalement urbain et l'artificialisation des sols, contre laquelle nous luttons en fixant en ce moment même dans la loi des objectifs ambitieux. Vous devrez entre autres réduire le montant de la facture estimé à ce jour à 35 milliards d'euros, ou au moins éviter qu'il augmente dans un contexte de crise sanitaire peu propice aux réductions de coûts.

Je souhaite connaître vos ambitions concernant ces deux points. Alors qu'une vingtaine de tunneliers étaient en service en 2020, pourriez-vous nous indiquer précisément les retards engendrés par la crise sanitaire sur l'échéancier de livraison des différents tronçons ? Quelles sources d'économies envisagez-vous ? Impacteront-elles tant le calendrier que les dessertes ?

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J'ai beaucoup de questions à vous poser, Monsieur Monteils. Celle des déblais m'apparaît particulièrement prégnante. Depuis le début du projet, la SGP affirme sa volonté de valoriser les déblais à hauteur de 70 % de leur volume global. Comment procède-t-elle actuellement ? Cet objectif est-il en bonne voie d'être atteint ? À combien estimez-vous aujourd'hui en moyenne la réutilisation des déchets ? Qu'en est-il des 30 % restants ? Ces déblais sont acheminés par voies ferroviaires et fluviales – un mode de transport dont je suis un fervent défenseur. Dans quelles proportions pour les unes et les autres ?

L'un des principaux enjeux du Grand Paris Express réside dans l'intégration du projet à son environnement. Quelle impulsion les nouvelles gares donneront-elles aux quartiers qui les entourent ? Comment concevez-vous les gares créées en termes de ruralité ? Ces lieux de vie s'avéreront-ils aussi durables, fonctionnels et humains que nous l'espérons ? Comment voyez-vous l'intégration des habitants du Grand Paris aux différents chantiers ? Certains projets se heurtent pour l'heure à de l'incompréhension. Je songe ici aux lignes 15, 16 ou 17. Comment concevez-vous le dialogue et la collaboration entre la SGP et les territoires concernés, leurs élus, et leurs riverains ?

L'un des enjeux majeurs du calendrier reste les JO. Où en est-on exactement à ce jour de la livraison des tronçons prévus ? Le ministre des transports M. Jean-Baptiste Djebbari paraît croire en une ouverture de la ligne 16 en 2024. Une telle échéance vous semble-t-elle tenable ? Si oui, par quel moyen ?

Enfin, qu'en est-il de la sécurisation du financement du Grand Paris Express ? D'après la personne que vous vous apprêtez à remplacer, les conditions de financement des infrastructures demeurent favorables, et la SGP sera en mesure de couvrir les besoins du prochain quinquennat 2022-2027, mettant ainsi à l'abri de tout aléa financier la réalisation du Grand Paris Express. Partagez-vous cette analyse ? Êtes-vous d'accord avec la stratégie mise en place d'emprunt par anticipation ?

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Monteils

Je commencerai, Madame la députée Rossi, par revenir sur votre emploi du terme d'inquiétude, que je comprends évidemment. À la place qui pourrait être la mienne, je n'utiliserais toutefois pas un tel mot. J'estime nécessaire une attention permanente, notamment à la maîtrise des risques, car j'y vois une notion clé de la réussite du projet. Je serai d'ailleurs amené à l'évoquer encore à propos d'un certain nombre de questions, tant elle s'avère essentielle à une maîtrise d'ouvrage de ce type. Les risques ont-ils été bien analysés au départ ? Est-on capable de les actualiser suffisamment ? Quelle est la nature du dialogue noué avec les entreprises conduisant les chantiers ? Tous ces points m'apparaissent déterminants. Voilà pourquoi je ne veux pas commencer par laisser supposer de l'inquiétude de ma part ; simplement une vigilance permanente.

