Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 15h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Jeudi 22 octobre 2020

La séance est ouverte à quinze heures cinquante.

Présidence de Mme Sandrine Mörch, présidente

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Nous achevons cette journée d'auditions portant sur l'impact de la crise sanitaire sur l'enseignement supérieur et les étudiants en auditionnant Mme Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), lequel est un acteur essentiel de la vie étudiante. Elle est accompagnée de M. Clément Cadoret, directeur de projets du CNOUS. Le CNOUS a, en effet, pour mission de faciliter les conditions de vie des étudiants en termes de logement, de bourses, de restauration et d'aides sociales. Je rappelle que 26 centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) gèrent environ 175 000 logements et distribuent 69 millions de repas par an et 50 millions d'euros d'aides ponctuelles aux étudiants en difficulté. Le CNOUS se trouve donc en première ligne pour apporter une aide aux étudiants lors d'une crise comme celle-ci et il a pris plusieurs mesures lors du confinement avec, notamment, le maintien du versement des bourses, la suspension des loyers des logements étudiants dès le mois d'avril 2020 et l'abondement des aides d'urgence. Nous aimerions vous entendre sur l'ensemble des dispositifs déployés par le CNOUS et les CROUS, notamment en matière d'aides alimentaires et financières, de lutte contre l'isolement et contre la fracture numérique. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées et quel est votre regard positif et négatif sur la situation des étudiants pendant le confinement et le déconfinement ? Pouvez-vous nous expliquer les dysfonctionnements ? Comment appréhendez-vous la suite de la crise sanitaire ?

Auparavant, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

Mme Dominique Marchand prête serment.

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Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires

En préambule, je souhaite souligner que l'ensemble de l'année universitaire a été très difficile pour le réseau des CROUS et qu'elle a permis de démontrer à quel point les CROUS sont des acteurs majeurs de la vie étudiante, grâce aux actions mises en œuvre au bénéfice des étudiants. Ils sont indispensables a fortiori dans un contexte de crise où la précarité est accrue.

Vous vous souvenez très certainement du drame qui s'est produit à Lyon lorsqu'un étudiant s'est immolé au début du mois de novembre 2019. Ce drame a contribué à mettre en exergue le sujet de la précarité étudiante et celui de l'accompagnement. Dès cette période, nous avons été fortement sollicités et nous avons alors pris un certain nombre de mesures, bien entendu avec le soutien du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Nous avons ainsi décidé de ne pas augmenter les loyers des logements en 2020. Nous avons, de plus, créé une plateforme téléphonique pour informer les étudiants sur les aides apportées par le réseau des CROUS, notamment les aides d'urgence spécifique. Cette plateforme a été mise en place au mois de janvier 2020 avec le soutien du réseau qui a transmis toutes les informations nécessaires. Initialement, cette plateforme était privée et le CROUS de Strasbourg a repris sa gestion à la fin du mois d'août 2020.

Je vous remercie de nous auditionner aujourd'hui, car nous avons ainsi la possibilité de mettre en exergue toutes les actions que nous avons mises en œuvre pour protéger et accompagner les étudiants et les personnels. Nous avons, en outre, mis en place de nouvelles mesures, comme l'aide supplémentaire pour les étudiants ultramarins, pour ceux qui ont perdu leur emploi étudiant pendant la crise sanitaire ou pour ceux qui n'ont pas pu réaliser de stage rémunéré.

En toute objectivité, je pense que les actions que nous avons mises en œuvre ont été saluées par l'ensemble des acteurs. D'ailleurs, les représentants des étudiants se sont exprimés en ce sens lors du Conseil d'administration qui s'est tenu au mois de juillet 2020. Ces actions ont, en outre, contribué à resserrer les liens. Nous travaillons toujours en proximité avec les établissements d'enseignement supérieur ou les représentants des collectivités locales. Pour autant, comme vous le savez, les périodes de crise peuvent parfois exacerber les tensions. Nous avons constaté, nous, qu'au contraire, cette période de crise a resserré significativement les liens avec les établissements d'enseignement supérieur et il me semble que nous devons le souligner.

