Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du mardi 10 novembre 2020 à 17h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Mardi 10 novembre 2020

La séance est ouverte à dix-sept heures trente-cinq.

Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente

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Je suis heureuse de recevoir Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, pour achever notre cycle d'auditions sur l'impact de la crise sanitaire sur l'enseignement supérieur et les étudiants, à la suite des auditions que nous avons tenues le 22 octobre dernier. Je vous rappelle qu'à cette occasion nous avions entendu la Conférence des présidents d'université, la Conférence des grandes écoles, la présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, ainsi que plusieurs étudiants, venus de différentes régions et suivant divers cursus. Nous avions également auditionné des représentants de syndicats étudiants à la mi-septembre.

Pendant ce deuxième confinement, à quelques exceptions près, les cours de l'enseignement supérieur sont dispensés à distance. Ce choix, qui s'explique par des considérations sanitaires, n'est pas neutre pour les étudiants et tous ceux que nous avons entendus il y a deux semaines nous ont dit leur fort attachement à l'enseignement sur place. C'est d'ailleurs ainsi que se poursuivent les formations supérieures – préparations aux grandes écoles et BTS – dans les lycées, ce qui induit une différence de traitement entre les étudiants. Vous nous éclairerez, madame la ministre, sur la mise en œuvre du nouveau confinement, vous nous direz comment les professeurs se sont organisés pour enseigner à distance, s'ils ont été formés à cette fin et de quels outils ils disposent. Vous nous indiquerez comment vous remédiez aux inégalités d'accès au numérique entre les étudiants, et aussi comment vous envisagez l'organisation des examens pendant cette nouvelle année universitaire, pour autant que cela soit possible.

Disposez-vous de premiers éléments sur l'impact de la crise sur l'acquisition des connaissances ? Avez-vous une idée du nombre d'étudiants « perdus » en cours d'année à la suite du confinement, ou qui ont interrompu leur cursus ? Les programmes des cursus universitaires ont-il vocation à être aménagés, pour tenir compte des difficultés rencontrées à la fin de la dernière année universitaire et au début de l'année 2020-2021 ?

Quel a été l'impact de la crise sur la mobilité internationale des étudiants ? Qu'en est-il des départs dans le cadre d'échanges internationaux ? Combien d'étudiants étrangers sont venus en France en cette rentrée particulière et quelles sont leurs conditions de vie ?

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires qui s'imposent aux personnes auditionnées par une commission d'enquête, je vous prie, madame la ministre, de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

(Mme Frédérique Vidal prête serment.)

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

L'audition de ce jour traite d'un sujet essentiel pour la jeunesse et la Nation toute entière. Par cette audition, la représentation nationale consacre l'absolue priorité que nous devons à la jeunesse pendant la traversée d'une crise loin d'être achevée. Aussi violente que durable, la pandémie appelle une mobilisation inédite car il nous faut gérer le présent et l'urgence sans jamais perdre de vue les conséquences de la crise sur l'avenir. Cette dualité a toujours guidé l'action de mon ministère au cours des derniers mois.

Je salue l'engagement de l'ensemble des personnels des établissements d'enseignement supérieur et de recherche et des étudiants. Parfois injustement stigmatisés, nos universités, ceux qui y travaillent et ceux qui y étudient ont, dans leur immense majorité, fait preuve d'un comportement courageux, engagé et responsable. Depuis le début de la crise, la communauté universitaire s'est adaptée et consacrée sans relâche à l'accompagnement des étudiants. Enseignants, personnels administratifs, personnels de direction, personnels des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), chacun s'est investi pour accompagner les étudiants dans la poursuite de leur formation, se mettre à l'écoute des plus vulnérables en offrant des solutions adaptées à chaque situation, qu'il s'agisse de la santé, du logement, de l'alimentation ou du bien-être. Je leur dis ma fierté et ma reconnaissance ; nous continuerons, ensemble, à avancer, à enseigner et à apprendre, malgré cette crise, pour qu'il n'y ait pas de génération sacrifiée.

La crise sanitaire a été le révélateur et le catalyseur des difficultés que rencontrent encore de trop nombreux étudiants en France. C'est pourquoi, dès le début de la crise, mon ministère a réagi le plus rapidement possible pour qu'aucun étudiant ne se sente livré à lui-même. En liaison avec l'ensemble des établissements sur le territoire et avec le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), nous avons pris de très nombreuses mesures d'accompagnement.

Au mois de mars, après l'instauration du premier confinement généralisé, les établissements d'enseignement supérieur, contraints d'assurer tous leurs enseignements à distance, ont défini de très nombreuses mesures d'accompagnement et ont tout fait pour garder un lien constant avec leurs étudiants et maintenir la continuité pédagogique, tout en veillant le plus possible à la situation sanitaire des étudiants et des personnels.

J'ai souhaité que priorité absolue soit donnée à l'accompagnement des étudiants vivant dans les conditions les plus précaires. Conformément aux orientations adressées par mon ministère, les établissements ont mobilisé environ 19 millions d'euros du produit de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Ce soutien s'est traduit par des aides alimentaires, des aides financières d'urgence et des aides pour l'accès au numérique avec la fourniture d'ordinateurs, de tablettes, de supports informatiques ou de clefs 4G. Les CROUS ont distribué des paniers-repas et des produits d'hygiène. Des aides médicales et psychologiques ont été organisées par les services de santé universitaires, les établissements et les CROUS, par téléconsultations, permanences téléphoniques ou mails. Enfin, plusieurs établissements ont créé des parrainages et des aides pour changer de logement, et des cafés virtuels et diverses animations visant au maintien du lien social.

