Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 16h45

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • garimpeiro
  • guyane
  • militaire
  • orpaillage
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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA LUTTE CONTRE L'ORPAILLAGE ILLÉGAL EN GUYANE

Mercredi 30 juin 2021

La séance est ouverte à seize heures quarante-cinq.

(Présidence de M. Bruno Duvergé, vice-président de la commission d'enquête)

La commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane procède à l'audition de l'adjudant-chef David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres - auteur du livre « Garimpeiros »

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L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. David Gris prête serment.)

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

J'ai servi de 2011 à 2017 en Guyane, dans le groupe de recherche et d'intervention en forêt (GRIF), composé d'officiers de police judiciaire (OPJ) et d'éléments d'intervention. Nous avions en charge tout l'Ouest guyanais, d'Awala-Yalimapo jusqu'à Dorlin. Cette zone, qui concentre beaucoup d'orpaillage, couvre les territoires amérindiens, le long du Haut-Maroni, à la frontière du Suriname.

Nous nous occupions de tout ce qui relève des crimes et délits en forêt, à savoir principalement la recherche de personnes, le contrôle des mines légales et la destruction de sites illégaux.

Ma connaissance du portugais et du taki taki, la langue des nègres marrons, m'a permis de collationner beaucoup de renseignements et d'apprendre à connaître au mieux notre adversaire.

À mon retour, j'ai relaté mon expérience dans un livre intitulé Garimpeiros, où j'explique comment ces chercheurs d'or vivent en forêt, s'approvisionnent, ce qu'ils gagnent, etc.

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Qu'est-ce qui a motivé votre engagement pendant six ans ? Vos collègues de la gendarmerie ou de l'armée se contentent en général de plus brefs séjours en Guyane, ce que nous avons d'ailleurs identifié comme un problème, puisque le temps leur manque d'acquérir une connaissance intime du territoire ou des pratiques des orpailleurs clandestins.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Votre remarque m'inspire quelques réserves. Les longs séjours en Guyane usent beaucoup, physiquement, à cause du climat assez rustique et des longs déplacements en forêt, parfois en quad dans la boue, une quinzaine d'heures durant. Contrairement à une idée reçue, en forêt, nous sommes plus gênés par les petites maladies que par les serpents ou les araignées. Le paludisme excepté, j'ai attrapé à peu près tout ce qui pouvait l'être, ce qui m'a d'ailleurs affaibli.

Je suis venu une première fois en mission en Guyane pour sécuriser le centre spatial. M'y étant beaucoup plu, j'ai souhaité y revenir, d'autant que la Guyane offre un terrain formateur aux jeunes militaires. Sa faune et sa flore, ajoutées à la présence diffuse d'un adversaire armé, les garimpeiros, en font un excellent terrain d'entraînement, propice à former des caractères et souder des équipes. Le côté « aventure » me plaisait. Puis, c'est un pays formidable.

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Sur ce point, nous sommes d'accord.

Parlez-nous de l'expérience que vous relatez dans votre livre.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Je l'ai surtout écrit pour mes camarades gendarmes mobiles. Tous les trois mois, une relève rejoignait mon unité de recherche de 5 gendarmes départementaux, épaulée par les forces armées de Guyane (FAG), réunissant des légionnaires et des régiments de métropole, par rotation. À leur arrivée, les nouveaux venus avaient besoin d'un temps d'adaptation. L'antenne locale du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) devait les former à la forêt et au secourisme, ainsi qu'à la conduite de quads ou de pirogues, de sorte que quinze jours pouvaient s'écouler avant qu'ils entrent dans le vif du sujet.

Je voulais les informer de la nature de l'adversaire qui les attendait, et démythifier la forêt, mais aussi leur apprendre ce qu'est une table de levée, comment s'extrait l'or et à quoi sert le mercure. Un déclic s'est produit en moi à la vue d'une vidéo de France 3 Limousin consacrée à un escadron de gendarmerie locale sur le point de se rendre en Guyane. Je me suis dit, à les voir s'entraîner en suivant les méthodes classiques enseignées en école, que l'adversaire avait déjà gagné.

