Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la république

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 21h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • exécution
  • jurisprudence
  • laïcité
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  • opinion
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La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI CONFORTANT LE RESPECT DES PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE

Lundi 18 janvier 2021

La séance est ouverte à vingt et une heures cinquante.

La commission spéciale poursuit l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République (n° 3649 rect.) (M. Florent Boudié, rapporteur général et rapporteur pour le chapitre I du titre II, Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure pour le chapitre I du titre Ier, M. Éric Poulliat, rapporteur pour le chapitre II du titre Ier, Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure pour le chapitre III du titre Ier, Mme Laetitia Avia, rapporteure pour le chapitre IV du titre Ier, Mme Anne Brugnera, rapporteure pour le chapitre V du titre Ier, M. Sacha Houlié, rapporteur pour les chapitres II et III du titre II, et pour les titres III et IV).

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Mes chers collègues, nous allons aborder l'examen des amendements.

TITRE IER GARANTIR LE RESPECT DES PRINCIPES RÉPUBLICAINS

Chapitre Ier Dispositions relatives au service public

Avant l'article 1er

La commission est saisie des amendements CS1370 de M. Julien Ravier et CS1350 et CS1558 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Le titre Ier est intitulé : « Garantir le respect des principes républicains ». Il est proposé d'ajouter les mots « la prééminence et » après le mot « garantir ».

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Les amendements CS1350 et CS1558 ont pour objet de préciser l'intitulé du titre Ier. Les mots « principes républicains » et « valeurs de la République » souffrent de l'absence d'une définition claire et sont donc difficilement compréhensibles par les Français et, encore plus, par les islamistes, qui sont la cible de ce texte. Encore faudrait-il le dire. Pour une fois, peut-être pourrions-nous dire les choses sans faux-fuyant et décrire la réalité telle qu'elle est. Aujourd'hui, ce qui menace notre société, notre façon de vivre ou notre civilisation porte un nom : l'islamisme. C'est lui et lui seul qui veut faire des femmes des citoyens au rabais, qui rêve d'imposer ses règles à l'ensemble des habitants de notre pays, qui exige toujours plus de dérogations aux règles qui régissent notre façon de vivre. C'est aussi en son nom que, depuis plusieurs années, des centaines d'hommes et de femmes ont été blessés, mutilés, marqués à vie et tués. Ces assassins se réclament de l'islamisme et de personne d'autre. Lutter contre l'islamisme, c'est être aux côtés des musulmans soucieux de respecter scrupuleusement nos lois, alors même que 74 % des Français musulmans de moins de 25 ans affirment mettre l'islam avant la République. Lutter contre l'islamisme, c'est aider à une sécularisation de l'islam, comme on a assisté dans le passé à un aggiornamento du judaïsme ou du christianisme. C'est pourquoi je propose de préciser l'intitulé du titre Ier.

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Je ne pense pas que ce titre soit imprécis et qu'on ne sache pas à quoi correspondent les principes républicains. Nous devons en rester à la garantie du respect des principes républicains, car c'est ce qui correspond le mieux au contenu du titre Ier. Il ne me paraît pas opportun de mettre en exergue un principe plus qu'un autre. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements qui proposent de modifier l'intitulé du titre Ier.

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Même avis.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission examine l'amendement CS20 de Mme Annie Genevard.

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Il vise à compléter l'intitulé du titre Ier par les mots « et des exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique ». Cette expression permettrait de couvrir davantage de domaines du droit. Les termes « principes de la République » ont un contenu à la fois trop vague et trop restrictif. La référence aux exigences minimales de la vie en société trouve son ancrage dans la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public.

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Je ne pense pas que la référence aux principes républicains soit vague. Cela étant, je me range à votre proposition, directement inspirée par une décision du Conseil constitutionnel, dans la mesure où elle élargit le champ d'application de ces dispositions. Avis favorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis.

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Je partage totalement l'avis de Mme Vichnievsky. Madame Genevard, vous faites référence à une décision importante, dans laquelle le Conseil constitutionnel a invoqué les « exigences minimales de la vie en société », formulation qui me paraît plus précise que la vôtre, laquelle déborde un peu du cadre constitutionnel. Il me paraît cependant légitime d'inscrire cette référence dans le titre Ier.

La commission adopte l'amendement.

Article 1er : Respect des principes d'égalité, de neutralité et de laïcité par les salariés participant à une mission de service public

La commission examine, en discussion commune, les amendements CS21 de Mme Annie Genevard et CS1029 de M. Francis Chouat.

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Je propose qu'à l'alinéa 1er, on substitue aux mots : « ou le règlement confie directement l'exécution d'un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui-ci », les mots : «, le règlement ou le contrat confie directement l'exécution d'un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, ou lorsque la qualification de service public peut être déduite de la nature de la tâche confiée à cet organisme et de ses relations avec une personne publique, cet organisme ». Cela permettrait d'étendre les exigences de neutralité et de laïcité. Il me paraît en outre utile de réintroduire le contrat dès le début de l'article 1er, lequel consacre une jurisprudence de la Cour de cassation du 19 mars 2013 concernant une caisse primaire d'assurance maladie. Le juge y affirmait que « les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. » La formulation du texte risque d'être plus restrictive que la jurisprudence, ce qui serait un comble.

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Il convient de prévoir le cas où un contrat, autre qu'un contrat relevant de la commande publique au sens strict de l'article L. 2 du code de la commande publique, confie directement l'exécution d'un service public à un organisme public ou privé. Si l'on n'adoptait pas l'un de ces amendements, la loi pourrait paraître en retrait par rapport à la jurisprudence du Conseil d'État, qui a précisé que les principes de neutralité et de laïcité sont applicables à l'ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé. Je précise que les établissements d'enseignement privé sous contrat simple ou contrat d'association, qui font l'objet, dans le code de l'éducation, de dispositions qui dérogent au principe de la laïcité du service public, se situent hors du champ de l'article 1er.

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Il a fallu, dès l'article 1er, déterminer le champ d'application des principes de neutralité et de laïcité du service public. Chacun admet qu'il ne peut se limiter aux seules personnes de droit public. Le choix a été fait d'une double entrée par la loi ou le règlement, d'une part, et par le contrat de la commande publique, d'autre part. On a laissé volontairement hors du champ d'application de l'article 1er des cas d'exécution du service public par un organisme privé.

Si une rédaction plus large était retenue, il est à craindre qu'elle impose le respect des principes de neutralité et de laïcité aux établissements d'enseignement confessionnel ou aux établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC), qui en sont légitimement exonérés. Des dispositions législatives permettent d'exonérer les établissements d'enseignement confessionnel du respect des principes de neutralité et de laïcité. Le cas des ESPIC est un peu plus complexe, car il arrive que la loi ou le règlement leur confie une mission de service public sous réserve qu'ils reçoivent l'agrément du directeur de l'Agence régionale de santé (ARS). Rien ne nous interdirait de préciser la situation de ces organismes. Quant aux contrats ayant trait, par exemple, aux fonctions support ou au recours à des agents d'entretien, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d'État, on peut sans difficulté considérer qu'ils ne portent pas sur une mission de service public.

Il est vrai, toutefois, que la jurisprudence est parfois difficile à appréhender compte tenu de la complexité de la notion de service public. La rédaction proposée par les amendements est plus conforme à la jurisprudence, plus complète que celle du projet de loi, et même plus ambitieuse. En effet, le secteur associatif n'est pas nommément visé, alors qu'une mission de service public peut lui être confiée, sous réserve d'un agrément, par la loi ou le règlement. Les associations se trouvent donc exclues du champ de la neutralité, y compris celles qui prennent en charge les mineurs dans le domaine de la protection judiciaire de la jeunesse. Cela doit nous faire réfléchir. Il n'y a pas de difficulté, à mon sens, à intégrer une jurisprudence dans le texte, et une disposition particulière pourrait être prévue pour les ESPIC. Pour toutes ces raisons, je donne un avis favorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Ces questions techniques emportent des conséquences essentielles. La jurisprudence définit le service public et l'exécution directe de ce dernier selon plusieurs critères. Le Gouvernement a considéré, dans le projet de loi validé par le Conseil d'État, que l'exécution directe d'un service public peut résulter, soit d'une qualification explicite de la loi ou du règlement, soit de la conclusion, entre une collectivité publique et un organisme, d'un contrat de la commande publique – concession ou marché public – qui a pour objet, en tout ou partie, l'exécution d'une mission de service public. Quelle que soit la personne contractante, si elle est directement liée au service public, le principe de neutralité s'impose à elle. Telle est la jurisprudence que nous vous proposons de transposer.

Deux types d'établissement échappent à ces dispositions : les écoles sous contrat et les ESPIC. Alors que le Gouvernement exclut ces derniers du champ de la loi, vos amendements s'appliquent à eux. Il existe beaucoup d'associations – EHPAD, hôpitaux – d'inspiration confessionnelle, souvent catholiques, parfois protestantes. Le personnel peut y porter des vêtements manifestant ostensiblement une appartenance religieuse, à condition qu'il ne fasse pas preuve de prosélytisme. Si l'un de ces amendements était adopté, il faudrait exonérer les ESPIC de l'application de ces règles. Le Conseil d'État nous avait alertés sur ce point.

À nos yeux, il appartient au juge de définir ce qu'est un service public et de déterminer si un contrat assure l'exécution directe d'un service public. La loi ne pourra pas être aussi inventive que la jurisprudence et prendre en compte de la même façon les évolutions qui pourraient se manifester dans le domaine, par exemple, des délégations de service public ou de l'action d'associations travaillant pour le public. Comme l'ont montré des arrêts célèbres, il arrive au Conseil d'État de requalifier un contrat.

Nous n'entretenons pas de réelles divergences sur cet article, mais il me semble que notre rédaction est plus claire. Elle exclut les ESPIC du champ de la loi. Quant à la qualification du service public, elle laisse le juge trancher en cas de doute. Le Gouvernement est favorable à sa rédaction et au rejet des amendements, mais nous pouvons en débattre.

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Mon avis est défavorable sur les amendements. Le projet de loi ne restreint en rien la jurisprudence du Conseil d'État. Il faut lire l'arrêt APREI du 22 février 2007 pour comprendre que sa transposition dans le texte ne présenterait pas d'intérêt. Le Conseil d'État y indique que, dans le silence de la loi, indépendamment de ce que le législateur a souhaité inclure ou non dans la notion de service public, il établit un certain nombre de critères. C'est une jurisprudence balai : faute de qualification du législateur, il examine les conditions de création de l'organisme, il vérifie que la mission exercée est d'intérêt général, il étudie les conditions d'organisation, l'existence éventuelle d'un contrôle de l'administration. À partir de ce faisceau d'indices, le juge administratif ne s'interdit pas de requalifier en service public une activité que nous n'aurions pas définie comme telle.

