Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Réunion du mercredi 9 juin 2021 à 15h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA LUTTE CONTRE L'ORPAILLAGE ILLÉGAL EN GUYANE

Mercredi 9 juin 2021

La séance est ouverte à quinze heures.

(Présidence de Mme Josette Manin, vice-présidente de la commission d'enquête)

La commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane procède à l'audition de Mme Christine de Neuville, Présidente, et de M. Paul-Emmanuel Huet, Directeur exécutif de PEFC France

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L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Paul-Emmanuel Huet et Mme Christine de Neuville prêtent serment.)

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Paul-Emmanuel Huet, Directeur exécutif de PEFC France

La création de PEFC, système international de certification de gestion forestière durable, date de 1999, et fait suite à une série de grandes conférences sur l'environnement, dont le sommet de la Terre de Rio de Janeiro.

Différents acteurs, en particulier les propriétaires forestiers, ont alors résolu, avec, entre autres, des associations environnementales et les pouvoirs publics, d'instaurer un système attestant leur recours à des pratiques de gestion responsable et durable, de manière à en apporter la preuve aux consommateurs. Déjà, en 1999, ceux-ci souhaitaient acheter des produits, à base de bois ou de papier, porteurs de garanties. Cette volonté n'a fait que croître depuis vingt ans.

C'est d'abord en Europe que PEFC a édicté des exigences communes à tous les pays en matière de gestion forestière durable. Les propriétaires et exploitants forestiers désireux de faire valoir leurs bonnes pratiques décident volontairement de les appliquer. Ces exigences permettent de préserver un équilibre fragile entre les enjeux sociétaux, économiques et environnementaux.

Les activités de PEFC, aujourd'hui présent dans 55 pays sur les 5 continents, continuent de se développer en Asie du sud-est, en Afrique et en Amérique du sud. À ce jour, nous dénombrons 330 millions d'hectares de forêt certifiés PEFC, soit 75 % des surfaces forestières certifiées sur la planète. En termes de superficie, PEFC apparaît donc comme le principal système de certification forestière au monde. Des tiers indépendants contrôlent les processus de certification.

La France compte actuellement un peu plus de 8 millions d'hectares de forêt certifiés PEFC, dont 2,4 millions en Guyane et un peu plus de 5,5 millions en métropole. La totalité du domaine forestier permanent en Guyane est certifiée PEFC.

La certification PEFC porte également sur la traçabilité du bois. Pour qu'un produit proposé à la vente dispose du label PEFC, il faut que tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement et de transformation bénéficient d'une certification PEFC, délivrée par une tierce partie indépendante, via des audits.

En Guyane, comme ailleurs, ce sont aussi, outre le domaine forestier, des entreprises d'exploitation forestière, des scieries et des acteurs guyanais de la deuxième transformation qui disposent de certifications PEFC. Les prescripteurs publics ou privés sont d'autant plus demandeurs de ces certifications qu'elles leur apportent des solutions opérationnelles en répondant à l'obligation où les placent leurs cahiers des charges de démontrer leur engagement en faveur de l'environnement.

La certification PEFC des 2,4 millions d'hectares de forêt de Guyane remonte à une dizaine d'années. Sa mise en place a réuni autour d'une même table les acteurs de la gestion forestière durable : l'office national des forêts (ONF), en tant que gestionnaire de la forêt, des acteurs de la transformation du bois, des prescripteurs, des représentants des populations autochtones et des opérateurs miniers. Ensemble, ils sont parvenus, selon les valeurs fondatrices de PEFC, à un consensus sur l'équilibre à atteindre entre les enjeux sociétaux, économiques et environnementaux prévalents en Guyane, au regard des enjeux internationaux.

L'ONF s'assure, au quotidien, de la bonne mise en œuvre des règles de gestion forestière PEFC en vue du prolongement de la certification du domaine forestier guyanais, soumise chaque année à un audit.

Les exigences de gestion forestière édictées par PEFC imposent notamment de contrôler l'impact des différentes activités se déroulant sur le domaine forestier permanent. Citons parmi elles l'exploitation forestière mais aussi minière, aussi bien légale qu'illégale. Il apparaît dès lors impératif d'assurer une observation et un suivi réguliers de cette exploitation minière illégale, par tous les moyens possibles, afin d'évaluer à la fois la pression qu'elle impose aux milieux forestiers et le degré de contrôle exercé sur cette pression.

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Christine de Neuville, Présidente de PEFC France

PEFC a pour mission de maintenir un équilibre, particulièrement important dans une forêt aussi fragile que celle de la Guyane.

