Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 14h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jeudi 5 novembre 2020

La séance est ouverte à quatorze heures.

Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente

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Nous poursuivons nos auditions, et accueillons M. Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) et délégué interministériel à la jeunesse. Il est chargé d'élaborer, de coordonner et d'évaluer les politiques en faveur de celle-ci.

Il nous a semblé important de disposer de votre éclairage sur les principales conséquences, bonnes ou mauvaises, de la crise sanitaire sur la jeunesse, ainsi que sur les actions que votre administration déploie afin d'accompagner les jeunes. Nous souhaiterions vous entendre notamment sur le dispositif des vacances apprenantes qui a été mis en œuvre cet été. Quel premier bilan en tirez-vous ?

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé cet été la création de cent mille nouvelles missions de service civique, en plus des cent quarante mille réalisées chaque année. Pouvez-vous nous indiquer de quelle façon cette mesure sera mise en œuvre ? Pourriez-vous également nous présenter la réserve civique, ainsi que la façon dont elle a été mobilisée lors de la crise sanitaire à partir de mars dernier ? Le déploiement de la réserve civique, créée en 2017, avait pris du retard, mais la crise sanitaire a accéléré le mouvement. Est-elle aujourd'hui opérationnelle ?

Qu'en est-il de la plateforme de M. Gabriel Attal mettant en lien associations et bénévoles ? Dès les premiers jours de cette crise, on a constaté un véritable élan de solidarité des jeunes envers la société. Ils ne sont pas restés en état de sidération pendant trois semaines, à la différence d'un certain nombre d'adultes. Ils ont eu envie d'aider leurs concitoyens. Néanmoins, ce dispositif a mis un certain temps à se mettre en route. Il a également fallu vaincre la défiance des associations, qui avaient envie de travailler avec des gens qui connaissaient déjà leur fonctionnement.

Nous avons ainsi perdu des jeunes en route, même si nous en avons aussi gagné beaucoup. Le temps du jeune, et notamment son temps d'enthousiasme, n'est en effet pas le même que celui d'un adulte. Aussi, qu'en est-il pour ce deuxième confinement ?

Nous voudrions aussi vous entendre sur les effets de la crise sanitaire sur les activités culturelles et sportives pratiquées par les jeunes, ainsi que sur leur mobilité internationale.

De façon plus générale, nous avons constaté au cours de nos auditions que les jeunes avaient le sentiment de ne pas être entendus dans l'élaboration des politiques publiques, en particulier celles qui les concernent directement. Ils ne sont du reste pas les seuls à le dire, et de fortes attentes sont exprimées en la matière. Cette préoccupation fait d'ailleurs écho d'une certaine façon aux conclusions d'un récent référé de la Cour des comptes, qui pointait le défaut de moyens propres dévolus au délégué interministériel à la jeunesse, et le manque de coordination des politiques menées. Nous l'entendons de manière récurrente, à chaque audition, et auprès de chaque professionnel.

La Cour des comptes soulignait que le lancement de grands programmes nationaux, visant l'engagement civique et citoyen des jeunes, nécessiterait une réelle évolution de l'organisation actuelle. Quels éléments de réponse pouvez-vous nous communiquer en la matière ? La jeunesse est devenue un axe fort, et particulièrement pris en compte y compris dans le plan grande pauvreté et le plan de relance. Pourriez-vous nous indiquer ce qui est déjà effectif pour cette deuxième crise que nous vivons ?

Par ailleurs, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment et de dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité.

( M. Jean-Benoît Dujol prête serment)

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Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse

Vos questions illustrent le caractère extrêmement vaste des problématiques qui se sont posées pendant le confinement, que ce soit pour les associations, pour les jeunes ou pour les enfants. Je vous proposerai une contribution modeste aux analyses d'un sujet qui est par ailleurs très complexe, sur lequel nous n'avons pas fini de travailler, et duquel nous n'avons pas fini d'apprendre.

Vous m'avez invité à exposer les bonnes et les mauvaises nouvelles liées à la crise. Beaucoup sont mauvaises, mais quelques-unes sont bonnes, et vous les avez pointées à juste titre. Je pense notamment à cet élan en termes d'engagement – vous avez cité l'exemple de la réserve civique –, ou à la disponibilité des jeunes, qui s'est traduite en actions très concrètes sur le terrain, suscitant un véritable engouement. C'est peut-être le côté positif de la crise. Nous devons en trouver un.

Je vais cependant d'abord insister sur les effets négatifs. On ne connaît naturellement pas tout de la situation des jeunes et des enfants. Cela explique en partie les décisions qui ont été prises ultérieurement. Nous avions l'intuition, et nous l'avons toujours que les jeunes et les enfants ont été parmi les principaux affectés par cette crise et le confinement, et sans doute moins par la crise sanitaire que par les mesures prises pour l'endiguer.

Les écoles ont été fermées pendant le premier confinement, ce qui est l'une des grandes différences avec le confinement que nous vivons actuellement. Nous avons estimé que les enfants avaient un besoin fort de sortir, de se distraire, de penser à autre chose, mais aussi de rattraper un peu du temps perdu en termes d'apprentissage. L'idée proposée par M. Gabriel Attal et M. Jean-Michel Blanquer a été de construire un été apprenant, avec l'opération que vous avez citée des vacances apprenantes.

La DJEPVA s'est occupée d'un volet important qui était les « colos apprenantes ». Elles étaient destinées à offrir au plus grand nombre possible d'enfants l'opportunité de partir en séjour collectif de vacances. Il se trouve que la promotion des vacances collectives et des colonies de vacances est un axe extrêmement fort des politiques publiques du ministère. Mais pour la première fois depuis de très nombreuses années, a été mis en place un dispositif ambitieux. Il a été financé dans des proportions importantes, puisque dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR), les députés ont voté des crédits très substantiels pour permettre le déploiement de ce programme.

Celui-ci est complexe. Il comporte toute une série de dimensions. Je souhaiterais insister sur deux d'entre elles. La première est constituée par les « colos apprenantes ». L'idée est d'en offrir à plusieurs dizaines de milliers d'enfants, et de soutenir les accueils collectifs de mineurs. Une autre différence entre les deux confinements tient en ce que les accueils collectifs de mineurs, les activités périscolaires, étaient fermés pendant le premier. Les mineurs ont ainsi été privés d'école et de loisirs éducatifs.

La DJEPVA a ainsi mobilisé 50 millions d'euros, dont 20 millions ont été consacrés aux colos apprenantes, et 30 millions aux centres de loisirs éducatifs. Ces crédits ont été entièrement consommés. Plus de 60 000 enfants au titre du programme 163 sont partis en colos apprenantes, ce qui représente 1 500 séjours de vacances. S'agissant des centres de loisirs, près 500 000 places ont été offertes au cours de l'été grâce à ce dispositif.

Celui-ci est un peu complexe, au sens où il était également cofinancé par l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Il comportait ainsi une dimension de quartier d'été, destinée à toucher les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le département ministériel dans lequel je m'inscris s'est cependant concentré sur la double dimension des colonies et des centres de loisirs, qui a permis de permettre le départ de plusieurs dizaines de milliers d'enfants, et de soutenir les collectivités et les associations dans leur offre de loisirs éducatifs tout au long de l'été.

Nous essayons d'affiner ces éléments quantitatifs, et de décrire précisément quels types d'activités ont été proposés. Ce point est important dans la mesure où une partie de la promesse reposait non pas sur l'organisation de colonies, mais de colos apprenantes, avec une véritable dimension de renforcement des apprentissages. Nous essayons donc de décrire précisément la situation, et de remonter ces informations. Ces éléments seront disponibles d'ici la fin de l'année. Ils permettront de bien mesurer la plus-value de cette dimension apprenante offerte aux enfants, et de comprendre comment elle a été perçue.

