Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ESS
  • PTCE
  • extrafinancière

La réunion

Source

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a procédé à l'audition de Mme Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, sur le plan de relance et les enjeux de la transition écologique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir Mme Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable.

Madame la secrétaire d'État, nous avons souhaité vous entendre car l'économie sociale et solidaire (ESS) devrait être au cœur des politiques publiques menées et de nos débats à venir avec le plan de relance et la prochaine traduction législative des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Elle sera l'un des moteurs de la transition écologique et solidaire que nous appelons de nos vœux. Ce secteur et ses acteurs sont indispensables pour promouvoir la décarbonation de notre économie et atteindre nos objectifs climatiques.

L'économie sociale et solidaire permet de valoriser les circuits courts et l'économie circulaire. Elle concourt aussi au dynamisme des territoires en s'appuyant sur leurs initiatives innovantes, problématique à laquelle notre commission est très attachée. L'ESS, ce sont de très nombreux bénévoles et plus de 2 millions de salariés, avec des emplois très souvent non délocalisables. C'est enfin du lien social et de la solidarité – ce n'est pas la moindre de ses dimensions dans le contexte difficile que nous traversons. Sa promotion est donc un enjeu d'intérêt public qui nous rassemble tous. Ce secteur, constitué de petites structures, est fragilisé par la crise de la covid-19. Pourriez-vous présenter les mesures de soutien qui lui sont accordées dans le cadre du plan de relance ?

Les structures de l'ESS sont des acteurs majeurs de la transition écologique et énergétique au cœur des territoires. Elles proposent de nouveaux modèles de production et de consommation constituant des solutions concrètes de développement économique et local. La traduction législative des propositions de la Convention citoyenne pour le climat devrait donc leur donner une large place. Que pourraient être les orientations en la matière ? Considérez-vous que la discussion du futur projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets sera une occasion de conforter les structures de l'économie sociale et solidaire ?

Permalien
Olivia Gregoire, secrétaire d'État

Après avoir présenté ma feuille de route à la commission des affaires économiques, le 18 novembre 2020, il m'est désormais possible de vous présenter un premier bilan de mon action en faveur de l'économie sociale et solidaire, d'une part, et d'une économie plus responsable, d'autre part. Dans un cas comme dans l'autre, l'enjeu est d'adapter notre économie à une urgence climatique qui nous impose d'innover rapidement. La sobriété demeure un concept relativement neuf pour nos sociétés d'ultraconsommation.

Je veille à la bonne exécution des différents appels à projets du plan de relance, dont 1,3 milliard d'euros seront consacrés aux acteurs de l'économie sociale et solidaire. À ce jour, nous avons lancé les deux premiers appels à projets du fonds « avenir bio ». Nous devons très prochainement enclencher ceux concernant les jardins partagés, le tourisme durable, le fonds d'investissement dans le réemploi et le recyclage ou encore l'opération « paniers fraîcheur ». À chaque fois, de façon approfondie, j'en informe les acteurs et les têtes de réseau car il est vital que les acteurs de l'économie sociale et solidaire se saisissent de ces appels à projets pour prouver leur valeur ajoutée sociale et écologique.

J'ai souhaité que l'économie circulaire fasse l'objet du premier appel à projets pour une nouvelle série de contrats à impact. Je précise qu'il est bien question de « contrats à impact » et non plus de « contrats à impact social » car il est essentiel qu'ils répondent à des problématiques écologiques et pas uniquement sociales ou sociétales. Le premier appel à projets, lancé en septembre, s'est terminé le 23 décembre 2020. Alors que nous avions budgété 10 millions d'euros pour soutenir a minima une dizaine de projets, nous avons reçu une trentaine de réponses qualifiées, pour un montant total évalué à 75 millions d'euros.

Cela fait plaisir parce que c'est un dispositif assez innovant, une nouvelle sorte de partenariat public-privé. Beaucoup m'ont dit que cela ne marcherait jamais mais, étant têtue, je suis en mesure de vous annoncer une première bonne nouvelle : le premier contrat à impact sur l'économie circulaire a suscité l'intérêt des porteurs de projets. C'est tout à la fois une invitation claire à augmenter l'offre et la preuve qu'il existe une demande. C'est la preuve également que les acteurs de l'économie sociale et solidaire ont une ambition économique et sont capables, comme je les y avais encouragés, de se rassembler dans des consortiums pour pouvoir prétendre à des enveloppes financières significatives, permettant à leurs projets de changer d'échelle.

C'est parce que je suis intimement convaincue que l'économie est essentielle pour faire avancer l'écologie que le Président de la République m'a confié l'animation du groupe de travail « produire et travailler » sur les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Les échanges avec ce groupe de travail ont été passionnants, exigeants et constructifs. Ils ont démontré une maîtrise de ce sujet difficile, une expertise et un travail en profondeur qui m'ont beaucoup impressionnée.

Plusieurs réformes essentielles sont attendues dans ce cadre, sur l'achat public responsable, la mise à disposition de pièces détachées ou encore l'évolution du rôle des comités sociaux et économiques des entreprises. L'économie sociale et solidaire y aura toute sa place. L'achat public responsable favorise les acteurs qui sont déjà responsables, notamment en matière d'emploi local ou de limitation des déchets. La mise à disposition des pièces détachées permet de soutenir directement les ressourceries et les recycleries, très majoritairement portées par les acteurs de l'ESS. Enfin, s'agissant des comités sociaux et économiques, l'objectif est d'impliquer davantage les salariés dans la gouvernance des entreprises. Ce projet de loi proposera des actions concrètes : c'est la seule manière de faire avancer l'écologie et l'économie main dans la main.

Tout l'enjeu de mon portefeuille ministériel est de concilier les acteurs de terrain de l'économie sociale et solidaire et les grands projets nécessaires pour faire avancer l'économie responsable. Nous avons commencé à mener ce travail souterrain, même s'il n'est pas évident de s'y retrouver parmi les nombreuses initiatives lancées.

Un sommet sur la biodiversité, One Planet Summit, a été organisé par la France le 11 janvier 2021 avec le soutien des Nations Unies et de la Banque mondiale. Je m'étais occupée de l'organisation et de l'animation de celui qui concernait la finance durable, en décembre 2020. Lors de ce premier sommet, qui coïncidait avec les cinq ans de l'accord de Paris sur le climat, nous avions présenté les engagements des investisseurs en faveur de la finance durable, à savoir six initiatives : la coalition d'entreprises appliquant les recommandations de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) ; le réseau des superviseurs et régulateurs de marchés pour une finance durable ; la coalition d'investisseurs privés Climate Action 100+ ; la Net Zero Asset Owner Alliance ; la coalition des banques publiques de développement Finance in Common ; l'initiative Subnational Climate Fund, qui développe des méthodes de partenariat public-privé. Ces acteurs internationaux s'engagent ensemble, bien au-delà des frontières européennes, en faveur du climat.

