Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, dans la perspective de la réunion du Conseil commerce de l'Union européenne le 9 novembre 2020

La séance est ouverte à 16 heures 30.

Présidence de M. Bon Tan, secrétaire.

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Nous avons le plaisir de recevoir Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité. Notre présidente, Marielle de Sarnez, est à l'origine de ce rendez-vous, visant à partager avec le Gouvernement les préoccupations de notre commission, en amont de chaque conseil des ministres européens du commerce. Je salue d'ailleurs Marielle de Sarnez, qui suit avec attention nos travaux. Nous attendons avec impatience son retour.

Le 16 septembre dernier, nous avons débattu de l'impact de la crise sur nos exportations, du plan de relance, des accords commerciaux récemment conclus ou en cours de négociation et de la paralysie de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La réunion informelle du 9 novembre prochain se tiendra dans un contexte particulier puisque le portefeuille du commerce a été récemment attribué au vice-président exécutif de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis. Ce choix traduit une prise en considération du caractère transversal de la politique commerciale et augure de sa meilleure prise en compte dans les politiques de l'Union.

Sur le fond, lors de son audition devant le Parlement européen, le 2 octobre dernier, le commissaire a prôné une politique commerciale reposant sur l'articulation entre autonomie stratégique et ouverture, et a défendu la fin de la naïveté européenne face à nos concurrents étrangers, ce dont nous nous réjouissons.

Le mois de novembre sera aussi marqué par le sommet stratégique entre l'Union européenne et la Chine, pays qualifié l'année dernière de « rival systémique » par la présidente de la Commission, qui demeure néanmoins un partenaire incontournable. L'un des enjeux de ce partenariat est l'investissement, qui fait l'objet d'âpres négociations. Monsieur le ministre, croyez-vous possible l'adoption d'un accord équilibré et équitable sur ce sujet ?

Le nouveau commissaire au commerce s'est par ailleurs engagé à obtenir des résultats en matière de développement durable. À cet égard, nous saluons la prise de position courageuse du Président de la République et la volonté de la Commission de ne pas poursuivre le processus de ratification de l'accord de libre‑échange avec le Mercosur. Cependant, nous devons être encore plus exigeants en la matière. L'adoption de sanctions en cas de non‑respect du chapitre « développement durable » est-elle envisagée ? La France sera‑t‑elle suivie dans sa volonté de faire de l'Accord de Paris un élément essentiel des accords commerciaux dont la violation serait passible de sanctions ?

Par ailleurs, la situation diplomatique entre la France et la Turquie s'est envenimée ces derniers jours. Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, a appelé au boycott des produits français et a été suivi par plusieurs pays du Moyen‑Orient, comme le Qatar ou l'Arabie Saoudite. Monsieur le ministre, alors qu'une cellule de suivi a été créée, pouvez‑vous nous faire un point sur la situation et partager avec nous des éléments sur l'impact économique de ce boycott et sur les risques encourus par nos ressortissants ?

Le Président de la République annoncera ce soir de nouvelles mesures dans la lutte contre le covid‑19. L'économie chinoise semble être repartie. Dans ce contexte, la Chine et, plus généralement, les pays ayant amorcé une reprise représentent‑ils une occasion dont doivent se saisir nos entreprises exportatrices ? Comment le Gouvernement peut‑il les aider à cette fin ?

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Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Mesdames, messieurs les députés, j'ai moi‑même une pensée pour Mme la présidente.

S'agissant du boycott, nous avons, dès samedi soir, pris la décision de créer une cellule de suivi au ministère de l'Europe et des affaires étrangères, notamment pour essayer de centraliser les informations et pour échanger avec les entreprises, afin de voir comment les aider. Comme je l'ai dit hier dans l'hémicycle, le boycott, qui concerne plutôt les secteurs agroalimentaire et cosmétique, est circonscrit à quelques pays. L'impact économique pour les entreprises semble limité pour l'instant. Des produits ont été retirés des rayons dans quatre pays seulement. On ne mesure pas, en revanche, l'effet d'une éventuelle non‑consommation de produits français dans les pays où le boycott a été réclamé.