Nous envisageons de prolonger ce dispositif l'année prochaine, et nous l'avons déjà prolongé pour les vacances de la Toussaint. C'est la raison pour laquelle nous ne disposons pas encore de tous les éléments d'information. Ce qui est frappant, c'est la dynamique qu'a suscitée ce dispositif. Il y avait beaucoup d'attentes de la part des familles, qui avaient été confinées avec leurs enfants pendant de nombreuses semaines. Il en allait de même pour les collectivités locales, qui étaient organisatrices de séjours ou d'accueils, ainsi que pour les associations d'éducation populaire. Ces dernières soulignaient l'ampleur du besoin. Elles avaient par ailleurs connu de grandes difficultés, puisqu'elles avaient dû annuler de nombreux séjours pendant le confinement.

Pour autant, le mécanisme a mis un peu de temps à se mettre en place. Je rappelle qu'au mois de juin, se déroulaient encore les campagnes électorales dans beaucoup de municipalités. Aussi, beaucoup d'élus n'étaient pas tout à fait disponibles, ou n'étaient pas encore suffisamment installés pour permettre ce déploiement. Le dispositif a démarré lentement, mais il est monté en puissance tout au long de l'été, notamment au mois d'août. La rentrée est alors intervenue, et nous avons été très sollicités à partir du mois de septembre pour le rééditer. Il nous restait des crédits, et à la Toussaint, dans plusieurs endroits ont pu se déployer des opérations remarquables, dans le cadre d'un partenariat très étroit entre toutes les parties prenantes : les familles ; les élus ; les associations ; les collectivités locales.

Le bilan des vacances apprenantes est pour moi très positif, à tout le moins pour les colos apprenantes et les centres de loisirs. Nous continuerons donc à étayer ce dispositif dans les prochaines semaines. Le Premier ministre s'est déplacé sur les territoires pour l'observer, de même que M. Jean-Michel Blanquer. L'idée de prolonger cet effort inédit de la part de l'État en direction des loisirs éducatifs de manière générale, et en particulier des colonies de vacances, fait son chemin.

Les vacances apprenantes sont la pierre de touche de notre action en direction des jeunes dans le contexte post-Covid et post-premier confinement. Je rappelle que l'une des grandes différences entre celui-ci et celui que nous connaissons actuellement est que les accueils périscolaires continuent à fonctionner, de même que les écoles. C'est le produit de notre réflexion à l'issue du premier confinement, et à la lumière de ce qui s'est passé pendant les vacances apprenantes.

Cela permet bien sûr d'offrir un mode de garde aux enfants et aux parents concernés, mais également de proposer des solutions d'apprentissage. Ces modes d'accueil sont en effet éducatifs. On n'y apprend pas de la même façon qu'à l'école ni les mêmes choses, mais on y apprend. Une véritable plus-value éducative a ainsi été mise à nouveau en lumière par les vacances apprenantes, et elle a pesé dans la décision de maintenir ouverts les accueils de loisirs pendant le deuxième confinement. Cela n'est pas indifférent, car 1,3 million d'enfants sont accueillis le mercredi dans ce cadre, dans toute la France, au titre des accueils collectifs de mineurs.

J'évoquerai maintenant la réserve civique et, par ricochet, la situation des associations. De même que les jeunes, celles-ci ont été très affectées par le confinement, comme l'ensemble des entités économiques de notre pays. Elles ont alors été dans une large mesure à l'arrêt. Il est difficile de disposer d'une vision exhaustive et en temps réel de la situation. Nous avons ainsi diligenté toute une série d'enquêtes avec le mouvement associatif, qui est le représentant du secteur associatif, ainsi qu'avec le fonds jeunesse et éducation populaire (FONJEP).

Celles-ci ont été menées à différents moments du confinement, et en direction de divers publics associatifs. Elles visaient à mesurer l'ampleur des difficultés. Les associations pouvaient-elles continuer à exercer leur mission ? Dans les deux tiers des cas, cela n'a pas été possible. Quel type de difficultés ont-elles rencontrées ? S'agissait-il de problèmes de trésorerie, de ressources humaines, de mobilisation des salariés, de mobilisation des bénévoles ? Nous avons publié un certain nombre de données. Je pourrai après cette audition vous communiquer l'ensemble de ces résultats.

Nous les avons également interrogées sur un point crucial à nos yeux, à savoir leur capacité à mobiliser les outils mis en place par l'État, et votés par les parlementaires, pour faire face aux conséquences de la crise. Je rappelle que le Gouvernement, pendant le premier confinement, et avec le plan de relance, a consenti un effort considérable en direction de l'économie du pays, en permettant notamment l'accès à toute une série d'aides visant à limiter les conséquences du confinement. Je pense notamment à l'activité partielle, ou au fonds de solidarité, pour ne citer que quelques exemples, mais il y en a eu d'autres.

Nous nous sommes ainsi largement mobilisés pendant le confinement, de même que le ministre, pour faire en sorte que ces mesures, prises initialement à l'initiative du ministère de l'Economie et des Finances en direction des entreprises, s'appliquent également aux associations. Cela peut sembler aller de soi, puisqu'on dit souvent qu'une association est une entreprise, mais il ne s'agissait pas nécessairement d'une réflexion immédiate pour un certain nombre d'interlocuteurs, y compris au sein de l'État. Il a donc fallu les convaincre, et nous pouvons dire aujourd'hui que l'ensemble des associations, sous réserve qu'elles remplissent les conditions exigées, a pu accéder au moins théoriquement à un grand nombre de dispositifs, et en particulier à l'activité partielle. Dès lors qu'une association a un rôle économique, c'est à dire dès lors qu'elle a des salariés, qu'elle est éventuellement fiscalisée, ou qu'elle perçoit des subventions, elle est considérée comme ayant un rôle économique, et elle peut bénéficier, par exemple, de l'activité partielle.

Il a parfois fallu transposer un certain nombre de règles. Par exemple, le prêt garanti par l'État ne pouvait représenter au maximum que 25 % du chiffre d'affaires. Or il n'y a pas de chiffre d'affaires associatif. Il a donc fallu traduire en langage et en droit associatif les dispositions qui avaient été initialement conçues pour les entreprises issues du secteur lucratif. Cela a été fait, et notamment dans le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire, qui est l'un de ceux que nous ciblions particulièrement, et en direction duquel nous avons conduit l'enquête avec le FONJEP.

Nous avons interrogé les structures associatives pour savoir dans quelle proportion elles avaient pu bénéficier d'une ou plusieurs aides mises en place par l'État. Les pourcentages étaient plutôt intéressants, au regard de ce qu'on avait pu craindre. Il s'agit d'un élément qui me semble rassurant. Les dispositifs mis en place par l'État, notamment dans certains secteurs associatifs, ont ainsi pu être mobilisés.

Notre action en termes de gestion de crise a été plutôt bien reçue par le secteur associatif. Je voudrais également souligner toutes les instances de veille et de surveillance qui ont pu être mises en place au niveau des cabinets ministériels. Cela a été fait pour l'économie sociale et solidaire (ESS), ainsi que du côté du ministère chargé de la vie associative et des territoires, et auprès des préfectures. Un travail visant à nouer des liens a ainsi été conduit tout au long de cette crise.

Son aspect positif pour les associations, et au-delà d'ailleurs, pour les politiques de l'engagement, est cet élan de solidarité, cette volonté d'aider qu'on a constaté de diverses manières. Cela s'est traduit notamment par les inscriptions massives sur le site de la réserve civique, dont la plateforme jeveuxaider . gouv.fr est la face numérique. Celle-ci met en relation associations et collectivités, d'une part, et volontaires, jeunes ou moins jeunes, d'autre part.

Il faut mesurer que le confinement, et de manière générale l'épidémie de Covid -19, a eu un impact fort sur le bénévolat, qui s'est initialement avéré négatif. Le bénévolat est en effet particulièrement développé parmi les personnes les plus âgées, notamment dans certains secteurs de la solidarité. Or ce sont eux qui ont été le plus durement touchés par l'épidémie. Beaucoup de structures associatives, et je pense notamment aux banques alimentaires, sont venues nous trouver au début du confinement pour nous dire qu'elles ne disposaient plus de bénévoles. Ceux-ci étaient en effet confinés, et il aurait été trop risqué de les exposer à la circulation du virus. Elles ne disposaient donc plus des moyens humains nécessaires pour remplir toute une série de tâches logistiques.

