Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 11h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • cosmétique
  • ingrédient
  • substance
  • test
  • évaluateur
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La réunion

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L'audition débute à onze heures trente.

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M. Patrick O'Quin, préside la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA), dont Mme Françoise Audebert est conseillère scientifique et réglementaire. La FEBEA est l'organisation professionnelle qui représente les entreprises du secteur cosmétique. Dans ce secteur, les préoccupations de santé-environnement peuvent trouver à s'appliquer, aussi bien en ce qui concerne la fabrication industrielle que l'utilisation des produits ou la santé des consommateurs. Comment les enjeux de santé publique et environnementale sont-ils abordés et pris en compte par les entreprises du secteur cosmétique ?

( M. Patrick O'Quin et Mme Françoise Audebert prêtent serment. )

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

La FEBEA est le syndicat représentatif du secteur cosmétique au titre de la loi de 1884. Nous sommes représentatifs au sens du code du travail, mais également parce que nos adhérents fabriquent environ 95 % des produits cosmétiques vendus sur le territoire français. Aujourd'hui, 350 entreprises adhérent à la FEBEA. Certains de nos adhérents sont des grands groupes français ou internationaux, notamment les leaders mondiaux comme L'Oréal, mais plus de 85 % de nos adhérents sont des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME). Le tissu industriel français de ce secteur est donc extrêmement divers. Nous représentons uniquement les fabricants, soit parce qu'ils sont installés sur le territoire français, soit parce qu'ils vendent leurs produits en France par le biais de filiales. Nous ne représentons pas seulement des entreprises françaises, mais également des entreprises étrangères. Nous ne représentons ni les fabricants d'ingrédients ni les distributeurs. Les parfumeries telles que Séphora ou Marionnaud et les parfumeries de quartier, les coiffeurs et les esthéticiennes ne sont pas membres de notre fédération.

Celle-ci regroupe des représentants de tous les types de cosmétiques – parfums, produits d'hygiène, produits de toilette, produits de soin, produits capillaires, produits pour enfants – qu'ils soient distribués en grande distribution, dans les supermarchés et les hypermarchés, ou par des modes dits de « distribution sélective » dans les pharmacies, dans les parfumeries ou dans des magasins spécialisés comme Pierre Fabre ou chez les esthéticiennes.

En France, nous sommes régis par un règlement européen, publié en 2009, qui s'applique pleinement depuis 2013. Ce règlement européen fait suite à une loi française : la France a en fait inspiré ce règlement européen par une loi de 1975 extrêmement novatrice à l'époque, alors que Mme Simone Veil était ministre de la Santé. Nos produits sont en effet régis par le code de la santé publique et notre autorité de contrôle est l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), non l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

Ce règlement est très novateur en ce qu'il place la responsabilité de la mise sur le marché chez le fabricant. À la suite de la crise du talc Morhange, une crise extrêmement sérieuse, puisqu'elle avait causé la mort d'une vingtaine de bébés, Mme Simone Veil a choisi de créer un nouveau système pour assurer que les produits mis sur le marché soient sûrs, plutôt que de décalquer la réglementation sur celle des médicaments avec une autorisation de mise sur le marché.

Le règlement européen actuel est fondé essentiellement sur cette réglementation qui assure la sécurité tout au long de la chaîne de consommation. Les cosmétiques sont les plus réglementés des produits de consommation courante. Il est plus difficile actuellement de mettre sur le marché un produit cosmétique qu'un produit alimentaire. Cette sécurité est assurée à plusieurs niveaux et c'est le seul secteur dans lequel sont prévus autant de garde-fous.

La première étape est que nous ne pouvons pas utiliser, dans les produits cosmétiques, d'ingrédient n'ayant pas été évalué au titre du Règlement européen Registration, evaluation, authorization and restriction of chemicals (REACH).

La deuxième étape est que l'ingrédient est lui-même évalué par un comité scientifique pour la sécurité du consommateur, le Scientific committee on consumer safety (SCCS). Il s'agit d'un comité composé d'une quinzaine d'experts indépendants qui fonctionne auprès de la Commission européenne. Il évalue si l'ingrédient est sûr, dans une utilisation cosmétique pour la cible de population à laquelle il est destiné. Un ingrédient destiné à un produit pour bébés n'est donc pas évalué de la même manière qu'un ingrédient destiné à un produit pour adultes. De même, l'évaluation est différente selon que le produit est destiné aux femmes enceintes ou à la population générale, selon que le produit est destiné à une utilisation capillaire ou à une utilisation sur la peau ou à un dentifrice. Les annexes du règlement européen relatif aux produits cosmétiques énumèrent un certain nombre d'ingrédients ne pouvant pas du tout être utilisés ou ne pouvant être utilisés qu'à certaines doses ou pour certains usages.

Le troisième filtre est particulièrement original : un produit est soumis avant d'être mis sur le marché à une évaluation de sécurité établie par une personne dont les qualifications sont, en France, précisées par un arrêté. Tant que la sécurité du produit fini, c'est-à-dire du cocktail d'ingrédients, n'a pas été évaluée, le produit ne peut pas être mis sur le marché.

