Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 17h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Mission d'information de la conférence des Présidents sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Présidence de M. Julien Borowczyk

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Madame, nous avons souhaité aborder avec vous la mobilisation du service de santé des armées en ces mois de crise sanitaire, en appui ou en complément du système de soins hospitaliers, pour la prise en charge des malades. Plus généralement, il serait important que vous fassiez part de votre regard sur la coordination et la complémentarité de ces actions. Le service de santé des armées a-t-il été mobilisé sur tous les fronts où il dispose d'une capacité d'action, sachant que les militaires n'ont pas non plus été épargnés par la contamination ?

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires imposant aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, je vous invite d'abord à lever la main droite et à dire : « je le jure ».

(Mme Gygax Généro et M. Valade prêtent serment.)

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Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées

Je suis la directrice centrale du service de santé des armées (SSA) depuis trois ans. Il s'agit d'un système de santé intégré complet, créé et dimensionné pour sa mission, qui est le soutien médical des armées. Cela signifie apporter en tous temps, en tous lieux et en toutes circonstances, à tout militaire exposé à un risque lié à son engagement opérationnel, un soutien santé qui lui garantisse la prévention la plus efficace et la meilleure qualité de prise en charge en cas de blessure ou de maladie, afin de préserver ses chances de survie et de moindres séquelles, tant physiques que psychologiques.

Le service de santé des armées compte 1 600 femmes et hommes, civils et militaires, auxquels il convient d'ajouter 3 300 réservistes.

Nos savoir-faire spécifiques qui s'exercent dans tous les milieux, terrestre, maritime et aéronautique, sont essentiellement liés à la blessure de guerre physique et psychique, aux domaines nucléaire, radiologique et chimique et, bien sûr, aux pathologies infectieuses.

Ces dernières années, les compétences du SSA ont été mises à plusieurs reprises au service de la santé publique, dans le domaine du traumatisme de guerre, lors des attentats de 2015, dans le domaine de l'infectiologie, lors de l'épidémie de grippe H1N1, en 2009, puis lors de l'épidémie à virus Ebola, en 2014, aussi bien sur le territoire national que par la projection d'un centre de traitement des soignants biosécurisé en Guinée Conakry.

Pour mener à bien ses missions, le service dispose de plusieurs capacités : une médecine de premier recours, que nous appelons médecine des forces, huit hôpitaux militaires, le ravitaillement médical, la formation et la recherche biomédicale de défense. L'action combinée de ces cinq composantes permet au SSA de déployer une chaîne médicale complète et ininterrompue, de l'action plus près du soldat, sur le terrain d'opération, aux hôpitaux militaires.

L'engagement opérationnel du SSA est très dense puisqu'en 2019, près de 2 000 militaires du SSA ont été projetés en mission sur les théâtres d'opérations, aux côtés des armées. Nous soutenons également la gendarmerie nationale.

Dès les premiers jours de la crise covid, le SSA a contribué aux trois opérations de rapatriement de ressortissants depuis Wuhan, les 31 janvier, 2 et 9 février 2020, en apportant son expertise en termes de biosécurité et de décontamination et en assurant un rôle d'interface avec les autorités sanitaires régionales et nationales. Grâce à un hôpital reconnu de premier niveau par l'agence régionale de santé (ARS), Begin, à Saint-Mandé, et trois hôpitaux de deuxième niveau, Percy à Clamart, Laveran à Marseille et Saint-Anne à Toulon, les hôpitaux militaires ont très vite activé leur plan blanc, le 6 mars et élargi leur capacité d'hospitalisation en réorientant 300 lits d'hospitalisation conventionnelle vers l'accueil de patients covid et en multipliant par trois, de 57 à 166, le nombre lits de réanimation.

Toutes les ressources des hôpitaux militaires dans leurs différences et leurs complémentarités ont été utilisées. Nous les avons renforcées par des médecins et des infirmiers de la médecine des forces, mais aussi par des réservistes et des élèves de nos écoles. Entre le 15 mars et le 15 mai, en moyenne 150 réservistes et 250 élèves ont été employés chaque jour en renfort au sein des hôpitaux militaires. Au total 13 867 patients covid ont été pris en charge au sein des hôpitaux d'instruction des armées (HIA), dont 3 616 patients hospitalisés en secteur conventionnel covid et 546 en réanimation.

Dans le même temps, nos chercheurs, nos épidémiologistes et nos soignants ont travaillé en réseau interne et avec les réseaux civils pour contribuer à l'intense réflexion et à l'innovation scientifique, médicale et organisationnelle du SSA.

Par ailleurs, le SSA a déployé, en lien avec la direction générale de la santé (DGS) et les ARS, des capacités mobiles ou délocalisées de réanimation pour participer au transfert ou à la prise en charge des patients gravement atteints par le covid depuis les hôpitaux civils les plus saturés. Dès le 18 mars, le service a réalisé une première évacuation médicale aérienne à bord d'un Airbus A300 Phénix de l'armée de l'air avec, pour la première fois sur le territoire national et dans une ambiance hautement infectieuse, mise en œuvre du système Morphée (module de réanimation pour patient à haute et élongation d'évacuation). Six opérations Morphée ont été conduites entre le 18 mars et le 3 avril, impliquant au total vingt-neuf personnels du SSA et permettant le transfert de trente-six patients lourds, intubés et ventilés.

Le 23 mars, douze autres patients ont été transférés d'Ajaccio vers les hôpitaux de la région PACA, dont l'hôpital militaire Laveran à Marseille, à bord du porte-hélicoptères amphibie Tonnerre, médicalisé par le SSA, renforcé de personnels soignants civils. Aucun décès n'a été à déplorer lors de ces transferts de patients de réanimation.

