Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du mercredi 2 décembre 2020 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PNSE
  • air
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

  PS et divers gauche    En Marche    MoDem    Agir & ex-LREM  

La réunion

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L'audition débute à seize heures trente.

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Mes chers collègues, notre commission d'enquête relative à l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale clôt son cycle d'auditions en entendant les ministres qui ont plus particulièrement la charge de ces politiques : après M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, la semaine dernière, nous entendons aujourd'hui Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique.

Madame la ministre, nous attendons que vous nous exposiez l'action conduite sous votre direction par le ministère de la transition écologique, ainsi que les priorités que vous avez définies dans le domaine de la santé environnementale.

(Mme Barbara Pompili prête serment.)

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Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

Mesdames, messieurs les députés, vous le savez, puisque nous y avons travaillé côte à côte, je suis très attachée à la santé environnementale, depuis le début de ma carrière politique. Nos concitoyens ne choisissent pas de respirer un air pollué ni d'être chroniquement exposés à des produits nocifs pour eux-mêmes ou pour la biodiversité. La situation actuelle résulte de multiples choix industriels, technologiques et surtout politiques. C'est pourquoi j'ai la conviction qu'il appartient à celles et à ceux qui sont aux responsabilités d'appréhender à sa juste hauteur l'urgence des enjeux en matière sanitaire, écologique et sociale, et d'agir au nom et pour le compte de nos concitoyens qui ne veulent plus s'interroger sur leur santé en ouvrant la fenêtre ou le réfrigérateur. Bref, il nous revient de remplir notre première fonction et d'assumer notre première responsabilité devant la nation : protéger, dans une approche intégrée, une seule santé.

Vous avez auditionné mon collègue Olivier Véran, qui est un ministre de la santé qui parle d'écologie ; cet après-midi, je serai une ministre de l'écologie qui parle de santé. Trois priorités structurent mon action et celle de mon ministère.

La première est de gagner la bataille de l'air. La situation actuelle est intolérable, avec 48 000 décès prématurés chaque année dans notre pays, et 18 % des décès dus au Covid-19 potentiellement liés à la pollution de l'air. Personne ne peut ni ne doit s'y résoudre. « Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l'action », a écrit Victor Hugo.

Agir, c'est d'abord et avant tout, purifier notre air des oxydes d'azote et des particules fines qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. La première source d'émission provient des transports, aussi ai-je signé, le 16 septembre dernier, un décret visant à rendre opérationnelles les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) dans sept nouvelles métropoles françaises. Avec ce dispositif étendu, neuf millions de personnes verront leur air s'améliorer dès 2022. C'est bien mais pas encore assez, puisque trente-cinq agglomérations dépassent les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en la matière.

La santé environnementale passe d'abord par la prévention et par la réduction aux expositions. Devant un enjeu sanitaire et social de cette taille, je refuse de me contenter du simple respect des normes européennes. Le Gouvernement va donc inscrire dans le projet de loi issue de la Convention citoyenne pour le climat la mise en place obligatoire de ZFE dans toutes les agglomérations métropolitaines de plus de 150 000 habitants d'ici au 31 décembre 2024. J'aimerais aller plus vite, mais des changements aussi profonds, qui auront des conséquences durables sur ces territoires et sur leurs habitants, ne se font pas d'un claquement de doigts ; il faut du temps pour s'y préparer, s'organiser et accompagner. Chaque collectivité doit pouvoir adapter ces ZFE à son contexte local.

Agir pour redonner à chacune et à chacun un air de qualité, c'est aussi mieux prendre en compte les émissions du chauffage au bois. Ce n'est pas une lubie d'écolo : en Île-de-France, où vivent 12 millions de nos concitoyens, les cheminées individuelles représentent entre un quart et la moitié des particules fines. Je sais que le sujet fait polémique, mais on ne gagnera pas la bataille de l'air en détournant le regard : en responsabilité, si ce mode de chauffage est interdit à Londres, à Montréal, à Los Angeles, à San Francisco, on doit pouvoir travailler à la bonne solution de compromis pour la France.

Protéger la santé de nos concitoyens est une bataille qui se livre dans nos politiques publiques et dans leur vie de tous les jours. Ne nous y trompons pas, nous parlons bien aujourd'hui de la santé de femmes et d'hommes – des pères, des mères, des enfants – et de maladies qu'ils peuvent développer. On sait que les produits phytopharmaceutiques sont au cœur de ce combat ; c'est donc ma deuxième priorité.

Protéger les Français, c'est d'abord agir au niveau européen en vue d'interdire les produits les plus nocifs et d'éviter la prolongation des autorisations. Nous le faisons tous les jours. Pour prendre un exemple récent, la France s'est mobilisée contre le mancozèbe, troisième pesticide le plus utilisé en Europe : certains voulaient que l'on puisse continuer à l'utiliser ; il sera enfin hors circuit d'ici à deux mois. C'est une victoire pour la santé des consommateurs, des agriculteurs et des écosystèmes, ainsi que pour le changement de modèle agricole dont nous avons besoin.

Cette bataille, nous la livrons à Bruxelles mais aussi à Paris, car protéger les Français passe aussi par la réduction des expositions dans la vie quotidienne. Depuis le 1er juillet dernier, l'épandage autour des habitations est strictement interdit : ces zones tampons constituent autant de ceintures de sécurité visant à garantir à chacune et à chacun que leur jardin n'est pas traité comme un champ. Pour aller encore plus loin, dès le 1er juillet 2022, l'utilisation de pesticides sera totalement interdite dans les campings, les terrains de sport et les espaces verts des copropriétés. Demain, la santé des Françaises et des Français y sera enfin protégée.

Dans ce domaine également, nous agissons en responsabilité, avec la science, les collectivités et les agriculteurs, qui peuvent compter sur le soutien de l'État pour se tourner vers d'autres usages plus respectueux de la terre et des humains. C'est en suivant ce principe que nous sommes parvenus à interdire en France le glyphosate dès qu'une alternative existe ; nous allons promouvoir ce résultat au niveau européen – ce n'est qu'un début.

Dans l'air comme dans la terre, j'ai à cœur d'assurer la santé de notre environnement et des écosystèmes si fragiles qui nous font vivre. Dans ce combat, nous disposons du quatrième plan national santé environnement (PNSE 4). Le déployer et le faire vivre sur le terrain constitue ma troisième priorité.

Ce PNSE nous permettra de donner toute l'information disponible aux citoyens, qui attendent la transparence la plus totale et veulent être acteurs de leur propre prévention, ce qui est totalement légitime. Tout sera rendu accessible, en particulier grâce à une application dédiée qui permettra notamment de savoir si l'on traverse un pic de pollution ou de pollens ainsi qu'à un étiquetage simple et lisible informant sur la toxicité des produits ménagers, le Toxi-score.

Avec ce plan, nous faisons aussi le pari des territoires, car la santé environnementale se construit d'abord là où vivent les Français. Avec les élus de terrain, les collectivités, nous allons travailler encore plus pour protéger l'incroyable biodiversité et la santé humaine.

Nous faisons également le choix de l'avenir, de la science, de la compréhension des processus et des risques ; le choix de nous améliorer, de ne pas répéter les erreurs du passé et de savoir prendre à temps les réglementations qui s'imposent. Nos concitoyens attendent des décisions sur le bruit, sur les nanomatériaux ou les perturbateurs endocriniens : nous les prendrons.

