Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 10h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jeudi 12 novembre 2020

La séance est ouverte à dix heures quinze.

Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente

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Nous reprenons nos auditions sur les effets de la crise sur les jeunes et les moyens de les prévenir. Nous abordons ce matin les enjeux liés aux activités sportives. Nous remercions nos invités d'avoir répondu à notre invitation et de prendre part à nos travaux, alors que le sport, amateur et professionnel, est frappé de plein fouet par les effets de la crise du Covid. Nous souhaitons vous entendre sur les conséquences de la crise sur les clubs sportifs et le tissu associatif depuis le printemps dernier et la rentrée de 2020. Compte tenu du nouveau confinement mis en œuvre depuis le 30 octobre dernier, certaines disciplines sont-elles plus affectées que d'autres, si oui, lesquelles ? A-t-on constaté une chute ou une augmentation des inscriptions et des délivrances de licences à la rentrée ? De quelle façon les contraintes sanitaires se sont-elles appliquées ? Les consignes étaient-elles suffisamment claires ? Existe-t-il de nouvelles pratiques, de nouvelles tendances, de nouvelles idées, de nouvelles inventions issues directement de la crise ?

Nous serions désireux de recueillir votre éclairage sur les conséquences de l'épidémie sur les pratiques sportives, et particulièrement celles des jeunes, que ceux-ci soient en situation de handicap ou non. Comment ces pratiques se sont-elles adaptées ? Pouvez-vous évaluer l'impact de la crise sur la sédentarité des jeunes et leur santé, problème qui existait déjà avant la crise et qui a pris une amplitude majeure pendant les confinements ? Quelles sont les conséquences physiques et psychiques déjà tangibles à moyen terme de ce ralentissement de l'activité physique des jeunes ? Existe-t-il une différence très marquée entre les garçons et les filles ?

Vos interventions précéderont notre échange sous forme de questions-réponses. L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement de l'Assemblée nationale impose aux personnes auditionnées dans le cadre d'une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je propose à chacun des interlocuteurs, en préambule, de lever la main droite et de dire « je le jure. »

(M. Denis Masseglia prête serment.)

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Premièrement, il est difficile de répondre aujourd'hui à toutes les questions que vous posez à propos des incidences sur la pratique en club, pour la bonne et simple raison que nous avons lancé une vaste enquête auprès des clubs avec deux dates butoirs. Celle du 10 novembre est relative à des questions d'ordre statistique telles que la baisse du nombre d'inscrits, et l'impact économique de la crise sur les associations. Tout se trouve dans la même enquête, mais avec deux dates de réponse. L'autre enquête qui sera close le 23 novembre est relative à des aspects sociétaux, parmi lesquels le moral des troupes, le sujet de la professionnalisation – les clubs sont-ils en situation, aujourd'hui, de créer des emplois ? – ou encore les sujets des violences ou de la radicalisation. Ces thèmes sont autant de sujets de société qui nécessitent une expression plus libre de la part des clubs. Pour cette raison, nous avons rédigé des questions ouvertes sur ces aspects.

S'agissant de la première enquête qui s'achevait le 10 novembre, nous n'avons pas encore les résultats complets, mais certaines tendances. Nous avons reçu 44 000 réponses, ce qui constitue un échantillon assez représentatif. Cependant, toutes les réponses n'apportent pas d'éléments à toutes les questions. Le prestataire a sélectionné un échantillon de clubs et éliminé les réponses nous paraissant trop éloignées, afin qu'elles ne faussent pas l'appréciation moyenne.

Près de 15 000 clubs – et un nombre indéterminé de fédérations – sont concernés. Globalement, il ressort de ce premier bilan que la perte moyenne est de l'ordre de 20 %, sachant que ce sont les clubs les plus organisés qui ont répondu. Nous pouvons donc imaginer que, pour les autres, la tendance se révélera plus lourde. Nous constatons la perte d'activité, qui n'est pas surprenante, la perte de membres, qui s'avère plus compliquée parce qu'il faudra les retrouver, et la perte d'engagement, avec l'éventuel découragement des dirigeants dont la plupart sont bénévoles. En effet, 85 % des clubs sont encadrés par du bénévolat et ne sont pas des clubs employeurs.