Depuis le G7 animé par la France en 2019, nous avons dépassé le cadre de la seule Europe pour la TCFD. Pour être efficaces, nous devons adapter nos référentiels et nos objectifs au plan mondial. Je souhaite aller plus loin dans cette démarche, notamment pour la performance extrafinancière, pour laquelle l'Europe doit présenter en mars une révision de la directive sur la publication d'informations extrafinancières, dite NFRD – non-financial reporting directive. L'enjeu est clair : savoir combien d'entreprises seront tenues de publier des indicateurs concernant leurs performances – non seulement économiques, mais également en matière environnementale, sociale et de gouvernance –, comment elles le feront et quels seront ces indicateurs. Avec ces questions, nous tenons entre nos mains une partie de l'avenir du capitalisme responsable mais aussi de l'avenir de l'Europe puisque de notre réponse dépendra notre capacité à faire valoir nos propres standards vis-à-vis de puissances comme les États-Unis et la Chine, qui n'ont certainement pas la même définition que nous de l'impact écologique et social. Nous en faisons un sujet de souveraineté pour l'Europe.

Pour simplifier ce débat, assez technique en apparence mais résolument politique, j'ai coutume de dire que les règles du jeu économique – les normes – sont détenues et évaluées par ceux qui les édictent. Si l'Europe n'arrive pas à établir sa propre norme de performance extrafinancière, alors elle devra en subir une. Nous avons connu de tels épisodes, il y a une vingtaine d'années, quand l'Europe a délégué aux États-Unis la gestion des normes IFRS – International Financial Reporting Standards. En 2019, nous pleurions encore à chaudes larmes en voyant des agences de notation passer sous pavillon américain parce que nous n'avions pas obtenu notre propre norme. Une bonne partie de mon travail au service de l'économie responsable en Europe consiste à ne pas reproduire cette erreur et à faire en sorte que l'Europe soit capable de bâtir sa norme extrafinancière, avec une dimension extraterritoriale forte, afin que les entreprises américaines ou chinoises venant commercer sur le territoire européen s'y soumettent, tout comme les entreprises françaises réalisant une partie de leur chiffre d'affaires aux États-Unis ou en Asie se soumettent aux normes américaines ou chinoises.

Les entreprises françaises n'ont pas à rougir de leurs performances en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). La France, grand pays de la responsabilité sociale et environnementale, a souvent été une locomotive pour d'autres pays. Les entreprises françaises, notamment petites et moyennes, n'ont pas à craindre la création d'une norme extrafinancière relative à l'ESG. Elles ont d'ailleurs, pour la plupart, conscience des enjeux environnementaux et enclenché une évolution vers des modes de production plus décarbonés. La France est un grand pays de protection sociale, son code du travail est de qualité, complet – voire complexe – et protecteur. Elle n'a donc pas à avoir peur et doit au contraire se saisir, de façon offensive et proactive, de la souveraineté que confère la norme extrafinancière, sujet qui nous occupera toute l'année en Europe.

L'Europe avance, malgré des débats qui peuvent paraître lointains dans la situation sanitaire actuelle. Le Commissaire européen au commerce M. Valdis Dombrovskis est à la manœuvre et sa collègue irlandaise, Mme Mairead McGuinness, est responsable du texte NFRD. La directive sera prête fin mars et j'ai bon espoir que nous en ferons un axe fort de la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022. Je prépare des initiatives dans cette optique, d'une part, pour encourager les entreprises françaises à publier leurs données de performance extrafinancière sans attendre la nouvelle régulation européenne et, d'autre part, pour inciter à la construction d'une coalition française de l'investissement et de la finance à impact. Ce sont deux enjeux sur lesquels nous devons faire travailler les acteurs nationaux, sans quoi nous regarderons passer les trains.

Voilà un aperçu de mon action depuis bientôt six mois au ministère de l'économie, des finances et de la relance, aux côtés de M. Bruno Le Maire, qui prête une attention toute particulière à ces questions. Je reprendrai ses mots lorsqu'il m'a accueillie à Bercy en juillet : « social, solidaire et responsable, c'est l'avenir de l'économie française telle que nous la souhaitons ». La tâche est fixée, elle est lourde ; à moi d'y travailler et à nous tous de la rendre possible.

Madame la présidente, j'ai indiqué les opportunités que la Convention citoyenne pour le climat offrait à l'ESS. Qui plus est, le chapitre sur la consommation du futur projet de loi permettra une information plus juste du consommateur et favorisera les entrepreneurs et les produits locaux et responsables.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la secrétaire d'État, je vous interrogerai tout d'abord, au nom du groupe La République en Marche, sur la prise en considération des critères environnementaux et sociaux dans le cadre des marchés publics. Il est absolument nécessaire de faire de l'État et des collectivités territoriales des meneurs dans la responsabilisation des achats et un exemple à suivre dans l'élaboration d'un modèle de société innovant et pérenne. Au Parlement, nous sommes souvent confrontés au droit européen afin de mieux prendre en considération les critères environnementaux et sociaux dans les marchés publics. Quelle est votre action en la matière ?

Par ailleurs, une expérimentation est en cours dans le cadre de la plateforme pour la responsabilité sociétale des entreprises, la RSE, afin de développer des labels sectoriels. Ceux-ci permettent de mieux prendre en considération les spécificités de chaque filière et mieux travailler dans le cœur de métier de chacune des organisations, ce qui permettrait d'éviter ce que l'on appelle le « greenwashing ». Pouvez-vous faire un état des lieux de cette expérimentation et nous donner les pistes que vous explorerez à son issue ?

J'appelle par ailleurs votre attention sur la multiplication des appels à projets relatifs à l'économie sociale et solidaire, qui engendre une concurrence entre les structures. De plus, les délais courts ne permettent pas aux plus petites, souvent situées en territoire rural, d'y répondre. Comment veillez-vous à ce que les nouveaux dispositifs soient implantés partout dans les territoires, y compris pour les petites structures ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'économie sociale et solidaire, fondée sur la coopération, la solidarité, l'ancrage territorial, mais aussi sur l'intérêt collectif, nous montre qu'il est tout à fait possible de concilier environnement, utilité sociale et activité économique. L'ESS a toute sa place dans la transition écologique, nous ne le discutons pas, mais n'oublions pas le rôle que peuvent jouer les collectivités locales en tant que structures d'appui, agissant par exemple dans la communication, la recherche, mais aussi l'aide à la structuration des réseaux d'acteurs. Le groupe Les Républicains estime essentiel, dans le cadre du plan de relance, d'avoir un œil sur ce que font les collectivités territoriales en lien avec l'ESS. Elles jouent un rôle important dans la collecte et le traitement des déchets. Les syndicats intercommunaux de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) doivent avoir une place dans le plan de relance, parce que ce sont des partenaires essentiels. Le réemploi peut par exemple se faire en associant les SICTOM et les associations de l'ESS.

Enfin, envisagez-vous de donner un rôle aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), qui veulent s'inviter dans ce plan de relance, en lien avec la transition écologique ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La finance joue un rôle central dans la distribution des ressources dans l'économie. Alors que la finance traditionnelle oriente l'épargne vers les projets les plus rentables, la finance verte doit inciter à ce qu'ils prennent en considération leur impact sur l'environnement et permettre le développement d'une économie durable. Ce nouveau modèle connaît un développement exponentiel mais en est encore à ses débuts. Il est donc impératif qu'il soit encadré et soutenu par l'État pour devenir la règle.