Plusieurs questions ont porté sur l'association des élus ; un point essentiel correspondant à une part significative de ma vie professionnelle. Au cœur de mes fonctions de sous-préfet ou de secrétaire général pour les affaires régionales résidaient le dialogue et l'échange avec les élus. Je ne le mentionne pas uniquement au titre de mon expérience mais de mes convictions. Aucun projet d'une telle nature n'est possible sans cela. M. Bricout a souligné la nécessité d'associer les citoyens au projet. Je n'envisage pas d'entamer un dialogue avec ceux-ci sans passer par les élus. La réussite du projet en dépend. Territorial par nature, il aura un impact, en termes de nuisances notamment, à un échelon territorial. Il sera donc impératif de s'y atteler d'abord en concertation avec les élus.

Vous m'avez également interrogé, Madame Rossi, sur la sécurisation des financements. L'essentiel me semble ici la maîtrise des risques. L'existence même, à l'intérieur de la SGP, d'un dispositif robuste, solide, permanent de maîtrise des risques marque un pas en avant. En toute transparence, ce dispositif était selon moi encore perfectible. Il y a trois ans, d'après ce que je comprends aujourd'hui de sa consistance, il s'est notablement professionnalisé. Je suis bien sûr incapable à ce stade de juger de sa nature et de son efficacité, néanmoins mon ressenti est positif.

Au sujet des ressources humaines, je ne dispose pas d'éléments sur la rotation du personnel. En tant que président du conseil d'administration d'un autre établissement public, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, je suis confronté, quoiqu'indirectement, mes fonctions n'étant pas exécutives, à ce problème aigu. Je me garderai quoi qu'il en soit de trop inférer d'une telle comparaison, qui n'a de toute façon pas lieu d'être. Les conditions de recrutement à la SGP sont particulières. Avant même la question du turn-over se pose celle de la capacité à drainer vers la SGP des compétences parfois extrêmement pointues, souvent techniques et la plupart du temps de très haut niveau. Il convient d'y rester vigilant. J'ai quelques idées sur la manière de gérer cette difficulté. La direction des ressources humaines ou ce qui en tient lieu à la SGP – vous noterez que je ne suis pas encore au fait de son organigramme – fera l'objet de ma plus vive attention. La SGP envisage de recruter 250 personnes au cours des dix prochains mois. Il va de soi que le président de son directoire ne peut pas ne pas en tenir compte.

Monsieur Sermier, vous avez soulevé la question cruciale de notre capacité à être prêts pour les Jeux olympiques et paralympiques. L'aveu de mon incapacité à vous fournir une réponse définitive à ce stade vous décevra, je le sais. Il serait imprudent, malvenu, déplacé de ma part, avant ma nomination, sans avoir même pu mettre les pieds à la SGP pour en consulter les dossiers ou échanger avec les uns et les autres, de me prononcer à ce propos. N'aimant cependant pas laisser en suspens une question, je vous ferai part de ma vision de ce dossier.

D'abord, l'échéance des Jeux olympiques et paralympiques n'implique pas uniquement la réalisation de la ligne 16 ou du tronçon 16-17 mais aussi celle de la ligne 14 et de cet équipement structurant fondamental qu'est la gare de Pleyel. Les différents chantiers n'en sont pas au même degré d'avancement. La récente inauguration du 14 décembre a envoyé un signal plutôt positif quant à la ligne 14 et son prolongement nord. Je crois comprendre que le calendrier reste tendu. Là encore, la maîtrise des risques à très court terme demeure un enjeu crucial. Au vu des informations dont je dispose, le rendez-vous des Jeux olympiques et paralympiques devrait être honoré.

Où en sommes-nous des lignes 16 et 17, du tronçon entre Pleyel et Le Bourget, ainsi que des équipements eux aussi nécessaires aux Jeux olympiques et paralympiques ? Le Premier ministre a tenu en février 2018, dans un contexte de crise, une conférence de presse à l'origine d'un recalage des calendriers. La feuille de route qualifiait alors déjà de tendu le tronçon 16-17 tout en l'envisageant comme livrable à temps pour les Jeux olympiques. Nous savons qu'il n'en ira pas ainsi. Le tronçon 16-17 Le Bourget-Pleyel tel qu'envisagé à l'origine ne sera pas opérationnel en 2024. La nouvelle a d'ailleurs déjà été rendue publique.

