Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h00

Résumé de la réunion

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  • ARS
  • régional
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La réunion

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L'audition débute à seize heures.

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Nous recevons M. le docteur Daniel Habold, directeur de la santé publique de l'agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle Aquitaine.

(M. Daniel Habold prête serment.)

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le docteur Daniel Habold, directeur de la santé publique à l'Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine

Je suis directeur de la santé publique et environnementale à l'ARS Nouvelle-Aquitaine. Je dirige dans cette agence une grosse direction, incluant la gestion de la crise sanitaire. J'ai été médecin, clinicien praticien hospitalier pendant trente ans, conseiller prévention à Shanghai et Ottawa. Je suis également l'un de deux directeurs référents de la santé publique auprès de l'administration centrale du ministère de la santé et des solidarités.

J'ai animé l'un des groupes de travail préfigurant la deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens (SNPE 2) au nom des ARS, avec un collègue de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Rhône-Alpes. J'ai également animé un groupe de travail sur le plan national santé-environnement (PNSE4) avec un collègue de la DREAL Ile-de-France. Notre direction a en outre coorganisé avec la DREAL de Bordeaux les rencontres nationales santé-environnement l'an dernier. Ces rencontres ont permis de nourrir la réflexion du groupe santé-environnement (GSE) national.

Les ARS sont des établissements publics de l'État. Elles ont été créées voici dix ans. Elles ont pour mission de mettre en œuvre la politique de santé dans les régions, d'assurer un pilotage unifié de la santé en région, de mieux répondre aux besoins de la population et d'accroître l'efficacité du système.

Nous disposons en matière de santé environnementale d'une volumineuse réglementation, assez complexe, que l'ARS fait appliquer en tant qu'autorité sanitaire. Notre ARS a une petite centaine de collaborateurs pour notre très grande région.

L'ARS rend des avis sanitaires et effectue des contrôles. Elle s'efforce aussi de traduire en actions de terrain tous les plans et stratégies nationaux, ministériels ou interministériels. Nous avons un système de veille sanitaire couplé avec Santé publique France et avec la recherche universitaire. Nous disposons aussi d'une certaine latitude pour identifier des actions probantes, expérimenter ou innover pour promouvoir des comportements favorables à la vie en bonne santé et anticiper sur les situations nouvelles et urgentes telles que par exemple les conséquences en santé environnementale de la crise sanitaire et sociale de la covid.

L'ARS Nouvelle-Aquitaine a souhaité dès sa création investir dans la santé publique et la santé environnementale. La direction de la santé publique et environnementale comprend des agents aux compétences complémentaires très exceptionnelles que je souhaite d'ailleurs saluer ici. Cette multidisciplinarité de l'ensemble des adjoints sanitaires, des techniciens sanitaires, des ingénieurs d'études sanitaires, des ingénieurs du génie sanitaire est extrêmement précieuse, même si elle est peut-être en voie de disparition. L'ARS mobilise des moyens financiers importants par un dispositif de fongibilité asymétrique et de cofinancements au service des six millions d'habitants de la région, soit la population du Danemark, de l'Autriche, de la Finlande ou de la Norvège.

Le mouvement hygiéniste a émergé au XIXe siècle. Le XXe siècle a permis de formaliser la médecine préventive et la santé publique. L'ARS Nouvelle-Aquitaine se nourrit des connaissances du passé, mais s'inscrit très clairement dans le mouvement de la santé environnementale du XXIe siècle. Cette médecine est fondée sur l'analyse des milieux physiques et psychosociaux. Ce sont en effet les deux environnements qui sont susceptibles d'affecter la vie en bonne santé de l'individu.

Cette médecine est également basée sur une dynamique d'adaptation de la promotion de la santé et de quatre préventions. Ces quatre préventions sont :

– éviter la maladie en prévention primaire ;

– dépister et surveiller en prévention secondaire ;

– réparer pour éviter les conséquences en prévention tertiaire ;

– ne pas trop en faire en prévention quaternaire : primum non nocere. Parfois par exemple, trop d'hygiène favorise des allergies.

La santé environnementale comporte quatre approches. La première est l'approche épigénétique. Elle considère les facteurs environnementaux responsables de modifications dans l'expression de nos gènes et donc susceptibles de provoquer des maladies aiguës ou chroniques, connues ou émergentes, sur l'individu lui-même ou sur sa descendance.