Le logement étudiant a fait l'objet d'une attention particulière. Quelque 50 000 étudiants qui n'ont pas pu ou pas voulu rejoindre leur famille ont pu demeurer dans leur logement ; aucune résidence universitaire n'a été fermée et les étudiants présents pendant le confinement ont été accompagnés par les personnels et par les étudiants référents identifiés par les CROUS. Les étudiants souhaitant se confiner en un autre lieu ont été exonérés du paiement du préavis de départ. Ceux qui se sont confinés dans les résidences universitaires ont été protégés sur le plan sanitaire grâce à la mobilisation conjointe des CROUS et des services de santé universitaires. Le réseau des œuvres sociales a joué un rôle central ; l'engagement et la disponibilité exceptionnelle de l'ensemble de ses agents auprès des 50 000 étudiants confinés dans les résidences a permis de maintenir l'action sociale et de lutter contre l'isolement des étudiants. L'accompagnement psychologique et social a été renforcé, partout, grâce aux étudiants référents des CROUS qui, pour lutter contre le sentiment de solitude et l'angoisse dus à la situation sanitaire, ont organisé des « phoning » et des porte-à-porte dans les résidences.

Toutes ces mesures ont été financées par les 200 millions d'euros supplémentaires ouverts dans le troisième projet de loi de finances rectificative. Une aide exceptionnelle de 200 euros a été versée aux étudiants ultramarins et à ceux, boursiers ou non boursiers, qui avaient perdu leur emploi. Au mois de juillet, sans que les étudiants soient tenus de faire aucune démarche, le versement des bourses a été étendu pour tous ceux dont les concours ou examens terminaux avaient été reprogrammés au-delà du 30 juin. Nous avons également permis que les contrats de thèse, les contrats postdoctoraux et les contrats à durée déterminée dans les laboratoires soient prolongés et financés jusqu'à un an supplémentaire lorsque leur déroulement a été entravé par la crise sanitaire.

Une attention particulière a également été portée aux étudiants étrangers. Il était impératif de continuer à autoriser leur venue tout en s'assurant qu'ils bénéficient des meilleures conditions de vie et d'études possibles en période de confinement. Dès le début de la crise, en concertation avec nos partenaires européens, nous leur avons ouvert nos frontières, y compris à ceux qui venaient de pays où le coronavirus circulait beaucoup. Ce choix n'a pas été remis en question lors du deuxième confinement : être un étudiant inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur en France constitue toujours une dérogation permettant d'entrer sur notre territoire, sous réserve bien sûr du respect des règles sanitaires. Nous avons ainsi pu assurer l'accueil, même tardif, de ces étudiants dans les établissements. Pour ceux qui ne parvenaient pas à quitter leur pays, nous nous sommes assurés qu'ils pouvaient suivre à distance les enseignements auxquels ils étaient inscrits, notamment dans des espaces d'enseignement numérique français ouverts à l'étranger. Depuis, nous avons toujours veillé à ce que l'accueil des étudiants internationaux soit garanti, comme leur accompagnement par les équipes pédagogiques et les CROUS. Les visas octroyés pour l'année académique 2020-2021 ont chuté de 27 %, mais grâce aux dispositifs de formation en ligne, le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans les écoles et les établissements d'enseignement supérieur français est resté à peu près stable, ou en tout cas la diminution constatée n'atteint pas cette proportion de 27 %.

Les établissements ont dû adapter leurs modalités de contrôle des connaissances tout en veillant à garantir la valeur des diplômes et l'égalité de traitement entre les étudiants. Pour assurer le suivi de l'organisation des concours et examens nationaux, un comité opérationnel de pilotage a été institué auprès de mon ministère et du ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports, grâce à l'action résolue de Caroline Pascal et de ses équipes de l'inspection générale. Un nouveau calendrier des sessions 2020 a été établi en liaison avec les établissements et les banques de concours. Une fois encore, une attention particulière a été portée aux étudiants étrangers pour qu'ils puissent revenir en France pour passer ces concours. Dans les universités, les examens et les modalités de contrôle de connaissances des diplômes nationaux ont fait l'objet d'adaptations par les établissements. Qu'il s'agisse des universités ou des écoles supérieures privées, le ministère a veillé à ce que partout l'égalité entre les candidats soit respectée, dans des conditions sanitaires particulièrement rigoureuses. Le bilan de cette session est plutôt positif : l'ensemble des examens a pu se dérouler. Le comité de suivi a été maintenu dans ses attributions.

Les actions menées pendant le confinement se sont poursuivies bien au-delà, avec la préoccupation constante de traiter les deux temporalités de front : gérer l'urgence et préparer l'avenir. Grâce à la préparation accomplie et à la mobilisation des personnels et des services du ministère durant tout l'été, la rentrée de septembre a eu lieu dans des conditions adaptées à la crise, en prenant en compte les spécificités de chaque université. La circulaire du 7 septembre et toutes les préconisations adressées aux établissements et aux recteurs ont, bien sûr, toujours respecté les recommandations du Haut Conseil de la santé publique en tenant compte de l'évolution épidémiologique quotidienne, territoire par territoire sans imposer des mesures uniformes mais en accompagnant chacun le mieux possible. Le port du masque obligatoire à l'université, le respect de la distanciation physique partout et l'instauration d'une jauge à 50 % pour tous les espaces d'accueil dans les établissements situés en zones d'alerte renforcée et maximale étaient des mesures impératives pour protéger les étudiants et les personnels tout en leur permettant de reprendre, protégés et confiants, le chemin des établissements, car pour les étudiants comme pour les personnels, une rentrée sur place était essentielle.

