Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 9h00

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La réunion

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Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jeudi 5 novembre 2020

La séance est ouverte à neuf heures.

Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente

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Bonjour à tous. Nous poursuivons nos auditions autour du Covid-19 et de la jeunesse, en abordant ce matin un acteur fondamental pour les enfants et les jeunes : la famille. Nous recevons ce matin Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales (UNAF), dont l'éclairage nous sera précieux pour entrer dans l'intimité des foyers, toucher du doigt les conséquences de la crise sanitaire sur les parents, et donc sur leurs enfants. Que s'est-il passé pendant le confinement au printemps ? À quelles réactions avez-vous eu affaire au sein des familles ? Certains parents ont-ils repris en main leur rôle de parents ? D'autres ont-ils définitivement perdu pied ? Comment ont-ils géré l'accompagnement scolaire, la promiscuité ? De nombreux enfants, et notamment des collégiens, nous ont indiqué avoir aimé cette promiscuité, synonyme de retrouvailles avec la fratrie et les parents.

Disposez-vous par ailleurs de chiffres sur la recrudescence des violences intrafamiliales ? Plus généralement, quelles tensions sont apparues au sein des foyers, pour ces deux confinements ? La situation économique de certains parents s'est tellement dégradée que les enfants ont également basculé dans la précarité.

Vous êtes une association reconnue d'intérêt général. Vous portez la parole des familles auprès des pouvoirs publics. Vous regroupez 70 mouvements familiaux et 6 500 associations familiales d'une grande diversité. L'UNAF anime également le réseau des unions départementales et des unions régionales des associations familiales, qui, dans chaque département et dans chaque région, mènent des missions de représentation et de service aux familles. Ce réseau permet à l'UNAF d'appréhender la diversité des situations des familles sur l'ensemble des territoires. Nous souhaiterions vous entendre sur les enjeux spécifiques de certaines familles, dont nous avons moins parlé, notamment les familles monoparentales, pour lesquelles les difficultés sont terriblement exacerbées. Nous aimerions aussi recueillir des précisions sur les familles vivant en milieu rural, un peu moins abordées pendant cette Commission d'enquête, ainsi que sur celles qui vivent en outremer.

Nous sommes également très intéressés par votre appréciation des modalités de ce nouveau confinement. Je vous cède la parole pour une intervention liminaire d'environ 10 minutes, qui précèdera notre échange sous force de questions-réponses avec les députés présents.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une Commission d'enquête de prêter serment et de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous demande de jurer que vous allez nous dire la vérité et je vous donne la parole.

(Mme Marie-Andrée Blanc prête serment)

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

Comme vous l'avez dit, l'UNAF est le représentant officiel des 18 millions de familles qui vivent en métropole et dans les outremers. Nous comptons 99 unions départementales d'associations familiales (UDAF). L'outremer est représenté par la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, Mayotte et la Guyane. Nous comptons aussi 13 URAF, une par région.

Notre réseau est important, avec 7 000 associations adhérentes, représentant environ 700 000 familles. Nous regroupons également 7 100 salariés et environ 15 000 représentants familiaux, tous bénévoles, sur l'ensemble du territoire. Moi-même, présidente de l'UNAF, je suis bénévole.

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Nous adressons un grand bravo aux bénévoles. Merci !

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

Ce sont des gens qui s'investissent, au-delà de leur vie familiale, au-delà de leur vie professionnelle, qui sont là, non pour défendre leur intérêt particulier, mais l'intérêt général. C'est une population qu'il convient de féliciter et de reconnaître.

Conformément au code de l'action sociale et des familles, nous gérons des services de protection de l'enfance, mais aussi de protection juridique des majeurs. Si nous n'étions pas là pour ces personnes vulnérables, elles seraient peut-être laissées de côté sans avoir accès à leurs droits. Nos mandataires juridiques effectuent un travail exceptionnel, permettant à des personnes vulnérables de gagner en autonomie et en reconnaissance de leurs droits.

La protection de l'enfance compte 80 UDAF gestionnaires de services de protection de l'enfance. Nous accompagnons environ 30 000 enfants, sans compter l'exercice des mesures ad hoc pour mineurs.

Pour entrer plus directement dans le thème de la commission d'enquête, je vous propose d'articuler mon propos autour de cinq champs d'action, dans lesquels notre réseau intervient au quotidien pour les enfants et les jeunes.

Tout d'abord, je souhaiterais mettre en avant la parentalité et la politique familiale, notamment la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Les familles ont tenu face à la crise et ont permis à la société de tenir. C'est grâce aux familles que le premier confinement s'est déroulé de manière exemplaire. Dès le premier jour, elles ont été mobilisées et ont pris le relais, avec l'appui des enseignants, du suivi pédagogique des enfants. Ce sont les parents, privés de crèches, d'accueils de loisirs, d'écoles, de cantines, qui ont cumulé télétravail et garde des enfants, alors que certaines solidarités familiales – comme les grands-parents – avaient disparu.