Si nous intégrions cette jurisprudence dans la loi, nous reprendrions à notre compte un raisonnement qui est un outil pour le juge, a posteriori. En en faisant une condition première, nous commettrions une erreur juridique. Dans une telle hypothèse, le champ de l'article 1er s'étendrait, ce qui serait source d'effets contradictoires. Une série d'associations confessionnelles, comme certaines associations de scoutisme, par exemple, seraient immédiatement considérées comme faisant partie du service public et se verraient appliquer le principe de neutralité. Si nous posions la question de cette façon, de nombreux parlementaires pourraient considérer qu'il n'est pas opportun de transposer cette jurisprudence dans le texte.

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Vous ne pouvez pas condamner le principe de la transposition de la jurisprudence dans la loi puisque c'est ce que fait l'article 1er, et c'est sur ce principe que le texte a été bâti. Je récuse donc l'argument juridique. Mme la rapporteure a souligné le risque qu'entraînerait l'adoption de notre amendement, par exemple pour les écoles privées sous contrat. Or, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi fait déjà peser ce risque, comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis. Celui-ci a recommandé que vous fassiez référence, dans l'étude d'impact, aux hôpitaux, aux prisons et aux établissements d'enseignement, ce que vous n'avez pas fait. J'ai déposé l'amendement CS81 afin de clarifier le texte sur la question des établissements d'enseignement. S'il fallait élargir l'exonération aux ESPIC, on pourrait l'envisager. Par ailleurs, les associations de scoutisme, auxquelles vous faisiez référence, ne sont pas un service public délégué. Pourquoi voudriez-vous qu'elles entrent dans le champ de l'amendement ?

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Bien qu'étant un ancien magistrat, je me demande si le Parlement doit s'adapter à la jurisprudence du Conseil d'État. En l'espèce, vous vous êtes calé, monsieur le ministre, sur sa conception du service public. Or l'évolution, depuis un siècle, de sa jurisprudence montre qu'il ne cesse d'en élargir la notion. On se demande, aujourd'hui, ce qui n'est pas un service public ! Le législateur doit reprendre la main et définir le service public. Ce n'est pas aux juges de le faire. Le service public, c'est, selon ce qu'on appelle les faisceaux d'indices, un service d'intérêt général financé, au moins en partie, par des prélèvements obligatoires, et je ne crois pas que le Conseil d'État doive le définir à notre place. Je vous renvoie à l'article L. 2 du code de la commande publique : « Sont des contrats de la commande publique les contrats conclus à titre onéreux par un acheteur ou une autorité concédante, pour répondre à ses besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, avec un ou plusieurs opérateurs économiques. » Lorsqu'une administration sous-traite l'entretien de ses locaux, peut-on encore parler de service public ? Oui si elle gère l'entreprise en direct. Mais si elle délègue ? Me répondrez-vous par la négative ? Comment se fait-il qu'un même travail soit considéré comme un service public ou non selon qu'il fonctionne en régie ou est sous-traité ? On pourrait multiplier les exemples. Ainsi, de nombreuses administrations recourent à des sociétés de sécurité privées.

Comme mes collègues, je pense qu'il nous appartient de définir nous-mêmes ce périmètre.

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Je suis gênée par ces amendements qui visent à élargir un périmètre déjà très vaste. Nous aurions pu choisir, par ce texte, de nous arrêter au simple contrat de délégation de service public, sans y inclure les marchés de travaux, de fourniture ou de service mais nous avons décidé d'aller au-delà de la simple délégation de service public ou de la concession classique des services publics. Je ne vois pas pourquoi nous irions encore plus loin, jusqu'aux missions d'intérêt général, au risque de mettre en difficulté de très nombreuses associations, qui travaillent au plus près des populations les plus en difficulté. Est-ce cela l'objet du texte ? Pas du tout ! Nous sommes là pour préserver le vivre-ensemble et certainement pas pour inquiéter, par des dispositions relatives à certains contrats passés dans le cadre de la commande publique, des associations qui assurent des missions d'intérêt général. Je voterai contre ces amendements.

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Je suis d'accord avec Mme Dubost. L'adoption de ces amendements pourrait figer la définition du périmètre du service public et rendre la situation ingérable alors que ce texte nous permet d'avancer. Je voterai contre ces amendements.

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Je ne suis issu ni du corps de la Cour des comptes ni de celui du Conseil d'État mais c'est en tant qu'élu local, confronté durant de nombreuses années à ces sujets, que je vous ai proposé cet amendement. Évitons les faux débats : nous ne sommes pas en train de définir la notion de service public avec ces amendements. L'article 1er du projet de loi prévoit d'élargir à tous ceux qui concourent à une mission de service public l'obligation de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Nous n'avons pas l'intention de mettre en difficulté les associations, qu'elles soient scoutes, bouddhistes ou laïques, mais de les soumettre, comme les autres, au respect des principes de neutralité et de laïcité, dès lors qu'elles exercent une mission de service public, par contrat ou convention.

Si ces amendements ne sont pas adoptés, comment le maire fera-t-il respecter les principes de neutralité ou de laïcité à des organismes conduits à intervenir dans des domaines aussi immatériels que la culture, l'éducation, l'aide aux devoirs, le sport ? Il serait inconséquent de ne pas les adopter, alors même que nous voulons, par cet article 1er, élargir l'obligation de neutralité du service public.

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Gérald Darmanin, ministre

Les ESPIC et les écoles sont bel et bien exclus de ces dispositions. L'avis du Conseil d'État est très clair : « Il prend note de ce que le champ ainsi retenu vise à ne pas remettre en cause des restrictions à l'application du principe de laïcité du service public aujourd'hui admises par des lois, telles que les dispositions du code de l'éducation relatives aux établissements d'enseignement privé ou celles du code de la santé publique relatives aux ESPIC, ou par la jurisprudence. » Par ailleurs, les ESPIC, qui doivent être agréés, ne relèvent pas du code des marchés publics.

Monsieur de Courson, la femme de ménage, employée par une société qui a conclu un marché public avec la mairie, qui nettoie les marches de cette mairie à six heures et demie du matin, avant que le service public ne soit ouvert, ne sera pas plus soumise demain qu'elle ne l'est aujourd'hui, à la neutralité qui s'impose aux agents du service public. En effet, même en présence d'un contrat, l'objet doit être l'exécution du service public. Or, ni la loi ni la jurisprudence ne voient dans cette activité une mission de service public.

Vous dites que ce n'est pas à la jurisprudence mais à la loi de définir la notion de service public. C'est un peu aux deux ! La notion peut être définie par la loi ou le règlement mais en cas de doute, le juge doit intervenir. Le critère peut être organique, ce qui est le cas lorsqu'une puissance publique confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé. Si la mission a été confiée à un organisme de droit privé, on se réfère aux trois critères dégagés par la jurisprudence du Conseil d'État qui définit le service public comme une activité d'intérêt général menée sous le contrôle de l'administration avec des prérogatives de puissance publique. Le Conseil d'État a ainsi pu considérer qu'une personne privée qui assure une mission sociale d'intérêt général sous le contrôle de l'administration pouvait être chargée d'une mission de service public, même en l'absence de prérogatives de puissance publique.

Il ne me semble pas que la rédaction de cet article aille à l'encontre du travail législatif. D'une part, nous inscrivons dans la loi un principe dégagé par la jurisprudence et nous excluons les ESPIC et les écoles privées sous contrat. D'autre part, en cas de doute, on fait confiance au juge pour déterminer si une mission relève du service public ou non. Bien évidemment, les parlementaires restent libres de décider que telle activité est un service public. Les TER et les trains d'équilibre du territoire relèvent du service public, mais pas les TGV. On y perd son latin ! On pourrait imaginer que les sociétés de transport sont un service public mais Thalys et Eurostar n'en sont pas un ! Ce n'est pas forcément évident au premier coup d'œil. Laissons à la jurisprudence le soin de faire entrer certaines missions dans le champ du service public. Le Gouvernement reste attaché à la rédaction actuelle.

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Monsieur Chouat, oui, vous êtes en train de définir la notion de service public avec ces amendements, et de la pire manière qui soit. Quelles seraient les conditions de la création de ce service public ? Son organisation ? Son fonctionnement ? Ce n'est pas défini. L'adoption de votre amendement conduirait à inscrire dans la loi des critères qui, faute d'être définis, devront donner lieu à des contentieux pour être clarifiés par le juge. Je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle en vient à l'amendement CS547 de M. Éric Ciotti.

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Merci, monsieur le président, de nous permettre de défendre quelques amendements… Lorsque vous avez présenté ce texte, monsieur le ministre, aux côtés du Premier ministre, nous avons pensé que l'obligation de neutralité, à laquelle j'adhère avec conviction, s'appliquerait enfin aux entreprises privées. Nous en sommes très loin. Finalement, vous vous contentez d'inscrire une jurisprudence constante dans la loi et, selon les interprétations qui en seront faites, nous risquons bien de nous retrouver avec une neutralité au rabais. Cet amendement, soutenu en particulier par l'Association des maires de France, vise à étendre l'obligation de respecter la neutralité et la laïcité à l'ensemble des organismes qui contribuent à une mission de service public, quelle que soit la nature du contrat en cause, afin de ne pas restreindre cette obligation aux seuls organismes liés par un contrat de commande publique.

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J'ai déjà donné mon avis personnel : je ne suis pas certaine que l'ajout du terme « contrat » perturbe l'équilibre du projet de loi.

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Gérald Darmanin, ministre

L'amendement est déjà satisfait. Relisez l'article 1er : « Le titulaire du contrat veille également à ce que toute autre personne à laquelle il confie pour partie l'exécution du service public s'assure du respect de ces obligations. »

Je m'inscris en faux : ne minimisez pas la portée de ce texte. Non seulement il consacre la jurisprudence mais, M. de Courson l'a dit, c'est d'abord à la loi de définir la notion de service public.

Par ailleurs, ce texte va plus loin que la jurisprudence puisqu'il étend l'obligation de neutralité et de laïcité à des organismes qui ne sont pas concernés aujourd'hui, même par les dispositions jurisprudentielles. C'est le cas des offices HLM qui devront, demain, respecter le principe de neutralité au même titre que les caisses primaires d'assurance maladie ou Pôle emploi.

Les dispositions de cet amendement seraient redondantes avec celles du texte.