À partir du 28 mars, pour répondre à la demande de désengorgement des lits et de réanimation dans le Grand Est, puis en Île-de-France, l'armée de terre amis à disposition des hélicoptères Caïman dont la médicalisation a été assurée par des équipes médicales civiles, renforcées par des équipes du SSA. Puis, selon le même modèle, un pont aérien a été mis en œuvre entre la région parisienne et les hôpitaux de province, dont des hôpitaux militaires, par des moyens de l'armée de l'air : Falcon, Caracal, Puma, Casa, A400M. Au total, près de 150 patients ont été aérotransportés par des équipes civilo-militaires.

À ces évacuations aériennes se sont ajoutés les transferts intra-sanitaires auxquels ont pris part des équipes médicales du SSA.

En parallèle, à la demande du Président de la République, l'action peut-être la plus emblématique du SSA a été la conception ex nihilo et le déploiement d'un élément militaire de réanimation du service de santé des armées (EMRSSA), à Mulhouse. En six jours et demi, entre l'annonce présidentielle du 16 mars et la qualification opérationnelle du 23 mars, un service de vingt-sept lits de réanimation complet, aux plus hauts standards hospitaliers, a été monté sous tente, sur une aire de parking. Cet EMRSSA de mille mètres carrés a nécessité le conditionnement, l'acheminement et le déploiement de mille mètres cubes de matériels, un véritable défi pour la composante ravitaillement médical du service et pour le régiment médical de l'armée de terre.

Recevant, dès le 24 mars, le premier d'une série de quarante-sept patients lourds, les 136 personnels de l'EMR ont travaillé dans des conditions climatiques difficiles. Après leur relève, 354 personnels militaires, dont 235 du SSA, ont pu soulager les services de réanimation saturés du Grand Est et contribuer à l'amélioration des parcours des patients par leur appoint dans les organisations post-réanimation.

Le SSA prenait ses ordres du plateau ministériel « covid » du ministère des armées et agissait sur déclenchement par le centre de planification et de conduite des opérations de l'état-major des armées. Localement, l'action du SSA a été coordonnée par les officiers généraux des zones de défense et de sécurité, positionnés en interface avec les directeurs généraux d'ARS et les préfets, et conseillée par les médecins commandant les centres médicaux des armées selon une logique de proximité permise par le maillage territorial du service.

À chaque instant, le SSA a œuvré en bonne coordination avec la santé publique, grâce aux praticiens militaires positionnés au ministère des solidarités et de la santé et grâce à sa participation aux cellules de crise de ce ministère, ainsi qu'à celles des ARS.

Lors du déconfinement, comme l'ensemble du ministère, le SSA a mis en œuvre son plan de remontée progressive d'activité orientée vers trois objectifs stratégiques : soutenir les armées dans leur reprise d'activité, régénérer le SSA et poursuivre la contribution à la résilience de la nation. En application de ce troisième point et à la demande des autorités sanitaires, l'EMRSSA s'est reconfiguré sous une autre forme vers nos outremers : Mayotte, du 1er au 30 juin, où dix-huit patients graves ont pu être pris en charge par cinquante-neuf soignants du SSA, et la Guyane, du 10 juillet au 13 août, pour neuf patients supplémentaires pris en charge par vingt-deux soignants du SSA, sans oublier les évacuations aériennes de sept patients par A400M vers les Antilles.

En opération extérieure (OPEX) comme sur le territoire national, des procédures sanitaires adaptées aux conditions opérationnelles et conformes aux recommandations de la santé publique ont été proposées aux armées par le SSA et mises en place par celles-ci, afin de répondre à la volonté forte d'éviter l'importation, l'exportation ou la dissémination du virus lors des activités militaires ou des relèves.

Des automates de laboratoire PCR ont été déployés sur les théâtres, où ils sont la pierre angulaire de notre stratégie de diagnostic précoce.

Une capacité de réanimation projetable a été constituée pour la prise en charge directement sur les théâtres d'opération de militaires covid gravement malades, en attendant leur évacuation sanitaire par voie aérienne. Je précise que cette dernière capacité n'a pas eu à être utilisée à ce jour.

Sur le territoire national, dans le cadre de la stratégie « tester, tracer, isoler », une politique ambitieuse de pratique de tests PCR et de contact tracing a été menée au profit des armées. Elle s'appuie sur trois niveaux. Le niveau 1 est assuré par notre médecine de premier recours qui prend en charge et dresse pour chaque militaire PCR positif la première liste des personnes contacts à risque, lesquelles sont également isolées et médicalement accompagnées. Le niveau 2, situé au niveau des centres médicaux des armées, collige les résultats des enquêtes et les transmet au système informatisé SIDEP (système d'information national de dépistage de la covid-19) de Santé publique France. Ceci permet une étroite coordination entre les militaires, et Santé publique France pour les civils, et une enquête civilo-militaire complète et coordonnée. Le niveau 3 concerne nos épidémiologistes qui assurent la veille sanitaire et réalisent les enquêtes les plus complexes. Au besoin, des équipes sont projetées dans un délai court, notamment en cas de foyer de contamination, comme cela a été le cas fin février, sur la base aérienne de Creil, ou en avril, pour le groupe aéronaval.

Au 1er septembre, le SSA avait réalisé plus de 44 000 tests PCR au profit des armées et de la gendarmerie nationale et 18 000 tests sérologiques. Avec 55 nouveaux tests PCR positifs, hier, et une quarantaine de clusters suivis au sein des armées et de la gendarmerie, l'activité covid du SSA augmente de nouveau, sans se démarquer épidémiologiquement de ce qui est observé au niveau de la population civile.

Le SSA ne manque pas d'atouts qui lui ont permis de se préparer et d'agir au profit des forces armées comme de la santé publique. Notre dispositif d'alerte opérationnelle permanente, conçu pour le soutien des opérations militaires, confère au SSA une grande réactivité. Celui-ci dispose aussi des compétences et de l'expérience nécessaires, tant dans la gestion de crise que dans le domaine du risque biologique et épidémiologique. Enfin, la composante du ravitaillement médical entretient un stock de matériel et d'équipements prêt à être déployé en soutien médical des opérations militaires. Ce stock a notamment permis la cession de cinq millions de masques et de vingt respirateurs au profit de la santé publique, ainsi que la constitution de l'EMRSSA de Mulhouse en un temps record. La régénération de ce stock est en cours.

