Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie et le projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie

Réunion du lundi 8 juin 2020 à 16h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LES PROJETS DE LOI RELATIFS A LA DETTE SOCIALE ET A L'AUTONOMIE

Lundi 8 juin 2020

La séance est ouverte à seize heures vingt.

La commission spéciale procède à l'audition de M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé sur l'examen des projets de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie.

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Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

Alors qu'il y a encore quelques mois, nous attendions le fameux retour à l'équilibre de nos comptes sociaux, la disparition de la fameuse dette de la sécurité sociale, que nous étions même sur le point de fermer la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) après vingt-huit ans d'existence, la crise marque un tournant et la reconstitution, au moins temporaire, de déficits importants. Comme vous, je le regrette. Il est encore proche le temps où, comme rapporteur général de la commission des affaires sociales, j'avais œuvré à ce retour à l'équilibre.

Pourquoi une reprise de dette maintenant ? Parce qu'il est indispensable d'assurer le financement de la sécurité sociale. La trésorerie de la sécurité sociale est gérée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) avec une contrainte sur la maturité des emprunts qui ne peuvent excéder douze mois. Cette trésorerie, grevée par 30 milliards d'euros de déficit passé, a été soumise à de très fortes tensions du fait des mesures instaurées pendant la crise.

Pourquoi la CADES ? La question du cantonnement de la dette créée par la crise du covid-19 à la sécurité sociale est une vraie question dont les économistes débattent à juste titre et pour laquelle l'échelon approprié est probablement européen. Mais il faut agir vite, et à ce stade la solution défendue dans ce projet de loi est la meilleure qui soit. C'est aussi respecter les principes de 1996 selon lesquels la dette sociale est gérée vertueusement et apurée au principal. Dans ce contexte d'urgence, il n'est pas bon de revenir sur les principes, ce qui ne devra pas nous empêcher d'en faire le bilan.

Pourquoi 136 milliards d'euros ? Seul un transfert important peut permettre à la CADES des placements à horizon long, ceux qui sont les plus sécurisants. Seule cette reprise nous protégera contre le risque de devoir décaler un jour le paiement des prestations par manque de financement. Et ne perdons pas de vue que l'hôpital, mis à assez rude épreuve ces dernières semaines et ces derniers mois, trouvera dans cette reprise de dette de l'air, de la visibilité, sans préjuger des conclusions prochaines du « Ségur de la santé ». Enfin, même en cas de rebond de l'économie, les déficits à venir sont inéluctables. Ce que propose ce texte, c'est une opération de bonne gestion de la sécurité sociale dans une période difficile. Concrètement, cela veut dire que nous devons prolonger la durée pendant laquelle nous mobilisons des recettes pour rembourser la dette pour neuf années supplémentaires, de 2024 à 2033. C'est un acte de responsabilité pour ne pas laisser notre système social s'endetter sans limite, et en garantir la pérennité pour nos enfants. Mais à l'occasion de cet engagement, nous posons la première pierre d'une réforme très attendue et maintes fois annoncée par le passé : celui de la perte d'autonomie.

Le texte prépare la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale pour couvrir nos concitoyens contre le risque de perte d'autonomie, sachant qu'en 2040 près de 15 % des Français, soit 10,6 millions de personnes, auront 75 ans ou plus, soit deux fois plus qu'aujourd'hui. La création d'une cinquième branche est probablement la plus belle chose que puisse annoncer un ministre des solidarités et de la santé.

Nous sommes tous attachés à la sécurité sociale parce que c'est un trésor national. Pendant cette crise épidémique, la sécurité sociale aura joué son rôle plein et entier d'amortisseur. Face aux incertitudes de l'avenir, la protection sociale est plus que jamais un cadre de référence et de stabilité. Il faut s'armer pour affronter le présent et l'avenir, sinon avec optimisme au moins avec confiance. Depuis trop longtemps, nous sommes un peu comme le funambule sur la corde raide à osciller entre d'un côté des contraintes budgétaires qui limitent nos marges de manœuvre et de l'autre des risques nouveaux qui apparaissent dans des proportions massives. Ce projet de loi porte l'ambition d'augmenter ces marges de manœuvre et de regarder en face la société française dans ce qu'elle est devenue, et dans ce qu'elle est tout court. Ce texte peut sembler technique, mais en réalité il est audacieux et responsable, c'est-à-dire réaliste dans les objectifs qu'il fixe et exigeant dans les enjeux immenses qu'il affronte.

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Monsieur le ministre, vous proposez de repousser le plafond de l'extinction de la dette sociale à 2033, soit huit ans après la date prévue lors du dernier transfert de dettes. Ce nouveau report pourrait donner l'impression d'une dette sociale que l'on ne parviendrait jamais à rembourser. Je souhaite m'inscrire en faux contre cette idée. La gestion de la crise épidémique nous a placés dans une situation impossible et il est juste que les finances sociales prennent toute leur part dans la résilience de notre pays. Nous devrions d'ailleurs collectivement nous réjouir de la solidité tant de l'ACOSS que de la CADES qui ont permis au régime de base de la sécurité sociale de continuer à assurer leur service public de versement des prestations.

Dans la perspective d'un retour plus rapide qu'anticipé à l'équilibre des finances sociales dans les années qui viennent, pouvez-vous nous confirmer que la date de 2033 n'est bien qu'un plafond et que si les conditions financières de la sécurité sociale nous le permettent, nous pourrons anticiper l'extinction de la dette sociale, libérant ainsi plus tôt que prévu des ressources affectées à son amortissement ?

La consécration actuelle ou après la concertation en cours d'une cinquième branche au sens propre – création inédite depuis 1945 – pourra s'appuyer sur une nouvelle annexe retraçant l'effort de la nation en faveur de l'aide à l'autonomie sur les exercices passés, présents et futurs. Comment pensez-vous qu'il soit possible d'éclairer au mieux les parlementaires que nous sommes, et à travers nous les citoyens à ce sujet ? Pouvez-vous nous assurer que l'annexe sera transmise aux parlementaires dans un délai compatible avec l'examen du projet de loi ? Compte tenu de la complexité du financement dans le champ de l'autonomie, les dépenses consacrées aux personnes âgées dépendantes ou pour les personnes en situation de handicap devront être distinguées et précisément identifiées dans des sous-objectifs de la nouvelle branche.

S'agissant plus généralement du cadre organique que nous nous aménageons en vue de ce double enjeu de la dette et de l'autonomie, envisagez-vous que nous remettions l'ouvrage organique sur le métier bientôt ? Je pense notamment aux conséquences à tirer du rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), présidé par Dominique Libault, pour améliorer l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) intégrant le champ des dépenses des régimes complémentaires de retraite ou d'assurance chômage pour permettre une vue globale sur l'ensemble des dépenses.

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J'aborderai un certain nombre de points avec ma double « casquette » de rapporteur du projet de loi ordinaire et de rapporteur général de la commission des affaires sociales, mission que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

À hauteur de 136 milliards d'euros, le montant de la reprise de la dette est historique. La seule comparaison possible nous renvoie à la crise de 2008 qui s'était soldée par une reprise de 130 milliards d'euros. Elle se compose d'un montant de 31 milliards d'euros pour solde de tout compte, si j'ose dire, concernant les déficits portés par l'ACOSS jusqu'en 2019. De la même manière, la reprise du tiers de la dette des établissements assurant un service public hospitalier est évaluée à 13 milliards d'euros. La majeure partie de la dette est donc composée de 92 milliards d'euros pour la couverture des déficits prévisionnels jusqu'en 2023. Le ministre de l'action et des comptes publics a annoncé devant l'Assemblée nationale un déficit des comptes sociaux à hauteur de 52,2 milliards d'euros pour l'année 2020, en hausse de 10 milliards d'euros par rapport aux prévisions sur lesquelles se fonde le projet de loi. Ces 10 milliards supplémentaires peuvent-ils être de nature à modifier le montant des prévisions de couverture des déficits futurs jusqu'en 2023 ?

Vous menez les travaux du « Ségur de la santé » en vue d'améliorer les conditions de travail des soignants et la modernisation de l'équipement de nos hôpitaux publics. Les mesures qui seront prises à l'issue de cette concertation appelleront vraisemblablement un financement supplémentaire de la sécurité sociale. Ces mesures sont-elles intégrées au moins de manière conventionnelle dans l'hypothèse de solde que vous avez retenue pour la période 2020-2023 ? Serez-vous en mesure de nous en présenter le détail lors de l'examen du prochain PLFSS ?

Le plan d'urgence pour l'hôpital public prévoyait dès le mois de novembre une reprise d'un tiers de la dette des établissements publics hospitaliers. Cette reprise, inscrite ici à hauteur de 13 milliards d'euros, offrira un bol d'air aux finances de nos établissements. C'est un enjeu crucial pour leur modernisation et les futurs enjeux de santé publique. Quels doivent être les critères qui présideront à la répartition de cette reprise entre les hôpitaux eux-mêmes afin que celle-ci soit la plus juste possible ?

L'autre enjeu de ce texte, c'est bien sûr la question de la création d'une cinquième branche en faveur de la prise en charge de l'autonomie. Vous proposez la remise d'un rapport d'ici au mois de septembre, en lien avec une concertation avec les partenaires sociaux afin d'évaluer l'opportunité de la création d'une nouvelle branche ou d'un nouveau risque. La réflexion sur la création de cette branche doit-elle emporter une réflexion nouvelle sur le champ des recettes affectées à la prise en charge de l'autonomie ?

Le projet de loi augmente déjà significativement l'effort de nos finances publiques en faveur de l'autonomie, avec 2,3 milliards d'euros par an à partir de 2024. Cet investissement en direction de nos aînés et des personnes handicapées témoigne de l'attention du Gouvernement à ce sujet après la concertation « Grand âge et autonomie » menée par Dominique Libault. Nous sommes nombreux ici à être particulièrement attachés à une prise en charge adéquate des plus fragiles d'entre nous. Quels sont les postes de dépenses auxquels pourrait être prioritairement affectée la recette supplémentaire que vous proposez ?

Ce texte est porteur d'équilibres financiers délicats tant en ce qui concerne le montant de la dette qui est transféré que l'évolution des recettes affectées à son remboursement. En tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, j'aurai à cœur de préserver ces équilibres afin de n'obérer ni notre capacité à investir aujourd'hui dans notre protection sociale, ni celle des générations futures.

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La crise sanitaire a mis notre système de sécurité sociale à rude épreuve, mais elle a également démontré sa forte capacité d'adaptation. Toutefois plusieurs failles ont été amplifiées en ce qui concerne les moyens matériels et humains. En effet, la sécurité sociale a été, aux côtés de l'État, en première ligne pour soigner et accompagner les Françaises et les Français touchés de plein fouet par cette crise. Je pense avant tout à la mobilisation générale des professionnels du soin et de l'accompagnement en établissement, en ville, à domicile, et à l'ensemble des organisations sanitaires, médico-sociales et sociales de notre pays. Je souhaite, en notre nom à tous, remercier toutes celles et tous ceux qui nous soignent et nous protègent au quotidien.

L'activité partielle pour plus de 10 millions de salariés et le report d'échéances de cotisations ont permis de limiter significativement les effets dommageables de la crise pour les Français et pour les entreprises. Mais moins de recettes et plus de dépenses conduisent mécaniquement à un creusement du déficit de la sécurité sociale porté, selon les estimations, à 52 milliards d'euros en 2020, donc à une aggravation de son niveau de dette. L'objectif d'équilibre de la sécurité sociale à moyen terme est un principe cardinal des finances publiques et son respect est garanti par la CADES dont l'extinction est à ce jour prévue au 31 décembre 2024.

Le transfert d'une dette supplémentaire d'un montant de 136 milliards d'euros à la CADES permettra de redonner à l'ACOSS des marges de manœuvre dans la gestion de la trésorerie de la sécurité sociale, La contrepartie de ce nouveau transfert est l'allongement de la durée jusqu'au 31 décembre 2033.

La crise sanitaire a également mis en exergue une problématique identifiée de longue date, celle des moyens dévolus aux politiques de santé du grand âge et de la perte d'autonomie. Elle doit être posée dès maintenant dans la perspective du « Ségur de la santé » et d'une réforme en profondeur du secteur du grand âge et de l'autonomie.

Nos aînés ont été particulièrement touchés par la crise sanitaire en tant que public fragile. Ils ont souffert non seulement directement du virus, mais aussi de l'isolement qui leur a été imposé. Les personnes âgées demandent une pluralité d'accompagnement et de prise en charge pour leur permettre d'adapter leur choix de vie à leur perte d'autonomie.

Face à ce phénomène, les professionnels de ce secteur sont en souffrance. Ils sont en nombre insuffisant et ces métiers sont souvent mal payés avec des horaires très contraignants, difficiles tant physiquement que psychologiquement. Nous connaissons cette réalité par notre ancrage sur le terrain. Il n'est plus possible d'attendre. Nous devons collectivement trouver des solutions pour répondre à ce secteur dont la demande est légitime et urgente. Comment organiser au niveau de la solidarité nationale la prise en charge de la perte d'autonomie et la dépendance des personnes âgées ? Comment accorder un financement suffisant à cette priorité, aujourd'hui sous-financée ? Les deux projets de loi ont pour ambition de répondre à ces questions.

La création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, explicitement dédiée à la perte d'autonomie et à la dépendance des personnes âgées, est une priorité et son esquisse dans les textes représente une avancée considérable, historique même, que je salue au nom du groupe La République en Marche et à titre personnel. Seule cette nouvelle branche permettra une lisibilité suffisante à une vraie politique en la matière. Il nous importe à ce titre d'acter dès maintenant dans la loi la création d'une cinquième branche. Cette cinquième branche n'apportera une réponse à la question de la dépendance que si elle est dotée de moyens suffisants. C'est pourquoi l'affectation d'une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) à cette branche prévue par le texte à partir de 2024 est nécessaire.

D'ici à 2024, et parce que le financement de cette politique publique prioritaire pour la majorité parlementaire ne peut plus attendre, les modalités de financement de cette cinquième branche seront au cœur des débats de l'automne budgétaire 2020. La majorité s'engage à y veiller fermement et demande d'ores et déjà au Gouvernement de préciser ses intentions en termes d'ambition politique, budgétaire et de calendrier.

Ces textes témoignent de la volonté du Gouvernement d'assurer la soutenabilité de notre système de sécurité sociale et de répondre à la question plus qu'urgente de la prise en charge de la perte d'autonomie et de la dépendance. Nous soutenons cette proposition avec engagement et exigence.

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Conçu en 1945, dans une période difficile, notre système de protection sociale a toujours su s'adapter aux réalités du temps et faire face aux exigences d'un financement qui n'a qu'un seul but : accompagner chacun dans les étapes de sa vie.

La crise sanitaire a un lourd impact sur les finances sociales, avec une forte détérioration de la masse salariale qui constitue la principale assiette des contributions sociales, et en raison des reports de paiement des cotisations sociales qui sont indispensables pour soutenir les entreprises en difficulté. Dans le même temps, la crise a conduit à une augmentation des dépenses de l'assurance maladie. L'ACOSS doit faire face à un financement supplémentaire important qui va s'accroître encore dans les années qui viennent, avec une augmentation de la dette des régimes obligatoires.

Vous proposez que la dette présente et à venir soit amortie par la CADES, dont la capacité à emprunter dans des bonnes conditions sur les marchés est connue. On peut toutefois s'interroger sur la sincérité budgétaire puisque la date de 2033 repose sur des hypothèses macroéconomiques fragiles dans un contexte bien incertain. Personne ne peut prédire quel sera, dans les années à venir, l'état du marché du travail et des cotisations. On peut aussi s'interroger, comme vous l'avez fait, monsieur le ministre, lorsque vous étiez rapporteur général, sur le manque de compensations dues par l'État à la sécurité sociale, celles du coût de la désocialisation des heures supplémentaires à laquelle nous sommes favorables comme des mesures d'urgence économique et sociale, dites mesures « gilets jaunes ». Alors que les branches de la sécurité sociale ont fait des efforts sans précédent pour redresser les comptes, le Gouvernement n'en tient pas compte et ne prend aucun engagement quant à des économies sur le budget de l'État. Il fait donc reposer une part massive de la dette sur la CADES.