En conclusion, la santé environnementale, je m'en réjouis, n'est plus l'apanage des écologistes ; elle est une exigence qui transcende les générations, les milieux sociaux et les territoires. En somme, un autre rapport au monde se construit, marqué par le souci constant d'une nature dont dépend notre alimentation, notre santé et notre société ainsi que par la reconnaissance des multiples liens invisibles qui nous unissent à celle-ci et que nous devons préserver. Les travaux de votre commission d'enquête vont y contribuer. Ensemble, animés par un même esprit, nous gagnerons ce combat qui est désormais également relayé par les scientifiques. À cet égard, j'appelle votre attention sur le dernier rapport de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui souligne le lien entre perte de biodiversité et apparition de zoonoses et de pandémies. J'attends donc avec impatience vos propositions.

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Votre intérêt pour les propositions que nous pourrions faire à l'issue de notre commission d'enquête me pousse à vous faire la même demande qu'à Olivier Véran : nous laisser un peu de temps afin qu'elles puissent être intégrées au PNSE 4 – d'autant que nous attendons également les résultats de la commission d'enquête sur la covid-19 ainsi que les critères que doit nous proposer le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) en vue d'éclairer notre démarche s'agissant de ce même plan. Je vous remercie de nous confirmer ce petit sursis qui pourrait nous être accordé afin d'harmoniser l'ensemble de ces démarches, qui vont toutes dans le même sens.

Comment la démarche One Health, dont l'échelle est planétaire et interdisciplinaire, est-elle intégrée dans le microcosme interministériel ? Comment s'organise la transversalité avec les autres ministères ? Avez-vous une vue d'ensemble des plans sectoriels rattachés à votre ministère ? Parvenez-vous à mettre en place une gouvernance sur le plan territorial avec les élus, qui constituent l'une des cibles du PNSE 4 ?

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Barbara Pompili, ministre

Pour la mise en œuvre du PNSE 4, il serait dommage de se priver des propositions issues du travail considérable que vous avez accompli au sein de cette commission d'enquête. Nous en attendrons les conclusions et les étudierons avec grand intérêt pour essayer d'en tirer des mesures à intégrer dans le plan.

S'agissant de la gouvernance, une tradition assez ancienne fait travailler les ministères et les services en silo. La situation s'améliore néanmoins, et je salue le travail engagé avec d'autres ministères, celui de la santé en premier lieu. Pour que le PNSE 4 fonctionne bien, il faut le doter d'un comité de pilotage interministériel et que le groupe Santé environnement (GSE) soit plus utilisé qu'aujourd'hui. J'attends d'ailleurs vos propositions s'agissant des groupes de travail à constituer.

Dans les comités de pilotage précédents, certains ministères manquaient autour de la table, ce qui avait nui au fonctionnement. L'objectif, pour celui du PNSE 4, est d'associer les directions des ministères impliqués dans le plan – l'environnement et la santé, bien sûr, mais aussi la recherche, l'agriculture, l'économie, l'éducation et le travail – afin qu'il puisse y avoir un partage sur l'état d'avancement des actions dont chacun a la charge. Ainsi aurons-nous un outil efficient.

Quant aux groupes de travail, il s'agirait d'en constituer trois ou quatre, composés des différentes parties prenantes membres du GSE, chacun assurant le suivi et la mise en œuvre effective d'actions, par exemple la formation et la sensibilisation des professionnels ou la réduction des expositions.

Nous sommes également preneurs de toute proposition de gouvernance du GSE permettant à celui-ci de gagner en représentativité.

La démarche One Health doit être à la fois plus intégrée et plus internationale. Je me réjouis que Jean-Yves Le Drian s'en soit saisi pour faire des propositions, que nous défendrons au niveau international puisque, on le voit bien, ce qui se passe ailleurs a des conséquences aussi sur nous.

La gouvernance des plans régionaux santé environnement (PRSE) est actuellement partagée entre les agences régionales de santé (ARS) et les préfets, mais effectivement assurée par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Nous souhaitons que les collectivités s'impliquent plus, au niveau des conseils régionaux mais aussi plus localement, à travers les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Des réflexions sont en cours, que vos propositions viendront enrichir, pour associer davantage ceux d'entre eux qui, ayant une compétence aménagement, climat ou air, pourraient devenir des acteurs opérationnels en santé environnementale.

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Que le PNSE 4 et le GSE doivent assurer le suivi et l'orientation des actions en matière de santé et d'environnement montre bien que l'approche globale des conséquences de l'environnement sur la santé humaine n'est pas assez prise en compte, ce qui nuit à la prévention.

Afin que santé et environnement ne soient plus dissociés, la commission d'enquête a officialisé la définition de la santé environnementale comme étant l'impact de l'homme sur l'environnement, la faune et la flore, et ses conséquences sur sa propre santé et sur tous les êtres vivants. Il est temps d'agir en prenant en compte l'interdépendance entre santés humaine, animale et environnementale, et d'intégrer ce nouveau concept de santé environnementale dans la formulation de nos politiques publiques et dans la présentation des actions gouvernementales. Il n'y a plus de cloisonnement qui tienne.

Lors des auditions, il nous a parfois été dit que nous nous trouvions dans une situation de non-assistance à personne ou à planète en danger ; des articles de presse, française comme internationale, alimentent quasi quotidiennement nos travaux. Nous devons donc construire un nouveau paradigme.

Le PNSE 4, intitulé « Mon environnement, ma santé », indique que la France fait partie, en Europe, des États les plus engagés en matière de santé environnementale. Depuis 2004, trois PNSE se sont succédé sans pour autant permettre ni un recul notable de l'utilisation de produits chimiques, ni une réduction des expositions des citoyens à différents types de pollution. Une meilleure sensibilisation à la santé environnementale s'impose donc.

Comment expliquez-vous que, le 30 octobre dernier, la France ait été déférée devant la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) pour non-respect, pendant douze à quatorze ans, à Paris et en Martinique, des règles de l'Union relatives aux doses limites de PM10 ? La Commission européenne avait déjà déféré la France pour le même motif en mai 2011. Comment considérez-vous ces nombreuses plaintes, tant devant la CJUE que devant le Conseil d'État ?

Comment expliquez-vous, par ailleurs, que la France soit, en dépit des objectifs du PNSE 4, leader dans l'exportation de pesticides ?

Le terme « exposome », introduit dans la loi Touraine en 2005, a représenté une avancée en termes d'analyse globale et multidimensionnelle de la santé publique, prenant en compte toutes les atteintes à notre santé qui ne soient pas d'origine génétique. Pourtant, il ressort des auditions que l'analyse des produits chimiques ne rend pas compte précisément des expositions, en omettant totalement les effets cocktail, le cumul des facteurs environnementaux – pesticides, perturbateurs endocriniens, électromagnétisme, pollution de l'air, de l'eau et du sol –, sur l'organisme humain et sur l'être vivant en général. En tant que ministre de la transition écologique, que prévoyez-vous précisément en vue de réduire ces expositions dangereuses pour la santé humaine ?

Peut-on parler d'omerta à propos des effets cocktail, alors même que le programme présidentiel d'Emmanuel Macron entendait promouvoir la France comme leader dans la recherche sur l'impact des perturbateurs endocriniens et des pesticides, et sur les produits de substitution ?