La seconde approche est comportementale et populationnelle : les modes d'intervention tiennent compte de la nécessité d'une véritable littératie en santé, c'est-à-dire de la capacité à comprendre les messages et à se les approprier. Une médiation est évidemment nécessaire pour faire passer ces messages.

La troisième est l'approche intégrative des déterminants de santé, des milieux favorables et de la promotion de la santé, selon la charte d'Ottawa en lien avec la démocratie en santé et selon le concept « Une seule santé » des écosystèmes en santé .

(One health)

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le docteur Daniel Habold, directeur de la santé publique à l'Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine

La quatrième approche concerne le parcours de vie, les expositions, les co-expositions, les constituants de l'exposome et les expositions connues ou nouvelles qui doivent nous alerter. L'étude Esteban de Santé publique France sur les perturbateurs endocriniens nous a largement alertés et fait réagir pour monter en charge et mener des actions assez rapides.

L'action de l'ARS en santé environnementale ne peut s'inscrire que dans un contexte partenarial d'intelligence collective alliant les piliers du savoir, du savoir-faire, du savoir-être et du faire savoir.

La recherche fondamentale est pour nous essentielle. Elle est très riche en France avec une multitude d'agences, d'instituts très compétents rattachés à de nombreux ministères. Nous poussons la recherche clinique, que je considère comme un parent pauvre actuellement, pour avoir des remontées de terrain. Nous devons compléter la recherche par les savoir-faire de la pédagogie avec l'Éducation nationale, de l'expertise de la santé ainsi que du marketing social et politique.

La conscience écologique augmente, l'aspiration sociale est plus orientée vers l'environnement. Nous avons dans la région quatre villes-santé du programme de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les conseils régionaux sont proactifs. Cet ensemble de facteurs fait que la conscience collective se constitue des savoir-être assez forts.

Enfin, il ne faut pas oublier le faire savoir : sans formation, sans transfert de connaissances aux acteurs, nous ne sommes rien. Faire passer tous ces savoirs auprès des collectivités, des parents, des citoyens fait partie de nos ambitions.

Les ARS disposent d'outils : le plan régional de santé et le plan régional de santé-environnement. En Nouvelle-Aquitaine, ce plan engage 6 millions d'euros dont l'ARS prend à sa charge 56 %. Pour la période 2017-2021, il décline 21 actions et 55 mesures : l'ARS Nouvelle-Aquitaine en pilote 33, la DREAL une quinzaine et la région une douzaine.

Nous n'avons pas élaboré ce plan seuls. Nous travaillons en coopération avec une très importante communauté de 568 acteurs, regroupés en groupement régional santé-environnement (GRSE). Parmi ces acteurs se trouvent 160 représentants des collectivités, 107 associations, 100 représentants de l'ARS et des opérateurs directs, 70 professionnels de santé, 54 entreprises, 43 représentants des services de l'État et 34 représentants d'universités, d'instituts ou établissements publics. Le panorama est donc assez large.

Les axes du PRSE sont déterminés en concertation à partir d'un diagnostic partagé et d'un baromètre en santé environnementale. Ce dernier nous a été très utile pour reprendre dans la région des actions complémentaires contenues dans plusieurs plans environnementaux sectoriels déclinés sur les territoires de tout ou partie des douze départements, en fonction des analyses de risque. Le principe est celui d'un panier dans lequel chacun vient se servir.

Pour garantir la complémentarité au niveau régional, le PRSE n'a pas abordé des sujets portés par ailleurs tels que l'amiante, la sensibilisation de travailleurs aux nanomatériaux et produits phytosanitaires qui sont portés par le plan régional santé travail (PRST), la réduction et la sortie des pesticides qui est un sujet important en Nouvelle-Aquitaine, porté par la région, le bruit des transports terrestres porté par la DREAL et la direction départementale des territoires (DDT), les eaux de loisir qui sont gérées par l'ARS. Le PNSE3 et sa déclinaison en Nouvelle-Aquitaine ont tenu compte de ces articulations complexes.