La lutte contre la précarité étudiante s'est poursuivie. Á la rentrée 2020, nous avons gelé les frais d'inscription, augmenté le montant des bourses sur critères sociaux pour la deuxième année consécutive et encouragé les étudiants à demander la révision de leur dossier sur la base de leurs revenus de 2020. Avec l'augmentation prévisionnelle du nombre de boursiers et la revalorisation des bourses, c'est un engagement de plus de 80 millions d'euros qui a été pris. Comme l'an dernier, le versement anticipé de la première mensualité de bourse, pour les dossiers complets, a été fait avant le 31 août pour permettre aux étudiants de gérer plus facilement leur budget de rentrée.

Á ces mesures qui concernent les bourses sur critères sociaux, s'est ajouté un dispositif de grande ampleur traduisant l'engagement pris par le Premier ministre le 15 juillet dans son discours de politique générale : la création d'un ticket de restauration universitaire à un euro pour tous les étudiants boursiers. Ainsi les CROUS ont-ils pu proposer à l'ensemble des étudiants boursiers un repas à 1 euro, financé à hauteur de 50 millions. Cette mesure inédite aide les familles et les étudiants aux revenus les plus faibles ; la contribution de l'État leur permet d'accéder à un repas complet, équilibré et de qualité pour un prix extrêmement réduit. Le prix du « ticket U » pour les autres étudiants a été maintenu à 3,30 euros en dépit de l'inflation. Enfin, une prime de 150 euros a été instaurée pour les étudiants boursiers et les 400 000 jeunes percevant l'aide personnalisée au logement (APL). Cet engagement sans faille en faveur de l'accompagnement des étudiants s'est traduit dans le projet de loi de finances pour 2021 présenté le 26 septembre dernier, les moyens consacrés à la vie étudiante augmentant de 134 millions d'euros.

Mon collègue Olivier Véran et moi-même avons aussi souhaité soutenir les étudiants en soins infirmiers qui ont été en première ligne durant leur stage pour lutter contre le Covid-19. Ils percevront une indemnité exceptionnelle, financée à hauteur de 20 millions d'euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce complément se traduit par une majoration des indemnités de stage durant la période de l'urgence sanitaire permettant de parvenir à 136,50 euros par semaine de mobilisation de ces étudiants, que je remercie pour leur mobilisation, leur solidarité et leur dévouement exceptionnels.

Pour compenser la perte d'un grand nombre de « jobs » étudiants, je travaille avec les établissements et les CROUS à la création d'emplois étudiants pour accompagner les plus fragiles sur les plans psychologique et académique.

La pédagogie à distance a été largement soutenue par le ministère pendant le confinement et au-delà, dans une démarche d'hybridation des formations et d'innovation pédagogique de long terme. Des aides ont été attribuées à la création de ressources numériques et à la conception de cours à distance ; les établissements ont conçu des formations pour les enseignants ; un forum du ministère a été créé, qui donne des conseils pour l'organisation des examens et des évaluations à distance.

Pour aider les établissements à se préparer tout en mutualisant les efforts, mon ministère et le secrétariat général à l'investissement ont lancé au début du mois de juin un appel à projets sur l'hybridation des formations, prioritairement dans le premier cycle, afin de créer des ressources pédagogiques accessibles à distance qui puissent être partagées entre les établissements d'enseignement supérieur. Trente-quatre projets ont été retenus. Des subventions pouvant aller jusqu'à 3 millions d'euros ont été allouées aux quinze initiatives les plus abouties ; un fonds d'amorçage a permis aux dix-neuf autres de lancer dès la rentrée la création de contenus tout en perfectionnant leur projet. Dans le cadre du plan France Relance, 35 millions d'euros permettront aux universités d'étoffer leur offre numérique, de former leurs enseignants, de recruter des ingénieurs pédagogie et d'acheter des équipements.

Le plan « 1 jeune, 1 solution », présenté le 23 juillet à Besançon par le Premier ministre, comporte des mesures générales en faveur des jeunes gens âgés de 16 à 25 ans. Pour mon ministère, ce plan a permis de créer des places nouvelles dans l'enseignement supérieur. En plus des 39 000 places créées depuis 2017 dans le cadre du Plan Étudiants, 10 000 places supplémentaires ont été créées à la rentrée 2020 et 20 000 places le seront à la rentrée 2021. Ces places supplémentaires sont ciblées sur les filières les plus en tension, notamment les formations en santé, les formations paramédicales, les formations courtes. Elles visent à amortir les effets de la crise sanitaire et à accueillir la diversité des nouveaux bacheliers pour faciliter leur accès à la formation. Un soutien massif a aussi été accordé aux contrats d'apprentissage pour maintenir cette filière de formation d'excellence. Enfin, 32 millions d'euros du plan de relance serviront à rehausser la garantie par l'État des prêts étudiants : jusqu'alors, 11 500 jeunes pouvaient en bénéficier ; nous pourrons garantir jusqu'à 67 500 de ces prêts.