Aurions-nous pu faire autrement ? La réponse est non. Le SSA s'est appuyé sur son expérience en matière de gestion de crise en mobilisant ses aptitudes militaires à concevoir, s'adapter, réagir, gérer les flux médicaux, réarticuler ses capacités dans un délai court, dans tout type d'environnement. Nous sommes à l'image de nos armées. Nous sommes intervenus non pas en ultima ratio – nous ne serions pas en capacité de le faire –, mais de manière précoce et continue, en fonction d'un effet à obtenir. C'est en ce sens qu'il faut comprendre l'« effet starter » apporté par le SSA à la santé publique, dont il ne représente que 1 % des capacités.

Aurions-nous pu faire davantage ? La réponse est non. Je suis fière que le SSA ait répondu aux demandes qui lui ont été adressées sans jamais faiblir dans le soutien aux armées en opération ou dans la prise en charge des militaires blessés, qui demeure sa mission première. Les moyens du service et son organisation sont déterminés pour cela, dans le cadre des contrats opérationnels fixés à nos armées. Le service de santé des armées ne peut pas être une réponse aux besoins globaux de la santé publique en cas de crise. Sa plus-value consiste à contribuer à des réponses circonstanciées hors les murs de l'hôpital, comme nous l'avons fait pendant la crise. Chacun doit garder à l'esprit les ordres de grandeur. Je le répète, le SSA ne représente que 1 % des personnels de santé en France, qui permet d'atteindre les objectifs fixés en matière de santé des forces armées.

Pour terminer, je tiens à souligner qu'aucune de ces actions n'aurait été possible sans l'engagement exceptionnel et sans faille des femmes et des hommes du SSA, auxquels je souhaite rendre un hommage appuyé, sans oublier leurs familles.

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Je m'associe à vos propos pour féliciter et remercier le service de santé pour son engagement.

Santé publique France possède une plateforme de stockage à Marolles, près de Vitry-le-François. Ce site jouxte-t-il ou fait-il partie de la zone militaire ? Quelles missions de services remplissez-vous pour Santé publique France ?

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Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées

Le service de santé des armées dispose de deux établissements de ravitaillement, l'un à Marolles, l'autre à Marseille. Le site de Marolles accueille également un établissement de Santé publique France. Les interactions sont d'ordre logistique. Nous disposons d'un stock stratégique de masques, d'équipements de protection, de matériels médicaux, de médicaments destinés au soutien des armées et des personnels du ministère des armées. Nous nous rendons ponctuellement service pour gérer d'éventuelles sorties de stocks, mais nos stocks ne sont pas communs. Santé publique France gère son propre stock.

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Ce n'est donc pas vous qui gérez la conservation et la qualité du stock de Santé publique France ?

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Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées

Non.

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Avez-vous une idée du nombre de masques dont vous disposiez initialement dans votre stock ?

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Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées

Au 1er février, nous disposions de dix-huit millions de masques chirurgicaux et de deux millions de masques FFP pour l'usage du service de santé des armées. Cela nous a permis de faire, en mars, un don de cinq millions de masques au ministère des solidarités et de la santé.

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Permettez-moi à mon tour de vous exprimer ma reconnaissance et celle de la représentation nationale pour la qualité de votre engagement au service de la nation tout comme celle des personnels civils et militaires placés sous votre autorité. Au cœur de cette crise sanitaire, vous avez démontré vos capacités, votre compétence et votre expertise.

Les chiffres que vous venez de donner témoignent de votre capacité d'anticipation, puisque le service de santé des armées disposait de plus de stocks de masques FFP2 que l'État, qui n'en avait plus aucun. Le SSA avait à lui seul l'équivalent de 20 % des stocks nationaux, puisque nous dénombrions 97 millions de masques au 1er janvier de cette année. Comment vos stocks sont-ils gérés et dimensionnés ? Comment les dates de péremption sont-elles surveillées ? La direction générale de l'armement (DGA), qui réalise des évaluations pour différentes entités et autorités publiques ou privées, était-elle en charge de l'évaluation de ces stocks ?

Dans une précédente audition, au Sénat, vous évoquiez la difficulté d'effectuer des tests pour tous les personnels des armées partant en opération extérieure. Quelle était votre capacité de tests au cœur de la crise et quelle est-elle aujourd'hui ? Les réactifs faisaient-ils défaut et comment avez-vous pallié ces difficultés ? Avez-vous des laboratoires en interne ?

Vous avez évoqué la capacité hospitalière du SSA et les huit hôpitaux d'instruction des armées. Vous avez augmenté la capacité de réanimation de 57 à 171 lits. Quelles en ont été les conséquences pour les activités médicales hors covid ? Dans les secteurs hospitaliers publics ou privés, la plupart des activités médicales hors urgences vitales ont été interrompues. Avez-vous poursuivi, modifié ou modéré les activités médicales de soins ou d'urgence hors covid ?

Le SSA a connu, au cours des cinq dernières années, une importante réduction d'effectif. Quelque 1 500 postes ont été supprimés, soit 10 % du total. Cette diminution a-t-elle pesé sur votre capacité opérationnelle durant la crise ? La fermeture de l'hôpital du Val-de-Grâce était-elle une erreur ? Faut-il le rouvrir ?

Un hôpital de campagne a été installé à Mulhouse. Auriez-vous pu en installer d'autres ailleurs ou aviez-vous atteint votre capacité maximale de projection ?

Ce qui s'est produit sur le Charles de Gaulle est une forme d'échec. Pourquoi la détection de la propagation du virus a-t-elle été aussi tardive ? Quel bilan sanitaire faites-vous de cette contamination ?