La reprise de la dette des hôpitaux ne devrait-elle pas être assumée par l'État plutôt que financée par la CADES, donc par les contributions des Français ? Son transfert pourrait faire au moins l'objet d'un débat plus large sur une réforme globale du financement des établissements de santé. Comment ne pas craindre que les dettes d'autres structures puissent par la suite être mises sous le tapis de la même manière ?

Vous ne prévoyez le financement de la dépendance qu'en 2024, comme si les besoins n'étaient pas urgents. Il est basé sur une réduction de la part de CSG affectée à la CADES plutôt que sur une part accrue de CSG dédiée à ce sujet. Ne faut-il pas un financement beaucoup plus ambitieux ?

Pouvez-vous nous donner une vision claire de cette cinquième branche ? Vous prévoyez dans la loi organique l'adaptation des PLFSS pour suivre la dépendance, tandis qu'avec l'article 4 de la loi ordinaire vous renvoyez cela à un rapport ultérieur au Parlement. N'y a-t-il pas un problème de méthode ?

Vous proposez de discuter des financements de manière dispersée : maintenant, plus tard dans le PLFSS, puis dans la loi sur la dépendance. Nous voulons connaître et discuter d'un projet dépendance dont nous connaîtrions véritablement les objectifs, les moyens, le calendrier. Nous souhaitons que le financement de la dépendance débute dès 2021 sans attendre 2 024 et soit à la hauteur de l'enjeu, nous voulons que l'État assume la compensation des exonérations, des allégements de cotisations et/ou de la reprise de la dette des hôpitaux. À défaut, nous proposons que soit envisagé un remboursement de la dette sociale sur une durée plus longue, jusqu'à 2034, afin de pouvoir assurer de 2021 à 2024 le financement de la dépendance qui pèsera tôt ou tard sur les finances sociales. Si ces demandes ne sont pas prises en compte, les deux textes de loi ressembleront plus à un chèque en blanc fondé sur de la dette plutôt que sur un plan de financement sérieux, tant dans son calendrier que dans son ambition. Nous ne pourrions alors pas vous suivre, d'autant que la cinquième branche apparaît comme un choix sans que d'autres options soit discutées dans le cadre de cette loi organique. L'ajout d'une cinquième branche aux quatre branches de la sécurité sociale mérite le débat. On voit la distinction assez artificielle entre maladie et dépendance induite par la création d'un cinquième risque, et on sait que la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a permis d'extérioriser la gestion du risque sans problème majeur au niveau national.

Quant aux besoins de financement supplémentaire, ils s'élèvent à 4,5 milliards d'euros pour aller jusqu'à plus de 9 milliards d'euros en 2030, cela s'ajoutant aux 30 milliards que représente actuellement le financement de la dépendance – de l'autonomie devrais-je dire plus justement car cette période de la vie doit être considérée de manière positive. Le parcours de nos aînés mérite d'être valorisé dans le respect de chacun, tant à travers l'accueil en établissement que le maintien à domicile. Je suis convaincu que vous entendez les attentes des familles, notamment sur la question du reste à charge et celles des personnels. Toutes ces attentes doivent être prises en compte le plus rapidement possible. C'est un véritable défi que nous devons relever.

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Les projets de loi organique et ordinaire traitent de sujets éminemment importants pour l'avenir à court, moyen et long termes de notre système de sécurité sociale. À crise exceptionnelle, mesures exceptionnelles, moyens financiers exceptionnels, dette exceptionnelle à financer.

Nous sommes conscients de l'impérieuse nécessité de procéder au transfert de 136 milliards d'euros à la CADES et d'acter de fait la prolongation de sa durée jusqu'en 2033. Ces montants colossaux montrent à quel point la crise sanitaire a mis à mal les comptes de la nation, et plus particulièrement les comptes sociaux. Néanmoins, l'accroissement des dépenses qui engendre le creusement de la dette sociale est indispensable, et a permis de maintenir à flot notre système de santé et notre système social sollicités de manière inédite dans l'histoire de notre pays. Cette reprise de dette va nous permettre de couvrir les déficits passés et à venir de la sécurité sociale générés par la crise, mais aussi de concrétiser l'engagement du Gouvernement de prendre à sa charge une partie de la dette des établissements de santé. Nous nous félicitons que cette mesure figure dans le projet de loi ordinaire. Toutefois, les modalités d'utilisation des 13 milliards d'euros prévus, notamment en matière d'échéancier, doivent être précisées.

Si ces textes présentent un aspect très technique et financier, ils contiennent des mesures d'une grande humanité qui ouvrent la voie à une réforme que nous attendons tous sur l'accompagnement du grand âge et ils traduisent la volonté du Gouvernement de mener les travaux conduisant à la création d'un risque spécifique lié à la perte d'autonomie.

Le groupe du Mouvement Démocrate salue ainsi les mesures visant à renforcer l'information du Gouvernement sur les moyens alloués à la prise en charge de la perte d'autonomie via la création d'une annexe spécifique dans le PLFSS, d'affecter un financement dédié à la prise en charge de la perte d'autonomie dès 2024, d'anticiper les conséquences de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale pour les futurs PLFSS. Nous nous réjouissons de ces mesures, mais ne pourrait-on pas aller encore un peu plus loin ?

La crise a permis de révéler les faiblesses et les fragilités de notre société et de notre système. Nous avons tous constaté que ce sont les personnes âgées et l'ensemble des personnels et des structures qui sont à leur service qui ont été le plus touchés. L'épisode que nous traversons doit permettre à la représentation nationale de compléter ce qui n'a pu être fait par nos prédécesseurs en 1945. Il est vrai qu'à l'époque l'espérance de vie étant de 67 ans, la prise en charge du grand âge ne se posait pas. Nous le savons, il est toujours difficile de réformer en période calme. Cette crise donne le devoir à notre génération de créer cette cinquième branche. Je suis heureux qu'on puisse le faire aujourd'hui. Je formule le vœu que, comme cela fut le cas en 1945 avec le Conseil national de la Résistance, qui représentait l'ensemble des groupes, des communistes aux gaullistes, cette commission adopte à l'unanimité les amendements visant à prendre acte de la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée exclusivement à la prise en charge de la perte d'autonomie. Nous devons adresser dès à présent un signal fort et accélérer ensuite son déploiement. Il ressort des auditions un consensus pour la mise en œuvre d'une branche spécifique, condition sine qua non pour l'organisation de l'environnement, la prévention d'autonomie et la prise en charge de la dépendance.

Pouvez-vous présenter la stratégie du Gouvernement, nous confirmer qu'un projet de loi spécifique est prévu et indiquer le calendrier de son examen ? Il est important de disposer d'une feuille de route claire et précise pour satisfaire l'ambition que nous partageons tous de mieux prévenir l'autonomie et accompagner la dépendance. Sachez que vous pourrez compter sur les parlementaires du groupe du MoDem qui se sont investis et souhaitent continuer à s'investir à vos côtés dans cette réforme qui ne peut plus être retardée.

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Nous engageons l'examen de ces textes dans un débat parlementaire qui n'en sera pas véritablement un, puisque votre décision est prise. Vous la qualifiez de « meilleure qui soit », en dépit des débats qui animent la communauté des économistes. Le résultat est connu d'avance : vous allez transférer 136 milliards d'euros à la CADES, mettant ainsi un terme prématuré au débat sur la façon de traiter la dette créée par la crise en cours, dont la nature particulière pouvait justifier un traitement spécifique.

Le Gouvernement a donc décidé de faire comme avant, en niant la spécificité de cette dette. Vous avez du moins l'avantage de la constance puisque, depuis le début du quinquennat, vous avez fait le choix de ne pas distinguer le périmètre du budget de l'État de celui de la sécurité sociale. Il y a peu, vous aviez d'ailleurs décidé de ne plus compenser les exonérations de cotisations sociales.

Cette dette n'est toutefois pas liée à un déséquilibre structurel du régime de sécurité sociale, mais à des décisions de l'État pour faire face à une crise conjoncturelle. Ce sont bien des décisions de l'État, que nous ne contestons pas sur le fond, mais qui ont eu des conséquences sur les dépenses comme sur les recettes de la sécurité sociale et de l'UNEDIC.

Comme le suggérait le HCFiPS, le Gouvernement aurait pu – et, à notre sens, aurait dû – décider de prendre à son compte le déficit exceptionnel créé par la crise. Cette solution présentait plusieurs avantages.

Le premier tient au fait que l'État emprunte à des conditions plus favorables que les agences sociales, avec un écart de taux qui varie entre 0,1 et 0,3 point. Il y a quelques jours, le Gouvernement semble avoir refusé un prêt de trésorerie à l'Association générale des institutions de retraite des cadres et à l'Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARRCO), prêt que l'ACOSS aurait refinancé sur les marchés de court terme. Elles ont donc dû recourir aux banques, et payer un swap qu'elles auraient pu éviter si l'État avait pris ce prêt à son compte.

Le second avantage tient à la nature même des dettes et aux conséquences qu'elles emportent. Depuis 1996, la dette sociale fait l'objet d'un amortissement, donc d'un remboursement intégral, intérêts et capital, et doit tendre vers zéro. La dette de l'État, en revanche, est gérée à très long terme. L'État n'en supporte que les intérêts, et réemprunte indéfiniment le principal, ce qui revient à « faire rouler la dette ». Le débat porte en général sur le niveau de la dette, sur son caractère supportable ou excessif, non sur son extinction.

A contrario, votre choix nous fait craindre que vous hypothéquiez les dépenses sociales et réduisiez les marges de manœuvre, au moment même où s'ouvre le « Ségur de la santé » et où le Gouvernement annonce qu'il veut investir dans l'hôpital et le grand âge. Alors que le coût annuel de la dette liée au covid-19 supportée par l'État serait d'un peu moins de 1,5 milliard d'euros par an, correspondant aux intérêts, le transfert de cette dette à la CADES, qui devait s'éteindre en 2024, prive la politique sociale de la nation d'une dizaine de milliards d'euros par an de CSG, de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) et de cotisations chômage, jusqu'en 2033.

La meilleure des preuves est l'impasse de votre projet, puisque vous n'accordez qu'une fraction de CSG à la CNSA. Ces 2,3 milliards d'euros sont bien insuffisants par rapport à ce qu'évaluait le rapport Libault, et le transfert, bien tardif.

Vous choisissez de rembourser la dette plutôt que de satisfaire les besoins sociaux, de vous priver de tout financement alternatif, qu'il soit de nature monétaire ou qu'il résulte d'une fiscalité dédiée, et de faire payer les Français proportionnellement à leurs revenus, sans prendre en compte leurs facultés contributives, puisque, contrairement à notre proposition, vous avez décidé de ne demander aucun effort supplémentaire aux plus riches, comme les circonstances le commandaient.

Comme nombre de caisses que nous avons consultées, de partenaires sociaux, de Françaises et de Français, d'économistes, nous pensons qu'en dépit de ce que vous affirmez, le choix que vous faites n'est pas le meilleur qui soit.

S'agissant de la création d'une cinquième branche, nous ne pouvons que nous réjouir que la perte d'autonomie soit enfin prise en compte, même si nous ne connaissons aujourd'hui ni ce que seront ses moyens ni la politique publique sur laquelle elle s'appuiera. Nous veillerons à ce que son ambition soit à la hauteur du choc anthropologique que nous avons vécu à l'occasion de cette crise. Pour l'heure, il ne s'agit que d'une annonce, comme vous aviez annoncé une grande loi sur la dépendance, pour décembre. L'idée qu'il n'est plus possible d'attendre pourra du moins nous rassembler.

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Monsieur le ministre, vous avez indiqué que les deux projets de loi poursuivent un double objectif. Le premier vise à répondre en urgence à la crise exceptionnelle que nous connaissons, laquelle a fortement dégradé la situation financière de l'ACOSS, et remet en question le financement à terme de notre système de sécurité. Le second objectif réside dans la préfiguration d'une cinquième branche de la sécurité sociale, chargée de financer la problématique de la dépendance, dont vous indiquiez qu'il s'agit d'un choc démographique à venir voire d'un enjeu civilisationnel, car de nombreux pays y sont confrontés.

À la différence de la dette de l'État, la dette sociale ne peut être pérenne car les assurés sociaux ont besoin de confiance dans la viabilité du système de protection sociale. Le principe d'équilibre entre recettes et dépenses doit rester la norme.

Notre groupe accueille ces textes avec un a priori favorable, même si certaines interrogations subsistent, sur lesquelles nous aurons besoin d'éclaircissements.

Le projet de loi ordinaire prévoit de transférer 136 milliards d'euros à la CADES, un montant qui rassemble plusieurs types de déficits ne répondant pas tous aux mêmes logiques. Le transfert répond en premier lieu à la nécessité de soulager le financement de l'ACOSS, très sollicitée en raison de la crise. Le même mécanisme de transfert de dettes de l'ACOSS à la CADES avait d'ailleurs été mis en place après la crise de 2010, dans un délai plus long car l'ACOSS n'avait pas connu les mêmes tensions de financement. Le déficit de la sécurité sociale s'élevait à l'époque à 27 milliards d'euros.

Le montant à transférer nous interroge. L'étude d'impact estimait le déficit de la sécurité sociale pour 2020 à 41 milliards d'euros, un montant loin d'être stabilisé, qui a été réévalué la semaine dernière à 52 milliards d'euros. On peut donc craindre que le chiffre de 92 milliards d'euros repris par la CADES au titre des exercices 2020 à 2023 soit sous-évalué, si la situation de l'économie et de l'emploi ne se rétablissait pas prochainement, comme chacun le souhaite.

Quelle sera par ailleurs la capacité de la CADES à amortir ces 136 milliards dans le nouveau délai qui lui est imparti ? D'après l'étude d'impact, cette capacité se fonde sur des perspectives de croissance des recettes de CSG et de CRDS de près de 2 % par an, en moyenne, entre 2022 et 2033, ce qui reste hautement hypothétique.

Pour ce qui concerne la reprise d'un tiers de la dette des hôpitaux, qui représente 13 milliards d'euros, l'exposé des motifs précise qu'elle concerne les hôpitaux publics, alors que le texte évoque « les établissements de santé [...] relevant du service public hospitalier ». Pourriez-vous clarifier ce point, monsieur le ministre ?

L'étude d'impact précise par ailleurs explicitement que le dispositif est susceptible de constituer une aide d'État au sens du droit européen, ce qui pose des questions s'agissant de sa sécurité juridique. Mais faire porter la reprise de la dette hospitalière par la sécurité sociale revient aussi à lui faire porter une décision politique de l'État. Les entités qui forment la sécurité sociale, bonnes gestionnaires, respectent aujourd'hui le cadre financier qui leur est imparti ainsi que les lourdes mesures d'économie imposées, en particulier pour respecter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

Replacer la dette hospitalière au sein de la CADES pénalise de nouveau les organismes de sécurité sociale, puisque ce sont autant de ressources qui ne pourront être consacrées à d'autres chantiers, y compris celui de la dépendance. Le financement de l'hôpital public doit faire l'objet de mesures propres, spécifiques et pérennes.

Les projets de loi organique et ordinaire posent également le principe de la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale prenant en charge la dépendance. Si on ne peut que se féliciter de ce pas en avant vers une meilleure prise en charge, les montants fléchés vers la CNSA – 2,3 milliards d'euros en 2024 – restent très en deçà des besoins, que le rapport Libault évalue à environ 10 milliards d'euros par an.

Il est essentiel de conserver la crédibilité financière de la signature de la France. En ce sens, accompagner tout transfert de dettes par un montant de ressources de même niveau et allonger la durée de vie de la CADES ne font pas débat. La CADES a d'ailleurs démontré son expertise en matière d'amortissement de la dette sociale depuis sa création.

Pour autant, le choix de transférer les déficits futurs de la sécurité sociale, soit 92 milliards d'euros, à la CADES, donc de retarder son extinction à 2033 limite grandement nos marges de manœuvre concernant le financement de la dépendance. À ce titre, nous pourrions faire le choix de flécher une partie des dépenses exceptionnelles liées à la crise du covid-19, par exemple les exonérations et reports de cotisations sociales, qui sont un choix politique de l'État, dans un fonds spécial, qui serait géré par l'Agence France Trésor.