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Barbara Pompili, ministre

On ne peut pas se réjouir que la France ne soit pas encore à la hauteur au regard de la qualité de l'air ou de l'exposition aux pesticides. C'est d'ailleurs ce qui motive ce PNSE 4, qui se veut plus ambitieux. Je dois néanmoins à la justice de dire que malgré des retours d'expérience des précédents PNSE, et notamment du PNSE 3, encore bien en deçà de ce qu'il faut faire, quelques effets positifs ont tout de même été constatés : la réduction de 50 % à 80 % des émissions atmosphériques de substances dangereuses par l'industrie ; l'interdiction du bisphénol A dans les tickets de caisse ; la surveillance obligatoire de la qualité de l'air intérieur dans les crèches et dans les écoles ; le déploiement de 7 000 référents locaux chargés d'actions de prévention et de destruction de l'ambroisie ; l'interdiction d'utilisation du perchloroéthylène dans les pressings.

Le PNSE 3 recouvrait plus de cent actions, qui n'ont pas pu être correctement suivies et mises en œuvre par défaut de priorisation. Le sujet est, en effet, si étendu qu'il rend nécessaire de hiérarchiser les priorités, faute de quoi on se noie. Le PNSE 4, lui, ne comporte que vingt actions plus condensées, qui donnent une meilleure visibilité aux politiques publiques correspondantes. L'idée n'est pas de faire moins mais de faire mieux.

S'agissant des condamnations de la France liées à la qualité de l'air, nous y apportons une première réponse au travers des ZFE, dont l'efficacité a été mesurée notamment dans les autres pays européens. Nous nous employons à rattraper notre retard, mais nous savons que nous mettrons du temps à « rentrer dans les clous » de nos obligations européennes. Sans nous décourager, nous allons agir sur le routier, sachant qu'il nous faudra aussi reprendre ensemble un travail sans tabou sur les feux en cheminées, véritable nuisance pour la qualité de l'air.

En matière de produits phytosanitaires, il est vrai qu'en fonction des types, la France est première ou deuxième consommatrice en Europe, mais, par rapport à la surface agricole utile, elle n'est que septième. C'est évidemment trop. Je me suis engagée, lors des débats sur le glyphosate, à faire accélérer la recherche de solutions de remplacement. On ne peut pas, en effet, balayer d'un revers de main les difficultés des agriculteurs qui disent se trouver dans une impasse, ou celles que présentent certains types d'agriculture. L'agriculture de conservation des sols, en particulier, a donné des résultats très positifs en termes de biodiversité, mais nécessite aujourd'hui l'emploi d'un peu de glyphosate. L'arrêter me pose un cas de conscience.

Nous voulons nous donner les moyens d'accélérer les travaux de recherche pour trouver des solutions alternatives, surtout au regard des pratiques agricoles. Sur ce sujet, nous conduisons un gros travail dans le cadre de la réforme de la PAC pour que ces nouvelles pratiques y soient prises en compte et rémunérées. Les agriculteurs doivent en tirer une plus-value.

Je ne sais pas s'il existe une omerta concernant les effets cocktail. Pour ma part, j'ai toujours considéré qu'aucun sujet n'était tabou. Il s'agit d'un sujet extrêmement complexe et très peu connu sur le plan scientifique ; les connaissances n'en sont qu'à leur début.

Un programme de recherche prioritaire sur l'exposome a été lancé afin de mieux le comprendre et pour pouvoir anticiper au maximum. D'où l'accent mis, dans le PNSE, sur l'acquisition de connaissances, sans lesquelles il est très difficile d'agir autrement qu'en appliquant le principe de précaution. Je suis vraiment heureuse que l'on travaille enfin sur l'exposome, dont on parle depuis longtemps.

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Parmi les outils dont nous disposons déjà, la loi Grenelle 2 prévoyait un étiquetage des produits d'ameublement indiquant les composés organiques volatils et polluants susceptibles d'être diffusés dans l'environnement intérieur. Or celui-ci n'est pas appliqué, le décret correspondant n'étant toujours pas sorti, malgré les travaux de nos agences. Avez-vous une visibilité quant à la publication de ce décret, de façon que le public puisse être informé correctement ?

La séquence « éviter, réduire, compenser », dite ERC, dont l'objet est de lutter contre l'artificialisation des sols et de protéger notre biodiversité, ne me semble pas très bien appliquée dans les territoires, où l'on se préoccupe surtout d'une solution C : compenser. Les derniers efforts engagés vous semblent-ils de nature à inciter l'évitement plutôt que la compensation ? Les services de l'État y veillent-ils de façon accrue ?

L'obligation de surveillance de la qualité de l'air intérieur dans les crèches et dans les écoles est en fait un guide, ce qui revient, bien souvent, sur le terrain, à une autoévaluation. Dès lors, je crains que nous ne disposions d'aucune donnée lorsque nous mettrons en place le super data hub de surveillance de la qualité de l'air dans les territoires. Avez-vous de la visibilité à ce sujet ? Les établissements concernés pourraient-ils être accompagnés pour procéder à des relevés de mesures précis ?

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Barbara Pompili, ministre

Permettez-moi de vous raconter la longue histoire de l'étiquetage des produits d'ameublement. Le code de l'environnement issu du Grenelle impose effectivement un étiquetage, un décret en Conseil d'État devant préciser les catégories de meubles concernées. Des décrets et des arrêtés d'application ont donc été préparés par mes services, après discussions avec les industriels du secteur, concernant l'obligation d'étiquetage des émissions de formaldéhyde. Ces projets avaient fait l'objet, début 2017, d'une consultation publique puis d'une notification européenne. En réponse, la Commission européenne a recommandé que ces mesures soient harmonisées, car relevant du règlement REACH (enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances), identifié par elle comme l'outil réglementaire adapté. Celui-ci nécessitant de démontrer un risque inacceptable plutôt que de mettre en place une solution d'étiquetage, l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a proposé, début 2019, une restriction visant à interdire les articles émetteurs de formaldéhyde au-delà d'un certain seuil, établi en fonction d'une norme de l'OMS.

Le côté positif, c'est que nous disposerons rapidement d'un texte européen qui permettra de sortir du marché les produits, dont les meubles les plus émetteurs de cette substance. Mais nous voulons aller plus loin. C'est pourquoi, à l'occasion de la première phase de consultation publique de ce projet de restriction, la France a écrit à l'ECHA afin de l'informer, d'une part, que le HCSP venait de rendre ses travaux et proposait une valeur plus stricte que celle retenue par la Commission, et, d'autre part qu'elle allait prendre des mesures d'étiquetage. Compte tenu de l'énormité des enjeux, nous allons demander à la Commission qu'elle accélère son calendrier et soumette son projet de texte aux États membres le plus rapidement possible. Nous rappellerons notre demande et notre position sur le sujet : j'ai bon espoir que toutes les avancées promises par la stratégie européenne dans le domaine des produits chimiques nous permettront d'être entendus.

Je suis attentive à la démarche ERC, dont je rappelle qu'elle a été renforcée dans la loi pour la reconquête de la biodiversité en 2016. Comme l'a souligné le rapport d'application de ce texte, on peine à avancer aussi vite qu'on le devrait dans ce domaine. Il y a encore une forte tentation de passer directement à la compensation, sans chercher à éviter et à réduire. C'est une montagne à laquelle je m'agrippe et sur laquelle j'essaie de monter tout doucement depuis que je suis arrivée : en quatre mois, je ne pouvais évidemment pas résoudre tous ces problèmes.

J'ai lancé un travail sur le « zéro artificialisation nette », qui était une urgence. Il faut arrêter les projets qui entraînent une artificialisation. Nous avons instauré, comme l'avait demandé la Convention citoyenne, un moratoire sur les nouvelles zones commerciales. C'est néanmoins très insuffisant, et il faut aller plus loin. Nous sommes en train de peaufiner des mesures relatives à l'artificialisation dans le projet de loi Convention citoyenne pour le climat. C'est une première étape.