Avant d'être mis sur le marché, il doit être déclaré sur un portail européen, le Cosmetic products notification portal (CPNP), qui contient la liste de la totalité des produits sur le marché.

Enfin, la liste complète des ingrédients doit figurer sur l'emballage, à une exception près, liée aux questions de propriété intellectuelle : les parfums. En effet, les parfums ne peuvent pas être protégés par un brevet et il n'est donc pas obligatoire de faire figurer la liste intégrale des parfums. En revanche, le risque majeur étant pour ces produits le risque d'allergie, les allergènes qui figurent dans le cosmétique doivent être indiqués sur l'étiquetage.

Cette succession de filtres permet d'assurer que les produits sont sûrs pour le consommateur. La sécurité est ensuite complétée par la cosmétovigilance : une fois que le produit est sur le marché, il est obligatoire de rendre compte à l'ANSM de tout incident pouvant être créé par ce produit, et particulièrement de tout incident sérieux. Nous avons donc tous les ans environ 200 notifications dans ce cadre. Comparées aux milliards d'utilisations annuelles des produits, ces 200 notifications constituent un chiffre extrêmement faible. Ces notifications sont essentiellement liées à des mésusages ; sinon, ce sont généralement des irritations ou des allergies dermatologiques. Depuis la triste affaire du talc Morhange, nous n'avons eu aucune crise sanitaire liée directement à l'utilisation d'un produit cosmétique, ni en France ni en Europe.

Ce Règlement est un outil assez lourd donc difficile à modifier mais environ six modifications des annexes du Règlement sont effectuées chaque année pour tenir compte des avancées de la science et des éléments nouveaux qui peuvent intervenir. Le comité scientifique pour la sécurité du consommateur est extrêmement sensible aux évolutions qui apparaissent ; il introduit dans son évaluation des critères qui sont souvent en avance sur ce que les réglementations traditionnelles prévoient. Ainsi, les produits cosmétiques ont été les premiers à éliminer, en 2017 ou 2018, le bisphénol A (BPA), avant même que le sujet devienne véritablement une source de préoccupation. De même, les phtalates sont interdits dans la formulation de produits cosmétiques, à l'exception du phtalate de diéthyle (DEP) dont il apparaît qu'il n'est pas un perturbateur endocrinien. Le SCCS prend en effet en compte les critères de perturbation endocrinienne parmi ses critères pour évaluer si un ingrédient peut être introduit dans un produit cosmétique.

Notre secteur a été un des promoteurs de la plateforme public-privé sur la pré-validation des méthodes d'essai sur les perturbateurs endocriniens (PEPPER). Nous y sommes très impliqués. Mme Françoise Audebert est membre du conseil d'administration et du bureau de PEPPER.

Nous avons aussi travaillé de façon extrêmement active à un guide sur la substitution des ingrédients, corédigé par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) et France Chimie sous le contrôle de la direction générale de la prévention des risques (DGPR). Pouvoir faire évoluer nos formules en fonction des avancées de la science est bien entendu une priorité pour nous.

Nous avons aussi un dialogue extrêmement actif avec le ministère de la Transition écologique, autrefois ministère de l'Environnement, sur tout ce qui concerne les questions de biodiversité. Une grande partie de nos ingrédients sont d'origine naturelle et il est très important pour nous de pouvoir continuer à en disposer. Nous sommes donc impliqués, depuis longtemps, dans la protection de la biodiversité, à travers la mise en œuvre de la convention sur les espèces menacées, (Convention on international trade of endangered species, CITES). Tous les ans, nous organisons également, en liaison avec les fabricants d'ingrédients et le ministère de la Transition écologique, un séminaire pour travailler sur l'application du Protocole de Nagoya. Nous identifions avec le ministère de la Transition écologique les difficultés d'application de ce protocole dont les dispositions sont parfois un peu obscures ou dont la mise en œuvre peut être délicate.

Enfin, nous menons des actions de sensibilisation et d'information du consommateur ainsi que des actions de transparence. Par exemple, nous avons sur notre site Internet une base de données qui recense les 25 000 ingrédients utilisés aujourd'hui en cosmétique, avec leur fonction – exfoliation, protection, conservation… –, leur origine – synthétique, naturelle ou si les deux origines sont possibles – et les controverses éventuelles que ces ingrédients suscitent. Nous précisons dans cette base quels sont, à date, les éléments connus sur ces controverses, en particulier pour le phénoxyéthanol ou les parabènes qui reviennent souvent dans le débat public. De plus, nous avons lancé, hier, une application pour rendre l'utilisation de cette base de données plus conviviale.

Je précise que notre Règlement interdit l'utilisation d'ingrédients cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR), sauf dérogation dûment justifiée. Le principe est l'interdiction, l'exception étant possible après évaluation par le comité scientifique de la sécurité du consommateur.