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Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées

Nous disposons d'une composante de ravitaillement médical chargée des achats, de constituer les stocks, de les entreposer, de les maintenir et de les faire parvenir là où est déployé le SSA, de façon à ce que, partout où sont déployées nos armées, dans tous les environnements, nos soignants disposent de tous les matériels médicaux et médicaments dont ils ont besoin.

Le nombre de masques, d'équipements de protection, le volume de médicaments et leur renouvellement sont déterminés et anticipés afin de répondre à notre contrat opérationnel. Pendant la crise, le service de santé des armées a lui-même rencontré des difficultés de renforcement de ses matériels, de ses automates, et a dû faire face aux difficultés mondiales d'approvisionnement. En début de crise, nous avons eu la chance de commencer par utiliser un stock sur le point d'arriver à péremption.

Nos activités de stockage pharmaceutique bénéficient d'inspections conformes aux standards de la santé publique.

Nous avons abordé la crise avec une vingtaine d'automates de PCR pour l'ensemble de nos hôpitaux militaires, auxquels il convient d'ajouter l'institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), qui a également une activité moléculaire.

Très tôt, dès fin février, nous avons évalué l'intérêt de disposer de davantage d'automates, non seulement dans nos structures hospitalières et notre institut de recherche, mais aussi au sein des unités militaires sur les théâtres d'opérations extérieur. Nous avons donc mis en place une procédure d'achat d'automates pour les projeter. Quatorze automates de PCR sont installés dans nos huit hôpitaux et dans l'IRBA, dont cinq à grand débit. Une douzaine d'automates sont projetés dans les bâtiments de la marine nationale – lors de l'épidémie au sein du groupe aéronaval, nous n'en disposions pas à bord – et le même nombre sur les théâtres d'opération extérieure. Nous en avons en réalité un peu plus car, compte tenu de la rudesse des conditions ambiantes, nous gardons en réserve un ou deux automates au cas de panne de l'un d'entre eux. Notre capacité maximale est de 3 000 tests par jour, y compris en OPEX. Notre cible est de 2 000 sur le territoire national et de 1 000 en opération. Sur le territoire national, nous pouvons atteindre un pic de 2 500 tests par jour, en cas de besoin.

Nous disposons de laboratoires dans chacun de nos hôpitaux d'instruction des armées comme dans les hôpitaux civils, plus un au sein de l'institut de recherche biomédicale des armées. Le centre de transfusion sanguine des armées à Clamart dispose également d'une capacité de grand débit de tests sérologiques.

Nous avons fixé quatre priorités pour effectuer ces tests. La première, ce sont les militaires symptomatiques. La deuxième, ce sont les circonstances opérationnelles, c'est-à-dire les militaires sur le point de partir en opération extérieure ou ceux qui en reviennent. Notre troisième priorité, ce sont les tests PCR dans le cadre des enquêtes de contact tracing. Notre quatrième priorité, ce sont les tests effectués soit à la demande individuelle, soit de circonstance. Je fais allusion aux prélèvements forains que nous avons organisés au retour des vacances, début septembre, sur le site Balard et dans cinq autres emprises du service de santé.

Outre la question des automates et du renouvellement des réactifs, se pose celle du personnel pour effectuer des prélèvements et de la délivrance des résultats dans les temps. Nous sommes à vingt-quatre heures de délai maximum. En outre, nous partageons les tensions du marché pour le réapprovisionnement en réactifs.

Nous avons huit hôpitaux militaires, dont quatre engagés dans des partenariats civilo-militaires. Nous avons pu augmenter notre capacité de réanimation en réorganisant nos hôpitaux comme les hôpitaux civils, c'est-à-dire en déprogrammant des activités de chirurgie tout en conservant notre capacité de prise en charge urgente de blessés de guerre qui seraient rapatriés des théâtres d'opérations extérieures.

Nous avons maintenu le lien avec les patients atteints de maladies chroniques, d'abord, par télémédecine. Comme les hôpitaux civils, nous avons développé une capacité de téléconsultation, celle-ci ayant été multipliée par quinze.

S'agissant de nos capacités globales, le SSA est engagé, depuis de nombreuses années, dans une transformation profonde de l'ensemble de ses composantes et, plus récemment, de sa composante hospitalière dans le cadre du « modèle SSA 2020 ». Cette diminution des effectifs a-t-elle pesé ? Cette transformation avait pour objectif de nous recentrer sur la prise en charge des blessés de guerre. Nous avons réorganisé notre offre de soins en abandonnant, par exemple, la radiothérapie et la dialyse. Mais nous avons conservé une expertise en infectiologie, parce qu'à côté de la prise en charge des blessures de guerre, nos armées étant projetées dans le monde entier, l'expertise en biologie est indispensable pour les soutenir correctement.

Au niveau hospitalier, la spécialité critique était celle des anesthésistes-réanimateurs, éléments moteurs pour augmenter la capacité en réanimation. Nous disposons de 104 anesthésistes-réanimateurs, lesquels ont armé toutes les capacités mobiles ou délocalisées de réanimation. Morphée, ce sont nos réanimateurs, MEROPE, sur A400M, ce sont nos réanimateurs ; l'ERMSSA est principalement armé par des anesthésistes-réanimateurs. Dans le retour d'expérience covid en cours, il sera intéressant de revoir le dimensionnement de nos capacités en anesthésistes-réanimateurs.

Nous avons seize infectiologues et trente-six biologistes, médecins et pharmaciens à haut niveau d'expertise du risque B.

En dehors de l'hôpital, notre deuxième composante de soins est la médecine de premier recours, c'est-à-dire la médecine des forces. Si, dans la première partie de crise, les réanimateurs étaient en première ligne pour la mise en place des capacités mobiles ou délocalisées de prise en charge, en revanche, pour le soutien quotidien des armées et l'accompagnement de la remontée de l'activité des armées après le déconfinement en ambiance covid, ce fut le cas de nos médecins de premier recours, c'est-à-dire nos généralistes. L'armement des centres de test, soutenu par les laboratoires des hôpitaux, et la capacité de prélèvement sont assurés par les médecins des forces accompagnés par nos épidémiologistes. Les effectifs de notre centre d'épidémiologie sont inférieurs à quarante personnes.