Ce boycott, annoncé par Recep Tayyip Erdoğan, vient après son absence de condamnation de l'attentat de Conflans‑Sainte‑Honorine, après des appels à la haine lancés contre la France et le Président de la République et relayés sur les réseaux turcs, après son discours contre Emmanuel Macron. C'est essentiellement la Turquie qui est à la manœuvre et qui met la pression sur les opinions publiques musulmanes contre la France. Nous sommes déterminés à continuer notre action dans la lutte contre le terrorisme islamiste et dans la défense des valeurs françaises. Néanmoins, nous voulons faire œuvre de pédagogie auprès des différents dirigeants du monde arabe et musulman, pour expliquer ce qu'est la politique de la France et redire que la France n'a évidemment rien contre l'islam, que les musulmans peuvent pratiquer leur culte comme tous les autres croyants et qu'ils sont des citoyens à part entière. Les propos du Président de la République ont été manipulés, notamment quand il a insisté sur notre détermination à défendre la liberté d'expression, qui passe notamment par cette capacité à caricaturer les représentations de Dieu et de Mahomet. Mais il n'y a rien, bien évidemment, contre l'islam ou les musulmans.

Nous agissons également pour protéger nos ressortissants, ainsi que les entreprises françaises et leurs salariés. Pour l'instant, la menace ne semble pas différente de ce qu'elle pouvait être jusqu'à présent, mais nous sommes très vigilants. Chaque poste est à l'affût des moindres signaux, pour prendre toutes les dispositions qui s'imposeraient et garantir la sécurité de nos compatriotes.

Ce rendez‑vous avec votre commission est une bonne tradition, afin d'échanger avant le conseil des ministres européens du commerce, où nos discussions ont permis de réaffirmer la position de la France sur la question des surcapacités dans les secteurs de l'acier, par exemple. J'ai de nouveau défendu cette position lors du dernier conseil à Berlin et cette semaine dans le cadre de la réunion ministérielle du forum mondial sur les surcapacités sidérurgiques, pour rappeler qu'il faut agir vite, au niveau multilatéral et en profondeur, afin de résorber les distorsions persistantes du marché.

L'actualité commerciale est très chargée. La présidence allemande a décidé de consacrer la réunion du conseil des ministres du commerce à trois questions : la revue de la stratégie de politique commerciale de l'Union européenne ; les relations avec la Chine ; les relations avec les États‑Unis. Pour rappel, la Commission européenne a annoncé cet été son intention de doter l'Union européenne d'une nouvelle stratégie d'ici au début de l'année prochaine, en s'appuyant sur une consultation publique ouverte jusqu'au 15 novembre. Après le conseil commerce informel, organisé à Berlin les 20 et 21 septembre, la réunion du 9 novembre nous permettra une seconde discussion sur ce sujet structurant. Je vous avais livré nos premières réflexions lors de notre dernière rencontre, le 16 septembre. Depuis lors, nous avons mis à profit nos discussions avec nos partenaires, notamment allemands, espagnols et néerlandais, pour affiner notre contribution sur laquelle je vous propose de revenir en détail.

Vous connaissez notre objectif : défendre une politique commerciale ouverte au service de la relance, d'un modèle de croissance durable et de nos ambitions en matière environnementale. Il s'agit de construire une autonomie stratégique ouverte – une nécessité qu'ont soulignée les vulnérabilités révélées par la crise de la covid‑19. Pour certains biens et services, médicaux notamment, une telle stratégie pourrait conduire l'Union à combiner des instruments de politique commerciale et sectorielle, pour diversifier ses fournisseurs tiers, constituer des stocks stratégiques européens, faciliter le recyclage et assurer une offre minimale au sein de l'Union pour les produits les plus critiques. Elle pourrait également consister à définir pour l'ensemble des secteurs un outil d'alerte sur notre extrême dépendance, en matière d'approvisionnement ou de canaux d'exportation, et à développer des outils d'information à destination des entreprises. En corrigeant les vulnérabilités de nos chaînes de valeur, nous améliorerons les conditions d'une reprise économique pérenne.