Cet ensemble de mesures nous a permis d'aborder la nouvelle période de confinement dans un climat d'anticipation. Les universités ne sont pas fermées ni les formations interrompues. Elles continuent d'être toutes à être dispensés à distance par les établissements d'enseignement supérieur, qui se sont préparés depuis plusieurs mois à ce scénario. L'enseignement à distance s'applique au cours magistraux et aux travaux dirigés. Sur dérogations délivrées par les rectorats, des exceptions sont prévues pour certains travaux pratiques, manipulations ou apprentissages de gestes professionnels. Des aménagements ont également été prévus pour les étudiants dans l'impossibilité de continuer à se former à distance. Nous avons ainsi autorisé un accès sur rendez-vous, dans le respect de jauges sanitaires, aux salles informatiques et aux bibliothèques universitaires des établissements.

Les établissements, le ministère et l'ensemble des personnels continueront d'accompagner sans relâche les étudiants au cours du nouveau confinement. La continuité pédagogique doit être maintenue, comme l'attention portée à la situation sociale et sanitaire de nos étudiants. C'est pourquoi les services de santé universitaires et les services sociaux restent pleinement accessibles ; ils continueront à jouer un rôle majeur. De même, des activités sociales associatives à distance pourront être organisées sur les campus. Des mesures de prévention des risques psycho-sociaux et de prise en charge graduée sont aussi en cours de renforcement, en collaboration avec le ministère des solidarités et de la santé. Enfin, pour éviter à tout prix le décrochage, nous travaillons à mettre en place un tutorat pour les étudiants par les étudiants.

Vous le voyez, le ministère est pleinement mobilisé pour accompagner notre jeunesse dans l'épreuve que nous traversons collectivement. Nous avons pour devoir et responsabilité de minimiser les impacts de la crise pour nos étudiants. Cet impératif n'a pas cessé de guider l'action de mon ministère ces derniers mois et nous poursuivrons nos efforts sans relâche.

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Je rends hommage aux étudiants, étudiantes, enseignants, enseignantes et personnels, tous mobilisés en faveur d'une véritable continuité pédagogique. Un syndicat étudiant de l'Université Paris I Panthéon Sorbonne a reçu plus de 7 000 réponses à un questionnaire portant sur les attentes des étudiants en cette période de confinement. Dans cet échantillon significatif, il est fait état d'inquiétudes sur l'accès au numérique, du besoin de tuteurs, de la volonté d'accéder aux bibliothèques universitaires, du besoin d'aides renouvelées pour faire face à la précarité, et le besoin de suivi psychologique revient avec insistance.

S'agissant de la fracture numérique, l'Observatoire national de la vie étudiante (ONVE) indique dans un rapport que si 79 % des élèves de classes préparatoire disposent d'un espace calme pour travailler, ce n'est le cas que pour 50 % des étudiants à l'université ; 72 % des élèves en classes préparatoire ont une bonne connexion Internet, contre 61 % des étudiants à l'université. Dans ce contexte, la généralisation de l'enseignement à distance crée une inégalité. Á cela s'ajoute, se plaignent les étudiants, que les professeurs, faute de préparation et de formation, utilisent des méthodes d'enseignement par visioconférence différentes. Les fractures numériques au sein des familles et les inégalités sociales ont aggravé les inégalités face à l'éducation. Quel sera, madame la ministre, le calendrier de formation des enseignants et de prêt d'ordinateurs ?

De nombreux psychiatres nous ont alertés sur le fait que la tranche d'âge des 19-25 ans est la plus menacée de souffrance psychique ; considérez-vous que les centres médico-sociaux soient suffisamment adaptés à cette période de crise ? Quelles mesures envisagez-vous pour améliorer l'accès des étudiants et des étudiantes à un soutien psychologique ? Je me félicite de la généralisation du tutorat, que vous avez annoncée, mais comment s'organisera-t-il ?

Une enveloppe de 19 millions d'euros vise à réduire la précarité étudiante, soit 7 euros par étudiant. Á cette somme, s'ajoutent l'augmentation des bourses et l'aide exceptionnelle de 150 euros accordée aux boursiers et aux bénéficiaires des APL. Mais, la crise persistant, ne faudrait-il pas concevoir des aides plus permanentes, en venir à des bourses versées douze mois par an et garantir un revenu étudiant permettant à tous d'apprendre dans de bonnes conditions ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Les chiffres que vous avez cités montrent que la population des classes préparatoires et celle des universités sont différentes. C'est la fierté de l'Université d'accueillir tous les étudiants, mais un grand travail a été fait qui s'est concrétisé dans la loi Orientation et réussite des étudiants et l'instauration de quotas d'accueil d'étudiants boursiers dans les classes préparatoires. Nous allons poursuivre sur cette voie ; le Sénat a d'ailleurs introduit des dispositions en ce sens dans le projet de loi de programmation de la recherche.

Certains étudiants, c'est vrai, ont un accès plus compliqué que d'autres aux formations en ligne. Ce peut être par défaut d'équipement, et c'est pourquoi, pour l'ensemble des universités, 1 800 ordinateurs ont été achetés et mis à disposition des étudiants, 4 800 ont été prêtés par les établissements et plus de 5 000 cartes SIM et clefs 4G distribuées. Des étudiants qui avaient décidé de passer le premier confinement ailleurs que dans les résidences universitaires y sont restés lors du deuxième confinement ; les résidences sont connectées et nous maintenons ouvertes les salles de ressources pédagogiques et informatiques ainsi que les bibliothèques universitaires, pour certaines équipées d'ordinateurs. Les étudiants peuvent prendre rendez-vous pour venir y travailler.