Nous avons huit hôpitaux militaires, ce qui est probablement le bon nombre. Certes, la fermeture du Val-de-Grâce, notre hôpital phare, est un point emblématique, mais en tant que militaires, nous sommes en capacité de nous réarticuler. Je n'oublie pas non plus que c'est grâce à la fermeture du Val-de-Grâce que les hôpitaux Percy et Bégin ont pu être renforcés. Pour atteindre notre objectif de densification, il a fallu envisager la fermeture d'un hôpital, et nous en avons tiré le bénéfice.

L'ERM n'était pas un hôpital complet mais un service de réanimation aux très hauts standards universitaires. Il comportait vingt-sept lits de réanimation, et non trente, afin de maintenir une ergonomie au sein des tentes et de permettre à nos équipes de travailler en toute sécurité. Nous avions atteint notre capacité maximale de déploiement d'un élément de réanimation. Vingt-sept lits, c'est beaucoup. Nous n'aurions pas pu en déployer simultanément un second, car le vivier des anesthésistes-réanimateurs nécessaires pour armer cet élément se trouvait dans nos hôpitaux militaires où d'autres patients devaient être pris en charge. Il a fallu trouver un compromis entre la sécurité des patients pris en charge dans nos hôpitaux et l'installation des capacités mobiles.

L'ADN du service de santé des armées, c'est l'agilité et la capacité de répondre à une problématique dans un délai court. Nous ne disposions pas d'un EMRSSA sur étagère. L'important a été notre capacité à le concevoir et à l'installer rapidement de façon appropriée. Le tout prêt sur étagère ne correspond pas au besoin des armées, car il vise à répondre à ce qui est prévisible. Comme nos armées, le service de santé des armées doit être en capacité de répondre à des situations possibles, voire de proposer une capacité de réaction à l'imprévisible. Nous avons redéployé cet EMRSSA sous d'autres formes au sein de l'hôpital de Mayotte et nous avons projeté une équipe en Guyane. La tente, le matériel et les personnels pour armer sont très modulaires. Pour déclencher notre action, nous avons qu'on nous soumette l'effet à obtenir et qu'on nous permette de nous organiser pour l'atteindre.

Concernant l'épidémie au sein du groupe aéronaval, je vous propose, M. le président, de donner la parole au médecin chef Valade, notre expert en risques biologiques.

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Éric Valade, médecin en chef, chef du département de biologie des agents transmissibles

Cet épisode s'est déroulé très rapidement. Après avoir appareillé de Toulon le 21 janvier, le porte-avions a fait escale à Brest du 13 au 16 mars. Apparu vers le 21 mars, le premier cas suspect a bénéficié à bord d'un scanner qui s'est révélé négatif. Vers le 5 avril, sont apparues des suspicions d'autres cas. Six marins ont été évacués le 6 avril. Le 7 avril, l'alerte était donnée. Comme l'a dit la directrice centrale, le service de santé des armées a envoyé à bord une mission constituée d'épidémiologistes et de spécialistes de biosécurité.

Le porte-avions a accosté à Toulon le 13 avril. Entretemps, trois autres marins avaient été évacués vers les structures hospitalières. Dès son accostage, les membres de l'équipage ont bénéficié de tests de diagnostic et 55 marins ont été hospitalisés. Le lendemain, une vingtaine d'entre eux restait hospitalisée.

Parallèlement, une opération décontamination a été conduite par des membres du service spécialisé des armées en matière NRBC et par des spécialistes de l'institut de recherche biomédicale des armées pour rendre le porte-avions opérationnel le plus tôt possible.

Pour comprendre cette épidémie, il faut connaître la complexité de ces navires et la promiscuité qui y règne. Environ 1 800 marins vivent dans un bâtiment soumis à des problématiques de ventilation et d'aéraulique, éléments favorisant le développement potentiel d'épidémies. À l'époque, le porte-avions ne disposait pas de moyens de diagnostic biologique, ce qui, depuis, a été corrigé.

Nous avons tiré des leçons de cet événement épidémiologique, dont la nécessité de renforcer les mesures de prévention et d'évaluation du risque biologique à l'intérieur d'un tel bâtiment, en tenant compte des problématiques d'aéraulique et de ventilation. Nous devons adapter l'organisation de la vie à l'intérieur en raisonnant en termes de groupes pour les différentes spécialistes travaillant ensemble, afin de générer le moins possible de cas contacts. J'ai évoqué la dotation en équipements spécifiques permettant un diagnostic plus rapide non uniquement basé sur la clinique.

Nous avons réalisé un bilan sanitaire complet de l'équipage qui avait accosté au mois d'avril. Pour le prochain appareillage, une enquête vise à évaluer le statut biologique de l'ensemble des membres d'équipage.

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Le Président de la République ayant tenu un discours martial en disant « Nous sommes en guerre », il était normal de faire appel aux forces armées. Je félicite le SSA et l'ensemble de nos soldats pour les éléments militaires de réanimation montés en une semaine, les évacuations aériennes, ferroviaires, maritimes et, bien sûr, l'opération Résilience.

Dans son format actuel, le soutien des forces armées, mission première du SSA, est-il conciliable avec le soutien de la nation tout entière ? Si le risque a été prévu, tous les moyens l'ont-ils été ? Le « modèle SSA 2020 » est-il adapté ? Quelles leçons tirer de cette crise sanitaire ?

Le Charles de Gaulle, fleuron de nos armées et fierté nationale, a été rappelé d'urgence par la ministre. J'ai compris qu'à l'époque était impossible de réaliser des tests PCR à bord, mais des mesures d'isolement ou de distanciation sociale ont-elles été prises ou a-t-on continué à tenir des réunions alors que le doute avait été émis ?