Entre-temps se sont déroulés les événements que vous connaissez depuis mars 2020. Ils ont entraîné une interruption totale, et selon moi judicieuse, d'un mois, due au confinement, du 17 mars à la mi-avril, des chantiers de la SGP. Cette interruption n'a pas été la seule à bouleverser les délais de livraison des chantiers. Dans un projet de cette nature, le moindre retard, par le biais d'un effet domino, se traduit par la désynchronisation des chantiers voire le renoncement à une intervention, possible uniquement dans une fenêtre de temps qui ne se rouvrira qu'ultérieurement.

En somme, d'après les évaluations actuelles que j'utilise avec prudence, les retards sur les chantiers du Grand Paris Express s'étalent entre trois et neuf mois selon les lignes, les tronçons et les travaux ; et ce, avant mesures correctrices. Les retards dans la réalisation du tronçon 16-17 Le Bourget-Pleyel ne découlent pas uniquement des aléas survenus depuis février 2018. Quoi qu'il en soit, il ne sera pas achevé dans les délais sous l'aspect que prévoyait la feuille de route 2018.

Des solutions dégradées ont été envisagées. Elles ont fait l'objet d'études, de travaux et sont encore en cours d'analyse. Il faudra clairement prendre des décisions qui supposeront des arbitrages selon deux critères : les moyens de pouvoir honorer, y compris en recourant à ces solutions dégradées, le rendez-vous des Jeux olympiques et paralympiques – un moment de visibilité maximale de notre pays et de sa capacité à mener à bien des chantiers de ce type – mais aussi la qualité de ces solutions dégradées et leurs conséquences sur l'ensemble du projet. Je regrette de ne pouvoir donner d'éléments plus précis. Ces sujets figureront en tête de mon agenda personnel si ma nomination se confirme.

La question du rayonnement et des retombées de la crise sanitaire me permettra d'aborder les missions, les fonctions et le rôle de la SGP en matière d'aménagement et d'urbanisme. La loi et le décret de 2010 ont logiquement et judicieusement confié à la SGP des prérogatives d'établissement public d'aménagement. Il aurait été inopportun de ne pas attribuer une telle compétence au maître d'ouvrage d'un équipement prévoyant la construction de 68 gares. La décision relève d'un principe de cohérence.

J'offrirai à ce propos un exemple personnel. Habitué à mettre depuis trente ans mon vélo dans un train, du fait des contraintes de ma vie personnelle et professionnelle, je me considère comme un pratiquant fanatique de l'inter-modalité. Je me suis souvent heurté aux difficultés que présente ce type de déplacements. Voici 30 ans, il était impossible de mettre un vélo dans un train sous peine d'être verbalisé. La situation a heureusement changé mais la question demeure cruciale. Je l'aborde car elle rejoint toutes celles qui supposent un principe de cohérence et justifient l'intervention de la SGP dans ces questions d'aménagement.

C'est, dès le départ, en fonction de la qualité et de la nature du réseau d'infrastructures, qu'il faut concevoir les réaménagements urbains et la requalification des gares et des quartiers qui les entourent, pour rendre l'équipement agréable, confortable, utile et efficace du point de vue de l'usager. La SGP assume en matière d'aménagement et d'urbanisme un rôle crucial. Il en va de la cohérence du projet, de son utilité à terme et de la qualité de sa réalisation.

Je veillerai en outre au respect d'un principe de complémentarité. L'Île-de-France compte un certain nombre d'aménageurs publics compétents. Je retrouverai avec plaisir le directeur de Grand Paris aménagement, avec qui j'ai commencé à échanger. La mission qui m'est proposée à la tête de la SGP requiert une attention permanente dans un esprit de coopération intelligente.

Je rappelle enfin, en guise de réponse à la dernière question de M. Sermier, que nous avons affaire à un projet de développement durable. Le projet Grand Paris Express ne saurait être conçu « hors-sol » mais au contraire dans sa dimension globale en lien avec l'aménagement du territoire et le développement durable.