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Je vous remercie pour cette présentation du dispositif mis en place par votre fédération. Vous appliquez en fait le Règlement européen.

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

Oui, nous l'appliquons en allant un peu au-delà.

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Le cadre est essentiellement européen avec l'ajout de certaines modalités plus « franco-françaises ».

Votre présentation donne à penser que la mise sur le marché des produits cosmétiques est très suivie, avec plusieurs niveaux de filtrage pour éviter que ne passent des produits qui pourraient finalement provoquer des problématiques de santé publique. Le système semble bien « bordé » de tous les côtés ; il donne l'impression que recourir aux produits cosmétiques ne présente aucun risque, ni pour les adultes ni pour les enfants et encore moins les bébés. Pourtant, des associations de consommateurs mettent en ligne des analyses détaillées de produits cosmétiques montrant la présence de parabènes ou d'autres perturbateurs endocriniens.

Vous vous basez sur un principe d'interdiction de toute commercialisation d'ingrédient reconnu comme CMR. Quelle base de données vous sert-elle de référence puisque, visiblement, les associations de consommateurs n'ont pas la même analyse que celle que vous nous avez présentée ? Vous laissez penser que tout est organisé, pour qu'il n'existe aucun risque, alors que les associations de consommateurs pensent différemment.

Ce dissensus vient-il du fait que chacun fait référence à des types différents de repères toxicologiques ? La qualification même de CMR est-elle flottante, ce qui expliquerait ces approches contradictoires ? Quels sont donc, en dehors de REACH, vos repères d'évaluation ? Pouvez-vous nous préciser qui sont les personnes qualifiées qui effectuent l'évaluation du produit final et par qui elles sont désignées ? Qui nourrit le portail européen qu'est le CPNP et selon quels critères, quels repères toxicologiques, quelles études scientifiques ?

Nous avons entendu dire lors des auditions précédentes que certains produits cosmétiques sont maintenant destinés à des bébés et surtout à de très jeunes enfants, notamment à des petites filles pour leur toilette intime alors que rien n'est vraiment sûr dans la composition de ces produits.

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

La personne qui met sur le marché, celle qui responsable selon la définition du Règlement européen, doit notifier le produit sur le portail européen CPNP avant sa mise sur le marché, quelles que soient sa composition et sa destination. Ce portail en lui-même n'a aucun caractère de filtre. Il ne fait que constater la mise sur le marché.

La personne responsable est, grosso modo, l'entreprise qui fabrique le produit. En plus de la déclaration au CPNP, il faut un dossier d'évaluation de la sécurité du produit. Il est théoriquement impossible de mettre sur le marché un produit n'ayant pas subi cette évaluation, n'ayant pas été considéré comme sans risque pour le consommateur auquel il est destiné. Il est clair qu'il existe malheureusement des importations frauduleuses de certains produits qui peuvent comporter des ingrédients interdits. Nous travaillons de manière étroite avec les douanes et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour empêcher ces commercialisations marginales de produits présentant des problèmes. Il existe aussi des contrefaçons de marques. Un grand nombre de produits destinés au blanchiment de la peau des personnes à peau noire sont importés de façon illégale, sans être passés par le CPNP, mais tous les produits mis sur le marché de manière légale, en respectant les règles, sont d'abord inscrits sur le CPNP.

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Françoise Audebert, conseillère scientifique et réglementaire à la Fédération des entreprises de la beauté

L'évaluateur de la sécurité exerce la seule profession réglementée en cosmétique. N'importe qui ne peut pas évaluer la sécurité cosmétique. La profession est réglementée en France par un arrêté pris sur le fondement d'un article du Règlement européen spécifiant qu'il faut avoir des connaissances théoriques et pratiques en toxicologie, en médecine, en pharmacie. La France a ajouté à la liste les écotoxicologues et les vétérinaires. À ce jour, les personnes qui viennent de l'étranger, hors Union européenne, avec ce type de formation, doivent faire reconnaître leur diplôme.

Les toxicologues qui travaillent sur l'évaluation de la sécurité ne sont pas forcément internes à l'entreprise. Cette évaluation peut aussi être réalisée par des prestataires extérieurs. En revanche, les évaluateurs engagent leur responsabilité par leur signature. Tout dossier d'information produit doit comporter la référence aux diplômes du toxicologue et sa signature, son engagement, quant à la sécurité du produit.

Le toxicologue peut ajouter des compléments de précaution d'emploi ou de mode d'utilisation, comme par exemple de ne pas utiliser chez les enfants de moins de trois ans ou de ne pas appliquer sur le contour des yeux. Dans les annexes du Règlement se trouvent une liste de substances interdites, mais aussi une liste encore plus longue de substances réglementées, c'est-à-dire qui peuvent être utilisées, mais dans un cadre bien spécifique, avec des conditions spécifiques, notamment des conditions de concentration.