Nous luttons depuis de longues années contre une machine de guerre extrêmement bien rodée. Les garimpeiros disposent de moyens financiers, or l'argent constitue le nerf de la guerre. Des vigies, qu'ils payent jusqu'à 900 euros par jour, leur signalent les gendarmes aux points de passage stratégiques. Leur système d'approvisionnement et leur solidarité déjouent bon nombre de nos missions.

En somme, je tenais à ce que les gendarmes envoyés en Guyane sachent à quoi s'en tenir et prennent l'adversaire au sérieux.

Les garimpeiros entretiennent des peurs en Guyane, d'abord pour éviter d'être dérangés. Peut-être évoquerons-nous plus tard les braquages de bandes armées, dont ils font eux-mêmes les frais. Ils appliquent dans la jungle leurs propres lois, prohibant le vol et les attaques contre les femmes, les vieillards et les enfants. Celui qui y contrevient reçoit une sentence de mort. La forêt s'apparente de ce point de vue au Far West. Les garimpeiros n'hésitent pas à diffuser sous forme de vidéos leurs actes de torture atroces.

En tant que gendarmes, nous obtenions facilement ces enregistrements par des agents de renseignement. Signalons au passage combien il est difficile d'en recruter, vu que les garimpeiros exécuteraient sans hésiter ceux qu'ils démasqueraient.

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Rappelez-nous quand s'est terminé votre séjour en Guyane.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

J'y suis resté de 2011 à 2017.

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Nous avons créé notre commission en partant du constat que nous ne parvenons pas à éradiquer l'orpaillage illégal. De nos précédentes auditions est surtout ressorti un manque d'effectifs militaires ou un défaut d'efficacité de leur part, lié à la brièveté de leurs séjours en Guyane. Peut-être faudrait-il aussi une meilleure stratégie d'ensemble sur tout le territoire.

Considérez-vous que la lutte contre l'orpaillage illégal se solde jusqu'ici par un échec ? Si oui, à quelle cause l'attribuez-vous ?

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Je ne suis pas en mesure de vous communiquer tous les éléments de progression, au fil des années, du dispositif Harpie, piloté par le général qui commande la Guyane. Il s'adapte continuellement à la situation en fonction des moyens à sa disposition.

Je ne considère pas l'issue des opérations Harpie comme un échec. Nous devons contenir la foule des garimpeiros. Nous sommes en permanence sur le terrain avec les FAG.

Sans doute qu'à l'aide de plus amples moyens, nous pourrions ratisser la forêt pour extraire du territoire toutes les personnes en situation irrégulière. Cependant, leur soif de l'or les inciterait, selon moi, à revenir. Alléchés par des gains mirifiques que d'aucuns leur font miroiter, les garimpeiros viennent, presque par wagons entiers, d'un État très pauvre du Brésil, quitte à essuyer des tirs en chemin.

Lorsque je prononce des conférences à l'école militaire ou à l'institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), il m'est souvent demandé comment résoudre le problème de l'orpaillage illégal.

À l'étranger, il arrive que les forces armées tirent sur les garimpeiros. Certains d'entre eux m'ont raconté que des tracts distribués par hélicoptère les avaient prévenus qu'ils disposaient de vingt-quatre heures pour évacuer les lieux. Une fois ce délai écoulé, l'hélicoptère est revenu pour ouvrir le feu sur eux.

La France n'est pas près d'adopter une méthode aussi radicale, que nous jugeons totalement irresponsable. Cela n'entre pas dans notre manière de servir.

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Vous utilisez depuis tout à l'heure le lexique de la guerre. Officiellement, les opérations que vous évoquez ne relèvent cependant que du maintien de l'ordre.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

C'est ce que j'explique aux militaires habitués aux théâtres d'opérations extérieures. Nous sommes placés sous l'autorité du préfet et du procureur de la République, à qui nous demandons la permission d'intervenir en tel ou tel lieu pour enquêter. Le préfet nous a donné comme directive la réhabilitation du domaine public, nous autorisant à détruire tout baraquement illégal en forêt.