L'arrivée du PNSE4 n'améliore pas la lisibilité puisqu'il renvoie aux plans sectoriels avec une importante juxtaposition de plans. Le PNSE4 n'est pas un plan chapeau. Il a l'avantage de décliner les sujets orphelins non pris en compte par ailleurs tels que la réduction de l'exposition aux agents physiques, la qualité de l'air intérieur qui devient fondamentale avec le télétravail et la covid, l'exposition aux produits chimiques dans les objets du quotidien. Malgré tout, la clarification de l'ensemble des stratégies et la coordination des politiques publiques ne sont pas faciles.

Nous notons que certaines dynamiques n'apparaissent plus dans les plans alors qu'elles gardent tout leur sens dans notre région, notamment la promotion et l'accompagnement des plans de gestion de la sécurité sanitaire de l'eau, la démocratie sanitaire en santé environnementale, les centres de référence en recherche clinique.

L'action conjointe des acteurs offre un traitement collectif qui nous semble opérationnel. Par exemple, la lutte contre l'habitat indigne associe dans un pôle départemental de lutte contre l'habitat indigne (PDLHI) les actions :

– des directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) qui s'occupent de l'hébergement et du relogement à partir d'un signalement de veille sanitaire ;

– de la DDT qui améliore le parc immobilier et fait les injonctions de travaux d'office ;

– de l'ARS qui donne un avis sanitaire ;

– des conseils départementaux et de leurs travailleurs sociaux ;

– des caisses d'allocation familiale (CAF) et de la Mutualité sociale agricole (MSA) qui accompagnent financièrement les associations départementales d'information sur le logement (ADIL) et accompagnent juridiquement ;

– des maires et des conseils communaux d'hygiène et de santé.

La multiplicité des acteurs peut donc être performante dans certains domaines.

En Nouvelle-Aquitaine, nous privilégions la déclinaison locale par le biais des contrats locaux de santé (CLS). Ils couvrent actuellement plus de 85 % de la population de Nouvelle-Aquitaine. Nous incluons systématiquement dans le cahier des charges de ces contrats un volet santé-environnement. Nous l'appuyons par un cofinancement de coordinateurs pour assurer au niveau territorial la coordination des actions menées par le CLS.

Ces CLS permettent d'identifier et de faire émerger l'impact en santé de toutes les politiques menées sur le territoire : les politiques d'aménagement du territoire, de transport, de l'habitat, d'assainissement, de gestion des déchets. La richesse de ces plans se voit à travers la formalisation d'un schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDET), d'un projet partenarial d'aménagement (PPA), des schémas de cohérence territoriale (SCoT), des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi).

Je vous engage à prendre plusieurs CLS de la région et à les étudier. Ainsi, le calendrier 2020 du plan du parc naturel du Médoc est exemplaire. Il a été travaillé avec l'Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé (IREPS), l'ARS et la collectivité de façon à concevoir un calendrier amenant les bonnes pratiques auprès des personnes.

Cet ensemble est encadré par une comitologie essentiellement constituée, au-delà du comité de pilotage du PRSE, par :

– le comité d'administration régional (CAR) comprenant le préfet de région, les préfets des départements, les services régionaux de l'État et le secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) ;

– une commission de coordination des politiques publiques (CCPP) comprenant des représentants de l'État, des collectivités territoriales et des organismes d'assurance maladie.

Il ne me semble pourtant pas que le pilotage à travers ces deux instances soit la meilleure méthode. Nous leur rapportons les éléments, mais l'interaction avec ces commissions ne nous amène pas à développer des actions, en tout cas moins que ce que j'ai décrit à travers les CLS. Je pense qu'aucune institution ou collectivité ne peut prétendre piloter et fédérer seule les actions, au regard de ses moyens humains d'une part et de la diversité des décideurs d'autre part. Tous n'ont pas autorité ou légitimité à décider des financements ou des décisions et cette coordination pose question.

Enfin, je souhaite présenter une initiative de notre ARS qui a été partagée avec d'autres ARS. Je laisse de côté le champ régalien pour aborder plutôt notre stratégie de prévention et de promotion de la santé dès la petite enfance. Nous avons mis en place cette stratégie depuis six ans avec l'objectif de réduire la quantité de substances toxiques dans l'environnement intérieur des femmes enceintes et des jeunes enfants. Nous avons pris comme principe de développer les aptitudes et la littératie en santé environnementale auprès de ce public.