J'en viens aux questions de M. Millienne sur les contraintes financières et les retards. J'ai eu connaissance de retards de trois à neuf mois dus à la crise pandémique. Quant aux économies et à leurs éventuelles conséquences sur le calendrier et les dessertes, je me reporte à la feuille de route de 2018 chargeant la SGP de trouver une trajectoire de coût permettant des économies.

Le rapport remis fin 2017 par la Cour des comptes, et confirmé par la suite par une expertise indépendante, pointait entre autres lacunes l'insuffisance des provisions pour risques. Le chiffrage de 35,1 (ou 35,6 selon le rapport du Sénat) milliards d'euros de coût à terminaison les prend bien évidemment en compte. Le travail sur la maîtrise des coûts supplémentaires évoqué dans la feuille de route de 2018 consiste d'abord à recaler le niveau des provisions. Je ne considère pas encore qu'il faille sortir de ce cadrage. Ces programmes de réduction de coût consistent en l'identification de toutes les pistes d'économies possibles sans pour autant menacer la consistance du projet. Ils ont donné lieu à un travail de fourmi. Le moindre élément du plan a fait l'objet d'une expertise détaillée ayant débouché sur des milliers de propositions d'économies. L'étude des 700 pistes de réduction de coût repérées à l'intérieur du projet se poursuit jour après jour. Voilà où nous en sommes. Une telle manière de procéder me semble judicieuse. Selon ce que je constaterai à mon arrivée, je poursuivrai dans cette voie.

Pour en terminer avec votre question, Monsieur Millienne, je soulignerai que, dans mon esprit, cette recherche permanente de maîtrise des coûts passe par la préservation de la consistance du projet, impliquant elle-même celle du calendrier ainsi que la maîtrise des risques, dont j'ai fait mon mantra ce matin.

Monsieur Bricout, je vous prie de me pardonner mon incapacité à donner des réponses complètes à vos questions d'une extrême importance. Je me ferai un plaisir de revenir vous apporter plus de précisions dans quelques mois.

La question des déblais m'apparaît cruciale puisque les chantiers ont déjà produit un tiers des 45 millions de tonnes attendues. Se pose dès lors la question de leur transport. Vous avez évoqué votre intérêt pour le transport fluvial. La SGP a naturellement pour objectif d'y recourir aussi souvent que possible. Selon les informations à ma disposition, la dynamique a bien été engagée. Il faudra continuer en ce sens. On songe tout de suite, quand il est question de déblais et de développement durable, au transport ferroviaire, mais nul ici n'ignore sa complexité en Île-de-France. Si la capture des sillons ferroviaires dans la région était un chemin semé de roses, je ne crois pas qu'aurait germé l'idée d'y construire un réseau supplémentaire. Le réseau francilien est largement saturé, y compris en fret. Ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas envisager cette piste. Seulement, elle m'apparaît difficile à exploiter, et le directoire, de même que l'ensemble des équipes de la SGP, devront s'y montrer attentifs.

La SGP s'est fixé pour objectif de valoriser 70 % des déchets. En tant qu'ancien commissaire du Gouvernement auprès de l'ADEME, je sais qu'un sujet d'une complexité à la fois technique et politique comme la valorisation des déchets doit être traité en lien étroit avec les élus. Il m'a semblé que c'était déjà le cas. Quoi qu'il en soit, l'objectif de 70 % des déchets valorisés me semble extrêmement ambitieux. Il faudra s'y tenir.

Nous ne l'atteindrons pas sans une capacité d'innovation, qui me paraît d'ailleurs inscrite dans l'ADN de la SGP. Je me rappelle des discussions passionnées avec celle qui en était alors la première directrice environnementale. Avec ses équipes, elle s'est d'emblée lancée dans la construction d'un modèle spécifique (CarbOptimum, aujourd'hui utilisé par d'autres chantiers) d'analyse de l'empreinte carbone, étape par étape, l'environnement ayant toujours été au cœur des préoccupations de la SGP. Il faudra cultiver cet esprit d'innovation, de recherche de solutions à la fois transposables et adaptées aux contraintes de la SGP. Tous les organismes susceptibles de participer à cette réflexion doivent s'y associer. Le traitement des déblais présente un enjeu financier qui n'est pas mince ; raison de plus pour y prêter attention.