Le sujet principal – qui est celui de « la génération sacrifiée » – est un véritable sujet d'interrogation. On ne remplace pas ce qu'on a perdu quand on a douze, treize ou quatorze ans et que l'on a des rêves de compétition et quelques amitiés qui se forment à travers le club sportif. Tous ceux qui ont fait du sport savent que c'est à cet âge que l'essentiel de la construction intervient. Si la reprise de l'école était un bienfait pour tous les enfants, on n'a néanmoins pas tenu compte des apports éducatifs du mouvement sportif fédéré, en ne lui permettant pas de poursuivre sa mission.

Selon moi, la véritable catastrophe sanitaire montrera ses effets dans quelques années et confirmera que nous n'avons probablement pas pris la bonne disposition. Je crois sincèrement que la possibilité pour les clubs d'accueillir les jeunes, qui avait été prévue avant le couvre-feu, aurait dû être maintenue. En effet, l'incidence sur la propagation du virus ne constitue pas un élément suffisamment important – même si je ne le nie pas – pour prendre le pas sur les inconvénients en termes de construction et d'épanouissement des jeunes, ceux-ci se retrouvant ainsi privés de ce qui représente probablement les années les plus importantes pour leur construction. Je parle de la tranche des dix-quinze ans. Je ne sais pas si l'analyse de toutes les conséquences possibles a été menée. On a supprimé leurs rêves à tous ces enfants. On a restreint leur univers à l'école, aux jeux vidéo et à leurs parents. Si l'on me dit que cela n'a pas d'incidence sur le développement psychologique d'un enfant, je ne le comprendrai pas. En pesant les avantages et inconvénients, on a privilégié le principe de précaution maximale par rapport à la santé, sans pour autant considérer l'impact sur la santé mentale de tous ces jeunes à qui on ne peut plus proposer d'activités sportives. Les récupérerons-nous un jour ou le temps perdu ne se rattrapera-t-il jamais ? Nous nous dirigeons vers une situation extrêmement délicate.

J'ose espérer – sans certitude puisque la tendance va davantage vers les préoccupations liées au nombre de lits occupés dans les hôpitaux – que l'on desserrera l'étau à partir du 1er décembre. Toutefois, il est certain que, s'agissant du sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, la réponse est sans équivoque : oui, nous nous dirigeons vers une énorme difficulté pour la génération que nous pouvons qualifier de « génération sacrifiée du Covid. »

Est-ce que cela touche davantage les garçons que les filles, ou davantage tel ou tel sport ? S'agissant des sports, l'enquête nous permettra de répondre. 26 % des clubs indiquent ne pas avoir subi de pertes, ce qui est assez surprenant. Je ne peux pas affirmer que ce taux plutôt élevé concerne plus les jeunes que les adultes. Je suppose que la situation concerne également les adultes. Par exemple, le président de la Fédération française de tir m'a dit qu'il n'avait pas subi de pertes. Le tir est un peu particulier. Mme Buffet, du temps où elle était ministre, avait eu quelques difficultés relationnelles avec ladite fédération ou du moins avait-elle voulu réglementer, ce qui ne s'était pas déroulé comme elle l'avait souhaité.

S'il existe une certaine disparité, certaines fédérations subiront des pertes de membres, extrêmement élevées pour certaines, et d'autres non. Certains clubs et fédérations sont en péril en atteignant les 50 %. La ministre affirme que les clubs n'ont pas de charges, mais ce n'est pas tout à fait vrai. Ils n'ont pas de charges de compétitions puisque celles-ci sont annulées. Pour autant, certaines charges continuent à peser. Quant aux fédérations, elles subissent pratiquement l'intégralité de leurs charges. Nous avons donc un véritable enjeu de survie pour de nombreuses fédérations et un certain nombre de clubs. Nous pouvons dire que nous aurons un panorama plus exhaustif, réaliste et crédible dans une semaine en décortiquant les résultats de l'enquête. Cette dernière était éminemment nécessaire et elle nous permettra d'y voir un peu plus clair. Nous recommencerons cette quantification au 31 décembre en espérant pouvoir répondre ainsi à la demande formulée par le Premier ministre lors de la réunion de septembre, suite à l'annonce de deux milliards d'euros alloués à la Culture, et aucun moyen pour le Sport.