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À de nombreux égards et pour longtemps, l'épidémie de covid-19 a profondément bouleversé notre pays, engendrant une triple crise sanitaire, économique et bientôt sociale. Au-delà des nombreuses victimes et des personnes durablement touchées par la maladie, notre système de santé a été mis à rude épreuve et les dépenses d'assurance maladie ont rapidement progressé en raison des achats de matériels de protection, des hospitalisations ou du financement des heures supplémentaires exercées par les personnels soignants.

L'arrêt total de notre économie que le confinement a imposé a conduit le Gouvernement à prendre des mesures exceptionnelles pour soutenir les entreprises et sauvegarder l'emploi. Le dispositif d'activité partielle ainsi que le report voire l'annulation des cotisations sociales pour les petites entreprises sont à saluer, même si, nous le savons, ces mesures auront un impact lourd et durable sur nos comptes sociaux.

Le déficit de la sécurité sociale devrait ainsi atteindre 52,2 milliards d'euros en 2020, un niveau que le ministre de l'action et des comptes publics juge très inquiétant. Le précédent record, atteint en 2010 pendant la crise financière, était de 28 milliards d'euros, soit un peu plus de la moitié.

Les présents projets de loi proposent de transférer la dette sociale liée à l'épidémie de covid-19 à la CADES, alors que celle-ci devrait être reprise par l'État. Le caractère exogène de la crise justifierait une telle décision. Il n'y a pas de raison que la dette générée par les mesures prises par le Gouvernement pour faire face à la crise pèse sur la sécurité sociale, de la même manière que les mesures d'urgence prises durant la crise des « gilets jaunes » auraient dû être compensées par l'État.

Par ailleurs, avant même la crise sanitaire, la nécessité de renforcer notre système de protection sociale exigeait des investissements élevés. Notre groupe pointait déjà les insuffisances du dernier PLFSS pour faire face à cette situation. Avec la crise, l'enjeu s'impose avec une urgence accrue, mais nos marges de manœuvre en termes de financement se sont considérablement réduites. Ainsi, la prolongation de la CADES est nécessaire, mais probablement à moins long terme que 2033.

Notre groupe avait plaidé pour repousser l'extinction de la caisse afin de dégager des financements et des investissements non seulement pour les hôpitaux, mais également pour prendre en charge la dépendance. À ce titre, nous avions soutenu la proposition de Dominique Libault.

Or il est évident que l'absence d'une loi sur la prise en charge de la dépendance, sans cesse repoussée, et l'insuffisance des moyens alloués à ce secteur ont eu une incidence sur le drame qui s'est déroulé dans nos établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le contexte actuel nous invite donc à légiférer en ce sens, de manière urgente.

Nous nous réjouissons que le Gouvernement esquisse ici un premier pas vers la création d'une cinquième branche dédiée au financement du risque de la dépendance. Notre groupe y est plus que favorable, même s'il eût préféré la création d'un cinquième risque au sein de la branche maladie, qu'il a d'ailleurs proposé à de nombreuses reprises. Nous devons toutefois considérer qu'il s'agit là d'un premier pas.

Par ailleurs, l'avenir de l'article 4 du texte de loi interroge, puisqu'il semblerait que la décision soit déjà prise. Il ne s'agit donc plus d'étudier l'opportunité d'un risque ou d'une branche relatifs aux prestations contre la perte d'autonomie.

Nous considérons que la prise en charge de la dépendance pour retarder la perte d'autonomie doit passer par la solidarité nationale. Il est temps de concevoir la dépendance comme un véritable risque social, qui concerne aussi bien les personnes en situation de handicap que les personnes âgées.

Monsieur le ministre pouvez-vous confirmer que la nouvelle branche concernera non seulement les personnes âgées mais aussi les personnes en situation de handicap ? Pouvez-vous préciser quel en sera le périmètre ? Concernera-t-elle aussi bien les prestations comme l'allocation personnalisée d'autonomie ou la prestation de compensation du handicap, la réforme de la tarification des établissements ainsi que la réorganisation du champ médico-social et son décloisonnement avec le champ sanitaire.

Enfin, si nous saluons la décision d'affecter une fraction de la CSG à la CNSA, celle-ci ne représentera que 2,3 milliards d'euros à partir de 2024, alors que le rapport Libault estime le besoin de financement à 7 milliards d'euros dès 2024 puis à 10 milliards d'euros en 2030. Il semble urgent de trouver des financements supplémentaires. Notre groupe fera des propositions en ce sens.

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À l'occasion de la crise de la covid-19, de nombreuses recettes de la sécurité sociale ont été coupées du fait de la baisse d'activité et des reports des cotisations. Dans le même temps, les dépenses sociales se sont accrues. Notre sécurité sociale est fébrile et nécessite des mesures fortes car les enjeux sont colossaux. C'est l'objet même de notre discussion aujourd'hui.

Pour combler la dette sociale, vous pourriez mettre fin aux exonérations de cotisations que vous aviez votées lors des derniers PLFSS et qui ne sont pas intégralement compensées par l'État. Vous pourriez rétablir un impôt de solidarité sur la fortune ou annuler une partie de la dette sociale, totalement illégitime. Vous pourriez lutter efficacement contre le chômage en réduisant le temps de travail. Or vous faites tout l'inverse, en promouvant les heures supplémentaires, que votre majorité a défiscalisées.

Dans ce projet de loi, vous faites le choix de poursuivre tête baissée dans l'absurde et d'endetter la sécurité sociale via la CADES, à hauteur de 136 milliards d'euros. Chose inédite : vous vous endettez pour des dettes qui n'existent pas encore. Vous entérinez ainsi votre renoncement à remettre sur pied la sécurité sociale. Cette politique d'endettement justifiera des coupes drastiques, alors même que notre assurance chômage et notre système de santé ont démontré leur importance cruciale pour la société.

Une fois de plus, ce sont les moins aisés qui paieront. Le remboursement de la dette sociale ne sera pas financé par des cotisations sociales mais par deux impôts très peu progressifs, la CRDS et la CSG. Vous faites donc peser la crise de la covid-19 sur tout le corps social, au lieu de mener une politique de redistribution des richesses, comme nos grands-parents ont su le faire après-guerre.

Une fois encore, la dette accumulée profitera aux spéculateurs. La Caisse des dépôts et consignations pourrait faire un prêt à l'ACOSS le temps que la dette sociale se résorbe. Mais non, vous faites le choix des marchés financiers.

Dans un rapport de l'Association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne (ATTAC) du 16 septembre 2017, nous apprenons que la CADES « émet des papiers commerciaux sans aucun contrôle, notamment à la City de Londres et au Luxembourg ». À cette date, la CADES avait remboursé depuis sa création 140 milliards d'euros de dettes sociales, essentiellement grâce aux impôts. Dans le même temps, elle avait versé 52 milliards d'euros d'intérêts aux créanciers. Une partie importante des recettes fiscales destinées à rembourser la dette sociale est ainsi utilisée pour payer des intérêts et des commissions aux banques privées qui spéculent dessus – une honte ! Un audit citoyen sur la dette sociale pour faire la lumière sur cette spéculation est un impératif de justice sociale.

Cette politique antisociale est injustifiable après le mouvement des « gilets jaunes » et la crise de la covid-19. Nos services publics et notre sécurité sociale doivent être renforcés, et ne doivent souffrir d'aucune coupe budgétaire supplémentaire.

Comble d'absurdité, pour faire passer la pilule de ce projet de loi, vous communiquez sur la création d'une cinquième branche pour la perte d'autonomie. Mais si une cinquième branche voit le jour, elle doit être financée par les cotisations sociales, non par le CSG ; elle doit recevoir des fonds à la hauteur des enjeux. Dans notre rapport sur les EHPAD, nous chiffrions les besoins pour le financement d'une cinquième branche à 20 milliards d'euros, au minimum, soit 1 point du produit intérieur brut (PIB), dès maintenant.

Ne pas financer cette politique du grand âge, c'est acter le fait que les familles devront s'endetter pour s'occuper de leurs aînés, ce qui est inacceptable.

Monsieur le ministre, avec ce projet de loi, non seulement vous poursuivez la casse de la sécurité sociale mais en plus, vous mettez en place de nouveaux mécanismes qui creuseront son endettement et justifieront des mesures d'austérité dans le futur, le tout, sous couvert de la création d'une cinquième branche, pur élément de communication pour le moment.

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Les projets de loi prévoient de transférer la dette due à l'épidémie de covid-19 à la CADES et esquissent la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale. Le Gouvernement semble opérer un arbitrage entre la temporalité du remboursement de la dette sociale, qu'il alourdit, et la réforme de la dépendance.

Alors que la reprise rapide et programmée d'une partie de la dette de l'ACOSS est nécessaire pour rassurer les marchés et permettre à l'Agence de continuer à trouver les liquidités dont elle a besoin pour se financer, ces conditions ne peuvent qu'interroger. En transférant la dette à la CADES, il maintient presque 10 milliards d'euros de prélèvements sur les revenus d'activité par an, jusqu'en 2033, pour la liquider. La somme aurait pu être allouée dès 2024 à de nouvelles prestations, notamment relatives à la dépendance, ou à des dépenses d'investissement pour l'hôpital.

Reprise par l'État, cette dette aurait pu être gérée comme une dette exceptionnelle, appuyée sur la politique monétaire non conventionnelle de la Banque centrale européenne, d'autant que la nature même du transfert de la dette pose des questions sur sa pertinence. La dette sociale est en effet composée en partie d'une reprise de dette des établissements publics de santé. Or le Premier ministre avait déclaré en novembre que l'État reprendrait cette partie.

Les moyens consacrés à la création d'une cinquième branche, comme le prévoit l'article 2 du projet de loi ordinaire, semblent aujourd'hui limités. En prolongeant de neuf ans la cotisation consacrée au remboursement de la dette sociale, le législateur se prive de moyens supplémentaires pour financer la dépendance. Il en va de même pour la fraction de CSG ou le prolongement du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont la soulte aurait pu être consacrée à d'autres priorités.

Le projet de loi ordinaire ne résout pas cette contradiction. Il prévoit seulement de transférer une fraction de CSG, soit 2,3 milliards d'euros, à la CNSA via la CADES en 2024. Autrement dit, dans sa globalité, le texte prévoit de faire plus à moyens constants, alors que les demandes en matière de dépendance vont croissant. Le rapport Libault les a évalués à 6 milliards d'euros à compter de 2024 et 9 milliards d'euros à partir de 2030. En l'état des choses, faute d'une montée en charge de la solidarité nationale, un nombre croissant de foyers pourrait intervenir de plus en plus dans la prise en charge de leurs aînés.

Enfin, la création d'une cinquième branche paraît précipitée. Bien qu'attendue par le monde médico-social, ses modalités comme son financement semblent mal définis. Surtout, les partenaires sociaux et le monde associatif semblent bien peu impliqués dans sa coconstruction alors qu'il s'agit d'un sujet de société majeur.

En conclusion, si le Premier ministre estimait en novembre 2019 que l'État devait reprendre la dette des hôpitaux, pourquoi la CADES la reprendrait-elle aujourd'hui ? Je m'inquiète aussi de ces 10 milliards d'euros de prélèvements obligatoires sur les revenus d'activité jusqu'en 2033, qui pourront limiter les investissements dans les dépenses de santé, notamment pour l'hôpital. A-t-on évalué les marges de manœuvre pour l'ACOSS à moyen terme ? À ce jour, les conséquences de la récession sur l'équilibre des comptes de la sécurité sociale ne sont pas encore connues.

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Ces textes ne sont pas rien : ils ouvrent et appellent à un vaste débat pour définir comment nous absorbons le choc que nous venons de subir et, éventuellement, ce que nous changeons.

Dans une sorte de confusion, il est proposé de faire porter le fardeau financier de la crise sanitaire à la sécurité sociale – M. le ministre a évoqué le « cantonnement de la dette ». Les raisons données manquent d'étayage. Il s'agit de transférer 136 milliards d'euros de dettes existantes et futures à la CADES.

Vous expliquez que charger la barque serait une garantie. Je ne comprends pas bien en quoi. La CADES est chargée d'amortir les déficits accumulés par différentes branches de la sécurité sociale. Sa dette devait être amortie entièrement à compter de 2024, libérant 17 milliards d'euros de recettes, issues de la CRDS et d'une fraction de la CSG.

Nous le savons, la sécurité sociale a besoin de ressources. Son assèchement a constitué un problème majeur, qui nous a placés dans une situation de dénuement face à cette crise.

J'en profite pour signaler que certains des amendements que j'avais déposés au nom de mon groupe, afin de déterminer des ressources supplémentaires, ont été jugés irrecevables car sans lien avec le texte. Je le mentionne car il ne s'agit pas aujourd'hui de se contenter d'être pour ou contre la proposition du Gouvernement.

Le confinement a entraîné une forte contraction de la masse salariale sur laquelle les cotisations sociales sont assises, du fait de l'arrêt de nombreuses activités économiques. Les recettes se rétractent également en raison des mesures de soutien aux entreprises. Dans le même temps, le Gouvernement a dépensé davantage pour faire face à la crise sanitaire, engageant 8 milliards d'euros supplémentaires pour l'achat de matériels hospitaliers, les primes des soignants et la prise en charge des arrêts maladie.

C'est en quelque sorte le retour du « trou de la sécu », une mise en scène qui peut servir à l'avenir à justifier des plans d'économies futures et des compressions dans la sphère sociale, sous couvert d'impératifs budgétaires. Cette option de transfert de dette permet au Gouvernement de maintenir sous pression les dépenses pour de longues années, avec une dette élevée.

Le Gouvernement aurait pu choisir de faire porter cette dette par l'État, considérant qu'il s'agit d'une dette exceptionnelle qui résulte non pas d'une mauvaise gestion dans les différentes branches de la sécurité sociale, mais de décisions prises par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire, d'autant qu'elles ont été très peu discutées avec les partenaires sociaux. L'arrêt administratif de plusieurs activités économiques à la suite du confinement en est un exemple. Le transfert de la dette à la CADES prive la sécurité sociale de recettes supplémentaires.

En mélangeant la question de la dette sociale avec celle de la perte d'autonomie, ce projet de loi vient préempter la nécessité d'une réflexion plus large sur l'élargissement du financement de la sécurité sociale – j'en profite pour regretter qu'il soit examiné en procédure accélérée, ce qui devient une habitude –, élargissement dont la période que nous venons de traverser a montré combien il était nécessaire, pour couvrir les besoins sanitaires et sociaux, et mieux nous protéger à l'avenir.

Il s'agit ensuite d'apporter des moyens supplémentaires à la prise en charge de la perte d'autonomie. C'est évidemment un sujet majeur, et les drames que nous avons connus, pendant la crise sanitaire et avant, exigent une réponse vigoureuse. Or je crains que cette annonce, que vous voulez tonitruante, de la création d'une cinquième branche reste en deçà des besoins tels que les a identifiés le rapport Libault et ne soit en réalité qu'un trompe-l'œil. Mieux identifier les besoins et mieux y répondre ne passe pas nécessairement par la création de cette nouvelle branche, et donc le découpage de l'assurance maladie : la perte d'autonomie résulte d'une aggravation de l'état de santé, et doit donc, en tant que telle, relever de l'assurance maladie. C'est d'ailleurs le cas actuellement, la perte d'autonomie étant majoritairement financée par l'assurance maladie, au titre de la prise en charge des soins des personnes dépendantes.

La création de cette cinquième branche s'accompagne non seulement d'un risque de fiscalisation rampante de la sécurité sociale mais également du risque de voir se développer un nouveau marché de l'assurance complémentaire. C'est donc un sujet qui ouvre de vastes débats, mais je crains que tout ne continue comme avant.

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Ces deux textes fondamentaux vont permettre à la fois de réaliser l'indispensable transfert de dette à la CADES, redonnant ainsi des capacités de financement à l'ACOSS, et d'ancrer la création d'un cinquième risque ou d'une cinquième branche au sein du régime général de la sécurité sociale. Ils feront date dans l'histoire de la sécurité sociale.

La création d'un cinquième risque ou d'une cinquième branche, outre qu'elle donnera plus de visibilité au financement de la dépendance et de l'autonomie servira de socle à la loi « grand âge et autonomie », dont l'ambition est notamment de renforcer les prestations à domicile pour préserver l'autonomie et de revaloriser la position des professionnels du secteur du grand âge, sans lesquels nous ne pourrons rien.