J'ai tenté d'apporter quelques éléments de réponse sur le rôle de la SGP en matière d'aménagement. À ce jour, les Franciliens n'en voient que d'énormes chantiers de gares, sources de nuisances, même si beaucoup d'initiatives visent à limiter celles-ci. Je m'attellerai dès mon arrivée à l'étude du potentiel de développement des gares et aux possibilités de les envisager dans leur ensemble. Ceci passera par le dialogue avec les riverains. Mes premiers interlocuteurs n'en resteront pas moins les élus. J'ai cru comprendre qu'existaient d'ores et déjà à la SGP des dispositifs associant au projet les riverains. Des équipes vont à leur rencontre sur les chantiers. Là non plus, je n'inventerai rien mais poursuivrai dans cette voie.

Vous m'avez demandé, d'une part, si la stratégie globale en matière de besoins de financement était tenable, et d'autre part, ce que je pensais de cette stratégie de préfinancement par emprunt.

Je porte sur elle une appréciation positive. Je trouve intelligent d'avoir profité de taux d'intérêt historiquement faibles pour sécuriser ce financement, dans l'idée de plus de visibilité sur les décaissements à l'échéance 2027. Je ne reviendrai pas en détail sur le modèle financier. Un effort manifeste y a été consacré à l'occasion du tournant 2018. Sera-t-il suffisant ? Les débats sur la loi de finances 2021 ont fourni l'occasion de s'interroger à ce propos. Le rapport de Gilles Carrez évoquait un besoin de financement annuel de l'ordre de 250 millions d'euros, basé sur les ressources liées aux recettes fiscales que vous connaissez.

Ce chiffre ne correspond pas tout à fait à ce qui a finalement été décidé, même si un effort conséquent a été consenti. Des questions continuent assurément de se poser. Leur réponse ne viendra pas dans l'immédiat, du fait de la stratégie suivie, mais elle sera apportée dans la transparence puisque la SGP, constituant de la dette publique, se trouve sous le contrôle du Parlement. L'occasion me sera sans doute donnée de venir devant vous et vos collègues évoquer régulièrement cette question de la soutenabilité de la dette à l'échéance 2070. Ce sujet d'une grande complexité, très étudié depuis onze ans, fera l'objet de prochains rendez-vous cruciaux.

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J'aimerais revenir sur la question de la gouvernance. En tant que députée de Paris, je n'ignore pas le fort impact qu'aura ce projet sur notre territoire et la vie quotidienne de nos concitoyens. Les élus occupent une place de choix dans l'organisation de la SGP, notamment dans son comité stratégique. Je regrette toutefois que seuls quatre parlementaires en fassent partie (deux sénateurs et deux députés).

Au regard des défis que présentent les difficultés techniques, les ressources humaines, le respect du calendrier et le financement du projet, quelle gouvernance envisagez-vous au juste avec les députés et les sénateurs ? Quel rôle souhaitez-vous confier au comité stratégique ? Comment désirez-vous interagir avec à la fois les élus locaux et les parlementaires pour mieux les associer au projet ?

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La SGP doit développer un réseau performant de transport public et aménager de nouveaux quartiers en tant qu'établissement public. Sa mission revêt une importance particulière pour l'ensemble des Franciliens. Je souhaiterais connaître votre avis sur certains aspects juridiques de la SGP qui m'interpellent, relevant entre autres de l'aménagement du territoire.

Comme vous le savez, dès 2010, sa mission devait être encadrée par des contrats de développement territorial passés entre les collectivités et l'État. Malheureusement, ils n'ont pas été mis en place, ce qui constitue une occasion manquée pour l'établissement public.

En outre, le Grand Paris a un concurrent de taille dans l'établissement public du Grand Paris aménagement. Ce GPA, auquel aucun périmètre précis n'a été attribué, est devenu un acteur majeur de l'aménagement urbain de l'Île-de-France, en particulier des quartiers neufs autour des nouvelles gares, censés au départ relever du domaine du Grand Paris. Cette situation inédite et confuse rend particulièrement complexe la mission d'aménagement de la SGP, qui a tout simplement été occultée. En tant que futur président de la SGP, quelle articulation envisagez-vous entre la SGP et GPA ?