En tant que directeur d'enquête et OPJ, je m'appuie sur des gendarmes mobiles et des militaires des FAG. C'est grâce à l'effectif et aux outils logistiques de ces derniers (hélicoptères, pirogues, quads, etc.) que nous constituons nos missions. Pour autant, rien ne peut se faire sans la gendarmerie. Nous opérons en France et devons compter avec les lois de notre pays.

Une autre solution passerait par une coopération efficace avec les pays voisins. L'État brésilien de l'Amapá, qui jouxte la Guyane, se retrouve malheureusement excentré par rapport à la capitale, Brasilia. Oiapoque se situe à plus de dix heures de bus de la capitale de l'Amapá, Macapá. Les comptoirs d'or bénéficient de la production des garimpeiros, taxée par l'État.

L'entraide et les opérations conjointes avec le Suriname s'avèrent, elles aussi, compliquées. Pour pouvoir récolter de l'or, les grosses barges paient une taxe au ministère de l'industrie surinamien, qui a, de fait, à moitié légalisé l'orpaillage.

Priver de mercure les orpailleurs illégaux reviendrait à réduire de 80 % leur production. Les 20 % restants ne leur permettraient pas de chercher de l'or dans le centre de la Guyane. Dès qu'ils ont connaissance d'un filon, ils rameutent le plus possible de personnes pour l'exploiter, d'une part pour prendre de vitesse les forces armées, et d'autre part, pour diminuer, en les mutualisant, les coûts de la contrebande de marchandises (tuyaux, essence, groupes électrogènes, provisions alimentaires, etc.). Sans mercure, les orpailleurs n'exerceraient plus leur activité que le long des fleuves, où les forces de gendarmerie pourraient plus facilement les appréhender.

Je n'entrerai pas dans des considérations écologiques, qui ne sont pas de mon ressort, mais une autre solution, d'ailleurs déjà expérimentée, consiste à implanter une mine légale sur un site exploité par des clandestins. Il suffit qu'un hélicoptère dépose en forêt une poignée de personnes, autant de hamacs et 2 moteurs pour qu'une activité minière commence.

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J'en déduis qu'il se trouve toujours des entrepreneurs légaux prêts à se lancer dans l'exploitation d'un gisement.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

En tout cas, bon nombre de sociétés guyanaises demandent à exploiter des mines d'or. Il convient, bien sûr, d'analyser chaque demande comme il se doit, afin de vérifier sa conformité avec la réglementation. J'ai cru comprendre que la collectivité territoriale de Guyane (CTG) laissait beaucoup de marge aux orpailleurs légaux pour s'implanter sur le territoire, à condition qu'ils ne se lancent pas dans des mines gigantesques du genre Montagne d'or. Il existe des exploitations de toutes tailles, jusqu'à l'auto-entrepreneur travaillant seul.

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Ne pensez-vous pas qu'il serait préférable d'enrôler dans les troupes officiant en Guyane plus de locaux ?

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

En réalité, sitôt recrutés, les gendarmes et militaires guyanais n'ont qu'une hâte : servir en métropole. Un sénateur suggérait, dans le même ordre d'idées, d'embaucher plus de Guyanais dans les mines légales. Lors de la réunion à propos de la Montagne d'or, à laquelle a participé le ministre de l'économie de l'époque, M. Macron, de hauts fonctionnaires s'étonnaient que des Brésiliens venus directement de leur pays et nantis d'un savoir-faire travaillent dans les mines légales de Guyane, ainsi que des Bushinengué originaires du Suriname. En fait, les Guyanais refusent les postes en pleine forêt sans femmes ni occasions de faire la fête pendant plusieurs semaines d'affilée.

Une solution déjà évoquée en 2018 consisterait à délester les forces de l'ordre de certaines de leurs obligations, qu'assumeraient des sociétés de sécurité privées. Les sociétés minières comprennent que gendarmes et militaires ne puissent pas encadrer chaque levée d'or pour éviter les braquages. En Nouvelle-Calédonie, déjà, certaines font appel à des gardes armés pour assurer leur sécurité.