Pour les revalorisations salariales, pouvez-vous réaffirmer votre engagement et nous donner un calendrier prévisionnel ?

En ce qui concerne les prestations à domicile, s'agira-t-il de mieux couvrir la prise en charge de la dépendance pour les personnes âgées et en situation de handicap, c'est-à-dire déjà dépendantes et donc déjà prises en charge, ou la perte d'autonomie sera-t-elle reconnue comme un risque à part entière, susceptible de concerner les personnes âgées autonomes qui pourraient être confrontées à la perte d'autonomie ? Dans ce dernier cas, il s'agirait d'une approche préventive permettant d'accompagner l'important vieillissement démographique de la population.

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L'époque où la loi de financement de la sécurité sociale prévoyait un retour à l'équilibre du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse est fort loin. D'autant que, de manière regrettable, votre doctrine relative aux relations financières entre l'État et la sécurité sociale consiste à ne pas compenser certaines mesures d'exonération de cotisations ou de baisse des prélèvements sociaux, ce qui, pour la seule année 2019, a pesé à hauteur de 5 milliards d'euros sur le budget de la sécurité sociale, lequel, sans cette doctrine, aurait été excédentaire dès l'année dernière.

Vous êtes sur le point de prendre une décision inacceptable consistant à faire peser les mesures d'urgence, que vous avez instaurées pendant la crise – et que nous soutenons – sur les comptes de la sécurité sociale et de l'UNEDIC. Ces deux textes visent en effet à reporter de 2024 à 2033 la date de fin de remboursement, afin d'organiser de nouveaux transferts pour un montant total de 136 milliards d'euros.

Ce choix, ni la CNSA ni la Fédération hospitalière de France ne le partagent, pas plus que les syndicats ou les mutuelles. Tandis que Dominique Libault indique que ce transfert n'a pas de sens, le HCFiPS le laisse entendre, de manière policée, qu'il est du même avis. De manière plus directe, je considère que vous faites une grave erreur, qui va hypothéquer l'avenir de nos assurances sociales en leur faisant supporter ce que l'économiste Michaël Zemmour appelle la « dette covid », dont elles ne sont nullement responsables.

Transférer plus d'une centaine de milliards d'euros de dette sociale à la CADES et à l'UNEDIC, c'est consacrer pendant plus de dix ans des recettes sociales de l'ordre d'une dizaine de milliards d'euros chaque année au remboursement de cette dette, au lieu d'affecter cet argent à combler des besoins sociaux, alors même que cette dette ne coûterait que 1 milliard d'euros si elle était imputée au budget de l'État.

La « dette covid » n'est pas une dette sociale ; c'est une dette exceptionnelle, qui doit être prise en charge par l'État, sinon le « quoi qu'il en coûte » présidentiel se traduira vite en économies « coûte que coûte » pour la sécurité sociale et l'UNEDIC, tout au long de la prochaine décennie.

Je terminerai néanmoins par une note positive et me féliciterai de l'annonce d'une cinquième branche. Cela étant, où est passé l'objectif de réduction du reste à charge ? Est-il toujours d'actualité ?

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Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas déposé un projet de loi de programmation des finances publiques ? C'est une obligation constitutionnelle, puisque le prochain projet de loi de finances rectificative présenté dans deux jours porte à 220 milliards le déficit de l'État et que, d'après M. Darmanin, le déficit prévisionnel des régimes de base de la sécurité sociale hors UNEDIC est estimé à 52 milliards d'euros, à quoi s'ajoutent une dizaine de milliards pour l'UNEDIC.

Pourquoi n'avez-vous pas présenté un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) puisque, dans son avis, le Conseil d'État rappelle qu'il faudra reprendre dans une loi de financement plusieurs des mesures figurant dans les textes que nous examinons ?

Il est assez étrange de présenter des déficits sans qu'on sache quel est le montant des dépenses ni celui des recettes, ce que M. Darmanin a balayé d'un revers de main en nous expliquant que ces recettes et ces dépenses étaient évaluatives. Nous attendons de vous une autre réponse, puisque vous avez intégré dans votre texte un déficit de 92 milliards d'euros pour la période 2020-2023.

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Olivier Véran, ministre

Monsieur Christophe, l'expérience passée montre qu'il est possible, le cas échéant, de ne pas attendre 2033 pour rembourser la dette. En effet, l'extinction de la dette de la CADES était à l'origine prévue pour 2025, mais le dynamisme des recettes de la CSG et de la CRDS ainsi que l'apport de 2 milliards d'euros du FRR nous avait permis d'envisager le remboursement de la dette sociale au 1er semestre 2024. Si d'aventure nous retrouvions le même dynamisme, il serait possible soit de réduire la fiscalité soit d'anticiper le remboursement de cette dette.

En ce qui concerne l'information du Parlement, le projet de loi prévoit un rapport. Par ailleurs, outre les concertations, les annexes du PLFSS seront enrichies et intégreront des chiffres sur les dépenses des collectivités locales.

La reprise de la dette est évaluée à 136 milliards d'euros, car nous anticipons une augmentation des dépenses et des déficits liée à la queue de l'épidémie mais qu'il nous est très difficile de quantifier précisément. D'où, monsieur de Courson, le fait qu'il est encore prématuré de présenter au Parlement un PLFRSS. Nous attendrons donc la rentrée mais vous proposons en attendant ces projets de loi, qui permettent de parer au plus pressé.

Ces 136 milliards représentent la somme des 30 milliards de dette de l'ACOSS fin 2019 et des 52 milliards de la dette sociale liée pour une grosse part au chômage partiel et pour 6 à 8 milliards d'euros à des dépenses de frais de matériel ou à de la surconsommation de soins intégrées dans l'ONDAM. Il faut encore ajouter à cela la reprise de la dette hospitalière avec les intérêts, ainsi que des dépenses prévisionnelles qui n'ont pas encore été réalisées mais dont on peut craindre qu'elles le soient dans les prochaines semaines. La ministre du travail vient d'annoncer que 80 % de la France était au travail : cela veut dire qu'il y a encore bon nombre de Français qui sont au chômage partiel, ce qui a un coût pour les finances publiques.

L'Inspection générale des affaires sociales m'a rendu un rapport sur les modalités de la reprise de dette des hôpitaux. Il n'y aura pas de répartition automatique basée sur l'encours, mais c'est au niveau régional que cela se décidera, en fonction des projets. Ces modalités seront précisées d'ici au PLFSS 2021.

Enfin, monsieur le rapporteur général, sans attendre l'affectation annuelle de 2,3 milliards d'euros par an à partir de 2024 à l'autonomie, une conférence des financeurs doit nous permettre d'identifier des modalités de financement des actions qui vont être mises en place pour la prise en charge de l'autonomie.

Si nous n'opérons pas ce transfert de 0,15 point de CSG de la CADES vers la CNSA dès 2021, c'est qu'il nous faut tenir un engagement important pour la crédibilité des finances publiques de notre pays, qui nous impose de rembourser la dette sociale selon un échéancier précis jusqu'en 2024. Au-delà, le tableau d'amortissement de la dette peut être revu, puisqu'il s'agit en quelque sorte d'une prorogation.

Madame Dupont, vous avez salué la décision historique de créer une cinquième branche. Je tiens, moi, à saluer la détermination et la mobilisation sans faille de l'ensemble des parlementaires sur la perte d'autonomie. C'est grâce à elles que ce beau projet peut aujourd'hui voir le jour, quels que soient les doutes que vous puissiez nourrir sur votre faculté à peser sur les grandes décisions.

Cela m'amène à la question du cinquième risque ou de la cinquième branche : le Gouvernement n'a pas arbitré entre ces deux choix, qui doivent faire l'objet d'un rapport. Dans l'un et l'autre cas, quoi qu'il en soit, il s'agira d'une dépense sociale organisée et structurée, qui viendra consacrer l'engagement pris par le Président de la République de faire appel à la solidarité nationale et non à des systèmes privés par capitalisation pour financer la perte d'autonomie. C'est à l'automne, je le redis, à l'issue de la concertation, qu'auront lieu les discussions sur les recettes.

M. Perrut propose, à cet égard, d'augmenter les cotisations et d'affecter une part de CSG supplémentaire à la perte d'autonomie, au lieu de ponctionner cette part sur l'argent de la CADES. Mais le choix du Gouvernement est clair : nous n'augmenterons pas les impôts et, dans le cadre de la démocratie sanitaire, c'est à une conférence des financeurs qu'il reviendra de déterminer les meilleures solutions de financement, d'ici à 2024.

On ne peut pas dire que l'État ne fait pas d'économies, et encore moins que le financement de la sécurité sociale fait peser le coût de la reprise de dette hospitalière sur les Français. L'État a été et sera fortement mis à contribution pour éponger tout ou partie des dettes inhérentes à la crise épidémique.

Cela étant, les remarques de Boris Vallaud sur le statut de la « dette covid » sont légitimes : revient-il à l'État ou à la sécurité sociale de la prendre en charge ? Ce débat relève du PLFSS et non de ces deux projets de loi qui, à aucun moment, ne tranchent la question.

Par ailleurs, non seulement l'État assume sa part des dépenses inhérentes à la crise, mais, de surcroît, on peut sans doute considérer que les quelque 40 milliards d'euros qui ont financé le chômage partiel sont une dépense sociale, même si la mise en œuvre de cet amortisseur social n'a pas été décidée par la sécurité sociale. Dont acte. Néanmoins, cela posé, il me paraît vain de laisser perdurer une dette de 50 milliards d'euros pendant qu'on mène un débat philosophique pour savoir qui doit l'absorber. Si l'on veut garantir que l'État paie les prestations sociales en temps et en heure, il y a urgence, et faire un transfert à la CADES permettra en outre d'enrichir la protection sociale d'une nouvelle branche ou d'un nouveau risque.

Monsieur Vallaud, vous dites que nous hypothéquons des dépenses sociales, mais quand a-t-on vu, dans notre pays, que l'État, au sortir d'une crise où il joué le rôle d'amortisseur social, ait engagé, comme nous le faisons, une revalorisation sans précédent des salaires de deux millions de soignants ?

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Olivier Véran, ministre

Nous finançons en outre la perte d'autonomie, créons une nouvelle branche de la sécurité sociale, reprenons la dette hospitalière et investissons massivement dans la santé. Je pense donc que vous nous faites un faux procès a priori, et je vous invite plutôt à rejoindre le « Ségur de la santé » pour constater ce qu'il en est des dépenses sociales !

En ce qui concerne les établissements de santé privé d'intérêt collectif (ESPIC), ils sont éligibles à la reprise de dette, dans la mesure où ils ont participé au service public.

Je voudrais également vous rassurer sur le fait que prolonger la CADES jusqu'en 2033 n'a aucune incidence sur le financement des dépenses hospitalières, puisque la CSG, la CRDS et la fraction du FRR qui abonde la CADES ne sont pas des cotisations affectées au fonctionnement courant du système hospitalier. Le Premier ministre, lui-même, a garanti, en ouvrant le « Ségur de la santé » que l'ONDAM allait augmenter.

Monsieur de Courson, n'étant pas ministre des comptes publics, je laisse à M. Darmanin le soin de se prononcer sur la loi de programmation des finances publiques. Quant aux dépenses sociales, je répète qu'il serait vain de vous présenter une copie budgétaire qui ne soit pas propre.

Enfin, le Gouvernement a délibérément fait le choix de ne pas renoncer à certaines dépenses sociales, mais de faire le choix inverse, en engageant de nouvelles dépenses, dont nous aurons d'ailleurs à décider des modalités de financement. Ce sont des dépenses nécessaires, pour les soignants notamment, qui nous ont montré qu'ils méritaient toute l'attention des pouvoirs publics.

La commission en vient à l'examen des articles du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l'autonomie (n° 3018) (M. Paul Christophe, rapporteur).

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Tous les amendements à ces deux textes n'ont pas été mis en discussion. En effet, il m'a fallu suivre les dispositions des articles 40 et 45 de la Constitution.

S'agissant de la recevabilité financière, j'ai suivi, comme c'est l'usage, les avis rendus par le président de la commission des finances.

S'agissant de la règle selon laquelle les amendements doivent avoir un lien avec le texte, j'ai estimé que le projet de loi ordinaire n'était pas un PLFSS et n'avait donc pas vocation à porter des mesures de recettes, qu'il s'agisse de créer de nouvelles recettes, d'instaurer une conditionnalité pour le bénéfice d'exonérations de cotisations ou de modifier les règles relatives aux compensations.

En revanche, il ne m'a pas semblé que les amendements visant à compléter le rapport prévu à l'article 4 étaient sans lien avec le texte, dans la mesure où ils pouvaient être considérés comme en relation avec l'objet de ce rapport, à savoir les conditions de création d'un nouveau risque ou d'une nouvelle branche de la sécurité sociale.

Tout amendement modifiant la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale ne peut être considéré comme en lien avec l'objet du texte organique. Ainsi, il m'a semblé qu'il n'était pas possible de créer une nouvelle annexe au projet de loi de financement, sans rapport avec la dette ou avec l'autonomie.

Article 1er : Prolongation de la durée d'amortissement de la dette sociale

La commission examine les amendements de suppression n° 4 de M. Pierre Dharréville, n° 9 de M. Boris Vallaud et n° 11 de Mme Delphine Bagarry.

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Les choix que vous venez de nous exposer emportent des conséquences considérables sur le budget. On ne peut donc pas limiter le débat aux propositions qui se trouvent sur la table.

Notre amendement supprime l'article 1er qui entérine le transfert de la dette sociale à la CADES et confirme votre ralliement au principe de non-compensation. Lors du dernier PLFSS, nous avions eu un débat nourri sur cette non-compensation, qui concernait un peu plus de 3 milliards d'euros ; en comparaison, nous atteignons aujourd'hui des niveaux astronomiques. Cela ne fait qu'amplifier la confusion entre les différents budgets et cela n'aide pas la sécurité sociale à pouvoir assumer pleinement et librement les responsabilités qui sont les siennes.

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La « dette covid » doit faire l'objet d'un traitement exceptionnel, distinct de la dette de la sécurité sociale, parce qu'elle ne correspond pas à un déficit structurel. Nous proposons que cette dette soit assumée par l'État, qui lui affecte des ressources supplémentaires, que le Gouvernement pourrait – mais il s'y refuse – tirer de la contribution des plus fortunés de nos concitoyens. Vous préférez rembourser la dette plutôt que d'augmenter les moyens sociaux, ce qui augure mal des moyens que la nation se donnera pour répondre aux besoins de l'hôpital mais également aux enjeux de l'autonomie.

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Nous pensions en avoir fini avec le « trou » de la sécurité sociale en 2024 mais, en prolongeant de dix ans la durée de vie de la CADES, l'espoir qu'avaient les partenaires sociaux de disposer enfin de marges de manœuvre pour investir dans l'hôpital mais également dans une cinquième branche permettant de faire face au défi de la dépendance. Nous le déplorons.

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Ces trois amendements visent à supprimer la prolongation de l'amortissement de la dette sociale jusqu'en 2033. Cette suppression aboutirait à rendre caduc le transfert de 136 milliards d'euros prévus par la loi ordinaire. À court terme, l'ACOSS devrait assumer un déficit social de 52 milliards d'euros a minima pour cette année, menaçant le versement des prestations sociales et des pensions pour des millions de Français.

Vous contestez le portage par la CADES du déficit issu de la gestion de la crise sanitaire, mais l'État va assumer 220 milliards d'euros, contre 52 milliards pour la sécurité sociale. Il n'est donc nullement question qu'il ne prenne pas sa part dans le déficit public.

Je me réjouis pour ma part que la sécurité sociale soit capable d'assumer son rôle face à une crise de l'ampleur de celle que nous avons connue. Le réseau de recouvrement des URSSAF a permis, avec une réactivité exemplaire, à nombre d'entreprises de sauver leur trésorerie par le report des cotisations, et la mise en place d'un régime dérogatoire d'activité partielle a empêché huit millions de Français d'être directement menacés par le chômage.

L'extension de la durée d'amortissement de la dette sociale est bien une nécessité, mais elle ne contraint pas pour autant l'investissement dans notre protection sociale, comme le montrent le « Ségur de la santé », les primes accordées au personnel soignant et au personnel des établissements médico-sociaux ou encore le transfert de CSG réalisé par le projet de loi ordinaire.

