Commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • ARS
  • PRSE
  • régional
  • santé-environnement
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La réunion

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L'audition débute à quinze heures.

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Nous accueillons à présent, représentant l'agence régionale de santé (ARS) d'Auvergne-Rhône-Alpes, M. Marc Maisonny, directeur délégué à la prévention et à la protection de la santé, et M. Bruno Fabres, chef du pôle santé-environnement. Comment l'ARS d'Auvergne-Rhône-Alpes conçoit-elle sa démarche en matière de santé environnementale ? Quelle est sa participation à l'élaboration et à la mise en œuvre du plan régional de santé-environnement (PRSE) ?

(MM. Marc Maisonny et Bruno Fabres prêtent serment.)

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Marc Maisonny, directeur délégué à la prévention et à la protection de la santé au sein de l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes

Je vous remercie de nous offrir cette occasion de présenter l'action de notre agence régionale de santé. Nous vous présenterons l'action de l'ARS en matière de santé-environnement dans notre grande région d'Auvergne-Rhône-Alpes, qui constitue pleinement une politique de santé publique, et, plus précisément, une politique de promotion de la santé, car le versant sanitaire de la santé environnementale est capital.

Au cours des deux dernières décennies, la santé environnementale est devenue un enjeu d'action politique pour différentes raisons, notamment les évolutions environnementales que connaît notre planète, que la pandémie actuelle illustre en partie. Toutefois, elle est investie sur le terrain depuis bien longtemps, par le biais d'évolutions qui s'inscrivent dans les traditions historiques de l'hygiène publique. Sans détailler, je rappellerai l'ouverture des bureaux municipaux d'hygiène par une loi de 1902, la création du ministère de l'hygiène, de l'assistance et de la prévoyance sociale en 1920, et la création des directions des affaires sanitaires et sociales (DASS) en 1964, qui intégraient les missions d'hygiène publique, devenues, avec l'évolution des notions, les missions d'hygiène de milieu, puis de santé-environnement dans les années 90. La santé est devenue une compétence de l'État lors des premières lois de décentralisation de 1983, mais plus d'une centaine de collectivités ont conservé cette compétence avec leurs services communaux d'hygiène et de santé, avec qui nous travaillons au quotidien. Leurs missions historiques comprennent notamment le contrôle sanitaire des eaux et la lutte contre l'habitat insalubre. D'une façon générale, avec l'évolution et l'amélioration des connaissances scientifiques et l'émergence de nouveaux risques, elles intégreront progressivement les risques environnementaux pour la santé.

Les ARS ont pris la suite de ces missions en 2010, tout en montant en charge sur le pilotage des politiques régionales de santé publique. À ce titre, l'ARS d'Auvergne-Rhône-Alpes, qui compte neuf cent cinquante agents, dispose de cent quarante agents techniques, cinquante-cinq ingénieurs et quatre-vingt-cinq techniciens qui sont consacrés, pour une grande partie, au champ de la santé environnementale. L'ARS peut également s'appuyer sur l'expertise de médecins de santé publique au sein de son organisation. Dans le contexte de l'adoption de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, puis de la stratégie nationale de santé 2018-2022, qui ont fait de la prévention et de la promotion de la santé des axes majeurs de la politique en matière de santé, nous avons défini, dès 2016, une stratégie en santé-environnement dans le cadre de la nouvelle grande région.

En cohérence avec les instructions d'octobre et novembre 2011 sur les missions des ARS en santé-environnement, nos missions en Auvergne-Rhône-Alpes sont structurées autour de six axes :

Pour mettre en œuvre cette stratégie, nous avons aligné nos outils de programmation sur ces six axes, sous le titre « Promotion d'un environnement favorable à la santé ». Le troisième plan régional santé-environnement, adopté en avril 2018, structure une stratégie interministérielle fortement impulsée par l'ARS. Il produit des outils régionaux au service des acteurs des territoires et il recherche leur mobilisation autour des enjeux de santé-environnement. Quant au deuxième projet régional de santé 2018-2028, il met en avant des modalités d'actions tournées vers certaines populations et vers des dispositifs de prévention ou des parcours de santé. Le domaine de la santé-environnement est concerné par plusieurs actions : un programme d'accompagnement pour les situations d'incurie dans l'habitat, un dispositif élargi de conciliants dans l'environnement intérieur, la prévention du risque auditif chez les jeunes et, plus récemment, la structuration d'un programme en faveur de la réduction des expositions aux produits chimiques chez les femmes enceintes et les jeunes enfants, en lien avec la notion des mille jours.