Le groupe MoDem et Démocrates apparentés souhaite savoir comment les outils créés par le Gouvernement pour inciter fortement les acteurs de la finance à favoriser l'investissement responsable sur la base de critères non pas purement financiers, mais environnementaux, sociaux et de gouvernance, ont été déclinés dans le plan de relance.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la secrétaire d'État, vous avez longuement présenté vos projets et insisté sur la discussion européenne relative aux différentes normes extrafinancières. Le groupe Socialistes et apparentés estime en effet qu'il faut moraliser, développer un capitalisme responsable ; la norme NFRD y contribuera. À ce titre, nous pouvons regretter que nous n'ayons plus d'agence de notation extrafinancière européenne, ni française après la disparition de Vigeo. Nous sommes uniquement dans les mains des cabinets anglo-saxons, y compris en tant que conseils de la Commission européenne, ce que je trouve regrettable. En tant que militant de l'économie sociale – j'ai été président du centre des jeunes dirigeants de l'économie sociale –, je suis toutefois resté sur ma faim.

Vous nous avez expliqué que les appels à projets avaient été un succès, 75 millions d'euros étant consacrés à trente réponses, alors que vous aviez prévu 10 millions pour dix projets. Mais que deviendront les vingt autres projets ? Vous débrouillerez-vous pour obtenir une rallonge de Bercy pour qu'ils soient également retenus ?

« Contrat à impact », cela veut dire des objectifs et une évaluation. Quels sont les objectifs préalablement fixés ? Quels sont les critères et les indicateurs qui permettront d'apprécier s'ils ont bien été atteints ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'argent est le nerf de la transition écologique, comme l'a rappelé le Président de la République lors des cinq ans de la COP 21 et à nouveau lors du One Planet Summit. La finance est un enjeu clef, et nous en tenons compte dans notre façon d'aborder l'écologie. Le groupe Agir ensemble milite pour une écologie de liberté, c'est-à-dire ne luttant pas contre le capitalisme mais tirant le meilleur de ses mécanismes. On a parlé du marché et des normes qu'il faut adapter pour orienter les flux financiers et sensibiliser les acteurs financiers à la transition écologique, afin d'accompagner les entreprises qui choisissent un modèle économique plus durable. Un grand merci pour votre engagement, madame la secrétaire d'État.

Cette année sera déterminante pour la finance durable, avec le vote au Parlement européen de la taxonomie verte, la révision de la directive NFRD, l'engagement très concret pris par les entreprises du CAC40. Vous avez précisé votre feuille de route, mais que peuvent les parlementaires français en la matière ? La semaine dernière, M. Pascal Canfin nous a mis en garde, exprimant le souhait que les parlementaires français ne viennent pas troubler le travail accompli par le Parlement européen. Aussi, qu'attendez-vous que fassent, à vos côtés, les députés et les sénateurs français ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la secrétaire d'État, merci beaucoup pour votre engagement. Nous avons noté une impulsion depuis votre arrivée au ministère de l'économie, des finances et de la relance. Vous avez l'ambition d'aller loin et le groupe Libertés et Territoires vous soutient dans cette voie car l'économie sociale et solidaire est éminemment territoriale et nous voulons reconstruire notre approche du développement à partir des territoires.

Début septembre, vous annonciez que plus de 1 milliard d'euros, soit 1 % des 100 milliards d'euros du plan de relance, seraient consacrés à l'économie sociale et solidaire. Cet effort, certes colossal, reste en deçà du poids réel de l'ESS dans notre économie – 10 % du PIB, 14 % des emplois privés. On devrait trouver un équilibre plus juste. Combien d'appels à projets soutenant le développement de l'ESS dans les territoires ont été lancés ? Quelles en sont les thématiques ?

Le livret de développement durable et solidaire (LDDS), qui finance les structures de l'ESS, est plafonné à 12 000 euros. Alors que 200 milliards d'euros dorment sur les comptes en banque de nos concitoyens à la suite de la crise de la covid-19, envisagez-vous de porter ce plafond au niveau du livret A, afin de financer davantage de projets en faveur de la transition écologique et solidaire ?

La comptabilité extrafinancière et intégrée, qui permet de mieux mesurer la solidité d'une entreprise, au-delà de son seul bilan financier, devient un levier essentiel de transformation de notre économie. Vous avez indiqué que vous défendiez ce sujet au niveau européen et fixé l'échéance au 31 mars 2021 : celle-ci sera-t-elle tenue ?

Enfin, comment vous emparez-vous du sujet de la taxonomie européenne ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'économie sociale et solidaire est l'essence même des sociétés coopératives de production, les SCOP. Mon territoire en compte plusieurs, qui sont indispensables, notamment dans la transmission d'entreprise – c'est une forme de transmission intéressante à étudier – et dans le développement et l'économie durables. La coopérative paysanne de Belêtre a été une des premières fermes françaises à adopter ce statut. Le groupe UDI et indépendants souhaite vous sensibiliser, madame la secrétaire d'État, au fait que les SCOP, en raison de leur statut de coopérative, ont très peu accès aux soutiens financiers ouverts aux entreprises. Je ne suis pas certaine que vous me donnerez aujourd'hui la réponse à cette question extrêmement précise et spécifique mais je vous remercie d'y réfléchir. Nous pourrions voir ensemble comment faire évoluer la situation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le rapport du Labo de l'ESS qui vous a été remis la semaine dernière démontre clairement le rôle que les pôles territoriaux de coopération économique ont à jouer dans l'effort de relance. Or ceux-ci sont à l'arrêt faute de politique de soutien et n'arrivent plus à accomplir leur mission d'application de stratégies et de création de filières innovantes dans les territoires sinistrés. Le confinement a encore compliqué la situation, 68 % d'entre eux ayant été contraints de décaler des budgets et 67 % ayant dû les modifier. C'est le cas d'Ancrage, en Guyane, qui, faute de porteurs de projet, doit mener directement la plupart de ses actions, sans bénéficier réellement du soutien des collectivités ou de l'État.

Le groupe GDR souhaite savoir quelles suites vous comptez donner à ce rapport. Pouvons-nous nous attendre à un nouvel appel à projets cette année, afin de relancer les structures ?

Les véhicules hors d'usage pullulent sur les routes guyanaises comme autant de gîtes larvaires propices à la diffusion de la fièvre jaune, de la dengue ou du zika. La préfecture a lancé, l'été dernier, un appel à projets pour un nouveau site de traitement face à la saturation de la filière. Or, depuis, plus de nouvelles. Pouvez-vous nous dire où en est ce dossier ?

Permalien
Olivia Gregoire, secrétaire d'État

Concernant les PTCE, le rapport du Labo de l'ESS a été diffusé à l'ensemble des acteurs. Je souhaite vraiment développer les synergies locales et les partenariats avec les collectivités et l'État. Les collectivités locales sont en effet des acteurs indispensables à la vie et au changement d'échelle de l'ESS. Bien que très utiles, les PTCE, créés par la loi dite « Hamon » de 2014, sont malheureusement délaissés depuis plusieurs années ; j'ai bien l'intention de les relancer. Portés à 71 % par des associations et à 24 % par des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) ou des SCOP, ils sont un véritable outil d'essaimage de l'ESS dans les territoires et d'hybridation entre économie traditionnelle, ESS et acteurs locaux.

Il existe de vraies pistes opérationnelles pour relancer les PTCE dès le premier trimestre 2021. J'y travaille ardemment parce qu'ils représentent des modes innovants de structuration de l'ESS dans le territoire et permettent de décloisonner les acteurs. De plus, ils portent très souvent sur des secteurs de la transition écologique ou sociale, comme j'ai pu le constater la semaine dernière, dans la circonscription de M. Coquerel, à l'Île-Saint-Denis. Enfin, ils permettent de recréer des filières, avec des emplois non délocalisables, et de revitaliser des territoires socialement et économiquement touchés.