Les enquêtes menées montrent que, plus que l'incapacité d'accès à un ordinateur, les difficultés principales sont l'absence d'un espace où s'isoler pour étudier et le fait que l'ordinateur étant utilisé par tous les membres de la famille, les étudiants se voient souvent affecter un créneau horaire très tardif ; cela perturbe leur sommeil et ne favorise ni les études ni l'équilibre psychologique. Nous avons donc amplifié notre effort. Nous accompagnons ceux des primo-entrants qui n'ont pas d'équipement informatique, mais il importait particulièrement de leur donner un espace de travail pour suivre les enseignements à distance. Actuellement, que ce soit pour venir aux travaux pratiques ou pour accéder à ces salles, environ 10 % des étudiants – ce ne sont pas toujours les mêmes – sont accueillis par roulement sur les campus. Cela permet aussi de maintenir un lien social, également très important. C'est pourquoi, quand nous avons préparé la rentrée avec eux, les étudiants nous ont dit tenir à ce que les enseignements aient lieu, le plus possible, dans les établissements. La rentrée est l'occasion joyeuse de retrouvailles, qui se fêtent. Des foyers infectieux se sont ainsi formés, ce qui a donné une mauvaise image de cette jeunesse. Certes, il y a eu des contaminations, mais que l'on veuille bien considérer que, selon les agences régionales de santé, on a dénombré, depuis le 14 septembre, 16 000 cas positifs dans l'ensemble de la population étudiante, ce qui n'est pas considérable. Mais quand des promotions entières sont touchées, cela se voit, et cela a été une difficulté réelle.

Les établissements nous demandent de renforcer le tutorat. Mme Elisabeth Borne et moi-même y travaillons depuis des mois. L'établissement de contrats étudiants de quelques heures hebdomadaires étant entravé par la lourdeur des règles administratives de paiement dans la fonction publique, nous envisageons, pour simplifier la procédure, d'instituer un « chèque emploi étudiant » sur le modèle du CESU et, étant donné la situation, nous cherchons, pour aller encore plus vite, à appliquer un mécanisme dérogatoire. Cela permettra d'une part de rompre la solitude des étudiants isolés et de renforcer l'accompagnement académique, d'autre part de créer dans les établissements d'enseignement, les bibliothèques universitaires et les CROUS, des emplois étudiants qui pourront être valorisés dans les cursus, remédiant ainsi aux difficultés financières des étudiants qui ont perdu leur emploi en raison de la crise. J'espère pouvoir faire des annonces très vite à ce sujet.

Parce que la souffrance psychologique des étudiants est réelle, nous travaillons avec le ministère des solidarités et de la santé à assurer un accompagnement par des psychiatres et nous mobilisons, dans les CROUS, les étudiants référents volontaires, que leur engagement altruiste aide à mieux supporter leur propre isolement. Ils prennent des nouvelles de leurs condisciples et leur proposent des animations par le biais d'internet.

Nous travaillons depuis plusieurs mois, avec les associations étudiantes, à la création d'un revenu global d'autonomie. C'est notre objectif commun mais il est de réalisation difficile car de nombreuses aides éparses existent, pour certaines nationales, pour d'autres régionales ou départementales, parfois aussi allouées par les métropoles. La première étape, en passe d'aboutir, est la création d'une plateforme unique d'accès à l'ensemble des aides possibles, car les non-recours sont nombreux. Parce qu'il est difficile de comprendre pourquoi, avec les mêmes critères, on est éligible à certaines aides mais pas à d'autres, nous nous efforçons de parvenir à une normalisation. Tout cela est très long car ce travail doit se faire au mieux avec l'État et avec les collectivités. Nous nous y employons.

Enfin, le Gouvernement tenait à soutenir l'apprentissage dans l'enseignement supérieur. Parce que les contrats d'apprentissage permettent à des jeunes gens qui autrement ne le pourraient pas de faire des études, l'État prend actuellement en charge la presque totalité du coût de ces contrats en allouant une aide exceptionnelle de 8 000 euros aux entreprises qui recrutent un alternant majeur de l'enseignement supérieur. Cette mesure a permis à de très nombreux étudiants de pouvoir poursuivre leurs études. De mémoire, le nombre de contrats d'apprentissage dans l'enseignement supérieur a été maintenu, preuve que le dispositif est suffisamment attractif pour que les entreprises jouent le jeu.

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Les étudiants travaillent pour pouvoir se loger, se nourrir correctement, se soigner ; certains doivent aussi rembourser un prêt étudiant. La disparition, avec la crise, des « jobs » étudiants a eu un énorme impact et tous n'ont pas le soutien familial qui leur serait nécessaire. Quand pensez-vous pouvoir mettre en place le revenu global d'autonomie que vous avez évoqué et quels étudiants y seront éligibles ?