Nous continuons aussi à travailler avec les services pour faire en sorte que l'instruction des projets corresponde bien à l'esprit de la loi de ne délivrer d'autorisation que si les porteurs de projet s'engagent dans une véritable démarche « éviter, réduire, compenser ». Selon les premiers retours que nous avons, le simple fait de déclarer qu'on a engagé la démarche permet trop souvent, même si cela dépend beaucoup des services instructeurs, de passer à l'étape suivante. Nous voulons approfondir ce travail – clairement, il n'est pas abouti. La vérification doit être faite que la séquence « évitement » et « réduction » a vraiment été respectée, de même qu'un travail sur les mesures de compensation, dont le rapport de vos collègues Frédérique Tuffnell et Nathalie Bassire a montré qu'elles ne sont pas satisfaisantes : elles concernent souvent des sites déjà en bon état.

S'agissant de la qualité de l'air intérieur, des mesures sont effectuées dans les écoles et les crèches par les collectivités volontaires. Au-delà du livret d'accompagnement, l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) reçoit des données venant de laboratoires. Plusieurs milliers d'établissements sont concernés. Leurs données sont transmises au ministère de la transition écologique et ont vocation à intégrer le green data hub. La collection des données permettra aux scientifiques et aux administrations d'avancer.

Le PNSE 4 devrait être l'occasion d'apporter des améliorations. Il faut notamment que plus de collectivités s'approprient cette démarche, ce qui nécessite de les informer. La campagne nationale de mesure des polluants dans l'air doit vraiment être lancée et fortement déployée.

D'autres éléments, tout bêtes mais très importants, ont été identifiés, comme l'obligation de vérifier le bon fonctionnement des installations de ventilation dans les bâtiments neufs. Entre 40 % et 50 % de ceux qui sont contrôlés par l'État ont des systèmes de ventilation mal installés. La marge de progression est énorme.

On devrait également pouvoir agir par l'intermédiaire du diagnostic de performance énergétique. Intégrer une information sur les conditions d'aération et de ventilation serait une avancée notable. Il se trouve que nous sommes en train de travailler sur un nouveau diagnostic de performance énergétique : cela fait partie des éléments que nous souhaitons ajouter.

Par ailleurs, nous allons travailler sur d'autres lieux que les crèches et les écoles : il faut aussi avancer en ce qui concerne les enceintes ferroviaires souterraines, comme les métros.

J'ai déjà parlé du renforcement de la lisibilité de l'étiquetage. Le Toxi-score, qui permettrait de savoir tout de suite si on a affaire à un produit ménager qui est assez neutre ou dont les effluves sont, au contraire, dangereux, serait notamment très apprécié par le consommateur. Nous allons aussi avancer sur ce sujet.

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Dans le domaine agricole, on a l'impression qu'on sait tout depuis longtemps en matière de santé environnementale. Le rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) sur les pesticides, qui date de 2013 et qui évoque notamment les effets cocktail, n'a jamais été contredit . Le rapport Écophyto, qui répond au défi de la santé environnementale, est « planté » depuis six ans, pour mille raisons qu'on n'aura pas le temps de développer. S'agissant du plan Écophyto, qui vise à prévenir les dangers pour l'environnement et pour la santé mais aussi à éviter les querelles picrocholines qui minent notre République, comment le ministère de l'écologie joue-t-il sa partition aux côtés de ceux de la santé et de l'agriculture ?

Vous avez évoqué une carence en matière de recherche. Pour avoir participé à des séances One Health organisées par dix-huit instituts européens, je peux vous parler de la somme des connaissances disponibles. Les causes et les solutions sont parfaitement identifiées, même s'il faut toujours chercher. On ne remplacera pas toujours des molécules par d'autres : il faudra aussi produire et travailler autrement, faire de l'agro-écologie. C'est justement ce qui est en panne depuis quelques années. Votre ministère observe-t-il ces questions ou s'y investit-il vraiment ?

Je pense en particulier à la réforme de la politique agricole commune : se fera-t-elle dans le cadre d'un dialogue entre la profession, le Parlement – qui est trop peu associé, me semble-t-il – et le ministre de l'agriculture ? Donnerez-vous une assurance vie et une assurance prospérité à l'agriculture française en défendant un modèle agro-écologique ? C'est une question très importante. Quelles sont vos positions et comment comptez-vous vous investir dans la réforme de la PAC ?

Comme vos prédécesseurs, vous parlez toujours d'artificialisation. Dieu sait si c'est important, mais je passe mon temps à dire aux ministres successifs de l'écologie que notre pays souffre avant tout – dix ou cent fois plus – de l'accaparement des terres, de la concentration de leur usage et de leur propriété, qui appauvrissent la biodiversité, détruisent les sols et réduisent leurs capacités de régénération. Face à l'appauvrissement des systèmes de production à cause d'un agrandissement inconsidéré, il faut faire preuve de courage politique en menant une réforme foncière. Elle peut encore être lancée dans les mois qui viennent. Prenez-vous part au combat au côté du ministre de l'agriculture, qui semble convaincu par cette cause ? Pesez-vous de votre poids ?

Je vous fais grâce des reproches que je pourrais formuler au sujet des pesticides. J'aurais mille choses à dire sur la panne du plan Écophyto et la responsabilité de ce Gouvernement en la matière.

S'agissant du textile, vous étiez présidente de la commission du développement durable lorsque nous avons obtenu que la perspective d'une expérimentation en matière sociale et environnementale soit ouverte. Il y va de la santé des usagers et des consommateurs français, car le textile peut être une source de pollution de l'air et de problèmes de santé, mais il ne faut pas oublier les phases de production, en particulier du coton, et de transformation, qui peuvent détruire la santé de nos frères humains au bout du monde. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) a prévu une expérimentation d'une durée de dix-huit mois. Qu'entendez-vous faire ?

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Barbara Pompili, ministre

Pour ce qui est de l'investissement du ministère dans la transition agricole, vous connaissez les vieux modes de fonctionnement, qui ont parfois tendance à perdurer. Néanmoins, rien ne peut s'opposer à une volonté politique farouche – qui est la mienne et, j'en suis certaine, celle du ministre de l'agriculture.

Nous nous investissons également très fortement dans la réforme de la PAC, notamment en ce qui concerne la définition du périmètre de l' eco-scheme. On peut beaucoup avancer s'agissant des paiements pour services environnementaux (PSE) et réorienter les pratiques de nos agriculteurs vers l'agro-écologie et la captation du carbone. C'est un aspect très intéressant qui peut devenir consensuel, car on peut générer ainsi de la valeur. Obtenir un revenu de cette manière aiderait vraiment nos agriculteurs.

La réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques nécessite d'accompagner les agriculteurs, pour qu'ils puissent trouver d'autres méthodes. Il ne sert à rien de leur demander de se passer de ces produits s'ils n'ont jamais appris à faire autrement ou s'ils n'y ont jamais été incités financièrement. Nous nous attelons donc à la question du changement de méthodes.

Le ministère de l'agriculture est plutôt volontariste au niveau européen. En ce qui concerne la réforme de la PAC, nous faisons partie des pays qui essaient de pousser en avant le plus possible, notamment en matière d' eco-scheme. Le compromis qui a été trouvé au niveau des États membres est améliorable, à mon avis. Nous soutenons fortement, au ministère de la transition écologique, la position du Parlement européen, et nous espérons que les trilogues vont permettre de rehausser l'ambition. Mon ministère n'a absolument pas l'intention de se dessaisir de ce sujet ; il passe son temps à épauler le ministère de l'agriculture.