Deuxième objectif : garantir que la politique commerciale contribue bien aux objectifs européens de développement durable. Pour la France, une relance qui ne serait pas en ligne avec ces objectifs n'aurait aucun sens. Elle est une occasion historique de progresser vers une économie décarbonée. C'est pourquoi nous plaidons pour que la politique commerciale serve pleinement nos objectifs ambitieux de lutte contre le changement climatique et de préservation de la biodiversité. C'est l'objet des propositions que nous avons soumises avec les Pays‑Bas en mai 2020 et que j'ai présentées conjointement avec mon homologue Sigrid Kaag devant la commission du commerce international du Parlement européen, le 15 octobre dernier.

Nous insisterons notamment sur l'application, dès 2023, d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union, le développement dans la réglementation européenne des mesures dites miroir et l'adoption d'une nouvelle réglementation pour lutter contre la déforestation importée dans l'Union. Nous proposons que l'Union européenne encourage un « level playing field » environnemental, afin de permettre l'élaboration de nouvelles disciplines sur le commerce des plastiques notamment. Nous proposons également plusieurs mesures pour les accords bilatéraux : inscription du respect de l'Accord de Paris comme élément essentiel des accords de l'Union ; instauration de réductions tarifaires graduelles ou d'une conditionnalité tarifaire ciblée en fonction de la durabilité des produits ; soumission des chapitres commerce et développement durable de nos accords à un mécanisme de règlement des différends susceptible de prévoir des sanctions sur le plan commercial. Nous insisterons sur le respect du principe de précaution, tel qu'établi au sein des traités européens, sur le respect des conventions fondamentales de l'Organisation internationale du travail (OIT) et sur la prise en compte des questions de genre pour maximiser les avantages que les femmes retirent du commerce.

Troisième objectif : renforcer et mieux utiliser nos instruments visant à assurer les conditions d'une concurrence équitable avec les pays tiers. Nous pensons que la révision de la stratégie de politique commerciale de l'Union est l'occasion d'adapter sa posture et sa boîte à outils, afin d'assurer à nos entreprises des conditions de concurrence équitables face aux comportements prédateurs et déloyaux ou au non‑respect des règles par nos partenaires commerciaux. La création de la fonction de procureur commercial européen, qui reprend une proposition française, formulée par le Président de la République, est une avancée très importante. Nous devons l'accompagner avec une stratégie claire de mise en œuvre des accords commerciaux, pour renforcer l'activation par l'Union de l'ensemble des instruments unilatéraux, bilatéraux et multilatéraux.

Le chief trade enforcement officer devra également être le point de contact de nos entreprises, pour leur offrir une meilleure lisibilité de la politique commerciale. Il sera également l'interlocuteur de la société civile et pourra se voir saisi de plaintes en matière de développement durable, ce qui est nouveau et répond également à une demande française. Nous plaiderons en parallèle pour le renforcement des instruments européens, afin de parvenir à plus de réciprocité, notamment en matière de marchés publics, pour contrer les effets distorsifs sur le marché intérieur des subventions versées par les États tiers, ainsi que les mesures coercitives de pays tiers visant un ou plusieurs États membres, et pour répondre plus efficacement aux mesures extraterritoriales d'États tiers.

Quatrième objectif : poursuivre la modernisation du cadre commercial multilatéral pour apporter des solutions pérennes aux distorsions du commerce mondial et répondre aux enjeux mondiaux contemporains. Seuls les règles et outils multilatéraux permettront d'apporter des réponses légitimes, stables et pérennes aux dysfonctionnements du commerce mondial, à condition de renforcer leur efficacité. La France encouragera la Commission à présenter de nouvelles initiatives auprès de l'OMC, pour relancer sa réforme et lui permettre d'adopter des règles nouvelles sur les subventions industrielles distorsives ; pour revitaliser sa fonction de négociation, afin d'adopter de nouvelles disciplines en lien avec le développement durable et d'étendre les règles multilatérales aux nouveaux domaines de l'économie internationale, tels que le commerce électronique, dans le respect du modèle européen ; pour rétablir le fonctionnement de l'organe d'appel de l'OMC et adapter les règles permettant d'assurer l'effectivité des obligations de transparence et de notification à l'OMC. Toutes ces initiatives doivent évidemment être prises en compte par la nouvelle directrice générale de l'OMC. Un consensus semble se faire progressivement autour de la candidature de la Nigériane Ngozi Onkonjo­‑Iweala.