Enfin, nous avons la chance de profiter en ce moment de conditions de refinancement extrêmement positives. La CADES, grâce à son adossement à la signature de l'État, peut s'endetter à des taux historiquement bas, voire négatifs, et bénéficier d'une profondeur de marché lui permettant aujourd'hui d'être bien plus servie que ses besoins.

Mon avis est donc défavorable.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé de la protection de l'enfance

Depuis 1996, la dette sociale est dissociée du reste de la dette publique. Tout est mis en œuvre pour assurer son remboursement dans un temps limité, par l'affectation de recettes spécifiques. Ce choix est un pilier fondamental de notre système de sécurité sociale, puisqu'il assure la pérennité de son financement. C'est aussi la contrepartie logique du pilotage financier autonome de la sécurité sociale. L'aide sociale doit être gérée par la sécurité sociale et non transférée à l'État. C'est également un choix responsable puisqu'il permet de ne pas faire peser sur les générations futures le poids de dépenses courantes.

En 2011, dans cette logique, il avait été décidé, à la suite de la crise financière et économique des années 2008 et 2009, de procéder à un transfert de 130 milliards d'euros de dette à la CADES – et non à l'État. Si la situation actuelle est exceptionnelle par la soudaineté et l'ampleur de la crise, rien ne justifie d'adopter une solution différente. Le déficit sans précédent de la sécurité sociale qui s'annonce pour 2020 résultera principalement d'une contraction de l'assiette de ses recettes, ainsi que de l'accroissement des dépenses de santé. Certes, la sécurité sociale n'est pas responsable de la crise du covid-19, pas plus qu'elle ne l'était de la crise de 2008, mais son rôle est de répondre aux besoins liés à la crise – elle s'y emploie avec les moyens dont elle dispose. Pour ne pas sortir affaibli de la crise, notre système de protection sociale doit aussi rembourser la dette qui en résulte. C'est pourquoi, plutôt que de continuer à financer ces besoins par des emprunts à court terme et d'augmenter les impôts, de réaliser des économies immédiates pour limiter la dette, il a été décidé de procéder à un nouveau transfert de dette vers la CADES. Transférer la dette à l'État remettrait en cause le principe vertueux de son remboursement et reviendrait à considérer que l'État doit assurer le financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, alors que ses recettes sont en chute, l'État supporte une large part des dépenses liées à la crise, notamment le coût de l'activité partielle. Il est normal que l'État et la sécurité sociale assument chacun une part de l'effort entrepris. Tout en s'engageant à rembourser la dette, le Gouvernement choisit aussi de financer les priorités, comme la dépendance. C'est une orientation responsable pour l'avenir, qui assainit durablement la situation financière de la sécurité sociale. Pour toutes ces raisons, nous serons défavorables aux amendements de suppression.

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Le débat montre la nécessité d'élargir le périmètre de la discussion. Comment financera-t-on les dettes qu'on transfère à la CADES ? On prend des décisions un peu à l'aveugle, alors que ce sujet mériterait une discussion plus approfondie, au‑delà même du Parlement. Non seulement la mesure proposée ne va pas dans la bonne direction, mais on ne sait pas où on trouvera les recettes nécessaires. Or, on a besoin de ressources supplémentaires pour financer les besoins sociaux.

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Le ministre nous a dit que le débat était légitime, mais nous savons qu'il n'aura pas lieu : sauf coup de théâtre, la majorité votera dans le sens indiqué par le Gouvernement. La dette est-elle le fruit d'une gestion déséquilibrée des organismes de sécurité sociale et de l'UNEDIC et doit-elle, à ce titre, être considérée comme authentiquement sociale ? Absolument pas. Elle résulte de décisions du Gouvernement, dues à la crise : c'est une dette particulière, qui nécessite un traitement particulier. Du fait du transfert de la dette à la CADES, des milliards d'euros de ressources, qui auraient été disponibles à une échéance assez brève, ne le seront plus. Par ailleurs, le coût de la gestion par les organismes de sécurité sociale et par l'État n'est pas le même, car les dettes n'ont pas une nature identique et sont soumises à des taux distincts. Vous proposez de financer les dettes par des impôts proportionnels, qui ne prennent pas en compte les facultés contributives, alors qu'on a plus que jamais besoin de solidarité. Comment, par cette vision à très court terme, allez-vous honorer vos promesses ?

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Par la nouvelle rédaction de l'article 4 bis de l'ordonnance du 24 janvier 1996, vous entendez réduire les possibilités de financement de la CADES. En effet, vous ajoutez aux mots « impositions de toute nature » les mots « dont l'assiette porte sur l'ensemble des revenus perçus par les contribuables personnes physiques ». Cela exclut, notamment, l'impôt sur les sociétés ou une partie de la TVA. Par ailleurs, il est fait mention « des prélèvements sur les fonds des organismes chargés de la mise en réserve de recettes [...] ». Or, y a-t-il d'autres organismes, en ce domaine, que le FRR ?

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Supprimer l'article empêcherait de maintenir l'ACOSS en première ligne à court terme, ce qui est l'objectif premier. Comment assurer une juste répartition du financement de la dette issue de la gestion de la crise entre les comptes sociaux et ceux de l'État ? Ce dernier est déjà fortement mis à contribution : comme le montrera le prochain projet de loi de finances rectificative, le déficit public, assumé principalement par l'État, excédera 10 % du PIB. Le financement de cette dette doit relever du champ social, car une part du chômage partiel, comme la perte de recettes consécutive à la baisse des cotisations ressortit à ce dernier. Certains estiment que l'État devrait assumer tout l'effort ; outre le caractère exceptionnel de la crise, ils invoquent le fait que cela faciliterait le refinancement de la dette. C'est contestable car, si on transfère massivement la dette – en l'occurrence, à hauteur de 136 milliards d'euros –, on obtient des maturités beaucoup plus longues, et donc des conditions de financement équivalentes à celles consenties au Trésor. Le mécanisme n'est pas statique ; le raisonnement ne doit pas être binaire.

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Monsieur Dharréville, selon les prévisions, la CADES devrait continuer à percevoir, à l'horizon 2024, les recettes qui lui sont actuellement affectées. S'agissant de la période 2024-2033, en prenant en compte les volumes attendus de CSG et de CRDS, les actifs prévisibles du FRR et les hypothèses d'évolution des taux et de la croissance, la modélisation montre que le niveau de recettes nécessaire à l'amortissement de la dette sera pérennisé.

Monsieur Vallaud, les 136 milliards d'euros comprennent 31 milliards d'euros de dette sociale constatée au 31 décembre 2019 et 13 milliards d'euros – 10 au titre du capital et 3 au titre des intérêts – liés aux investissements dans les hôpitaux. On se souvient de la souffrance ressentie, en 2016 et en 2017, lorsque l'ONDAM a été fixé à 1,8 puis 2,1 % ; à la suite des emprunts qui ont dû être contractés, on a peiné à assumer la charge de la dette. Les 92 milliards restants relèvent essentiellement de la perte de recettes due à la baisse des cotisations. Il est légitime que la CADES prenne en charge cette dette de 136 milliards.

Monsieur de Courson, il n'existe en effet qu'un seul organisme chargé de la mise en réserve des recettes ; le pluriel n'est peut-être pas nécessaire.

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Nous avions suggéré la reprise de la dette de 10 milliards d'euros dans le PLFSS 2020 – celle-ci n'est donc pas due à la crise. Il n'avait pas été dit qu'elle serait assumée par la CADES, mais par l'État, pour ne pas obérer les capacités de la Caisse. Le coût annuel de la dette diffère selon que la gestion est assurée par l'État ou par la CADES. Il aurait fallu distinguer ce qui relève du conjoncturel et du structurel.

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Je ne soutiens pas la proposition de suppression de l'article, mais je m'interroge sur les moyens de financement de l'hôpital. Certes, on reprendra 13 milliards d'euros de dette de l'hôpital et l'ONDAM augmentera en 2021. Mais qu'en ira‑t‑il au cours des années suivantes ? La santé est financée par les cotisations sociales, l'impôt – plus précisément, la CSG – et la dette. Or, nous savons tous ici que nous ne pouvons plus agir durablement sur aucun de ces leviers. Reprendre une dette de 13 milliards d'euros sans remettre à plat le financement de l'hôpital, c'est prendre le risque que, dans deux ans, les hôpitaux aient retrouvé le même niveau d'endettement.

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Des promesses sont faites, qui ne sont pas précisément chiffrées. Le Gouvernement dit qu'il va faire passer l'ONDAM à 2,5 %, mais l'hôpital a besoin d'une hausse de 4 %. Emmanuel Macron ayant affirmé, pendant plusieurs semaines, « quoi qu'il en coûte... », les directeurs d'hôpitaux ont pu se donner un peu d'air en ouvrant les vannes, mais vous n'avez pas pris en compte ces dépenses supplémentaires : vous en êtes restés aux 13 milliards de dette au 31 décembre 2019. Vous marchez toujours à l'envers !

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Boris Vallaud aurait raison si les mécanismes étaient statiques. À l'heure actuelle, on refinance mieux la dette de l'État que la dette sociale, car leur maturité diffère. Puisque la CADES devait s'éteindre en 2024, elle cherchait jusqu'à présent des segments d'investissement de trois à cinq ans, tandis que l'État contracte des dettes au‑delà de huit ans. Mais, grâce au transfert de 136 milliards d'euros, la Caisse bénéficiera d'un allongement des maturités et de conditions de financement équivalentes. Par conséquent, votre objection ne tient plus, à condition, toutefois, qu'on ne réduise pas le montant repris par la CADES. La bonne gestion de la dette permettra de dégager des recettes budgétaires au profit du service public.

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Marine Brenier et moi-même avons montré, dans nos travaux sur la thématique « Sécurité sociale » dans le cadre du suivi de la crise sanitaire, que l'augmentation des dépenses de santé devrait avoir pour effet d'accroître l'ONDAM de 13 milliards d'euros par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale. Le déficit annoncé de 52 milliards d'euros de la sécurité sociale tient compte de ces dépenses supplémentaires.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel n° 13 du rapporteur.

Elle en vient à la discussion commune des amendements n° 10 de M. Pascal Brindeau, n° 2 de M. Jean-Pierre Door, n° 6 de Mme Jeanine Dubié et n° 8 de Mme Christine Pires Beaune.

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L'amendement n° 2 vise à décaler d'un an – de 2033 à 2034 – la date limite de remboursement de la dette sociale par la CADES, afin de pouvoir commencer plus tôt à financer la réforme de la dépendance, qui pourrait nécessiter 15 à 16 milliards d'euros. Il s'articule avec un amendement au projet de loi ordinaire visant à ce que l'article 2, qui affecte une part de CSG à la CNSA, entre en vigueur en 2021 au lieu de 2024. En effet, le chantier de la réforme de la dépendance doit débuter dès 2021. On ne peut attendre 2024 ni s'en remettre à une éventuelle conférence de financement, à l'issue incertaine. Ce décalage ne serait pas nécessaire si l'État s'était engagé à compenser à la sécurité sociale un certain nombre de mesures.

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L'amendement n° 6 vise à ce que la CADES s'éteigne en 2028, car il faut dégager de nouvelles ressources pour financer les hôpitaux et l'ensemble du secteur médico-social, ainsi que l'aide visant à préserver l'autonomie. Il nous paraît légitime que l'État prenne en charge le déficit de la sécurité sociale lié à l'épidémie de covid‑19.

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Le ministre a affirmé que la dette devait être reprise maintenant car la trésorerie de l'ACOSS a été mise à rude épreuve. Il est vrai qu'elle a connu des difficultés dans la seconde quinzaine de mars mais son directeur nous a indiqué qu'il lui est actuellement facile d'émettre, grâce à la qualité de sa signature. L'ACOSS a surtout besoin d'être rassurée, notamment en vue de l'échéance de juillet, face à un risque de retournement des marchés. On peut donc souscrire à la reprise de dette de l'ACOSS mais, puisque ce n'est pas une dette sociale, il conviendrait d'en charger l'État, tout en allongeant, comme le propose l'amendement n° 8, la durée d'amortissement de la dette sociale de trois ans pour répondre à l'urgence du financement de la dépendance. On ne peut attendre l'extinction de la dette actuelle de la CADES, en 2024. Il n'est pas incohérent de demander la réduction de la durée de vie de la CADES si l'amendement au projet de loi ordinaire refusant le transfert des 136 milliards était voté.

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Je ne peux être favorable à la proposition de Pascal Brindeau de repousser l'extinction de la CADES à 2041. Je ne perds pas l'espoir qu'on en finisse un jour avec le fardeau de la dette sociale. La date butoir choisie est directement liée à la couverture des déficits définie par le projet de loi ordinaire. Le choix de 2041 ne me paraît pas fondé sur des hypothèses de recettes, de dépenses et de solde raisonnable ou, à tout le moins, prévisible.

Je ne pourrai pas non plus souscrire aux anticipations d'extinction de la CADES en 2027 ou en 2028. Le transfert, dans le projet de loi ordinaire, de 136 milliards d'euros supplémentaires ne pourrait être amorti sur une durée aussi courte, puisque cette anticipation contraindrait la Caisse à amortir plus de 40 milliards d'euros par an. À recettes constantes, c'est impossible ; au cours des deux derniers exercices, 16 à 17 milliards ont été amortis chaque année. Par ailleurs, si la dette figure dans les comptes de l'ACOSS, c'est bien qu'elle présente, à un degré plus ou moins étroit, le caractère d'une dette sociale.

J'ajoute que, si on adoptait vos amendements, la loi organique ne respecterait pas le principe constitutionnel de sincérité budgétaire.

Enfin, nous ne souhaitons pas diminuer la somme transférée à la CADES, car cette dernière est une institution solide, qui s'endette à moindre coût et dont la signature s'appuie sur l'État. Cela n'empêche nullement le Gouvernement d'investir, comme il le fait, dans une meilleure protection sociale pour les Français. Réjouissons-nous d'avoir des institutions de sécurité sociale suffisamment robustes pour porter une dette supplémentaire issue d'un événement imprévisible, dans des conditions de financement actuellement très favorables.

Monsieur Perrut, la prolongation d'un an que vous appelez de vos vœux découle de la proposition, que vous formulez dans un amendement au projet de loi ordinaire, de diminution des recettes de la CADES de 2,3 milliards d'euros par an entre 2021 et 2024. Vous anticipez en effet le financement supplémentaire alloué à la CNSA. La sincérité budgétaire commanderait donc le report d'un an. Je ne peux néanmoins pas y être favorable. Une telle diminution de recettes pourrait mettre en péril la capacité de la CADES à continuer à se financer aux conditions actuelles. C'est une hypothèse que nous avons testée auprès de plusieurs acteurs, en toute objectivité. Cette mesure affecterait un quart de la part de CSG aujourd'hui versée à la CADES. De plus, l'anticipation à 2021 mettrait à mal la capacité à rembourser ne serait-ce que l'échéance de 2024. La prolongation d'un an perturberait la lecture par les marchés et nous renverrait à l'incertitude. Nous n'avons donc pas donné suite aux discussions tenues lors des auditions.

Avis défavorable sur l'ensemble des amendements.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Pour les mêmes raisons que le rapporteur, mon avis est défavorable. Je développerai mes arguments lors de l'examen des amendements à l'article 2 du projet de loi ordinaire.

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Vous êtes de mauvaise foi ! Il ne s'agit pas de réduire la durée d'amortissement de la dette reprise par la CADES tout en transférant 136 milliards ! Vous n'avez pas compris l'amendement. Pourtant, son exposé sommaire précise bien qu'il est complémentaire de l'amendement déposé sur le projet de loi ordinaire.

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Même s'ils peuvent apparaître contradictoires, ces amendements visent tous le même objectif : clarifier les modalités de financement de la CNSA et de la future cinquième branche. La majorité partage cette préoccupation. Construire une cinquième branche sans financements à la hauteur des enjeux ne nous mènerait nulle part en effet. À ce stade, nous proposons de suivre votre avis, monsieur le rapporteur, mais nous demandons au Gouvernement de nous apporter des précisions sur le financement, et ce dès 2021, car nous aurons besoin de moyens conséquents avant 2024. Il doit préciser son ambition politique et budgétaire pour l'autonomie et le grand âge, ainsi que son calendrier.