J'ajoute que nous sommes en train d'avancer sur un plan Pollinisateurs, qui n'est pas un simple catalogue de bonnes intentions. Le but est d'avoir des réglementations plus strictes pour protéger les pollinisateurs, notamment lors des épandages. Cela fait, en ce moment, l'objet de concertations avec la profession, de manière à agir intelligemment. Il faut préserver les pollinisateurs sans attendre de passer partout à l'agro-écologie : on le fait tout de suite.

S'agissant de la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, je vous remercie de ne pas être entrés dans des polémiques qu'on connaît par cœur. On ne peut pas se satisfaire des avancées obtenues. Elles existent – on va arriver à une baisse de 50 % pour le glyphosate –, mais elles sont moindres que ce que nous espérions. Il faut aller beaucoup plus loin dans la recherche de solutions alternatives – j'ai entendu vos remarques sur ce point. En dehors du glyphosate, il faut aussi avancer sur les autres pesticides, herbicides, insecticides ou fongicides. On a interdit un certain nombre de produits très dangereux, comme les substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR), mais d'autres ne devraient plus être utilisés à partir du moment où des solutions alternatives existent. Nous sommes en train de travailler sur cette question qui me paraît absolument essentielle.

En ce qui concerne l'accaparement des terres, nous voulons tous une loi foncière, mais il faut trouver un moment dans le calendrier législatif. C'est, pour moi, le principal problème que nous rencontrons actuellement. Je ne suis pas la ministre chargée des relations avec le Parlement, mais je suis ouverte à toutes les propositions sur ce plan.

S'agissant de votre dernière question, je suis un peu ennuyée car je n'ai pas fait le point sur le textile avec mes équipes en charge de l'application de la loi AGEC. Au lieu de vous répondre n'importe quoi maintenant, je vous ferai passer une réponse écrite.

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Quand on parle de santé environnementale, je trouve qu'il est beaucoup question d'agriculture – mais c'est peut-être le biais d'une femme d'agriculteur. J'aimerais qu'on puisse évaluer d'autres expositions gravissimes pour la santé, comme celles aux poussières, à la pollution et aux perturbateurs endocriniens. Je suis très sensible à la question de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), maladie respiratoire qui cause 17 000 morts par an et qui est notamment liée à l'exposition à la poussière et à la pollution. Il n'y a pas vraiment de communication en la matière alors que c'est un véritable enjeu.

Je vous ai déjà fait part de mes préoccupations, qui concernent surtout la politique globale en matière de prévention et la manière dont la santé environnementale s'y intègre. Le directeur de la santé publique de l'ARS de la Nouvelle-Aquitaine a comparé, à juste titre, me semble-t-il, notre politique de prévention à un orchestre dont les musiciens n'ont pas de partition unique ni vraiment de chef d'orchestre. La question de l'efficience et de l'efficacité de la politique de santé, notamment environnementale, qui implique de nombreux ministères, se pose vraiment.

Sur quels outils, sur quelles données, sur quelle expertise votre ministère peut-il s'appuyer pour évaluer l'impact de l'environnement sur la santé des Français. Un état des lieux est important : quels sont les indicateurs de suivi ?

Par ailleurs, quelle est l'articulation avec les autres ministères, notamment celui de la santé ? Vous avez déjà évoqué cette question, notamment lorsque vous avez parlé du PNSE et du GSE, mais j'aimerais savoir comment vous travaillez ensemble, concrètement. Un comité interministériel pour la santé existe, mais il se réunit une fois par an, et encore. Voyez-vous la coopération se renforcer, devenir plus efficace ? Comment s'élabore, dans le cadre d'une politique globale de prévention, la politique de santé environnementale ?

Enfin, quelles sont vos priorités en matière de santé environnementale ? Tout est important mais on ne peut pas toujours tout embrasser.

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Barbara Pompili, ministre

Je vous rejoins quant à l'idée qu'il ne faut surtout pas limiter la question de la santé environnementale à l'agriculture.

L'analyse que vous avez citée du responsable d'ARS est assez juste. Cela rejoint nos échanges précédents et les préoccupations dont vous me faites part depuis des années, madame la présidente. Il y a beaucoup d'acteurs. Les ministères ont des habitudes, et les administrations datent d'une époque où cette question n'était pas tellement prise en considération : il faut tout réinventer. Tout ce que nous allons faire à propos de la gouvernance du PNSE 4 et du GSE est à construire. Ces questions, sur lesquelles nous sommes en train de travailler, comme vous le faites aussi dans le cadre de votre commission d'enquête, constituent presque le principal enjeu. À partir du moment où on réussira à avoir un vrai pilotage, un vrai chef d'orchestre, on aura déjà résolu une bonne partie du problème.

S'agissant de l'évaluation de l'impact de l'environnement sur la santé des Français, on dispose de moyens assez classiques : globalement, on s'appuie sur les expertises de Santé publique France et de l'OMS. Leur mode de fonctionnement est soit de déterminer des liens de causalité entre des expositions et des impacts sur la santé soit de faire des études statistiques qui permettent de démontrer une corrélation entre l'état de l'environnement et la santé. C'est ce qui se fait, par exemple, pour déduire l'impact de la qualité de l'air sur la santé.

J'ai déjà un peu parlé de l'articulation entre les ministères. Le travail s'est notamment renforcé avec le ministère de la santé au cours des dernières années et des derniers mois. Nous avançons vraiment main dans la main en ce qui concerne le PNSE et le copilotage du plan Écophyto, et nous échangeons régulièrement sur les questions relatives à la qualité de l'air. Tout l'enjeu est d'associer les autres ministères – quelques-uns s'investissent dans ces questions, d'autres moins.

Parmi les priorités en matière de santé environnementale, j'ai cité la lutte pour la qualité de l'air comme étant la première. Les chiffres sont inadmissibles : 48 000 morts par an, ce qui est d'ailleurs sous-estimé, à mon avis, d'autres chiffres faisant état de 60 000 morts. La deuxième priorité concerne l'exposition aux produits chimiques, pesticides et tout ce qui tourne autour, comme les nanomatériaux et les perturbateurs endocriniens. Ma troisième priorité – sans cela, je serais en dessous de tout – sera l'application du PNSE 4, qui porte sur une partie des éléments que je viens d'évoquer, notamment les nanomatériaux, les perturbateurs endocriniens ou encore les lumières bleues.

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On sait que 84 % des Européens s'inquiètent de l'impact sur leur santé des produits chimiques présents dans les objets du quotidien et 90 % s'inquiètent de leur impact sur l'environnement. Parmi les substances en cause, les perturbateurs endocriniens, dont on connaît la complexité.

Face à la multiplication des études alarmantes, l'Union européenne s'est progressivement saisie du problème. En vigueur depuis 2007, le règlement REACH, qui vise à sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne, a été une première étape importante. De nouveaux critères ont été introduits en 2018. Outre les produits phytopharmaceutiques et les biocides, qui sont maintenant sérieusement encadrés, la réflexion doit désormais s'élargir à d'autres secteurs réglementés, comme les produits cosmétiques, les matériaux au contact des denrées alimentaires, les jouets et les dispositifs médicaux. La Commission a lancé un projet ambitieux de refonte de la réglementation des produits chimiques afin de garantir un environnement sans substances toxiques à l'horizon 2030, l'objectif étant d'exclure les substances de synthèse dangereuses dans les produits de consommation courante.