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M. Ciotti, dont les raisonnements sont toujours très cohérents, souhaite-t-il que les établissements privés sous contrat de sa commune ou de son département, qui participent à des missions de service public, fassent disparaître tout signe religieux ? Je suis défavorable à cet amendement mais je suis curieux de savoir s'il pousse la logique de son raisonnement jusqu'au bout. Si c'est le cas, je ferai passer le message aux établissements d'enseignement privés, dont la grande majorité est de confession catholique, que M. Ciotti ne souhaite plus y voir la moindre croix.

La commission rejette l'amendement.

Elle est saisie de l'amendement CS980 de M. Xavier Breton.

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Il s'agit de faire en sorte que les mesures de ce projet de loi correspondent aux objectifs de l'exposé des motifs. En conséquence, l'amendement vise à insérer les mots « dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes. »

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Il n'apparaît pas nécessaire de préciser que cette mesure intervient dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes, d'autant moins que la rédaction que vous proposez laisse à penser que la loi ou le règlement confie directement l'exécution d'une mission de service public à un organisme de droit public ou de droit privé dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste et contre les idéologies séparatistes. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

L'amendement est satisfait puisque la neutralité n'est pas seulement religieuse : elle est aussi politique. En l'occurrence, l'entrisme communautariste ou les idéologies, d'une manière générale, sont des idées politiques. L'agent d'un service public doit respecter une neutralité religieuse et politique.

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J'aimerais, monsieur le ministre, que la neutralité politique s'impose dans tous les services publics. C'est loin d'être le cas !

La commission rejette l'amendement.

Elle étudie l'amendement CS1511 de Mme Christine Hennion.

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Il s'agit de compléter les obligations incombant aux organismes de droit public ou de droit privé en charge de l'exécution d'un service public en ajoutant le principe d'accessibilité déjà dégagé par la jurisprudence administrative au même titre que le principe d'égalité inscrit dans le texte.

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Il y a une vraie cohérence entre les principes d'égalité, de neutralité et de laïcité devant les services publics, qui ont une reconnaissance constitutionnelle et sont intimement liés. Il n'apparaît pas justifié d'y ajouter le principe d'accessibilité qui, comportant de nombreuses dimensions dont les principales sont sociales – accès à tous sans discrimination –, économiques – à un prix abordable voire gratuit – et territoriales, ne semble pas directement lié à ce texte.

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Gérald Darmanin, ministre

Cet article concerne les obligations des agents. Or, la mesure que vous proposez, à laquelle nous pouvons tous souscrire, concerne les lieux où s'exerce un service public. Elle trouverait davantage sa place dans un texte relatif aux lieux du service public plutôt que dans un article qui fixe les obligations des agents. Je vous invite à le retirer.

La commission rejette l'amendement.

Elle passe à l'amendement CS170 de M. Xavier Breton.

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Lors de l'audition des différents courants philosophiques, il nous est apparu une différence de rédaction entre l'article 1er qui se réfère aux principes de neutralité et de laïcité et l'article 2 qui vise le seul principe de neutralité. Nous vous proposons, par cohérence, de conserver la seule référence au principe de neutralité.

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Certes, le principe de laïcité est un élément du principe de neutralité mais il apparaît nécessaire de le mentionner expressément pour affermir la portée du principe de neutralité religieuse en raison de la multiplication des atteintes à ce principe dans les services publics, en particulier chez les délégataires de service public.

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Ne serait-il pas préférable que les articles 1er et 2 se réfèrent aux mêmes principes, quitte à ce que nous ajoutions celui de laïcité à l'article 2 ? Je maintiens l'amendement mais je ne suis pas opposé à ce qu'on en modifie la rédaction d'ici à l'examen en séance publique.

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Gérald Darmanin, ministre

Je suis d'accord.

La commission rejette l'amendement.

La commission examine l'amendement CS1284 de Mme Laurianne Rossi.

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Pour faire suite à une recommandation du Conseil d'État, il convient de préciser que les organismes prennent des mesures « afin d'assurer le respect des obligations et de pouvoir en identifier ou faire cesser tout manquement ».

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Je ne pense pas que cet ajout soit utile. La nature des mesures pourra être précisée par décret. Ayons bien à l'esprit que toute précision portant sur l'exécution d'une mission tend à restreindre les possibilités de la personne à qui elle est confiée. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis. Cet ajout tend à alourdir le texte et l'adoption de l'amendement nous contraindrait à modifier l'alinéa 2. Avis défavorable.

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Cet amendement répond à une recommandation du Conseil d'État. Le nombre de structures assujetties à l'obligation de neutralité et de laïcité va augmenter considérablement, ce qui apportera un changement sensible dans l'organisation de notre société. M. le ministre peut-il nous donner la garantie qu'un décret viendra préciser la nature de ces mesures, qu'une campagne de sensibilisation ou qu'un guide explicatif seront conçus pour aider ces structures à respecter cette obligation, nouvelle pour elles ?

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L'intention de l'amendement me paraît juste, mais je souhaiterais que Mme Rossi le retire afin que nous trouvions une nouvelle rédaction d'ici à la séance.

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Je conçois que l'adoption de cet amendement pourrait alourdir le texte, mais il me paraît nécessaire d'affirmer explicitement que les organismes doivent prendre des mesures pour identifier et faire cesser les manquements aux principes républicains. Sous réserve d'un engagement du ministre à apporter des précisions sur ces mesures, je retire cet amendement en vue d'en travailler la rédaction.

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Gérald Darmanin, ministre

Comme je l'ai dit, il ne s'agit pas seulement d'appliquer la jurisprudence mais d'imposer de nouvelles règles à des dizaines de milliers de personnes. Nous accompagnerons ces structures, notamment au travers de formations et d'un guide explicatif. Enfin, le texte prévoit que les contrats en cours seront modifiés pour se conformer aux obligations dans les vingt‑quatre mois suivant la publication de la loi mais que les contrats dont le terme intervient dans les trente‑six mois suivant cette date ne seront pas concernés. Le décret prévoira un délai raisonnable avant que des sanctions ne soient imposées.

L'amendement est retiré.

La commission examine l'amendement CS403 de Mme Emmanuelle Ménard.

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Le rappel des principes de laïcité et de neutralité auquel sont soumis ces organismes suffit en soi ; il ne paraît pas nécessaire de préciser que leurs salariés « s'abstiennent de manifester leurs opinions, notamment religieuses. »

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Le Conseil d'État a jugé que le principe de neutralité religieuse fait en particulier obstacle à ce que les agents disposent du droit de manifester leurs croyances religieuses. Il a ainsi précisé que « le fait pour un agent (…) de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations ». Le principe de laïcité interdit ainsi le prosélytisme de la part d'un agent durant son service. Il convient de prévoir les moyens d'assurer la neutralité, en particulier religieuse, des personnes qui assurent une mission de service public. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Vous ne souhaitez donc pas, madame la députée, que l'on impose le principe de neutralité, notamment religieuse, aux agents concernés ? Si l'on adoptait votre amendement, on allégerait les obligations qui pèsent sur eux : je ne suis pas certain que ce soit, politiquement, votre intention. Avis défavorable.

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Je m'étonne que Mme Ménard considère qu'un agent, dans l'exercice d'une mission de service public, doive pouvoir exprimer sa croyance religieuse…

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Le texte est bavard. Avec la première phrase – « Lorsque la loi ou le règlement confie directement l'exécution d'un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui‑ci est tenu d'assurer l'égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public » – tout est dit ! Pourquoi préciser que les salariés s'abstiennent de manifester leurs opinions, notamment religieuses, et entrer dans le détail de la mise en application ?

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Gérald Darmanin, ministre

Ce texte n'est pas bavard ; il est le parallèle de l'article 25 de la loi portant droits et obligations des fonctionnaires qui précise que le fonctionnaire est tenu à l'obligation de neutralité, qu'il exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité et qu'à ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses.

Il arrive que, sur une base consensuelle – le respect du principe de laïcité – on s'aperçoive que ses amis politiques sont animés par des courants contraires…

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CS1523 de Mme Coralie Dubost.

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Nous proposons de préciser que l'obligation de respecter les principes de neutralité et de laïcité ne s'impose pas aux collaborateurs occasionnels du service public. Nous avons eu ce débat lors des auditions et dans nos circonscriptions, et des universitaires en droit public nous ont recommandé de clarifier la disposition afin que la jurisprudence n'interprète pas cette obligation de manière extensive.

Je pense notamment aux mères qui accompagnent les sorties scolaires, tantôt qualifiées par la jurisprudence d' « usagers du service public », tantôt de « collaborateurs occasionnels de service public ». Ces variations dans l'interprétation sont source d'instabilité. Il s'agit d'éviter toute confusion, dans le contexte actuel et alors que le projet de loi respecte une logique qui permet que tous s'y retrouvent.

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En l'état de la jurisprudence, la catégorie « collaborateurs occasionnels de service public » n'existe pas ; il serait paradoxal de la citer pour l'exclure du champ du texte. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Mon argumentaire vaudra aussi pour les amendements visant à inclure les « collaborateurs occasionnels de service public » dans le champ du texte. Bien que tout le monde en parle, cette catégorie n'existe pas dans la loi ; cette notion a été créée par la jurisprudence dans le but d'indemniser les personnes victimes d'un accident lors d'une sortie scolaire, par exemple.

Le Conseil d'État a précisé que des restrictions à la liberté de manifester ses convictions religieuses pouvaient être prises « dans la mesure rendue nécessaire par le maintien de l'ordre public et le bon fonctionnement du service public ». Ainsi des directeurs d'établissements ont-ils pu interdire le port de vêtements, qu'ils jugeaient contraire à l'ordre public.

En tout état de cause, inclure ou exclure les « collaborateurs occasionnels de service public » dans le champ du texte supposerait de modifier la Constitution. Personne n'a jamais rien fait sur le plan législatif. La circulaire Chatel n'est qu'une circulaire et aucune majorité n'a depuis osé modifier la loi, d'abord parce que les parlementaires ont été nombreux à s'y opposer, ensuite parce que les textes n'ont pas passé le cap constitutionnel – alors qu'on savait pertinemment qu'il fallait modifier la Constitution.

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Nous sommes d'accord sur le fait qu'il n'existe pas de statut juridique. Ce qui pose problème, c'est que des tribunaux administratifs ont retenu la qualification, tout en considérant qu'elle était fonctionnelle, pour justifier des interdictions.

Je formulerai donc la question autrement : les personnes considérées d'un point de vue de protection fonctionnelle, et non statutaire, comme des « collaborateurs occasionnels de service public » sont-elles inclues ou exclues du champ du texte ? Plus précisément, les mères accompagnatrices de sortie scolaire seront-elles soumises à ces obligations ?