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Je n'ai pas compris si vous êtes organisés en conseil, en comité, sous l'égide d'une agence nationale ou si ces évaluations de sécurité sont portées par des entreprises ou des prestataires extérieurs auxquels les fabricants font appel. Est-ce suivi, réglementé ? Quelqu'un vérifie-t-il le travail d'évaluation de la sécurité des cosmétiques ? Qui organise et qui surveille ? Qui évalue votre travail d'évaluation ?

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Françoise Audebert, conseillère scientifique et réglementaire à la Fédération des entreprises de la beauté

L'évaluation de la sécurité est rassemblée dans un dossier d'informations-produit. Ces dossiers sont régulièrement inspectés par les autorités, en l'occurrence l'ANSM. Lorsqu'un nouveau produit est mis sur le marché, une inspection de première mise sur le marché est effectuée, puis des évaluations sont faites de façon régulière.

L'évaluateur ne regarde pas uniquement les informations sur le produit fini, mais il a l'obligation d'avoir toutes les informations sur les matières premières. Pour renforcer la sécurité se trouve dans le Règlement cosmétique une annexe très importante qui est la « bible » des évaluateurs : elle contient l'ensemble des points à avoir en tête au moment de l'évaluation. Ces points vont de la qualité microbiologique aux données physicochimiques et toxicologiques des substances en passant par l'exposition. L'évaluateur de la sécurité prend cette annexe et, en fonction des données, il évalue selon la force probante.

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Les données sont-elles fournies par les fabricants ou faites-vous des tests en laboratoire ? L'ANSM vous suit-elle, de près ou de loin ?

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Françoise Audebert, conseillère scientifique et réglementaire à la Fédération des entreprises de la beauté

L'inspection peut être réalisée par la DGCCRF, l'ANSM et les douanes ; des inspections régulières sont faites.

Nous avons engagé depuis fort longtemps un dialogue avec les fournisseurs pour obtenir des données suffisantes. En l'absence de données suffisantes, un évaluateur de la sécurité ne signera pas l'évaluation de celle-ci.

En ce qui concerne les tests, la cosmétique est le seul domaine dans lequel les expérimentations animales sont strictement interdites. Elles sont interdites pour les produits cosmétiques finis depuis 2004 et pour les ingrédients depuis 2009 et 2013, puisque quelques études étaient encore nécessaires et ont perduré jusqu'en 2013. Nous ne pouvons pas mettre sur le marché dans l'Union européenne des produits contenant des ingrédients qui ne répondraient pas à ces obligations.

En pratique, des tests sont faits in vitro. L'industrie cosmétique étant confrontée depuis longtemps à cette évolution vers l'interdiction des expérimentations animales, nous avons développé énormément de méthodes alternatives, reprises dans tous les autres secteurs qui n'en ont pas forcément l'obligation. Nous disposons de méthodes alternatives pour étudier la toxicité cutanée, l'absorption par la peau.

L'évaluateur utilise ce que nous appelons la « force probante ». La plupart des ingrédients utilisés le sont depuis des années et l'évaluateur dispose donc d'une base de données toxicologiques. Il va au-delà de la réglementation et, en fonction des informations sur les ingrédients, il passe à la formule. S'il considère que la formule est sûre pour l'homme, des tests sont effectués sur des panels pour vérifier l'innocuité qui a été anticipée.

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Parlez-vous de tests sur des molécules ou sur des produits ?

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Françoise Audebert, conseillère scientifique et réglementaire à la Fédération des entreprises de la beauté

Les deux.

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Françoise Audebert, conseillère scientifique et réglementaire à la Fédération des entreprises de la beauté

Ils sont rémunérés par les entreprises. Je suis moi-même évaluateur de la sécurité, puisque je suis toxicologue et vétérinaire. Signer une évaluation de la sécurité nous engage scientifiquement et, si, demain, il apparaît un problème sur une évaluation signée, « c'en est fini pour l'évaluateur ».

Par ailleurs, pour que les attentes des évaluateurs soient bien comprises par les fabricants, j'ai mis en place une formation pour expliquer les besoins de l'évaluateur. La conclusion de cette formation est toujours : « Si vous n'avez pas un évaluateur qui vous embête, ce n'est pas un bon évaluateur. Il faut qu'il puisse revenir vers vous, poser des questions, aller au-delà de la réglementation. »

Que l'évaluateur soit ou non interne à l'entreprise, il s'engage en signant. Il signe personnellement l'évaluation de sécurité, ce n'est pas la personne responsable du produit qui le fait.

Une réunion avec l'ANSM et les évaluateurs de la sécurité a été organisée pour mieux comprendre ce dont ils ont besoin. Le but de la FEBEA est d'accroître les compétences des évaluateurs de la sécurité pour ne pas avoir de crise sanitaire. Nous n'imaginons pas signer quelque chose qui ne serait pas sûr.

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Ne pouvons-nous pas avoir de crise sanitaire avec des produits qui seraient potentiellement dangereux « à bas bruit », ce qui est le problème de l'exposition aux perturbateurs endocriniens dont les effets ne se manifestent pas immédiatement ?