Les aidants familiaux ont parfois dû cohabiter avec leurs proches vulnérables, notamment des enfants en situation de handicap et des personnes âgées dépendantes. D'autres familles ont accueilli leurs étudiants, leurs jeunes adultes. Les familles ont donc fait face et ont montré qu'elles étaient un maillon essentiel de la solidarité dans le pays.

Au début de ce quinquennat, le Gouvernement n'a pas nommé de ministre des Familles. Je veux donc saluer l'arrivée d'un secrétaire d'État dédié à l'Enfance et aux Familles, Adrien Taquet, interlocuteur privilégié de l'UNAF.

Certaines familles ont effectivement été fragilisées pendant ce confinement et des actions sont nécessaires pour prévenir les risques d'appauvrissement de certaines d'entre elles. Des tensions, des conflits ont pu émerger, voire des violences. Des services de médiation familiale permettent d'apaiser ces tensions, ainsi que des espaces de rencontres, permettant aux parents séparés de rencontrer leurs enfants, ou des services permettant de traiter les violences. Tous ces services doivent être renforcés et pleinement mobilisés dans une logique préventive.

D'autres familles se sont appauvries du fait des coûts liés au confinement. L'absence de cantine, l'absence d'équipements numériques, le retour d'un proche au domicile, des baisses de revenus de travail : ces éléments pèsent très lourd sur le budget des familles, notamment celles qui étaient déjà fragilisées avant la crise. Pour celles-ci, les actions de prévention du surendettement sont indispensables. J'y reviendrai.

Au-delà de ces urgences, il faut miser sur les familles pour relancer l'économie. Le lien qui n'est à nos yeux pas suffisamment mis en avant est celui entre les enfants et les parents. Un ménage avec enfants sur trois a vu sa situation financière se dégrader pendant le confinement, contre seulement 18 % des ménages sans enfants. Il s'agit là de l'un des premiers enseignements de l'enquête EpiCOV, menée auprès de 135 000 personnes entre mars et mai 2020 et publiée le 14 octobre dernier par l'INSEE.

Les parents sont les principaux aidants financiers des jeunes et ont d'ailleurs l'obligation légale de le faire. L'appauvrissement des parents interagit de fait avec celui des jeunes. Les parents assument les premiers le chômage prolongé de leurs jeunes et les aident à faire face dans la mesure de leurs moyens. Il ne faut donc pas opposer aides aux familles et aides aux jeunes. Dans notre dernière publication « Jeunes, vie active et autonomie », nous avons souligné que près de huit parents sur dix aident leurs enfants jeunes adultes, avec un montant moyen de dépenses évalué à 3 700 euros par an, soit environ 8 % de leurs revenus.

Le confinement a également montré une forte attente des parents en matière de soutien à la parentalité. L'ouverture des crèches, des collèges et des lycées en ce moment était demandée par l'UNAF. Il est en effet important de renforcer l'axe de soutien à la parentalité.

Quatre grands types de besoins des parents ont été identifiés dans notre réseau : tout d'abord, un besoin d'information et de réassurance sur la pandémie du covid-19 et la manière d'en parler avec ses enfants. Nous avons aussi identifié un besoin d'idées, d'activités éducatives et ludiques pour occuper les enfants et trouver une alternative aux écrans, un besoin d'appui en termes d'accompagnement à la scolarité : les parents ne sont pas des enseignants. Enfin, l'on a constaté un besoin d'accompagnement, d'appui, de conseil et d'écoute en matière de soutien à la parentalité, pour prendre du recul sur ses pratiques, faire autrement avec ses enfants, mais surtout, faire retomber les tensions.

Cette question de la réassurance des parents à l'endroit des enfants est importante pour la prise en charge de ces derniers. Le rapport du comité d'expert présidé par Boris Cyrulnik sur les 1 000 premiers jours de l'enfant y consacre un long développement. Il propose notamment un accompagnement personnalisé aux parents. Pour l'UNAF, l'accompagnement des parents doit se prolonger au-delà des trois premières années de l'enfant, pour traverser l'adolescence et les âges suivants, pour une information et une communication de proximité. Le bouche-à-oreille permet ainsi un accompagnement de proximité. Dans tous les âges, les parents demandent que les actions de soutien à la parentalité puissent se tenir à proximité de chez eux.

Un autre point très important est la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Ce sujet doit être pris à bras le corps, pour le mieux-être des enfants et pour permettre aux parents d'assumer leur rôle. Le confinement a montré qu'un temps avait été retrouvé, ensemble, même si des tensions ont évidemment existé. Il a aussi montré l'importance des dispositifs de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Pour nous, l'évolution des mentalités passe par une reconnaissance plus importante par les employeurs de leurs salariés en tant que parents. De nombreux pères seraient favorables à la prise d'un congé parental. Il faut donc leur permettre de le prendre. Les entreprises seraient bien évidemment impliquées, car, dans cette reconnaissance, se jouent leur avenir et leur attractivité. Quand on se sent bien dans sa vie familiale, on se sent bien au travail, et réciproquement. Il est important de souligner cette évidence.