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C'est avec plaisir que j'évoque le CROUS, les cités et les restaurants universitaires, ayant été, dans ma jeunesse, animatrice de la Fédération des Résidences Universitaires de France. Vous avez souligné que cette période a permis de resserrer les liens entre le CNOUS, les CROUS et l'université. Je souhaite approfondir ce point en vous interrogeant sur la question de la santé et du social. Il semble qu'un grand nombre d'étudiants ont souffert de problèmes psychiques, voire physiques du fait de la sédentarité et de la malnutrition et dans ce contexte, plusieurs dirigeants d'université ont réalisé un travail conjointement avec les centres sociaux et les centres de santé. Pourriez-vous nous apporter de plus amples informations sur ce sujet ?

Les étudiants, logés en cités universitaires, ont bénéficié d'une suspension de leur loyer dès le mois d'avril 2020. Pour autant, les étudiants logés dans le privé n'ont pas, eux, bénéficié de cette mesure. Ils ont dû honorer leur contrat de location, souvent signé pour dix ou douze mois, alors même qu'ils n'habitaient plus dans ce logement, sachant qu'un grand nombre sont repartis vivre chez leurs parents. Quels sont aujourd'hui les besoins en chambres universitaires, sachant qu'un étudiant, logé en cité universitaire, est moins contraint qu'un autre de travailler pour payer son loyer ou de compter sur ses parents ?

Vous avez, par ailleurs, été amenés à fermer les restaurants universitaires pendant le confinement pour protéger les étudiants et les personnels. Pour autant, ne serait-il pas possible d'instaurer tout de même un service chaud, comme ce fut le cas dans les cantines des collèges ?

Un grand nombre de CROUS s'autofinance à hauteur de 70 ou 75 %. Néanmoins, à la suite des décisions que vous avez prises, quelle est la situation financière des CROUS ? Seront-ils contraints de faire appel à des aides financières du ministère de l'Enseignement supérieur ? Comme nous avons engagé le débat budgétaire à l'Assemblée nationale, il serait utile de nous préciser vos besoins si vous souhaitez que les députés interviennent en ce sens.

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Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires

La collaboration des services sociaux et des services de santé universitaire existait avant la crise, car bien souvent les problématiques des étudiants sont multiples et il convient alors d'organiser les liens. Pour autant, certaines disparités ont été constatées selon les territoires. Par exemple, à Montpellier, un seul service social existe. Il est piloté par le CROUS et il travaille en collaboration directe avec le service de santé universitaire. En Lorraine, le CROUS dispose d'un service social ainsi que l'université et ces deux services travaillent en étroite collaboration au sein d'une commission conjointe et commune. Toutefois, au sein d'autres territoires, ces deux services ne travaillent pas de manière aussi étroite. De plus, les services de santé universitaires se sont développés, notamment grâce à la contribution Vie étudiante et de campus (CVEC). Les effectifs des personnels de santé ont ainsi été renforcés dans les services de santé universitaire.

Lors de la crise, les universités se sont fortement mobilisées, à travers la CVEC, pour apporter des aides aux étudiants. Même en période de confinement et de télétravail des assistantes sociales, le CROUS a instruit deux fois plus de dossiers d'aides et a octroyé deux fois plus d'aides que l'année précédente.

Ce mouvement de mobilisation, provenant du CROUS et des universités, a donc renforcé les liens et a permis de démontrer qu'un travail commun s'avérait extrêmement nécessaire et qu'il convenait d'être complémentaire dans les aides apportées. Le lien entre le service social et le service de santé est d'autant plus prépondérant qu'il permet d'émettre des alertes. Ainsi, lorsque le service social détecte une situation difficile, il en informe le service de santé universitaire, et inversement.