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Quels sont les principaux risques sanitaires associés au secteur cosmétique ? Quels sont les moyens des entreprises du secteur ? Combien de temps consacrent-elles aux actions de prévention et de sensibilisation en matière de santé-environnement ? Comment évaluez-vous l'information de vos entreprises adhérentes sur l'enjeu de la santé environnementale ? Avez-vous pris connaissance du projet du plan national santé environnement (PNSE 4) actuellement soumis à consultation publique ? Qu'en pensez-vous ?

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

En dehors des mésusages, tels que le fait de boire un parfum ou une eau de toilette, les principaux risques sanitaires que courent les utilisateurs de produits cosmétiques sont des risques de nature dermatologique – irritations ou allergies – puisque ces produits sont utilisés essentiellement sur la peau.

Il existe également des risques « à bas bruit » de toxicologie chronique, notamment des risques cancérogènes. C'est la raison pour laquelle les CMR sont a priori interdits dans les produits cosmétiques, avec évidemment les nuances à apporter entre le danger et le risque. Je pense que ce n'est pas en période de covid où l'utilisation massive par tous d'un CMR comme l'alcool est encouragée que nous pourrons nous affranchir de cette distinction entre risque et danger. Il est clair que les risques cancérogènes sont non négligeables, mais ils sont pris en compte par les évaluations du SCCS.

Enfin, il existe un risque de perturbation endocrinienne, également pris en compte dans l'évaluation. Depuis longtemps, le SCCS évalue ces risques et il a éliminé les produits dont nous savons qu'ils sont perturbateurs endocriniens, en particulier le BPA et les phtalates.

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Françoise Audebert, conseillère scientifique et réglementaire à la Fédération des entreprises de la beauté

Ce sont effectivement les principaux risques. Les risques à long terme ou à bas bruit ont été pris en compte depuis fort longtemps. Le SCCS évalue toutes les données, pas uniquement celles que nous fournissons. Il évalue avec toutes les données existantes sur la toxicologie.

La cancérogénicité, la toxicité pour le développement et pour la reproduction font partie des dossiers d'évaluation, même lorsque les substances concernées ne sont pas des CMR. Vous pouvez consulter les dossiers du SCCS : ce sont des dossiers d'une cinquantaine de pages qui reprennent un travail effectué sur plusieurs mois, pour chaque ingrédient.

Le SCCS est composé de scientifiques indépendants qui travaillent auprès de la Commission européenne. Ils proviennent de différents États membres. Des scientifiques français représentant l'Anses en font partie.

Le SCCS a publié un mémorandum sur la perturbation endocrinienne pour expliquer la façon dont il la prenait en charge, bien avant que tout le monde en parle et s'en inquiète. Par exemple, les parabènes ont fait l'objet d'un rapport d'évaluation en 2006, 2008, 2010, 2011, 2013, 2015. Un rapport vient de sortir sur le propylparabène dans les produits cosmétiques. Le SCCS a travaillé sur le triclosan, l'homosalate, la mélatonine. Depuis longtemps, il travaille sur les conservateurs et les filtres pour ultraviolets (UV). Il est très intéressant de voir que le SCCS utilise l'intégralité des données pour évaluer la sécurité d'une substance, la pertinence de chaque donnée scientifique étant évaluée au regard des autres données disponibles.

Vous parliez des remarques faites par des consommateurs et de leurs inquiétudes. Deux points sont importants. D'abord, il faut étudier la perturbation endocrinienne dans son ensemble car il existe des produits qui réagissent dans un tube à essai, mais n'ont pas d'impact dans l'organisme et inversement. De plus, lorsque l'ingrédient est utilisé dans des produits pour enfants, le SCCS évalue plus particulièrement cette cible.

Une explication sur la manière d'évaluer la sécurité pour les petits enfants se trouve dans les lignes directrices du SCCS. La FEBEA avait déjà, avant cette publication, travaillé avec les évaluateurs de la sécurité pour définir le processus à suivre, dès la formulation, pour les produits pour bébés. Ce travail a été repris après approfondissement par le comité européen. Nous avions d'ailleurs répondu à des interrogations de l'ANSM et monté cette évaluation de la formulation la plus adaptée lorsque le produit est destiné à un enfant.

Nous sommes actuellement dans une situation anxiogène. Cet été, par exemple, un document a été publié recommandant de ne pas utiliser de filtre solaire car ces produits sont dangereux pour l'océan et, quinze jours plus tard, le ministère de la Santé a rappelé que les filtres solaires sont importants dans la prévention du cancer de la peau. Une étude nous a montré qu'un Français sur deux n'utilise pas de filtre solaire et que cela ne concerne pas que des adultes.

Deux aspects sont importants : la notion de risque et la notion de gradation du risque pour que les mesures et les décisions prises soient solides, crédibles. Sinon le consommateur ne sait plus où il en est. Par exemple, les consommateurs s'inquiètent souvent de la présence de sulfates dans les produits cosmétiques, parce que les sulfates sont irritants. Si des sulfates purs sont déposés sur la peau avec une cupule de protection, cela provoque effectivement une irritation. Toutefois, la concentration utilisée dans les produits cosmétiques ne provoque pas d'irritation.