Il apparaît fondamental de repenser les congés de naissance : maternité, parental et paternité. La commission d'experts des mille premiers jours considère nécessaire la présence des parents pendant la première année de l'enfant. Elle appelle les politiques publiques à soutenir le choix des parents en ce sens, pour que du temps soit libéré pour les parents. Pour ce faire, cette commission avance trois propositions fortes, étroitement liées : tout d'abord, du temps en plus pour les mères, soit deux semaines de congé postnatal ou d'adoption supplémentaires, pour atteindre trois mois pleins ; ensuite, du temps en plus pour les deux parents à partir du 4e mois, par la mise en place d'un congé parental de neuf mois partageable, avec un niveau d'indemnisation suffisamment attractif, qui correspondrait à un montant minimum de 75 % du revenu perçu, quel que soit le statut ; enfin, du temps en plus pour les pères, avec un congé paternité allongé à neuf semaines.

Aujourd'hui, le congé parental est réhabilité, alors qu'il avait été sabordé ces dernières années. En 2015, le congé parental était par exemple réduit. Or ce congé parental est indemnisé à hauteur de 398,40 euros mensuels pour le parent qui le prend. Ce montant ne permet pas de faire face à de nombreuses dépenses. Il convient évidemment de revoir cette prestation, pour la rendre plus en adéquation avec la rémunération du parent qui décide de prendre un congé parental. Nous savons en outre que seuls 4 % des pères prennent ce congé parental.

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N'oubliez pas dans votre présentation que nous devons nous centrer sur les jeunes et la famille pendant le premier confinement et le second, ainsi que dans la période d'inter-confinement.

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

Il me semblait important d'insister sur la nécessité de repenser ce congé parental et cette conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Or le télétravail ne saurait constituer un mode de garde. J'entends cependant votre remarque, mais une directive européenne doit être mise en place en juillet 2022 sur ces sujets de congé parental et de conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle.

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Certes. La crise est également un terrain très favorable à toutes ces réflexions. Néanmoins, notre temps est compté et je vous propose de revenir dans le vif du sujet, pour tirer des enseignements des confinements et de la période d'interconfinement.

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

Je reprendrai notamment des propositions concernant le surendettement. Il faut prévenir le surendettement et l'appauvrissement des familles, conséquences du confinement et de la situation économique de notre pays, qui a été mise à mal par le premier confinement.

Il faut tout d'abord rappeler le dispositif Point Conseil Budget. Les UDAF ont été les premières à être labellisées par ce dispositif, qui vise à prévenir l'endettement et à expliquer aux familles la gestion d'un budget, en précisant les dépenses obligatoires et celles dont on peut se passer en cas de problèmes financiers importants. Ces Points Conseils Budgets doivent donc être déployés sur le territoire national. La Stratégie pauvreté prévoyait 400 Points Conseils Budgets et, l'année précédente, 250 avaient été labellisés sur ces 400. Peut-être en faudra-t-il davantage cette année.

Vous avez parlé tout à l'heure de la ruralité. Je vis dans un département particulièrement rural : la Haute-Loire, qui compte 230 000 habitants. La ruralité est notamment caractérisée par de nombreuses difficultés de mobilité. Par exemple, en Haute-Loire, il n'y a pas d'autoroute, mais seulement des routes nationales et des routes départementales. La Haute-Loire se compose de la grande agglomération du Puy-en-Velay, ainsi que d'un col à 1 000 mètres d'altitude d'un côté et d'un autre col à 1 200 mètres d'altitude de l'autre. Par sa situation géographique et sa topographie, notre département aurait besoin de trois Points Conseils Budgets au minimum, dans des bassins de vie complètement différents.

« L'aller vers » est le plus important, car si nous « n'allons pas vers », il n'est pas certain du tout que ceux qui en ont le plus besoin se déplacent. Certaines personnes, par orgueil, refusent en effet de reconnaître leurs difficultés. Cependant, dans les petites communes, les gens se connaissent. Il faut également citer l'existence des centres communaux d'action sociale (CCAS), dans les intercommunalités et les municipalités, et dans lesquels les UDAF sont représentées par un membre de droit. Nous pouvons donc y actionner quelques leviers, afin d'aider ces familles dans la gestion de leur budget. Lorsqu'une famille vient à notre rencontre pour nous exposer une problématique budgétaire, nous faisons avec elle l'inventaire des dossiers administratifs. Le Point Conseil Budget permet donc de tisser un lien de confiance entre la famille et l'UDAF. Nous siégeons aussi dans les commissions territoriales de prévention des expulsions (CTPEX), où sont évoquées les difficultés de paiements de loyers. Or si le loyer n'est pas payé, la famille est expulsée et ses enfants sont placés.