C'est l'une des raisons qui expliquent le succès de cette plateforme, à la fois du côté de l'offre et de la demande. En termes d'offres d'engagement, les chiffres sont éloquents. Plus de trois cent mille personnes se sont inscrites en quelques jours, et nous avons relancé cette plateforme au début du nouveau confinement.

Du côté de l'offre, les choses ont été un peu plus compliquées, car nous nous sommes imposé un certain nombre de limites, considérant qu'il n'était pas possible de publier n'importe quel type de missions. Cela serait entré en contradiction avec les consignes transversales, s'appliquant à tous, de limiter la circulation et les interactions sociales ou professionnelles.

Nous sommes donc partis d'un système très contraint, comprenant quatre missions indispensables, et nous avons essayé de l'élargir au fil du confinement. Cela nous a permis de déconfiner complètement cette réserve. Aujourd'hui, il est possible de proposer des missions de toutes sortes sur ce site, et nous abordons donc le second confinement avec une base de personnes intéressées par l'engagement, que la situation rend beaucoup plus disponibles.

Des habitudes ont également été prises par les associations, ainsi que par les collectivités locales. Celles-ci se sont beaucoup portées sur le site de la réserve civique, et en ont fait un outil à leur main, pour gérer au plus près du territoire l'offre et la demande d'engagement. Il serait peut-être prétentieux de parler de réussite, mais si nous avons appris quelque chose de positif sur la nature humaine, mais aussi sur le fonctionnement de l'administration, cela a été notre capacité à positionner l'État comme facilitateur de l'engagement sur les territoires et au service de la population. C'est sans doute l'une des rares bonnes nouvelles de la crise que nous connaissons, à tout le moins dans mon secteur.

Vous avez cité beaucoup d'autres sujets. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur le service civique, qui relève de ma responsabilité. Nous nous sommes rendu compte rétrospectivement que nous avions été un peu empêchés, faute de données très précises sur ce qui s'était passé pendant le confinement. En temps réel, nous disposions de peu de choses. Aujourd'hui, nous en avons bien davantage. L'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (INJEP) est rattaché à la DJEPVA, aussi essayons-nous de recueillir de manière rétrospective des données, pour savoir comment ce confinement a été vécu par les associations et les individus.

Il s'agit d'essayer d'apprendre, afin de pouvoir calibrer au mieux nos politiques publiques dans le futur. Je voudrais citer une initiative qui ne relève pas de moi, mais qui me paraît très intéressante. Il s'agit de la grande enquête EPICOV, portée par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Cette enquête, à travers ses vagues successives, permet d'interroger une cohorte de cent mille personnes, ce qui est considérable, et de suivre l'état de santé et les conditions de vie de la population française pendant le confinement. Nous comptons exploiter ces données en portant une attention particulière aux jeunes.

J'ai une pensée pour ceux-ci, car au-delà des enfants qui sont partis en colonies de vacances, ce qui était l'objet de notre réflexion autour du plan de relance et du « plan jeunes », toute une génération a été très affectée par le confinement. Elle s'est portée sur le marché du travail au mois de septembre, dans des conditions extrêmement dégradées. Même si beaucoup de choses ont été faites par le Gouvernement, notamment avec l'activité partielle, le nombre de jeunes demandeurs d'emploi a beaucoup progressé depuis le printemps.

Toute une série de mesures, notamment à travers le plan jeunes, vise à offrir à chacun d'entre eux des perspectives, en dépit du caractère très dégradé du marché du travail. Un second confinement est naturellement de nature à nous inquiéter dans cette perspective, et justifie une grande mobilisation de notre part pour continuer à soutenir la jeunesse.

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Vous avez évoqué l'utilisation par les associations des systèmes de soutien aux entreprises mis en place par le Gouvernement. Or toute une série d'associations ne pouvait avoir accès au fonds de soutien, car elles n'avaient pas de salariés, les associations n'étant pas des entreprises. Comment ces associations ont-elles été aidées par les services de la DJEPVA ? Avez-vous développé un plan d'aide qui leur était spécifique ? Quel est l'état financier du monde associatif aujourd'hui ?

Par ailleurs, les services déconcentrés traitant de la jeunesse et de la vie associative, même s'ils sont en recomposition depuis quelque temps, sont composés d'environ mille personnes. Quel a été leur rapport aux associations et, au-delà des associations, aux initiatives de solidarité et d'entraide prises par des adultes ou des jeunes ? Comment ces services se sont-ils mobilisés, et sous quelle forme, pour venir en aide à ce mouvement bénévole citoyen ?

Vous avez évoqué l'INJEP, institut extrêmement important pour l'étude de la jeunesse et de l'éducation populaire. Quels sont aujourd'hui ses moyens, tant humains que financiers ?

Je voulais également vous interroger sur les colonies de vacances et les centres de loisirs, qu'on dit désormais « apprenants », mais qui ont toujours été des lieux d'éducation populaire. Depuis des années, on constate une baisse de la participation des enfants aux colonies, pour différentes raisons, notamment financières, mais aussi en raison de l'opposition des familles ou de leur évolution. Pensez-vous que donner à voir le contenu d'éducation populaire de ces colonies pourrait contribuer à relancer la participation des enfants ?

Vous avez parlé du service civique. Sur les 620 millions d'euros de crédits pour la jeunesse et la vie associative, 508 millions d'euros y sont consacrés. Le service civique est-il toujours en ligne avec ses objectifs ? Les éléments dont j'ai pu avoir connaissance indiquent par exemple que sa dimension d'outil d'insertion pour les jeunes non diplômés est moins prégnante aujourd'hui qu'à sa création. Il y a ainsi beaucoup de jeunes diplômés, voire très diplômés, en son sein. Par ailleurs, j'ai cru comprendre que le service civique, dans de grandes associations, pouvait parfois se trouver aux frontières de ce que serait un emploi salarié réel. J'aimerais connaître votre sentiment sur ce point.

Enfin, je rappelle que le rapport de la Cour des comptes d'avril 2020, qu'évoquait Mme la présidente, souligne la nécessité de renforcer le délégué interministériel à la jeunesse, et de lui donner les moyens de réellement coordonner l'ensemble des acteurs traitant de la question des enfants et des jeunes.

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Je tiens à préciser, pour corroborer les propos de Mme la rapporteure, que seuls 12 % des associations sont des associations employeuses.

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Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse

Il est compliqué d'avoir une vision totalement claire et objective de la capacité qu'ont eue les associations, et toutes les associations, de solliciter et obtenir des aides dans le cadre des mesures d'urgence prises par le Gouvernement lors du confinement. Il serait possible de se poser la même question pour les mesures liées au plan d'urgence mis en œuvre à partir du mois de septembre, même si elles n'ont pas encore eu le temps de se déployer.

Vous avez raison de dire que l'intention première du Gouvernement était la sauvegarde du tissu économique. Mécaniquement, ces aides ont touché les entités qui jouaient un rôle économique. Je dis entité à dessein, pour ne pas dire entreprise. Une association est-elle une entreprise ? En jurisprudence communautaire, par exemple, on considère que tel est le cas, et qu'une association est une entreprise non lucrative. Nous avons donc touché les entités jouant un rôle économique, et qui étaient confrontées à des charges économiques : celles qui avaient des salariés, des locaux, et donc des loyers à payer, toutes celles qui avaient des charges fixes face auxquelles elles se sont retrouvées démunies pendant le confinement.

C'est la raison pour laquelle l'activité partielle a d'abord été destinée aux associations employeuses. J'évoquais un relativement bon taux de recours, par exemple dans le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire. Je m'appuie sur une enquête conduite par le FONJEP. Celui-ci subventionne les emplois, aussi ne traite-t-il que des associations employeuses. Je suis d'accord avec vous pour considérer qu'elles sont minoritaires dans le monde associatif. Mais une association qui n'a pas d'employés, pas de loyer, parce que son local est mis à disposition par la collectivité de manière gracieuse, et pas de charges fixes, a pu se mettre en hibernation pendant le confinement. Elle n'a pas été déstabilisée de manière durable, parce qu'elle n'a pas eu à subir toutes les avanies que j'évoquais.