Prenons aussi l'exemple du liniment oléo-calcaire que les jeunes mamans utilisent beaucoup. Il est composé de 50 % d'eau de chaux et 50 % d'huile végétale, souvent d'olive. L'eau de chaux a un pH de 12 environ, elle est donc corrosive. Elle n'est pas irritante, elle provoque des brûlures. Pourtant, lorsque le liniment oléo-calcaire est fabriqué correctement, bien mixé et surtout qu'il est bien utilisé, ce produit est très apprécié et j'en reconnais la totale innocuité. L'évaluation de l'exposition et du risque est donc importante pour ne pas perdre de vue les vrais risques.

Je pense qu'il faut expliquer au consommateur et non dire « utilisez cela et pas cela ». En tant que consommatrice, je ne souhaite pas être guidée, mais faire un choix éclairé avec des explications simples. Mélanger toutes les craintes possibles, sans tenir compte du risque et de l'exposition, est anxiogène mais n'aide pas.

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

La sensibilisation est l'un des objectifs de nos groupes de travail internes. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place une base de données contenant tous les ingrédients et leurs caractéristiques.

Nous émettons également des recommandations lorsque nous identifions des sujets de préoccupation. Par exemple, la méthylisothiazolinone (MIT) a probablement été substituée trop rapidement aux parabènes et il est apparu très rapidement qu'elle peut créer des risques de sensibilisation allergique. Dès que cette question est apparue dans nos dialogues avec les dermatologues, puisque nous avons des contacts fréquents notamment avec le groupe d'études et de recherche en dermato - allergologie (GERDA), nous avons immédiatement émis une recommandation à nos adhérents pour les avertir, avant même que les règlements européens sur les teneurs maximales et l'utilisation de la MIT aient évolué.

Nous sommes en contact de la façon la plus étroite possible avec les différentes sociétés savantes, avec les pédiatres et dermatologues notamment.

En ce qui concerne le PNSE 4, nous avons participé autant que faire se peut à tous les travaux préparatoires. L'objectif est pour nous tout à fait valide et valable. Le point qui nous préoccupe le plus est l'accent mis sur la notion de danger, plus que sur la notion de risque. L'exemple du liniment oléo-calcaire est un très bon exemple. L'eau de chaux est un véritable danger mais, utilisée en mélange avec l'huile, elle devient au contraire un produit qui soigne l'irritation des fesses des bébés.

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Françoise Audebert, conseillère scientifique et réglementaire à la Fédération des entreprises de la beauté

Les consommateurs peuvent trouver sur notre site des informations sur la perturbation endocrinienne. Nous avons essayé d'expliquer la situation scientifique de façon simple dans le cas des ingrédients controversés.

Nous émettons des recommandations lors de l'évaluation de la sécurité, en particulier pour l'usage que font des produits les esthéticiennes et les coiffeurs.

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

Nous souhaitons avoir la plus grande transparence.

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Je suis souvent étonné par le nombre de composants dans une seule crème par exemple. Est-ce lié à des obligations de préciser dans le détail les vingt ou vingt-cinq composants d'une présentation ? Maîtrisons-nous bien les interactions possibles ? Vous avez dit qu'en mélangeant une huile et de l'eau de chaux, le caractère alcalin de l'eau de chaux est neutralisé, mais connaissons-nous les effets de ce mélange de composants ? Vous avez en partie répondu en disant que des tests sont faits sur le produit fini et pas uniquement sur ses composants. Est-ce systématique ?

Par ailleurs, une attention particulière est-elle portée au contenant et aux interactions entre le contenant et le contenu ? Le contenant est extrêmement important pour mettre en valeur les produits cosmétiques et fait partie de l'identité du produit.

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

La liste des ingrédients doit réglementairement comporter la totalité des ingrédients, la seule exception étant le parfum. Le parfum est une alchimie que nous ne pouvons pas breveter et nous ne révélons donc pas sa composition.

Vous avez raison en ce qui concerne la longueur de la liste des ingrédients, mais un produit cosmétique est tout un édifice dans lequel il faut contrebalancer l'efficacité d'un produit par un autre produit limitant le risque qui peut être introduit.

La prise en compte de l'interaction contenant-contenu est une obligation réglementaire. Nous sommes tenus d'évaluer les éventuelles interactions entre le produit lui-même et l'emballage dans lequel il est présenté au consommateur. Nous utilisons en général des contenants dits « de grade alimentaire », justement pour assurer qu'un premier niveau d'évaluation a été fait. Ces emballages sont a priori sûrs puisque utilisables pour l'alimentation et, au-delà de cette qualification de grade alimentaire, l'évaluation de la sécurité se fait aussi sur l'interaction contenant-contenu.