Pendant le confinement, nos services ont continué à prendre contact avec les familles, notamment celles que nous accompagnons dans le cadre d'une mesure d'aide à la gestion du budget familial. Cette mesure est mise en place dans l'intérêt de l'enfant et permet à la famille de gérer son budget au plus près, en l'amenant vers plus d'autonomie, tout en reprenant confiance. Les prestations familiales doivent ainsi être utilisées dans l'intérêt de l'enfant. Pendant le confinement, nous avons constaté que certaines familles n'avaient pas les moyens informatiques pour que leurs enfants puissent continuer à suivre leurs cours. Nous nous sommes alors mis en ordre de bataille avec les conseils départementaux et régionaux pour que des moyens informatiques soient mis à disposition de ces familles, de manière à ce que leurs enfants puissent suivre les cours. Il s'agit en l'occurrence certes d'une mesure judiciaire, qui permet aussi à des familles de ne pas sombrer dans le surendettement ou de ne pas baisser les bras devant les difficultés. Dans mon département, 130 mesures d'aide à la gestion du budget familial ont été mises en place et nous accompagnons 400 enfants. Tout d'abord, nous acquittons le paiement du loyer, pour éviter surtout que les enfants soient placés, alors que ces familles ne leur sont pas nuisibles. Il est donc important de faire connaître cette mesure, qui n'est pas onéreuse pour les services de l'État. Elle est par exemple bien moins onéreuse que le placement d'un enfant ; elle coûte trois euros par jour et par enfant, sans entraîner de désagréments au niveau de la fratrie ni de la famille.

Les aides exceptionnelles versées aux familles modestes ont quant à elles tenu compte de la composition de la famille et ont été attribuées aux familles percevant le RSA ou les allocations logement, ce qui n'est pas le cas de toutes les familles. Toutefois, certaines familles sont composées de travailleurs pauvres et rencontrent des difficultés en fin de mois. Des familles qui travaillent et qui perçoivent l'allocation de rentrée scolaire peuvent être exclues de cette prime exceptionnelle. Nous avons signalé cette situation au printemps et j'ai répété hier au ministre Adrien Taquet que cette mesure exceptionnelle devait aussi être attribuée aux familles percevant l'allocation de rentrée scolaire. En effet, pendant le confinement, toutes ces familles ont dû faire face à des frais supplémentaires.

Il a souvent été dit que, pendant ce nouveau confinement, l'accueil physique serait assuré dans chaque guichet bancaire, dans chaque guichet postal. Ces dispositions doivent être maintenues. A la campagne, les guichets postaux sont très importants, notamment car les banques y ont disparu. Dès lors, comment effectuer un retrait bancaire ou percevoir des prestations sans distributeur ni guichet postal ? Il est très important que les guichets bancaires et postaux restent ouverts. Dans mon département, au plus fort du confinement, seuls cinq bureaux de poste sont restés ouverts, pour 230 000 habitants. Nous avons donc constaté une absence phénoménale.

Dans le processus de paiement des factures et de gestion des impayés (fournisseurs d'énergie, bailleurs sociaux, bailleurs institutionnels privés, établissements de crédit), il faut accorder de la souplesse. Il faut aussi déstigmatiser la procédure de surendettement. Certaines familles ont droit à l'échec. Nous sommes là pour les aider et, plutôt que de parler de « surendettement », sans doute faudrait-il parler de « procédures de désendettement ».

Il convient encore de plafonner durablement les frais d'incidents bancaires pour tous les consommateurs. En 2017, nous avions lancé une enquête, que nous avons réalisée à nouveau en 2018 et en 2019. Nous avons constaté que les frais d'incidents bancaires représentaient 6,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, à rapporter à leurs 4,9 milliards d'euros de résultat net. Ce sont donc les clients les plus vulnérables qui paient le plus. Certaines banques, notamment des banques mutualistes, prélèvent des frais d'incidents bancaires illégaux.

Les familles monoparentales vivent quant à elles fréquemment sous le seuil de pauvreté. Parmi les 2,4 millions de familles monoparentales françaises, certaines ont vu leurs difficultés s'accroître pendant le confinement. Pour la majorité d'entre elles, le confinement a été synonyme d'isolement. Ces familles sont vulnérables en ce qui concerne l'emploi et la charge mentale y est nettement accrue. Elles se sont trouvées particulièrement isolées pendant le confinement, d'autant que, parfois, le deuxième parent a été privé de visite de ses enfants du fait du confinement. Pendant ce deuxième confinement, les lieux et espaces de rencontres sont maintenus et les parents peuvent voir leurs enfants, ce que nous saluons. Toutefois, l'isolement de ces familles mène à l'épuisement lorsque l'on est seul avec ses enfants. Nous serions donc favorables à ce que soient autorisées des interventions de bénévolat à domicile, dans le respect des règles sanitaires, pour accorder un peu de répit à ces familles.