Tous les ans, le contrôleur missionné par PEFC s'assure que, sur le domaine forestier permanent, les activités minières légales tiennent leurs engagements. Je ne vous cacherai pas les difficultés que nous posent certaines exploitations. L'absence de restauration des sites qu'elles ont occupés met en danger le certificat PEFC. Bien sûr, l'orpaillage illégal menace lui aussi la pérennité de ce certificat, à partir du moment où le gestionnaire de la forêt ne dispose pas des moyens de contrôler que tout soit, autant que possible, mis en œuvre pour éviter une destruction complète de l'équilibre fragile de la forêt guyanaise.

L'ONF dispose d'agents assermentés. Encore leur faut-il les moyens d'accomplir leur travail. Il revient à l'organisme indépendant chargé de la certification PEFC de s'en assurer. Il faut aussi que l'État prenne activement ses responsabilités.

L'orpaillage illégal doit bien sûr être combattu. Il soulève des problèmes de pollution et nuit à l'environnement. Se pose aussi la question de sa transformation en orpaillage légal. J'ai en tout cas eu vent de cette éventualité.

La difficulté vient de tout ce qui accompagne les sites miniers légaux, dont l'implantation suppose l'ouverture de pistes à travers la forêt et l'installation de villages alentour. Or ceci fragilise l'écosystème. Notre certificat ne s'oppose pas par principe à l'activité minière légale ni à quelque activité que ce soit, étant donné que la Guyane a besoin de se développer. Seulement, il importe de maintenir l'équilibre fragile de la forêt amazonienne, emblématique de la Guyane.

L'enjeu de la lutte contre l'orpaillage illégal s'apparente, de notre point de vue, à celui de la préservation de cette forêt fragile. Si les chiffres dont je dispose sont exacts, l'ONF prévoit 5 prélèvements de tiges tous les soixante-cinq ans, ce qui prouve bien le caractère précieux mais aussi fragile de cette forêt.

En somme, nous ne souhaitons gêner aucune activité mais simplement préserver la gestion durable du domaine forestier permanent.

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Vous est-il arrivé de retirer une certification PEFC et, si oui, en raison de quel manquement ? Quelles informations vous communique l'ONF à propos du contrôle exercé par ses agents sur les activités minières en forêt ?

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Christine de Neuville, Présidente de PEFC France

Il est bien sûr déjà arrivé que PEFC retire à certains gestionnaires leur certification, même si, à ma connaissance, ces retraits n'ont jusqu'à présent pas concerné de surfaces aussi étendues que la forêt guyanaise et qu'ils n'étaient pas imputables à l'impact d'activités minières.

Il ne servirait à rien d'édicter des normes sans imposer de sanction à l'issue d'un contrôle ayant démontré leur non-respect.

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Paul-Emmanuel Huet, Directeur exécutif de PEFC France

Mme de Neuville et moi-même avons eu le privilège de nous rendre en Guyane, voici un peu plus d'un an et demi, pour mieux appréhender les enjeux liés au maintien de la certification PEFC en Guyane. Ceux-ci portent sur l'impact et la réhabilitation des sites miniers, y compris légaux. Les activités économiques doivent être circonscrites et les interactions entre ces sites et leur environnement immédiat, maîtrisées.

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Christine de Neuville, Présidente de PEFC France

Nous nous sommes ouverts de ces difficultés à monsieur le préfet, à l'occasion de notre venue en Guyane, ainsi que, plus récemment, au ministère de la transition écologique.

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Paul-Emmanuel Huet, Directeur exécutif de PEFC France

La présence, sur le territoire forestier, d'activités illégales contrevenant à la règlementation, qu'elles relèvent de l'orpaillage, de l'exploitation forestière ou encore de la chasse, oblige à surveiller ce territoire en permanence. Ces activités ouvrent des pistes à travers la forêt et donc drainent des acteurs en générant de la pression sur l'environnement. La mission de contrôler autant que possible cette pression incombe à l'ONF, en tant que gestionnaire.

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Christine de Neuville, Présidente de PEFC France

L'ONF ne peut pas s'occuper de tout avec les 5 agents à sa disposition. Il lui faut demander à l'État de prendre ses responsabilités.

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Paul-Emmanuel Huet, Directeur exécutif de PEFC France

Aux enjeux environnementaux que nous venons d'évoquer s'en ajoutent d'autres, économiques et sociétaux. Il convient de préserver le mode de vie des populations, autochtones ou non, qui vivent dans ces forêts ou grâce à leur exploitation.