Le Premier ministre avait évoqué une éventuelle allocation sportive de reprise sous forme d'un passeport sport, qui avait déjà été évoquée par certains députés. Nous nous sommes donné rendez-vous fin décembre pour imaginer un Pass'sport de rentrée sportive en imaginant un système qui puisse associer les collectivités territoriales et le monde économique. Ce serait sans doute le meilleur moyen de provoquer un électrochoc pour les jeunes qui sont sevrés de sport ou qui n'ont pas pu effectuer leur inscription comme ils l'auraient souhaité.

Enfin, la crise est bien mal tombée parce que nous avions mené une campagne de communication aussi bien au niveau du ministère avec « EnVie de sport » qu'au niveau du CNOSF et du CPSF avec « J'ai l'Esprit Club. » Cette campagne avait permis, dans les quinze premiers jours de septembre, de provoquer un certain engouement pour l'inscription. En outre, nous avons mis en place un dispositif nommé « carte passerelle » permettant aux enfants qui souhaitaient essayer un sport d'être accueillis dans les clubs volontaires, sans payer, pour une période d'essai allant jusqu'aux vacances de la Toussaint. Le dispositif utilise une base de données de 155 000 clubs appelés « Mon Club près de chez moi. » Un enfant intéressé peut consulter cette base pour connaître les clubs à proximité de son domicile et en choisir un pour une période d'essai. Si le club s'est enregistré comme étant volontaire pour accorder cet essai, tout peut se faire de manière à satisfaire à la fois l'enfant et le club, celui-ci parce qu'il accueille et l'enfant parce qu'il peut essayer gratuitement. Il pourrait y avoir un Pass'sport de reprise. Si la vie devait reprendre normalement en janvier ou en février, nous ne devons pas attendre 2021 ou 2022. Nous devons reprendre immédiatement, sinon nous constaterons des dégâts importants.

Mon souhait est que, le jour où l'étau sera desserré et où l'activité sportive pourra reprendre – en particulier pour les jeunes – nous disposions d'une mesure incitative. Les clubs seront prêts à jouer le jeu, y compris en accueillant gratuitement pendant un mois et demi ou deux mois s'il le faut. Cette solution serait, selon moi, la seule permettant de réparer les dégâts que l'on provoque actuellement.

(Mme Marie-Amélie Le Fur prête serment.)

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Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français

Au préalable, je souhaite situer les actions du Comité paralympique, dont l'objectif est d'agir en complémentarité du CNOSF en portant un regard particulier sur notre cible, qui sont les personnes en situation de handicap. Au regard du fonctionnement actuel du sport, il est encore difficile d'identifier véritablement les pratiquants en situation de handicap, notamment dans les fédérations homologues. Les chiffres que nous vous indiquerons sur la situation actuelle proviennent principalement de nos deux fédérations spécifiques, pour lesquelles l'identification de notre public est plus simple.

S'agissant de l'importance du sport pour les personnes en situation de handicap et, indirectement, de cet effet de la sédentarité que nous vivons actuellement en raison de la crise sanitaire, aucun effet du sport sur le recul du handicap en lui-même n'est prouvé. En revanche, de nombreuses études démontrent que la pratique du sport dès le plus jeune âge permet de mieux vivre avec son handicap et de mieux le comprendre. La personne est soumise à un niveau de fatigabilité moins important en raison de tous les gains musculaires et cardiovasculaires entraînés par la pratique sportive régulière. Les gestes du quotidien sont ainsi facilités pour la personne en situation de handicap. Tous ces effets positifs doivent être ajoutés aux autres effets, que sont les effets psycho-sociaux interpersonnels et de réduction de l'isolement social, dans le cadre de la pratique sportive et notamment dans un cadre fédéral. Pour ces raisons, la situation actuelle nous inquiète énormément.

