Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • barbecue
  • biomasse
  • carbone
  • charbon
  • charbon de bois
  • co2
  • déforestation
  • photovoltaïque
  • électricité

La réunion

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L'audition débute à dix heures trente.

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Nous recevons les représentants de l'entreprise Carbonex : M. Pierre Soler-My, président et cofondateur, et Mme Anne-Mette Soler-My, en charge des relations publiques.

Vous avez créé Carbonex, entreprise familiale, en 1993, dans l'Aube. Votre entreprise fabrique du charbon de bois. Vous avez mis au point un process industriel de cogénération pour récupérer les fumées afin d'en faire de la chaleur et de l'électricité. Vous fournissez cette électricité, disponible en permanence, à EDF. Cette diversification est intervenue en 2012.

Votre innovation a permis de relocaliser en France l'activité de carbonisation du bois, de valoriser la ressource de bois locale et de produire de la chaleur et de l'électricité à partir des gaz de pyrolyse issus de cette carbonisation.

Du point de vue industriel et entrepreneurial, vous témoignez de l'existence de marges d'innovation garantes de compétitivité industrielle et économique, y compris dans des activités traditionnelles exposées à la concurrence des pays à bas coûts.

Du point de vue de l'impact des énergies renouvelables, vous êtes un exemple de savoir-faire en matière de valorisation de la biomasse et de cogénération.

Nous allons vous donner la parole pour un exposé liminaire de quinze minutes. Puis les membres de la commission d'enquête vous interrogeront à leur tour avec, tout d'abord, mes questions, puis celles de Mme la rapporteure.

S'agissant d'une commission d'enquête, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vous demande de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire « Je le jure ».

(M. Pierre Soler-My et Mme Anne-Mette Soler-My prêtent successivement serment.)

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

Monsieur le président, Madame la rapporteure, en créant notre entreprise familiale, dans les années 1990, notre objectif était de produire du charbon de bois pour barbecue, mais les contraintes réglementaires et sociales, ainsi que la transition énergétique à l'œuvre, ont été fatales à notre métier.

Après avoir démarré avec cinq personnes dans le cadre d'un atelier relais, dans l'Aube, en raison de la présence d'un important massif forestier, Carbonex compte aujourd'hui une cinquantaine de personnes.

À la suite des problématiques environnementales, nous avons été obligés d'arrêter notre production. À la recherche de solutions à travers le monde, nous avons pris conscience d'aberrations et de pratiques controversées dans la production du charbon de bois à l'étranger, notamment de graves phénomènes de déforestation et de conditions de travail qui s'apparentent parfois à de l'esclavage. Tout ce charbon de bois entrait et continue d'entrer en France et en Europe sans restriction, alors que les producteurs comme nous avaient été contraints d'arrêter leur production à cause des émissions de fumée.

Nous sommes devenus des importateurs purs et durs, faisant venir de l'étranger 100 % de nos ventes pour une grande distribution qui demandait uniquement un prix. Les problématiques environnementales étaient sous-traitées par d'autres pays, émissions de fumée et émissions de gaz à effet de serre étant délocalisées à plusieurs milliers de kilomètres.

Forts de nos convictions nous avons cherché à modifier cet état de fait. Comme le disait M. le député Aubert, nous avons mis en place une équipe d'ingénieurs, sachant que nous avons en France des professionnels intelligents et bien formés, ainsi qu'une forêt bien gérée. Grâce aux plans simples de gestion, la forêt est appréhendée avec une conscience écologique et avec vigilance à l'égard de la biodiversité. Nous avons un marché, nous sommes en relation avec des banquiers.

Le cadre législatif contraignant nous a incités à faire des évaluations et à dépasser la problématique du charbon de bois par la récupération des fumées et leur transformation en énergie. Dans le cadre des dispositions du Grenelle de l'environnement, cette énergie est vendue au travers d'un contrat de la commission de régulation de l'électricité (CRE) qui nous a permis de nous structurer et d'avoir une vision de long terme, ce qui est très difficile dans un métier qui consiste à vendre à la grande distribution dans un marché opportuniste.