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Bruno Fabres, chef du pôle santé-environnement de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes

Je me concentrerai sur le plan régional santé-environnement. Celui-ci est piloté par l'État dans le cadre d'un partenariat signé entre le préfet de région, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et l'ARS, l'exécutif régional n'ayant pas souhaité, dans notre région, s'associer à la démarche. Notre PRSE propose un cadre général d'action afin que chaque décideur, chaque acteur, chaque habitant dans chaque territoire s'approprie les enjeux de santé-environnement et agisse en conséquence. Notre PRSE se décline en quatre axes avec un nombre limité de dix-neuf actions, destinées à donner de la visibilité au PRSE.

Le premier axe, qui s'intitule « Comprendre », a pour objectif de développer la connaissance et les compétences de tous en santé-environnement. Nous avons créé, avec la réalisation d'un état des lieux régional que nous tenons à jour et que nous enrichissons, un outil d'observation local en santé-environnement. Par ailleurs, plusieurs actions du PRSE consistent à structurer, renforcer et développer l'offre d'éducation et de promotion en la matière. Elles recouvrent à la fois la sensibilisation et l'information, la participation, la coopération, l'accompagnement ainsi que les actions de plaidoyer pour porter des exigences de changement. Ce projet occupe une place centrale dans notre PRSE, avec un tiers de ses actions. Nous menons également des actions de formation des professionnels à la santé environnementale : élus et techniciens des collectivités territoriales, professionnels du bâtiment, professionnels agricoles, professionnels de santé.

Le deuxième axe de notre PRSE se rapproche de la logique de déclinaison du plan national santé-environnement 3 (PNSE 3) selon ses entrées sectorielles. Intitulé « Réagir », il vise à réduire les expositions des populations à des déterminants environnementaux de santé prégnants tels que la pollution de l'air, extérieur et intérieur, par la présence de pesticides, de pollens et d'ambroisie, et la qualité l'eau potable, ceci en complément des plans ou programmes sectoriels existant dans ces champs. Le choix de ces thématiques découle de l'état des lieux évoqué précédemment, qui concluait que dans une région de la taille de la nôtre, avec la grande diversité de ses territoires et de ses activités, il y a des progrès à faire sur tous ces sujets.

Le troisième axe du PRSE est destiné à « Prévenir » par l'intégration des enjeux de santé-environnement dans les politiques territoriales, et ce, en impliquant les habitants dans les décisions, qui concernent également changement climatique et la conception d'un urbanisme favorable à la santé. Sont notamment visés les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), les programmes locaux de l'habitat (PLH), les opérations de revitalisation des territoires (ORT), et les contrats locaux de santé (CLS).

Le quatrième axe, ramassé en une seule action, vise à territorialiser la santé environnementale. Il s'agit d'un axe transversal qui porte les enjeux de santé-environnement dans les territoires en utilisant les outils, les référentiels et les démarches d'accompagnement construits dans les actions découlant des trois premiers axes, de façon à démultiplier l'action sur le territoire, avec l'ensemble des parties prenantes et au plus près des cadres de vie. C'est de cet axe que dépend la lutte contre les inégalités territoriales en santé-environnement.

À travers cette structuration du PRSE et de ses actions, que nous nous attachons à rendre concrètes et opérationnelles dans les territoires, nous avons ainsi dessiné un programme de promotion de la santé qui conjugue l'élaboration de politiques locales en faveur de la santé, la création d'un environnement favorable à la santé, le renforcement de l'action par la mobilisation des communautés, l'acquisition d'aptitudes individuelles et enfin, la mobilisation des services de santé. Ceci est important à souligner, car la santé constitue un levier incontestable pour motiver l'action dans les territoires où cette perception fait encore défaut. Dans cette même optique de mobilisation, nous nous attachons à valoriser les productions du PRSE, avec une attention particulière portée sur la communication.