On trouve dans le rapport du Labo de l'ESS une carte passionnante des PTCE, qui montre une « diagonale du vide », où nous favoriserons certainement l'émergence de nouveaux pôles. J'ai aussi obtenu, dans le cadre de la loi d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « loi ASAP », que l'appel à projets PTCE soit simplifié pour que les fonds arrivent rapidement vers les acteurs qui en ont besoin.

Alors qu'aucun PTCE n'avait été créé depuis 2015, nous en relancerons un, simplifié, dans les premiers mois de 2021. Je compte sur vous pour nous aider à recenser les projets qui pourraient s'inscrire dans cette dynamique, pour formuler aussi des propositions utiles afin que le PTCE redevienne un très bon outil de politique publique et d'aménagement économique du territoire. Il faut soutenir l'émergence de nouveaux PTCE, consolider la fonction d'animation des PTCE – c'était une de leurs faiblesses – et renforcer leurs compétences, notamment grâce aux acteurs de l'accompagnement tels que France Active, la Caisse des dépôts et consignations ou les dispositifs locaux d'accompagnement (DLA). J'ai poussé pour obtenir une augmentation significative de leur budget, l'objectif étant de voir comment mieux réunir le savoir-faire des DLA et l'animation des PTCE.

La commande publique et la fonction achats sont incontestablement de puissants leviers de transformation économique. Le droit européen permet d'intégrer des clauses ESG dans les cahiers des charges des marchés mais les entreprises candidates ne peuvent pas être favorisées sur la base de leur performance RSE. Il faut donc inciter les acheteurs publics à insérer des clauses sociales et environnementales dans leurs marchés. L'article 15 du projet de loi marquera une avancée significative puisque, d'ici cinq ans, le choix du soumissionnaire devra obligatoirement prendre en considération un critère environnemental.

Nous intégrerons dans le projet de loi, qui arrivera au Parlement en mars, les propositions du groupe « Produire et travailler » de la Convention citoyenne pour le climat. En parallèle, j'ai missionné le médiateur des entreprises, M. Pierre Pelouzet, pour qu'on déploie plus largement le label « relations fournisseurs et achats responsables ». Je souhaite vraiment que la majorité des ministères entame une démarche de labellisation d'ici 2022. J'insiste parce qu'il est difficile d'imposer quelque chose à nos entreprises ou même de les encourager, lorsque l'État n'est pas toujours exemplaire en la matière. Nous devons l'être ! Certains ministères le font, pas tous. Pourquoi ? Comment améliorer la démarche ? Avec Mme Agnès Pannier-Runacher, je souhaite aussi lancer une mission pour que les achats publics, dans le cadre de la relance, soient mieux servis. La commande publique est un formidable vivier de relance pour nos très petites et moyennes entreprises dans les territoires.

Concernant les labels RSE sectoriels, les résultats du rapport confié notamment à la députée Mme Coralie Dubost devraient être prochainement transmis au Parlement. Ils montrent le dynamisme des fédérations sectorielles en la matière. Ce sujet est également défendu par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), soucieuse de ces labels sectoriels. Les fédérations sont en première ligne pour connaître les enjeux RSE adaptés à leurs marchés et importants pour leurs adhérents. Avec la plateforme RSE, nous allons travailler à ce que le plus grand nombre de fédérations sectorielles se dotent de tels labels et les inscrivent dans l'organisation que nous allons créer.

Si les appels à projets sont trop courts, je ne vais pas me défausser, mais ce n'est pas de ma faute : ce n'est pas l'ESS qui en lance le plus grand nombre. Nous en avons quinze dans le plan de relance : quatre sont publiés et un cinquième le sera sous peu.

S'agissant de l'ingénierie et de la nécessaire adaptation des appels à projets à la réalité de l'ESS, j'ai renforcé le DLA de quasiment 30 %, 2,8 millions d'euros venant s'ajouter au budget de 10 millions voté dans le projet de loi de finances pour 2020. Le DLA devrait donc être plus facilement accessible aux structures. De plus, l'ensemble des appels à projets ont été regroupés sur le site du ministère des finances, sous l'onglet secrétariat d'État à l'économie sociale solidaire et responsable, afin d'éviter de se perdre dans les méandres des sites ministériels. Nous devons encore renforcer l'ingénierie : c'est ce que doit faire le DLA.

S'agissant de la finance durable, le Président de la République et M. Bruno Le Maire ont fait de son développement un axe prioritaire de la régulation financière. Notre réponse à la nécessité de réorienter les capitaux privés vers des investissements durables a d'abord été française. Nous sommes l'un des premiers pays au monde à avoir adopté, dès 2015, dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, une obligation de transparence sur l'intégration des facteurs ESG dans les stratégies des investisseurs. En cette matière, l'horizon est avant tout européen. La France a soutenu très fortement le paquet européen sur la finance durable, dont une partie s'inspire de la réglementation française.

La taxonomie des activités durables est un outil exceptionnel pour faciliter l'allocation de capitaux à la transition écologique et le développement de produits comme les green bonds ou les labels. Mon travail, en tant que secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable, est de m'assurer de la parfaite cohérence et de la bonne articulation entre la taxonomie et la directive NFRD révisée. Lors de mes échanges avec Mme Mairead McGuinness, le 15 décembre 2020, j'ai rappelé qu'il fallait partir des indicateurs déterminés dans la taxonomie et, surtout, ne pas créer de rupture de charge entre taxonomie et extrafinancier.

Nous allons fortement encourager le développement d'une taxonomie sociale. Nous souhaitons également parvenir, dans les prochains mois, à une réglementation des agences de notation extrafinancières. Par ailleurs, la révision de la directive NFRD nous permettra de développer des indicateurs européens de mesure de la performance extrafinancière. Les investisseurs recevront une information plus globale, plus fiable et plus harmonisée de la part des entreprises.

Je souhaite également insister sur deux autres chantiers. En premier lieu, pour continuer à être à l'avant-garde, nous allons prochainement réviser le décret d'application de notre reporting investisseurs. Nous pourrons vous en dire plus très prochainement mais notre objectif est simple : faire en sorte que l'information soit mieux structurée.

Nous avons reçu par ailleurs l'évaluation de l'Inspection générale des finances sur l'ISR, le label « investissement socialement responsable ». Nous sommes prêts à mettre tous les sujets sur la table pour continuer à en faire un outil exemplaire, capable d'entraîner toujours plus de fonds dans une démarche responsable. Ainsi, avec Mme Emmanuelle Wargon, nous cherchons à encourager la rénovation de bureaux et leur transformation en logements dans le cadre de travaux ayant un impact environnemental réduit et comportant un volet relatif à l'insertion solidaire. Nous souhaitons que ces projets immobiliers entrent dans le périmètre du label ISR afin que des investisseurs, notamment des assureurs, s'engagent dans ces investissements à impact environnemental et social. Cela permettrait d'étendre un peu la mission du label ISR.

Concernant l'articulation avec le plan de relance, celui-ci est cohérent avec une amélioration de la performance ESG des entreprises, dans le domaine tant social qu'environnemental. Je prendrai très prochainement une initiative de place en faveur de l'expertise française en matière de finance à impact. Nous devons continuer à consolider la recherche française dans ce domaine – je pense notamment à l'institut Louis Bachelier – et rassembler les initiatives de place. Ce n'est pas parce qu'on lit tous les jours dans les journaux économiques que des fonds et investissements à impact se développent, que tout le monde est d'accord sur la définition de cet impact. Il est important de développer une vision française dans ce domaine.