Une des mesures que nous avons déployées leur est cependant destinée. Il n'a du reste pas été simple de la faire prévaloir. C'est celle du maintien des subventions. Par définition, le confinement a mis un coup d'arrêt au programme d'activités de toute une série de structures. Des évènements étaient prévus à cette période de l'année, d'autant qu'avril, mai, et juin sont des temps forts de l'activité associative. Beaucoup d'événements ont été annulés, ce qui aurait justifié en temps normal un retrait des subventions.

Nous nous sommes ainsi efforcés de définir une doctrine au niveau interministériel, applicable à tous les ministères, invitant chaque financeur public à faire preuve d'une très grande bienveillance dans le réexamen de ces subventions en lien avec l'annulation des événements associatifs. Nous avons encouragé les associations à les reprogrammer quand c'était possible, et quand tel n'était pas le cas, à maintenir les subventions qui avaient été octroyées. Il s'agissait d'aider ces structures, qui avaient consenti des dépenses qu'elles ne pouvaient pas récupérer, par exemple des frais de réservation, à passer l'année.

Je vous soumets l'exemple d'une subvention dont je suis responsable. Nous soutenons modestement le festival Solidays, organisé par Solidarité Sida, qui a lieu tous les ans au mois de juin. Il a été annulé en raison du contexte sanitaire. Nous avons cependant maintenu cette subvention pour ne pas pénaliser une association qui comptait beaucoup sur ce festival pour disposer de recettes supplémentaires dans sa lutte contre l'épidémie de sida.

Outre cet exemple, dans presque tous les cas, les subventions offertes aux associations, y compris les plus petites, ont pu être maintenues. Ces dernières se sont en quelque sorte placées en hibernation. Nous avons essayé d'aider les autres. Il existe en outre un enjeu de redémarrage. En interrogeant les structures cet été, nous étions frappés de constater que toutes se projetaient sur septembre, avec l'idée de reprendre un niveau d'activité normal ou nominal. Dans ce cadre, le second confinement intervient sur un terreau fragilisé par le premier.

Nous ne disposons pas encore de tous les éléments, et nous essayons de les réunir, mais on peut légitimement nourrir quelque inquiétude quant à la possibilité pour les associations de passer ce cap. Il m'a cependant semblé que pour le premier confinement et dans le cadre du plan de relance, nous avions mis en place toute une série de mesures pour les soutenir. Nous pouvons néanmoins faire mieux, et nous y travaillons. Il a eu évidemment des difficultés liées à la trésorerie. En raison des faillites d'entreprises que nous constatons depuis la rentrée de septembre, il est possible de s'inquiéter de cessations de paiement également du côté des associations.

Les services déconcentrés traitant de la jeunesse et de la vie associative sont composés d'environ mille personnes. Un nombre à peu près équivalent traite du sport. Ils se recomposent, puisqu'ils seront transférés le 1er janvier 2021 au sein des rectorats et des services départementaux de l'Éducation nationale. Ils ont également été confinés, comme d'autres services, au premier semestre. Ils ont connu une intense activité, dans des conditions qui n'avaient pas été anticipées et qui étaient très dégradées. Ils ont cependant mené un travail remarquable, notamment en direction des associations. Il y a eu souvent dans les régions et les départements des cellules de veille et de lien mis en place par ces services déconcentrés, visant à assurer un suivi très précis de la situation des associations, à faire remonter leurs difficultés, à les accompagner, et à les aider à surmonter les défis du moment.

Dans un autre registre, ces services ont aussi été très mobilisés sur la question de la réserve civique. Celle-ci n'existe que parce que sur le territoire se déploie un travail d'animation, de promotion, de mise en relation et de contrôle, réalisé par les référents de nos services déconcentrés. Ils ont donc été très mobilisés sur ces deux sujets.

Il existe une baisse tendancielle de la fréquentation des colonies de vacances. Elle s'était cependant enrayée l'année dernière. Pour la première fois depuis la fin des années 1990, le nombre de séjours et de départs en colonies de vacances avait en effet cessé de baisser. Evidemment, nous attribuons cela à la qualité de l'action que nous avons conduite. Nous aurions bien aimé savoir si cette tendance devait se confirmer l'année suivante. Nous ne le saurons pas, car la situation sanitaire a entraîné énormément d'annulations. En dépit des vacances apprenantes, il y a donc eu en 2020 beaucoup moins de séjours de vacances que l'année précédente.

Je crois cependant que l'une des vertus des vacances apprenantes a été de faire parler positivement des colonies de vacances. J'ai cherché des précédents à une telle mobilisation financière de l'État pour celles-ci, et il faut remonter à 1945-1947, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre du plan de reconstruction de la France. Les colonies de vacances étaient alors considérées comme un élément décisif pour permettre aux enfants ayant vécu le traumatisme de la guerre de partager des moments positifs.

L'État n'avait ainsi pas consacré autant de moyens aux colonies de vacances depuis soixante-dix ans. Nous l'avons fait dans une logique qu'on a dit « apprenante ». J'ai entendu certaines critiques sur ce terme, et je vous rejoins pour dire que les colonies de vacances, apprenantes ou non, sont éducatives quoi qu'il arrive. Il s'agissait cependant à mes yeux d'un signal utile vis-à-vis des parents, pour leur faire toucher du doigt que ces colonies n'étaient pas simplement une façon d'être en vacances et de se distraire, mais qu'elles étaient également l'occasion d'apprendre.

Cela a pu produire des effets ambivalents, car pour certaines familles ou certains enfants, ce label était parfois un peu inquiétant. Néanmoins, indépendamment des querelles sémantiques, cette opération a fait du bien aux colonies de vacances. C'est pourquoi je souhaite qu'elle soit reconduite de manière durable.

Je ne crois pas qu'on puisse dire que le service civique se soit éloigné de ses fondamentaux. Effectivement, il est destiné à être ouvert à tous. Il a une vocation universelle. Les jeunes les plus éloignés de l'activité, de l'emploi et de l'insertion doivent pouvoir y accéder, comme les plus diplômés. Ce n'est pas non plus un dispositif de remédiation, qui serait fléché sur les personnes les plus en difficulté. Les volontaires doivent être une image fidèle de la jeunesse. Le service civique doit si possible être l'occasion pour des jeunes issus de milieux différents de se rencontrer, et de partager une expérience d'engagement.

Y parvenons-nous ? En collaboration avec l'INJEP, nous menons un programme d'évaluation des mesures du service civique. Nous actualisons et nous publions une série de chiffres. Or quand on compare les activités de la population générale par niveau de diplôme par exemple, ou par origine socioprofessionnelle, et celles des jeunes qui accomplissent leur service civique, on constate une certaine homogénéité. Nous arrivons ainsi à représenter dans le service civique la société française, avec des riches et des pauvres.

Je tiens cependant à souligner un point positif, parce que nous avons quand même l'ambition d'être plus attentifs à ceux qui en ont le plus besoin. Nous arrivons à surreprésenter les jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Ceux-ci représentent 10 % des jeunes, mais 13 % ou 14 % de ceux engagés dans le service civique. Cela signifie que nous parvenons à cibler les jeunes issus de ces quartiers. C'est un élément de satisfaction, mais cela nécessite une mobilisation très forte de la part des organismes d'accueil, auxquels je voudrais également rendre hommage. Cela n'est possible que parce que les structures d'accueil font leur travail.

Le font-elles toujours parfaitement ? Bien sûr, la réponse est non. C'est le rôle de l'État que d'être vigilant, au stade de l'agrément et au stade du contrat. Il convient également d'être attentif aux remarques des jeunes qui accomplissent un service civique, et qui font un retour d'expérience. Nous devons être à la hauteur de la promesse du service civique. Je n'ai pas en tête de dérives, mais cela suppose une grande vigilance, pour que toutes les structures d'accueil comprennent qu'un service civique n'est pas un stage ou un emploi aidé. Il s'agit d'un volontaire, qui s'engage de manière libre et désintéressée au service d'une cause d'intérêt général. Cela doit obliger la structure à un certain nombre d'aménagements.