Nous souhaitons également mettre en avant une logique particulière de partenariat au sein de notre région. Si la préfecture de région, la DREAL et l'ARS pilotent le PRSE, elles ont été amenées à mobiliser autour d'elles de nombreux acteurs identifiés dans la région pour leurs compétences reconnues dans leur domaine, leur intérêt pour la santé environnementale et leurs solides réseaux territoriaux. Nous avons mis en place avec eux, à travers des contrats pluriannuels de financement, ce que nous appelons ici des « partenariats opérationnels ». Ils allient la mission de pilotage stratégique par l'État à une mission de chefferie de projet partagée avec les partenaires opérationnels. Parmi ces partenaires nous comptons, à titre d'illustration, l'observatoire régional de la santé (ORS) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), sur les questions d'observation. Sur l'éducation et la promotion de la santé-environnement, nous travaillons avec l'instance régionale d'éducation et de promotion de la santé (IREPS) et le réseau GRAINE. Des cabinets d'experts collaborent avec nous sur l'accompagnement à la conduite du PRSE, notamment la territorialisation et la promotion de la formation des élus que nous avons montée avec l'École des hautes études de santé publique (EHESP). Nous travaillons également avec l'antenne régionale de la Fédération nationale de lutte contre les organismes nuisibles (FREDON), la fédération ATMO et l'Union régionale des Centres permanents d'initiatives pour l'environnement (CPIE) sur la lutte contre l'ambroisie, ainsi qu'avec les agences d'urbanisme de la région sur l'urbanisme favorable à la santé. De nombreux autres acteurs, plus locaux, s'inscrivent selon la même logique dans la structuration et la mise en œuvre de notre politique régionale de santé-environnement. L'ensemble des parties prenantes de la santé environnementale est par ailleurs réuni annuellement dans une commission régionale santé-environnement.

La mobilisation des collectivités territoriales, dans toute leur diversité géographique et à tous les échelons, est indispensable. Elle constitue une condition sine qua non de réussite d'une politique destinée à faire progresser les questions de santé environnementale et à modifier les cadres de vie. L'État, en région Auvergne-Rhône-Alpes, s'est récemment doté d'une stratégie intitulée « OR sol ». Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) a été adopté il y a quelques mois et le contrat de plan État-région (CPER), qui présente dans notre région la particularité d'intégrer le PRSE, est en cours de négociation. Nos politiques de santé environnementale, par leur transversalité et leur présence dans les territoires, s'intègrent dans ces éléments structurants.

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Je souhaiterais connaître les modalités selon lesquelles vous avez réalisé votre état des lieux. Comment avez-vous pu recueillir les données, à la fois épidémiologiques et environnementales, les rapprocher et en tirer des conclusions ? Je crois savoir que votre région a mené une démarche assez originale en ce sens. En effet, plutôt que de vous lancer dans une démarche générale, à l'échelle de la totalité de votre région qui est caractérisée par une grande diversité, vous avez réussi à localiser quelques opérations en faisant un rapprochement entre des bases de données très différentes et que nous n'avons pas jusqu'à maintenant les moyens de confronter à l'échelle nationale. Comment avez-vous procédé et comment, à partir de là, avez-vous réussi à mener des opérations localisées ?

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Bruno Fabres, chef du pôle santé-environnement de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes

Le PRSE a été élaboré selon deux approches : un état des lieux régional et un outil d'appropriation de données plus locales, en cours de construction dans notre région. En ce qui concerne l'état des lieux, nous avons d'abord signé un partenariat avec deux opérateurs capables de recueillir, de synthétiser et de confronter des données. L'ORS fait ce travail sur les données de santé, et le CEREMA le fait pour les données issues du monde de l'environnement. Ils ont travaillé ensemble de sorte à lister les indicateurs les plus pertinents en termes de santé-environnement : des indicateurs de santé, des indicateurs d'environnement et des indicateurs socioéconomiques pertinents.