Dernier objectif : définir un agenda bilatéral cohérent avec nos intérêts stratégiques et notre agenda de développement durable.

Enfin, sur le plan des relations bilatérales de l'Union, la priorité française sera d'insister sur le suivi et sur la bonne application du stock d'accords existants, en lien avec l'action du procureur commercial, plutôt que de lancer des négociations tous azimuts. Nous plaiderons également pour faire de nos accords bilatéraux autant de leviers au service du relèvement des ambitions et des standards de développement durable, dans la continuité des positions défendues par la France, depuis l'adoption du plan d'action CETA en octobre 2017.

L'Union devra trouver les voies et moyens d'un rééquilibrage de ses relations commerciales avec les États‑Unis et la Chine. Nous défendrons la nécessité de renforcer les liens commerciaux avec les pays voisins de l'Union, en particulier méditerranéens, et avec l'Afrique, en accord avec le besoin de diversification géographique.

Nous proposerons également à la Commission d'améliorer la mesure aux échelles régionales et sectorielles de l'impact des accords de commerce, en matière d'environnement et de manière cumulée sur les secteurs sensibles. Nous poursuivons sur la lancée des études réalisées dans le cadre de la ratification du CETA, qui, grâce aux travaux engagés avec l'Assemblée nationale, ont permis de définir de nouveaux standards de qualité.

La relation entre l'Union européenne et la Chine est le deuxième point à l'agenda de ce conseil du commerce. La Commission reviendra tout particulièrement sur les négociations de l'accord global sur les investissements, qui se poursuivent à un rythme soutenu, l'objectif affiché étant de parvenir à une conclusion politique d'ici à la fin de l'année. Ces négociations engagées en 2013 ont quatre objectifs principaux : faciliter l'accès des investissements européens au marché chinois encore largement fermé ; améliorer les conditions de concurrence pour nos entreprises, en traitant l'enjeu des transferts forcés de technologies, en améliorant la transparence des subventions et en encadrant les pratiques déloyales des entreprises d'État ; définir pour nos entreprises un cadre juridique clair, prévisible et efficace pour la protection de leurs investissements et le règlement de leurs différends ; prévoir des engagements forts en matière de développement durable, pour que les investissements croisés entre l'Union et la Chine ne se fassent pas au détriment de la protection de l'environnement et des normes sociales.

Malgré les progrès récemment constatés sur l'accès au marché ou les conditions de concurrence, beaucoup reste à faire pour envisager la conclusion de cet accord. Même s'il n'a pas vocation à régir l'ensemble des relations commerciales entre l'Union et la Chine, ni à bouleverser le modèle économique chinois, j'appellerai la Commission européenne à maintenir un niveau élevé d'exigence pour la suite des négociations et j'indiquerai que, en l'état, les conditions ne sont pas réunies pour que la France envisage une conclusion de l'accord à brève échéance. J'insisterai tout particulièrement sur la nécessité de poursuivre nos efforts pour obtenir des dispositions réalistes et crédibles sur le développement durable et sur la protection des investissements. Je rappellerai l'importance de l'accord sur les indications géographiques, signé le 14 septembre dernier et qui doit être ratifié par les deux partis. Cet accord est important pour la France, en ce qu'il permet la reconnaissance et la protection de vingt‑six de nos indications géographiques en Chine, essentiellement des vins et spiritueux, sur un marché qui représentait en 2018 le troisième marché mondial d'exportation de la France pour les spiritueux et le quatrième pour les vins. Je rappellerai également l'importance de progresser dans le renforcement des outils autonomes de l'Union afin de lutter contre les pratiques distorsives de la Chine. De tels instruments permettront de garantir nos intérêts, tout en améliorant notre position de négociation.