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Je comprends l'intention de Coralie Dubost, mais j'ai les mêmes réserves que le ministre et la rapporteure car je considère que les parents accompagnateurs ne participent pas au service public ; ils en sont des usagers. Nous risquerions d'introduire, entre l'agent et l'usager, une catégorie nouvelle infondée sur le plan juridique et jurisprudentiel, et qui doit demeurer fonctionnelle. Je crains que cette disposition, une fois adoptée, ne devienne réversible alors que l'interprétation de la loi, telle qu'elle existe aujourd'hui, protège les parents accompagnateurs – durablement, je l'espère.

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On anticipe sur les amendements suivants et sur la catégorie juridique de « collaborateur bénévole ». Celle-ci n'inclut pas seulement les accompagnateurs de sortie scolaire mais aussi les personnes à qui il peut être fait appel en cas d'incendie ou d'accident, par exemple.

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Le Conseil d'État, dans l'étude qu'il a réalisée en 2013 à la demande du Défenseur des droits, considère que les accompagnateurs de sortie scolaire sont des usagers du service public. Bien que je comprenne son intention, je mets en garde Coralie Dubost contre la création d'un statut hybride, que d'aucuns voudront soumettre aux exigences de neutralité.

De manière générale, je suis inquiet de voir les services publics faire de plus en plus appel à des personnes qui n'ont pas le statut de fonctionnaire mais auxquelles nous voulons imposer les mêmes exigences. Les organisations syndicales que nous avons auditionnées redoutent que ces nouvelles dispositions ne soient la porte ouverte à un service public assuré indifféremment par des fonctionnaires et des salariés de statut privé.

S'il faut accompagner les sorties scolaires, embauchons des personnes, donnons-leur un statut et rémunérons-les de manière raisonnable ; ou alors, faisons appel aux parents, qui demeureront des usagers du service public. Mais ne fabriquons pas des entre-deux !

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Pour ceux qui pouvaient encore en douter, cet amendement et le suivant sont la démonstration criante qu'il existe des débats au sein de LaREM ! Par souci d'équilibre, j'appellerai à voter contre les deux.

S'agissant de la question des parents accompagnateurs, je suis d'accord avec la rapporteure : il faut en rester là.

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Cet amendement est le fruit d'une stratégie défensive et d'anticipation. Il suscite des fusions et des effusions, puisque Boris Vallaud et Alexis Corbière rejoignent le ministre de l'intérieur – cela sera noté au compte rendu !

(Sourires.)

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La notion de « collaborateur occasionnel de service public » n'existe pas en droit. Je le dis à Coralie Dubost : on ne peut pas écarter une notion qui n'a pas de valeur juridique.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine l'amendement CS376 de M. Jean-Baptiste Moreau.

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Je présenterai également l'amendement CS377, puisque tous deux suppriment les mots « lorsqu'ils participent à l'exécution du service public », respectivement aux alinéas 1 et 4.

L'obligation de neutralité et de laïcité s'impose aux personnes qui travaillent pour le compte d'un organisme de droit privé lorsqu'elles sont chargées d'une mission de service public, mais pas lorsque leur mission est éloignée du service public – c'est le cas des agents d'entretien ou les personnes chargées de fonctions « support ». Ces amendements visent à soumettre aux exigences de neutralité et de laïcité toutes les personnes qui participent, même indirectement, au service public.

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Votre proposition me semble contraire au droit du travail, qui respecte le principe de la liberté de conscience. Comme l'a relevé la Cour de cassation, dans son arrêt Baby Loup de 1994, « il résulte de la combinaison des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ».

Depuis la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, « le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise, et si elles sont proportionnées au but recherché ».

Dans ces conditions, il n'est pas justifié d'étendre l'application du principe de neutralité à tous les salariés d'une entreprise. Avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Même avis.

La commission rejette l'amendement.

Elle examine, en discussion commune, les amendements CS1131 de Mme Marietta Karamanli et CS292 de M. Xavier Breton.

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La neutralité ne se limite pas aux opinions religieuses ; cet amendement vise à préciser qu'elle s'applique aussi aux opinions politiques et philosophiques.

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Les salariés et les personnes sur lesquelles le service public exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu'ils participent à l'exécution du service public, doivent s'abstenir de manifester leurs opinions, notamment religieuses. Il vous est proposé d'ajouter « politiques », afin que les religions ne se sentent pas seules visées. En outre, il s'agit de lutter contre l'islamisme politique, qui n'est pas la manifestation d'opinions religieuses, mais politiques. Les expressions politiques doivent être neutres. Contrairement aux collègues du groupe socialiste, je n'ai pas ajouté « philosophiques » car cela me semble plus complexe à définir.

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Je partage votre analyse, monsieur Breton, et partiellement celle de M. Vallaud. Il faut inclure les opinions politiques, mais pas philosophiques.

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Gérald Darmanin, ministre

Je suis du même avis. Nous avons précisé « notamment religieuses » par parallélisme avec la Déclaration des droits de l'homme. Il s'agissait de souligner que la religion n'est pas qu'une opinion, mais qu'elle est centrale dans le concept de laïcité. Mais M. Breton a raison, l'islamisme n'est pas l'islam. C'est une idéologie, voire une action politique. Il faut donc savoir la définir. À l'inverse, je ne suis pas favorable à l'inclusion des opinions philosophiques, trop difficiles à cerner – nous pourrons éventuellement y revenir en séance.

Enfin, il faudrait sans doute supprimer « notamment ».

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Nous pouvons rectifier l'amendement avant de le mettre aux voix.

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Je partage l'opinion du ministre. Le terme « notamment » est à proscrire. La formulation de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen – même religieuse – ne me paraît pas adaptée au contexte. Il nous reste deux solutions : supprimer les mots « notamment religieuses », pour exclure toute discrimination, ou préciser qu'il s'agit des opinions politiques et religieuses, au risque d'oublier d'autres types d'opinions.

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Il est arrivé que des services publics se fassent le support d'opinions, en défendant notamment, au travers des caricatures, la liberté d'expression. Nous ne sommes pas là dans le champ du politique, au sens partisan du terme. Pour éviter un texte bancal sur le plan juridique, je supprimerais la précision « notamment religieuses ».

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En effet, cela suffirait à qualifier l'exigence de neutralité. Je retire mon amendement.

L'amendement CS1131 est retiré.

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Gérald Darmanin, ministre

Je me range à cet argument. Il faudra, en conséquence, modifier le statut général de la fonction publique car le législateur de 2016, qui n'a peut-être pas eu ce débat, a écrit : « [Le fonctionnaire] exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. À ce titre, il s'abstient notamment de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. »

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Je suis opposée à cette suppression car viser l'expression de toute opinion, quelle qu'elle soit, ne voudrait plus rien dire ! N'ayons pas peur de notre ombre : c'est lorsqu'une personne chargée d'une mission de service public livre des considérations d'ordre religieux ou politique que la situation peut déraper.

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Une solution consisterait à rédiger ainsi l'amendement CS292 : « À la seconde phrase de l'alinéa 1, substituer au mot : « notamment » les mots : « politiques et ».

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Ce que l'on attend du fonctionnaire, dans ses fonctions mêmes, c'est qu'il donne son opinion, qu'il ait un avis. Viser toutes les opinions n'aurait aucun sens. Il faut assumer que l'enjeu réside dans les opinions politiques et religieuses.

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Il me semblait que le texte, en mentionnant les opinions, faisait référence au bloc de constitutionnalité et au sens que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la jurisprudence ont donné à la liberté d'opinion. Dans ce cas, il est suffisamment précis : l'ajout de « notamment politiques et religieuses » ne serait qu'une précision supplémentaire. Dans le cas contraire, il faudrait une clarification.

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Monsieur Breton, souhaitez-vous rectifier votre amendement ?

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Cela permet de répondre à l'ensemble des questions soulevées.

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Il faudrait cependant substituer au mot « et » le mot « ou ».

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Je soumets donc la rédaction suivante : « À la seconde phrase de l'alinéa 1, substituer au mot : « notamment » les mots : « politiques ou ».

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Je pense que, d'un point de vue légistique, « et » est plus juste. Mais restons sur la proposition du président pour faire consensus. Nous pourrons en reparler en séance.

La commission adopte l'amendement CS292 rectifié.

Suivant l'avis de la rapporteure et du ministre, la commission rejette l'amendement de précision CS404 de Mme Emmanuelle Ménard.

Elle est saisie, en discussion commune, des amendements CS1306 de Mme Laurianne Rossi et CS661 de M. Charles de Courson.

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Cet amendement concerne le service public de transport. L'article auquel il se rattache ne concerne pas les services ferroviaires librement organisés, comme ceux des grandes lignes TGV de la SNCF. C'est ce qu'indique la page 37 de l'étude d'impact. Pourtant, depuis la loi d'orientation des transports intérieurs, dite LOTI, du 20 décembre 1982, le code des transports précise que le système de transport ferroviaire de notre pays et tous les opérateurs publics historiques concourent au service public ferroviaire.

C'est pourquoi, afin de lever l'ambiguïté juridique, mon amendement précise qu'en complément des services gérés par une autorité organisatrice de transport, les services ferroviaires librement organisés concourent également au service public.

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Quelle est la position du ministre sur les services mixtes de transport ? Ainsi, SNCF Voyageurs est une entreprise privée, société anonyme, qui gère deux services publics – les transports express régionaux (TER) avec les régions et les trains d'équilibre du territoire (TET) avec l'État –, le reste de son activité étant privé.

Or le personnel n'est pas affecté à une activité mais peut passer d'un service public à une activité privée. Comment appliquer la loi dans ce cas ? Mme Rossi propose que tout bascule – je caricature : s'il est adopté, les activités hors TER et TET seront soumises aux mêmes règles que le service public. C'est une révolution… Il suffirait que l'entreprise réalise un infime pourcentage de son activité pour le service public pour qu'elle soit soumise aux mêmes règles que ce dernier. Vous comprendrez que je pose la question.

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Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen des amendements de nos collègues Genevard, Larrivé et Chouat. Quel est le champ d'application de l'alinéa 1 de l'article 1er ? Il n'est pas encore totalement clarifié, mais il est difficilement imaginable qu'en prenant un TGV, on ne soit pas dans la même situation qu'en prenant un train d'équilibre du territoire. Si nous avions adopté les amendements susvisés, l'amendement de Mme Rossi aurait été satisfait. Puisque ce n'est pas le cas, je suis favorable à l'amendement CS1306.