Le travail a consisté à réaliser des cartes à l'échelle des bassins de vie tels que les définit l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). La région est découpée en deux cents entités, qui ne sont ni les communes ni les intercommunalités ni les départements, mais des espaces intermédiaires dans lesquels nous avons présenté les indicateurs de différentes natures. Il ne s'agissait pas d'établir une relation statistique entre des indicateurs de santé et des indicateurs d'environnement, mais de donner une visibilité sur les questions de l'incidence des cancers, de la pollution de l'air, de la présence de radon, de la présence d'ambroisie, etc. De cette manière, nous avons réalisé environ quatre-vingts cartes, sur la base des données disponibles, de sorte à obtenir cette représentation. Nous sommes parvenus à la conclusion – qui va peut-être vous décevoir – que dans une région aussi vaste que la nôtre, nous déplorons des problèmes de pollution de l'air à certains endroits, des problèmes liés à la présence d'ambroisie à d'autres. Parfois, les problèmes sont généralisés, et en revanche nous avons identifié des pathologies surreprésentées dans certains territoires.

Cette initiative a servi la réflexion lors de l'élaboration du PRSE. Nous travaillons depuis quatre ans avec l'ORS et le CEREMA, et cette collaboration perdure. Nous ne sommes pas partis de rien : il existait déjà en région Rhône-Alpes un outil nommé « Balises », construit par l'ORS, qui permet de mettre à disposition, à l'échelle territoriale souhaitée, une synthèse d'indicateurs sanitaires. Ce dispositif s'adresse aux acteurs de territoire et il a été étendu au moment de la fusion Auvergne-Rhône-Alpes. Nous nous attachons à mobiliser les données environnementales de sorte à les intégrer dans cet outil, qui contient déjà des données de santé, et permettre ainsi aux territoires de disposer de données locales qui auront vocation à servir un état des lieux dans le territoire et un débat, ouvert dans la mesure où les données sont librement accessibles à tous, sur les priorités de l'action publique.

Pour la mobilisation, au sein d'un outil, de données accessibles à tous, la progression s'avère très laborieuse. En effet, si les données de santé sont relativement standardisées, les données environnementales ne le sont pas. Elles proviennent de sources très nombreuses (sols pollués, installations classées pour la protection de l'environnement, radon, pollution de l'air, qualité de l'air intérieur, eau, etc.). Ces données sont souvent issues de systèmes de surveillance de l'environnement, qui ne partagent pas toujours les mêmes objectifs. Il faut parvenir à les partager : c'est un travail de longue haleine, mais qui nous semble indispensable. En effet, en matière de santé publique, il importe de connaître la situation dans un territoire. Ce n'est pas simple pour ce qui concerne uniquement la santé, et la complexité est encore accrue lorsqu'on y ajoute l'environnement, domaine dans lequel nous ne disposons pas de données exhaustives.

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La démarche est intéressante et éclairante. Elle confirme du reste que chaque région développe ses propres initiatives et qu'il n'existe aucune méthodologie proposée à l'échelle nationale, et peu d'échanges et de consolidation à l'échelle nationale.

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Messieurs, quelles sont les spécificités de la santé-environnement dans votre région ? Existe-t-il des problématiques particulières de cancer, et notamment de cancer pédiatrique, ? Comment évaluez-vous l'information de la population relativement à l'enjeu de la santé environnementale ? Comment pourrions-nous renforcer la formation des professionnels de santé à ces enjeux ? En matière de santé-environnement, comment les remontées d'information se déroulent-elles ? Comment sont-elles collectées ? Disposez-vous d'outils ou avez-vous élaboré des projets de mise en place de certains outils ? Selon vous, que faudrait-il améliorer en matière de prévention de sorte à accroître l'efficacité de la politique en santé-environnement ? Quelles actions spécifiques serait-il envisageable de mener à destination des enfants et des jeunes ?

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Marc Maisonny, directeur délégué à la prévention et à la protection de la santé au sein de l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes

S'agissant des situations éventuelles de cancers pédiatriques, à ma connaissance, nous n'avons pas été confrontés à ce type de situations, ni dans un passé récent ni aujourd'hui. Nous pouvons néanmoins évoquer d'autres situations d'agrégats à caractéristiques analogues, tels que ceux qui ont été relayés par les médias, s'agissant de l'agénésie des membres supérieurs chez des enfants. Nous avons en effet rencontré ce type de situations qui ont fait l'objet d'investigations de la part de l'Agence nationale de santé publique (SPF) au cours des deux dernières années dans le département de l'Ain. Je pense qu'il s'agit de la seule situation qui a fait l'objet d'investigations approfondies. Nous ne dispensons aucune information spécifique à la population de la région Auvergne-Rhône-Alpes, au-delà des informations de caractère national, portées et partagées avec SPF dans des démarches de prévention sous forme de marketing social.