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Je voudrais m'inscrire un peu en faux contre le terme d'hibernation des associations. Au contraire, nous avons constaté lors du premier confinement le surgissement de nombreuses micro-associations, qui se sont emparées d'activités délaissées par les autres. Parfois, de simples individus se sont mis à coordonner quelque chose qu'ils connaissaient parfaitement bien, et que les services de l'État ne connaissaient pas. En effet, personne ne connaissait au départ réellement l'état d'urgence maximal que nous avons connu dès les premiers jours du confinement, à la différence de certains individus qui avaient pu en vivre à l'étranger. Je songe notamment à des membres de Médecins sans frontières ou de ce type d'associations.

J'ai en tête un certain nombre d'exemples, notamment à Toulouse. Je pense par exemple au C10, qui a fait office de plateforme pour appuyer les associations, et les mettre en lien avec le préfet. Il y a eu tout un travail d'approche pendant les trois premières semaines, même si cela a pu évoluer par la suite. Je pense également à l'association Rencont'roms nous, qui est une toute petite association culturelle, et qui a rempli des formulaires pour les populations des bidonvilles, pour le revenu de solidarité active (RSA), ou pour la continuité scolaire. Cela ne faisait absolument pas partie de leurs attributions.

Le collectif Les Invisibles s'est engagé au Mirail, l'un des grands quartiers de Toulouse. Comme son nom l'indique, il comprenait des jeunes qui n'étaient pas repérés par la préfecture, ou alors pas toujours dans le bon sens. Ils se sont énormément investis, parce qu'ils étaient les seuls à pouvoir aller chercher les habitants dans les quartiers, pour permettre une continuité pédagogique. Il en va de même pour Horizon Danse, qui regroupe des femmes absolument extraordinaires, des mères de famille, qui ont mis en lien des enfants qui étaient un peu en perdition.

Je n'appelle pas cela de l'hibernation, bien au contraire. Ces gens ont puisé dans leurs réserves personnelles, et ont trouvé un certain nombre d'arrangements. Les collectivités ont été assez réactives. Mais au départ, une espèce de solidarité s'est mise en branle, parce que des individus qui n'étaient pas nécessairement visibles, avec leur engagement citoyen forcené, se sont mis à travailler auprès de leurs concitoyens les plus proches, ceux qu'ils connaissaient bien. C'était particulièrement vrai dans les QPV. Je voulais vraiment leur rendre hommage.

Vous disiez que la crise nous a appris beaucoup de choses sur la nature humaine. Je suis absolument d'accord avec vous. Est-ce vrai également pour l'administration ? J'ai eu le sentiment, notamment avec les associations, qu'une très belle curiosité s'est réveillée et déployée, et nous sommes sortis un peu de tout ce que nous pensions savoir avant la crise.

Je pense qu'il faut souligner aussi que les associations souffrent de la complexité des dispositifs de subventions, en provenance de l'État, des collectivités, etc. Beaucoup de petites associations sont perdues. Or elles sont nombreuses, puisque seules 12 % des associations sont employeuses, ce qui en dit long sur le nombre de bénévoles qui tiennent tout le tissu associatif de notre pays. Les petites associations demandent un mode d'emploi. Elles sont noyées, comme nous le sommes parfois, nous députés, par l'interministériel. Elles ont besoin d'une boîte à outils pour devenir des vecteurs forts, pour expliquer et promouvoir ce que fait l'État, et qui est absolument colossal.

De même, je remercierai la crise pour les colonies de vacances. Elles étaient en perdition, et sont maintenant réactivées. Je pense que cela fait très plaisir à tous ceux qui ont vu avec beaucoup de désespoir les colonies de vacances se désintégrer peu à peu. Quelle est à vos yeux l'importance de ces colonies de vacances ? Elles traitent en effet largement des savoir-être. Comment être civique ? Comment être civilisé ? Comment être dans le respect républicain ? Comment vivre en collectivité ? Comment décrocher de son téléphone portable ? C'est à toutes ces questions que les colos apprenantes apportent des réponses. Je souhaiterais ainsi que vous nous parliez un peu de leur contenu, et que vous nous transmettiez vos pistes de réflexion d'ici au 19 novembre.

Enfin, allez-vous reproduire ce dispositif pour les vacances de Noël, de février, et de Pâques ? Il existe déjà de nombreuses demandes en la matière.

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Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse

Je retire le terme d'hibernation. Je voulais citer un cas hypothétique, que vous avez à juste titre contredit par toute une série d'exemples beaucoup plus concrets. J'imaginais le cas d'une structure n'ayant ni salariés ni locaux. Je disais que ce type de structure n'avait pas dû beaucoup souffrir de la crise, parce qu'elles n'ont pas de charges fixes. Il s'agissait donc d'un exemple théorique, et je retire ce terme d'hibernation.

Je souscris par ailleurs à ce que vous avez dit sur l'élan considérable de solidarité que nous avons constaté. J'ai mis l'accent sur la manière dont il s'est incarné dans la réserve civique, mais il l'a fait de différentes manières, et les exemples toulousains que vous avez mentionnés sont éloquents. Je suis sûr qu'on pourrait en citer également dans d'autres endroits, par exemple dans les territoires ruraux.

Comme tous les évènements extrêmes, la crise a joué un rôle de révélateur, en bien et en mal. Je dirais qu'elle a fait ressortir le meilleur et le pire, mais surtout le meilleur, y compris dans l'administration. Certains se sont révélés, à tous les niveaux de la hiérarchie. Il ne s'agissait pas nécessairement de chefs, mais de personnes qui occupaient des fonctions peut-être subalternes, qui ont tout à coup été confrontées à des événements extrêmes. Je l'ai vu dans d'autres secteurs ministériels, certains ont pris des responsabilités qui n'étaient pas les leurs, ce qu'ils ont fait avec talent et engagement, avec une volonté de bien faire et une efficacité remarquable.

Cela pose du reste la question de notre capacité à reconnaître et à soutenir le développement des talents qui ont émergé pendant cette crise. Je pense notamment à nos collègues des agences régionales de santé (ARS), qui ont fait un travail remarquable, et au sein desquelles des agents ont fait preuve de talent, d'efficacité et d'inventivité. Nous avons tous été confrontés à quelque chose d'inédit. Nous n'avions pas de mode d'emploi, mais certains l'ont trouvé ou inventé. Il est de notre responsabilité collective de trouver une façon de reconnaître, d'encourager et d'accompagner ces personnes.

Dans mon secteur, cela s'est traduit par des initiatives, notamment en direction des associations. Certains avaient peut-être précédemment une approche un peu bureaucratique de l'accompagnement associatif, dans une logique de guichet. Il a fallu agir différemment en la circonstance, et notamment écouter les structures associatives, et aller à leurs devants. Il s'agissait de trouver ces nouveaux acteurs, qui n'étaient pas recensés, parce qu'ils faisaient autre chose que ce qu'ils se sont mis à faire pendant le confinement. Je crois que dans de nombreux endroits, cela s'est fait avec beaucoup d'énergie.

Il y a sûrement des échecs du côté de l'administration. Il ne s'agit pas de tout peindre en rose. Nous aurions pu mieux faire sur certains points. Je pense cependant que nous abordons le second confinement mieux armés que nous ne l'avons été pour le premier. Il y a eu un sentiment d'urgence, et je crois que nous avons été à la hauteur de ce moment.

La complexité est un mal éternel. Nous nous efforçons évidemment de simplifier les choses depuis des dizaines d'années. En particulier, nous avons mené toute une série de réformes destinées à simplifier. Nous n'avons cependant pas réussi à résorber cette complexité en matière de financements. Il existe en effet des cofinancements. Les structures associatives, pour monter un projet, sont tenues de s'adresser à la collectivité, à tel ministère, ou à tel autre.

Ce phénomène est frappant dans le secteur de l'éducation populaire. Les structures traitent parfois de la jeunesse, ce qui intéresse les collectivités locales, mais aussi de la culture, voire du sport, et il est parfois délicat de créer une synergie entre tous ces éléments. Il est cependant demandé à ces structures d'articuler ces différentes dimensions. Elles sont ainsi obligées de devenir expertes en matière d'ingénierie financière, ce qui se fait parfois au détriment du projet.