Nous avons agi dans le cadre d'une action « Hôpitaux promoteurs de santé » avec des ateliers pédagogiques dans l'ensemble des maternités de la région Nouvelle-Aquitaine. Nous avons créé un label « Prévenir pour bien grandir » pour que les maternités et les centres de périnatalogie s'inscrivent dans une dynamique d'amélioration en santé environnementale. Cette action va de pair avec des achats responsables pour une hygiène écologique et économique à l'intérieur des établissements de santé, en commençant par les maternités pour étendre ensuite l'action aux autres services.

Pour aller au-delà du monde hospitalier, ces actions font l'objet de guides de recommandations avec en particulier le guide Reco-crèche, d'un spectacle vivant « Les Parents Thèses » qui a été primé par le ministère de l'environnement ainsi que de conférences métiers auprès des collectivités locales, des protections maternelles et infantiles (PMI) et des CLS. Après évaluation, cette action innovante a été jugée probante.

Nous souhaitons maintenant élargir les tranches d'âges concernées pour aller sur la tranche 0-25 ans au lieu de la petite enfance et inventer un carnet de santé environnementale, en lien avec les professionnels de santé de premier recours. Nos unions régionales des professionnels de santé (URPS) sont très dynamiques et font le bilan exposomal des personnes à travers un outil nommé MedPrev' que nous finançons. Nous devons encore encourager cette action, l'élargir aux thématiques des déterminants de santé au sens large. Ceci constitue une action très forte qui ramène un nombreux public vers la santé environnementale.

Nous souhaitons aussi promouvoir les plans de gestion et de sécurité sanitaire de l'eau (PGSSE). L'objectif est de transférer des compétences en prévention des risques auprès des personnes responsables de la production et de la distribution de l'eau (PRPDE) et de sensibiliser aux agents qui ne sont pas habituellement recherchés dans l'eau. Nous en faisons actuellement l'expérience avec le covid, mais c'est également valable pour les résidus hormonaux et les perturbateurs endocriniens.

Nous mettons des moyens à travers des ambassadeurs chargés de former les opérateurs avec le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l'office de l'eau. Il s'agit de transférer ces compétences et de faire faire parce que nous ne pouvons pas tout faire nous-mêmes. Nous évaluerons les résultats par rapport à des cibles prédéterminées, la première de ces cibles étant que chacun de nos départementaux ait au moins un PGSSE. Nous en avons actuellement 34.

Les études d'impact en santé (EIS) sont le troisième élément à promouvoir. C'est un outil fondamental pour déployer une action et l'objectif 8 du PRSE est d'introduire dans chaque planification d'aménagement un outil d'étude d'impact en santé identifiant toute modification environnementale, physique ou psychosociale. Il s'agit aussi de développer les compétences et la littératie en santé des services de l'État pour que les collectivités locales et les métiers s'approprient bien la problématique de la santé environnementale. La formation initiale ou continue dans ce domaine est souvent insuffisante.

Nous utilisons pour développer ces EIS le programme « Collectivités mobilisées pour le développement des évaluations d'impact sur la santé » (COMODEIS). Une partie de l'IREPS Nouvelle-Aquitaine est missionnée et financée par l'ARS pour ce faire et la mission sera ensuite évaluée.

Nous développons également l'observatoire régional en santé environnementale (ORSE) qui est une extrapolation de notre ORS et qui existait déjà dans le Limousin depuis 2014. C'est un projet de démocratie sanitaire qui répond à une demande populationnelle confortée par le rapport du PNSE3. Il s'agit de proposer un espace participatif de concertation et de médiation à partir du partage des savoirs : vérifier les données valides pour transposer la problématique sur un territoire et évaluer les moyens que nous pourrions y consacrer ensemble.

Cet ORSE est organisé en séances régionales ou locales puisqu'il existe une déclinaison locale de l'observatoire régional. Les thématiques de cette année étaient :

– le réchauffement climatique et la santé en Nouvelle-Aquitaine, ce qui inclut évidemment la prévention des maladies vectorielles et le problème du moustique tigre ;

– l'environnement intérieur en santé ;

– les pesticides en santé.