La France a été un précurseur : elle s'est dotée dès 2014 d'une première stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens, puis le Gouvernement a renouvelé cette démarche en 2018 et 2019. Par ailleurs, je salue la préparation du PNSE 4, en particulier le travail réalisé d'une manière très interministérielle pour impliquer tous les partenaires.

Comment le Gouvernement et vous-même vous situez-vous dans l'élan européen en faveur d'un encadrement et d'une interdiction des perturbateurs endocriniens ? Quels sont les éléments en cours de négociation et quels sont les freins ?

Par-delà le débat, justifié ou non, sur la 5G, l'exposition aux ondes est une question qui se pose en matière de santé environnementale, qu'on le veuille ou non. Nous aurons bientôt un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Comment abordez-vous ces enjeux, notamment celui de l'exposition aux smartphones dès le plus jeune âge ? Quelles mesures peut-on prendre pour assurer un suivi, une réglementation ou un encadrement, si nécessaire, en fonction des éclairages apportés par les études disponibles ?

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Barbara Pompili, ministre

Votre intervention me donne l'occasion de saluer l'excellent travail mené par Claire Pitollat et Laurianne Rossi dans leur mission d'information sur les perturbateurs endocriniens, dont nous essayons de reprendre les propositions. Ces substances se trouvent, comme vous l'avez souligné, dans un grand nombre de produits de consommation courante – les détergents, les matières plastiques, les cosmétiques, les textiles, les peintures, les jouets, les pesticides et l'alimentation – et sont présentes dans différents milieux : l'air, l'eau et les sols. L'enjeu sanitaire et environnemental est donc absolument majeur, comme la mission d'information l'a relevé.

Nous avons avancé dans l'application de la deuxième stratégie sur les perturbateurs endocriniens, qui a été publiée au mois de septembre de l'année dernière.

S'agissant de l'Union européenne, la Commission a récemment publié une nouvelle stratégie sur les produits chimiques, comportant plusieurs mesures qui étaient défendues de longue date par la France et qui faisaient partie des recommandations du rapport que je viens de citer, notamment une définition harmonisée des perturbateurs endocriniens – ce qui est quand même la base – et une interdiction transversale dans les produits de consommation courante, sauf rares dérogations pour des usages dits essentiels.

Pour ce qui est des produits cosmétiques, nous souhaitons un renforcement des interfaces entre les expertises portant sur les impacts environnementaux, d'une part, et sur la santé humaine, d'autre part. Il arrive parfois que des substances soient autorisées car ne présentant pas de risque avéré pour la santé humaine, alors que des experts de l'environnement ont des données montrant des effets négatifs sur la biodiversité. Il faut croiser les éléments et éviter de laisser circuler de tels produits.

Au niveau national, nous nous sommes engagés dans la rédaction des textes d'application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, qui demande notamment de signaler la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits. Cette mesure permettra aux consommateurs de faire des choix éclairés et devrait inciter à procéder à des substitutions.

Nous prévoyons, par ailleurs, dans le PNSE 4, la mise en place d'un « Yuka » des jouets, qui devrait être très apprécié par nos concitoyens. Ce serait une première application très importante, les jouets étant des objets manipulés par les enfants au quotidien et portés à la bouche.

La France accomplit, de plus, un travail d'envergure pour identifier les perturbateurs endocriniens. Les travaux de l'Anses ont déjà contribué à l'identification du bisphénol A comme perturbateur endocrinien pour l'homme et, plus récemment, du TNPP, qui contient du nonylphénol. Ce sont des noms barbares mais nous allons finir par tous les connaître. Ce sujet est d'une grande complexité, car beaucoup d'inconnues subsistent. C'est pourquoi le ministère de la transition écologique a octroyé à l'Anses, cette année encore, une enveloppe spécifique de 2 millions d'euros pour lancer des appels à projets de recherche.

La 5G a beaucoup fait parler, en effet, et c'est un arbre qui ne doit pas cacher la forêt des ondes, au milieu desquelles nous vivons déjà. Nous sommes vigilants s'agissant de la 5G : nous avons demandé aux missions d'inspection un état des lieux sur l'impact sanitaire, car il faut anticiper. La première conclusion est que, au regard des connaissances disponibles – il faut prendre cette précaution de langage –, il n'y a pas d'impact avéré, dans le respect des limites d'exposition, en particulier dans la bande de 3,5 gigahertz, qui est connue et est déjà utilisée. En application du principe de précaution, nous allons renforcer les moyens de recherche en ce qui concerne la bande de 26 gigahertz, sur laquelle il existe moins d'éléments. Nous allons également renforcer le contrôle des expositions dans le déploiement des premières antennes 5G, pour vérifier le respect des valeurs limites : l'Agence nationale des fréquences (ANFR) doit réaliser 300 mesures cette année et 4 800 l'année prochaine.

Les ondes peuvent avoir un effet sur la santé mais aussi sur l'environnement. Il est reconnu que les antennes 5G sont plus efficaces sur le plan énergétique : par rapport au réseau 4G, elles devraient diviser par dix la consommation d'énergie à débit constant. Néanmoins, il risque d'y avoir un effet rebond, car le déploiement de la 5G accéléra probablement le développement de nouveaux usages, comme l'internet des objets et le streaming en 4K ou 8K, ce qui entraînera une augmentation du trafic de données – il sera certainement multiplié par cinq en cinq ans, si la trajectoire actuelle se poursuit – et donc de la consommation d'énergie. Ce sera plus efficace mais l'utilisation sera plus importante, ce qui fait que la consommation d'énergie pourrait augmenter.

Je crois que la meilleure manière de traiter ce sujet est d'essayer de limiter la consommation de l'internet et du numérique en général, en respectant un principe de sobriété. Il serait absurde de s'engager dans un processus de sobriété, d'efficacité énergétique, de réduction du gaspillage partout, sauf dans ce domaine. On demande aux gens d'arrêter leur robinet quand ils se lavent les dents, mais, pour l'utilisation des ondes, ce serait open bar. Il faut être raisonnable. On est en train de travailler sur des mesures qui doivent faire l'objet d'une discussion – on ne va pas décider d'en haut – et qui relèvent du bon sens, comme la limitation du niveau de qualité pour le visionnage des vidéos en streaming. Je ne vois pas l'intérêt de regarder une vidéo sur un téléphone portable en 4K, par exemple. On pourrait aussi demander aux opérateurs d'utiliser le mode veille sur les antennes 5G – ce que l'on ne peut pas faire sur les antennes 4G – lorsqu'on utilise moins de numérique, par exemple la nuit ou à d'autres moments bien identifiés. On pourrait également interdire le lancement automatique des vidéos sur les réseaux sociaux et sensibiliser les citoyens à des comportements plus vertueux.

L'impact environnemental du numérique est lié en premier lieu aux terminaux, les téléphones et les ordinateurs. On pourrait encourager tout le monde à ne changer de téléphone que lorsque celui-ci ne fonctionne plus, ce qui serait déjà un progrès, et à utiliser des téléphones reconditionnés. La 5G est surtout utile pour des utilisations industrielles et médicales, et l'on peut très bien vivre avec les téléphones portables actuels, sans être obligé de les remplacer tout de suite par des téléphones 5G qui ne correspondent qu'à peu d'utilisations.

Il existe également un volet territorial mais il concerne moins votre commission d'enquête que d'autres instances. Je ne m'appesantirai donc pas sur ce point.