Le décret, paru au mois de mai 2020 sous l'impulsion du ministère de l'Enseignement supérieur et en étroite collaboration avec l'association des médecins de service universitaire de médecine préventive, nous a profondément aidés. Il a, en effet, permis de renforcer l'implication des services de santé universitaire dans le cadre de la crise sanitaire ainsi que les liens avec les CROUS, notamment pour les étudiants hébergés dans nos résidences. Très honnêtement, ce décret a constitué une étape importante qui a marqué une différence significative dans l'implication des services de santé universitaire, d'autant que ce décret a été accompagné de protocoles et d'une annexe de références et de bonnes pratiques. Il a permis de prendre en charge du mieux possible les étudiants, hébergés dans nos résidences et qui pouvaient être malades. Cependant, même si nous avons dû soigner quelques cas isolés, nous n'avons pas enregistré de clusters. Quoi qu'il en soit, cette prise en charge des étudiants malades par les services de santé universitaire a été très rassurante pour les directeurs généraux de CROUS et a été très efficace.

Nous avons toujours entretenu des relations régulières avec la Conférence des présidents d'université (CPU) et nous assistons d'ailleurs tous les mois aux commissions Vie étudiante de la CPU. Néanmoins, au cours de cette période, nous avons également échangé régulièrement avec le ministère et les trois Conférences (CPU, Conférence des grandes écoles ou CGE, Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs ou CDEFI) et sur proposition du président de la CPU, nous avons échangé ensemble une fois par semaine, ce qui nous a permis d'approfondir l'étude des problématiques et de trouver des solutions. Les liens ont donc été resserrés localement, mais également nationalement.

Par ailleurs, le parc des CROUS compte 175 000 logements. Notre priorité consiste à terminer les réhabilitations. À cet effet, le CNOUS répartit, tous les ans, des crédits d'investissements à hauteur de 95 millions d'euros. Pendant la crise sanitaire, certains étudiants ont dû rester dans un studio ou une chambre et cette situation a renforcé notre objectif prioritaire de réhabilitation. Sur les 175 000 logements, nous devons encore rénover 16 000 logements environ. Toutefois, le terme « réhabilitation » peut induire quelques différences. Il peut, en effet, s'agir de réhabilitations lourdes portant sur des bâtiments qui n'ont pas été rénovés depuis des années ou bien de réhabilitations plus légères portant sur des bâtiments qui, eux, ont été rénovés récemment, mais qui ne sont plus en adéquation avec les besoins des étudiants.

Nous essayons, en outre, de nous montrer relativement actifs sur les constructions. Cependant nous rencontrons une difficulté majeure, au-delà de celle relative au financement, à savoir la recherche de foncier. À cet effet, tous les CROUS ne se trouvent pas dans la même situation. En effet, si un CROUS se situe dans une grande métropole attractive au sein de laquelle la problématique de logements concerne l'ensemble de la population, le besoin de logements sera, de fait, accru. Par exemple, la semaine dernière, je me suis rendu à Bordeaux pour inaugurer un espace de vie étudiante avec la ministre et le président de la région Nouvelle Aquitaine. Cette région et le CROUS ont réalisé des efforts considérables pour développer les logements étudiants et au cours de ces dernières années, 4 000 nouvelles chambres ont été créées. De fait, compte tenu de l'évolution du nombre d'étudiants dans cette région, même si nous créons des chambres, le pourcentage de chambre par étudiant demeure identique à celui constaté il y a cinq ans. Je me trouve actuellement en Corse où le CROUS rencontre également des problématiques, sachant que le parc ne compte que 800 logements.

Nous devons, par conséquent, fournir un effort continu qui doit porter principalement sur les grandes métropoles. Elles connaissent, en effet, l'évolution la plus importante du nombre d'étudiants et les loyers y sont les plus élevés. Au sein des métropoles de province, le parc privé est bien plus accessible et les étudiants peuvent se loger plus facilement, à des niveaux de loyers qui ne sont pas si éloignés de ceux du CNOUS. Le taux de remplissage dans ces villes n'y atteint d'ailleurs pas 100 %, du moins en cours d'année.