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La CADES a été créée il y a vingt-cinq ans. Depuis, aucune promesse n'a été tenue... Cette caisse ressemble à un mirage : plus on s'en rapproche, plus elle s'éloigne.

Pour faire passer la pilule, vous nous promettez, la main sur le cœur, que la dette s'éteindra au plus tard en 2033. Mais, monsieur le secrétaire d'État, à recettes inchangées, quelles sont les hypothèses implicites de déficit ? Nous avons posé la question à M. Darmanin : il nous a répondu, gêné, espérer un retour à l'équilibre à partir de 2024 – on ne tient compte que des déficits 2020-2023. Certes, il y aura alors une nouvelle majorité... Pouvez-vous nous indiquer la date du retour à l'équilibre ? Ce débat est surréaliste : on ne peut discuter d'un déficit sans connaître les recettes et les dépenses !

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Je partage les interrogations de M. de Courson. En outre, d'autres collègues ont rappelé l'urgence et la nécessité de la création de ce cinquième risque : mais qu'y met-on ? Ce ne peut être un slogan ! Comment le finance-t-on ? Et, surtout, quand ? Monsieur le rapporteur, que répondez-vous aux EHPAD, aux structures et à tous ceux qui attendent ? Lorsque nous vous proposons des moyens pour mettre en place cette cinquième branche le plus rapidement possible, vous les rejetez !

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Ce n'est pas à moi de définir les modalités de financement mais, vous avez raison, il y a urgence. D'ailleurs, le rapport Libault a estimé le besoin de financement à environ 8 milliards d'euros, quand le rapport El Khomri parle de 10 milliards. Je penche plutôt pour cette dernière estimation. Le rapport Libault avait également fléché un financement via le solde de la CADES en 2024. Il n'avait donc pas identifié l'urgence dès 2021. C'est pourquoi, sur la période 2021-2024, le Gouvernement et la majorité doivent faire d'autres propositions de financement – le rapport Libault en liste un certain nombre. Le ministre Véran nous l'a confirmé : la conférence des financeurs se mobilisera pour apporter des réponses.

Vous le constatez, nous avons compris la même chose. C'est pourquoi nous nous y sommes penché lors des auditions. En complément des arguments que j'ai déjà développés, c'est également la raison pour laquelle nous avons rejeté vos amendements.

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Si la crise sanitaire du covid-19 n'était pas passée par là, le Gouvernement et la majorité ne proposeraient certainement pas la création de ce cinquième risque ! La crise a mis en exergue les difficultés de nos établissements, contre lesquelles beaucoup de nos collègues se battent depuis des années. Nous avions déjà interrogé la ministre pour savoir quand serait présenté un véritable projet de loi sur la dépendance, permettant de faire face au besoin d'autonomie de nos concitoyens. Le sujet a toujours été reporté et, désormais, dans une certaine précipitation, on nous annonce la création d'une cinquième branche, sans que nous puissions débattre de son périmètre et de son financement. Si vous continuez dans cette direction, nous ne pourrons pas vous suivre. Ce serait dommage. L'unanimité ne peut se faire sur un projet de loi vide !

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Le rapport Libault estime les besoins de financement pour le grand âge à 6 milliards d'euros en 2024, et tout ne pèse pas sur le budget de la sécurité sociale : certaines mesures d'accompagnement concernent l'habitat, les transports, l'adaptation des villes et des communes, etc.

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Vos réponses donnent le sentiment que nous avons les moyens d'attendre 2 024. Monsieur le rapporteur, je connais votre attachement à l'échelon départemental – notamment au département du Nord – et je m'étonne de vos propos : ils laissent à penser que la conférence des financeurs, qui réunit la CNSA et les départements, pourra gérer la crise de l'autonomie jusqu'en 2024 ! Or les besoins en financement sont criants et urgents. Dès 2021, les départements ne pourront plus les assumer...

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J'avais aussi posé la question de la stratégie et du calendrier du Gouvernement en faveur de l'autonomie. Jetons déjà les bases de cette cinquième branche, parlons ensuite de l'organisation. Nous traiterons le financement dans le PLFSS. Monsieur Perrut, pensez-vous que nos prédécesseurs auraient créé la sécurité sociale en 1945 s'ils avaient su que cela entraînerait des milliards de dépenses... ? Bien sûr que non ! La crise actuelle a révélé nos fragilités. Lançons-nous et faisons, comme nos prédécesseurs, preuve d'un peu de courage !

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Notre collègue Isaac-Sibille a raison. La création de la sécurité sociale remonte à 1945, avec une majorité proche de vos idées, monsieur Perrut. De même, en 2003, au lendemain de la canicule, c'est vous qui avez créé la CNSA. Il serait donc malvenu de nous reprocher la création d'une cinquième branche au lendemain de la crise du covid !

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Personne ne vous reproche de vouloir mettre de l'argent dans l'autonomie et la dépendance ! Mais, à vous écouter, on se demande à quoi sert de légiférer : les décisions sont déjà prises et le chiffrage effectué sur la base du rapport Libault.

Pour ne prendre qu'un exemple, quand le rapport que j'ai rédigé avec Mme Iborra préconise de passer de 0,2 à 0,6 soignant par résident, correspondant à une heure et demie de soins, le rapport Libault plaide pour une augmentation de 0,54 à 0,6 personnel, incluant les directeurs, les animateurs, les cuisiniers, etc. Vous avez donc déjà fait votre choix : vous n'augmenterez pas le nombre de personnels soignants au chevet des résidents. Nous en prenons acte. Souffrez qu'il y ait une opposition et que nous souhaitions débattre des solutions et des modalités de financement !

Certes, il s'agit de votre projet, mais la covid-19 et la crise n'en faisaient pas partie... Vous plaidez pour l'unité, mais décidez seuls, comme d'habitude. Et quand nous souhaitons participer aux décisions, vous vous y opposez, pensant tout savoir. Pourtant, nous avons le droit de poser des questions, de nous opposer, de manifester notre désaccord. Ne soyez pas bornés !

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Ces échanges sont extrêmement intéressants. Ils soulignent la confusion entre le risque et la branche. Que voulez-vous faire ? Le rapport du rapporteur et celui du Conseil d'État sont clairs : il s'agit de fusionner deux sous-objectifs – celui qui traite de la contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes âgées et celui qui traite des contributions de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour personnes handicapées. Est-ce ce à quoi vous réduisez la cinquième branche ? Si tel est le cas, vous vous moquez du monde !

On ne peut parler de cinquième risque sans évoquer le reste à charge pour les familles dont les proches sont accueillis en établissement, ou celui lié à l'accompagnement à domicile. On ne peut passer outre la réforme de la tarification des établissements.

Vous n'avez répondu à aucune de nos questions. Quel est le périmètre de votre réforme ? Comment est-elle financée ? Elle semble se limiter à une restructuration de l'ONDAM, sans prévoir de nouveaux crédits…

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Vous ne pouvez nier le caractère novateur de la création d'une cinquième branche. Nous sommes les premiers à vouloir la mettre en place. Bien entendu, les financements seront au rendez-vous, quand le temps sera venu, au moment de la conférence de financement. En outre, nous n'avons pas attendu la crise du covid-19 pour y penser ! Enfin, rappelez-vous qu'il y a peu, certains – qui critiquent désormais notre projet – évoquaient un financement par le secteur privé ou la Mutualité. L'évolution est conséquente puisque nous affirmons ici que le financement sera public et issu de la sécurité sociale.

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Ne confondons pas tout, s'il vous plaît ! Concentrons-nous sur le dispositif : il s'agit d'un projet de loi organique visant à lever différents obstacles à la création de la cinquième branche, elle-même créée par le projet de loi ordinaire que nous examinons ensuite.

Monsieur Grelier, nous n'avons pas découvert le sujet de l'autonomie lors de la crise du covid-19 ! En l'affirmant, vous faites fi des travaux que nous avons conduits avant la remise du rapport Libault ou de celui de Mme El Khomri, et qui ont étroitement associé beaucoup d'entre vous.

Ce projet de loi, vous l'aurez également compris, ne vise pas à prévoir les financements dédiés à la prise en charge de l'autonomie. Ce point sera traité lors de l'examen du PLFSS ou d'un autre projet de loi – je ne suis pas dans le secret des dieux. Nous déterminerons alors ensemble les périmètres, la gouvernance et la place des départements qui me sont chers – vous avez raison –, ainsi que les financements qui relèvent de la sphère publique et ceux qui relèvent de la sphère privée. Ce n'est pas à moi de trancher, et encore moins au projet de loi organique. Ne nous trompons donc pas de débat !

Conformément aux conclusions du rapport Libault et aux auditions que nous avons menées, j'ai simplement rappelé que nous envisagions bien de prendre une partie des ressources dédiées à la CADES à partir de 2024. C'est également ce que prévoient les deux projets de loi – prélever une fraction de la CSG dédiée à la CADES. Pour autant, je ne suis pas en train de dire que ce sera le seul financement, ni qu'il n'y aura aucun financement de 2021 à 2024 !

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Le Gouvernement souhaite structurer rapidement une prise en charge coordonnée de la perte d'autonomie et en assurer un pilotage cohérent. Nous avons la volonté de respecter l'intervention des nombreux financeurs qui participent à cette politique – départements, déjà évoqués, mais aussi communes.

La création d'un nouveau risque couvert par la sécurité sociale et la structuration de sa prise en charge, au sein d'une branche dédiée ou de la branche maladie, sont les choix structurants qui doivent faire l'objet d'une concertation avec tous les acteurs. Le ministre Véran a annoncé son lancement dans les prochains jours. C'est également la raison pour laquelle le projet de loi prévoit que le Gouvernement transmette un rapport sur les conditions de création du nouveau risque et/ou de la nouvelle branche relatifs à la perte d'autonomie. Ce rapport, rendu au plus tard le 30 septembre 2020, précisera les dispositions qui devront être prises dans le cadre du PLFSS 2021.

Dans l'intervalle, le ministre l'a aussi indiqué, le Gouvernement mettra en place une conférence de financement, au sein de laquelle la question des recettes sera clairement posée. La transparence sera évidemment totale sur l'équilibre de la branche puisque vous en débattrez lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur de Courson, les dispositions de l'article que vous mentionniez sont à droit constant. Ne vous inquiétez pas, le Conseil constitutionnel a validé la rédaction. S'agissant du quantum de dette repris, l'estimation tient compte des prévisions à date. Mais, même si personne ne peut précisément savoir quel sera le déficit en 2024, est-ce une raison pour attendre ?

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l'article 1er modifié.

Article 2 : Modification du cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale en matière d'information du Parlement et de mesures relatives à la dette

La commission examine l'amendement de suppression n° 3 de M. Jean-Pierre Door.

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Nous avons un problème de méthode... Le projet de loi crée une cinquième branche alors que la concertation n'a pas eu lieu, alors que le rapport promis par le Gouvernement n'est pas rendu, alors que le Conseil d'État considère dans son avis qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire ces dispositions dans un projet de loi organique – la cinquième branche pouvant être créée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ouvrez donc largement la discussion, et dès maintenant ! Ouvrez-la à tous les députés de l'Assemblée nationale et au Sénat, ainsi qu'à tous ceux impliqués dans le très lourd dossier de l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Laissez aller les débats et décidez au moment du PLFSS ! Pourquoi y a-t-il urgence à intervenir ? C'est la raison pour laquelle notre amendement vise à supprimer l'article 2.

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Vous évoquez le manque de clarté des contours du projet de cinquième risque ou de cinquième branche. C'est pourtant la situation actuelle qui manque de clarté : nous ne votons aucun agrégat sur la dépendance en PLFSS, les annexes sont insuffisamment documentées – quand elles n'arrivent pas trop tardivement – et les liens entre la CNSA et la sécurité sociale sont confus.

Par ailleurs, le rapporteur général Thomas Mesnier, ainsi que plusieurs groupes – dont le mien – entendent clarifier l'article 4 du projet de loi afin de créer un véritable cinquième risque, reconnu comme tel et indépendant du risque de maladie, et une cinquième branche au sein du régime général.

Ces modifications seraient inutiles, le Conseil d'État estimant que la création de la nouvelle branche peut intervenir dans le cadre d'une loi ordinaire. Vous avez raison, mais deux éléments doivent être aménagés dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) afin de respecter les prescriptions du Conseil d'État. Il s'agit en premier lieu de l'annexe au PLFSS dédiée à la dépendance, au même titre qu'il en existe une sur l'ONDAM, qui nous permettra de disposer d'une information améliorée sur les comptes de la dépendance. Or les annexes ne peuvent être créées que dans la loi organique.

En second lieu, l'extraction probable des objectifs « personnes âgées » et « personnes handicapées » au sein de l'ONDAM implique une réduction du nombre de sous-objectifs, sans laquelle nous serons obligés de récréer artificiellement des catégories.

Vous estimez ces modifications prématurées, car antérieures au rapport qui doit être remis au Parlement. Mais nous n'aurons pas mille occasions d'examiner un projet de loi organique et nous devons toucher à la LOLFSS – la « Constitution » des commissaires aux affaires sociales – avec parcimonie.

Cette cinquième branche sera gage de visibilité pour nos concitoyens, de sincérité pour les parlementaires, et de solidité pour les défis financiers et organisationnels qui nous attendent. Mon avis sur votre amendement sera donc défavorable car il s'agit, je le répète, de créer les conditions pour qu'une loi ordinaire – celle qui suit ou une autre – puisse créer une telle branche.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Je suis également défavorable.

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Vous parlez tous de « nouveau risque ». Il faudra m'expliquer en quoi ce risque est nouveau : les gens vieillissent et perdent en autonomie, il n'y a là rien de « nouveau » ! Certes, nous devons accorder plus de visibilité à ce risque et apporter des réponses à la hauteur, mais rien ne nous garantit que ce sera le cas avec votre projet. Qu'en sera-t-il si cette cinquième branche est rachitique ? Vous ne nous apportez aucune garantie et il s'agit pour le moment simplement d'affichage.

Si nous suivons la démonstration du rapporteur, la décision est prise et il faut supprimer l'ONDAM médico-social. Mais qu'est-ce qui nous y oblige ? Je ne suis pas particulièrement fan des ONDAM – nous en avons débattu à de nombreuses reprises – mais vous liez des sujets qui n'ont pas à l'être ! Ouvrons un grand débat sur la prise en charge de la perte d'autonomie ; nous l'attendons depuis un moment ! Analysons les besoins auxquels nous voulons répondre et la manière d'y répondre. Ensuite, seulement, nous déterminerons s'il faut – ou pas – créer un cinquième risque et une cinquième branche. J'ai encore des doutes, mais faisons les choses dans l'ordre !

Votre démarche n'est pas cohérente : les deux sujets dont traitent les projets de loi sont distincts ; il faut les traiter séparément.

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Votre cinquième branche ressemble à une boîte à chaussures dans laquelle on ne sait pas s'il y aura des chaussures ou quelle sera leur taille !

Vous nous dites qu'il faudrait accepter le transfert de dette à la CADES du fait de la création d'une nouvelle branche de la sécurité sociale. Mais les deux sujets sont distincts, et mériteraient des débats distincts. A minima, attendons le rapport promis par le Gouvernement pour nous prononcer. La confusion contribue en outre à évacuer la question du bien-fondé de la socialisation de cette dette exceptionnelle.

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À la lecture du point 10 de l'avis du Conseil d'État, on se rend clairement compte que l'article 2 n'est pas nécessaire ; d'ailleurs, les propos du rapporteur le confirment. Monsieur le ministre, ne s'agit-il pas d'un texte de pur affichage, qui se contente de sortir deux sous-objectifs de l'ONDAM pour les réunir et en faire un seul objectif ?

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Depuis le début de cette discussion, vous dites manquer d'informations ; or l'article 2, que vous voulez supprimer, vise précisément à donner au Parlement davantage de lisibilité s'agissant des dépenses relatives à l'autonomie. Il propose en effet de préparer la création de la cinquième branche en supprimant deux sous-objectifs de l'ONDAM, relatifs respectivement aux dépenses des établissements pour personnes âgées, et à celles des établissements pour personnes handicapées.

Nous n'inventons pas un nouveau risque : nous nous employons à en reconnaître un qui existe depuis longtemps. La perte d'autonomie sera désormais reconnue et prise en charge par la solidarité nationale comme un risque à part entière. Je ne comprends pas que vous vous y opposiez.