Au 31 octobre, les deux fédérations spécifiques enregistraient un net recul des licences. La Fédération française handisport se situe dans les taux présentés par le président Masseglia, c'est-à-dire un taux de recul de prise de licences de 18 %, là où la Fédération française du sport adapté présente un recul à hauteur de 70 % des prises de licences. Cet arrêt du sport pour les personnes en situation de handicap est assez fortement marqué dans les collaborations que ces fédérations connaissent avec le secteur social et médico-social. Actuellement, ces collaborations ne peuvent plus s'organiser pour favoriser les pratiques sportives mises à disposition des personnes en situation de handicap. A l'impact financier pour les clubs, s'ajoutent la réduction des partenariats et le fait de ne plus pouvoir organiser, dans le contexte actuel, des championnats, qui constituent des recettes complémentaires pour l'ensemble des clubs sportifs – que ceux-ci accueillent ou non des personnes en situation de handicap.

Dans le secteur du sport handicap, le public jeune n'est pas le public le plus aisément captif pour la prise de licence. En effet, dans nos fédérations spécifiques, les jeunes – c'est-à-dire les moins de vingt ans – représentent seulement un quart des licences, tandis que la proportion se révèle plus importante dans les fédérations accueillant un public valide. Ce public jeune s'avère complexe et difficile à capter au regard des freins mis à la pratique sportive en situation de handicap, et notamment le poids de l'écosystème qui entoure le jeune en situation de handicap dans sa pratique. Nous pouvons considérer que le poids de la crise sanitaire sur le secteur médical et la vie des parents freine encore plus la pratique de ces jeunes en situation de handicap, bien que je ne dispose pas actuellement de chiffres sur lesquels m'appuyer pour étayer ce propos. Ensuite, je souhaite nuancer celui-ci dans la mesure où il est important de souligner que le décret paru le 29 octobre n'interdit pas la pratique sportive des personnes en situation de handicap. Malheureusement, entre l'application de ce décret et la réalité, il existe une disparité, dans la mesure où certaines collectivités ne se trouvent pas en capacité de mettre en œuvre cette exception pour les personnes en situation de handicap. Certaines associations peuvent avoir la volonté de ne pas réaliser l'activité au regard du rôle de bénévole et de la responsabilité que représente l'accompagnement de la pratique des personnes en situation de handicap en temps de crise. De plus, pour un club qui accueille en inclusion un, deux ou trois sportifs en situation de handicap, la continuité de pratique n'est pas possible. On ne peut effectivement pas ouvrir une structure, notamment de sport collectif, uniquement pour un ou deux athlètes en situation de handicap. Par conséquent, même si notre public bénéficie de cette dérogation, la réalité sur le territoire est toute autre et nous constatons un arrêt de la pratique des personnes en situation de handicap.

Par conséquent, nous avons besoin de mettre en place des outils pour faciliter la reprise ainsi que la possibilité de continuité actuellement offerte aux personnes en situation de handicap. Cela passe notamment par le Pass'sport, qui constituera un réel soutien pour les familles et les personnes en situation de handicap. Ces dernières se trouvent majoritairement dans des foyers qui présentent des difficultés financières. Cet accompagnement via le Pass'sport serait une aide pour faciliter la pratique des personnes en situation de handicap.

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Tout au long de nos auditions, nous avons mis en lumière le fait que la place de l'enfant et du jeune dans les politiques publiques était insuffisant. Je considère qu'il en va de même pour la pratique sportive. Des fonds sont annoncés pour l'activité culturelle et les intermittents de la culture, ce qui est très bien. Cependant, le sport constitue également un élément d'épanouissement et de construction des individus. Les pertes en nombre de licenciés relèvent probablement à la fois de l'inquiétude des familles par rapport à toutes les activités collectives, mais également au fait d'avancer le prix de la licence sans savoir si la pratique sera assurée. Vous avez tous deux raison de dire que cette situation aura des conséquences importantes sur la santé physique, mais aussi la santé psychique de ces enfants et de ces jeunes, qui trouvent dans les clubs une sociabilité, du plaisir et une réponse humaine à travers l'encadrement des bénévoles comme des techniciens.

Premièrement, j'aimerais connaître, de manière précise, les réponses du Gouvernement pour l'instant. Vous avez raison de dire que l'affirmation selon laquelle les clubs n'ont pas de charges ne constitue pas une réponse. La question porte sur leur capacité à poursuivre leur activité. J'approuve complètement votre proposition de Pass'sport de rentrée et d'aider à la mise en place des cartes passerelles, qui me semblent être une idée très positive. Ne faudrait-il pas également que le Gouvernement débloque rapidement, pour les clubs amateurs, un fonds d'urgence identifié comme tel qui puisse être réparti grâce aux fédérations et à vos comités ?