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Gérald Darmanin, ministre

Je suis également favorable à l'amendement de Mme Rossi, en attendant mieux, si elle me le permet. Par qualification de la loi, nous allons étendre les obligations du service public, notamment en termes de neutralité, à des personnels qui ne relèvent pas du service public en France, comme ceux des TGV, et alors que la jurisprudence estime à l'inverse que les personnels des remontées mécaniques relèvent du service public. Peut-être le Conseil constitutionnel considérera-t-il que c'est disproportionné, de telles dispositions ne relevant pas de la loi, mais du règlement intérieur de la société par exemple.

Nous avons déjà réfléchi avec le ministère des transports et allons continuer à le faire d'ici à la séance publique pour éviter la censure constitutionnelle. Il s'agit d'une brèche juridique originale, et intéressante parce qu'elle est originale. Je précise que, quelle que soit la rédaction, les lignes internationales, comme le Thalys ou l'Eurostar, ne seront pas concernées.

Monsieur de Courson, votre amendement, à l'inverse, ne qualifie pas ce qu'est un service public pour lui appliquer le principe de neutralité.

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Il faut être attentif aux conséquences de l'adoption d'un tel amendement. Alors que les activités de service public, liées aux TER et aux TET, représentent une part minoritaire du chiffre d'affaires de SNCF Voyageurs – 25 à 30 % probablement –, l'entreprise basculerait intégralement dans le service public. C'est votre conception des choses, chère collègue, mais réfléchissons aux répercussions.

Ainsi, prenez la RATP : c'est un service public, mais elle gère aussi d'autres activités, de location de bus privés avec chauffeur par exemple. Il ne faudrait pas mettre le doigt dans un engrenage que nous ne maîtriserions pas.

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Je ne vois pas le problème, monsieur de Courson. Il ne s'agit pas de transformer ces entreprises en services publics, mais de leur appliquer les dispositions prévues à l'article 1er.

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Monsieur de Courson, mon amendement est de précision et je n'exprime pas une position personnelle, mais les termes d'un débat autour du périmètre du service public ferroviaire. Nous en avons déjà discuté à l'occasion de l'examen de l'amendement de notre collègue Francis Chouat. Le code des transports dispose que le service ferroviaire de voyageurs concourt au service public. Vous pouvez ne pas être d'accord et, sans doute, la jurisprudence a-t-elle été différente par le passé. Mais mon amendement est nécessaire et n'emporte pas les conséquences que vous les évoquez.

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Ma chère collègue, la SNCF n'est pas seule à exploiter le réseau SNCF. Des entreprises privées achètent des sillons à SNCF Réseau. Sont-elles pour autant un service public ? Pas du tout !

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Ne nous égarons pas. Il ne s'agit pas ici de définir les services publics, mais le périmètre d'application des dispositions de l'article 1er.

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Gérald Darmanin, ministre

On s'égare, et pas seulement de la gare de l'Est, monsieur de Courson !

En l'occurrence, l'amendement de Mme Rossi ne définit pas ce qu'est un service public. Il dispose que les TGV, par exemple, participent à une mission de service public. Par cohérence, je rappelle que les entreprises de transport que vous avez auditionnées et que j'ai rencontrées le demandent.

En outre, les réseaux de transport et la SNCF ne sont pas totalement privatisés – en tout cas, le bénéfice capitalistique de la SNCF ne m'a pas sauté aux yeux quand j'étais ministre des comptes publics et cela ne vous sautera sans doute pas aux yeux quand vous devrez abonder son budget du fait des difficultés actuelles…

Enfin, même si elles sont privées, les entreprises qui vont utiliser les sillons de SNCF Réseau le feront par délégation de service public, tout comme une entreprise peut être délégataire d'une piscine municipale.

Je suis favorable à cet amendement très clair et nous veillerons, le cas échéant, à faire des propositions pour la séance publique afin d'éviter la censure du Conseil constitutionnel.

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En l'état actuel de la rédaction du projet de loi, cela signifie-t-il que les entreprises aériennes bénéficiant d'une obligation de service public (OSP) sur la ligne Paris-Tarbes seront assujetties à l'obligation de neutralité, ce qui ne sera pas le cas sur Paris‑Pau ?

La commission adopte l'amendement CS1306.

En conséquence, l'amendement CS661 tombe.

La commission examine ensuite l'amendement CS1305 de Mme Laurianne Rossi.

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Il s'agit d'intégrer les ordres professionnels dans le périmètre de l'article 1er, notamment l'ordre des médecins.

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C'est satisfait : la jurisprudence du Conseil d'État considère que les ordres professionnels exercent une mission de service public. Ils sont donc assujettis aux principes de neutralité et de laïcité. Il n'est pas nécessaire de l'inscrire dans la loi.

L'amendement est retiré.

La commission examine l'amendement CS657 de M. Charles de Courson.

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Cet amendement soulève une question toute bête : quelle est la sanction du non-respect du principe de neutralité par l'organisme chargé d'exécuter une mission de service public ? Si rien n'est prévu, la loi n'est que déclarative. Je propose, sans être méchant, qu'on puisse lui retirer cette mission.

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Ce n'est pas raisonnable ! Imagine-t-on que l'on retire leur mission aux caisses d'allocations familiales, aux missions locales, aux offices publics de l'habitat ? Il me semble que tout cela sera prévu par décret.

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Gérald Darmanin, ministre

Oui, pour les organismes chargés directement de la mission de service public. Selon le dernier alinéa du I de l'article 1er, « Les dispositions réglementaires applicables à ces organismes précisent, le cas échéant, les modalités de contrôle et de sanction des obligations mentionnées au présent I. » Pour les structures de type Caisse primaire d'assurance maladie ou organisme HLM par exemple, ce seraient des sanctions financières. Pour les contrats de la commande publique du II, « Les clauses du contrat rappellent ces obligations et précisent les modalités de contrôle et de sanction du cocontractant lorsque celui‑ci n'a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements constatés. » On peut imaginer des sanctions financières après mise en demeure, puis des mesures pouvant aller jusqu'à la fin du contrat en cas de manquements répétés.

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Mais les sanctions relèvent-elles du décret, ou du contrat ? Il me semble vraiment que non, et qu'il y a là un vrai problème. Étant donné la gravité de certaines sanctions, je pense qu'elles doivent relever de la loi. Restons prudents.

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Gérald Darmanin, ministre

Les deux alinéas que j'ai cités montrent que la loi prévoit bien des sanctions. Les collectivités locales devront en faire des critères de leurs appels d'offres et les intégrer dans leurs contrats, au même titre que toutes les autres sanctions prévues, dans tous les domaines. C'est le principe même du contrat.

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Le contrat de délégation de service public qui lie la collectivité commanditaire et le prestataire de service public contient des clauses de sanction dans plusieurs domaines, comme celui des retards de livraison. Et s'agissant des personnes, il me semble qu'il y a une piste dans le mécanisme même de la délégation de service public : une association chargée du temps périscolaire par exemple a son propre règlement, qui prévoit des sanctions. Si quelque chose ne convient pas à la collectivité, elles peuvent en reparler dans le cadre de leur contrat, mais le règlement intérieur du prestataire est l'outil d'action.

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Sur le II, il n'y a pas de difficulté puisque le projet de loi précise bien que les clauses du contrat rappellent les obligations en matière d'égalité, de laïcité et de neutralité. En revanche, s'agissant du I, je rejoins Charles de Courson : hors du cadre contractuel, c'est la loi qui doit définir les sanctions et obligations applicables. Il faut avancer sur cette question.

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Il y a effectivement un vrai problème s'agissant du I, puisque le troisième alinéa prévoit que « Les dispositions réglementaires applicables à ces organismes précisent, le cas échéant, les modalités de contrôle et de sanction des obligations mentionnées au présent I. » Ce « le cas échéant » rend la sanction hypothétique, ce qui n'est pas acceptable. Si ces dispositions sont du niveau réglementaire, ce que je ne crois pas, il faut enlever « le cas échéant ». Si elles sont du niveau législatif, il faut les inscrire dans le texte.

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Je soutiens cet amendement, qui pose une question essentielle. Oui, quand la loi sera votée, des dispositifs de sanction, de révocation, de rupture du contrat pourront être intégrés au contrat lors de son renouvellement, mais qu'en est-il du principe de neutralité pour les contrats de délégation de service public en cours ?

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Gérald Darmanin, ministre

Si vous souhaitez que ce soit la loi qui définisse les sanctions, soit. Il me semble que d'ordinaire, c'est traité par le règlement, et qu'il convient d'éviter de rendre la loi trop rigide, mais je ne me battrai pas sur ce point.

Pour ce qui est des contrats en cours, tout est déjà écrit : « Les contrats pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est en cours à la date de publication de la présente loi et les contrats en cours à cette même date sont modifiés, en tant que de besoin, pour se conformer aux obligations mentionnées au troisième alinéa du II dans les vingt‑quatre mois suivant cette date ». Il suffira de faire un avenant. Toutefois, il est aussi précisé que « cette obligation de mise en conformité ne s'applique pas à ceux de ces contrats dont le terme intervient dans les trente-six mois suivant la date de publication de la présente loi. » Nous pensions à un délai moins long, mais le Conseil d'État nous a dit que ces trente-six mois étaient nécessaires pour ne pas compromettre l'équilibre du contrat. Dans ces cas donc, les obligations seront introduites dans le contrat suivant.

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Cet amendement n'avait pour but que de faire réfléchir, mais je pense qu'il faut modifier cet alinéa, monsieur le ministre : il ne tourne pas, comme on dit à la commission des finances.

L'amendement est retiré.

La commission en vient aux amendements CS659 et CS660 de M. Charles de Courson.

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J'ai été un peu choqué de lire dans l'avis du Conseil d'État que le principe de neutralité et un principe général qui s'applique à tous les services publics, mais pas à tous les organismes chargés d'une mission de service public. Le Conseil exclut essentiellement l'enseignement privé, sous et hors contrat, et les établissements de santé privés d'intérêt collectif (ESPIC), ainsi que les prisons, je n'ai pas bien compris pourquoi.

L'article 1er inquiète. Il n'est pas compatible avec le caractère propre des établissements hospitaliers ou des établissements d'enseignement participant au service public. Je pense qu'il est préférable de dire dans la loi qu'il ne leur est pas applicable, plutôt que de le laisser déduire d'un avis du Conseil d'État.

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En l'état actuel de l'article 1er, dont le champ d'application n'a pas été amendé pour l'instant, je ne crois pas que ce soit nécessaire.

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Gérald Darmanin, ministre

Le Conseil d'État précise bien que ni les ESPIC, ni les écoles confessionnelles, sous ou hors contrat, ne sont concernés par l'article 1er. On peut le déduire aussi du fait que les écoles et les ESPIC ne font partie ni I, ni II de l'article : ­ils ne sont ni un contrat, ni une délégation pure de service public, puisqu'il faut les agréer. Ils n'entrent donc pas, par définition, dans le champ de la loi. On peut le préciser, je ne sais pas si cela emporte des conséquences, mais à coup sûr ils ne sont pas concernés.