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Bruno Fabres, chef du pôle santé-environnement de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes

Pour ce qui concerne les remontées d'information, les signaux de santé environnementale sont des signaux de santé et émargent à notre système. Chaque ARS reçoit de la part des professionnels de santé des signalements relatifs aux situations anormales. Par ailleurs, nous disposons de systèmes environnementaux de surveillance qui génèrent des signaux d'exposition anormale à l'environnement.

L'information de fond et la montée en compétence de la population sur les enjeux de santé-environnement n'est plus un sujet de surveillance, de veille sanitaire, mais d'éducation à la santé, sur lequel nous nous sommes fortement mobilisés. Nous ne sommes pas partis de rien : depuis de nombreuses années, l'IREPS et le GRAINE menaient des réflexions conjointes sur des sujets d'éducation à la santé et à l'environnement et nous avons consolidé la démarche dans le cadre du PRSE. Cela se traduit par différentes actions, et d'abord à mettre en place des campagnes de communication sur les questions de santé-environnement dans la région. Nous avons lancé récemment ce projet, de sorte à servir une information de fond destinée à tous. Par ailleurs, nous avons construit, dans les territoires, un dispositif d'offres de formation et d'éducation en matière de santé-environnement afin de porter des actions de promotion de la santé, notamment dans les écoles, les centres sociaux, et partout où il est possible de mener des actions d'éducation. En matière de formation des professionnels de santé, notre objectif consiste à faire en sorte qu'ils deviennent des relais de prévention. Les actions d'éducation en santé, d'une manière générale, peuvent être menées à destination immédiate des populations cibles, mais il est également important de bénéficier de relais.

Nous nous attachons à structurer un programme qui s'inscrit dans la logique du projet des mille jours et qui cible des populations composées de femmes enceintes ou mères d'enfants jeunes. Nous dispensons des actions de formation des professionnels de santé de la petite enfance et des actions, déjà anciennes, de formation des professionnels de l'enfance, notamment les personnels des crèches. Ensuite, nous fournissons des outils de prévention à ces professionnels afin de leur permettre de réaliser eux-mêmes de l'éducation et de la prévention auprès de ce public. Depuis une dizaine d'années, nous menons des actions à ce sujet sur l'ensemble des territoires. Nous nous efforçons de structurer cette action de sorte à toucher les professionnels de santé de la petite enfance en collaboration avec les cinq réseaux de périnatalité implantés dans notre région qui fédèrent les maternités, les services de périnatalité des hôpitaux, et couvrent l'ensemble du champ de la petite enfance.

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Quelles sont vos relations avec les collectivités territoriales ? De quelle manière parvenez-vous à développer une collaboration, notamment avec le conseil régional, afin de réfléchir au contenu des PRSE ? Avez-vous rencontré des difficultés dans ce cadre ? Quelles pistes de solution pourriez-vous nous proposer afin d'améliorer et de simplifier la gouvernance de la santé environnementale et le pilotage opérationnel des PRSE sur le terrain ?

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Marc Maisonny, directeur délégué à la prévention et à la protection de la santé au sein de l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes

S'agissant des relations avec la région, ainsi que nous l'avons indiqué dans notre introduction, l'exécutif régional ne s'est absolument pas impliqué dans la construction du PRSE. Cependant, il est probable que dans le cadre de l'élaboration du CPER, le préfet sollicitera le président du conseil régional afin que les orientations du PRSE puissent prendre une place plus importante.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, en particulier les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), le lien est noué principalement au niveau territorial, grâce à l'implantation des directions départementales de l'ARS. Ces liens découlent des missions que j'ai précédemment qualifiées d'historiques. À titre d'exemple, le contrôle sanitaire de l'eau, qu'il concerne l'eau potable, les baignades, les piscines ou les eaux thermales, impose des liens importants avec les collectivités, parfois quotidiens en fonction des situations. Au-delà, nous avons effectivement engagé des processus de recherche de collaboration avec les collectivités dans le domaine de la promotion de la santé environnementale.