Nous faisons le point sur ces thématiques dans le cadre de l'ORSE pour pouvoir échanger et faire de la médiation avec la population.

Nous portons également à bout de bras le projet ARTEMIS que j'aimerais voir avancer alors que nous butons dessus depuis trois ans au plan national. Il s'agit d'un centre expert référent régional en prévention et reproduction. C'est un projet de recherche clinique avec un cofinancement initial par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), Santé publique France (SPF) et l'ARS. Il nous a permis de disposer d'une équipe de professionnels de santé et de recherche clinique en santé environnementale au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux. Elle est adossée à une plateforme faisant rapport des connaissances, à un entrepôt de données et à un diplôme universitaire (DU) en santé environnementale porté par les universités de Poitiers, Bordeaux et l'Institut de santé publique, d'épidémiologie et de développement (ISPED). Nous avons en effet la chance d'avoir un tissu universitaire particulièrement riche en Nouvelle-Aquitaine, notamment à Bordeaux.

Ces consultations de médecine du travail ou sur les reprotoxiques permettent de disposer d'un centre expert référent et d'identifier, à chaque fois qu'une anomalie survient, le lieu où nous pouvons l'analyser et acquérir les données. Ces centres experts référents pourraient être au nombre de quatre ou cinq en France, mais seul le nôtre tient encore sous perfusion financière du fonds d'intervention régional (FIR) et de l'ARS. Il me semble qu'il a toute sa place dans cette recherche en santé environnementale.

Le service sanitaire qu'effectuent les étudiants durant le cursus des études médicales d'infirmière, sage-femme, médecin, pharmacien, kinésithérapeute, dentiste permet la tenue d'une action de prévention primaire ou secondaire auprès d'établissements scolaires ou autres. Nous avons pris sur nous d'étendre les sujets de prévention primaire à la santé environnementale et nous sommes la seule ARS à l'avoir fait. Nous nous adossons à la stratégie petite enfance et à des données probantes non discutables pour ne pas mettre en difficulté les étudiants en santé. Ils apprennent à être des préventeurs et font en même temps passer des messages.

Nous venons aussi de mettre en place un groupe d'analyse des conséquences environnementales de la crise covid. L'objectif est d'identifier rapidement la dégradation de certains déterminants de santé, des expositions anormales à travers les emballages plastiques, les désinfectants, les masques, le télétravail inadapté dans le bruit. L'idée est également de définir des priorités avec l'aide des sciences sociales et de la philosophie. Je crois que nous avons besoin d'élargir notre champ à la vie. Nous avons un groupe de travail réunissant l'université, l'ISPED, l'ARS et des conseillers en environnement intérieur.

J'identifie un premier lot de points forts en santé environnementale constituant autant de points faibles : le grand nombre d'acteurs, le grand nombre de plans nationaux, régionaux et infrarégionaux. Cette foison d'acteurs et de plans en fait la richesse et la faiblesse par les coordinations et les articulations acrobatiques qu'elle nécessite. Le rapport sur le PNSE3 en faisait largement état.

Côté points faibles, l'absence de référentiel partagé des connaissances en santé environnementale reste un frein. Ce référentiel est actuellement morcelé et il devra apparaître beaucoup plus clairement.

Nous n'avons pas un appui suffisamment fort de Santé publique France qui a la mission de prioriser les expositions et les actions. Certaines actions sont plus importantes à traiter que d'autres et les priorisations ne sont pas assez lisibles. Nous n'avons pas assez de recherches cliniques et peu d'études prospectives.

Le portail de mise en commun des bonnes pratiques n'existe pas. Les informations passent actuellement d'ARS en ARS lors de discussions entre les responsables sur leurs actions respectives. Ces mises en commun de bonnes pratiques, pas seulement entre les ARS, mais entre tous les acteurs, n'existent pas et les formations initiales et continues sont insuffisantes.

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Votre présentation est assez impressionnante et je sais combien cette ARS est particulièrement dynamique en matière de santé environnementale. J'ai noté que vous avez une performance remarquable en ce qui concerne les contrats locaux de santé puisque vous couvrez 85 % de la population.

Quelle est votre perception de la gouvernance de la santé environnementale en France ? Vous avez participé aux travaux de réflexion de la SNPE et du PNSE4. Vous connaissez bien ces documents cadres et les critiques formulées sur le PNSE3. J'aimerais que vous précisiez les points forts et les points faibles en ciblant sur le projet de PNSE4.