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Les établissements d'enseignement privés, sous contrat ou non, participent au service public de l'enseignement. En droit, ils font donc partie du champ du I de l'article 1er. Le Conseil d'État dit que, comme c'est une loi qui leur a confié cette mission et qu'elle n'est pas visée par l'article 1er, ces établissements sont bien entendu exclus de son champ d'application, et les ESPIC aussi. Moi, je voudrais un engagement très clair du Gouvernement en ce sens. Il faut le dire explicitement, pas implicitement. Le Conseil d'État n'est que le Conseil d'État, c'est tout de même nous qui faisons la loi !

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Je partage cet avis. Certes, le Conseil d'État précise que les établissements d'enseignement privés ne sont pas concernés par les dispositions de l'article 1er, mais il recommande aussi « d'améliorer et de préciser l'étude d'impact pour qu'elle explique plus concrètement ce champ d'application. » Le doute est permis, puisque ces établissements font partie du service public de l'enseignement ! Nous avions déjà eu ce débat à propos des articles de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt qui concernaient l'enseignement agricole, qui est essentiellement privé mais qui relève du service public de l'enseignement. Il y a une ambiguïté qu'il faut lever.

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Personne ne dit que les établissements d'enseignement privés ne participent pas au service public ! En revanche, le code de l'éducation précise bien qu'ils ne sont pas soumis aux obligations de neutralité et de laïcité. Je pense donc que ces amendements sont superfétatoires.

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C'est ce que dit le code de l'éducation, certes, mais la loi dira aussi, si le présent texte est voté, que ces obligations s'appliquent aux organismes de droit privé chargés de l'exécution d'un service public, ce qui est exactement le cas des écoles de droit privé. Ces deux articles se télescopent, il faut vérifier assez vite et lever l'ambiguïté.

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Voilà un paradoxe qui va peut-être traverser tous nos débats. Pour certains de nos collègues, il faut tout faire pour réaffirmer les principes de la République, s'assurer de la neutralité des agents qui exécutent des missions de service public, défendre la jeunesse de toute emprise religieuse… mais surtout sans toucher aux établissements d'enseignement privé. Bref, vous êtes en train d'élaborer les conditions pour que des établissements qui accueillent 20 % de notre jeunesse puissent continuer à se passer de la neutralité. Ces exigences à géométrie variable n'aident pas à une claire compréhension de ce qu'est la laïcité. Je suis contre cet amendement, mais chacun devrait méditer la question. Franchement, vous voulez aller vérifier la neutralité partout, mais vous ne voyez aucun problème à ce que plus de 10 milliards d'euros d'argent public soient consacrés à des écoles qui autorisent la manifestation de signes d'appartenance religieuse, sans compter le scandale des documents pédagogiques homophobes qui a touché des établissements du côté de Bordeaux par exemple ! Il y a là un problème de fond qui est incompréhensible pour beaucoup de nos concitoyens et que je trouve préoccupant.

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Peut-être ai-je été un peu elliptique, pour aller plus vite, et je vais développer. Selon l'article L. 442-1 du code de l'éducation, « l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances, y ont accès. » En l'état, la rédaction de l'article 1er exclut les cas où la délégation de service public est confiée par un contrat, à l'exception de ceux relevant de la commande publique. Les établissements confessionnels sont donc exclus par nature : cela résulte du texte, pas de l'avis du Conseil d'État. Je maintiens mon avis défavorable.

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Gérald Darmanin, ministre

Madame Genevard, nous avons complété l'étude d'impact, comme l'avait demandé le Conseil d'État. Il est très clairement expliqué aux pages 33 et 34 que « Les établissements d'enseignement privé sous contrat sont également écartés de ce dispositif, en ce qu'ils ne ressortissent pas d'une catégorie homogène qui est automatiquement associée au service public. »

Monsieur Corbière, je ne vois pas d'incohérence. La grande différence entre les écoles sous contrat ou les ESPIC et les autres services publics, c'est que l'usager a le choix. Quand on veut aller à la mairie, il n'y en a qu'une, et la neutralité doit y être assurée. Mais parfois, par exemple pour l'enseignement confessionnel, on peut choisir en toute connaissance de cause un établissement différent, régi bien sûr par la loi. On peut donc vouloir la neutralité dans le service public et ne pas vouloir l'imposer dans les établissements privés confessionnels ou dans les ESPIC, puisque l'usager a le choix.

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Cette question fait débat depuis la loi Debré de 1959. Les dispositions que nous votons aujourd'hui peuvent soit éteindre, ou apaiser, le débat, soit le relancer. Je crois donc très important de clarifier les choses.

La loi Debré a consacré des exceptions à la loi de 1905, permettant à l'État de financer, par le biais de contrats d'association ou contrats simples, des établissements à vocation d'enseignement. Pourquoi l'étude d'impact, dont vous me dites qu'elle a été complétée, monsieur le ministre, donne-t-elle comme exemple certains hôpitaux ou certaines prisons, mais ne cite-t-elle pas les établissements d'enseignement privés ?

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Même si cela apparaît dans l'étude d'impact, je déposerai un amendement en séance publique pour que le Gouvernement puisse dire clairement les choses.

Les amendements sont retirés.

La commission examine l'amendement CS1525 de M. François Cormier-Bouligeon.

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Cet amendement est de cohérence.

L'obligation de neutralité s'applique aux agents de service public. La loi de 2004 l'a étendue aux élèves, à qui le port d'insignes religieux ostentatoires a été interdit, et elle s'applique sans problème. L'article 1er l'étend aux salariés des organismes de droit public et de droit privé délégataires d'une mission de service public. Je pense que nous y sommes tous favorables, mais il faudrait aller au bout de cette logique en demandant que l'État soit tout aussi exigeant à l'égard des administrations, où l'obligation de neutralité doit s'appliquer à tous ceux qui concourent à l'exécution d'une mission de service public, y compris les collaborateurs occasionnels. Peu importe leurs statuts puisque le critère qui prévaut est celui de la nature de la mission qui, en l'occurrence, peut être celle d'un juré dans une cour d'assise, d'un réserviste de la gendarmerie ou d'un accompagnateur de sortie scolaire, où l'acte éducatif se poursuit « hors les murs ». Tous les usagers du service public doivent avoir le droit de bénéficier de cette neutralité.

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Je vous ferai part une fois encore d'une analyse personnelle.

Selon l'étude réalisée en 2013 par le Conseil d'État à la demande du Défenseur des droits, la loi et la jurisprudence ne reconnaissent pas, entre l'agent public et l'usager, cette fameuse catégorie des « collaborateurs » occasionnels ou des participants qui pourrait être, en tant que telle, soumise à l'exigence de neutralité religieuse. Elle n'en existe certes pas moins mais, à mon sens, il ne faut pas se focaliser sur les accompagnatrices de sorties scolaires : y entrent également les participants à de très nombreuses commissions, les juges non professionnels, les jurés, les assesseurs de tribunaux pour enfants, les juges consulaires, les conseillers prudhommaux et les experts. Pour eux, des dispositions particulières existent, dont il est possible de tirer une obligation de neutralité qui, je le répète, n'est pas en tant que telle en vigueur.

À titre personnel, je considère toutefois qu'il importe de ne pas laisser d'angles morts et de corriger les conclusions de cette étude sur ce point. Cet amendement, comme d'autres à venir, permet de le faire au sein de l'article 1er qui, dans la lecture que j'en fais, l'autorise puisqu'il vise les « salariés ou les personnes sur lesquelles [l'organisme] exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction » même si, il est vrai, ces derniers s'appliquent – mais pas uniquement ? – à une relation de travail salarié : prêts de main-d'œuvre, intérimaires.

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Gérald Darmanin, ministre

Selon moi, cet amendement doit être repoussé pour trois raisons.

Juridique, tout d'abord : l'interdiction de toute expression d'une conviction religieuse par des mères de famille qui accompagnent les enfants lors des sorties scolaires supposerait une modification de la Constitution. Si nous procédions ainsi dans le cadre d'une loi ordinaire, certains se feraient peut-être plaisir mais nous serions censurés par le Conseil constitutionnel.

Ensuite, veut-on étendre le principe de la neutralité religieuse au-delà des personnes qui ont un contrat, qui sont rémunérées ou qui reçoivent un avantage de la part du service public ? La question ne manque pas d'intérêt, mais elle bouscule la notion de laïcité, qui repose à la fois sur la neutralité du service public, l'acceptation de la pluralité religieuse et la liberté de culte. Or, on doit pouvoir exprimer ses opinions, même religieuses, et pas seulement en paroles. De ce point de vue, interdire à ces personnes l'expression d'une conviction religieuse impliquerait de surcroît de l'interdire aux usagers du service public, ce qui est loin d'être un détail.

Enfin, si l'interdiction du port de signes religieux ou de vêtements ostensibles comme le voile est très largement justifiée à l'école – ou, sur la voie publique, le voile intégral, pour des raisons d'ordre public et pas de laïcité – c'est, comme l'ont souligné le Conseil constitutionnel, le législateur dans ses débats de 2004, M. Baroin dans son rapport, le Défenseur des droits de l'époque M. Dominique Baudis, et le Conseil d'État, parce que cela concerne des mineurs. Aujourd'hui, vous allez légiférer pour des personnes qui ne sont plus en construction et ont besoin de repères neutres, mais des adultes qui font un choix d'expression religieuse. Sans sous-estimer le problème, je ne considère pas que toutes les personnes voilées manifestent leur opposition à la République, ce qui relèverait de la caricature : je rappelle que la mère du militaire tué par Mohammed Merah porte le voile et qu'elle a été très récemment promue dans l'ordre de la Légion d'honneur par le Président de la République. Ni le Gouvernement ni moi‑même ne sommes favorables à la neutralisation religieuse complète de l'espace public.

La liberté s'arrête au respect de l'ordre public. Dans les cas qui nous préoccupent, est‑il troublé ? Selon le Conseil d'État, non, et si tel devait être le cas, la jurisprudence permettrait aux chefs d'établissement d'interdire les vêtements ostensibles.

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Je crains que l'argument du ministre sur la constitutionnalité soit à double détente : si un problème devait se poser pour les collaborateurs occasionnels, il se posera peut-être également pour la première catégorie visée par l'article 1er.