J'ai cru comprendre que l'alerte épidémique avait été donnée à bord le 5 avril mais que l'information a été transmise au ministère le 7 avril. Confirmez-vous ce délai ? Si oui, pourquoi quarante-huit heures pour faire remonter cette information ?

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Je m'associe aux remerciements pour votre présence dans ce combat. C'est en première ligne qu'on prend les plus grands risques, et le corps médical et paramédical en a payé le prix.

On a parlé d'un foyer militaire dû au rapatriement de personnes de Wuhan. Quel sont le niveau, la gravité et l'origine de la contamination au sein des armées ?

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Votre rapport sur l'incident du Charles de Gaulle présente deux modélisations. L'une montre la courbe épidémique selon la définition de cas possibles et une RT-PCR positive, l'autre la courbe épidémique des cas incluant les symptômes d'anosmie et/ou d'agueusie. L'augmentation est sensible si l'on inclut l'anosmie et l'agueusie dans la définition des cas possibles. Il est même précisé qu'il eût été possible de détecter le signal épidémiologique dès le 23 mars, voire dès la fin de l'escale, en prenant en compte ces symptômes inclus tardivement dans la définition de cas possibles de Santé publique France. Ils n'apparaissent, en effet, dans le bulletin de situation que le 28 avril et figurent seulement le 7 mai dans les documents de Santé publique France. Pourtant, dans le secteur de l'AP-HP, des ORL recevaient des messages indiquant que les signes spécifiques étaient sensibles dès la mi-mars. La SSA relève ce décalage. Si Santé publique France avait inclus ces symptômes avant la fièvre, l'insuffisance respiratoire et la toux dans sa définition de cas possibles, une réaction précoce du médecin à bord eût été possible, d'autant qu'un scanner pulmonaire y a été réalisé. Si le cas suspecté avait relaté une perte d'odorat et de goût, on aurait pu considérer qu'une épidémie était en cours. Je constate un décalage avec Santé publique France et j'ai du mal à obtenir des réponses de sa directrice à ce sujet.

Enfin, je remercierai Mme la directrice centrale. Pour avoir participé à d'autres actions en faveur du SSA, travaillé avec d'anciens standards et effectuer encore aujourd'hui des vacations de télémédecine, je sais le travail réalisé dans nos hôpitaux et l'excellent travail que vous avez fait durant votre mandat.

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Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées

Le « modèle SSA 2020 » recentre le SSA sur la prise en charge de la blessure de guerre, sa mission première et la plus difficile. J'ai d'ailleurs une pensée pour le blessé arrivé il y a quelques jours à l'hôpital de Percy.

Nous sommes en train de tirer les conséquences de la pandémie mondiale. Nous devrons probablement renforcer certains secteurs critiques, notamment pour faire face à la survenue éventuelle d'une nouvelle épidémie. Je ne peux encore vous donner de bilan précis. Le « modèle SSA 2020 » était adapté aux contraintes et aux cibles du SSA au moment où il a été conçu mais cette crise nous conduira à en revoir certains aspects.

La conformation et la vie à bord rendent difficiles les mesures de distanciation sociale dans un navire comme le Charles de Gaulle. Les coursives ne sont pas très larges. Malgré ces contraintes, les médecins présents à bord ont fait le maximum pour instaurer les mesures barrières. N'oublions pas que le porte-avions avait appareillé de Toulon le 21 janvier et qu'à l'époque, nous n'avions pas encore tous les éléments qui auraient pu conduire à équiper le porte-avions d'automates ou de PCR. En revanche, les médecins à bord se sont tenus informés. Notre structure de commandement technique permet de tenir à jour les informations dont ils disposent. Ils ont pris le maximum de mesures. Avant l'escale à Brest, ils ont distribué 1 200 questionnaires pour vérifier l'apparition éventuelle de symptômes, puis, lorsque les marins sont remontés à bord, pour vérifier les activités et les contacts qu'ils avaient eus et « screener » d'éventuelles difficultés. Lorsque le porte-avions a appareillé, des mesures strictes ont été prises : toute vie sociale vespérale a été abolie, les rassemblements sociaux ont été supprimés, des dispositions prises pour la restauration. Il n'en demeure pas moins que tous les marins ne sont pas en chambre individuelle.

Un scanner thoracique, autre moyen de diagnostic du covid, a été effectué le 21 mars sur un cas cliniquement évoqué, mais il n'a pas montré d'image typique. Peut-être y avait-il une surinfection. Il a été interprété en télé-expertise à l'hôpital Percy par un groupe de radiologues qui, après avoir revu ces images, ont confirmé l'impossibilité de diagnostic de covid.

Pour ce qui est de l'alerte à bord, l'information est arrivée au service de santé des armées le 7 avril. Nous avons projeté très vite une capacité d'épidémiologie. Une des caractéristiques de nos épidémiologistes est d'être responsables à la fois de la veille scientifique et sanitaire et d'avoir la capacité d'être projetés sur le terrain. C'est de l'épidémiologie militaire appliquée.

Au sein du ministère des armées, le cumul total de contaminations est de 3 400 cas confirmés par PCR, dont environ 300 ont été hospitalisés en secteur conventionnel et 23 placés en réanimation. Nous déplorons un décès. Actuellement, nous n'avons pas de militaire hospitalisé pour covid dans nos hôpitaux militaires. Il convient d'y ajouter environ 700 cas confirmés dans la gendarmerie nationale, qui déplore deux décès. Nos taux de contamination sont strictement superposables à ceux de la santé publique. J'en suis assez fière, parce que les militaires agissent dans des conditions de promiscuité ou de cohésion, parfois dans des lieux clos, comme des chars ou des avions. Ces conditions particulières, inhérentes à la vie militaire n'entraînent pas une incidence supérieure à celle relevée par le ministère de la santé. L'incidence covid au sein de notre ministère, que nous avons calculée en début de semaine, est de 68 pour 100 000, dont superposable à celle constatée en milieu civil, qui est de 79 pour 100 000.