En résumé, l'estimation des besoins en logements doit être pondérée selon les sites et l'attractivité de la ville. Selon le rapport de 2008 de M. Jean-Paul Anciaux sur le logement étudiant, 10 % des étudiants devaient être logés dans des logements du CROUS. Nous n'avons pas encore atteint cet objectif au sein de tous les territoires, même si nos logements sont proposés en priorité aux étudiants boursiers et que nous les ouvrons aux autres lorsque des places sont disponibles. Même si nos tarifs sont relativement sociaux, sachant que le loyer d'un studio de 16 m², APL déduites, revient à environ 230 euros par mois, certains étudiants boursiers préfèrent toutefois rester chez leurs parents et emprunter les transports en commun. À Lille, par exemple, les transports en commun sont gratuits pour les étudiants. Certains préfèrent donc rester au domicile familial, car le coût, en fin de mois, s'avère moins important que le paiement d'un loyer. De fait, même si nous devons poursuivre nos efforts, tous les étudiants boursiers ne souhaiteront pas être logés dans nos résidences. C'est pourquoi il me semble que le taux de 10 % d'étudiants devant être logés dans des logements du CROUS constitue l'objectif à atteindre.

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Clément Cadoret, directeur des projets

J'ajoute que depuis 2003, nous avons augmenté de 17 % le nombre de logements, soit 26 000 logements. En parallèle, le nombre d'étudiants a, lui, augmenté de 21 %. À ce jour, nous accueillons 6,5 % d'étudiants boursiers au sein du parc. Ces données chiffrées relèvent des indicateurs de performance des CROUS et nous les communiquons, chaque année, dans le cadre de la loi de finances.

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La crise du covid a-t-elle influé sur cette évolution du nombre de résidents souhaitant bénéficier des services des CROUS, sachant que de nombreux jeunes ont obtenu leur baccalauréat au mois de juin 2020 ?

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Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires

La demande de renouvellement a été significative cette année. Tous les ans, des étudiants demandent à conserver leur logement d'une année universitaire à l'autre, mais cette année, nous avons constaté une augmentation de plus de 15 % des demandes de renouvellement. Je pense que cette situation est liée à la crise sanitaire. Il me semble, en effet, que les étudiants ont eu besoin d'être rassurés et qu'ils souhaitaient, quoi qu'il arrive, bénéficier d'un logement du CROUS. En Corse, par exemple, 50 % des étudiants logés dans le parc du CROUS ont demandé un renouvellement de leur logement cette année.

Il est certain que les demandes de logements ont fortement augmenté cette année, mais nous avons réussi à trouver des solutions, sachant que cette année, les étudiants internationaux, logés habituellement dans notre parc, sont moins nombreux. Pour autant, plus les demandes de renouvellement sont nombreuses, moins les logements sont disponibles pour les primo-accédants. Nous avons donc dû trouver un équilibre entre les demandes de renouvellement pour permettre à des étudiants de poursuivre leur cursus et celles des primo-accédants qui sont fragiles et qui ont besoin d'être accompagnés.

Au-delà des difficultés liées à la recherche de foncier, nous sommes confrontés aux incidences des évolutions juridiques. Depuis la réforme de la commande publique, intervenue en 2015, nous ne pouvons plus réaliser le montage juridique et économique qui convenait parfaitement à notre mode de fonctionnement. Jusqu'en 2015, afin de bénéficier de la gratuité du foncier, ce qui s'avère fondamental pour l'équilibre économique de l'opération, nous construisions, généralement, sur des terrains appartenant à l'Etat. Puis, après avoir signé une convention avec un bailleur social pendant trente ans, par exemple, les logements étaient loués aux étudiants et une redevance était versée au bailleur. Après trente ans, l'immeuble revenait, de facto, dans le giron du CROUS et donc dans celui de l'Etat, car il était construit sur un foncier de l'Etat.

Ce système n'est plus possible depuis la réforme de la commande publique. Trois solutions s'offrent donc à nous. Le CROUS peut ainsi construire en maîtrise d'ouvrage directe en obtenant des soutiens financiers de l'Etat, des collectivités locales et du CNOUS, comme dans le contrat de plan Etat-Région, par exemple. Il peut également autofinancer une partie de la construction ou avoir recours à un emprunt.

La deuxième solution consiste à passer une convention avec un bailleur social construisant sur un terrain. L'équilibre de l'opération devient alors plus complexe parce que le bailleur social a généralement acheté le foncier et que nos taux d'occupation n'atteignent pas toujours 100 %. En effet, au contraire d'une famille qui s'installe dans le logement de façon pérenne, nos étudiants, eux, partent parfois en début d'année et ne sont pas présents pendant la période estivale.