Deuxièmement, j'ai lu dans plusieurs articles que le sport professionnel féminin était touché, notamment le basketball et le handball. Or nous savons combien la visibilité du sport féminin de haut niveau est importante pour que les filles aient envie de pratiquer. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette situation du sport professionnel féminin ?

J'aimerais également savoir où nous en sommes de la préparation de Tokyo pour nos athlètes de haut niveau. Est-elle assurée dans de bonnes conditions ? Quel est votre avis à ce sujet ?

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En ce qui concerne la préparation de Tokyo, nous avons la chance d'avoir une athlète de haut niveau, Marie-Amélie Le Fur, qui pourra nous en dire davantage. Je crois que les conditions de préparation correspondent à ce que nous pouvons faire de mieux dans le contexte actuel. Toutefois, l'absence de compétition constitue une difficulté supplémentaire, que rencontrent les athlètes du monde entier.

S'agissant des autres points et suite à des visioconférences avec les fédérations, nous avons écrit à la ministre – davantage pour acter les choses que pour obtenir une décision immédiate – en signalant qu'il existe actuellement trois besoins. Le premier concerne le fait que certains clubs se trouvent en réelle difficulté et qu'il faut les aider. Pour ce faire, une augmentation de la dotation aux projets sportifs fédéraux dans le cadre de l'Agence nationale du sport est nécessaire et elle doit passer par les fédérations. Nous avons constaté que quinze millions d'euros avaient été débloqués pour aider les clubs, mais ceux-ci, lorsque vous les interrogez, s'en étonnent. Cela passe par les directions régionales de la jeunesse et des sports et nous ne savons pas exactement comment est construit le réseau. Nous avons l'impression que les professionnels de la demande de subventions en profitent le plus, et pas nécessairement ceux qui sont dans le besoin. Par conséquent, la demande d'aide aux clubs les plus en difficulté doit passer par l'intermédiaire des fédérations et des projets sportifs fédéraux de l'Agence nationale du sport.

Certaines fédérations se trouvent en réelle difficulté. Pour certaines, la dépendance aux licences est importante. Avec des taux de renouvellement de licences qui, comparativement au 31 octobre, montrent des chutes de 30, 40 voire 50 %, il est évident que la situation va provoquer des manques à gagner considérables par rapport à une activité qui n'est pas tellement éloignée de la normale. Il semble donc nécessaire de réfléchir à la manière de prendre en compte cette difficulté dans les conventions d'objectifs des fédérations. Nous avons mené une enquête à laquelle 65 fédérations ont répondu. On pourrait s'étonner que toutes n'aient pas répondu, mais tel est le cas. Cette enquête est en cours de finalisation, mais je peux d'ores et déjà affirmer qu'elle confirme que certaines fédérations ne subissent pas de pertes, ce qui correspond aux 25 % de clubs qui indiquent ne pas rencontrer de difficultés particulières. Pour les 75 % restants, certaines fédérations subissent 40 à 50 % de pertes. Il est donc nécessaire de compenser cette situation.

Le troisième élément technique sur lequel nous avons voulu acter nos demandes est le Pass'sport de reprise. Si la crise doit avoir une utilité, c'est celle-ci. Le programme du candidat Emmanuel Macron comportait un passeport culture et sport. Je ne peux comprendre – de même que tous les acteurs du sport – que le sport ait disparu. On a considéré que la culture était plus essentielle pour les jeunes. Cependant, quand on constate ce qu'il inclut – comme des abonnements à Netflix ou autres – on peut s'interroger sur l'intérêt de ce passeport culture qui, de surcroît, n'a pas obtenu les résultats escomptés. Peut-on s'imaginer qu'un passeport sport, s'il existait, ne serait pas utilisé par les jeunes ou les parents ? J'affirme qu'un tel passeport donnerait un plein rendement. Il suffit que les élites prennent conscience que le sport peut être important. Il semble que le sport ne fait pas partie de leur vocabulaire, ce qui peut constituer un véritable problème. Je considère qu'il s'agit d'un problème essentiel au niveau national, en ce qui concerne le sport.