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Les femmes sont surreprésentées dans l'ensemble des étudiants vivant dans la précarité. D'après les chiffres clés pour 2020 de la vie étudiante, les étudiantes sont davantage bénéficiaires de bourses allouées sur critères sociaux que les étudiants, avec des taux de respectivement 40 % et 34 % ; selon une étude de l'UNEF publiée en août dernier, les étudiantes sont plus touchées par l'augmentation du coût de la vie que leurs condisciples hommes, dépensant 524 euros de plus que les étudiants pour des dépenses liées au genre – épilation, protections hygiéniques, habillement ou médicaments par exemple. La crise exacerbe cette situation : à la veille du reconfinement, plusieurs centaines d'étudiantes de l'Université Rennes 2, qui s'approvisionnent régulièrement à l'épicerie gratuite de la faculté, ont fait la queue pour récupérer des protections hygiéniques. Des ONG qui venaient traditionnellement en aide aux mères de famille ou aux étrangers en situation précaire ont tiré la sonnette d'alarme pendant le confinement lorsqu'elles ont été contactées par de nombreux étudiants. Le constat est pour certaines sans appel : près de 70 % des étudiants aidés sont des femmes. Quelles solutions pouvez-vous proposer aux étudiantes ? Comment prendre le genre en compte dans les politiques publiques visant à résorber la précarité étudiante ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Madame Cazarian, je travaille depuis de longs mois à la création d'emplois étudiants mais le sujet est d'une extrême complexité. Les règles de la fonction publique exigent en effet que tout règlement paye un service fait. Soit on établit des contrats longs et les étudiants sont payés à l'échéance, ce qui n'est pas possible car ce peut être très tard, soit on rédige autant de contrats qu'il y a de périodes d'emploi, provoquant un enfer administratif, si bien que cela ne se fait pas non plus. Nous envisageons donc de créer un Chèque emploi étudiant sur le modèle du Chèque emploi service. Nous allons y parvenir, même si la chose est compliquée car les étudiants ne peuvent basculer dans le salariat sous peine de perdre les avantages attachés à leur statut.

Avant d'instituer une aide globale autonomie, il faut recenser toutes les aides existantes ; pour cette raison, nous commencerons par créer un guichet unique, ce qui est en soi un travail de longue haleine. Nous nous y employons depuis plus de dix-mois avec l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) et la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) et nous progressons.

Certaines banques ont accepté de reporter le remboursement des prêts étudiants et nous les y encourageons, comme nous encourageons les opérateurs de télécommunication à faire un geste en faveur des étudiants contraints de suivre des enseignements à distance, mais si nous pouvons procéder à d'amicales pressions, il nous est difficile de les contraindre à reporter le remboursement des emprunts. Aussi 32 millions d'euros sont-ils consacrés à la garantie de prêts étudiants par l'État, qui peut prendre le relais des remboursements en cas de défaut de l'étudiant emprunteur.

Madame Gaillot, je sais la difficulté particulière liée au genre, et c'est pourquoi nous avons favorisé, pendant les deux confinements, des aides de deux types : des aides alimentaires, mais aussi des aides sous la forme de produits d'hygiène de première nécessité dont certains produits à l'usage des femmes. Je suppose qu'en parlant de médicaments vous pensiez à la contraception. Grâce au produit de la contribution de vie étudiante et de campus, des centres de santé ont été installés dans les universités ; peuvent y être consultés des médecins généralistes et aussi des médecins spécialistes dont des gynécologues, ce qui a favorisé l'accompagnement des jeunes femmes, y compris par la prescription de contraception médicamenteuse. Des efforts restent à faire de ce point de vue, mais ces possibilités participent de l'accompagnement défini dans l'urgence du premier confinement et répété lors du deuxième, car nous avons constaté à quel point il est nécessaire, singulièrement pour les étudiantes dont la situation est très précaire.

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Vos explications montrent que votre ministère n'a pas chômé pour aider les étudiants. De nombreuses universités ont maintenu le contrôle continu des travaux dirigés, et aussi les examens partiels de fin de semestre sur place. Cela suscite de vives inquiétudes chez les étudiants, dont beaucoup, à l'annonce du nouveau confinement, sont retournés vivre au domicile de leurs parents, parfois loin de la ville où ils étudient. Outre qu'ils s'inquiètent de leur sécurité sanitaire, le fait de devoir être sur place pour passer les examens leur pose des problèmes logistiques : ils sont contraints pour suivre quelques heures de cours par mois, de rester logés près de leur établissement d'enseignement, dans des habitations parfois exiguës, dans un contexte de confinement, ce qui entraîne, outre le paiement d'un loyer, un risque connu de souffrances psychologiques. De plus, les déplacements entre le lieu de résidence de leurs parents et la ville universitaire sont sources de coûts supplémentaires qu'ils n'avaient pas prévus. Comment faciliter les examens à distance ? Á tout le moins, ne peut-on prévoir une organisation différenciée permettant à tous les étudiants d'éviter ces écueils ?

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Je salue la mobilisation du Gouvernement, qui s'est employé à trouver des solutions pour que les étudiants conservent un toit, ne meurent pas de faim et poursuivent leurs études. La pandémie a eu des effets directs sur les stagiaires et les alternants : selon l'ONVE, le premier confinement a eu pour conséquence que 78 % des étudiants pour qui un stage était prévu n'ont pu le réaliser dans les conditions envisagées. Si pour 23 % d'entre eux, le stage a pu se dérouler avec des modalités adaptées, il a été reporté dans 17 % des cas et annulé pour 38 % d'entre eux. Au-delà de la précarité induite par ces reports, stages et alternance sont indispensables à la future intégration professionnelle de ces étudiants. Les jeunes gens qui se sont ainsi trouvés le bec dans l'eau ont-ils trouvé une solution alternative ? Pour l'année scolaire en cours, quelles mesures sont envisagées pour assurer un stage ou une alternance à tous les étudiants, alors que la situation des entreprises et des organisations qui peuvent les accueillir reste extrêmement tendue ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