La troisième solution consiste à lancer une opération dans le cadre des marchés de partenariat. Il s'agit là d'un montage juridique et financier très complexe qui demande l'aval de la direction du budget pour aboutir à l'équilibre économique de l'opération. Nous travaillons sur cette solution, mais à date aucune opération n'a encore abouti dans le cadre de ces marchés de partenariat.

De plus, les CROUS ont réalisé un travail considérable pour déposer des dossiers dans le cadre du plan de relance. Nous espérons que des réhabilitations, qui favoriseront la performance énergétique, pourront être retenues dans le cadre de ce plan. Enfin, le contrat de plan Etat-Région permet de réaliser des opérations de construction, sachant que le ministère de l'Enseignement supérieur souhaite que les recteurs considèrent le logement étudiant comme une priorité.

Par ailleurs, comme vous le rappeliez, nous avons fermé la restauration le 17 mars 2020 conformément aux directives annoncées par le Premier ministre. Nous avons donc considéré que nous n'avions pas d'autres choix. Pendant un certain temps, quelques structures de ventes à emporter ont toutefois été maintenues sur certains campus, notamment lorsque ceux-ci étaient éloignés des commerces. En réalité, les établissements d'enseignement supérieur étant fermés pendant le confinement, la fréquentation de ces structures a été relativement faible. Les CROUS ont alors décidé d'apporter du soutien aux étudiants via des aides sociales et ont essayé de trouver des dispositifs innovants. Le CROUS de Montpellier, par exemple, a ainsi apporté des soutiens d'urgence, notamment numéraires, en proposant des e-cartes d'un montant de 50 euros aux étudiants leur permettant de faire leurs courses dans les commerces privés, proches de leur logement. Cette initiative a ensuite été mise en œuvre par un grand nombre de CROUS et par des établissements d'enseignement supérieur.

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À partir de quelle date avez-vous proposé ces e-cartes ?

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Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires

Nous les avons proposées rapidement, dès le 16 mars 2020 et cette initiative s'est révélée relativement efficace. Nous avons, en parallèle, distribué des repas et des aides alimentaires, parfois en partenariat avec des associations caritatives. Le CROUS de Montpellier, par exemple, a ainsi acheté des sacs de riz qui ont été distribués aux étudiants logés dans son parc. Il a, en outre, signé une convention avec la Banque alimentaire pour qu'elle apporte tous les jours des sandwichs, des salades et des produits de première nécessité. Cette initiative s'est ensuite généralisée sur l'ensemble du territoire français et outre les aides financières, une organisation s'est donc mise en place pour distribuer des denrées alimentaires aux étudiants.

Dans ce contexte, nous avons constaté à quel point la restauration à tarif social s'avère extrêmement importante pour les étudiants. Depuis la rentrée, nous avons donc mis en place le repas à un euro et nous observons l'appétence des étudiants, notamment boursiers, pour ce dispositif. Ils sont, en effet, ravis de pouvoir bénéficier d'un repas complet et équilibré pour un euro. Nous avons d'ores et déjà servi plus d'un million de repas à un euro et nous remarquons que les étudiants fréquentent plus volontiers le restaurant universitaire que des structures de ventes à emporter. Ils préfèrent, en outre, fréquenter nos structures le soir plutôt que de consommer un repas extrêmement frugal dans leur chambre.