Quant au sport féminin, il était déjà en souffrance auparavant. J'estime que la loi devra être modifiée, qui dit aujourd'hui que la collectivité territoriale ne peut pas proposer d'aide publique pour le sport professionnel. Il convient de considérer deux sports professionnels. L'un d'eux bénéficie de ressources provenant de droits de télévision ou de sponsorings importants, et les salaires y sont considérables, voire choquants. Néanmoins, s'ils sont importants, ces salaires permettent à l'Etat de remplir ses caisses et ils ne doivent pas être critiqués. En revanche, le sport professionnel féminin dans son ensemble et les divisions inférieures des autres sports professionnels – et que je qualifierais de sport semi-professionnel – représentent une véritable activité qui fait vivre des communes et des associations. Il convient de l'aider sans tenir compte du fait qu'il est professionnel et qu'il devrait pouvoir agir seul parce que nous récoltons en contrepartie une animation, une activité utile à la société. Si l'on considère que l'équilibre est positif, nous devons continuer de l'aider. Si l'on refuse de l'aider, nous risquons de nous retrouver dans une situation plus négative que nous l'aurions imaginée. J'ai cru comprendre que certains concerts sont aidés, tandis que les artistes sont payés et parfois bien payés. Il convient donc de s'interroger sur un plan d'urgence pour le sport semi-professionnel. Lors de la visioconférence du 13 novembre avec les fédérations concernées, nous préparerons des propositions en la matière. Sans cela, je suis pessimiste sur l'avenir du sport semi-professionnel et, en particulier, du sport féminin. Si nous n'avions pas créé la chaîne Sport en France, le handball féminin, le volleyball féminin, le hockey sur glace féminin ou le basketball féminin n'auraient pas de diffuseur.

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Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français

S'agissant du sport de haut niveau, nous savons qu'il existe une importante disparité entre les territoires. Néanmoins, je considère que ce deuxième confinement se révèle très différent pour les sportifs de haut niveau puisque, après discussion avec les collectivités territoriales, nous avons obtenu la possibilité de nous entraîner et, dans la plupart des cas, de nous entraîner correctement. Les fédérations prennent actuellement contact avec tous les sportifs de haut niveau pour identifier d'éventuels points de blocages. Toutefois, il est certain que nos sportifs ne se trouvent pas en capacité de préparer sereinement les Jeux olympiques de Tokyo en raison des incertitudes liées à la crise sanitaire sur la tenue des Jeux, des compétitions internationales ou des chemins de sélection. Cette incertitude au quotidien vient perturber la préparation sportive. Nous devons véritablement, au travers des actions des fédérations, parvenir à rassurer les sportifs de haut niveau afin qu'ils soient intégralement concentrés sur leur entraînement. Nous devons également échanger avec le comité d'organisation des Jeux de Tokyo afin d'obtenir les informations nécessaires pour connaître le format des Jeux et rassurer nos sportifs de haut niveau.

En ce qui concerne les demandes et l'appui gouvernemental, le Pass'sport constitue véritablement un besoin des fédérations. La relance par l'emploi représente un élément important pour le mouvement paralympique. La recherche de pratiquants en situation de handicap s'avère bien plus complexe, car les freins sont encore très nombreux. Nous avons besoin que l'ensemble de nos fédérations – non seulement nos fédérations spécifiques, mais aussi nos fédérations nouvellement délégataires et, plus largement, toutes les fédérations membres du Comité paralympique – puissent avoir accès à des emplois dédiés sur la recherche de futurs pratiquants en situation de handicap. Dans le passé, ces emplois ont permis aux fédérations spécifiques d'intervenir dans les territoires en relation avec les établissements médico-sociaux et les écoles, pour rechercher de façon plus ciblée la personne en situation de handicap et, indirectement, d'accroître le nombre de licenciés en situation de handicap.