Mme Barbe vous l'a confirmé lors d'une précédente audition : aujourd'hui, des perspectives de développement économique s'offrent à la Guyane par le prélèvement de quantités de bois d'œuvre supérieures à ce qui se pratiquait jusqu'ici. Ce bois d'œuvre alimentera des filières de biomasse, notamment. Il convient de veiller à la préservation des équilibres en imposant au développement de telles activités le rythme qui convient.

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Vous touchez du doigt un problème récurrent : celui du personnel au service de l'État, dans la gendarmerie et l'armée notamment. Au-delà de la question de leur nombre, ces agents ne restent pas sur le terrain assez longtemps pour procéder aux contrôles nécessaires. L'ONF dispose-t-il, à votre avis, de personnel et de matériel en quantité suffisante ? Avez-vous alerté le ministère à ce sujet ?

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Christine de Neuville, Présidente de PEFC France

Notre rôle ne s'étend pas jusque-là. Nous nous limitons à constater l'application, ou non, des normes PEFC.

Il est évidemment possible de considérer que 5 agents ne sont pas de trop pour s'occuper des deux millions et demi d'hectares que couvre la forêt guyanaise, encore que je n'exprime là qu'un avis personnel. Nous constatons en tout cas un problème. Les exploitants des mines légales ne tiennent pas leurs engagements. De fait, le certificat PEFC est déjà en question.

L'insuffisance de la surveillance et du contrôle des activités illégales sur le territoire accroît encore les difficultés.

Il conviendrait d'interroger directement les agents en poste sur le terrain. M. Huet et moi-même avons constaté leur grand professionnalisme et leur grand attachement à l'intégrité de la Guyane. Les résultats auxquels parviennent les équipes de l'ONF leur valent notre admiration.

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Paul-Emmanuel Huet, Directeur exécutif de PEFC France

Lors de notre séjour en Guyane, nous avons eu l'occasion de participer à des missions de contrôle auprès d'agents de l'ONF. Leur engagement mérite d'être salué. Tout est mis en œuvre pour optimiser leur action, y compris sur le plan technique, puisqu'ils disposent d'outils technologiques, de télédétection notamment.

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Christine de Neuville, Présidente de PEFC France

Il reste à s'interroger sur le devenir des diagnostics établis par l'ONF. Notre difficulté vient de l'utilité de la surveillance effectuée par l'ONF. Je n'ai aucun doute sur la précision de son recensement des sites miniers et de leur état d'activité, entrante ou sortante. Encore faut-il que ce diagnostic serve à quelque chose.

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Quelles conséquences auraient, en termes de plus-value ou de moins-value, le retrait de la certification PEFC sur tout ou partie du domaine forestier guyanais ?

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Christine de Neuville, Présidente de PEFC France

Je donnerai à votre question une réponse politique. M. Huet lui apportera une réponse technique. Au regard de la politique environnementale que promeut la France et de son attachement à la préservation des écosystèmes, le retrait de la certification PEFC au domaine forestier guyanais s'avérerait infiniment dommageable à l'image de notre pays. Le certificat PEFC protège certes la forêt, mais il constitue également un symbole de la volonté de la France et de ses ambitions en matière environnementale.

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Paul-Emmanuel Huet, Directeur exécutif de PEFC France

. La forêt guyanaise est à ce jour la seule forêt française tropicale certifiée PEFC, ce dont nous sommes fiers. Le maintien de ce certificat apparaît donc comme un objectif d'exemplarité.

La certification, en tant qu'outil opérationnel, apporte une plus-value, dans la mesure où elle permet de mobiliser des produits, aussi bien du bois d'œuvre que de la biomasse énergétique, passés entre les mains d'acteurs ayant pris des engagements. Le certificat PEFC concrétise ces engagements, des exploitants forestiers comme des entreprises, de plus en plus demandés par la société en général et les donneurs d'ordres, publics ou privés, en particulier. Les produits PEFC ne se vendent pas forcément plus cher. En revanche, leur certification facilite leur accès au marché.

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Christine de Neuville, Présidente de PEFC France

La certification porte sur l'ensemble des acteurs de la filière.

Cette année, comme tous les cinq ans, nous procéderons à une révision de notre référentiel, c'est-à-dire de notre ensemble de normes. Les acteurs guyanais se sont engagés dans cette évaluation. Nous échangerons avec eux à ce sujet la semaine prochaine en visioconférence et nous rendrons nous-mêmes en Guyane la première semaine d'octobre.

La réunion se termine à quinze heures quarante.