D'autres situations ont été dramatiques, pour les enfants en situation de handicap et les aidants familiaux. L'UNAF est membre du collectif interassociatif des aidants familiaux (CIAAF), qui a conduit une enquête pendant le confinement auprès des aidants familiaux. Les premiers résultats de cette enquête viennent d'être publiés sous le titre : « L'impact du confinement, une charge supplémentaire pour les aidants ». Cette enquête comporte le témoignage d'une mère d'un enfant de moins de vingt ans. L'enfant est atteint d'un trouble du spectre autistique et cette mère souligne « le confinement a fait de moi une femme de ménage, une infirmière, une secrétaire administrative, une institutrice, une éducatrice spécialisée et un punching-ball pour mon fils ». Avec le confinement, le rôle des aidants s'est révélé vital. Le confinement a notamment accru l'isolement des aidants, qui ont largement pallié la fermeture des établissements et la réduction des services d'aide à domicile. 67 % des aidants ayant répondu à l'enquête étaient accompagnés dans leur rôle avant le confinement. Seuls 48 % l'ont été pendant le confinement, soit une déperdition de l'ordre de 20 %. Cet isolement a été imposé aux aidants. Certains ont reçu de plein fouet la fermeture des établissements, la réduction ou l'interruption des services d'aide à domicile ainsi que l'impossibilité pour leur famille de venir les aider. Les aidants ont dû très rapidement s'adapter pour accueillir leurs proches à domicile, concilier télétravail et le rôle d'aidant. Ce sont ainsi 79 % des aidants qui déclarent que l'absence d'aide à leur côté provient d'une cause extérieure. Dans les services d'aide à domicile, certaines familles ne souhaitaient plus le passage du professionnel par peur de la contamination.

Ces situations ont donc entraîné des effets négatifs sur la santé des aidants, qui réclament d'être aidés et constatent une nette augmentation de leur épuisement physique et moral. Le premier besoin exprimé par les aidants correspond à la possibilité de bénéficier des solutions de répit (34,27 %). La lourdeur administrative des démarches est également soulevée. Elle constitue un frein au recours pour plus de la moitié d'entre eux (50,98 %).

Le CIAAF demande la mise en place immédiate d'un chèque répit, d'un montant de 1 000 euros et d'une validité d'un an, ainsi qu'une augmentation à court terme des services adaptés et de l'accompagnement professionnel à domicile. Il demande aussi des solutions de répit, telles que des séjours de vacances adaptés, de l'accueil temporaire avec hébergement.

Nous avons également réalisé un questionnaire flash portant sur l'école à la maison pendant le confinement et l'avons adressé à des familles. Plus de 1 800 familles de toute la France y ont répondu. Ce questionnaire a permis de dresser l'inventaire des situations dont les pouvoirs publics devront être conscients dans les mois à venir. Un sondage avait directement été réalisé auprès des associations familiales : 56 associations y ont répondu.

Les parents ont donné une note sur les cours et l'accompagnement proposé par l'école. Celle-ci se situe au-dessus de la moyenne (3,8/5). Nous avons pu mesurer le travail des enseignants et des établissements scolaires pour assurer la continuité éducative pendant le confinement ; toutefois, les difficultés vécues par 66 % des familles dans notre échantillon font craindre que les enfants n'aient pas bien pu continuer à travailler pendant cette période de confinement. Les familles disent également qu'elles ont dû fortement se mobiliser pour aider leurs enfants dans le cadre de l'école à la maison, ce qui a généré des difficultés de conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. 52 % des familles de notre échantillon ont de plus rencontré des difficultés à concilier travail et famille. Le télétravail ne peut donc être assimilé à du temps libre ni à une possibilité de garde.

Nos recommandations seraient les suivantes : développer davantage les relations entre les établissements scolaires et les parents, en créant des moments d'échange et de rencontre sur deux thématiques essentielles. Il s'agit d'abord du soutien scolaire de l'enfant. Même si la situation est exceptionnelle, les parents ont besoin de savoir comment accompagner leurs enfants dans les apprentissages. Il s'agit ensuite de l'utilisation du numérique pour le scolaire. Les parents ont besoin d'être formés à l'utilisation du numérique. Dans ce domaine, un échange de savoirs pourrait être organisé entre les parents « sachants » et ceux qui sont moins à l'aise. Ensuite, il faut uniformiser les pratiques informatiques au sein des établissements scolaires. Les enseignants aussi ont besoin de se former, mais au-delà de cette formation, l'utilisation doit être uniforme au sein d'une même école, ce qui pourrait simplifier la vie de tous. Un accord pourrait être trouvé au sein du conseil d'école et un enseignant responsable des outils numériques pourrait être chargé de veiller à sa mise à jour.

L'obligation légale éducative repose en outre sur les seuls parents. Il faut renforcer le message adressé par le Gouvernement aux employeurs, pour que ces derniers fassent preuve de compréhension et reconnaissent qu'il n'est pas toujours possible aux parents d'être aussi productifs quand on a des enfants avec soi. Comment des parents d'enfants âgés de quelques mois, de quelques années, peuvent-ils assurer la garde de leurs enfants tout en télétravaillant ? Si les structures scolaires et les crèches devaient à nouveau fermer, les difficultés reviendraient sur le devant de la scène.

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Votre exposé est passionnant. Néanmoins, le temps a filé. Je vais donner la parole à la rapporteure de la commission d'enquête, Marie-George Buffet, puis aux députés présents, s'ils souhaitent eux aussi vous poser des questions.

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Merci, Madame la Présidente. Merci, Madame Blanc, pour vos propos très précis. Je voudrais saluer l'action des bénévoles et souligner le rôle des familles dans notre société.