Pour notre développement, nous avons obtenu l'appui du centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), de l'Office national des forêts (ONF) et d'organisations non gouvernementales, au moment où, face aux risques des produits controversés, un changement de mentalité se produisait dans la grande distribution, ce qui a permis de relocaliser la production en France, dans notre région d'origine du Grand Est. Nous avons décidé de mettre l'ensemble de nos résultats au service de ce développement et fabriqué des équipements qui n'existaient pas, afin de disposer d'outils adaptés à nos besoins.

À l'époque, notre chiffre d'affaires était d'environ 7 millions d'euros par an pour une quinzaine de personnes. Nous sommes aujourd'hui une cinquantaine et réalisons un chiffre d'affaires d'environ 12 millions d'euros. Nous avons levé 25 millions d'euros d'emprunts en 2011, investis localement à hauteur d'environ 75 %, en fabriquant nos outils en France. Hormis quelques outils spécifiques comme des turbines et des chaudières, tous les équipements liés à la carbonisation sont produits localement.

En 2018, nous avons démarré notre installation de 3,3 mégawatts, avec une production de quelque 25 000 mégawatts par an et un rendement supérieur à 90 %. Nous produisons de l'électricité avec du bois et des fumées de carbonisation. Grâce à notre process, nous produisons de l'électricité avec des petits résidus de bois qui ne servent pas à faire du charbon de bois et les fumées de carbonisation qui représentaient un véritable problème.

Nous avons continué à développer ce procédé avec, à l'époque, des prix de rachat de l'électricité relativement élevés, autour de 180 euros le mégawatt, niveau confortable mais risqué, car cette technologie ne préexistait pas, Aujourd'hui, nous avons réduit nos coûts de développement à un prix de vente d'environ 130 euros. Nous espérons poursuivre le développement et notre baisse de coûts grâce aux nouvelles solutions que nous avons mises en place, notamment le gaz de pyrolyse que nous parvenons à maîtriser, avec un rendement de production d'électricité de quelque 20 %. Avec 100 mégawatts, nous produisons 20 mégawatts électriques. Le nouveau projet prévoit un rendement de 36 à 40 %. Avec le même gaz, nous devrions ainsi doubler notre production d'électricité.

Nous avons deux bilans carbone : le bilan charbon de bois et le bilan électricité. Nous avons réduit de 99 % les émissions de CO2 par rapport au charbon de bois importé controversé. Ce vrai gain n'est comptabilisé nulle part.

Le marché mondial du charbon de bois représente 50 à 100 millions de tonnes par an. L'Europe en consomme environ 1 million, dont 70 % importés, dont 130 000 à 150 000 tonnes pour la France, 240 000 à 250 000 tonnes pour l'Allemagne. Les États-Unis en consomment environ 1 million de tonnes pour le barbecue. Nous sommes dans le loisir, mais le charbon de bois représente des enjeux importants pour d'autres pays, comme en Afrique. Au Brésil, une grande partie de l'industrie sidérurgique fonctionne à partir du charbon de bois. Il sert à alimenter les barbecues, à se chauffer, à produire du silicium. Pour confectionner des panneaux photovoltaïques, on utilise du carbone, pour partie d'origine fossile et pour partie sous forme de charbon de bois dont les conditions de production ne respectent ni les lois sur la protection de l'environnement, notamment sur la déforestation, ni sur la production de fumées. Le marché est devenu presque exclusivement d'importation. Les quelques producteurs français qui ont réussi à passer cette vague cherchent à développer des diversifications.