Le conseil du commerce permettra aussi de dresser un état des lieux de la relation entre l'Union européenne et les États‑Unis. Nous devons faire preuve de fermeté : il y va de notre crédibilité. Quelle que soit l'issue de l'élection présidentielle américaine, je rappellerai le 9 novembre l'importance de la relation économique et commerciale transatlantique et celle que la France attache au maintien du dialogue, dans le respect de nos intérêts et de nos préférences collectives. Mais je rappellerai aussi la position de fermeté à avoir face aux mesures restrictives américaines.

Concernant l'affaire entre Airbus et Boeing, l'OMC vient d'autoriser l'Union à surtaxer les importations américaines, pour un montant de 4 milliards de dollars – dernier développement en date dans le contentieux. La France a toujours voulu une solution négociée avec les États‑Unis, qui ont pourtant imposé des sanctions tarifaires sur nos produits aéronautiques, ainsi que sur certaines productions agroalimentaires, dont les vins tranquilles. Nous considérons ces sanctions injustifiées, dans la mesure où Airbus est en conformité totale avec les règles internationales qui encadrent les subventions depuis le mois de juillet. Malgré nos demandes répétées, les États‑Unis n'ont pas retiré leurs sanctions et ne nous laissent donc pas d'autre choix que de riposter, comme l'OMC nous y autorise.

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Merci d'avoir partagé vos réflexions avec nous. La parole est aux orateurs des groupes.

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Monsieur le ministre, votre usage du « nous » m'a parfois un peu perdu. Qui veut garantir le respect des Accords de Paris et des droits humains dans les prochains traités ? Est‑ce nous, la France, ou nous, l'Union européenne ?

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Franck Riester, ministre délégué

La France !

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Mon groupe est particulièrement sensible à la question de la taxe sur les transactions financières que la France essaie de défendre auprès de l'Union européenne. Comment faire avancer le sujet ?

La notion de déforestation importée m'intéresse également. Pour être député du port du Havre, j'avais l'impression que le bois partait de chez nous vers la Chine, avant de revenir sous forme de meuble ou de parquet. Qu'est‑ce que l'Union va faire, alors que la forêt française commence à être gravement touchée ?

L'évolution des traités de libre‑échange me semble une bonne chose. La pandémie nous pousse à imaginer de nouvelles relations commerciales, dans la mesure où les traités actuels spécialisent trop les pays. Nous devons revenir à une certaine souveraineté économique et retrouver une forme d'autonomie.

Enfin, le commerce, c'est aussi de la logistique. Les grands logisticiens français viennent d'adopter une charte proposant que toute marchandise consommée en France passe par les ports français. Ainsi, dans le contexte de réindustrialisation, on propose de « relogisticiser », si je peux dire, le transport de marchandises, en utilisant les grands ports et un axe naturel, la Seine, plutôt que le futur canal Seine‑Nord Europe, qui n'est peut‑être plus d'actualité, au regard de la situation économique. Quel est votre éclairage sur ce point ? Ne pensez‑vous pas que la pandémie nous incite à revoir notre copie ?

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J'ai appris lors d'une audition que 80 % des vols de denrées alimentaires et de matériel médical – notamment de masques – constatés pendant le confinement dans les aéroports, s'agissant de liaisons vers la France, avaient eu lieu à l'étranger. Les professionnels du chargement nous avaient informés du problème, mais, sauf erreur de ma part, celui-ci n'avait pas été évoqué ici jusqu'à présent. Il faut remédier à cet état de fait : non seulement il y va de notre souveraineté, mais cela coûte cher. J'en fais la remarque car il est possible que nous ayons de nouveau des problèmes d'approvisionnement dans la période qui s'annonce.

Les principes que vous avez énoncés en matière de commerce et de développement durable doivent être appliqués dans le domaine qui nous semble le plus actuel et le plus sensible, à savoir le projet d'accord avec le Marché du Sud (Mercosur). Lors de votre précédente audition devant notre commission, je vous avais demandé que le rapport de la commission Ambec soit rendu public. Je vous remercie d'avoir fait passer le message au Premier ministre : le rapport a été publié quelques jours plus tard.