On ne peut à la fois demander que les enseignements supérieurs soient maintenus à un plancher dans les établissements pour préserver le lien avec les étudiants et vouloir que les examens aient lieu à distance. La situation dans les résidences universitaires n'est pas ce qu'elle était au printemps. Alors, 50 000 étudiants seulement étaient restés. Cette fois, le nombre des départs est bien moindre, parce que les universités ne sont pas fermées. Nous avons évoqué les examens avec les organisations étudiantes ; mentionnant la fracture numérique, elles ont unanimement souhaité qu'ils soient, le plus possible, organisés dans les établissements. Pour que les diplômes conservent leur valeur et pour être sûr qu'il n'y ait pas de distorsions entre ceux qui ont passé les examens à distance et ceux pour lesquels on a réorganisé les examens, comme on l'a vu au printemps, la règle est cette fois que les examens auront lieu sur place et qu'un maximum de contacts entre étudiants et enseignants seront maintenus, avec un continuum pédagogique. Si cette règle a été fixée, c'est que nous avons pu, en juillet, organiser des examens nationaux et des concours pour des dizaines de milliers d'étudiants dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Ce sont les établissements qui fixent les modalités de l'évaluation pédagogique ; nous leur avons demandé d'organiser au maximum les examens dans leurs locaux, quand c'est possible dans le respect de règles sanitaires strictes. C'est pourquoi la mission de suivi n'a pas été dissoute : elle continue d'apporter son aide aux universités qui en ont besoin.

Le contrôle continu vise aussi à éviter que des étudiants ne décrochent. C'est pourquoi les organisations étudiantes se sont battues pour que l'attestation de déplacement dérogatoire prévoit expressément le cas des déplacements « pour un concours ou un examen ». D'autre part, les établissements d'enseignement peuvent définir des modalités d'examen différentes pour les étudiants qui se trouvent dans des situations particulières ; en ce cas, l'organisation d'examens à distance peut être autorisée par les conseils d'administration. Mais tout cela vaut aujourd'hui. Si dans quinze jours les choses se durcissent, je ne peux garantir que tout, examens compris, ne se fera pas à distance, bien que l'ensemble des enseignants et des étudiants souhaitent qu'il en aille autrement. Je suis consciente que c'est compliqué pour certains, mais je ne doute pas que les établissements continueront de les accompagner.

Les stages sont de deux sortes : les stages conseillés et ceux qui sont obligatoires pour l'obtention d'un diplôme. Nous avons autorisé le report des stages au-delà du 30 juin et, quand cela n'obère pas la qualité du diplôme, nous avons autorisé les établissements à neutraliser les notes de stages. Dans la période de confinement actuelle, le travail est la règle et beaucoup d'entreprises ont pu dématérialiser les stages, qui se déroulent en télétravail. Quand ils ont lieu dans l'entreprise, les stagiaires sont accueillis comme le sont les autres salariés. Il en va de même pour l'enseignement en alternance, qui suppose un contrat de travail. Nous avons tout fait pour que les contrats d'apprentissage dans le supérieur soient maintenus ; plus de 3 milliards d'euros ont été investis à cette fin, et les établissements qui forment en alternance nous ont indiqué qu'ils parviennent toujours à placer leurs étudiants en apprentissage. Parce que la situation est compliquée, les reports ont été autorisés pour faciliter les choses. Enfin, contrairement à la règle habituelle, il est possible de s'inscrire à une formation en alternance, de se voir conférer le statut d'étudiant et de démarrer le volet théorique de la formation sans avoir déjà un contrat de travail signé.

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Y a-t-il des indications que les étudiants de première année, entrés à l'université au terme d'une dernière année d'enseignement secondaire bouleversée et contraints maintenant de suivre les cours à distance, donnent des signes de décrochage, ou la mobilisation des enseignants et des services leur permet-elle de tenir ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Il m'est difficile de répondre à cette question avec certitude car les premières semaines après l'entrée à l'université sont traditionnellement une phase de décrochage. Il semble que grâce aux dispositions que nous avons prises, les décrochages soient en nombre moindre que les années précédentes mais je ne peux vous en dire davantage ; l'évaluation chiffrée des décrocheurs se fait lors des premières épreuves. Les établissements font tout pour garder le lien avec leurs étudiants ; le meilleur moyen de contact paraît être le SMS. Mais les établissements ont constaté au printemps que certains étudiants n'osent pas se déclarer en difficulté à l'administration ; cela dit l'importance qu'ils puissent s'adresser à leurs pairs, étudiants référents du CROUS ou tuteurs dans les universités, en mesure de les diriger vers l'assistante sociale ou le service de santé qui leur offriront une aide dans le respect du secret professionnel.

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Je vous remercie, madame la ministre, pour tout le travail réalisé pendant cette crise. Ce que vous avez dit des « jobs » étudiants, de la plateforme unique, du revenu global d'autonomie et des dispositions prises pour limiter le non-recours aux droits et aux aides sont autant de bonnes nouvelles. La mission flash que Muriel Ressiguier et moi-même avons conduite sur le financement des CROUS lors de la crise sanitaire a mis en évidence les nombreuses difficultés qu'affrontent les étudiants, dont la détresse psychologique. Les CROUS souhaitent le maintien des postes de référents étudiants ; en sera-t-il ainsi ? Sur un autre plan, comment les campus connectés se sont-ils adaptés à la crise ? Les étudiants sont-ils revenus ?

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Madame la ministre, l'École nationale supérieure Louis-Lumière et les autres écoles d'art ont-elles obtenu la dérogation qu'elles vous ont demandée pour pouvoir continuer leurs enseignements sur place ?

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

Les étudiants référents jouent un rôle très efficace, je l'ai observé tout au long de ma carrière universitaire. Ils sont essentiels pour le tutorat, le lien social et l'animation, et c'est pourquoi, je l'ai dit, nous inclurons cette fonction dans les emplois étudiants ; les CROUS comme les étudiants sont demandeurs.