Notre procédé valorise la biomasse en carbone, l'électricité n'étant pour nous qu'un sous-produit de notre valorisation. Nous ne brûlons pas du bois pour faire de l'électricité. Issus du marché du charbon de bois, avec des clients consommateurs de la grande distribution, notre objectif est de coller aux attentes du consommateur. Pour allier consommation et énergies renouvelables, nous travaillons sur le stockage pour une durée suffisamment longue, c'est-à-dire une journée, du gaz de pyrolyse, afin d'accompagner la consommation de la journée. Le matin très tôt, il n'y a pas de consommateurs et nous stockons notre gaz. Quand le consommateur se réveille, nous pouvons augmenter la production de nos turbines et ajuster notre production à la consommation. Nous engageons cette recherche, conscients que les aides apportées de la CRE ont une limite.

Nous souhaitons aussi aller hors France et trouver d'autres aides. Notre objectif est d'obtenir le prix de 60 ou 80 euros le mégawatt électrique, à partir de plusieurs utilisations de la biomasse. Une partie vise la production de chaleur, que nous valorisons avec les serres. Nous développons le captage de CO2 naturel provenant du bois utilisé pour faire du charbon de bois, en vue de le réintégrer dans les serres. Nous travaillons également sur le biochar, qui revient à réintégrer dans la terre du carbone végétal afin de fertiliser le sol et y reconstituer une vie microbienne. Une petite équipe d'une dizaine d'ingénieurs travaille aussi sur le gazomètre et le gazogène.

En juillet 2018, nous avons levé 65 millions d'euros. Bpifrance est entré dans le capital de notre société, avec la BNP et le groupe suisse Debiopharm. Notre objectif est de croître dans le volet biomasse avec l'énergie alternative stockable, relativement facile et peu coûteuse à stocker qu'est le bois. Il contribue aussi à maintenir la biodiversité. Enfin, pour nous ancrer dans le territoire, nous préparons un partenariat avec le parc naturel de la forêt d'Orient et avec le nouveau parc naturel des forêts de Champagne et Bourgogne.

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Bien sûr !

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. Vous brûlez du bois pour faire du charbon de bois.

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Nous ne le brûlons pas, il brûle dans les barbecues. Nous découpons du bois que nous chauffons sans oxygène. Avec de l'oxygène, il brûlerait. Un des enjeux est d'empêcher l'entrée de l'oxygène. Mais le chauffage provoque des dilatations et des mouvements. Il est compliqué de maintenir longtemps en état un outil qui fait se succéder le chaud et le froid. Au bout de six mois à un an, il se casse, alors que notre modèle permet de produire avec des outils de qualité. C'est pourquoi le made in China est difficile à utiliser dans notre métier. Il faut être extrêmement rigoureux dans le choix de la qualité des matières entrant dans la fabrication de nos équipements, dans le savoir-faire et dans les calculs effectués par les ingénieurs. C'est un travail extrêmement complexe pour un métier relativement ancien.

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. À l'origine, vous êtes approvisionné en bois ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Nous sommes approvisionnés par du bois local. Il ne faut pas aller le chercher loin. On ne peut pas faire de méga usines, elles doivent rester à l'échelle locale et territoriale pour ne pas devoir chercher du bois au-delà de cinquante ou cent kilomètres.

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. C'est un modèle complémentaire d'une activité. Le seul volet électrique n'aurait pas de sens ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Non !

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. Cela vient compléter votre production de bois pour barbecue, un peu comme des agriculteurs font de la biomasse à côté.

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Exactement. Faire de l'électricité n'aurait pas de sens. Mais si nous ne faisions que du charbon de bois, nous n'utiliserions que 50 % de l'énergie et nous ne valoriserions pas les 40 % restants, sur lesquels 50 % sont transformés en charbon de bois, 30 % en chaleur et 10 % en électricité. Par conséquent, il serait dommage de ne faire que du charbon de bois, dommage de ne faire que de la chaleur et encore plus dommage de ne faire que de l'électricité.