Nous devons absolument prendre garde au niveau auquel nous situons le débat : nous légiférons sur les principes et pas sur telle ou telle catégorie. La loi de 2004 a été présentée à tort comme une loi contre le voile, notamment à la une du Monde, alors qu'elle prohibe tous les signes religieux, quels qu'ils soient.

S'agissant des collaborateurs occasionnels du service public, sont visés autant la kippa du père de famille, la casquette « Avec Macron » de la grand-mère, le T-shirt « Ni Dieu ni maître » de l'oncle que le voile de la mère de famille. Si nous tombons dans le piège d'une catégorisation, nous stigmatisons une partie de la population alors même que nous voulons la protéger.

Enfin, dans le cas des accompagnateurs de sorties scolaires, l'usager du service public est à l'évidence mineur, les accompagnateurs concourant à l'exécution d'une mission de service public. Nous proposerons d'ailleurs par voie d'amendement une définition de cette catégorie de collaborateurs occasionnels du service public, qui n'en sont en aucun cas les usagers.

La loi de 2004, d'une certaine façon, a protégé les élèves contre eux-mêmes. Je propose ici d'étendre l'obligation de neutralité aux collaborateurs occasionnels afin de protéger les élèves, qui sont en pleine construction de soi.

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Un éminent constitutionnaliste, secrétaire général du Conseil constitutionnel pendant près de dix ans, me disait que le législateur intériorise un peu trop le risque constitutionnel : un texte comporte toujours des dispositions qui seront jugées inconstitutionnelles, or, plus il est audacieux et innovant, moins les censures seront nombreuses.

Lutter contre le séparatisme, c'est combattre tout ce qui menace l'unité du peuple français. Ne pensez-vous pas que cela mérite de courir le risque de l'inconstitutionnalité et, en cas de succès, d'atteindre ainsi le but que nous nous sommes fixés ?

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Nous ne parlons pas de « catégories » mais d'un régime de responsabilité défini par la jurisprudence administrative. Il n'est donc pas possible de se fonder sur les « collaborateurs » occasionnels ou non pour définir de nouvelles obligations.

De plus, la loi de 1905 est d'inspiration libérale, or, un régime qui interdirait le port de tout signe distinctif à qui concourrait au service public me paraîtrait contradictoire avec son esprit.

J'ajoute que les personnes qui participent à l'exercice d'un service public en tant qu'accompagnateurs dans une sortie scolaire ou en participant à des activités culturelles ou sportives sont précisément les meilleurs élèves de la République. Les en empêcher serait totalement contre-productif pour un texte qui vise, précisément, à lutter contre les séparatismes, et renverrait ces derniers à leur identité en favorisant ainsi le repli communautaire.

Enfin, heureusement que nous envisageons la possibilité d'une inconstitutionnalité ! Si tel n'était pas le cas, d'aucuns se feraient sans doute plaisir mais la loi serait censurée et nous serions tous accusés d'incompétence et d'amateurisme !

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Nous parlons beaucoup des accompagnatrices scolaires mais je prendrai l'exemple de personnes qui se lèvent le dimanche à six heures du matin pour accompagner en voiture des enfants qui jouent au football : faut-il qu'ils enlèvent le Saint‑Christophe de leur véhicule ? Si, dans le domaine sportif, la neutralité s'appliquera à l'entraîneur, je ne pense pas que ce sera le cas pour les parents accompagnateurs.

La notion de contrat permet de faire une distinction entre un entraîneur, même bénévole, qui relève de l'autorité de l' « organisme » dont il dépend, et une personne qui se propose simplement de donner un coup de main et, ainsi, contribue au vivre-ensemble républicain.

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Gérald Darmanin, ministre

Ce débat est important et ne doit pas être caricaturé en opposant d'immondes sectaires visant spécifiquement telle ou telle religion et des laxistes qui n'oseraient pas légiférer.

La laïcité suppose la neutralité du service public et la liberté de conscience. Toute la question est de savoir où l'on place le curseur : soit on considère que les accompagnatrices participent directement à une mission de service public et la neutralité doit leur être imposée, soit on considère que tel n'est pas le cas et que, comme tout un chacun, elles ont le droit d'exprimer des convictions, « même religieuses ».

La République n'a jamais jugé que les religions étaient incompatibles avec elle : bail emphytéotique administratif cultuel, déductions fiscales, écoles sous contrat et, parfois, constructions de lieux de cultes avec des deniers publics. Doit-on élargir le champ de la neutralité, quitte à limiter la pluralité religieuse ? Au point où nous en sommes, ne risque-t-on pas d'interdire au Grand-rabbin d'accompagner ses enfants lors d'une sortie scolaire s'ils sont dans une école publique, à moins qu'il ne retire sa kippa ? Même chose, mutatis mutandis, pour une tante qui serait religieuse et qui accompagnerait son neveu. Le dispositif qui est proposé n'exclut pas les ministres du culte et les religieux !

J'ai tiré de mon expérience de maire qu'autant il fallait être extrêmement dur dans la lutte contre le communautarisme et le séparatisme islamiste, qui passe notamment par le champ associatif et certains comportements, autant je ne suis pas certain que la première attaque séparatiste soit le fait de la maman accompagnant de façon occasionnelle et bénévole une sortie scolaire en portant un vêtement rappelant sa religion, surtout lorsque l'enfant est scolarisé dans une école publique. Lorsqu'on veut lutter contre la non-mixité, il faut savoir distinguer ce qui relève de la provocation. Mais porter un vêtement rappelant sa religion dans le cadre d'une sortie scolaire ne me semble pas être un acte séparatiste. Je respecte cependant ceux qui peuvent le penser. Une telle disposition obligerait une femme ou un homme religieux par vocation ou du fait de son métier à se dépouiller de son expression religieuse pour accompagner, dans une école publique, une sortie scolaire. Je ne suis pas certain que cela ferait avancer les choses.

Je le répète : notre sujet, c'est l'ordre public, la pluralité et la neutralité. Si celle-ci doit s'imposer à ceux qui sont payés par le service public et qui y concourent directement, il doit en aller différemment pour ceux qui ne le sont pas et qui ne lui sont pas liés par un contrat.

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La position exprimée par le ministre formera le cadre de la position du groupe La République en marche.

Je reviens sur la notion d'ordre public, sur la base duquel le voile intégral a été interdit par la loi. Dès qu'un problème qui en relève se pose, l'école peut toujours intervenir pour le rétablir.

Nous souhaitons permettre à des usagers d'accompagner une sortie scolaire. Je ne suis pas d'accord avec l'idée selon laquelle la loi de 2004 protégerait les élèves contre eux-mêmes : elle définit l'école comme un lieu d'apprentissage de la citoyenneté et de ses valeurs qui nécessite une neutralité, notamment religieuse, ce que les parents acceptent.

Il faut par conséquent établir une limite : les dispositions du projet de loi fixent ainsi de manière beaucoup plus claire le périmètre de l'obligation de neutralité, qui ne s'impose pas aux bénévoles, qui sont des usagers. C'est une très bonne chose.

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J'abonde dans le sens de notre collègue François Cormier‑Bouligeon.

En se plaçant du côté de l'usager, et donc de l'enfant, la question qui se pose est la suivante : souhaite-t-on que, dans le cadre par exemple de sorties scolaires, qui prolongent l'enseignement, lequel doit promouvoir les valeurs de la République en toute neutralité, cet enfant puisse subir de la part de certains accompagnants un prosélytisme religieux ? Un tel comportement ne relèverait-il pas du trouble à l'ordre public et du risque séparatiste ?

J'estime que les parents accompagnateurs, qui sont certes bénévoles, participent à l'encadrement des enfants et exercent donc une responsabilité dévolue par l'enseignant. Ainsi, ils exercent une mission de service public, dans le cadre d'un contrat de fait. Cela les oblige à respecter les règles du service public, dont le principe de neutralité.

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Nous parlons ici d'usagers – je vous renvoie à l'avis du Conseil d'État de 2013. La laïcité, c'est la neutralité de l'État et de ses agents, pas des citoyens : l'exiger de leur part relève d'un régime d'athéisme d'État contraire aux religions et qui n'a rien à voir avec elle. Or chaque fois que l'on a cherché à faire fermer les églises ou interdire les signes religieux, cela s'est toujours mal fini : soit, pour reprendre les mots d'Aristide Briand, l'imagination naît ailleurs pour trouver d'autres solutions, soit cette interdiction est vécue comme une oppression.

De quoi s'agit-il ici ? Des citoyens comblent, gentiment et bénévolement, une carence du service public car, sans parents accompagnateurs, le maître ou la maîtresse n'organisera pas de sortie. Il faut donc remercier ces parents. Ce sont souvent les mères, qui, parce qu'elles ne travaillent pas, se rendent disponibles. Il n'y a là aucun prosélytisme. Le seul qui existe s'exerce pour l'école publique : ces citoyens viennent en effet lui apporter leur aide.

Si vous trouvez cela insupportable, soit on doit désormais interdire les sorties scolaires, soit on doit rendre obligatoire l'embauche de personnels pour accompagner les enfants. Se situer hors de cette alternative me semble traduire une incompréhension totale de ce qu'est la laïcité. Le trouble à l'ordre public, c'est que le maître ou la maîtresse soit obligé de solliciter les parents ! Imaginez qu'un service de transport public tombe en panne et que des particuliers viennent gentiment avec leur voiture pour amener les gens à leur destination, allez-vous accepter que seuls ceux qui ne portent pas de signes religieux puissent le faire ? Ce serait absurde !

Arrêtons donc ce débat et, pour reprendre les mots du ministre, mettons fin à l'hypocrisie. Personne ici ne veut interdire aux parents de venir avec une kippa ou avec une croix. Vous ne visez ici qu'une seule religion : franchement, c'est blessant.

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Lors de son audition, M. Henri Peña-Ruiz nous a expliqué que tout cela venait du fait qu'on ne payait plus des gens pour accompagner les sorties scolaires. Or je n'ai jamais vu des fonctionnaires de l'éducation nationale ou des salariés communaux assurer cette mission.

M. le président de l'Association des maires de France a considéré quant à lui qu'il suffisait d'embaucher des gens. Or il proteste souvent, y compris dans cette enceinte, contre les charges supplémentaires que les décisions de l'État ou du législateur imposent aux communes !

On peut défendre tous les points de vue mais on ne peut pas dire que faire appel à des bénévoles constitue un recul du service public.

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Ma position a beaucoup évolué concernant ce vaste sujet. Au début, j'ai considéré qu'il n'y avait aucune raison d'exclure une mère de famille ayant confié ses enfants à l'école publique et répondant à une demande d'accompagnement des enseignants ni d'exiger d'elle qu'elle retire son voile à cette occasion, parce que la neutralité s'imposerait à elle.