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Monsieur Dharréville, vous avez dit que le risque de perte d'autonomie était déjà pris en compte dans notre système de santé ; c'est très révélateur de la perception que nous avons du vieillissement. Le rattacher à une branche maladie véhicule l'idée que vieillir est une maladie. Or, avec la création de cette cinquième branche, la perte d'autonomie due à la longévité ou à un handicap sera prise en compte de manière transversale et non plus comme une maladie. C'est un élément fondateur de la politique que nous voulons porter, car vieillir est aussi une chance pour notre société.

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Je m'étonne que des groupes politiques disent aux citoyens qui attendent et demandent depuis longtemps la création d'une nouvelle branche, annoncée par de nombreux gouvernements – que ce soit sous les présidences de M. Sarkozy ou de M. Hollande, et même avant –, qu'il faut la supprimer.

Vous dites que nous mettons la charrue avant les bœufs, et que les financements qui seront attribués à ce cinquième risque ne sont pas clairs. Mais il ne s'agit que d'un contenant, dont le contenu serait la loi « grand âge et autonomie », que nous appelons de nos vœux, et sur laquelle nous avons travaillé pour produire un diagnostic partagé par l'ensemble des groupes politiques.

Prétendre que le problème est déjà traité, est pour le moins léger. Quand on voit dans quelle situation se trouvent les personnes âgées face au risque de perte d'autonomie, on se rend bien compte que ce n'est pas le cas. Il faut inscrire cette branche dans la loi, et obtenir ensemble la loi « grand âge et autonomie », qui nous a été promise depuis maintenant trois ans par le Gouvernement.

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Ne nous faisons pas de faux procès sur un sujet si important, et à propos duquel nous sommes nombreux à nous être mobilisés. Ce problème de société n'est pas apparu avec la crise sanitaire : voilà un moment qu'un certain nombre de personnes appellent l'attention sur la situation des EHPAD et, plus généralement, sur la question de la prise en charge de la perte d'autonomie. Comment allons-nous y répondre ? Nous pouvons nous mettre d'accord pour dire que la dépendance devrait relever d'une prise en charge par la sécurité sociale ; et celle-ci devrait être selon moi beaucoup plus forte qu'elle ne l'est actuellement.

Quelle sera notre philosophie ? En effet, la vieillesse n'est pas une maladie. Cependant, quand on vieillit, le risque augmente de tomber malade ou de perdre de l'autonomie, même si tout le monde n'en passe pas par là. Il faut beaucoup mieux prendre en charge ces difficultés de l'existence, comme le sont déjà un certain nombre de pathologies ; c'est bien pour cela que la sécurité sociale a été créée.

Je me bats à la fois pour une meilleure prise en charge par la sécurité sociale, et pour la création d'un grand service public de l'autonomie. Nous avons beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. Avant de prendre des décisions sur ce vaste sujet, il faut poursuivre nos discussions. Au lieu de nous proposer de prendre des décisions ensemble, vous nous mettez devant le fait accompli avec ce texte.

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Il est vrai que ce risque n'est pas nouveau, mais il n'avait jamais été identifié comme tel. Vous dites ne pas être fan des ONDAM ; pour ma part, je suis encore moins fan des sous-ONDAM. Or c'est actuellement en leur sein qu'il faut aller piocher pour trouver l'ensemble des informations, et c'est bien ce que nous proposons de rectifier par l'intermédiaire de ces deux textes.

Nous respectons les prescriptions du Conseil d'État. La loi organique ne crée pas la cinquième branche de la sécurité sociale : elle vise à mettre en place les conditions nécessaires pour qu'une loi ordinaire à venir puisse le faire. Les débats nous amènent souvent à passer d'un texte à l'autre, mais je ne suis rapporteur que du projet de loi organique, et c'est à son propos que je peux m'exprimer. Pour l'avoir vécu il y a peu sur l'examen d'un autre texte, je sais que nous pouvons compter sur notre collègue Boris Vallaud pour nous interpeller si jamais nous contrevenions aux règles édictées par le Conseil d'État...

Par ailleurs, la nouveauté proposée consiste en la création d'une annexe, qui ne peut être prévue que dans une loi organique, ce qui justifie d'autant le présent texte.

Enfin, en créant cette cinquième branche, nous mettons le Gouvernement devant ses responsabilités. Il ne faut pas rester au milieu du gué : le débat doit se poursuivre pour que les engagements pris en matière de gouvernance et de financements soient respectés. Ces deux textes n'ont pas vocation à traiter le sujet dans son intégralité.

La commission rejette l'amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement de précision rédactionnelle n° 14 du rapporteur.

Puis elle adopte l'article 2 modifié.

Après l'article 2

La commission examine l'amendement n° 7 de Mme Jeanine Dubié.

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Il s'agit d'un amendement d'appel, qui doit servir à ouvrir la discussion – déjà entamée – sur ce cinquième risque ou cinquième branche.

Je souhaiterais d'abord davantage de clarté s'agissant des terminologies utilisées : dépendance et perte d'autonomie ne sont pas synonymes. La dépendance, c'est l'impossibilité, partielle ou totale, d'accomplir seul des actes de la vie quotidienne, alors que l'autonomie renvoie au droit de chacun de choisir ce qui est bon pour soi. Confondre les deux termes et les utiliser indifféremment, entretient l'idée qu'être dépendant revient à ne plus être capable de choisir ce qui est bon pour soi, et à être privé de ce droit. Cette confusion révèle la perception que l'on a souvent d'une personne âgée ou d'une personne handicapée en situation de dépendance, à qui on ne reconnaît pas le droit de choisir.

Ensuite, cette branche recouvre à la fois les personnes âgées et les personnes handicapées. Au-delà de l'affichage qui conduit à regrouper deux sous-ONDAM, cela signifie-t-il que l'on va enfin supprimer la barrière d'âge à 60 ans, et mettre en place une prestation universelle et de solidarité nationale pour compenser les effets de la dépendance chez les individus âgés ou en situation de handicap ? Ce sont là les véritables enjeux de cette mesure, et c'est pour cela que je me bats depuis 1988 et la création de la CSG, qui a fait émerger cette notion de cinquième risque, dont j'ai l'impression qu'elle se trouve aujourd'hui détournée pour n'être plus qu'un outil budgétaire.

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Je comprends bien l'état d'esprit qui préside à votre amendement d'appel, mais il ne s'agit pas du bon véhicule.

Votre amendement propose de compléter l'article législatif ordinaire L. 200-2 du code de la sécurité sociale, pour ajouter une branche « dépendance ». Cet ajout est évidemment le bienvenu, et Thomas Mesnier, moi-même ainsi que plusieurs groupes le proposeront dans la loi ordinaire.

Il n'est pas possible de le faire dans le présent texte : au point 10 de son avis, le Conseil d'État précise en effet que « la création d'un nouveau risque ou d'une nouvelle branche de la sécurité sociale ne relève pas, par nature, du législateur organique ». Il me semble préférable de respecter la hiérarchie des normes et l'avis du Conseil d'État sur ce point.

En outre, ajouter cette branche par un texte organique aurait pour conséquence de rendre organique cette nouvelle branche, alors que toutes les autres relèvent du niveau législatif ordinaire. Elle n'apporterait qui plus est aucune garantie supplémentaire en matière de solidarité, la LOLFSS étant essentiellement un texte procédural ; elle pourrait même encourir la censure du Conseil constitutionnel, qui estimerait que cette mesure n'applique aucun article de la Constitution.

Pour toutes ces raisons, je vous propose un retrait et vous donne rendez-vous dans le projet de loi ordinaire qui nous sera soumis juste après.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Je suis du même avis.

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J'entends tout à fait que ce texte n'est pas le bon vecteur législatif, et je vais retirer cet amendement. Cela dit, vous n'avez pas répondu à ma question : quel est le périmètre de cette cinquième branche ? Pour le moment, il ne s'agit que d'un affichage dans le cadre de l'ONDAM.

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Ne nous trompons pas d'objectif ni de débat. Ce sujet a toute son importance mais n'a pas sa place dans le cadre du débat relatif au projet de loi organique. Il trouvera son prolongement dans les discussions que nous aurons sur le texte ordinaire et, surtout, dans la concertation évoquée par M. le ministre Olivier Véran. J'espère qu'elle débouchera sur des mesures de financement dans le PLFSS. Monsieur le ministre, ne nous laissez pas au milieu du gué. Nous avons l'intention de franchir un vrai pas en créant ce soir une nouvelle branche dans la loi ordinaire ; il restera alors à rassurer les uns et les autres sur la continuité du débat et sur les moyens qui seront accordés.

L'amendement n° 7 est retiré.

La commission adopte l'ensemble du projet de loi organique modifié.

Elle examine ensuite le projet de loi relatif à la dette sociale et à l'autonomie (n° 3019) (M. Thomas Mesnier, rapporteur).

Article 1er : Reprise de 136 milliards d'euros de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale

La commission examine les amendements identiques n° 4 de M. Pierre Dharréville, n° 33 de M. Boris Vallaud et n° 54 de Mme Delphine Bagarry.

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J'ai déjà expliqué les raisons de notre opposition à ce transfert de la dette sociale pour un montant de 136 milliards d'euros à la CADES, opération qui permet au Gouvernement de maintenir sous pression pour de longues années les dépenses de protection sociale.

Le Gouvernement aurait pu choisir de faire porter cette dette par l'État, considérant qu'il s'agit d'une dette exceptionnelle, résultant non pas d'une mauvaise gestion des différentes branches de la sécurité sociale, mais de décisions prises par le Gouvernement – et lui seul – pour affronter cette crise sanitaire dont personne ne nie la gravité, ni qu'elle appelait un certain nombre de mesures exceptionnelles.

Ce transfert de dette entraîne de manière mécanique un report de l'échéance d'extinction de la dette sociale. Nous restons opposés à ce choix, d'autant que nous ne sommes pas certains que celui-ci soit vraiment économe pour les finances publiques et sociales.

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À dette exceptionnelle, traitement exceptionnel ; il faut donc distinguer ce qui relève de la « dette covid-19 », et ce qui relève structurellement de la dette de la sécurité sociale. Le transfert de la dette à la CADES n'apparaît pas comme une bonne solution, parce que l'État emprunte dans de meilleures conditions, parce que la dette sociale n'est pas gérée de la même manière que la dette de l'État, que l'on fait « rouler », et parce que le financement par des impôts proportionnels là où la solidarité nationale devrait être plus largement sollicitée est une erreur. Ce faisant, vous obérez vraisemblablement les capacités à satisfaire aux besoins sanitaires de la nation, tels qu'ils se sont révélés dans la crise, mais aussi tels qu'ils lui préexistaient.

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En revenant sur la fin du « trou de la sécu », nous nous privons d'une capacité d'investissements futurs, et je regrette que la « dette covid-19 » devienne une dette sociale. Cet amendement est le pendant de l'amendement de suppression de l'article 1er du projet de loi organique. Nous avons peu d'espoir qu'il soit adopté, mais nous espérons que les partenaires sociaux ne nous en tiendront pas rigueur et qu'ils continueront de gérer de manière remarquable la sécurité sociale, comme ils l'ont toujours fait, alors que l'adoption d'un tel texte traduit un manque de respect à leur égard.

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Vous souhaitez empêcher le transfert – proposé à hauteur de 136 milliards d'euros – de la dette sociale actuellement cumulée par les branches de la sécurité sociale à la CADES.

Cette suppression nous exposerait d'abord à court terme à un risque de trésorerie de la sécurité sociale. L'ACOSS, qui porte actuellement les déficits des branches de la sécurité sociale, sera endettée à hauteur de 90 milliards d'euros d'ici à cet été. En l'absence de versement de la CADES, c'est la capacité des branches elles-mêmes à verser des pensions et des prestations qui est menacée, mettant en péril des revenus pour des millions de Français. Je ne pense pas que vous souhaitiez cela.

À moyen terme, ne pas permettre cette reprise de dette obèrerait par exemple la reprise d'un tiers de la dette des hôpitaux, qui avait pourtant été saluée à l'automne dernier, certains sur ces bancs estimant d'ailleurs qu'elle n'allait pas assez loin.

Enfin, à plus long terme, il n'existe pas de solution alternative satisfaisante. Vous estimez que c'est à l'État de porter cette dette, en plus des 220 milliards d'euros de déficit qu'il va supporter pour l'année 2020. Mais la CADES s'endette déjà à des taux particulièrement attractifs grâce à la signature de l'État, comme l'a rappelé le président de l'établissement public lors de son audition. Fragiliser la dette de l'État, c'est aussi fragiliser la capacité de la CADES à s'endetter, maintenant et à long terme.

Nous privilégions un plan responsable, rendu possible par le sérieux budgétaire avec lequel sont traités les déficits et la dette sociale. Cela n'empêche d'ailleurs pas les investissements dans l'avenir de notre protection sociale, à l'instar du transfert de 2,3 milliards d'euros de CSG inscrit dans le présent projet de loi, et sur lequel j'espère que nous pourrons tous nous retrouver.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Avis défavorable, suivant les arguments déjà exprimés par le rapporteur du projet de loi organique, et à l'instant par Thomas Mesnier.

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L'amendement n° 33 pose à nouveau la question de savoir si l'État est capable de mieux gérer cet endettement que les caisses sociales, et ainsi d'assurer un meilleur refinancement de la dette.

C'est lorsque les taux d'intérêt sont bas – c'est le cas en ce moment – qu'il faut allonger les maturités. Or, par définition, nous ne pouvons pas disposer actuellement de telles maturités sur la CADES puisque, sa dette étant censée arriver à échéance en 2024, elle ne peut aller chercher que des segments de marché de court terme. Transférer 136 milliards d'euros permet d'obtenir des segments à dix ans et de « locker » les taux pendant une longue période. Si les montants étaient plus faibles, les maturités seraient plus courtes. Cela coûterait un peu plus cher car le taux serait plus élevé à cause des primes de risque ; surtout, on se mettrait dans une situation risquée au cas où une remontée de taux survenait au bout de deux, trois ou quatre ans. On sécurise ainsi des taux zéro qui ne sont peut-être pas les meilleurs – il est possible d'obtenir de meilleurs taux à court terme sur les marchés –, mais sont assurés à dix ans. C'est la meilleure gestion possible du coût de la dette.

La CADES, qui est un acteur classique et reconnu par les investisseurs, peut tout à fait jouer ce rôle, comme le fait l'Agence France Trésor pour la dette de l'État. Elle est certes séparée par caisses mais, aux yeux des Français et du marché, il n'y a qu'une seule dette publique française. La CADES est suffisamment crédible pour amortir et refinancer, parce qu'elle dispose des recettes nécessaires et parce qu'elle a démontré sa capacité à le faire pendant de nombreuses années ; la prolonger en transférant ce montant d'endettement est donc une bonne stratégie en matière de refinancement de l'endettement public.

Non, le transfert à l'État ne constituerait pas une meilleure gestion du refinancement de la dette. La solution proposée est au moins aussi bonne, et elle a le mérite, puisque c'est une dette sociale venue de l'ACOSS et de la dette des hôpitaux, d'être gérée par la sphère sociale. Si sa gestion avait été moins bonne, je vous aurais donné raison, mais ce n'est pas le cas.

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Avant qu'on ne vote sur l'éventuelle suppression de l'article 1er, je souhaiterais obtenir quelques précisions.

D'abord, pourquoi les cinq premiers alinéas de l'article ne concernent-t-ils que le régime général, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) ? La CNRACL disparaît d'ailleurs dans la seconde partie alors que d'après l'étude d'impact, elle continue à être déficitaire.

D'après les modalités de transfert déterminées à l'alinéa 12, il s'agit non pas d'une reprise de dette, mais d'une prise en charge en annuités de la dette des hôpitaux. Cependant, il ne s'agit plus seulement des hôpitaux, puisque, selon l'avis du Conseil d'État, du fait d'un risque d'inconstitutionnalité pour rupture d'égalité, toutes les structures participant au service public hospitalier doivent être concernées. Comment allez-vous faire pour les cliniques privées à but lucratif ? Entre une clinique qui a mis en réserve tous ses bénéfices, et une autre qui a tout distribué, la structure de dette est très différente. Pourriez‑vous nous éclairer sur ce point ?