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Que faut-il encore savoir des garimpeiros et de leur structure sociale ? Certains, endettés, se retrouvent exploités, pris au piège d'un cercle vicieux.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Je ne parlerai que de la partie de la Guyane que je connais, le long du Maroni. En face de Saint-Laurent, à Albina, au Suriname, un véritable supermarché de l'orpaillage, le Transamerica, est jouxté d'un hangar où des garimpeiros attendent leur embauche. Un patron arrivant de Paramaribo les recrute, puis un piroguier les emmène en forêt. Une équipe de 5 hommes accompagnés d'une cantinière touche 30 % des bénéfices. Un garimpeiro qui décide d'économiser plutôt que de faire la fête rapportera de l'or chez lui. Sinon, les prostituées, la drogue et l'alcool, extrêmement chers en forêt, absorberont ses bénéfices. J'ai connu des personnes qui, au bout de six ans d'orpaillage, n'avaient toujours pas les moyens de retourner au pays.

Un orpailleur à son compte, au matériel détruit par des gendarmes, restera redevable de la moitié du prix de celui-ci, en général à des commerçants chinois du Suriname. Ceux-ci peuplent tout le Haut-Maroni, gérant des points de ravitaillement dans des emplacements parfois improbables. Autrement, cet orpailleur vendra son or à Paramaribo, à condition d'échapper, sur le trajet, à la police française et à son homologue surinamienne.

Un patron de mine prêt à quitter son site échangera son or avec une banque brésilienne à Paramaribo, qui lui enverra pour cela un passeur en pleine forêt. Le patron pourra dès lors rejoindre Paramaribo sans risque, en cas de contrôle par les forces de l'ordre. Voilà pourquoi il est rare de trouver de l'or en forêt. Quand un passeur nous donnait des informations sur un clandestin, nous essayions de l'appréhender en prenant toutes les précautions nécessaires pour notre sécurité, puisque ces personnes n'hésitent pas à ouvrir le feu.

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Des transactions bancaires laissent forcément des traces. Une bonne collaboration avec le gouvernement brésilien devrait permettre de retrouver l'or.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Certainement, même si ces transactions s'effectuent via des banques illégales, selon un système semblable à celui du grand banditisme.

J'ai connu des garimpeiros qui menaient leur activité comme une entreprise familiale et réussissaient à mettre de l'argent de côté. La pénibilité et la dangerosité du travail découragent cependant les trois quarts d'entre eux. L'affaire « Manoelzinhio » en 2012 l'illustre bien. Le dénommé Manoelzinhio, Brésilien venu extraire de l'or en Guyane, a finalement préféré s'occuper de la sécurité des sites, estimant l'orpaillage trop dur.

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Au fond, comme au Far West, ce sont les vendeurs de pelles et de pioches qui font fortune.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Exactement. Ce sont, selon moi, les commerçants chinois du Suriname et les grossistes brésiliens qui s'enrichissent.

J'ai visité, à Paramaribo, le supermarché Transamerica, tenu par des Chinois, où l'on trouve tuyaux, moteurs, sécateurs, pioches et palettes de bière, payables en or et prêts à être acheminés sur les sites.

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Les sites que vous démantelez redeviennent-ils actifs par la suite ?

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Tant qu'il y subsistera de l'or, un site, aussi bien alluvionnaire que primaire, redeviendra actif. Le plus efficace, pour les clandestins, consiste à s'implanter sur le site d'une ancienne mine légale ayant cessé ses activités, faute de rentabilité suffisante. Les illégaux exploitent le filon repéré par les géologues, hors du périmètre de l'autorisation d'exploitation (AEX), jusqu'à son épuisement.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

On en dénombre assez peu dans l'ouest de la Guyane. Celui de Dorlin est connu pour l'assassinat de deux militaires lors d'une fusillade, suite à une embuscade. L'alluvionnaire reste plus prisé.

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Le débat entourant la Montagne d'or portait sur la nécessité de modifier durablement ce site, primaire, en vue de son exploitation.

Quels autres points souhaiteriez-vous aborder ?