Je n'ai pas de solution particulière sur ce point, mais je souscris à votre analyse et à votre diagnostic. Nous devons mener une réflexion pour assurer un accompagnement attentif, bienveillant et proactif du secteur associatif. Nous essayons de la conduire. Une expérimentation aura lieu dans plusieurs régions l'année prochaine. Nous nous sommes en outre rapprochés de nos collègues en charge de l'économie sociale et solidaire (ESS), cette dernière impliquant en effet des associations. Il s'agit de redessiner sur le territoire une offre d'accompagnement qui soit lisible et accessible.

Aujourd'hui, beaucoup de gens s'occupent des associations dans les collectivités locales, ou au sein des services de l'État, avec les délégués départementaux à la vie associative. Des structures associatives sont également spécialisées dans l'accompagnement des associations. On les appelle les points d'appui à la vie associative, et elles sont souvent cofinancées par l'État et les collectivités locales. Tout cela est assez hétérogène sur le territoire. Dans beaucoup d'endroits, il y a peu voire aucun accompagnement. Il y a donc un enjeu sur le taux de couverture.

Il existe également un enjeu de compétence, parce que les besoins d'une association peuvent être très complexes. Comment apporter des réponses précises à des questions compliquées ? Il existe enfin un enjeu de lisibilité. Plus personne ne comprend très bien à qui s'adresser quand on est confronté à tel ou tel problème.

Dans la feuille de route de M. Gabriel Attal lorsqu'il était secrétaire d'État en charge de ces questions, figurait une réflexion que nous avons engagée avec le mouvement associatif sur l'accompagnement des structures. J'espère que l'année prochaine, nous enregistrerons des progrès décisifs en la matière.

Je suis convaincu du caractère positif des colonies de vacances. Nous pouvons cependant nous demander comment communiquer correctement sur ce point. Quelles sont les dimensions qu'il faut mettre en avant pour convaincre les enfants et leurs parents de se rendre en colonies de vacances ? Mme Marie-George Buffet a dit quelque chose de très juste. Le désamour pour les colonies de vacances est lié à une question de prix, mais également à des évolutions sociologiques profondes.

Lorsqu'elles rencontraient un important succès dans les années 1950, les parents disposaient de moins de vacances qu'aujourd'hui. Les vacances en famille étaient donc moins développées, et les colonies de vacances étaient également un mode de garde pour des parents qui continuaient à travailler toute une partie de l'été. Le développement des vacances en famille était une aspiration très profonde, qui a pu se concrétiser avec l'accroissement du nombre de semaines de congés payés, d'une part, et la réduction du temps de travail, d'autre part.

Cela a un peu évincé les vacances dites collectives. Néanmoins, ce temps collectif, loin du domicile parental, est fondamental en termes d'apprentissage, pas nécessairement scolaire ou académique, comme ce que nous avons voulu mettre en avant cette année, mais d'un apprentissage de savoir-faire, l'apprentissage du collectif, de l'autonomie, et d'une camaraderie horizontale, avec la bienveillance d'animateurs qui sont dans une posture assez différente de la posture parentale.

Ce sont des plus-values très fortes des colonies de vacances. Nous devons leur retrouver une place, et offrir cet espace de socialisation original et très bénéfique à davantage de jeunes. Aujourd'hui, avec la baisse structurelle du nombre de départs en colonies de vacances, on se prive d'un lieu d'éducation très riche.

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L'impact de la crise sanitaire sur la vie associative s'installe dans la durée, et nous donne l'occasion de vous auditionner très régulièrement. Nous l'avons fait dans le cadre du groupe de travail de la commission des affaires culturelles sur l'impact de la crise sanitaire lors du premier confinement en avril, puis au mois de juillet, avec la mission sur la concrétisation des lois, et la mission que nous menons avec un certain nombre d'autres collègues sur le soutien aux petites associations.

Plus récemment, nous vous avons entendu à l'occasion du projet de loi de finances (PLF) pour 2021, dans le cadre des auditions menées par notre collègue, M. Michel Larive, rapporteur des crédits de la jeunesse et de la vie associative, dont vous avez la responsabilité.

Le fait que nous vous auditionnons à nouveau aujourd'hui dans le cadre de notre commission d'enquête témoigne de ce que la crise du monde associatif s'installe dans la durée, et aura des conséquences durables. Je ne dis pas que c'est le cas aujourd'hui, mais il existe le risque pour les pouvoirs publics de sous-estimer l'impact de cette coupure de la vie associative sans précédent dans l'histoire du pays. Celle-ci a duré plus de huit mois. Je mets entre parenthèses ce qui s'est passé cet été et à la rentrée, où les forums associatifs ont pu se tenir tant bien que mal. Mais un deuxième coup d'arrêt a lieu avec ce second confinement.

La reprise des activités associatives est ainsi extrêmement chaotique. Comme l'a dit tout à l'heure Mme Marie-George Buffet, 85 % des associations de notre pays ne sont pas des associations employeuses. Elles ne reposent donc que sur l'investissement de leurs bénévoles. Elles n'ont pas pu bénéficier des aides du fonds de solidarité gouvernementale, ou de l'activité partielle. Ces associations dépendent pour une partie des subventions locales, qui ont été pour le moment maintenues, et parfois de subventions nationales.

Un autre outil à notre disposition est le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), dont nous avons beaucoup parlé ces dernières semaines dans le débat budgétaire. Il est ainsi peut-être nécessaire de faire du FDVA aujourd'hui un fonds d'urgence et de relance, puisqu'il s'agit d'un outil de proximité. Or la seule annonce ayant été faite pour le moment est celle d'une augmentation de 15 millions d'euros en 2021 des crédits ce fonds, qui s'élèvent aujourd'hui à 25 millions d'euros.

Nous avons été nombreux à déposer des amendements, car il nous semblerait pertinent d'abonder ce fonds pour que nous puissions l'utiliser dans les prochains mois, à un moment où il sera crucial de relancer les activités associatives, notamment au tout début de l'année 2021.

En dix ans, 470 000 jeunes ont participé au service civique. L'objectif affiché aujourd'hui est d'augmenter très rapidement ce nombre de 100 000. J'y suis très favorable. Nous demandons cette montée en puissance depuis longtemps. Néanmoins, je m'interroge sur deux points. Les structures associatives, qui aujourd'hui représentent 85 % des structures qui accueillent ces volontaires et ces missions d'intérêt général, auront-elles la possibilité de le faire dans les prochains mois, qui seront sans doute compliqués ?

Par ailleurs, les crédits supplémentaires alloués au fonds proviennent du plan de relance, et ne sont donc pas pérennes pour les années au-delà de 2022. Se posera également un problème de redondance avec le service national universel (SNU), qui s'adresse au même public. Il y aura une concurrence sur le plan budgétaire, puisque des fonds supplémentaires sont consacrés au SNU, alors qu'aucun n'a été dépensé pendant l'année 2020. En outre, comme le disait Mme Marie-George Buffet, les fonctionnaires d'État dont vous avez la responsabilité vont avoir une charge de travail supplémentaire. Pourquoi ne pas prioriser aujourd'hui le service civique, afin de parvenir à cette montée en charge de cent mille missions, quitte à mettre un peu de côté le SNU ?

Vous parliez de la valorisation du bénévolat. Nous constatons des difficultés d'application réglementaire pour le compte engagement citoyen (CEC). Vous l'aviez évoqué lors de vos précédentes auditions. Sera-t-il effectif dans les prochaines semaines ? C'est important, puisque cela permettrait de valoriser l'engagement de 260 000 bénévoles à travers des heures de formation.

Enfin, dans le cadre de ce deuxième confinement, est-il possible pour des membres d'une association de se réunir en présentiel dans leurs locaux ? De même, les membres d'un bureau associatif ont-ils la possibilité de se rendre dans ces locaux pour des actes administratifs, et selon quels motifs de dérogation ?