S'agissant de la finance durable, je ne partage pas l'avis de M. Pascal Canfin : j'ai besoin des députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire pour faire comprendre que les législateurs en France travaillent sur ce sujet. Je propose d'ailleurs à votre présidente d'organiser un échange spécifique à ce propos. Concernant l'initiative que je prendrai à la fin du premier trimestre en faveur de l'information extrafinancière des entreprises, je souhaite proposer à un groupe de députés d'y travailler à mes côtés, comme je le fais en amont avec des syndicats et des entreprises. J'ai besoin des députés français pour signifier à l'Europe que c'est un sujet important pour nous tous. La révision de la directive extrafinancière est un dossier stratégique et un sujet de souveraineté : vous êtes des relais indispensables pour le faire savoir. C'est un texte en apparence technique mais très important politiquement. Le texte actuel a clairement montré ses limites : il ne propose pas d'indicateurs harmonisés, il n'impose pas de thématiques pour les déclarations de performances extrafinancières. L'information fournie par les entreprises, si elle est parfois exhaustive, n'est pas toujours de bonne qualité et comparable, alors qu'il est très important de pouvoir effectuer des comparaisons entre secteurs.

Si nous ne choisissons pas les indicateurs que doivent publier nos entreprises, soyons assurés que d'autres le feront pour nous, sans prendre en considération les valeurs européennes. Cela peut avoir dans les années à venir des impacts incommensurables pour le financement de nos entreprises. Si la norme américaine était adoptée, nous pourrions voir des entreprises européennes mal notées ou déjugées sur leurs pratiques environnementales ou sociales, parce que les critères sont liés à une culture. Une norme américaine pourrait amener à demander aux entreprises industrielles ou d'énergie si elles pratiquent l'extraction de schiste et nous serions alors bien mal notés puisque nous ne l'autorisons pas sur notre territoire. De même, les entreprises ne font pas de statistiques en matière de diversité ethnique, puisque c'est interdit dans notre pays : l'application d'une norme américaine entraînerait une mauvaise notation de nos entreprises en matière sociale. On imagine mal les conséquences au plan extrafinancier d'une norme qu'on ne maîtriserait pas.

J'ai besoin que nous nous battions ensemble pour que ces données extrafinancières, qui relèvent de l'intérêt général, soient publiques, gratuites et facilement accessibles, avec la constitution d'une base de données européenne. Concernant le calendrier, le groupe de travail européen présidé par M. Patrick de Cambourg rendra son rapport final mi-février et un projet de texte devrait être proposé par la Commission fin mars ou début avril. Nous ne décalerons donc pas l'indispensable révision de la directive NFRD. Dans l'idéal, on peut espérer que la négociation sera terminée d'ici à la fin de la présidence française de l'Union. Je travaille toutes les semaines pour construire une coalition d'États membres qui permettrait d'avoir au plus vite un nouveau texte engageant les entreprises sur la voie d'une performance durable.

Si nous n'avons plus d'agence de notation européenne sur le volet comptable, c'est parce que nous ne détenons plus la norme. N'écoutons pas les sirènes nous expliquant qu'on pourrait prendre la norme américaine : si on ne bâtit pas une norme européenne, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Ce thème est le cœur de mon engagement politique. Si nous reproduisons la même erreur, nous pleurerons, dans vingt ans, parce que nous n'aurons toujours ni agence de notation ni norme extrafinancière. En 2019, quand Vigeo s'est fait racheter, c'était la queue de comète d'une mauvaise décision prise en 2000 à propos des normes IFRS. Si nous voulons des agences européennes en 2040, c'est maintenant que cela se joue.

Concernant le contrat à impact, je ne suis pas sûre que l'on m'accorde une rallonge mais j'ai bien l'intention d'en demander une, et j'en ai prévenu le ministre des comptes publics. J'ai son oreille : si j'ai pu obtenir l'augmentation du DLA, mais aussi un contrat à impact à Bercy pour un investissement de 10 millions d'euros, c'est parce que M. Olivier Dussopt est sensible au financement de l'ESS. J'ai donc préparé le terrain et je le verrai dans les prochaines semaines pour essayer d'en faire plus.

J'ai aussi l'intention de demander un soutien supplémentaire à la Caisse des dépôts et consignations, qui a sanctuarisé environ 300 millions d'euros d'investissements dans le plan de relance. Avant mon arrivée, il était question d'un investissement à peine supérieur à 200 millions d'euros. Nous avons signé une convention publique portant l'effort à 300 millions, soit 90 millions de plus. Le directeur général, M. Éric Lombard, est sensible à l'investissement et au financement de l'ESS. J'irai solliciter la Caisse des dépôts, déjà très engagée sur les contrats à impact, pour qu'elle en soutienne davantage.

Concernant l'évaluation, ce n'est pas la France qui a inventé les contrats à impact, mais les Britanniques. J'ai beaucoup travaillé sur ce qu'avait fait Mme Martine Pinville bien avant moi, en 2016. J'ai surtout beaucoup travaillé sur le rapport publié en 2019 par M. Frédéric Lavenir, président de l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), pour consolider les contrats à impact, les améliorer et les professionnaliser. J'ai repris l'intégralité de ses recommandations, notamment le fait de thématiser les contrats à impact – nous l'avons fait pour l'économie circulaire, pour l'égalité des chances économiques et, avec le ministère du travail, pour l'emploi et l'insertion. Une autre recommandation était de mieux consolider le volet relatif à l'évaluation : lorsqu'un porteur de projet répond à un appel pour le contrat à impact, il signe un contrat avec l'investisseur et la puissance publique. Au moment de cette signature, il doit avoir choisi son évaluateur. Pour cela, nous avons constitué cet été un pool d'évaluateurs, parmi lesquels on trouve de très grands cabinets comme des petits cabinets spécialisés. Au moment de la signature du contrat à impact – et non au gré de l'avancement du projet –, nous définissons ensemble les indicateurs, corrélés à la nature et à la thématique du projet. Les indicateurs concernant l'économie circulaire ne seront pas les mêmes que ceux du volet relatif à l'égalité des chances économiques. On ne peut pas faire varier ces indicateurs de performance en cours de route. Cette neutralité est très importante : il y va du sérieux, de la véracité et du fonctionnement des contrats à impact. Nous sommes particulièrement vigilants sur ce point. Nous avons fini le 23 décembre dernier le travail sur la première thématique, l'économie circulaire, et nous signerons dans les prochaines semaines les premiers contrats à impact.

Je tiens à remercier M. François-Michel Lambert pour ses propos, qui me vont droit au cœur : je connais son exigence et son engagement en faveur de la comptabilité en triple capital. Vous pouvez compter sur moi pour pousser loin le sujet de l'ESS et de la responsabilisation du capitalisme.

Le plan de relance consacrera 600 millions d'euros à l'emploi dans les structures de l'économie sociale et solidaire, qui financeront 40 000 « parcours emploi compétences », notamment dans les chantiers d'insertion ou dans des associations – nous savons que celles-ci souffrent et ont besoin de ressources accessibles. Dans les quartiers prioritaires de la ville ou les zones de revitalisation rurale, 80 % de ces parcours sont pris en charge par l'État, et 65 % pour les plus jeunes. Un mode d'emploi simple sera publié fin janvier à destination des structures souhaitant activer des parcours emploi compétences.