Vous avez fait part de votre avis concernant les aides gouvernementales qui ont été versées et vous avez demandé leur élargissement. Nous devrons noter cette proposition dans notre rapport. D'autres propositions me semblent intéressantes. Vous avez par exemple abordé les questions relatives au surendettement, qu'à juste titre, vous appelez le « désendettement ». En cas de nouvelle crise et de nouveau confinement, faut-il selon vous organiser un moratoire pour tout ce qui concerne les procédures d'expulsion locative, de recouvrement des dettes, etc. ? Il s'agirait en effet de donner le temps à ces familles de rééquilibrer leur budget.

Vous avez évoqué les bénévoles à domicile. Pour toutes ces fonctions, nous avons besoin de personnes qualifiées. À travers les CAF, par exemple, ne faudrait-il pas mettre en place une forme de chèque pour des personnes formées, qui viendraient soutenir les familles monoparentales à domicile ?

En ce qui concerne les relations entre les enseignants et les parents, vous faites des propositions pour améliorer la continuité pédagogique en cas de nouvelle fermeture des établissements scolaires. Je note notamment l'idée d'unifier les outils numériques, car cela a constitué un vrai problème lors de la première période de confinement. Au-delà des relations directes entre parents et enseignants, quelle est votre appréciation quant à la capacité de coopération entre les différents services publics sur l'aide à l'enfance ou l'accompagnement de la jeunesse ? Nous avons parfois eu l'impression qu'il existe trop de verticalité dans les services publics. Malgré quelques expériences intéressantes, menées lors du premier confinement, nous avons l'impression parfois que l'on n'arrive pas à débloquer cette verticalité, pour créer de nouveaux systèmes permettant de répondre aux besoins des familles.

Vous avez évoqué l'accompagnement des parents après les trois ans de leur enfant. Cette idée est très intéressante, mais par quels moyens envisagez-vous cet accompagnement des familles après trois ans ?

Enfin, quel est votre avis concernant le RSA (revenu de solidarité active) jeunes, le RSA pour les 18-25 ans ?

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

Lorsque l'on parle de bénévoles à domicile, on peut aussi penser à des associations, présentes sur les territoires. Certains salariés se rendent directement à domicile. Il faut donc que ce métier soit davantage reconnu, car nous rencontrons d'importantes difficultés dans le recrutement de professionnels et l'accompagnement. Les faiblesses de recrutement sur ces postes sont dues à des salaires très en deçà de ce qu'ils devraient être. Ces situations se constatent dans le secteur de l'aide à domicile, où les salaires ne sont pas attractifs. Il faut également que ces personnels soient reconnus à part entière. Il ne s'agit pas là en effet de « petits boulots », notamment car ces salariés créent des liens de confiance avec ces familles. Dans nos associations familiales, nous travaillons notamment avec de jeunes retraités, qui sont aussi en charge d'« aller vers ». Dans ces périodes de crise, il ne faut pas opposer professionnels et bénévoles. Ces derniers doivent agir en toute complémentarité. Voilà pourquoi nous souhaitions associer salariés et bénévoles, et non les opposer. Soulignons quoi qu'il en soit les difficultés de recrutement, parce que les salaires ne sont pas suffisamment attractifs. Le métier de technicien de l'intervention sociale et familiale (TISF) doit être valorisé, tout en s'appuyant sur les bénévoles.

Il faut par ailleurs que les écoles s'ouvrent aux parents. La discussion doit pouvoir s'engager, ce qui lèverait de nombreuses difficultés. Les associations familiales ont un rôle à jouer à ce titre, certains parents ayant des appréhensions vis-à-vis de l'école, alors qu'il faut que chacun fasse un pas vers l'autre, de manière à ce que des liens se nouent. Les parents sont toujours inquiets de la prise en charge de leur enfant à l'école, de son acceptation, de son orientation, etc. Nous avons diligenté une enquête, « Être parent d'enfants de six à douze ans », via les CAF et les UDAF. Le premier point qui en ressortait avait trait à l'orientation scolaire de l'enfant. Il faut absolument que des lieux soient réservés aux parents, au sein de l'école, en proximité avec les enseignants. Dans les quartiers de la politique de la ville, nous pouvons compter sur des adultes relais, qui ont pour rôle de tisser du lien entre les parents, les enfants et l'école.

Vous évoquez ensuite les aides qui peuvent être attribuées à l'enfance, à la jeunesse, etc. Or de nombreuses aides sont méconnues et l'UNAF a notamment pour travail de faire connaître aux familles les aides auxquelles elles peuvent prétendre. Nous devons porter ce message, mais des travaux doivent être menés pour que les familles appréhendent mieux les dossiers informatisés. Chacun sait se servir de son smartphone pour jouer ou naviguer sur internet, mais, dès qu'il s'agit de remplir une liasse CERFA, nous sommes nombreux à être démunis, quels que soient notre âge, notre fonction, etc. Un travail de simplification doit être mené à ce titre.