C'est le fruit du travail du service de santé des armées, qui est là pour apporter son expertise et proposer des adaptations en fonction d'un niveau de risque accepté par le commandement. Comme toujours, le SSA propose mais c'est bien le commandement qui prend les décisions. Par exemple, pour le défilé de quelque 2 000 militaires du 14 juillet, nous avons testé chaque militaire trois jours avant. Tous ceux qui ont défilé étaient PCR négatif. Nous les avons ensuite surveillés durant quelques jours par questionnaire de « screening », afin de vérifier l'absence de conséquence du rassemblement lié à la cérémonie.

Toutes ces adaptations, fruit du conseil au commandement, montrent bien que les armées se sont emparées du risque et ont pris des mesures appropriées pour poursuivre leur entraînement opérationnel et leurs activités opérationnelles en ambiance covid.

Concernant le rapatriement de nos ressortissants de Wuhan, le médecin chef des services Valade, ici présent, est intervenu comme conseiller scientifique pour l'organisation, la bio-décontamination et le suivi dont Santé publique France était chargée. Toutes les précautions avaient été prises pour l'équipage avant les vols. Après l'atterrissage, les équipages militaires et les personnels navigants ne sont pas sortis de l'avion.

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Éric Valade, médecin en chef, chef du département de biologie des agents transmissibles

Le premier avion était militaire et les deux autres civils. Les membres d'équipage ne sont pas sortis sur le territoire chinois et ont suivi les recommandations de protection face au risque biologique au regard de leurs activités. L'équipage médical a suivi les recommandations et à l'arrivée, il y a eu une évaluation de ce qui s'était passé, d'éventuels incidents ou accidents d'exposition biologique, afin qu'ils bénéficient éventuellement d'une prise en charge adaptée.

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Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées

Ce qui ne s'est pas produit. Il n'y a pas eu de nécessité de contact direct avec les passagers. Les personnels navigants ont été surveillés cliniquement. Je rappelle que la PCR de tous les ressortissants rapatriés ayant voyagé dans le premier avion s'est révélée négative. Il se trouve qu'en raison du cluster de Creil, un peu plus tard, deux des personnels navigants ont été testés, parce qu'ils étaient sujets contacts, et leur PCR était négative. L'étude du profil de l'épidémie dans l'Oise, notamment à Creil, et en particulier la détermination de la date de début des symptômes ressentis chez les civils, montre que celle-ci est antérieure au rapatriement des ressortissants. Compte tenu de la physionomie de l'épidémie, France publique France et nos épidémiologistes ne retiennent pas de lien entre l'équipage de l'avion militaire et l'épidémie de l'Oise.

Pour ce qui est du Charles de Gaulle, le virus était inconnu il y a encore quelques mois. Nous avons « appris en marchant ». On peut se dire rétrospectivement qu'en utilisant les connaissances dès leur apparition, nous aurions pu faire mieux. Nos épidémiologistes ont repris l'interrogatoire de chacun des marins et l'historique de leurs symptômes, sauf quelques-uns qui n'ont pas souhaité s'y prêter. Sur le pont d'envol d'un porte-avions, il fait assez froid et l'apparition de symptômes ORL est banale, on en signale quinze à vingt par jour. Vous avez raison de dire que l'agueusie et l'anosmie auraient pu être discriminants, mais seule la PCR ou le scanner aurait permis d'établir avec certitude le diagnostic. Quand on a réinterrogé les marins, certains ont eu une anosmie transitoire de quelques heures et n'ont pas pensé à la signaler. Je rappelle que la plupart étaient asymptomatiques et que nous n'avons connu que plus tard le pourcentage de patients asymptomatiques porteurs de covid. Certes, des symptômes auraient pu alerter, mais il y avait une proportion non négligeable de marins complètement asymptomatiques. C'est une population jeune. Si le porte-avions était parti un peu plus tard, il est très probable que nous l'aurions équipé d'automates de PCR, comme nous l'avons fait depuis. On peut toujours faire mieux, mais je crois vraiment que nos équipes à bord ont fait le maximum, en lien étroit avec le commandement, compte tenu du pourcentage très élevé d'asymptomatiques à bord.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comment la coopération a-t-elle été organisée entre le service de santé des armées, les SAMU et les sapeurs-pompiers, ces derniers ayant indiqué avoir été écartés de certaines opérations de transfert ?

À votre sens, ces transferts de patients étaient-ils indispensables, alors qu'il a parfois été dit que des places en réanimation étaient disponibles à proximité ? Le service de santé des armées a-t-il été consulté sur l'opportunité de réaliser ces transferts ou était-il uniquement chargé de les mettre en œuvre ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous disposez d'une grande aptitude à concevoir en très peu de temps des structures de santé utilisables dans tous les environnements où nos armées sont susceptibles d'intervenir. Habituellement, vous le faites pour des blessés de guerre. Dans le cadre de l'épidémie de covid, vous avez su transposer votre savoir-faire pour créer des structures de réanimation localisées et les mettre en œuvre très rapidement. Existe-t-il un partenariat entre le service de santé des armées et le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) dans le cadre de la réalisation des plans prévisionnels d'intervention en cas de pandémie ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis ravie de vous auditionner à nouveau après avoir eu la chance de le faire à la commission de la défense. Je saluerai l'engagement de l'ensemble des forces armées à vos côtés et le service industriel de l'aéronautique (SIAé) qui a réussi, en quelques semaines, à certifier l'aménagement des soutes d'hélicoptères pour faire fonctionner les respirateurs.

La réserve sanitaire civile a rencontré d'importants problèmes d'embouteillage du système informatique. Dans la perspective d'une résilience ultérieure, faut-il envisager la fusion de la réserve sanitaire civile et de la réserve sanitaire militaire ?