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Françoise Audebert, conseillère scientifique et réglementaire à la Fédération des entreprises de la beauté

L'affichage de la composition est une obligation réglementaire et la demande de la part des consommateurs d'avoir le maximum d'informations est de plus en plus forte. Nous travaillons depuis plusieurs années à une transition vers une digitalisation de cette information afin que trop d'informations ne tuent pas l'information. Cette liste est souvent mal comprise, parce que les termes utilisés sont des noms internationaux, mais cela permet d'éviter un ingrédient même si vous achetez un produit dans un pays étranger.

Mettre des composants inutiles dans les produits n'a guère d'intérêt. La composition complexe des produits est par exemple liée au fait que certaines matières premières ne sentent pas bon, ce qui contraint à parfumer. D'autre part, les interactions entre les composés les plus connus sont systématiquement prises en compte. Ainsi, si des amines secondaires sont en présence de nitrates ou de nitrites, des nitrosamines peuvent être créées et il faut rajouter des ingrédients pour éviter ce phénomène, les nitrosamines étant cancérogènes. Cette interaction est très connue, très étudiée et très réglementée.

Nous étudions aussi l'éventuelle présence de métaux lourds, puisqu'ils sont présents partout et que les substances végétales peuvent en contenir. L'évaluateur de la sécurité prend toutes les connaissances sur tous les ingrédients de la formule pour faire le cumul. Il existe également des substances que nous appelons des pro-allergènes ou des pré-allergènes, c'est-à-dire des molécules qui ne sont pas allergènes, mais qui peuvent être allergisantes par métabolisation. L'évaluateur avertit alors que, en l'absence d'antioxydant, il risque d'apparaître des allergènes qui n'étaient pas présents au départ dans le produit. Tous ces phénomènes sont connus et pris en compte depuis fort longtemps.

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Vos propos se veulent rassurants mais, récemment encore, des boîtes de cadeaux de naissance étaient distribuées dans les maternités. Nous avions soulevé le problème de leur dangerosité car ils étaient pleins de perturbateurs endocriniens. Les maternités, du moins celles au courant de cette problématique, ont fini par refuser l'entrée de ce genre de boîtes. Certains déodorants ont été accusés récemment de participer au risque de cancer du sein chez la femme.

Nous avons donc vu beaucoup d'inquiétudes, plus ou moins fondées, dans la population. Nous constatons maintenant une forte demande de produits beaucoup plus simples, plus naturels. Je suppose que beaucoup de substances sont forcément naturelles, mais vous recourez tout de même beaucoup à la chimie et la clientèle demande de pouvoir accéder à des produits dont la composition soit plus aisément lisible, compréhensible, à des produits qui n'entraînent pas le moindre danger ou risque. Les gens ne veulent pas se brosser les dents avec des pâtes dentifrices potentiellement dangereuses ou utiliser des shampoings qui provoquent des chutes. C'est une attente fort légitime puisque nous sommes envahis par la chimie. C'est le siècle de la chimie et, lors de toutes les auditions que nous avons faites jusqu'à présent, tous nous ont dit qu'il faut revenir à une sobriété chimique.

Qu'en est-il du développement de la filière biologique, de la recherche et de la volonté de tous vos fabricants de s'orienter vers des produits beaucoup plus sécurisants ?

Vous parlez d'analyses toxicologiques. Pourtant, nous savons bien que la toxicologie a beaucoup évolué depuis que nous avons découvert que ce n'est pas toujours la dose qui fait la dangerosité et la problématique de « l'effet cocktail ». Vous posez-vous ces questions, même si vous n'avez pas les réponses ? Votre fédération s'est-elle saisie de ces sujets pour essayer de faire évoluer les process de fabrication et les processus d'évaluation ? Vous êtes fort légitimement fiers de vos évaluations et vous nous avez dit que « tout est bien cadré », que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Malgré tout, nous ne savons pas trop quels sont les effets, à terme, de l'accumulation d'expositions à des produits qui ne sont pas naturels.

Nous avons beaucoup entendu parler des repères en toxicologie pour d'autres problématiques comme les phytopharmaceutiques et les pesticides. Je voudrais savoir comment vous abordez ce problème en cosmétologie.

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

J'ai sans doute été un peu trop optimiste, si j'ai donné l'impression que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Nous avons bien conscience que tout n'est pas pour le mieux et la preuve en est que le Règlement lui-même évolue. Il est modifié environ six fois par an, précisément pour tenir compte des évolutions que nous apportent les données scientifiques.

En ce qui concerne, « l'effet cocktail », l'évaluation de la sécurité a précisément pour objet de vérifier comment interagissent les différents ingrédients dans le produit fini, tel qu'il est livré au consommateur, pour que ce mélange d'effets ne cause pas de trouble ou de dommage.

Lorsque le SCCS évalue les ingrédients, il évalue l'exposition du consommateur non seulement aux ingrédients cosmétiques, mais éventuellement à d'autres substances. Vous avez vous-même évoqué le problème des déodorants et des sels d'aluminium. Lorsque le SCCS a conclu récemment que l'utilisation des déodorants ne présente pas de risques, même si l'aluminium en lui-même peut présenter un danger, il a évalué l'exposition du consommateur à l'ingestion d'aluminium, à l'absorption d'aluminium par la peau ou par d'autres voies.