Depuis la rentrée, malgré les contraintes sanitaires qui sont imposées, nous avons rouvert toutes les structures de restauration. Seules deux ou trois ont dû fermer pendant une semaine sur décision de l'ARS, car des personnels étaient malades. Dès le mois de juin 2020, nous avons élaboré un protocole sanitaire très précis pour les convives, mais également pour les personnels de restauration qui préparent les repas et les distribuent. Ce protocole a ensuite été adapté à la rentrée en fonction des directives gouvernementales et il a été validé par la Cellule interministérielle de crise, ce qui constitue un satisfecit. Lorsqu'il y a trois semaines, le préfet de région a décidé de fermer les restaurants à Marseille et à Aix-en-Provence, nous avons été autorisés, grâce à ce protocole très rigoureux, à maintenir ouvertes nos structures de restauration. Ce protocole permet de respecter les gestes barrières et la distanciation à table, ce qui n'est pas le cas dans la restauration privée. Nous régulons, en outre, les flux. Nos étudiants ne touchent plus les couverts et ne se servent plus directement. Ce protocole a toutefois une incidence sur nos capacités d'accueil, puisque depuis la rentrée, elles sont divisées par deux. Nous sommes cependant en adéquation avec les mesures prises récemment, consistant à limiter le nombre de convives par table à six. Même si cette situation induit une certaine attente pour pouvoir prendre un repas, elle n'est néanmoins pas très importante, sachant que la rentrée a été décalée et que certains cours ne sont pas assurés en présentiel.

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Comment se portent les personnels de nettoyage et de service qui, en cette période, sont confrontés à une forte charge de travail ? Nous savons que certains sont proches du burn-out et pourtant, tout le monde n'en a pas conscience, notamment au ministère de l'Éducation nationale et au ministère de l'Enseignement supérieur.

Je sais, de plus, que vous meniez, bien avant la crise, un combat contre la « malbouffe », contre l'obésité et que vous prôniez une alimentation équilibrée. La crise sanitaire ne constitue-t-elle pas l'opportunité de renforcer ces actions ?

Par ailleurs, dans une précédente audition, nous avons évoqué la mise en place d'une cellule de crise permanente qui permettrait aux étudiants en souffrance d'échanger avec un adulte référent, un psychologue, un infirmier ou un médecin. Sachant que les repas à un euro attirent un grand nombre d'étudiants, ne serait-il pas pertinent d'aménager un lieu dans le restaurant pour que ces professionnels de santé échangent avec les étudiants sur leur santé mentale ? Je me demande, en effet, comment vous pouvez identifier le jeune qui ne va pas bien ou celui qui s'isole.

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Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires

Il est certain que l'organisation mise en œuvre dans le cadre du service de restauration induit une charge supplémentaire pour les personnels. Ils sont néanmoins soutenus, accompagnés et protégés. Rapidement, nous avons établi une relation étroite avec le ministère de l'Enseignement supérieur. Je vous assure que pendant la période de confinement, je me suis entretenue tous les deux jours avec le cabinet par téléphone pour traiter les problèmes rencontrés et y apporter des solutions. Nous avons également pu protéger nos personnels très tôt. Vous savez que nous faisons appel à une centrale d'achat alimentaire qui fournit les 26 CROUS de France. Ainsi, 80 % de nos achats proviennent de cette centrale et 20 % relèvent d'achats locaux, notamment pour les fruits et les légumes. Cette centrale nous a donc fourni très tôt tous les équipements nécessaires à la protection individuelle des personnels, notamment le gel hydroalcoolique, les masques et même des stocks de masques H1N1. D'autres fournitures nous ont ensuite été livrées grâce aux commandes que nous avons nous-mêmes réalisées et à celles du MESRI et de fait, les personnels ont toujours été protégés. Nous avons, en outre, organisé un grand nombre de comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et organisé de nombreuses actions de formation. Nos personnels de restauration sont habitués à respecter des protocoles d'hygiène et ils ont donc participé, en collaboration avec notre centre national de formation, à l'élaboration de tutoriels, d'informations, d'affiches et de formations à distance à destination des personnels de l'hébergement qui, eux, sont moins habitués aux protocoles d'hygiène, mais qu'il était néanmoins nécessaire de former, car ils étaient en contact avec les étudiants sur le terrain. Grâce à cette organisation, aucun personnel n'a fait valoir son droit de retrait et nous n'avons constaté aucune difficulté avec les représentants du personnel que nous avons rencontrés très fréquemment.