Or cet excellent rapport confirme nos craintes : il conclut que l'accord « représente une occasion manquée pour l'UE d'utiliser son pouvoir de négociation pour obtenir des garanties solides répondant aux attentes environnementales, sanitaires, et plus généralement sociétales de ses concitoyens ». Il pointe également des garanties juridiques fragiles. Par ailleurs, le surcroît d'importations pourrait fragiliser les producteurs agricoles, tout en permettant une accélération de la déforestation de 5 % par an.

L'état des discussions au Conseil nous pose en outre un problème de principe : alors que le diagnostic posé par le rapport Ambec conforte d'une certaine façon vos positions, se dégage l'idée selon laquelle l'opposition à l'accord serait due à l'impossibilité de régler le problème de la déforestation. Autrement dit, si on avait trouvé un mécanisme bilatéral sur ce point, l'accord aurait pu aboutir. Or, selon nous, il n'est pas possible de se limiter à ce simple ajustement de la politique nationale brésilienne. D'abord, quand bien même le Brésil modifierait sa politique – ce que M. Bolsonaro ne semble pas prêt à faire –, qu'est-ce qui nous garantirait que nous aurions les moyens de pression suffisants pour faire en sorte que cette politique ne soit pas remise en cause par un autre gouvernement, dès lors que rien ne serait inscrit dans le texte de l'accord lui-même ? Ensuite, cet accord pose d'autres problèmes très importants qui dépassent largement la question de la déforestation.

Nous vous proposons d'avoir la même approche que pour le CETA, c'est-à-dire de travailler avec nous sur plusieurs chantiers. L'un d'entre eux consiste à renforcer les mécanismes et les clauses de sauvegarde : sans une conditionnalité accrue en matière de traçabilité et de contrôle, l'accord ne saurait entrer en vigueur. Il faut également renforcer les clauses miroir, à l'image de ce qui a été fait pour les antibiotiques. Nous avons affaire à un pays qui a introduit 66 demandes de dérogation concernant les pesticides. Depuis trois ans, tout ce qui concerne les normes sanitaires et internationales est revu à la baisse.

La France est moteur. La question est de savoir si nos partenaires sont prêts à nous suivre, au-delà de la déforestation.

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Outre mes propres questions, je relaie celles de mon collègue Didier Quentin, qui ne peut présent.

S'agissant des relations avec la Turquie, quel pourrait être l'impact d'un boycott de nos produits au Proche-Orient ? De nombreuses entreprises françaises y sont implantées, notamment en Turquie.

L'Union européenne est le premier partenaire commercial de la Turquie : quelles mesures concrètes sont envisagées pour faire respecter nos valeurs, les valeurs européennes, qui sont attaquées ?

Comment peut-on imposer des mesures de réciprocité à la Chine, alors même que ce pays parvient à signer des accords séparés avec certains États membres de l'Union ?

Vous avez évoqué les sanctions extraterritoriales, notamment celles qui avaient été prises par les États-Unis au moment de leur retrait de l'accord avec l'Iran sur le nucléaire. Concrètement, quelles mesures de rétorsion la France et l'Union européenne peuvent-elles mettre en œuvre ? Les sanctions américaines avaient terriblement nui aux entreprises françaises, qui commençaient à s'implanter en Iran et à y conclure des contrats.

Selon le FMI, la France est la sixième puissance économique mondiale, la deuxième en Europe. Dans le contexte de crise économique suscitée par la covid-19, quelles sont les perspectives de reprise à l'export dans certains secteurs absolument stratégiques comme l'aéronautique, l'automobile, très lourdement affectés ? Le tourisme est lui aussi concerné.

Concernant le plan de relance, pouvez-vous nous éclairer quant aux secteurs prioritaires vers lesquels les efforts devraient se porter ? Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour favoriser l'économie française à l'international et, à terme, nous placer en position de leader européen dans des domaines stratégiques, en particulier le digital ?

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Depuis dix ans, l'Union européenne s'est engagé, avec un certain nombre de pays qui sont à nos marges, comme j'aime à le dire, le Partenariat oriental. Le fait que le commissaire européen au commerce soit letton, les tensions avec la Turquie, la situation au Bélarus ou encore les relations entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie font de ce partenariat un enjeu important.