Quelle serait la réponse sur le terrain à ce problème de coordination entre les plans sectoriels, les priorités identifiées localement et le chapeautage par le PNSE 4 ?

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Daniel Habold

Je ne suis directeur de la santé publique et environnementale que depuis trois ans. J'ai mis presque deux ans à comprendre les contours en santé-environnement de tous les axes existants ce qui n'est pas gage d'efficacité ou de lisibilité !

Il me semble que nous n'avons pas un orchestre de chambre, mais un orchestre philharmonique. En tout cas, tous les musiciens sont présents. Peut-être manque-t-il une partition, au lieu de plusieurs partitions, et un chef d'orchestre. Nous pourrions aussi avoir plusieurs chefs d'orchestre à différents étages.

Il me semble difficile de confier la santé environnementale à seulement deux ministères pilotes car chacun des ministères a sa part. Je pense par exemple au parcours éducatif de santé de l'éducation nationale qui est difficile à connecter au travail des deux ministères. C'est également vrai pour l'armée, pour l'agriculture. Une coordination interministérielle au plus haut niveau aurait sa place. Un GSE pourrait s'en charger, mais il me semble que le contrôle politique d'une planification doit intégrer l'ensemble des ministères car il est impossible de parler de transports par exemple sans parler de l'impact en santé.

Nous devons aussi trouver un pilote au niveau des territoires qui ait autorité sur une planification. Le PRSE est un outil qui nous aide, mais nous pouvons le voir comme un outil minimaliste, le concevoir de façon moins ambitieuse. Le PRSE peut ne pas décliner la totalité des champs du niveau national.

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Dans votre région, une spécificité est identifiée à Saint-Rogatien. Elle concerne des cas de cancers pédiatriques. Comment appréhendez-vous ces faits ? En ce qui concerne le PNSE4, comment améliorer la qualité des bases de données et des sources ?

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Daniel Habold

Ces dernières années, nous avons eu très peu de signalements de cas groupés, de grappes anormales notamment de myéloblastomes ou d'anomalies cancéreuses sur le jeune enfant. En tant que médecin, je pense qu'il est très important d'étudier les cas de cancers chez le jeune enfant parce que l'apparition des lésions liées à l'environnement peut être très tardive dans la vie. Nous avons là un espace-temps plus réduit, de l'ordre d'une dizaine d'années depuis les expositions.

Pour qu'un signalement d'anomalie statistique puisse avoir lieu, il faut d'abord que le signalement à travers les registres existe et que nous nous intéressions collectivement à la situation. Nous avons la chance de travailler en Nouvelle-Aquitaine avec une cellule régionale SPF particulièrement engagée à nos côtés. Elle a une longue expérience des impacts environnementaux, en particulier sur la santé des enfants, et dispose des données statistiques nécessaires pour dire s'il existe réellement un écart significatif lors de l'apparition d'un agrégat de cas. Elle est de plus neutre et nous lui confions très rapidement l'étude.

La concertation s'établit donc d'abord avec la collectivité territoriale où se passe l'événement, les familles qui sont très riches d'enseignements sur cet événement et Santé publique France, ce qui nous permet de faire ensuite une étude environnementale très ciblée. À Saint-Rogatien, comme à Sainte-Pazanne, les mesures n'ont pas permis de montrer un lien entre les données statistiques et environnementales, avec toutes les difficultés de mesure de l'évolution des produits qui ont été utilisés, notamment l'utilisation historique de certains pesticides. La traçabilité de l'exposition est compliquée. Nous avons fait plusieurs concertations avec les familles et la commune pour chercher « dans tous les coins » puisqu'il existe plusieurs usines, une voie routière, une ligne électrique à haute tension. Tous ces axes ont été étudiés pour voir si une explication pouvait émerger, mais, à Saint-Rogatien, nous n'avons pour l'instant rien mis en évidence. Nous ne nous arrêtons malgré tout pas là. Nous poursuivons une étude étendue à des environnements identiques.

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Vous avez parlé des cas de cancers à Sainte-Pazanne. Comment avez-vous travaillé avec le comité de suivi de l'ARS des Pays de la Loire, notamment en ce qui concerne les transmissions d'informations, les expériences communiquées entre les différentes instances de l'ARS ?