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Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse

Il faudrait une appréciation différenciée selon les secteurs associatifs. Je reste convaincu que l'État a fait beaucoup, en mobilisant des outils d'urgence dans un premier temps, puis de relance dans un second temps. Il est certain qu'en raison de l'exposition différenciée des associations à la crise que nous connaissons, et de leurs capacités variées à se saisir des outils que j'évoquais, certains secteurs ont souffert plus que d'autres.

À titre personnel, je suis préoccupé par la situation du secteur de la culture et du sport. Les clubs sportifs se retrouvent aujourd'hui dans une situation très difficile, de même que la fédération Sports pour tous. Le deuxième confinement les pousse à interrompre leurs activités, et les familles souhaitent parfois se faire rembourser une licence, une cotisation, ou une adhésion.

Il en va de même pour le secteur culturel, qui compte beaucoup de petites structures. Celles-ci ont sans doute peu bénéficié des outils que j'évoquais. Leurs événements ont tous été annulés. Elles sont donc très fragilisées par la crise actuelle.

J'essayerai ainsi plutôt de réfléchir dans une logique sectorielle, certains secteurs ayant peut-être besoin d'un accompagnement plus important. Les toutes petites structures, qui n'ont que des bénévoles, ne sont pas nécessairement une priorité en terme de soutien, parce qu'elles ont peu de charges fixes. Les très grosses ont su utiliser les outils à leur disposition. Néanmoins, les structures moyennes, qui emploient de cinq à dix salariés, sont dans une situation extrêmement difficile, surtout si elles relèvent des secteurs du sport et de la culture.

Je suis très sensible à l'attention que suscite le FDVA, ainsi qu'aux demandes récurrentes du mouvement associatif d'en faire un outil structurel, qui agrège des financements différenciés. Je trouve fondée cette demande d'en faire en quelque sorte la colonne vertébrale du soutien au monde associatif. Cet outil est identifié et bien connu. Il est en outre assez efficace parce qu'il est très déconcentré. Il repose sur une appréciation des services de l'État, mais aussi des élus locaux. Il agrège non seulement le « FDVA 2 », successeur de la réserve parlementaire, mais il est aussi un instrument de soutien à la formation des bénévoles. Cet outil a donc de multiples usages, et est ainsi très utile.

Vous avez souligné qu'il serait abondé l'année prochaine à hauteur d'environ 15 millions d'euros supplémentaires grâce à la mobilisation des parlementaires, avec l'affectation d'une quote-part des fonds en déshérence. Il s'agit d'une très bonne nouvelle, parce que cet abondement est pérenne. Son montant va fluctuer, parce qu'il dépend de la quantité de fonds qui seront chaque année rattachés au budget général de l'État, mais il ne s'agit pas d'une mesure d'urgence. C'est une mesure récurrente, qui nous invite d'ailleurs à réfléchir à ce à quoi nous allons affecter ces 15 millions d'euros.

Faut-il aller au-delà, d'une manière que je ne saurais pas tout à fait décrire aujourd'hui, en l'abondant à nouveau dans une logique d'urgence ? Je sais que vous recevrez prochainement la ministre Mme Sarah El Haïry. Elle sera mieux à même que moi de vous répondre sur notre capacité collective à dégager des moyens d'urgence pour le FDVA. Si vous le permettez, je la laisserai vous répondre sur ce point.

Nous nous sommes mobilisés pleinement avec l'Agence du service civique et les services de l'État pour permettre aux organismes d'accueil de recevoir cette nouvelle vague de jeunes. Celle-ci est tout à fait considérable, car elle comprendra plus de 100 000 jeunes – 20 000 maintenant, et 80 000 en 2021. Il s'agit en réalité d'un doublement de l'activité du service civique. Nous nous proposons de l'organiser de manière transitoire, en raison de la crise, grâce au plan de relance.

Nous sommes un peu coupés dans notre élan par le deuxième confinement, non pas que tout s'arrête en matière de service civique, mais tout risque d'être plus compliqué. Certains terrains de mission se ferment. Notre chance est que les activités périscolaires et scolaires continueront. De même, les associations de solidarité seront plus actives que jamais dans la période. Néanmoins, certains terrains de mission se ferment, et beaucoup de structures vont être pénalisées dans leur fonctionnement, ce qui va perturber la campagne d'agrément et de recrutement de jeunes en service civique.

Nous restons cependant convaincus que la demande des jeunes existe. Nous n'aurons pas de mal à trouver cent mille volontaires. Notre responsabilité est d'offrir à chacun de ces jeunes une solution. Nous devons mener un travail d'accompagnement et de soutien en direction des structures associatives et des collectivités locales, afin qu'elles puissent dégager ces 100 000 missions supplémentaires.

Nous les voulons de qualité à tout point de vue. Il faut que le contenu intrinsèque de la mission soit bon, et que tous les éléments qui contribuent à la qualité de l'expérience volontaire soient réunis. Il faut qu'il s'agisse d'une formation civique et citoyenne, d'un accompagnement dans le projet d'avenir, et d'un tutorat. Ces éléments différencient le service civique d'un emploi aidé, par exemple. Nous essayons ainsi d'accompagner les structures associatives et de les soutenir, pour qu'elles offrent cette expérience de qualité à 100 000 volontaires supplémentaires.

Je ne cache cependant pas que depuis quelques jours, cet accompagnement a lieu dans un contexte un peu particulier. J'en profite pour saluer les efforts considérables que déploient les agents du service civique pour continuer à le faire fonctionner en période de confinement, parce que nous avons plus que jamais besoin de jeunes gens engagés.

Je ne vous rejoins pas sur une éventuelle concurrence entre le service civique et le SNU. Ce sont deux sujets différents, et qui sont totalement financés. Le budget 2021 comprend des crédits substantiels pour le SNU. L'objectif est que 25 000 jeunes y participent. Plus de 61 millions d'euros sont inscrits au PLF sur le programme 163, au titre du SNU. Cela représente de 2 300 à 2 400 euros par jeune. Par ailleurs, grâce à la mission Relance, 611 millions d'euros sur trois ans permettront cette vague de 100 000 jeunes en service civique.

Les deux projets sont donc financés, et il n'y a aucun risque que l'un évince l'autre. C'est vrai financièrement, mais aussi en termes de dispositif. Le SNU est de plus en plus conçu comme une entrée dans l'engagement. L'un des mots d'ordre de la politique du Gouvernement en la matière est de favoriser l'émergence d'une société de l'engagement. L'entrée dans cette société de l'engagement, c'est le SNU. Le service civique, en quelque sorte, en est l'accomplissement.

Avec le SNU, nous souhaitons donner aux jeunes le goût de s'engager, et leur apprendre à le faire. Ce goût s'accomplira quelques années plus tard dans le service civique. Je crois donc que ces deux dispositifs sont très complémentaires, et ils se trouvent financés de manière distincte. Il n'y a donc pas du tout de concurrence entre les deux.

Je pense que nous allons maintenant aboutir en ce qui concerne le CEC. Nous avons été suspendus à une discussion compliquée avec la Caisse des Dépôts et consignations, sur laquelle je ne m'étendrai pas. Nous devions signer avec eux une convention, pour qu'ils puissent ensuite créditer les droits dans les comptes des jeunes et des moins jeunes.

J'ai signé cette convention la semaine dernière. La Caisse des Dépôts et consignations est en train de faire de même. Cela nous permettra donc de préfinancer, grâce aux crédits que vous avez votés l'année dernière, les droits des bénéficiaires du CEC. La Caisse, à juste titre sans doute, exigeait que ce préfinancement soit réalisé avant d'inscrire les droits sur les comptes personnels de formation (CPF) des bénéficiaires. Cela arrivera d'ici quelques semaines, sous réserve que le confinement ne complique pas trop la tâche. Il n'y a cependant pas de raison que ce soit le cas. Les droits devraient, comme nous nous y étions engagés la dernière fois, être crédités au mois de novembre 2020.

Je propose de répondre à vos deux questions très précises sur le droit associatif par écrit, parce que j'aurais peur d'être inexact, et de placer des responsables associatifs dans une situation délicate s'ils devaient justifier devant un policier de leur présence dans la rue pour se rendre dans leurs locaux. Je tends à penser qu'ils doivent pouvoir le faire. En revanche, je suis plus réservé sur leur capacité à se réunir dans des locaux qui sont par définition fermés. Les exceptions ont été limitativement énumérées, mais je préfère vous répondre par écrit sur ce sujet.