Il a débouché sur de grandes réussites. L'Europe a ainsi aidé plus de 100 000 PME. Parmi les vingt objectifs du Partenariat oriental, plusieurs étaient d'ordre économique : l'investissement, l'emploi régional, le numérique et les échanges commerciaux. Je puis en témoigner personnellement : les PME jouent un rôle important dans la lutte contre la corruption et pour l'État de droit. Si la Pologne a réussi, au cours des vingt dernières années, à se sortir un peu plus que d'autres de la corruption, c'est aussi grâce à son tissu de PME. Cet enjeu pourrait-il être à l'ordre du jour de votre prochaine réunion avec nos partenaires européens ?

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Vous l'avez indiqué, les négociations entre Londres et Bruxelles semblent avancer, après une période de tension. Nous en avons d'ailleurs discuté la semaine dernière, avec l'éclairage de nos collègues Pierre-Henri Dumont et Alexandre Holroyd.

Le Royaume-Uni a annoncé son souhait de ne pas prolonger la période de transition, qui s'achève le 31 décembre 2020.

Parmi les points de blocage, je souhaiterais revenir sur la pêche, qui, manifestement, cristallise les tensions dans les négociations. Le Président de la République avait annoncé, lors de son arrivée au Conseil européen du 15 octobre, que les pêcheurs ne sauraient être les sacrifiés du Brexit. Il a dit également que la France était prête à une absence d'accord. Comment le Gouvernement pourrait-il venir en aide aux pêcheurs français, sachant que 30 % de notre pêche est réalisée dans les eaux britanniques ? Pour certains pêcheurs, en particulier dans les ports de Boulogne et de Lorient, la proportion s'élève même à 90 %.

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Franck Riester, ministre délégué

Monsieur Lecoq, les traités de libre-échange ne sont que des outils : tout dépend de la manière dont ils ont été construits – en particulier des conditions prévues.

Nous vous rejoignons quant au fait qu'il doit y avoir une gestion multilatérale du commerce international. Au-delà des traités bilatéraux, voire multilatéraux, il faut une réflexion globale sur le cadre des échanges. C'est la raison pour laquelle nous sommes très mobilisés en ce qui concerne la réforme de l'OMC et la nomination de sa nouvelle directrice générale. Depuis le début du quinquennat, toutes les interventions de mon prédécesseur, de Jean-Yves Le Drian et du Président la République en matière de commerce international ont rappelé l'importance de ne pas se résigner au fonctionnement actuel des institutions multilatérales. Nous pensons pouvoir réussir en agrégeant de plus en plus de pays à cette idée. Objectivement, les choses évoluent dans le bon sens, même si les positions des États-Unis et de la Chine restent très unilatérales. La Chine dit certes qu'elle souhaite un règlement multilatéral – mais orienté vers son seul profit.

Nous sommes absolument convaincus qu'il faut des traités de libre-échange : ce sont de bons outils pour augmenter les échanges. Ce sont des éléments importants pour la croissance économique, notamment celle de notre pays, mais ils ne doivent pas être conclus à n'importe quel prix. Le développement durable doit être considéré comme un enjeu essentiel des politiques commerciales.

La déforestation importée désigne en réalité l'impact sur les forêts du développement de l'agriculture lié à l'augmentation des échanges de produits agricoles. La France et un certain nombre d'autres pays européens sont déterminés à ne pas signer l'accord avec le Mercosur dès lors qu'aucune garantie ne nous est fournie quant à la limitation de la déforestation en Amazonie.

Du reste, ce ne sera pas le seul outil à notre disposition pour agir contre la déforestation importée : une proposition législative de la Commission est attendue en 2021. Nous espérons qu'elle sera présentée aussi vite que possible. Son objectif est de limiter la mise sur le marché de produits issus de la déforestation, et pas uniquement le bois : les produits agroalimentaires seront également concernés. Cela permettra de lutter de façon beaucoup plus efficace contre la déforestation.