Cet « effet cocktail » est donc largement pris en compte, aussi bien lorsqu'il est dû au mélange des ingrédients qu'aux interactions entre cosmétiques et autres produits pouvant intégrer certains ingrédients. Nous ne savons évidemment pas tout. La réglementation et les pratiques évoluent au fur et à mesure des connaissances, bien sûr en prenant de plus en compte des pourcentages de sécurité très élevés.

Nos adhérents sont évidemment très sensibles aux attentes des consommateurs. La cosmétique française est aujourd'hui leader mondial, d'une part, grâce à la qualité et la sécurité des produits, mais aussi parce que nous répondons aux demandes des consommateurs. Les produits biologiques font effectivement partie des demandes, avec une grande ambiguïté : les produits biologiques ne sont pas forcément plus sûrs que les produits « chimiques ». Par exemple, les huiles essentielles ont un potentiel de dangerosité toxicologique et cancérogène qui n'est pas du tout négligeable. Ce n'est pas parce qu'un produit est biologique, qu'il est forcément plus sûr. Nous adhérents répondent à cette attente de produits biologiques avec le souci d'assurer la sécurité des consommateurs.

Nous sommes très à l'écoute des phénomènes qui peuvent avoir lieu à bas bruit. C'est la raison pour laquelle nous avons fortement milité pour la création de la plateforme PEPPER. En effet, la vraie question, actuellement, en matière de perturbation endocrinienne, n'est pas tellement l'existence du risque, lorsqu'un produit est perturbateur endocrinien, mais surtout de savoir si un produit donné est un perturbateur endocrinien. Pour pouvoir le déterminer, il faut un test d'identification. Nous ne pouvons plus faire des tests sur les animaux, au moins en matière cosmétique, et il est évidemment hors de question de faire des tests sur les humains. Il faut que nous ayons des méthodologies fiables, approuvées et scientifiquement irréprochables.

Vous avez fait allusion aux mallettes de cadeaux que les mamans reçoivent à la sortie de la maternité. C'est effectivement un souci, en sachant toutefois que les fabricants sont extrêmement vigilants, non seulement en ce qui concerne les perturbateurs endocriniens, mais aussi toutes les substances qui peuvent, d'une façon ou d'une autre, présenter un risque pour la santé. Vous savez sans doute que la Commission européenne, poussée à réévaluer les substances par un certain nombre d'acteurs, dont les fabricants, a demandé au SCCS de réévaluer des substances soupçonnées de perturbations endocriniennes et utilisées pour la fabrication des cosmétiques. Les trois ou quatre réévaluations déjà effectuées sont toutes négatives. Ainsi, bien que des inquiétudes extrêmement fortes aient existé sur le résorcinol par exemple, les dernières évaluations, qui avaient pourtant ciblé les substances les plus préoccupantes en matière de perturbation endocrinienne, ont été négatives.

Les inquiétudes sont très fortes, il existe de nombreuses substances effectivement dangereuses comme l'alcool. Pourtant, l'alcool est aussi une substance active qui, lorsqu'elle est utilisée de façon correcte, ne présente pas de risque majeur pour la santé et peut au contraire être utile pour lutter contre la covid.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vos évaluations de sécurité sont faites en instantané. Vous n'avez pas la possibilité d'étudier les effets de l'exposition à de multiples produits chimiques sur toute la durée d'une vie. Ces essais sont basés sur des documents fournis par les entreprises qui, elles-mêmes, ont fait des essais en laboratoire sur des durées forcément courtes du fait des enjeux de commercialisation des produits. Avez-vous suffisamment de recul pour évaluer l'effet sur toute une vie ?

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Patrick O'Quin, président de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA)

Vous soulevez un sujet difficile dont nous avons bien conscience. J'ai des éléments de réponse négatifs et positifs.

L'aspect négatif est que, à partir du moment où nous ne pouvons plus faire des tests sur les animaux, il est clair que l'exposition chronique est très difficile à évaluer. L'inconvénient de l'interdiction des tests sur les animaux est qu'elle empêche précisément d'étudier cet exposome sur de longues durées.

L'aspect positif est que la quasi-totalité de nos ingrédients cosmétiques sont utilisés depuis des millénaires. Les cosmétiques sont utilisés depuis que l'homme est homme et que la femme est femme. Excepté pour des substances déjà réglementées, nous ne disposons actuellement d'aucun élément suffisamment probant, en termes scientifiques, pour penser qu'il existe un danger fort et réel. Les inquiétudes ne sont concrétisées par aucune donnée scientifique.

Tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, nous avons conscience des limites. Si des solutions sont trouvées pour évaluer cet exposome, nous serons les premiers à les appliquer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie d'avoir accepté de répondre à nos questions. Même si nous vous avons un peu poussés dans vos retranchements, nous avons besoin de ces éléments et vos explications étaient très claires.

L'audition s'achève à douze heures quarante-cinq.