Nous sommes aussi exposés à bien d'autres ondes. Nous devons travailler ensemble pour réduire cette exposition, et cela passe d'abord par notre manière de consommer.

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Dans la transition énergétique, de nouveaux projets d'éoliennes et de méthaniseurs sont déployés dans nos territoires. Ils provoquent des phénomènes tels que la diffraction des ondes électromagnétiques, pour les éoliennes, et la pollution des sols par les digestats, pour les méthaniseurs, ainsi que la modification des paysages. Tout cela suscite des craintes parmi les habitants alentour. Comment diffuser auprès des populations une information vérifiée et validée, afin de les rassurer sur les évolutions en cours, notamment sur le développement de nouvelles filières d'activité ?

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D'après les avis d'experts les plus récents, publiés par plusieurs ONG, notamment Transport & Environnement (T&E) et International Council on Clean Transportation (ICCT), les véhicules hybrides sont bien plus polluants que prévu, voire plus polluants que des véhicules traditionnels. Cela pourrait remettre complètement en cause la politique d'incitation à l'achat de tels véhicules. Par ailleurs, les modèles les plus lourds ne sont pas soumis au malus au poids, au motif qu'il s'agit de véhicules hybrides, ce qui est totalement contre-productif. J'aimerais connaître la position du Gouvernement à ce sujet.

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Les élus locaux estiment que certains projets de méthaniseurs sont parfois surdimensionnés. Considérez-vous que de tels projets facilitent la responsabilisation et l'accompagnement des agriculteurs en matière de respect de l'environnement ? Vous n'avez pas pris position sur le projet d'implanter un méthaniseur à Corcoué-sur-Logne, dans la région Pays de la Loire, où M. Haury et moi-même sommes élus.

J'aimerais également vous interroger sur l'introduction du mot « écocide » dans la loi française. Une telle avancée juridique vous semble-t-elle souhaitable ? D'autres dispositions destinées à imposer des priorités climatiques pourraient être envisagées au préalable. De nombreux acteurs, notamment les collectivités territoriales et les associations, voire les membres de la communauté scientifique, souhaitent que la communication à ce sujet soit plus fluide et plus transparente, en amont de la mise en œuvre d'actions concrètes.

J'illustrerai mon propos par un cas d'école. Hier, plusieurs associations ont déposé, auprès du tribunal judiciaire de Paris, une plainte pour fraude à l'étiquetage, mise en danger de la vie d'autrui et atteinte à l'environnement. Elle porte sur l'usage de certains pesticides, dont il est avéré qu'ils sont dangereux pour la santé. En quoi l'existence d'un délit d'écocide pourrait-elle être utile en pareil cas ? L'entreprise Yara France, dont les représentants doivent être entendus dans le cadre de cette procédure, est constamment rappelée à l'ordre et doit souvent régler des amendes, en application du principe du pollueur-payeur. L'existence d'un délit d'écocide pourrait-elle jouer un rôle juridique dans la condamnation de telles pratiques dangereuses ?

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Pour ma part, j'ai une question sur l'utilisation des substances perfluorées et polyfluorées (PFAS). Ces molécules chimiques entrent dans la composition d'une multitude de produits d'usage quotidien, tels que les revêtements d'ustensiles de cuisine – les fameuses poêles téflon –, les cosmétiques et les émulseurs anti-incendie. Elles ont la regrettable caractéristique d'être éternelles, car les liaisons entre les atomes qui les composent font partie des plus fortes que nous connaissons en chimie organique ; elles sont quasiment indestructibles.

Les risques que les PFAS font peser sur la santé humaine et animale sont à présent bien documentés. Or la France est très en retard en matière de prévention. Dès 2017, l'Anses a proposé de déterminer des valeurs sanitaires maximales pour certaines molécules. Au mois de janvier 2020, l'Agence a publié un rapport proposant de diviser par 100, voire par 200, la valeur limite de PFAS autorisée. L'Italie et l'Allemagne ont d'ores et déjà pris des mesures pour limiter l'utilisation de ces composés. En France, rien n'a été fait pour contenir la contamination généralisée de la population et de l'environnement. J'aimerais savoir si les pouvoirs publics prévoient de tenir compte des alertes lancées par ces agences publiques sur les dangers des PFAS, et de fixer une valeur réglementaire maximale.

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Barbara Pompili, ministre

En tant qu'ancienne parlementaire, je veille attentivement à répondre aux questions posées par les parlementaires. Si vous souhaitez obtenir des précisions afin de compléter les réponses que je m'apprête à formuler, n'hésitez pas à me le faire savoir.

S'agissant de l'information et de la formation des populations, de façon générale, le contexte dans lequel nous vivons suscite bien des angoisses : à celles qu'engendrent la crise du covid-19 et ses conséquences sur notre avenir économique et social, s'ajoutent celles relatives à la protection de l'environnement, au climat et à la santé environnementale. Dans cette période, le besoin de réponses est prégnant. Qu'elles puissent manquer entretient un sentiment de défiance, qui me semble très dangereux, notamment pour la démocratie. La transparence et la pédagogie s'imposent.

Les projets doivent donner lieu à un important travail sur les risques, notamment lors des enquêtes publiques et des concertations, le plus en amont possible, afin d'y associer les citoyens concernés. Les services de l'État et les opérateurs privés doivent être parties prenantes dans cette démarche. Il faut, me semble-t-il, avoir le courage de dire la vérité aux gens : la préservation des paysages est un sujet très important – élue de la Somme, je vois très bien de quoi il retourne – mais il ne faut toutefois pas tomber dans l'extrême. Nous vivons un moment de transition écologique, une nouvelle révolution économique et industrielle. Une transformation aussi radicale ne peut pas ne pas être visible dans les territoires. La question est de doser les transformations et de les rendre acceptables. Le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, d'où je suis originaire, a été classé par l'Unesco au patrimoine mondial de l'humanité au motif qu'il porte la trace du monde de la mine – le paysage a bien été transformé. Il ne s'agit certes pas de faire n'importe quoi n'importe comment, mais il est absurde de faire croire aux gens que le paysage ne changera pas, à moins d'accepter de mourir économiquement et socialement. Tout paysage est voué à évoluer.

Dès lors, il faut que les gens soient associés au mieux à l'évolution des paysages, qu'ils y participent et aient l'impression d'avoir leur mot à dire. À cet effet, outre les enquêtes publiques et des concertations, il me semble nécessaire d'aller vers une forme de planification – je ne crains pas d'employer ce mot. La planification consiste, non seulement à fixer des objectifs et à se donner les moyens de les atteindre, mais aussi à détailler la façon dont on compte procéder.

Prenons l'exemple des éoliennes, moins complexe que celui des méthaniseurs. Certains territoires sont saturés et d'autres non. Si nous voulons réussir la transition énergétique, nous devons définir des objectifs en termes de capacité installée, c'est-à-dire, en schématisant, de nombre d'éoliennes construites. Dès lors qu'un nombre d'éoliennes par région a été défini, il faut que les acteurs concernés se rassemblent autour d'une table et délimitent les zones où elles peuvent être implantées, en tenant compte des contraintes liées notamment au trafic aérien ou aux implantations militaires.

Un tel travail de concertation en amont facilite l'implantation des éoliennes, et d'autant plus si l'on y associe les populations par le biais du financement participatif, car les gens se les approprient. Cela permet de calmer le jeu, en faisant en sorte que chacun se projette, sache où il y aura des éoliennes et où il n'y en aura pas, et se libère de l'angoisse, au demeurant compréhensible, de voir sortir de terre des installations sans rien savoir à leur sujet. Ce travail d'anticipation est le travail de base de la transition écologique.