Sur les 1,3 milliard d'euros destinés à l'économie sociale et solidaire, 600 millions sont donc consacrés au volet relatif à l'emploi, mais aussi à l'insertion par l'activité économique et au dispositif « sésame » dans les associations sportives. Sur 530 millions d'euros de financement pur et dur, 300 millions proviennent de la Caisse des dépôts et consignations et 230 millions d'euros, de la Banque publique d'investissement (BPI), dont 130 millions d'euros de prêts d'honneur « Solidaire ». Seuls 2 000 prêts d'honneur Solidaire ont été décaissés cet été : nous avons donc encore de la marge. Ces prêts à taux zéro, délivrés par la BPI, peuvent aller jusqu'à 8 000 euros et sont décaissés rapidement. À cela s'ajoutent les 100 millions d'euros d'investissement dans les missions locales. Quinze appels à projets sont prévus pour l'ESS : quatre ont été lancés et le cinquième arrive.

Concernant le plafond du livret de développement durable et solidaire, j'y réfléchis ardemment et j'espère vous donner une réponse favorable.

Enfin, je travaille sur les SCOP de reprise, modèle très pertinent pour l'entrepreneuriat. Concernant les aides, les SCOP ont accès au fonds d'urgence comme au fonds de solidarité. L'ensemble des structures de l'ESS sont éligibles aux aides d'État, notamment les coopératives d'activité et d'emploi (CAE) et les contrats d'appui au projet d'entreprise (CAPE). Je n'ai aucun doute concernant les SCOP, mais n'hésitez pas à me signaler tout problème dont vous auriez connaissance.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La transition vers une économie intégrant les enjeux environnementaux fait partie de votre feuille de route. La gestion des déchets et les filières de recyclage reposent essentiellement sur l'économie sociale et solidaire et des emplois d'insertion souvent précaires.

Je mène, avec mon collègue M. Gérard Leseul, une mission flash sur le traitement des masques usagés. Nous avons rencontré des entrepreneurs, des industriels et des collectivités qui se sont penchés sur le sujet et ont trouvé des solutions pour créer une filière spécifique de recyclage. Le Gouvernement compte-t-il valoriser et soutenir de telles initiatives ? Celles-ci sont nombreuses, en particulier s'agissant du recyclage du textile, en grande souffrance faute de débouchés. Vous avez évoqué différents dispositifs, mais on s'y perd un peu car il y en a beaucoup.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour faciliter les achats publics, je suggère de prendre en considération les zones de protection de l'atmosphère lorsqu'il existe des enjeux de qualité de l'air, particulièrement dans les zones à faibles émissions (ZFE).

Nous aurions par ailleurs besoin d'un fonds d'amorçage spécifique pour disposer de vraies pépinières d'entreprises circulaires et solidaires.

Une réflexion, pour finir : les réseaux d'entreprises sont les mieux placés dans les territoires pour mettre en place un vrai réseau de recycleries locales.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alors que les Pays de la Loire sont la deuxième région française en termes d'emplois dans l'économie sociale et solidaire, 3 500 emplois ont été perdus en quelques mois selon la chambre régionale de l'ESS (CRESS). Associations, mutuelles et coopératives n'ont pas été épargnées et cela risque de s'aggraver en 2021. Tous les domaines d'activité sont touchés : culture, sport, tourisme, social.

Dans ce contexte, si la CRESS des Pays de la Loire reconnaît que les aides octroyées sont importantes, que lui répondre quant à l'éligibilité aux aides publiques de toutes les structures de l'ESS, quels que soient leurs composantes et leurs secteurs d'activité, et sur leur meilleure prise en compte dans les plans de relance ? Ces structures sont, comme de nombreuses entreprises, confrontées à des difficultés de trésorerie et de constitution de fonds propres.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Depuis le 1er octobre 2020, les épargnants détenteurs d'un livret de développement durable et solidaire ont la possibilité de faire un don aux acteurs de l'économie sociale et solidaire. Concrètement, les banques proposeront chaque année à leurs clients détenteurs d'un LDDS de faire un ou plusieurs dons à des structures de cette filière, à partir des sommes figurant sur leur livret. C'est une très belle initiative car, en sollicitant ainsi l'épargne des Français, le Gouvernement permet de développer le financement de structures durement touchées par la crise économique. L'encours de ces livrets, plafonnés à 12 000 euros par personne, atteint globalement 120 milliards d'euros – c'est énorme !

Quelles structures de l'ESS bénéficieront de ces dons ? Comment les identifier dans nos départements ? Comment orienter les banques vers nos structures locales qui œuvrent en faveur du développement durable et solidaire ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

S'agissant de la création du fonds d'urgence pour l'ESS voté dans le quatrième projet de loi de finances rectificative, l'idée était de flécher 30 millions d'euros vers les petites associations de moins de dix salariés, sans pour autant exclure les plus grosses. Qui pourra concrètement bénéficier de ce fonds et selon quelles modalités ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans mon territoire, nous avons deux projets : une recyclerie et une légumerie. Cette dernière serait associée à un jardin de cocagne, un lycée agricole et des agriculteurs pour approvisionner nos cantines, nos hôpitaux, nos EHPAD. C'est un vrai projet alimentaire de territoire dont le but est de limiter le gaspillage lorsqu'il y a des surplus de production, mais aussi de former et d'insérer professionnellement. Nous n'avons pas de PTCE dans le département de Haute-Loire. Comment surmonter les difficultés logistiques et la complexité administrative pour faciliter la création d'une structure sur un modèle simple, à statut particulier ? Comment favoriser et conditionner les partenariats publics-privés ?

Enfin, il n'est pas toujours possible de répondre aux appels à projets, le délai laissé étant souvent beaucoup trop court.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'économie sociale et solidaire est très présente dans les territoires. Une entreprise que vous connaissez, le Relais, à Ploisy, qui compte 160 salariés, collecte des vieux tissus, les réutilise mais aussi les transforme en un produit d'isolation qui se substitue à la laine de verre, le métisse. Elle aurait besoin de moderniser son outil de travail pour créer davantage d'emplois, mais aussi qu'un bonus écologique facilite la commercialisation de ce produit isolant.

Emmaüs, à Rozières-sur-Crise, accueille 10 000 visiteurs par an pour vendre des produits récupérés. Ses 39 compagnons et compagnes travaillent dans des locaux qui sont des passoires thermiques, des locaux inadmissibles pour ces hommes et ces femmes cabossés par la vie. Il existe un projet de réhabilitation de 2 millions d'euros. J'espère que, dans le cadre du plan de relance, vous serez attentive à ces deux projets.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la secrétaire d'État, vous connaissez votre sujet ! Vous avez intégré des projets d'ESS dans le plan de relance. Néanmoins, au-delà des deux ans couverts par ce plan, tout cela ne risque-t-il pas de retomber comme un soufflé, ce qui serait préjudiciable à ce secteur ? Comment prévoir une forme de pérennisation ?

L'accès au numérique est encore un facteur d'inégalités sociales et économiques particulièrement prégnant dans le pays. Comment l'ESS permettra-t-elle de mieux pallier ces disparités catastrophiques d'un territoire à un autre, d'un citoyen à un autre ?