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. En quoi l'électricité que vous produisez est-elle décarbonée ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Parce qu'elle est issue de biomasse renouvelable produite en France. On considère que les arbres qui poussent captent une quantité de ce gaz équivalente à celle qui provient de la combustion sur des cycles de cent ans. Elle est décarbonée car nous utilisons zéro énergie fossile, uniquement la fumée. Ces éléments résultent d'analyses du cycle de vie (ACV) effectuées par le cabinet Carbone 4 et l'équipe de Jean-Marc Jancovci.

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. Si je vous ai bien compris, certains panneaux photovoltaïques sont produits avec du silicium fruit de charbon de bois et de déforestation ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Je ne suis pas un spécialiste des panneaux photovoltaïques, mais je crois savoir que plus on visera la pureté dans la fabrication et moins on utilisera de carbone fossile contenant des éléments de nature à dégrader l'environnement. Or le charbon de bois est un produit noble et de qualité. Il est végétal, n'émet pas de soufre et contient très peu d'ingrédients au silicium néfastes. Les trois éléments nécessaires à la fabrication des panneaux photovoltaïques sont le silicium, l'électricité et le carbone. Ce sont des concentrés de carbone et d'électricité. En Chine, on emploie du carbone fossile, auquel on ajoute du charbon de bois provenant de Thaïlande ou de Birmanie, originaire de forêts primaires, ce qui est dénoncé par des ONG. Or ce silicium est à la base des panneaux photovoltaïques.

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. Est-ce un problème de déforestation, de cycle carbone ou d'émission de CO2 ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Lorsque nous utilisons du charbon de bois issu de déforestation, nous émettons 1 400 grammes de CO2 par kilowattheure (KWh). Lorsque nous utilisons du charbon fossile, nous émettons environ 400 grammes de CO2. Lorsque nous faisons du charbon de bois renouvelable, issu de la gestion de la forêt, avec récupération des fumées et non-émission de gaz à effet de serre, comme nous le faisons aujourd'hui en France, nous en émettons 13 grammes par kwh, soit l'équivalent de la production par éolienne, sachant que le réseau français émet 82 grammes par kwh et que la production photovoltaïque quelque 50 grammes par kwh.

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. Cela signifie qu'en important des panneaux photovoltaïques…

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. …de certains pays.

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. …on prend le risque d'un mauvais bilan carbone, faute d'industries françaises qui auraient recours à certains produits plutôt qu'à d'autres.

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Les panneaux photovoltaïques sans traçabilité d'origine importés en France participent à la déforestation et ont sur les émissions de CO2 un effet contraire à l'objectif visé. Ils accélèrent la déforestation et les émissions de CO2 alors que le consommateur croit agir dans l'autre sens. Une micro-industrie française, issue de Pechiney, y travaille.

(Mme Laure de La Raudière, remplace M. Julien Aubert à la présidence.)

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. Quel intérêt présente le charbon que vous produisez par rapport au bois non traité ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Le bois contient de nombreuses manières volatiles qui s'échappent par la fumée, comme avec la cigarette, et qui sont néfastes pour la santé. Le carbone est le meilleur élément pour l'usage alimentaire car il ne provoque pas d'émissions de fumées. Dans nombre de pays, on utilise du carbone à l'intérieur des maisons faute de cheminée ou pour éviter que les fumées toxiques n'imprègnent la nourriture.

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. En France, cette production étant uniquement destinée aux loisirs, ne vaudrait-il pas mieux, au regard de l'impact carbone, remplacer les barbecues par des planchas électriques plutôt de chauffer du bois pour générer du charbon ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Nous produisons de l'électricité à partir de résidus. Il faut énormément d'énergie pour faire de l'électricité. Le plus simple est donc de prendre du bois, d'en enlever les fumées et de les utiliser pour faire de l'électricité, tandis qu'on peut se chauffer ou cuisiner avec le carbone. Le bois est l'élément le plus simple et le moins cher qui existe. Pour faire de l'électricité à partir d'énergie primaire, laquelle provient du soleil, du vent, du nucléaire ou de l'énergie fossile, on doit consommer quatre à cinq fois plus d'énergie que par la combustion directe du charbon de bois.