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Daniel Habold

Ces questions font l'objet d'échanges, notamment au travers du comité technique des directeurs de santé publique. Nous nous interrogeons les uns les autres pour savoir si d'autres ont le même genre de phénomène. Nous faisons un échange de pratiques entre pairs pour savoir comment aborder le problème, comment le prendre à temps. Nous n'avons pas de recette miracle. L'association de la population et de la collectivité est une des difficultés. Il faut éviter de nous accuser les uns les autres et aborder la question d'un point de vue scientifique.

Le cas de Sainte-Pazanne m'a intéressé particulièrement. J'ai interrogé le directeur de la santé publique de Nantes pour essayer d'identifier s'il existait des liens et s'il y avait lieu, par le registre des cancers ou par d'autres éléments, de rattacher les événements de Sainte-Pazanne et Saint-Rogatien, d'une part sur la forme et d'autre part sur le fond.

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En ce qui concerne les questions d'organisation, la véritable difficulté que vous rencontrez est la coordination entre les différents acteurs. Vous nous avez parlé de 568 participants au GRSE. Comment arrivez-vous à assurer le pilotage d'autant de participants et à être efficace ? Quelles sont les limites de la démocratie participative ? Comment faire participer la société civile, le monde des associations et être efficace, ne pas tomber dans des difficultés de coordination entre les acteurs ?

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Daniel Habold

Nous réunissons les acteurs au moins une fois par an. Avec l'organisation des journées nationales de la santé environnementale, nous avons eu l'occasion de relancer la consultation sur le PRSE en demandant aux acteurs quels étaient, aujourd'hui, nos sujets d'actualité. Nous avons chargé trois agents à temps plein d'assurer le recensement des besoins, des idées et de faire émerger l'intelligence collective, mais aussi les défauts des uns et des autres qui prennent parfois beaucoup d'espace dans les discussions.

Cette association d'acteurs est intéressante car elle nécessite une synthèse des propositions émergentes, limitée par le temps que nous pouvons consacrer à la consultation. Le mot-clé est peut-être la confiance. De nombreux acteurs sont associés, de façon très large de la même façon qu'au GSE. J'ai beaucoup aimé animer les groupes techniques du fait de la présence d'entités dont les intérêts ne convergeaient pas. Nous arrivions pourtant à en sortir un résultat intéressant. Cela demande simplement beaucoup de temps et d'implication.

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Des ressources humaines sont également nécessaires puisque trois agents à plein temps se consacrent à ce travail au niveau de l'ARS.

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Daniel Habold

Trois agents ont travaillé à temps plein sur ce sujet, mais il n'en reste qu'un et, avec la crise du covid, il n'en reste même aucun, mais c'est temporaire. Cela pénalise malgré tout d'autant plus que nos services sont en très forte diminution actuellement. Je ne suis pas certain que nous puissions continuer à consacrer autant de temps à cette concertation.

S'agissant du PNSE4, il faut assurer la mise à niveau des connaissances de l'Anses, de Santé publique France, des différentes agences et la création d'un thésaurus de connaissances en l'état actuel de la science. Le problème se pose de la même façon que pour les perturbateurs endocriniens avec ces incertitudes sur les substances qui sont vraiment perturbatrices ou non, avec des dimensions européennes, nationales voire régionales. Il faut arrêter une posture à un certain moment et établir la liste des produits dont l'effet est actuellement prouvé pour sortir des débats. Nous pourrons, sur cette base, travailler collectivement au moins sur ce qui est certain sinon les idées sont remises en cause en permanence.

Il me semble qu'il faut vraiment que nous disposions d'un thésaurus. Il permettra également de décliner les formations, initiales et continues, les connaissances à diffuser. Comme je le disais, la littératie en santé est assez faible en France et il n'est pas bon de s'approprier des données alors qu'elles sont discutées en permanence. Disposer de données validées, y compris par des gens parfois un peu mis en cause, permettrait d'avancer.

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Je vous remercie d'avoir présenté les actions de votre ARS et vos suggestions d'amélioration des politiques publiques nationales et territoriales.

L'audition s'achève à seize heures quarante-cinq.