Nous devons également agir sur une autre opportunité, qui est le lien entre le sport à l'école et la pratique du sport en milieu fédéral. A un moment où la pratique du sport à l'école n'est pas encore une réalité pour les personnes en situation de handicap parce qu'elle reste complexe à mettre en œuvre et que l'adaptation d'une épreuve du Bac est différente de l'adaptation totale d'un cycle de pratique, nous devons véritablement utiliser ce levier du lien avec le milieu associatif pour créer ce lien, dès l'école, entre le sport et la personne en situation de handicap. L'objectif est de créer une aventure avec le sport qui va bien au-delà du cadre scolaire. Tout cela ne fonctionnera que si, adossé à ce plan de relance, nous avons un plan de sauvegarde des clubs qui, dès à présent, leur permette de traverser cette période de crise où la plupart des personnes n'ont plus aucune activité.

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Aujourd'hui, l'activité sportive représente bien plus que la question de l'épanouissement ou de la santé physique. Le coup d'arrêt sans précédent pour le sport amateur et la vie associative dans notre pays constitue une perte substantielle de relations humaines et de vie sociale. Nous en mesurerons les conséquences dans la durée. Le risque est de sous-estimer ce qui est en train de se dérouler dans le pays. Malheureusement, les moyens financiers mis en face de cette crise que traverse notamment le sport amateur sont nettement insuffisants. Dernièrement, nous avons beaucoup entendu Tony Parker, qui se fait le porte-parole du sport français. Au lieu de s'adresser à Jean-Michel Blanquer ou Roxana Maracineanu, la ministre des sports déléguée, il ferait mieux de s'adresser directement à Bercy. Nous ne sommes pas pris au sérieux dans nos discours. Nous avons interrogé Jean-Michel Blanquer sur la question du sport à l'école parce que, dans le décret gouvernemental, les élèves, à l'école et dans le cadre des activités périscolaires, les personnes en situation de handicap et les malades chroniques figurent bien parmi les publics prioritaires – qui restent malheureusement très faibles – pour la pratique sportive. Si nous comprenons la nécessité de réduire les interactions sociales dans cette période et contrairement à la première période où les écoles étaient fermées, il manque un grand plan d'accompagnement, y compris à l'école et dans le cadre des activités périscolaires pour faire pratiquer plus de sport aux plus jeunes et aux enfants dans la mesure où les clubs sportifs ne peuvent plus assumer cette tâche.

Lorsque j'ai entendu, avant l'été, les discours disant que les clubs amateurs réalisaient des économies, j'ai considéré que nous étions très éloignés de la réalité du pays. Au regard des trois ou quatre millions de licenciés en moins, la part fédérale de 40 euros par licencié correspond à une perte de 150 millions d'euros pour les fédérations. Or celles-ci ne sont pas toutes riches comme les fédérations du football, du rugby ou du tennis. Deux millions d'euros ont été placés dans le fonds de solidarité pour le basketball, dont un million à disposition des clubs, mais seulement 300 000 euros ont été consommés parce que ces dispositifs ne sont pas suffisamment connus. Le fonds d'urgence doit être à la hauteur. Il ne peut pas se situer à 15, 30, puis 50 millions d'euros pour l'ensemble du pays, mais à des montants d'au moins 150 ou 200 millions d'euros, ce qui nécessite véritablement des décisions. Il en va de même pour le mécénat sportif.

Quant au Pass'sport, il est effectivement nécessaire. Il faut créer un chèque sport, c'est-à-dire une mesure d'accompagnement de la reprise de l'activité physique quand celle-ci sera possible. Malheureusement, il subsiste des incertitudes. Nous ne savons pas si nous devrons faire face à une troisième vague en janvier-février ou une quatrième au printemps. Nous devons attendre une diffusion massive du vaccin. Quand ce moment viendra où nous aurons la certitude qu'il est possible de relancer durablement les activités physiques et sportives dans les clubs, il faudra une mesure d'accompagnement de soutien aux familles dans la dépense sportive. Ce chèque sport ne peut pas attendre la rentrée 2021. Nous devons être, tous ensemble – le CNOSF, le CPSF et les élus –, mobilisés sur les questions sportives pour affirmer que cette mesure doit intervenir dès le début de l'année 2021. L'accent n'a pas été mis au moment du déconfinement sur l'activité physique adaptée en mettant des éducateurs au service des clubs pour repartir, d'abord sur l'activité physique de plein air et individuelle, puis sur les sports collectifs et les sports de contact. Il convient de le faire aujourd'hui sur la reprise des activités physiques pour les plus jeunes et les enfants, ce qui passe par l'école, puis par les clubs.