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. Prévoyez-vous de développer une activité liée aux chaudières à charbon ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Le charbon de bois représente un énorme marché. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, faute de pétrole, on a utilisé quantité de charbon de bois pour se déplacer. Avec nos équipes, nous avons commencé à travailler sur la mobilité à partir du charbon de bois et des gaz récupérés, c'est-à-dire typiquement sur les gazogènes. Nous avons une grande avance dans la maîtrise de cette technologie que nous avons beaucoup automatisée. Parce que nous avons un process relativement complexe, malgré la simplicité du produit, nous travaillons aussi sur l'intelligence artificielle. On peut non seulement réduire substantiellement la consommation de bois, mais aussi augmenter la production, améliorer nos process et définir les orientations de l'utilisation du bois, si l'on doit faire plus de carbone, plus de gaz, en analysant toutes les données dont nous disposons. Notre procédé est entièrement automatisé avec énormément de paramètres contrôlés en termes de types de gaz, d'oxygène, de poids, de perte de masse. Nous créons du charbon en huit heures, ce que la nature met plusieurs millions d'années à faire, sans produire du soufre et sans les problématiques liées au charbon minéral, notamment les maladies pulmonaires provoquées par la silice.

Notre produit est souvent oublié, parce qu'il a mauvaise réputation. Or s'il est bien fait, avec une bonne gestion forestière locale, il ne répond sans doute pas à toutes les problématiques de l'énergie, mais il peut répondre, dans certains territoires, à de vrais enjeux et être créateur d'emplois. Nous sommes passés de quinze à cinquante emplois et nous prévoyons de passer à cent vingt dans les deux ans qui viennent. Auparavant, nous importions environ six millions de tonnes de charbon de bois, aujourd'hui on en achète localement six millions. Notre masse salariale a été multipliée par cinq. Nous injectons localement 2,5 à 3 millions d'euros de salaires. Certes, une partie de notre chiffre d'affaires est représentée par la vente de l'électricité, subventionnée en partie par la CRE, mais un vrai bilan doit comprendre l'ensemble des coûts. Or nous avons injecté 25 millions d'euros d'investissement local, ce qui est énorme pour un village de 500 habitants. Cela a coûté un peu, mais en englobant les charges sociales, l'investissement local, la gestion forestière, la recherche et développement, le bénéfice est largement supérieur au supplément de prix au kilowattheure payé par le citoyen.

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. Vous récupérez de l'énergie fatale pour en faire un usage positif. Pensez-vous que d'autres secteurs pourraient faire de même ? Des entreprises de petite taille agissant dans différents secteurs pourraient-elles bénéficier du savoir-faire que vous avez développé ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Il y a toujours des synergies qui s'opèrent. Notre entreprise de petite taille a réalisé d'importantes levées de fonds. Nous bénéficions du programme de transition énergétique et environnementale qui vient d'être mis en place par Bpifrance. Le bois est essentiellement constitué de carbone, comme nous le sommes tous, comme le sont les matières plastiques et les déchets de classe B et C. Tous les déchets peuvent donc être recarbonisés pour être réutilisés dans la métallurgie – la sidérurgie utilise du carbone aujourd'hui fossile –, pour faire de l'acier, du silicium ou du charbon actif utilisé comme filtre. Il est possible de remplacer les énergies fossiles non seulement à partir de la forêt mais aussi à partir des résidus, puisque tous les déchets peuvent être carbonisés en en enlevant ou pas les parties métalliques, afin d'être réintégrés dans d'autres produits.