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Je voudrais revenir sur la question des « colos apprenantes ». Vous avez indiqué qu'elles avaient concerné 60 000 enfants, ce qui ne correspond pas aux objectifs initialement affichés par le Gouvernement, puisque celui-ci en visait 250 000. Il ne s'agit pas d'un reproche, mais d'une réalité. De votre point de vue, qu'est ce qui n'a pas fonctionné ? Quels ont été les freins, au-delà des questions sanitaires ?

Je souhaiterais également savoir d'où provenaient les enfants qui ont bénéficié de ces « colos apprenantes », puisque des publics prioritaires avaient été identifiés, que ce soit les enfants des QPV ou ceux des territoires ruraux. Il serait intéressant de savoir comment ils se sont répartis.

Enfin, malgré une communication gouvernementale importante, le dispositif n'a pas rencontré tout à fait son public. Vous parlez de le renouveler, et il a notamment été mis en œuvre pour les vacances de la Toussaint. Qu'est-ce qui permettra de multiplier les « colos apprenantes », pour qu'un plus grand nombre d'enfants puissent en bénéficier ? Je partage absolument l'idée que ces moments de socialisation sont d'un grand intérêt.

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Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse

Les chiffres que vous citez sont provisoires, mais ce sont bien ces ordres de grandeur. Environ 70 000 enfants ont été concernés. S'agit-il d'un succès, ou d'un demi-succès par rapport à l'objectif qui nous était assigné initialement ? Pour répondre à cette question, je dispose d'un autre indicateur. Les 50 millions d'euros votés dans le cadre du programme 163 pour les « colos apprenantes » et les accueils de loisirs ont été intégralement dépensés, même si cela s'est avéré plus délicat pour d'autres programmes.

Il est certain que moins d'enfants issus des QPV que nous n'espérions y ont participé. Il s'agit d'un point d'amélioration. Le budget était conçu de la manière suivante. Il comprenait 100 millions d'euros pour les « colos apprenantes », dont 80 millions d'euros sur le programme 147, et 20 millions d'euros sur le programme 163. L'idée était en effet que 80 % des jeunes bénéficiant de ce dispositif soient issus des QPV. De fait, tel n'a pas été le cas, mais les 70 000 jeunes étaient quand même issus de publics prioritaires, avec un quotient familial relativement faible, ou des familles nombreuses.

C'est la raison pour laquelle le programme 163 a largement financé ces colos apprenantes. Je vous laisse juge de la qualité de ce travail. Plusieurs points expliquent néanmoins pourquoi il n'a pas aussi bien fonctionné que nous le souhaitions. Tout d'abord, nous avons commencé tard. Les crédits ont été votés à la fin du mois de juillet. Nous avons donc dû anticiper le vote de ces crédits pour lancer le dispositif. Cela signifie que son temps de conception et de préparation pendant le confinement était très proche des vacances. Le temps nous a donc manqué.

Par ailleurs, de nombreuses collectivités locales étaient encore engagées dans le renouvellement de leur conseil municipal. Or le guichet pour bénéficier des vacances apprenantes était la collectivité locale. Il s'agissait du reste peut-être d'une erreur de conception. L'idée était que nous allouions des fonds à ces collectivités, pour qu'elles financent le départ en vacances des enfants. Tout reposait sur elles, et beaucoup n'étaient pas prêtes au mois de juin.

Enfin, et c'est un point important, nous nous intéressons aux familles les plus en difficulté, les plus éloignées des vacances. Si vous interrogez des associations telles que le Secours populaire ou le Secours catholique, que nous avons du reste réunis pendant le confinement pour préparer le dispositif, elles vous diront que les départs en vacances ne s'improvisent pas dans les semaines qui précèdent l'été. L'accompagnement des personnes vivant dans la précarité, notamment par des travailleurs sociaux, peut nécessiter plusieurs mois pour les convaincre de l'utilité d'un départ en vacances.

Nous nous sommes ainsi retrouvés à devoir monter ce dispositif, qui nous paraissait nécessaire, dans des délais très contraints pour les familles et pour les collectivités, y compris d'un point de vue administratif pour bénéficier des financements. L'un des indices qui viennent confirmer cette analyse est le grand succès de ce dispositif pour les vacances de la Toussaint.

Celles-ci ne sont pas censées être particulièrement propices aux colonies de vacances, il s'agit plutôt d'une saison creuse par rapport au printemps et à l'été. Néanmoins, le dispositif a alors bien fonctionné, parce que chacun était prêt. Beaucoup de projets n'avaient pas pu se monter cet été, parce que les partenariats n'avaient pas pu se nouer dans des conditions satisfaisantes. Néanmoins, chacun était prêt à la Toussaint pour les mettre en place.

Cela prouve que nous avons surtout manqué de temps, et non d'énergie ou de compétence. Le projet est bon. J'expliquais tout à l'heure pourquoi je pensais qu'il était une solution utile en termes de prise en charge et d'éducation des enfants. Si nous avons suffisamment de visibilité pour monter les partenariats et construire le dispositif, il fonctionnera de manière satisfaisante.

Nous devons également le simplifier, en particulier au regard de ses financements multiples. Il est en effet financé en partie par le programme 163 et le programme 147, mais aussi par le programme 304, qui concerne les enfants bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Tout cela a suscité beaucoup de complexité. Le dispositif a du reste très bien fonctionné pour ce dernier public. Les conseils départementaux ont vite compris l'intérêt qu'ils pouvaient en tirer, et beaucoup se sont appuyés sur les vacances apprenantes pour faire partir des enfants de l'ASE. Aussi, avec plus de temps, et si nous parvenons à simplifier le dispositif, je pense que ce programme rencontrera un grand succès en 2021.

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Il est exact que les terrains de mission se ferment, mais d'autres champs vont être obligés de s'ouvrir. Sommes-nous proactifs sur les nouveaux publics ? On ne sait en effet pas nécessairement ce que c'est qu'appartenir à un public précaire, quand ses parents étaient patrons d'une petite ou moyenne entreprise (PME), ou artisans. Il y a toute une typologie de nouveaux publics précaires, que les centres communaux d'action sociale (CCAS) ne connaissent pas. Nous y préparons-nous ?

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Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative et délégué interministériel à la jeunesse

Je ne sais pas si nous sommes suffisamment proactifs, mais nous avons appris du premier confinement en matière d'organisation pour le service civique. Nous nous étions alors posé beaucoup de questions sur la capacité des jeunes en service civique qui se retrouveraient sur un terrain fermé à basculer sur une autre mission, ou à en mener une en distanciel auprès du même organisme ou d'un autre. Cela soulevait de nombreuses questions juridiques et pratiques. Nous avons mis en place des solutions lors du premier confinement. Elles étaient assez complexes, et un certain temps a été nécessaire pour les imaginer et les déployer.

Nous avons travaillé depuis. Aussi, dès l'annonce du nouveau confinement, l'agence du service civique a pu diffuser un modus operandi très précis sur ces questions. Comment basculer un jeune dont le terrain de mission se ferme sur une mission émergente, ou en distanciel ? Comment le faire en respectant toutes les formalités qui s'imposent, mais de manière réactive et rapide ? Nous avons gagné en agilité entre le premier et le deuxième confinement.

Sommes-nous pour autant aujourd'hui en situation d'anticiper parfaitement les lieux vers lesquels redéployer ces jeunes en service civique ? Je n'en suis pas certain, mais je fais confiance à l'expertise associative, ainsi qu'aux acteurs qui vont émerger dans ce second moment de crise, pour trouver des solutions idoines.

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Je partage vos propos, d'autant que l'agilité est l'une des grandes qualités des jeunes. Il faudra la valoriser et l'utiliser . Je vous remercie.

L'audition s'achève à quinze heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 14 heures

Présents. – Mme Marie-George Buffet, M. Régis Juanico, Mme Sandrine Mörch, Mme Sylvie Tolmont