Sur la question de la méthanisation, nous disposons de premiers retours d'expérience. Sur certains points, nous devons être prudents, voire rectifier le tir. Le processus de méthanisation, s'il est correctement contrôlé au regard du maintien de la température et de la durée de traitement des déchets, permet d'éliminer les agents pathogènes et de garantir l'innocuité des digestats du point de vue biologique. Les services du ministère de l'agriculture travaillent à la consolidation d'un décret visant à définir les normes d'épandage des fertilisants, notamment des engrais organiques. Il permettra aussi de définir des seuils maximaux de contaminants, notamment le plastique et les métaux lourds. Par ailleurs, les retours d'expérience démontrent que les méthaniseurs présentent des risques accidentels moins bien maîtrisés que d'autres installations classées pour la protection de l'environnement. Nous devons donc renforcer les prescriptions applicables à ces installations, s'agissant notamment des risques de fuite de méthane, de l'étanchéité des stockages de digestats et de la gestion des risques d'explosion. Sur ces sujets, on avance en marchant.

Nous avons pris connaissance avec intérêt des études concernant les véhicules hybrides. Il en ressort que, pour que les véhicules hybrides soient véritablement efficaces du point de vue énergétique et écologique, leur batterie doit être chargée. Il faut donc commencer par faire en sorte que les propriétaires de ces véhicules puissent charger leur batterie, donc par installer des points de chargement. C'est là le principal enjeu du déploiement des véhicules électriques. S'ils ne constituent pas l'unique solution pour accélérer la transition énergétique des mobilités, les transports en commun y prenant une bonne part, les véhicules individuels sont pour l'heure indispensables. Les moins polluants sont ceux qui fonctionnent grâce à l'énergie électrique ; il faut donc installer des points de charge. Notre premier combat est d'en accélérer le déploiement, en veillant à leur bonne répartition sur le territoire national, ainsi qu'à l'installation, par endroits, de points de charge rapide, qui sont un vecteur d'efficacité de notre politique en la matière. D'autres études paraîtront, et nous serons vigilants. Si des problèmes se posent, nous essaierons d'y répondre. Pour l'heure, il s'agit d'améliorer l'efficacité de ces véhicules, notamment en facilitant le chargement de leurs batteries.

S'agissant du malus au poids, il relève du signal. Son montant, chacun l'a constaté, est symbolique. Il n'empêchera pas les personnes fortunées d'acheter un énorme véhicule à 50 000 euros si elles le souhaitent. En revanche, il constitue un signal politique dont il importe de garantir la cohérence. Même si les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables sont tendanciellement plus lourds que les véhicules thermiques, nous avons décidé de ne pas leur appliquer le malus au poids, car nous ne voulons pas envoyer des injonctions contradictoires. Nous incitons les gens à s'orienter vers ce mode de motorisation, par le biais d'un bonus ; leur appliquer un malus rendrait notre politique incompréhensible. Il s'agit, de notre part, d'un choix politique, un choix qui peut se discuter. Alertés par les études précitées, nous demeurons vigilants au sujet des véhicules hybrides, mais, pour l'heure, nous nous en tenons à cette politique, car il n'est pas souhaitable de modifier fréquemment le message émis.

Je n'ai toujours pas d'opinion arrêtée au sujet du projet d'implantation d'un méthaniseur à Corcoué-sur-Logne. Ce qui est très clair, c'est que je n'ai jamais affirmé soutenir ce projet en l'état. De façon générale, je ne soutiens pas un projet avant de l'avoir étudié sérieusement. Celui-ci me semble faire débat pour de nombreuses raisons qui me semblent tout à fait valables. Je l'étudierai donc de très près avant de me prononcer à son sujet.

Sur l'écocide, le mot lui-même fait l'objet d'un débat sans fin. De nombreuses définitions, diverses et variées, coexistent, de sorte que ce débat continuera. Au demeurant, le mieux serait que toutes les parties prenantes élaborent conjointement une définition reconnue à l'échelle internationale, que nous appelons de nos vœux. En attendant, nous introduisons dès à présent dans notre droit interne des dispositions visant à durcir de façon significative le droit de l'environnement, que certains prennent un peu trop à la légère.

Ainsi, le projet de loi inspiré par les propositions de la Convention citoyenne pour le climat définira un délit général de pollution. En fonction de son caractère intentionnel et de sa gravité, les peines pourront atteindre 4,5 millions d'euros d'amende et dix ans d'emprisonnement. Outre ces peines lourdes, des réparations seront prévues, ainsi que des amendes dont le montant pourra atteindre dix fois celui de l'économie escomptée par le pollueur, par exemple en ne portant pas ses déchets à la benne en raison du coût que cela représente.

Nous créons également un délit de mise en danger de l'environnement. Certains pollueurs s'affranchissent des règles, car ils estiment que leur activité, dans neuf cas sur dix, ne provoquera aucun dégât environnemental. Ils espèrent passer à travers les gouttes. Désormais, quiconque mettra en danger l'environnement s'exposera à de lourdes sanctions. Je suis consciente qu'il faudra un peu de temps pour que chacun s'approprie ce nouveau délit. Je tiens à répondre dès à présent aux inquiétudes, légitimes au demeurant, qui ont été exprimées, selon lesquelles tout un chacun pourrait facilement être considéré comme l'auteur d'un délit d'écocide. Nul ne commettra un délit d'écocide s'il respecte les règles en la matière. Si celles-ci s'avèrent inadaptées, il incombera au législateur et au Gouvernement de les adapter. Quiconque respecte la réglementation et la législation n'encourt aucun risque d'être considéré comme l'auteur d'un délit d'écocide : celui-ci suppose de ne pas respecter les règles, rien n'est plus simple.

S'agissant des PFAS, qui sont des substances chimiques toxiques et persistantes dans l'environnement, des projets de restriction d'usage sont en cours d'élaboration. Dans l'application du règlement européen REACH, nous défendons avec force leur extension maximale. Pour le reste, Élisabeth Toutut-Picard me pose une colle, comme d'habitude…

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Barbara Pompili, ministre

Je me pencherai sur la question des seuils d'exposition aux PFAS et vous répondrai par écrit, madame la présidente.

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Madame la ministre, merci infiniment de vos explications très détaillées. Chacun, je crois, a obtenu la réponse à ses questions. Nous vous remercions pour votre disponibilité, votre expertise technique et l'amabilité avec laquelle vous nous avez répondu. Nous vous remercions également de votre engagement pour des causes qui nous tiennent vraiment très à cœur.

Cette ultime audition conclut en beauté les travaux de notre commission d'enquête.

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Barbara Pompili, ministre

Pour ma part, je vous remercie de votre travail. Je me tiens à votre disposition pour poursuivre le dialogue. Il vous appartient à présent de travailler à la rédaction de votre rapport. J'attends beaucoup des conclusions de la commission d'enquête.

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Avant de clore la réunion, j'informe nos collègues qu'ils peuvent déposer auprès de notre secrétariat des contributions, individuellement ou au nom de leurs groupes respectifs. Elles seront annexées au rapport que Mme la rapporteure et moi-même présenterons au nom de la commission d'enquête. Je remercie chacun d'entre vous d'avoir participé aux soixante-cinq auditions que nous avons menées dans ce cadre.

L'audition s'achève à dix-huit heures vingt.