Vous avez, semble-t-il, manqué de moyens pour délivrer des certificats de reprise d'activité quand des cas contacts avaient été détectés dans les gendarmeries, ce qui a provoqué des difficultés opérationnelles. Vous sentiez-vous en mesure de prendre des décisions en dehors du droit commun ? Sur le plan réglementaire, des améliorations peuvent-elles être apportées ?

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Maryline Gygax Généro, directrice centrale du service de santé des armées

Nous travaillons au quotidien avec les sapeurs-pompiers et les SAMU sur le territoire national. Certains médecins de la brigade des sapeurs-pompiers à Paris et du bataillon des marins-pompiers de Marseille sont des médecins militaires. La coopération au quotidien est naturelle. Nous avons réalisé ensemble quelques exercices, notamment dans le cadre de l'action contre le virus Ebola, puisque les interfaces sont toujours interrogées lors de la mise en place d'une chaîne. Travailler ensemble au quotidien et bien se connaître sont des éléments importants pour fluidifier le fonctionnement en cas de crise.

Je ne peux vous dire qui a été écarté. Nous sommes intervenus comme effecteurs. Nous avons répondu aux demandes de la santé publique prises en compte par le plateau de crise du ministère des armées. C'est bien le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de l'état-major des armées qui nous a déclenchés, après évaluation des moyens pour répondre à l'effet à obtenir et vérification du respect de « la règle des quatre « i ».

La coopération a été fluide, notamment pour les transports de patients en hélicoptère. Les médecins du SAMU ont pris en charge à bord les patients de réanimation, tandis qu'à chaque fois, des médecins aéronautiques de la médecine des forces permettaient au SAMU de se concentrer sur la prise en charge médicale des patients, en assurant l'interface avec l'équipage et en facilitant l'organisation, ce que nous savons bien faire. La coopération a également bien fonctionné à bord des trains sanitaires.

Les transferts de patients étaient-ils indispensables ? Les autorités de santé publique pourraient vous répondre. Nous sommes intervenus comme effecteurs. Nous travaillons avec la santé publique à la réponse aux crises. Des médecins du service de santé des armées sont en poste au ministère de la santé. Il y a, au quotidien, un officier de liaison et un médecin militaire au sein du CORRUSS, le centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales du ministère chargé de la santé. Nous travaillons quotidiennement avec la direction générale de la santé. Nous nous connaissons bien, ce qui facilite la réponse aux crises. Mais dans cette crise, nous sommes intervenus comme opérateur.

Existe-t-il un partenariat entre le SSA et le SGDSN dans le cadre de la réalisation des plans de crise ? Au sein du ministère, un haut fonctionnaire de défense et de sécurité fait l'interface avec le SSA. Le service de santé des armées participe à la rédaction des plans et à la réalisation d'exercices. L'état-major des armées fait appel au SSA chaque fois qu'il a besoin d'une expertise. Les hôpitaux militaires participent au réseau des laboratoires dans le cadre des exercices Biotox et Piratox. L'interfaçage est réel. Nous sommes disponibles pour apporter des améliorations. Il y aura sans doute un retour d'expérience après la crise, mais nous participons bien à la préparation des plans de crise.

Je vous remercie d'avoir salué le SIAé et la capacité d'aménager les soutes. Le SSA est en proximité quotidienne avec des forces armées. Nous réfléchissons ensemble en permanence à la façon d'améliorer l'équipement sanitaire et la prise en charge des blessés dans tout type d'environnement. Notre capacité de recherche appliquée et d'innovation est permise par cette proximité. Nous partageons les opérations dans des circonstances particulières, ce qui donne la capacité de concevoir dans un délai court. Si je remercie de saluer le SSA, toutes ces qualités sont des qualités militaires. Nous sommes à l'image de nos armées.

Nous disposons d'une réserve opérationnelle d'environ 3 300 réservistes. Nous en avons d'ailleurs recruté un certain nombre en tout début de crise. La finalité première n'étant pas la même, je ne crois pas qu'il faille fusionner la réserve sanitaire et la réserve opérationnelle. Toutefois, il y a beaucoup d'anciens militaires dans la réserve sanitaire. Nous cherchons à développer notre réserve opérationnelle. La participation aux deux réserves permet de mieux travailler ensemble. Nous souhaitons une coopération étroite et nous échangeons sur ce sujet avec le directeur général de la santé.

Avons-nous manqué de moyens pour soutenir la gendarmerie ? Il nous manque une centaine de médecins des forces. L'engagement opérationnel est intense, nous devons soutenir les armées en ambiance covid et monter des centres de test au profit des armées. À un moment donné, les moyens et les tâches demandés peuvent être en discordance. Il y a probablement eu du retard dans la délivrance de certains certificats. Je partage votre avis sur l'intérêt de prendre des mesures simplificatrices. La crise a montré que des circuits simplifiés fonctionnaient très bien. Un de nos objectifs est de les conserver autant que possible. Nous envisageons d'autres pistes pour permettre à nos médecins de faire face à la multiplicité de leurs tâches et se recentrer sur le temps médical, telles que les pratiques avancées ou la coopération entre médecins et infirmiers.

Nous avons aussi engagé une politique active de recrutement. Nous recrutons des médecins contractuels pour trois, quatre ou cinq ans. La concurrence avec la santé publique existe, mais les médecins contractuels que nous recruterons seront formés à la gestion des flux de patients et à la réponse aux circonstances exceptionnelles, en sorte que lorsqu'ils retourneront dans la santé publique, cela ne pourra être que bénéfique. Peut-être même resteront-ils réservistes. Le recrutement de médecins contractuels au sein du SSA est une démarche gagnant-gagnant.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de Coronavirus-Covid 19

Réunion du mercredi 16 septembre 2020 à 17 h 45

Présents. - M. Julien Borowczyk, M. Éric Ciotti, M. Jean-Jacques Gaultier, M. David Habib, Mme Sereine Mauborgne, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Pierre Pont, M. Joachim Son-Forget

Excusé. - M. Boris Vallaud

Assistaient également à la réunion. - Mme Josiane Corneloup, Mme Martine Wonner