Á ma connaissance, toutes les dérogations demandées par les écoles d'art pour maintenir les enseignements sur place ont été autorisées par une communication faite conjointement avec la ministre de la Culture le 30 octobre dernier. Elles l'ont été pareillement à l'université pour les enseignements fondés sur des pratiques, dans les unités de formation et de recherche (UFR) Arts et celles de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS).

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L'ancienne garde de bénévoles s'effaçant, il faut la renouveler. Cafés et cinémas étant fermés, la crise sanitaire est l'occasion de convaincre les jeunes gens de s'engager au service des autres. Á Toulouse, des étudiants en santé ont fait du soutien scolaire dans un bidonville. Ils ont ainsi permis à une cinquantaine d'enfants de faire la rentrée dans de bonnes conditions ; ils ont aussi découvert une strate de la population qu'ils n'auraient jamais rencontrée et savent désormais ce qu'est la grande pauvreté, ce qui est nécessaire aux professionnels qu'ils seront. Ce type d'engagement doit demeurer gratuit. Comment susciter davantage le bénévolat par les étudiants ? L'État leur consacre des sommes colossales ; ne faut-il un donnant-donnant républicain, au risque, sinon, de faire tomber dans l'assistanat les adultes de demain qui, en ces temps de crise, ne doivent pas seulement être sous perfusion mais s'engager dans un balancement « Je reçois, je donne » ? Les jeunes gens ont la fibre altruiste mais ne pensent pas toujours à passer à l'acte.

Plusieurs de mes proches, étudiants, trouvent un grand réconfort dans la pratique de la méditation de pleine conscience et sont très reconnaissants aux jeunes étudiants qui donnent ce cours par visioconférence. Une étude conduite à Singapour montre que cette pratique, communément utilisée par les étudiants des pays d'Asie, réduit l'anxiété et renforce les défenses immunitaires. Quel est votre avis personnel à ce sujet ? Des recherches sur la pleine conscience ont-elles lieu en France ? Ne pourrait-on par ce biais réduire les très forts risques psycho-sociaux qui menacent notre jeunesse pendant la pandémie ?

Enfin, la distribution de l'aide alimentaire ne pourrait-elle être prise en charge par les étudiants ? Cela éviterait le sentiment de honte qui étreint les nouveaux publics demandeurs et restaurerait leur dignité.

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Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation

La solidarité étudiante, valeur cardinale, se traduit par un engagement au sein d'associations qui organisent le bénévolat ; ces associations étudiantes sont financées par le ministère et les établissements et il faut continuer de promouvoir leurs actions. Envisager de créer des emplois étudiants pour assurer le tutorat, ce n'est pas faire de l'assistanat. Des étudiants peuvent se permettre de le faire bénévolement et c'est très bien, mais d'autres ne pouvaient étudier que parce qu'ils avaient un complément de revenus apporté par un emploi étudiant ; il faut les aider à trouver un emploi de substitution à un « job » étudiant qui n'existe plus. Pour autant, tous les étudiants qui fournissent leur aide ne seront pas payés : les bénévoles continueront de l'être au sein des associations étudiantes, qui constatent d'ailleurs plus d'adhésions. On doit combiner cet altruisme et l'aide financière indispensable à certains en contrepartie du rôle qu'ils assument au service de leurs pairs. C'est pourquoi nous subventionnons un très grand nombre d'associations étudiantes dont les membres aident d'autres étudiants. De nombreux jeunes ne demandent qu'à aider les autres ; certains, par exemple, accompagnent des personnes âgées isolées. On ne peut opposer le besoin de bénévoles et la nécessité de créer des emplois étudiants ; les deux approches ne sont pas concurrentes.

Nous mobilisons les banques alimentaires, mais aussi des fabricants de produits alimentaires et de produits d'hygiène et de première nécessité afin qu'ils en donnent au réseau des AGORAé, épiceries solidaires gérées par des étudiants pour des étudiants. Il est plus facile d'aller dans ces locaux associatifs qu'à la Croix-Rouge ou à la soupe populaire.

La méditation de pleine conscience, comme le yoga, relève d'une pratique personnelle. Si des gens y trouvent du réconfort, c'est bien ; d'autres trouvent ce réconfort dans les concours de cuisine ou la musique. Cette pratique a fait l'objet d'une étude de psychologie clinique à l'Université de Grenoble et, à Bordeaux, une équipe de recherche s'est penchée sur les effets de la méditation de pleine conscience sur la scolarité des enfants hyperactifs. Peut-on prescrire la méditation de pleine conscience ? Je n'irai pas jusque-là, mais dans toutes les résidences étudiantes que j'ai visitées, j'ai observé que l'on propose de partager recettes de cuisine, morceaux de musique, cours de yoga ou de méditation. Je sais votre collègue Gaël Le Bohec très favorable à l'utilisation de cette pratique pour remédier à la détresse psychologique des étudiants. N'étant pas médecin, je ne me prononcerai pas.

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Je ne prétendais nullement remettre en cause les aides apportées aux étudiants mais souligner qu'en cette période de crise, le désir de s'engager peut s'exprimer davantage.

Madame la ministre, je vous remercie.

L'audition s'achève à dix-neuf heures.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du mardi 10 novembre 2020 à 17 h 15

Présents. – Mme Marie-George Buffet, Mme Danièle Cazarian, Mme Fabienne Colboc, Mme Albane Gaillot, Mme Perrine Goulet, M. Gaël Le Bohec, Mme Sandrine Mörch, Mme Maud Petit, Mme Florence Provendier, Mme Souad Zitouni