C'est la première fois que je vois apparaître le concept de provision pour dette. Que signifie ce nouveau concept, fixé à hauteur de 92 milliards d'euros – une bricole ! – alors que l'on ne sait même pas quel sera le niveau des dettes ?

Enfin, et de manière subsidiaire, avez-vous les résultats au 31 décembre 2019 des différentes caisses ? Les comptes définitifs sont-ils arrêtés, pour que l'on détermine le montant exact de la dette, plutôt que de les évaluer à quelques centaines de millions d'euros près ?

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Du point de vue des taux, il y a une quasi-équivalence entre CADES et État puisque la différence n'est que de 0,1 à 0,3 point. En revanche, la nature de la dette n'est pas la même : pour la CADES, le remboursement porte à la fois sur les intérêts et le capital ; pour l'État, seulement sur les intérêts, le principal étant emprunté. Les crédits qui auraient été libérés par l'extinction de la CADES ne seront plus disponibles. Pendant dix ans, ce sont 10 à 13 milliards d'euros qui devront être remboursés chaque année.

Vous ne vous posez pas la question du mode de financement de la « dette covid » : vous vous en tenez à une simple proportionnalité – le Gouvernement se refuse à créer des impôts supplémentaires sur les gros patrimoines. Pour notre part, nous sommes favorables au recours à la progressivité.

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D'ici à la séance, tirons au clair la question du bornage : quels déficits seront intégrés dans le montant global de 136 milliards d'euros ? Qu'en est-il, par exemple, de la CNRACL ? Quelles raisons fondent vos choix ? Vous mettez en avant la volonté de soutenir les efforts d'investissement des établissements publics de santé, or c'est une question qui relève du PLFSS qui ne peut être véritablement débattue dans le cadre de l'examen de ces projets de loi.

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Monsieur Vallaud, la CADES a 18 milliards d'euros de recettes contre 2 milliards de charges correspondant aux intérêts de la dette, soit un excédent de 16 milliards. D'un point de vue comptable, il n'est pas exact de dire que son extinction libérerait des crédits. Elle créerait du déficit, ce qui n'est pas en soi un problème puisque c'est aussi une source de financement.

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Je suis gênée par le tour éminemment technique que prennent nos débats car ce transfert de la « dette covid » est avant tout une question politique. Le choix a été fait, de manière assez unilatérale, de la faire supporter par la sécurité sociale, or sa gestion diffère de celle de l'État. Je m'interroge aussi sur la reprise de la dette des hôpitaux. Ne devait-elle pas incomber à l'État ?

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Que la dette des hôpitaux soit reprise par la CADES me semble tout-à-fait légitime, d'un point de vue technique comme politique. Qui finance les hôpitaux ? Les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), qui relèvent de l'assurance maladie et donc de la loi de financement de la sécurité sociale.

Parmi les dettes transférées de l'ACOSS à la CADES, nous prenons en compte les 31 milliards de déficits constatés au 31 décembre 2019 ainsi que les dettes des hôpitaux publics et des ESPIC. Les cliniques privées à but lucratif sont par essence hors périmètre puisqu'elles n'ont pas vocation à faire de la dette, sinon sur la durée.

Prévoir des provisions pour dettes, c'est faire preuve d'un bon sens de l'anticipation. Ce n'est pas une nouveauté, du reste : en 2010, le législateur avait anticipé les déficits de la branche vieillesse jusqu'en 2018.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Les enjeux d'équilibre structurel du régime de la CNRACL imposent que nous attendions un peu pour décider de son avenir.

Quant aux établissements de santé privés à but non lucratif, je vous confirme qu'ils sont bien intégrés dans le périmètre de la reprise de dette.

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Saisi du projet de loi initial, le Conseil d'État a estimé qu'il comportait un risque d'inconstitutionnalité du fait de la rupture d'égalité qu'il introduisait dans le traitement des établissements participant au service public hospitalier. Vous avez en conséquence élargi le périmètre en retenant la formule d'« établissements de santé relevant du service public hospitalier », ce qui inclut le secteur privé. Pourquoi nous dire que les cliniques privées ne sont pas prises en compte ?

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Une clinique privée à but lucratif qui vient de distribuer des dividendes au titre de l'année n-1 bénéficiera-t-elle d'une reprise de sa dette constatée pour l'année n ?

Le Conseil d'État vous a demandé d'ajouter les ESPIC, fort bien. Certains, dont je suis, vous demandent également d'intégrer les établissements médico-sociaux, qui eux aussi ont des dettes.

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Pour la CNRACL, il faudrait que nous « attendions un peu ». Mais quoi exactement ? J'ai l'impression qu'il y a des velléités de revenir sur ce régime alors qu'il avait été annoncé que ce ne serait pas le cas – le débat sur la réforme des retraites n'est pas si ancien même s'il nous paraît lointain. Il serait dommage que nous votions la loi sans être suffisamment éclairés. Le Conseil constitutionnel nous le reprocherait ensuite.

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Certaines cliniques privées ayant consacré des lits à la réanimation pendant la crise sanitaire ont facturé un loyer aux hôpitaux publics. Leurs dettes seront-elles aussi être prises en charge ? Autrement dit, la sécurité sociale devra-t-elle payer deux fois ?

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Les établissements privés à but lucratif ne sont pas exclus du périmètre mais ils ne représentent qu'une part infinitésimale des dettes puisque par définition, ils n'ont pas vocation à produire de la dette.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Pour que les choses soient claires, je précise que ne seront concernés que les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif.

La commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels n° 59, n° 60 et n° 61 du rapporteur.

Elle en vient à l'amendement n° 21 de Mme Bénédicte Peyrol.

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Nous demandons que des précisions soient apportées sur les déficits repris par la CADES. Les provisions pour dettes intègrent-elles, par exemple, les indemnisations revalorisées des soignants ?

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Vos interrogations paraissent légitimes compte tenu de l'incertitude qui entoure les déficits pour la période 2020-2023. Toutefois, les annexes au PLFSS, notamment l'annexe 8 qui donne le détail des recettes, dépenses et soldes pour les organismes ou fonds financés par les régimes obligatoires de base, dont la CADES, apporteront des précisions dès le prochain exercice. Tout n'a pas vocation à figurer dans un décret. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement pout le retravailler.

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L'étude d'impact est partielle. Elle ne précise pas ce que recouvrent les 45 milliards de provision pour dettes et se fonde sur une croissance des recettes issues de la CSG et de la CRDS, qui sera peut-être moins rapide que prévu. Je ne manquerai pas de revenir sur ces questions en séance.

L'amendement est retiré.

La commission est saisie des amendements identiques n° 10 de M. Jean-Pierre Door et n° 23 de M. Charles de Courson.

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Nous voulons que soit retirée du montant total de la dette reprise par la CADES la part correspondant à la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier, soit 13 milliards d'euros.

Nous ne sommes bien sûr pas opposés au principe d'une reprise partielle de leur dette qui leur permettrait de retrouver des marges de manœuvre mais nous estimons que les moyens retenus ne sont pas adéquats.

La somme concernée devrait faire l'objet d'une compensation par le budget de l'État car elle ne relève pas d'une mauvaise gestion des comptes sociaux ou de la crise du covid-19 mais de décisions politiques que le Gouvernement doit assumer. Il n'est pas honnête d'annoncer une telle reprise pour ensuite faire peser son financement sur les Français, via la CSG ou la CRDS.

Deuxièmement, la reprise de la dette des hôpitaux ne nous semble pas faire partie du champ initial de la CADES.

Enfin, cette procédure risque d'ouvrir une voie dangereuse vers une reprise des dettes d'autres structures financée par du déficit, ce qui ne relève pas d'une gestion saine des finances publiques.

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La lecture de l'alinéa 12 m'a plongé dans des abîmes de perplexité. L'avis du Conseil d'État, en particulier son point 14, n'a fait qu'approfondir mon malaise. Considérant que votre projet initial introduisait une rupture d'égalité, il vous suggérait d'étendre le bénéfice de la mesure aux « établissements de santé privés assurant le service public hospitalier, notamment les établissements de santé privés d'intérêt collectif ». Ce « notamment » montre bien que le champ doit être précisé.

Par ailleurs, compte tenu de la multiplicité des établissements concernés, peut-on confier à un simple décret le soin d'établir les critères de reprise des dettes ? Ceux-ci doivent être objectifs car sur ce point aussi, le contrôle du respect du principe d'égalité s'appliquera.

Je pensais que vous apporteriez des précisions par amendement mais ce n'est pas le cas. Quelle est votre position ?

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L'adoption de vos amendements reviendrait à supprimer la reprise de la dette des hôpitaux, promesse faite en novembre dernier et concrétisée par ce projet de loi à hauteur de 13 milliards d'euros. Vous comprendrez que je ne puisse pas y être favorable, d'autant que les hôpitaux ont consenti des efforts historiques au plus fort de la crise sanitaire. Si nous voulons que notre système hospitalier soit en mesure de s'adapter aux nouveaux enjeux de santé publique, la reprise de leur dette constitue la meilleure incitation à l'investissement vertueux.

Vous estimez que la dette des hôpitaux ne fait pas partie du champ de la CADES. Le circuit proposé est pourtant parfaitement orthodoxe au regard des reprises habituelles de dette par la CADES. Les hôpitaux reçoivent leurs recettes par le biais des CPAM, entraînant autant de dépenses pour la branche assurance maladie. Les déficits de cette branche étant portés par l'ACOSS, l'agence pourra, au titre de la couverture de ces déficits, obtenir des versements de la part de la CADES.

S'agissant de la prise en compte des établissements privés, M. le secrétaire d'État a déjà apporté des clarifications.

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D'après l'étude d'impact, il s'agirait non pas d'un transfert de dettes mais d'un mécanisme de prise en charge des annuités. Est-ce bien cela ?

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Le Gouvernement a-t-il consulté Bruxelles pour s'assurer que la reprise de dettes n'était pas contraire au droit communautaire – je pense à l'arrêt Altmark ?

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Nous ne sommes pas opposés à une reprise partielle de la dette des hôpitaux, c'est simplement le vecteur retenu que nous contestons.

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Vous répétez que depuis novembre, promesse a été faite d'une reprise partielle de la dette des hôpitaux publics, mais allez jusqu'au bout, et dites qu'il était prévu que ce soit l'État qui en assume la charge ! Agnès Buzyn n'a-t-elle pas dit devant la commission des affaires sociales qu'elle mettait un point d'honneur à ne pas alourdir la dette sociale quand il était question de cette reprise de la dette hospitalière ? Admettez donc qu'en changeant de ministre, vous avez changé de promesse !

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Nous nous accorderons tous pour dire que la reprise de la dette hospitalière est une décision historique. Elle représente un levier majeur pour contribuer à améliorer la situation financière des établissements de santé. Avec un encours de 30 milliards d'euros, la dette des établissements publics de santé constitue une charge annuelle de 900 millions d'euros au titre des intérêts qui pèse sur leurs résultats d'exploitation. Avec 60 % de leur marge consacrés au service de la dette, les hôpitaux ne sont plus en mesure d'atteindre un niveau suffisant pour financer les investissements courants ou structurels. Après remboursement de la dette, leurs ressources sont inférieures à 1 % des produits. Cette situation a conduit à un sous-investissement estimé entre 1 et 1,5 milliard d'euros par an. Les ressources dégagées par la reprise de la dette permettront de soutenir l'investissement hospitalier à hauteur de 1 milliard d'euros par an. J'ajoute, monsieur Breton, que les contribuables seront tout autant sollicités que la dette soit reprise par l'État ou par la CADES.

Les modalités précises seront fixées dans les mois à venir et seront sans doute intégrées dans une disposition du PLFSS 2021. Des discussions sont en cours avec les autorités européennes à ce sujet.

La commission rejette ces amendements.

Puis elle est saisie de l'amendement n° 24 de M. Charles de Courson.

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Cet amendement vise à supprimer le treizième alinéa de l'article 1er, qui fixe des priorités dans les transferts à opérer, au cas où le seuil de 92 milliards d'euros serait dépassé. Ne nous entravons pas ainsi, déterminons plutôt ces montants chaque année à l'occasion des lois de financement de la sécurité sociale.

Le déficit de la sécurité sociale pour les régimes de base atteindrait cette année 52 milliards d'euros. Avec un plafond fixé à 40 milliards d'euros, il resterait 12 milliards d'euros à financer. Si l'année suivante, nous en sommes à 28 milliards d'euros de déficit, cela ferait 40 milliards d'euros avec le report, autrement dit il n'y aurait plus rien pour les hôpitaux.

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Je comprends votre inquiétude, mais j'espère être en mesure de vous rassurer. Le pouvoir réglementaire est chargé par cet article de déterminer, dans la limite d'un montant de 40 milliards d'euros par an, l'échéancier des versements annuels de la CADES vers le régime général, le régime agricole ainsi que la CNRACL. Cette disposition est notamment rendue nécessaire par le soulagement immédiat de la trésorerie de l'ACOSS, l'échéancier permettant notamment de décider d'un versement de la CADES à l'ACOSS d'un montant d'environ 25 milliards d'euros pour 2020.

Le législateur social financier conserve toutefois l'ensemble des pouvoirs dont il est investi par le législateur organique. Il lui revient en particulier d'approuver le montant des recettes affectées à l'amortissement de la dette sociale pour le dernier exercice clos, de rectifier, le cas échéant, l'objectif assigné aux organismes chargés de l'amortissement de la dette et de déterminer cet objectif pour l'exercice suivant. Ces mesures font d'ailleurs partie du monopole des lois de financement de la sécurité sociale.

Le législateur financier seul peut aussi affecter des recettes exclusives de la sécurité sociale à la CADES.

Enfin, le législateur a également à connaître des mesures ayant un impact sur l'amortissement de la dette sociale ainsi que sur les recettes de la CADES dans leur ensemble.

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Mais à quoi sert ce treizième alinéa ? Expliquez-le-moi, monsieur le rapporteur. Il ne vous est pas interdit d'avoir un avis différent de celui du Gouvernement.

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Je ne vais pas entrer dans les détails mais la CADES, pour se financer, est confrontée à un problème de profondeur insuffisante de marché.

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Adrien Taquet, secrétaire d'État

Avis défavorable.

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Cette reprise progressive de la dette sociale est une procédure qui a déjà été utilisée en 2010. Le montant total avait d'ailleurs pu être réduit de 130 milliards à 128 milliards d'euros.

La priorisation proposée par le Gouvernement me semble intéressante. Il s'agit d'abord de prendre en compte les déficits déjà constatés, puis la dette des hôpitaux, enfin la provision pour dette pour la période 2020-2023. Cette année, selon le président du conseil d'administration de la CADES, M. Jean‑Louis Rey, la CADES ne pourrait lever sur les marchés que 20 à 30 milliards d'euros. Elle ne saurait prendre en charge les 136 milliards d'euros d'un coup.

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Je ne comprends pas bien votre argumentaire, chère collègue. Les déficits constatés au 31 décembre 2019 s'élèvent déjà à 31 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent, pour 2020, les 52 milliards d'euros prévus pour le seul régime de base de la sécurité sociale. Ce sont donc 83 milliards d'euros au moins qu'il faudra lever pour la fin de l'année, avant même de commencer à rembourser la dette de 13 milliards d'euros des hôpitaux.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte l'article 1er modifié.

La séance est levée à vingt heures cinq.

Présences en réunion

Réunion du lundi 8 juin 2020 à 16 heures 15

Présents. – Mme Delphine Bagarry, M. Jean-Noël Barrot, M. Belkhir Belhaddad, M. Julien Borowczyk, Mme Brigitte Bourguignon, M. Xavier Breton, M. Pascal Brindeau, M. Francis Chouat, M. Paul Christophe, Mme Dominique David, M. Pierre Dharréville, Mme Jeanine Dubié, Mme Marianne Dubois, Mme Audrey Dufeu Schubert, Mme Stella Dupont, Mme Caroline Fiat, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Jean-Carles Grelier, Mme Émilie Guerel, Mme Véronique Hammerer, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Daniel Labaronne, M. Jean-Paul Mattei, M. Thomas Mesnier, Mme Cendra Motin, M. Bernard Perrut, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. Bruno Questel, M. Laurent Saint-Martin, M. Boris Vallaud, Mme Annie Vidal

Assistait également à la réunion. – M. Charles de Courson