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Les missions de la gendarmerie en forêt ne se limitent pas à la destruction de sites illégaux. La collecte du renseignement joue un rôle primordial. Nous contrôlons aussi les mines légales, parfois amenées à trafiquer avec des garimpeiros. Certaines leur vendent du carburant, identifiable à sa couleur différente, ou les payent comme des sous-traitants pour récolter de l'or hors du périmètre d'une AEX.

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Arrive-t-il aux uns de vendre clandestinement de l'or aux autres ?

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

À ma connaissance, non.

La gendarmerie s'occupe aussi de sécuriser des levées d'or et des sites, lors de voyages officiels. Elle constate également les crimes et délits en forêt, et enquête sur la contrebande de marchandises.

La mauvaise délimitation de la frontière avec le Suriname, sur le Maroni, compliquait considérablement notre tâche. Nous restions en permanence en relation avec un cartographe pour nous assurer de respecter la loi au moment d'appréhender des barges. Souvent, ces véritables hôtels flottants opèrent du côté français, la nuit, et reviennent, côté surinamien, le matin.

En saison sèche, les barges d'orpaillage déversent dans le Maroni des graviers qui en obstruent l'écoulement. Il en résulte des tensions, parfois armées, avec les Bushinengué, qui commercent et transportent du fret de Maripasoula à Saint-Laurent. Nos missions portaient sur ces points également.

Il nous arrivait en outre d'arbitrer une AEX ou la réhabilitation d'un site légal, voire de rechercher des personnes perdues, par exemple de jeunes géologues s'aventurant trop loin en forêt ou des professeurs de sciences naturelles en quête de papillons rares. Il importe, dans ces cas, de déterminer s'il s'agit de locaux ou de métropolitains pour évaluer la nécessité d'alerter les secours, rapidement mobilisés mais coûteux.

Signalons que la forêt abrite, en plus des garimpeiros, toutes sortes de métiers. À Dorlin, une ville regroupe pasteurs, écoles, commerçants et charpentiers, payés avec l'or des garimpeiros. La quête de l'or génère des activités annexes, telles que l'entretien de pistes ou de ponts, empruntables moyennant un droit de passage.

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L'orpaillage illégal s'avère d'autant plus difficile à contrer qu'il est bien organisé. Comment une organisation aussi parfaitement huilée, qui fait vivre des villages entiers, a-t-elle pu se mettre en place ?

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Les clandestins savent quand nous arrivons. Ils payent une vigie ou un chasseur vivant seul en un point de passage stratégique pour les avertir de notre venue. Ceux-ci identifient militaires et gendarmes à leur tenue et devinent notre destination à la quantité de carburant que nous transportons, de sorte que, lorsque nous parvenons sur un site, les orpailleurs ont eu le temps de l'évacuer et de cacher leur matériel. Nous détruisons leurs habitations, tout en sachant qu'ils ne tarderont pas à revenir.

Parfois, nous menons des actions choc en hélicoptère, hélitreuillant des membres du GIGN, par exemple. Nous sommes également obligés de transporter en hélicoptère les personnes que nous appréhendons, pour leur propre sécurité, puisqu'elles n'hésitent pas, lors d'un trajet en pirogue, à se jeter par-dessus bord pour échapper à la justice française.

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Vous évoquiez tout à l'heure différentes couleurs de carburant.

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

Les mines d'or légales utilisent un carburant détaxé, qui ne peut être revendu.

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La gendarmerie dispose-t-elle de matériel suffisamment bien entretenu et assez fréquemment renouvelé ?

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David Gris, commandant de la brigade motorisée de Louvres et auteur du livre « Garimpeiros »

. J'ignore si un changement est survenu depuis 2017, mais pour lutter contre l'orpaillage illégal, nous ne nous servions que du matériel confisqué aux garimpeiros, ne disposant pas, quant à nous, de budget pour en acquérir. Une fois que nous avons saisi un quad, nous demandions à la justice une attribution aux forces de l'ordre pour l'utiliser. Il en va différemment pour les FAG, qui possèdent du matériel en propre.

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Il me semble difficile de lutter contre l'orpaillage illégal en l'absence de matériel adapté.

La réunion se termine à dix-sept heures quarante.