La synergie entre les différentes initiatives et les forces mises au service de l'ESS au cœur des territoires fait grandement défaut. Comment faire en sorte que les expériences réussies deviennent utiles à tous ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les PTCE permettent de redynamiser l'emploi, de revitaliser des territoires et de consolider des filières prioritaires durables. Ils ont donc un fort potentiel et doivent être acteurs de la relance. En Haute-Marne, dans la diagonale du vide, de nombreux projets émergent, par exemple en faveur d'une alimentation durable et de qualité accessible à tous. Ils ouvrent des perspectives pour des acteurs très divers, autour de coopérations nouvelles. Néanmoins, la construction de ces coopérations, que certains de ces acteurs ne parviennent pas à financer, demande du temps.

En décembre, vous aviez missionné le président du Labo de l'ESS afin de réaliser un diagnostic actualisé des PTCE et de formuler des recommandations opérationnelles pour une applicabilité en 2021. De quelle manière les PTCE pourraient-ils se concrétiser dans les petits territoires ruraux afin d'améliorer la coopération entre les structures ? Quels nouveaux financements pourraient accompagner ces projets dans les territoires ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avec l'article 19 du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, vous souhaitez affirmer dans le code de l'environnement l'importance de la préservation et de la restauration des milieux naturels. Alors que la commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale vient d'achever ses travaux, j'y vois l'occasion d'affirmer l'engagement de la France dans la démarche One health – Une seule santé –, soutenue au niveau diplomatique par M. Jean-Yves Le Drian. Seriez-vous disposée à intégrer dans l'article 19 non seulement la protection des écosystèmes et de la biodiversité, mais également la défense de la santé humaine, animale et des environnements, comme un ensemble indissociable ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la secrétaire d'État, nous voyons tout l'intérêt qu'il y a à ce que vous soyez à Bercy : cela facilite les discussions avec vos collègues.

Que pensez-vous de l'idée de M. Patrick de Cambourg qu'une agence extrafinancière soit liée à la Commission européenne ?

Nous n'avons pas beaucoup parlé du fonds pour le réemploi solidaire. À ma connaissance, 50 % du fonds devraient être réservés à l'ESS, mais je suis inquiet pour les 50 % restants.

Permalien
Olivia Gregoire, secrétaire d'État

Monsieur Leseul, ce n'est pas parce qu'on partage le même étage à Bercy que les choses sont plus faciles pour moi. Je vous garantis qu'il a fallu sacrément argumenter pour obtenir des augmentations de budget. Ce n'est pas parce que l'on partage les tâches que les crédits m'arrivent plus facilement, et c'est normal. Je vais demander à ma conseillère économie responsable, Mme Mariella Morandi, de vous contacter pour que nous échangions au sujet du volet « directives européennes ».

S'agissant du fonds pour le réemploi solidaire, créé par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « loi AGEC », les ministres de Bercy et le Premier ministre ont été saisis il y a quelques mois par les acteurs de l'ESS. Nous avons gagné un important combat au niveau interministériel : alors que le projet de décret prévoyait 50 % de financement de guichets en faveur des entreprises solidaires d'utilité sociale, les ESUS, et 50 % d'appels à projets, nous avons fait supprimer la part d'appels à projets en raison de la difficulté pour les structures de l'ESS de consacrer des ressources à remplir des dossiers de candidature. Le projet de décret prévoit ainsi 100 % de financement de guichets, sous la forme de subventions directes, dont 50 % au moins sont réservés aux ESUS. C'est un signal fort pour l'ESS car la loi AGEC précisait seulement que les fonds de réemploi devaient prendre en compte les critères ESUS. Cela étant, des acteurs voudraient que l'ensemble des aides soient fléchées vers les ESUS. Il faut néanmoins faire attention : la loi ne dit pas que les fonds de réemploi sont intégralement au bénéfice des ESUS. Si le décret allait jusque-là, il y aurait un risque non négligeable de contentieux. Or si le décret était invalidé, plus aucun financement n'irait aux ESUS : je ne suis pas encline à prendre ce risque.

Par ailleurs, beaucoup de structures de l'ESS, bien que n'étant pas des ESUS, peuvent légitimement accéder au fonds de réemploi. Je ne crois pas utile, en période de crise, d'exiger qu'elles commencent par effectuer les démarches pour devenir ESUS avant de leur donner accès au fonds de réemploi. Il faut laisser une ouverture aux structures de l'ESS comme les recycleries ou les ressourceries.

Madame Brulebois, je suis avec beaucoup d'intérêt la mission parlementaire qui vous a été confiée sur le traitement des masques usagés, sujet important et cohérent avec la politique que nous essayons de mener. Nous étudierons les recommandations de votre rapport pour éclairer notre action publique. La question des masques est urgente et il faut trouver des solutions, d'autant que nos concitoyens garderont peut-être garder l'habitude d'en porter, notamment quand ils sont malades. Le plan de relance est au rendez-vous : 10 millions d'euros sont mobilisés pour déployer des « banaliseurs » permettant de recycler les masques qui présentent un risque infectieux. Il faut que la filière se mobilise en instaurant une responsabilité élargie du producteur pour le textile sanitaire. J'imagine que vous suivez ces pistes de près et vous aurez le soutien du Gouvernement lorsque vous présenterez votre rapport avec des solutions à court terme.

Concernant les pépinières d'entreprises, nous développons les coopératives d'activité et d'emploi (CAE), créées par la loi de 2014. Ce sont de véritables incubateurs de l'ESS. Il faut rassembler les entreprises de l'ESS et les faire travailler ensemble. Fin 2020, j'ai saisi l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des finances pour sécuriser juridiquement les CAE et les SCIC. En effet, la loi est récente et, à l'épreuve du réel, elle a démontré qu'il y avait quelques failles. Les personnes en CAPE et en CAE sont toutes éligibles aux aides du Gouvernement, que ce soit en matière de chômage partiel, de fonds de solidarité ou de prêts garantis par l'État. Ce n'était pas le cas quand je suis arrivée, j'y ai travaillé, et la direction générale des entreprises les a intégrées dans les entreprises éligibles.

Le plan de relance favorise l'émergence de tiers-lieux, où je me rends souvent. J'ai visité hier un tiers-lieu à Montreuil : 1 800 mètres carrés, 60 expertises différentes, notamment des menuisiers, des ferrailleurs, des tapissiers, des fleuristes et des jeunes gens faisant de l'impression 3D. C'est une fourmilière d'artisanat, de numérique et de coopération. Les tiers-lieux, en plus des CAE, sont très inspirants, et je m'investis d'ailleurs de plus en plus dans France Tiers-Lieux. Si vous connaissez, dans vos territoires, des tiers-lieux en projet ou déjà constitués qui cherchent des financements, n'hésitez pas à me contacter, nous pouvons les orienter vers l'appel à projets correspondant. Nous y consacrons 45 millions d'euros dans le plan de relance, dont au moins 30 millions ont vocation à être investis dans l'ESS. Nous devons nous dépêcher de décaisser ces fonds. C'est le moment de créer, de financer les tiers-lieux, qui sont l'ESS « en vrai », avec des jeunes, des moins jeunes, de la technologie, de l'artisanat, de l'impact écologique et social. Je crois énormément à ce formidable modèle d'incubation.

S'agissant des recycleries, le plan de relance y consacre 350 millions d'euros au travers de deux appels à projets. Tous les appels à projets sont mis en ligne sur le site de Bercy. Un premier a été lancé, d'autres arrivent. Je suis là pour faire de l'assistance à maîtrise d'ouvrage, pour vous aider à « brancher » vos collectivités locales sur ces investissements. Si je dois vous connecter avec le DLA au plan national pour aider vos acteurs de l'ESS, je le ferai. Je ne peux imaginer que des investissements pour l'ESS partent ailleurs alors qu'on en a tellement besoin ! Mais je ne peux pas le faire sans vous : dépassons les étiquettes pour financer l'ESS dans les territoires.