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. Vous évoquez la gestion de la forêt, mais les forestiers disent qu'en dehors des grumes et du bois de chauffage fourni localement par quelques équipes de bûcherons, les déchets qu'il faut aller chercher en forêt sont difficilement valorisables. Sur quelles parties de la forêt vous approvisionnez-vous ? Quelle est la valorisation pour les propriétaires exploitants forestiers ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Notre territoire est spécifique, et tous n'ont pas la même problématique ou les mêmes solutions. Dans notre région, il y a énormément de feuillus, des bois nobles comme le chêne, le charme et le hêtre, utilisés pour une première industrie, notamment la tonnellerie. Ces entreprises utilisent des bois qui mettent plus de cent ans à pousser. La gestion forestière vise à obtenir des arbres qui poussent droit. On les gaine, c'est-à-dire qu'on plante plein de petits arbres et tous les dix, quinze ou vingt ans, on coupe ceux qui ne serviront pas. C'est ce bois d'éclaircis que nous reprenons. Mais plus on va le chercher loin et moins c'est rentable pour nous. Nous avons donc intérêt à dimensionner notre outil à notre approvisionnement local. D'un côté, nous récupérons les bois d'éclaircis, et, de l'autre côté, nous récupérons les bois que les tonneliers n'utilisent pas. Nous utilisons du bois-énergie plutôt que du bois blanc. Tous les carbonisateurs – il y en avait un à trois par département – ayant disparu, toute la fourniture provenait d'importations controversées. Le bilan carbone entre la production d'électricité et l'importation de « charbon déforesté » n'était pas gagnant en termes d'émissions de CO2.

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. Quelle est votre plus grosse difficulté pour le fonctionnement de votre entreprise ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. La plus grande difficulté, c'est que nous n'avons pas tous les mêmes règles du jeu. Nous voulons tous respirer un air sain, que tous les jeunes reçoivent une bonne éducation et que chacun ait un emploi stable. Nous y contribuons par nos charges et les différents produits que nous commercialisons, mais nos concurrents entrent impunément sur le marché français. L'énergie du charbon de bois entre en France avec un énorme impact environnemental. C'est ainsi qu'on a détruit notre industrie.

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. Il ne s'agit sans doute pas de concurrents européens ?

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Il y en a dans certains pays comme l'Ukraine, où la déforestation est importante, mais les Européens font face aux mêmes coûts que nous.

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. Nous rejoignons ainsi des débats que nous avons eus, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'énergie et au climat, au sujet de la définition de la neutralité carbone en 2050. La neutralité carbone doit tenir compte de l'impact des importations. Elle ne doit pas se limiter au produit final mais tenir compte du process de production.

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Pierre Soler-My, président et cofondateur de l'entreprise Carbonex

. Si la grande distribution voit un sac à 3,50 euros et un autre à 3,20 euros, elle retient ce dernier, alors que le premier paie le bois, les salaires et apporte une valeur ajoutée en France.

De plus, nous sommes trop dans une économie de silo. Or la forêt, l'outil de production et l'énergie sont plutôt des éléments transversaux. Le cloisonnement, les prescriptions de la PPE au sujet de la biomasse électricité sont pour nous dommageables, puisque nous produisons de toute façon cette énergie. Nous sommes arbitrairement écartés parce que d'autres n'y arrivent pas ou ne sont pas rentables. Pour nous, cela fait partie d'un bouquet et d'une complémentarité de production. Au-delà du barbecue, cela peut être un tremplin pour d'autres énergies.

J'ajoute que dans le charbon de bois, le carbone et la biomasse, nous avons une partie de contrats à long terme, ce qui n'est pas le cas avec la grande distribution. Cela nous a permis de nous structurer et de mettre en place des équipes de R & D, de faire appel à des chercheurs et de constater que l'on peut contrôler la production de gaz ou fournir du charbon de bois pour d'autres utilisations que le barbecue. Cela ouvre des portes pour tous les produits pétroliers originaires du bois. On peut reconstituer l'ensemble de la filière pétrole avec le bois, mais nous devrons avancer step by step.

L'audition s'achève à onze heures dix.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 10 h 30

Présents. - M. Julien Aubert, Mme Laure de La Raudière, Mme Marjolaine Meynier-Millefert

Excusés. - Mme Sophie Auconie, M. Christophe Bouillon, Mme Jennifer De Temmerman