S'agissant de l'alimentation, nous sommes effectivement très attentifs aux produits achetés. Tous nos œufs, nos poulets et nos porcs sont ainsi issus de la filière Bleu Blanc Cœur, respectueuse de l'environnement. J'ai d'ailleurs été auditionnée, la semaine dernière, par deux députés sur ce sujet. Nous avons, en outre, développé des recettes végétariennes et nous nous sommes engagés dans l'opération Lundi vert.

Il est certain que les étudiants boursiers peuvent être plus précaires et plus fragiles que d'autres et qu'ils peuvent rencontrer des difficultés psychologiques. C'est pourquoi, pendant la période de confinement, nous avons développé des actions visant à les aider. Tous les CROUS disposent d'un réseau de psychologues professionnels qui interviennent en présentiel et en distanciel. De plus, nous avons des accords avec des associations estudiantines qui interviennent pour de l'écoute, notamment l'association Nightline en région parisienne. En sus de ces liens, nous pouvons compter sur le soutien du service de médecine préventive et sur celui du service social qui, lorsqu'ils repèrent un étudiant en difficulté, nous le signalent. Les assistantes sociales, au-delà de la gestion des difficultés financières, sont en capacité de détecter les difficultés psychologiques des étudiants et elles contactent alors les professionnels de santé.

Précédemment, Marie-George Buffet m'a demandé de préciser nos besoins pour qu'ils soient étudiés dans le cadre du débat budgétaire. De fait, nous avons impérativement besoin d'augmenter le nombre d'assistantes sociales. Elles sont, en effet, extrêmement sollicitées et cette situation a été exacerbée pendant la crise. Selon les CROUS, nous comptabilisons une assistante sociale pour 10 000 ou 15 000 étudiants. La région parisienne, par exemple, compte 360 000 étudiants et nous comptabilisons donc une assistante sociale pour 15 000 étudiants. Bien évidemment, tous les étudiants n'ont pas besoin de faire appel à une assistante sociale, mais leur nombre me semble, néanmoins, insuffisant. J'ai réalisé, au mois de janvier 2020, un voyage d'études à Berlin pour comparer l'organisation allemande à la nôtre. À Berlin, une assistante sociale gère 5 000 étudiants seulement et pourtant, les Allemands estiment également que les assistantes sociales et les psychologues ne sont pas suffisamment nombreux, car ils sont de plus en plus sollicités.

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Les assistantes sociales étaient-elles déjà largement sollicitées avant la crise sanitaire ?

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Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires

Oui . Il est certain que la crise sanitaire a accentué ces sollicitations du fait d'une précarité accrue. Pour autant, en dehors de cette crise, je constate, objectivement, une augmentation de la précarité étudiante qui est corrélée à une ouverture plus large de l'enseignement supérieur, ce qui s'avère fondamental, bien évidemment et par conséquent, à une augmentation du nombre d'étudiants. Nous constatons également une augmentation des difficultés d'ordre psychologique. La vie est, en effet, plus compliquée et la pression exercée sur les jeunes en matière de poursuite d'études notamment est, en outre, plus lourde.

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Clément Cadoret, directeur des projets

Vous avez, comme moi, travaillé sur la pauvreté, sachant qu'il s'agit là d'un axe fortement étudié par le Gouvernement. En l'état des forces en présence au sein de nos services sociaux, la stratégie visant à lutter contre la pauvreté s'avère relativement complexe. Nous avons donc travaillé, pendant la crise, avant un grand nombre d'étudiants référents et ambassadeurs à travers des opérations de phoning et de porte-à-porte. De nombreux agents des services sociaux étant également confinés, ils se sont appuyés sur cet accompagnement par des pairs. Nous souhaitons développer ces pratiques, car elles permettent de déclencher plus rapidement des dynamiques d'accompagnement, sans attendre que l'étudiant rencontre de véritables difficultés et envisager alors un accompagnement dans l'urgence.

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Je vous invite à développer ce sujet dans les préconisations que vous nous ferez parvenir au mois de novembre 2020.

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S'agissant des assistantes sociales, il me semble, M. Cadoret, que vous vous êtes entretenu avec mon assistante parlementaire en vue du dépôt d'un amendement qui comprend plusieurs signatures. Afin de pourvoir à l'augmentation du nombre d'assistantes sociales, la somme de 7,5 millions d'euros serait étalée sur trois ans, en accord avec le ministère de l'Enseignement supérieur. Dans le cadre de cet amendement, la somme de 2,5 millions d'euros serait donc octroyée cette année, mais nous devons attendre la réponse de la ministre sur ce point.