Quant à notre avis sur le RSA jeunes, l'UNAF n'a pris de position sur ce dossier. Nous souhaitons d'abord éviter qu'il y ait des décrocheurs, et souhaitons que les jeunes soient formés avant de penser à un RSA pour tous les jeunes de 18 à 25 ans. Il faut absolument que nos jeunes soient encadrés, qu'ils sachent tous lire, écrire et compter. Tous ces jeunes doivent être accompagnés. L'accompagnement sera en effet essentiel.

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J'ai été particulièrement sensible à vos propos concernant l'accompagnement des familles pendant cette période de crise sanitaire, qui est surtout une crise humaine hors normes.

La famille est un lieu d'apprentissage, de transmission, mais parfois aussi de violences, physiques ou psychologiques. Les signalements de violences domestiques et conjugales ont été nombreux pendant la période de crise sanitaire. Par quels moyens pouvez-vous accompagner ces familles quand ces violences sont avérées ? Comment percevez-vous les signalements, alors qu'il est parfois plus difficile aujourd'hui pour les aidants d'entrer dans les foyers, notamment du fait des risques de contamination ?

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Merci, Madame Blanc, de votre présence ce matin. Ma question concerne les enfants dont la résidence est transférée, par exemple chez la mère, leur père ne pouvant les rencontrer que dans un lieu médiatisé, comme c'est parfois le cas chez des parents séparés. Dans ces situations, le lien peut être rompu et ces lieux d'accueil permettent de le restaurer progressivement. Pendant le confinement, comme vous l'avez dit, ces lieux médiatisés étaient fermés. Des échanges téléphoniques ont-ils cependant pu être organisés via le responsable du lieu ? Quelles solutions avez-vous identifiées pour que le père puisse continuer à entretenir des contacts réguliers avec ses enfants si ces situations devaient se renouveler ?

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

En ce qui concerne les violences faites aux femmes, je vous propose de vous adresser une note. Effectivement, certaines UDAF sont très présentes dans ces dispositifs, notamment celle du Tarn-et-Garonne. L'UDAF 82 dispose d'un service qui fonctionne très bien, avec une salariée présente lorsqu'une femme victime de violences dépose plainte dans un commissariat ou à la gendarmerie. Cette pratique est en train d'essaimer sur les territoires dans nos autres UDAF. Je vous propose donc que nous vous transmettions ces procédures de façon détaillée, car elles sont en train d'être mises en place dans tous les départements.

Pour répondre à Madame Zitouni, il est vrai que, lors du premier confinement, les espaces de rencontres, permettant au deuxième parent de rencontrer ses enfants, ont été fermés. Actuellement, la DGCS a donné l'instruction de maintenir ces espaces de rencontres ouverts, tout en respectant les règles sanitaires. Je suis d'accord avec vous à ce titre : il est gravissime que des enfants ne puissent pas voir leurs parents. Les parents et les enfants ont besoin de se voir.

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Merci à Madame Blanc, pour ses propos très éclairants concernant la vie des familles pendant et après le confinement. J'ai bien noté qu'environ un tiers des familles s'étaient appauvries pendant cette période, ce qui pose de nombreux problèmes. Le Gouvernement est en train de mettre des mesures en place, après avoir pris conscience de ces difficultés.

J'ai également noté que vous insistiez sur le déficit en matière d'équipements informatiques dans de nombreuses familles. Les études montrent en effet que des écarts se sont creusés, avec des trimestres de l'année scolaire très perturbés, ce qui laisse des traces.

Ma question sera plus légère que celles de mes deux collègues, dans la mesure où je souhaite parler de vacances. Après le confinement, dans les familles, y a-t-il eu des problèmes particuliers pendant les grandes vacances ? Quelle a été selon vous la signification des « vacances apprenantes » ?

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

En ce qui concerne les vacances, nous avions mis en place une démarche relative aux vacances de Pâques, pendant le premier confinement. Nous étions alors tous confinés et avions demandé à ce que les vacances ne soient pas zonées. Malheureusement, cette demande n'a pas été validée. Les vacances apprenantes étaient un dispositif intéressant, que nous avons relayé dans nos réseaux. Effectivement, comme vous le soulignez, certains enfants demeurent très en deçà du niveau qu'ils auraient dû atteindre. À l'époque, pendant ce premier confinement, personne ne se doutait sans doute de ce qui allait survenir. Je suppose que, si ce dispositif était proposé maintenant, davantage d'enfants s'inscriraient. Il convient également de se demander combien ce dispositif a coûté aux parents. Les centres de loisirs et les colonies de vacances donnent lieu à des aides pour certaines familles, mais d'autres, de condition modeste ou moyenne, n'y inscrivent pas leurs enfants, en raison d'un coût trop élevé. Le coût d'un centre de loisirs est élevé dans le budget d'une famille. Sans doute faudrait-il revoir les contributions de la CAF pour ces dispositifs. Il est évident que de nombreux enfants ont perdu pied scolairement, du fait de ce confinement et parce que leurs parents ne sont pas enseignants. Les relations d'un enfant avec son père ou sa mère ne sont pas les mêmes que celles qu'il a avec un enseignant, d'autant que ce dernier est formé à enseigner. Or les parents éduquent leurs enfants, mais ne sont pas là pour les instruire.