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L'élément qui m'a choqué est l'absence, parmi les commerces ouverts, de magasins de sport. On a donc jugé que le bricolage était indispensable à l'équilibre des personnes, et non le fait de s'équiper en matériel de sport. On a peut-être considéré que les personnes étaient déjà équipées – comme si une paire de tennis ne s'usait pas – et que ceux qui n'étaient pas équipés n'avaient pas besoin de l'être. Cet aspect me paraît assez révélateur du fait que le sport n'est pas suffisamment défendu ou qu'il est véritablement considéré comme une quantité négligeable. Je ne prends pas la défense des magasins de sport, mais je souhaite simplement préciser qu'ils ont été oubliés, comme les fleuristes ou les cordonniers. Un tel manque de considération nous donne une bonne indication et explique que le bénévolat échappe totalement aux radars de Bercy. Une éventuelle aide financière sera déjà perçue comme une certaine marque de cette considération pour le monde du sport. L'action du sport et de tout ce qu'il peut apporter aux populations doit être reconnue. On est en train de mettre en péril tout un secteur d'activité. Je considère que des solutions existent et j'espère que celle du Pass'sport de reprise sera unanimement soutenue, car elle constitue la priorité première pour nous.

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Je pense que la crise peut constituer, malgré tout, une « aubaine » pour enfoncer des portes qui n'ont jamais réussi à s'ouvrir auparavant. Il est possible de brandir la peur liée à la santé qui fait fonctionner notre société en se demandant effectivement si l'école, les jeux vidéo et les parents suffisent pour faire des adultes équilibrés et sains de corps et d'esprit. Sommes-nous tous collectivement à la hauteur ? Avons-nous tous fait le nécessaire entre les deux confinements, collectivement et à l'unisson, pour porter cette parole et que le message parvienne à nos ministres ?

Pour apporter une note plus positive, je précise que l'administration est ébranlée et je l'ai constaté par rapport aux associations. Elle a une autre écoute qu'auparavant. Certains éléments remontent et les bénévoles commencent à obtenir une certaine reconnaissance. Nous, les élus, devons intercéder dans ce sens.

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Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français

Cette crise nous amène tous à nous réinterroger et voir différemment les opportunités. Nous devons l'utiliser pour permettre à nos clubs de se renouveler, se réinventer et surtout avoir la capacité d'aller chercher les pratiquants supplémentaires pour les transformer en licenciés. Nous ne devons pas oublier que le sport représente un intérêt social, et que ce lien social ne se trouve qu'au travers du club et de la pratique sportive adaptée, via des protocoles sécurisés mis en place par les bénévoles.

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Nous notons une alerte importante sur le sport adapté, avec la perte de 70 % de licences, qui doit nous interpeller.

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Marie-Amélie Le Fur, présidente du Comité paralympique et sportif français

La problématique existe véritablement dans les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) actuellement. Une évolution de la loi-cadre de 2002 est nécessaire pour que le sport soit inscrit dans le projet des établissements au même titre que la culture ou d'autres activités. Tel n'est pas le cas actuellement et, malheureusement, la crise sanitaire amène les directeurs à s'interroger et couper ce lien avec l'extérieur qu'offrait traditionnellement le sport à ces établissements et à leurs adhérents.

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Nous devons faire en sorte que le sport ait toute sa place dans le débat public et le débat politique. J'ai hâte que s'annonce la loi sport et société, qui nous permettrait de revisiter toute une série de problématiques concernant l'accès à la pratique sportive pour toutes et tous. Les déclarations de Marie-Amélie Le Fur sont très importantes, car ces sujets sont véritablement au cœur de notre commission d'enquête. Certaines de nos auditions sur le médico-social montrent ce besoin de maintenir l'ouverture des établissements. Pour le sport adapté, nous aurons des recommandations à faire en ce sens.

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Je vous remercie et vous rappelle que vous pouvez nous faire parvenir vos préconisations jusqu'au 19 novembre et insister sur certains points vous paraissant cruciaux, que nous pourrions intégrer au rapport.

L'audition s'achève à onze heures dix.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 12 novembre 2020 à 10 heures 15

Présents. – Mme Marie-George Buffet, M. Régis Juanico, Mme Sandrine Mörch