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Je soutiens ce besoin d'assistants sociaux. Ils sont, en effet, indispensables dans un contexte de crise sanitaire, mais également du fait de la pression de plus en plus lourde exercée sur les étudiants. Par ailleurs, pouvez-vous m'apporter des précisions sur l'état financier du CROUS après la crise sanitaire ?

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Dominique Marchand, présidente du Centre national des œuvres universitaires et scolaires

Nous disposons des outils nous permettant d'établir des comparaisons des recettes par typologie d'actions entre l'an dernier et cette année. Ces outils nous permettent également de réaliser des estimations et de bénéficier d'une vision extrêmement précise des pertes d'exploitation. Une organisation syndicale a indiqué que les pertes d'exploitation s'élevaient à 220 millions d'euros, ce qui semble erroné puisque selon nos estimations d'alors, ces pertes s'élevaient plutôt à 170 millions d'euros. Depuis, nous avons affiné cette somme dans le cadre des dialogues de gestion avec les CROUS. De fait, les pertes d'exploitation s'élèvent à 97,5 millions d'euros entre le mois de mars et la fin du mois d'août et la projection pour la période comprise entre le mois de septembre et le mois de décembre 2020 atteint 50 millions d'euros. Au total, les pertes d'exploitation atteignent donc la somme de 150 millions d'euros environ. Nous avons transmis ces éléments au ministère, qui nous a apporté un réel soutien. Dans le cadre du budget rectificatif, adopté à l'unanimité par le Conseil d'administration du CNOUS le 1er octobre 2020, l'Etat nous a octroyé 80 millions d'euros supplémentaires. Le CNOUS a, en outre, joué son rôle vis-à-vis des CROUS. Nous avons ainsi prélevé 9,5 millions d'euros du fonds de roulement et redéployé des crédits à hauteur de 9,7 millions d'euros.

À date, la situation a donc été prise en compte. Nous avons, en outre, obtenu le soutien de M. Fabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial de la commission des finances à l'Assemblée nationale, qui suit les crédits du réseau. Il convient, par ailleurs, de noter que le ministère nous a octroyé une avance de trésorerie, avant l'été, sur la subvention pour charge de service public, ce qui a permis de s'assurer qu'aucun CROUS ne se trouverait en rupture de trésorerie.

Aujourd'hui, nous continuons à suivre, bien entendu, les pertes d'exploitation. Il est certain que nous en enregistrerons en restauration. Avant l'été, elles étaient estimées à 50 % de l'activité de restauration. S'agissant des logements, les pertes d'exploitation seront moins importantes que pendant la période de confinement. Pour autant, tout dépendra de l'évolution de la situation sanitaire. Des étudiants voudront, en effet, rentrer chez leurs parents si tous les cours sont dispensés en distanciel. Nous ne sommes donc pas certains que les logements seront occupés à 100 % tout au long de l'année. Nous espérons, par conséquent, vivement que si les pertes d'exploitation constatées du mois de septembre au mois de décembre s'avèrent un peu lourdes, elles seront prises en compte en fin d'année.

Je souligne, enfin, que le repas à un euro a été financé à la hauteur du besoin pour 2020 et il est également pris en compte dans le projet de loi de finances pour 2021, ce qui est très positif. Pour autant, au niveau du CNOUS, nous ne pourrons pas réitérer à plusieurs reprises les efforts consentis dans le budget rectificatif d'octobre – avec environ 80 millions d'euros venant de l'Etat et presque 20 millions venant du CNOUS.

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Nous vous remercions tous les deux et nous attendons donc vos contributions .

L'audition s'achève à seize heures cinquante.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 15 heures 45

Présentes. – Mme Marie-George Buffet, Mme Fabienne Colboc, Mme Sandrine Mörch

Excusés. - Mme Sandra Boëlle, M. Bertrand Sorre