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

Tout à fait. Il faut le dire. Être parent, ce n'est pas être enseignant.

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

Oui. Toutes les actions de soutien à la parentalité ont également vocation à enseigner aux parents leur rôle de parent. Il s'agit en effet de leur donner des clés pour l'éducation de leurs enfants.

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J'aimerais revenir sur ce sujet, même si vous ne pourrez peut-être pas revenir dans le détail. Nous souhaiterions néanmoins que vous nous fassiez des préconisations avant le 19 novembre : que proposez-vous concernant le soutien à la parentalité ? Le statut de la famille a-t-il été modifié en cette période de crise, dans les consciences, à l'école ? La notion de famille a-t-elle évolué ? Cette crise a-t-elle accentué encore l'assistanat ? Au contraire, a-t-on assisté à un sursaut de la responsabilisation ?

En ce qui concerne la valorisation de l'aide à domicile, votre intervention est très intéressante. Comment néanmoins réintroduire du bénévolat au sein des familles ? Comment agit une association comme les Petits frères des pauvres, qui, depuis des années, s'introduit auprès des personnes âgées, maintient ce lien et donne de si importantes bouffées d'oxygène ? Il s'agit tout simplement de lien social qui retrouve du poids. Nous sommes tous d'accord sur la valorisation de l'aide à domicile. Comment donner envie aux personnes de faire ce métier si leurs conditions ne sont pas suffisamment intéressantes ?

Je tenais aussi à vous poser une autre question, à laquelle vous ne pourrez sans doute pas répondre dans l'immédiat. Le plan de lutte contre la pauvreté donne des pistes pour répondre à de nombreuses problématiques, notamment en lien avec les familles et les jeunes. Que pensez-vous de ces mesures, ainsi que de celles du plan de relance et du plan Un jeune, une solution ? Il serait très intéressant de connaître le point de vue des familles sur ces trois grands outils, dont certains portent déjà leurs fruits.

Enfin, au sujet de la question du non-recours au droit, quelle préconisation simple devons-nous réitérer dans notre rapport de commission d'enquête ?

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Marie-Andrée Blanc, présidente de l'Union nationale des associations familiales

Je dirais que la famille est sortie grandie de la période de confinement. Nous avons en effet constaté que des liens familiaux se retissaient. La famille a toute sa place aujourd'hui et nous pouvons féliciter les familles de leurs actions menées pendant le confinement, parce que c'est grâce à elles qu'il a réussi. C'est pourquoi je pense que la famille en est sortie grandie. Certaines familles ont par exemple récupéré leurs enfants qui avaient été placés. Ce confinement n'a pas eu que des effets négatifs et a permis de renouer des liens sociaux au sein des familles. D'ailleurs, dès que le déconfinement a été mis en place, la première visite que nous avons faite a été pour la famille élargie. Il faut bien noter que la famille a permis de faire en sorte que ce confinement se déroule le mieux possible et de retrouver certaines valeurs familiales. Il faut absolument mettre ces points en avant.

Nous vous transmettrons en outre des contributions sur le plan de relance, la stratégie du plan pauvreté, Un jeune, une solution, etc. Il faut toutefois garder en tête que certaines familles doivent être accompagnées. Les familles en ont besoin et sont tout à fait capables de prendre des responsabilités. Les actions de soutien à la parentalité permettent aux parents de redevenir des parents et des éducateurs. Les familles apprécient quant à elles dans ces actions le fait de rencontrer d'autres familles et d'échanger entre elles, en adoptant certaines techniques. Nos associations familiales ont pour rôle de prévenir plutôt que de guérir, dans la prévention, dans l'accompagnement des plus vulnérables.

Si vous me le permettez, je souhaiterais revenir brièvement sur une fonction, l'emploi de mandataire judiciaire, qui a pour rôle d'accompagner les personnes vulnérables et de leur donner de l'autonomie. Connaissez-vous le salaire de début de carrière d'un mandataire judiciaire ? Il s'agit d'une personne de bac+3, voire bac+4 ou +5 et son salaire de départ se monte à 1 350 euros nets mensuels. Vous constaterez donc notre difficulté pour intéresser des professionnels sur ces créneaux. Il est nécessaire de revaloriser certains métiers, notamment dans le domaine médico-social et l'aide à domicile. Il faut absolument se poser la question de la reconnaissance de ces métiers, qui ne sont pas du tout des métiers faciles.

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Avant de conclure, je tiens à rendre hommage à des parents confinés dans des hôtels sociaux avec leurs enfants lors de la première crise, qui, à Toulouse, se sont organisés entre eux pour assurer la continuité scolaire, avec le parent qui parlait le mieux le français. Cette prise en charge autarcique doit être saluée. On parle peu de cette parentalité, parce qu'elle est invisible. Je vous remercie.

L'audition s'achève à dix heures vingt.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 5 novembre 2020 à 9 heures

Présents. – Mme Marie-George Buffet, Mme Danièle Cazarian, Mme Béatrice Descamps, M. Régis Juanico, Mme Sandrine Mörch, Mme Florence Provendier, M. Frédéric Reiss, Mme Souad Zitouni