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Monsieur le futur président, vous l'avez dit, le chantier du Grand Paris Express est bien celui du siècle. Vous nourrissez des convictions fortes que nous partageons. Il faut que la population, non seulement francilienne mais française dans son ensemble, adhère à ce projet d'envergure auquel l'État va tout de même consacrer des ressources. En tant que députée du Jura, j'aimerais vous demander comment vous ferez en sorte que ces chantiers irriguent nos territoires éloignés de la capitale ?

J'ai noté votre souci de la maîtrise des coûts dans la commande publique, et du développement durable. Comment comptez-vous faire bénéficier nos entreprises et notre économie française de ces grands chantiers ? Je songe à la production de matériaux tels que le bois ou le ciment. Nous avons, dans le Jura, un cimentier de qualité. Ces chantiers d'avenir sont lancés dans l'intérêt des générations futures. Comment comptez-vous y associer la jeunesse ? À travers l'apprentissage ou la communication ?

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Jean-François Monteils

Ces questions portent sur un niveau de détail dans lequel je m'avoue incapable d'entrer aujourd'hui.

Madame la députée Silin, relativement à la gouvernance, j'ai pris contact avant même ma nomination avec le président du comité stratégique, monsieur le maire de Vanves. L'échange avec les élus fait partie de ma culture. Il ne s'agit pas d'une pétition de principe mais d'une conviction. En tant que sous-préfet, je maintenais déjà un contact permanent avec les élus. Je vous apporterai donc une réponse cursive : mon numéro de téléphone personnel leur sera communiqué. Je ne puis mieux dire.

Quant à l'association des élus et des parlementaires, laissez-moi juste le temps de bien appréhender l'ensemble des rendez-vous prévus à ce jour par les institutions. Je verrai ensuite si des propositions supplémentaires me paraissent se justifier.

Monsieur Maquet, concernant les coopérations avec les autres établissements d'aménagement, la question de la complémentarité mérite toute notre attention. J'ai suffisamment travaillé sur les questions de réforme de l'État et de réorganisation territoriale pour saisir ce que signifient les notions d'empilement et de complexité.

Là encore, je vous adresserai une réponse très simple : j'irai voir Stéphane de Fay, le directeur général de GPA, au cours des semaines suivant mon arrivée. Je ne considère pas les établissements existants comme concurrents. Nous travaillons tous au service de l'intérêt collectif et dans des conditions qui doivent être les meilleures possible. Je suis conscient de la complexité de ces sujets. Je crois au final qu'au-delà des aspects juridiques et techniques déjà mentionnés et des questions de compétence, il reste à établir des relations interpersonnelles et je m'y emploierai.

Madame Brulebois, je répondrai à votre question sur l'irrigation des territoires brièvement puisque je puis, à ce stade, faire état de connaissances acquises plus que d'une expérience vécue. Plus de 80 % des 68 gares prévues par la SGP seront connectées au réseau existant. Le réseau du Grand Paris repose sur le principe d'une interconnexion avec les réseaux nationaux. Cet équipement d'intérêt national a une vocation nationale.

Je suis sensible au sujet de l'irrigation par la commande publique. Je ne doute pas de la possibilité qu'elle assume ce rôle. Je crois même savoir que beaucoup de réponses à des marchés publics sont parvenues de l'extérieur de la région Île-de-France.

Je terminerai par la question majeure de l'innovation. J'ai travaillé un temps sur les pôles de compétitivité et reste persuadé que c'est aussi par le biais d'une innovation constante que nous pourrons faire appel aux compétences, aussi pointues soient-elles, et aux ressources que compte notre territoire national.

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Merci Monsieur Monteils. Nous aurons à cœur de suivre ce projet primordial pour le territoire francilien mais aussi national ; c'est un élu du Mans qui vous l'affirme.