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Bruno Fabres, chef du pôle santé-environnement de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes

La collaboration avec les collectivités constitue un sujet complexe. Nous essayons de les toucher par différents moyens simultanés, aucun ne suffisant à lui seul. Avec l'aide de l'École des hautes études de santé publique, nous avons conçu une formation en ligne qui vise à sensibiliser les élus à la santé environnementale de sorte qu'ils perçoivent que, dans leur activité et dans leurs missions quotidiennes, leurs actions affectent les déterminants de santé. La formation contient huit modules et une présentation de témoignages d'élus. Elle se déploie petit à petit dans la région, voire au-delà, puisque d'autres régions se sont montrées intéressées pour utiliser ce travail qui a pris une ampleur nationale. Par ailleurs, dans le cadre du PRSE, nous avons créé des outils d'éducation et d'accompagnement des collectivités. Ces outils sont destinés aux élus et aux collectivités afin qu'ils les utilisent et mènent des actions de santé environnementale dans leur territoire. Nous comptons sur la capacité d'animation territoriale de nos collègues des délégations départementales pour porter ces outils au plus près des territoires.

Le troisième moyen concerne les appels à manifestations d'intérêt (AMI). Nous ne pratiquons pas l'appel à projets, mais nous proposons aux collectivités un partenariat avec financement et cofinancement au regard de leur engagement sur la base de propositions concrètes d'action. Nous avons récemment développé deux AMI. Le premier porte sur les questions de pollution atmosphérique et de ses enjeux pour la santé, et leur prise en compte dans les PCAET. La DREAL a lancé un appel à manifestation d'intérêt auquel quatorze EPCI ont répondu favorablement et qui, pendant un an et demi, ont réfléchi à la façon d'intégrer les questions de santé-environnement dans leur PCAET. Ce travail est en cours et il sera prochainement restitué. Ce genre de dynamique permet de rentrer en contact avec les collectivités et d'initier un échange direct avec elles.

Début septembre, nous avons lancé un appel à manifestation d'intérêt relatif à l'éducation aux gestes barrières et, plus globalement, à l'éducation en santé-environnement, sachant qu'il existe un lien organique entre l'expérience de la crise sanitaire et les questions de santé-environnement. Une vingtaine de collectivités ont répondu favorablement à cet appel à manifestation d'intérêt et, dans les semaines et les mois à venir, des actions seront mises en place dans les territoires.

Le quatrième axe de notre action consiste à promouvoir par l'exemple les actions menées dans des territoires, à les valoriser et à les faire connaître auprès des collectivités, via la plateforme nationale « Territoire engagé pour mon environnement, ma santé », qui a la vocation de partager les actions exemplaires. Le champ de l'éducation en santé-environnement est particulièrement investi dans notre région. En collaboration avec le GRAINE, qui travaille sur le sujet de l'éducation au développement durable et à l'environnement, et l'IREPS, traditionnellement investi sur les questions d'éducation à la santé, nous avons élaboré un site Internet consacré aux questions de santé-environnement, https://ese-ara.org, qui propose des ressources pédagogiques et des méthodes de travail, des supports de formation et le partage des actions conduites.

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Les démarches que vous menez à l'échelle de votre région sont extrêmement intéressantes. À l'issue des auditions de plusieurs ARS, j'ai le sentiment que chaque direction régionale essaie d'identifier ses outils, sa dynamique, sa manière de fonctionner ; bref, sa méthodologie. Je m'interroge donc quant au partage à l'échelle nationale de l'ensemble de ces démarches. Quelles seraient vos suggestions pour que tout ce qui fonctionne bien dans ces différentes ARS puisse faire l'objet d'un partage et que ces tentatives de méthodologie soient testées à une échelle beaucoup plus cohérente et nationale ? En définitive, je m'interroge quant au management descendant des politiques de santé et environnement. De quelle manière pourrions-nous recroiser, recouper les démarches nationales et les démarches régionales territorialisées ? Êtes-vous satisfaits du fonctionnement actuel du dispositif ? Si vous avez identifié des pistes d'amélioration, nous vous saurions gré de les partager avec nous.