Mais je constate depuis quelques années que les réseaux de l'islam radical investissent les écoles publiques à travers des associations de parents d'élèves dites indépendantes. Il ne faut ni ignorer ni nier ce mouvement prosélyte.

Cependant, si l'on exclut ces mères de famille, les représentants d'écoles hors contrat issues de l'islam radical auront beau jeu de leur dire : vous voyez, la République et l'école publique ne vous aiment pas, venez chez nous ! L'obligation de neutralité risque donc de remplir ces écoles.

Un autre argument me pousse à ne pas voter cet amendement : beaucoup de nos concitoyens de confession musulmane, comme les responsables des mosquées de ma circonscription, considèrent, à tort ou à raison, que cette loi est faite contre eux. Revenir sur le statut des femmes accompagnatrices, qui plus est à l'article 1er, leur enverra un signe le confirmant.

Charles de Courson m'a demandé si, à Sarcelles, les enfants de la communauté juive enlevaient leur kippa en entrant dans leur établissement. Mais il y a bien longtemps que les collèges publics ne les accueillent plus, tant pour des raisons religieuses que pour des raisons de sécurité. La question ne se pose plus parce qu'ils sont dans des établissements privés.

Si l'on ne veut pas envoyer de messages négatifs dès le début de l'examen de ce texte, il ne faut donc pas voter cet amendement.

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Ayant participé à de nombreuses sorties scolaires, je peux témoigner que la responsabilité en incombe d'abord aux enseignants : les parents volontaires ne sont là que pour accompagner. Il me paraît primordial de les associer le plus possible, notamment dans les zones difficiles, car cela permet aux enseignants de garder le contact avec eux, quand bien même ils seraient éloignés des valeurs de la République. Cela fait également partie des missions du service public et de l'éducation nationale.

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De par l'avis du Conseil d'État, les parents d'élèves sont d'abord des usagers du service public : lorsqu'ils visitent par exemple une exposition, ils ne la commentent pas. Ils ne participent pas à l'exécution d'une mission de service public.

Quelle est l'alternative ? Ne plus organiser de sorties scolaires ou dire aux enfants concernés : si vous voulez que vos mamans vous accompagnent, allez dans un établissement confessionnel ? Quelle leçon de liberté, d'égalité et de fraternité leur donnerions-nous alors ?

En fait, et comme nous l'ont dit les syndicats d'enseignants, grâce à l'avis du Conseil d'État et aux différentes lois votées, l'essentiel des difficultés se règle. Ferons-nous d'un enfant à qui l'on dit que sa mère – ou son père – est une imbécile qui n'a rien compris à la République un petit républicain ? Je n'en suis pas du tout convaincu.

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Je ne répondrai pas aux arguments d'opportunité politique car ils ne sont pas à la hauteur de notre débat. En outre, je fais confiance à l'intelligence de nos concitoyens et ne porte pas de regard paternaliste sur telle ou telle catégorie de la population que je ne veux pas infantiliser. Je m'en tiendrai aux principes.

Devons-nous placer chaque seconde de la vie de nos concitoyens sous une loi particulière, qui serait religieuse, ou existe-t-il des activités à l'occasion desquelles la neutralité doit l'emporter ? S'agissant du séparatisme, nous voulons leur indiquer que, quelles soient leurs convictions, ils doivent être neutres dans le cadre du service public.

Lors de son audition, la philosophe Catherine Kintzler a clairement distingué l'espace privé, l'espace public, où la pluralité l'emporte puisqu'il ne saurait être question d'athéisme d'État ou d'interdiction des religions, et l'espace du service public. De l'article 1er de la loi de 1905, qui établit la liberté absolue de conscience, découle celle de ne pas croire comme celle de croire.

Nous légiférons uniquement sur l'espace du service public et de ses missions, sphère pour laquelle nous demandons d'étendre la neutralité. L'amendement est très clair et répond, monsieur le ministre, à votre préoccupation.

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Pour un bénévole accompagnant une sortie scolaire, manifester de quelque façon que ce soit son opinion, même religieuse, est-il par nature le signe d'un repli communautaire et une manifestation séparatiste ? Je ne le crois pas. On ne peut pas dire : séparatisme égal signes religieux. Un tel amalgame pourrait s'avérer dangereux.

Quel est, en outre, l'espace de neutralité ? Quel est le lien entre le bénévole accompagnant scolaire et la mission de service public ? Il n'est ni monétaire, ni contractuel, ni hiérarchique. Cela n'entre pas dans le cadre de l'article 1er. En outre, dans le droit français, il n'existe pas de collaborateurs occasionnels du service public. Une telle notion n'est utilisée, en droit de la responsabilité, que dans un cas très particulier, en cas de dommages.

Avant de créer une nouvelle catégorie, examinons ce que l'on peut aujourd'hui imposer à celle des bénévoles accompagnants. En l'état du droit applicable, qui est d'ailleurs sanctionné par le juge, ils doivent, pour les nécessités de l'ordre public, s'abstenir de toute forme de prosélytisme et ne nuire en rien au bon fonctionnement du service public.

Si le législateur peut certes prendre à tout moment toute décision politique qu'il estime opportune, il s'agit d'un sujet qui peut diviser très profondément les Français dont certains, sans être ni séparatistes ni communautaristes, portent des signes religieux. Nous devons parfois considérer que nous ne devons surtout pas légiférer. Ayez sur ce point la prudence de ne pas le faire. Je suis donc défavorable à l'amendement.

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Gérald Darmanin, ministre

Le témoignage de M. Pupponi me paraît très intéressant : nous pouvons tous évoluer en fonction de notre expérience. En effet, il ne faut se montrer ni naïfs face aux provocations parfois organisées, ni insensibles au fait de repousser hors du champ public davantage de personnes.

Si l'on peut être gêné par le port du foulard dans la rue, par certains comportements, par l'usage fait par tel ou tel de la liberté d'expression, comme par les caricatures, même s'il faut les accepter, on n'est pour autant pas obligé de traduire de façon systématique, surtout en l'absence de trouble à l'ordre public, une telle gêne dans la loi. La pluralité religieuse revient d'abord à accepter l'altérité, ce qui n'équivaut pas à la neutralité.

Je reviens sur la notion d'espace. L'argument de M. Cormier-Bouligeon, qui sous-tend d'ailleurs le projet de loi, est bon : il existe en effet des endroits en France où l'on peut vivre à 100 % dans sa communauté, c'est-à-dire y naître, y être éduqué, y travailler, y consommer, s'y marier, y être soigné et y mourir. C'est du séparatisme et c'est l'ennemi de la République. Nous devons donner des espaces de neutralité dans des moments très marqués religieusement : nous pensons tous, évidemment, à l'islamisme. C'est d'ailleurs ce que la République a tenté de faire à la fin du XIXe siècle en tentant d'imposer des devoirs de neutralité à l'omniprésence du catholicisme.

Si nous ne nions pas qu'il faille lui ménager des espaces – les mairies, l'école publique, et maintenant le TGV –, où doit s'arrêter cette exigence de neutralité ? On ne peut pas nier que la pluralité religieuse, l'expression de son opinion, comme la possibilité de s'habiller comme on le souhaite, du moment que cela ne trouble pas l'ordre public, si elles peuvent nous gêner, font partie de la liberté de chacun.

Il manque quelque chose à notre débat qui feint de croire qu'il n'existe rien entre la neutralité religieuse et le prosélytisme. Au titre de la neutralité, on demande ainsi à un agent du service public de l'état-civil de la mairie de Tourcoing de ne pas montrer son opinion politique ou religieuse lorsqu'il reçoit un usager. Mais la maman qui porte le foulard, le papa juif qui porte la kippa font-ils du prosélytisme ? Le prosélytisme, c'est chercher à convaincre. Exprimer une opinion, que ce soit en portant une casquette marquée Macron ou un T-shirt affichant le nom de Ciotti, ne revient pas forcément à faire du prosélytisme et à vouloir convaincre.

Il est évident que l'on doit interdire tout prosélytisme aux accompagnateurs de sortie scolaire, mais je ne pense pas que le fait de porter un foulard ou une kippa en soit. Porter un vêtement peut montrer un attachement à sa religion, et toute personne en démocratie a le droit de faire montre de son opinion religieuse. Ce n'est pas du prosélytisme pour autant. Je ne nie pas qu'il existe, comme l'a montré François Pupponi, des calculs et une « empreinte » communautaristes, mais cela ne doit pas l'emporter sur la nécessaire liberté religieuse.

En 1989, le débat sur le port du voile n'a pas porté sur les agents du service public – dont il était évident qu'ils devaient rester neutres – mais sur les élèves. On entendait protéger ces mineures contre elles-mêmes, considérant qu'elles étaient en construction et qu'elles devaient, pour cela, pouvoir évoluer dans un espace neutre.

On n'a jamais considéré que la religion empêchait de faire de bons citoyens – il n'a pas été proposé de supprimer l'école confessionnelle. Permettez-moi, sans esprit de provocation, de souligner l'incohérence qu'il peut y avoir, chez certains députés du groupe LR, à vouloir absolument introduire la neutralité religieuse à l'école – et l'imposer aux parents accompagnateurs de sortie scolaire –, tout en combattant les dispositions qui visent à limiter l'instruction à domicile, au motif que chacun est libre d'élever ses enfants comme il l'entend.

La commission rejette l'amendement CS1525.

La séance est levée à minuit cinquante.

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République

Réunion du lundi 18 janvier 2021 à 21 heures 30

Présents. – Mme Caroline Abadie, Mme Stéphanie Atger, Mme Laetitia Avia, Mme Géraldine Bannier, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Benassaya, Mme Anne-Laure Blin, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Émilie Chalas, M. Francis Chouat, M. Éric Ciotti, Mme Fabienne Colboc, M. Alexis Corbière, M. François Cormier‑Bouligeon, M. Charles de Courson, M. Éric Diard, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré‑Chirat, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Isabelle Florennes, Mme Annie Genevard, Mme Perrine Goulet, Mme Florence Granjus, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Pierre Henriet, M. Sacha Houlié, Mme Anne-Christine Lang, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, M. Olivier Marleix, M. Ludovic Mendes, M. Jean-Baptiste Moreau, Mme Valérie Oppelt, M. Frédéric Petit, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. François Pupponi, M. Bruno Questel, M. Julien Ravier, Mme Laurianne Rossi, M. Thomas Rudigoz, M. François de Rugy, Mme Cécile Untermaier, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vichnievsky, M. Philippe Vigier, M. Guillaume Vuilletet

Assistaient également à la réunion. - M. Jacques Marilossian, Mme Emmanuelle Ménard, Mme Stéphanie Rist