Concernant l'après plan de relance, je sais que certains me soupçonnent de vouloir financiariser l'ESS. L'économie de l'ESS représente 10 % du PIB ; dans quinze ou vingt ans, cela pourrait être 30 %, donc 30 % des emplois. Les marqueurs d'une économie sont sa capacité à créer des emplois mais aussi à être financée. Avec les contrats à impact, j'essaye d'attirer les investisseurs, les assureurs et les acteurs économiques traditionnels vers le financement de l'ESS. Les planètes sont en train de s'aligner car des acteurs financiers recherchent des investissements à impact social et environnemental, ce qui est l'ADN de l'ESS. Il n'est pas nécessaire d'être un financeur ESS : un investisseur classique ou un gestionnaire de fonds ou d'actifs peut investir dans un projet d'ESS, pour répondre à la demande des épargnants recherchant un investissement durable. J'essaye de consolider la finance à impact en France, celle qui a un impact social et environnemental dans les territoires. C'est une façon de pérenniser les actions, au-delà du plan de relance.

Je pourrai vous en dire plus sur le plan ESS 2021 après le sommet d'étape qui se tiendra à Mannheim, en mai, et qui permettra de faire le point sur nos visions de l'ESS au plan européen. Je n'ai qu'une seule homologue en Europe : la secrétaire d'État espagnole chargée de l'économie sociale, au ministère du travail. C'est un signal fort pour la France. J'échange avec M. Nicolas Schmit, Commissaire européen chargé de l'emploi et des droits sociaux, chargé du plan ESS 2021 ; je l'ai vu à Bruxelles la semaine dernière. Je parlerai aussi avec M. Nicolas Hazard, conseiller spécial qui travaille à ses côtés.

Nous avons trois objectifs : faire reconnaître l'approche de « lucrativité limitée » au plan européen ; déployer les contrats à impact à l'échelle européenne en engageant la Banque européenne d'investissement (BEI) et le Fonds européen d'investissement (FEI) ; faciliter l'accès des structures de l'ESS à la BEI et au FEI. De toutes petites structures attendent parfois trois ans pour obtenir 20 000 ou 30 000 euros du FEI : il faut accélérer. Nous promouvons donc, au nom de la France, la création d'un guichet spécifique du FEI pour les structures ESS.

Pour les synergies dans les PTCE, on peut mélanger, au niveau local, économie traditionnelle, ESS et acteurs locaux. Dans les contrats à impact, il existe des synergies entre des investisseurs qui viennent de l'économie traditionnelle et des porteurs de projets venant de l'ESS. Je vous soumettrai bientôt plusieurs idées de missions pour des parlementaires sur ce sujet.

En ce qui concerne le numérique, nous déployons 5 000 conseillers numériques pour former les associations d'inclusion et de médiation numérique. Il faut faire savoir aux acteurs de l'ESS, notamment les coopératives, les fondations et les ESUS, qu'ils sont éligibles à l'accompagnement numérique du Gouvernement, notamment au chèque de 500 euros. Les ESUS et les coopératives peuvent d'ailleurs mutualiser cette somme : s'il est difficile de créer une plateforme avec 500 euros, cela est beaucoup plus facile quand dix structures mettent leurs aides en commun. J'ai encouragé ce type d'actions dans ma circonscription, pour des commerçants en difficulté – cela dépasse le cadre de l'ESS.

Je relancerai courant mars un appel à projets pour les PTCE. J'ai des ambitions pour leur animation dans les territoires avec le DLA. Pour créer des PTCE, il faut que les acteurs dans les territoires répondent à cet appel à projets. Mon cabinet est réactif et disposé à vous accompagner. Le Labo de l'ESS et ESS France peuvent aussi vous aider.

La crise actuelle touche l'économie traditionnelle comme l'ESS. Pour l'heure, je me méfie des chiffres et des évaluations car nous sommes encore en crise. Depuis six mois, j'essaye de rattraper les structures qui n'ont pas demandé d'aides. Nous devons combattre ensemble le fléau du non-recours car les structures pensent qu'elles ne sont pas éligibles à l'ensemble des aides prévues pour les entreprises « normales ». Il faut donc combattre les a priori. Sans vous, je ne peux pas démultiplier le message, même si je m'y essaye dans la presse quotidienne régionale. Il y a beaucoup d'autocensure ; dites bien à vos acteurs qu'ils ont accès à l'ensemble des aides.

J'ai aussi demandé une enveloppe budgétaire supplémentaire quand j'ai réalisé la grande difficulté dans laquelle les petites associations employeurs pourraient se trouver dans les prochains mois. Dès mon arrivée au ministère, j'ai créé un fonds d'urgence pour l'ESS de 30 millions d'euros. Il sera opérationnel le 22 janvier 2021 à l'adresse : www.urgence-ess.fr. Il sera dédié aux petits employeurs de l'ESS, comptant moins de dix salariés. Il offrira aux structures éligibles un diagnostic de situation économique pour les diriger vers des aides ou des mesures rapides auxquelles elles ont droit, mais n'auraient pas candidaté. Ce fonds d'urgence sera opéré par France Active, qui a remporté l'appel d'offres et sera le guichet unique pour verser ces 30 millions d'euros. Après un diagnostic flash, très rapide, une subvention pourra être versée – 5 000 euros pour un à trois salariés et jusqu'à 8 000 euros pour trois à dix salariés –, en fonction de la taille de la structure et des besoins. Un accompagnement est également prévu par les DLA.

La priorité sera donnée aux petites structures n'ayant encore rien reçu. Nous ferons régulièrement un point avec l'opérateur du dispositif pour voir s'il faut ajuster nos efforts ; nous le ferons si nécessaire, notamment à l'endroit des petites associations. Je sais que je pourrai compter sur les parlementaires si nous devons demander plus, dans l'intérêt des petites structures de l'ESS. En effet, 8 000 euros peuvent faire vivre une petite association quelques mois : ces montants peuvent paraître dérisoires mais ils sont fondamentaux pour nos structures.

J'ai une tendresse pour ces petites associations de nos territoires, qui n'ont pas toujours les reins aussi solides que les grosses associations nationales, et dont je fais une priorité. Elles ont connu beaucoup de souffrances et de difficultés ces derniers mois parce qu'elles n'ont pas pu mener à bien leur mission première, leur trésorerie s'est effondrée et elles n'ont pas de fonds propres. Nous sommes tous sensibles à leur sort. Cette aide doit être déployée rapidement car ces 30 millions d'euros permettront d'aider 5 000 à 10 000 associations employeurs.

Enfin, le LDDS est une voie très intéressante. Je suis favorable à l'augmentation de son plafond mais je ne peux pas m'avancer avant d'avoir reçu les statistiques que nous avons demandées à la Banque de France.

Merci à tous pour la qualité de vos questions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci surtout pour la qualité, la franchise et la précision de vos réponses. Vous étiez parlementaire il y a peu et vous connaissez nos attentes. Nous vous réinviterons probablement au printemps, ne serait-ce que pour savoir comme le fonds d'urgence se déploie, de quels leviers vous souhaitez disposer dans les territoires et comment nous pouvons être des relais utiles de votre action.