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Marc Maisonny, directeur délégué à la prévention et à la protection de la santé au sein de l'agence régionale de santé d'Auvergne-Rhône-Alpes

Il serait excessif d'affirmer que tout fonctionne correctement. Je pense que nous partageons votre sentiment, mais c'est le résultat de l'histoire, me semble-t-il. La création des ARS, en 2010, était fondée sur le principe d'un établissement public régional dont le directeur général était nommé en Conseil des ministres et disposait d'une certaine indépendance par rapport à l'administration centrale. Dans la réalité, nous constatons que des décisions nationales ont conduit à une forme de reconcentration. Pour autant et comme vous le soulignez, Madame la Présidente, chaque ARS construit sa propre méthodologie. Nous avons la chance malgré tout, en matière de santé environnementale, de bénéficier du réseau d'échange en santé et environnement (RESE), qui a été développé avant la création des ARS, et qui est un référentiel partagé de santé-environnement interne à l'administration de la santé, mais ouvert également sur nos partenaires des collectivités, notamment aux services communaux d'hygiène et de santé. Cet outil existe depuis une vingtaine d'années et il permet la mise à disposition de processus méthodologiques en matière de santé environnementale. Il constitue une référence pour les ARS : c'est un outil de bonne facture, mais il est unique. En dehors de cet outil, nos actions reposent sur des échanges inter-ARS, non structurés, au fil de l'eau et en fonction des problématiques, qui permettent des rapprochements entre les ARS.

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Bruno Fabres, chef du pôle santé-environnement de l'agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes

Au-delà de cet outil interne, nous veillons à partager la production du PRSE, dans un esprit de mutualisation. Chaque région n'a pas les moyens de tout faire et, selon les dynamiques locales, elle est plus en avance ou plus investie sur certains sujets. Notre objectif consiste à ne pas réinventer ce qui existe dans une autre région, mais de s'en inspirer. En l'occurrence, nous menons deux projets importants dans un format mutualisé. Le projet de formation des élus en santé-environnement a démarré dans la région Rhône-Alpes, dans le cadre du PRSE 2, et ensuite, dans l'objectif de lui conférer une dimension nationale, il a fait l'objet d'une collaboration avec l'École des hautes études de santé publique. Dorénavant, cette formation, développée sur notre territoire, est utilisée dans d'autres régions, notamment par les régions Bourgogne-Franche-Comté et Bretagne, qui en font la promotion auprès de leurs élus.

Pour ce qui concerne l'éducation à la santé-environnement, nous bénéficions dans notre région d'une expérience ancienne qui est désormais mise à la disposition des autres régions. Nous travaillons avec la région Occitanie, très investie également dans le cadre de son PRSE sur ces questions. Le site internet que j'ai mentionné précédemment est en cours d'évolution : à l'avenir, il proposera des entrées régionales. Un outil national rencontre des difficultés à s'implanter sur des sujets comme les nôtres, parce que nous avons d'abord besoin de convaincre les acteurs locaux. Dès lors, nous mutualisons nos efforts en matière d'éducation en santé-environnement, via un site commun et un partage de l'ensemble des ressources des deux sites. Nous gagnerons en quantité de contenus importants en début d'année. L'objectif consiste à mettre à disposition et à partager les initiatives des uns et des autres en fonctionnant en réseau.

La principale amélioration à apporter résiderait dans l'animation de la politique de santé-environnement de sorte à partager ce qui est réalisé dans l'ensemble des régions, de manière exemplaire et utile à tous. D'ailleurs, la plateforme expérimentale « Territoire, Environnement et Santé » affiche cette vocation de partage et de mise en commun.

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Nous avons appris beaucoup de choses extrêmement intéressantes de vos pratiques et des dynamiques lancées dans votre région. Nous avons découvert qu'il existait des démarches spontanées de partage d'expériences et de bonnes pratiques. Ces interactions interrégionales s'avéreront très bénéfiques afin de faire progresser un sujet d'autant plus complexe que les régions, telles qu'elles sont définies, présentent de multiples visages, et qu'il est de ce fait complexe de les superviser. Nous vous remercions donc pour l'ensemble des informations que vous nous avez livrées, qui nous ont permis de passer à un autre niveau d'analyse des problématiques.

L'audition s'achève à quinze heures cinquante.