Plus largement, s'agissant du développement durable, ce ne sont pas exactement des sanctions qui sont prévues : lorsque nos partenaires ne respectent pas leurs engagements, nous entamons un dialogue politique. C'est ce qui se passe avec la Corée du Sud, qui n'a pas ratifié un certain nombre de conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT). Nous mettons la pression, et les choses sont en train de bouger.

Nous souhaitons qu'à l'avenir les accords commerciaux permettent de prendre en compte les enjeux de développement durable en prévoyant des sanctions. Les lignes bougent : la Commission s'est approprié l'idée de faire de l'accord de Paris une clause essentielle des accords de libre-échange. Autrement dit, si l'accord de Paris n'est pas mis en œuvre à la hauteur des engagements pris, l'Union européenne pourra prendre des dispositions en conséquence. Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est lui aussi devenu une proposition de la Commission dans le cadre du Green Deal.

Comme je le disais, le non-papier produit par la France et les Pays-Bas a fait date. Il a permis à la fois de conforter certaines propositions de la Commission et de contribuer au débat au sein de l'Union. Nous sommes suivis par un nombre croissant de pays qui estiment que nos propositions vont dans le bon sens. Nous allons continuer, en pleine concertation avec vous.

Concernant le Mercosur, la France, suivie par un certain nombre d'autres pays européens, a clairement dit qu'elle ne signerait pas l'accord en l'état. Il ne faut pas signer des accords de libre-échange simplement pour le faire : ils doivent avoir des conséquences positives. Nous avons besoin de garanties quant au respect de l'accord de Paris par les pays du Mercosur. Il faut aussi faire en sorte que l'accord n'ait pas d'impact négatif sur la déforestation. Les exigences de l'Union européenne en matière sanitaire et phytosanitaire (SPS) doivent être respectées en droit et en fait. Notre position est claire : nous devons travailler avec la Commission et les autres pays membres de l'Union pour trouver les voies et moyens de garantir ces éléments, tout en sachant que la France ne peut à elle seule dicter de A à Z tous les points d'un accord comme celui-là : c'est le résultat d'une négociation entre les vingt-sept membres de l'Union, plus la Commission, et les pays du Mercosur.

S'agissant du développement durable, on peut également espérer que l'accord contribue à faire évoluer les pays du Mercosur beaucoup plus vite que ce serait le cas si l'on décidait de tout arrêter, de jeter le projet à la poubelle et de repartir à zéro pour dix nouvelles années de négociation.

En ce qui concerne les vols de produits dans les aéroports, monsieur Maire, j'avoue ne pas avoir de réponse à vous fournir, mais je vais étudier la chose avec attention : c'est effectivement un point important.

Monsieur Lecoq, la question de la logistique est essentielle pour le commerce extérieur. Mon premier déplacement dans mes nouvelles fonctions avait ainsi pour objet de visiter le port de Dunkerque, dont le rôle est particulièrement important pour l'exportation de produits agroalimentaires, en particulier de céréales – je m'y suis rendu au mois de juillet, en pleine coupe du blé. J'irai prochainement au Havre, à l'invitation du maire, pour faire le point sur la question de l'exportation. Nous allons réfléchir à la manière dont nous pouvons améliorer la compétitivité des grands ports, qui sont la porte de sortie de nos produits.

Monsieur Petit, le Partenariat oriental doit rester le cadre privilégié du dialogue entre l'Union et nos six partenaires de l'Est – Ukraine, Géorgie, Moldavie, Arménie, Azerbaïdjan et Biélorussie. Un sommet aura lieu en février ou en mars, dont le lieu et les modalités restent à préciser.

Je souscris totalement à ce que vous avez dit : il faut préserver le caractère inclusif, mais aussi non confrontationnel du Partenariat oriental, à un moment où les choses sont compliquées dans la région de ce point de vue. La France entend poursuivre les efforts entrepris dans ce sens depuis plus de dix ans.

Le commerce de l'Union avec ces pays a doublé en dix ans : nous sommes devenus leurs premiers partenaires commerciaux. Pour consolider ces progrès, la France a fait des propositions, dans le cadre de la préparation du sommet de 2021, qui visent à orienter les aides apportées par l'Union à nos partenaires de l'Est pour les dix prochaines années. Il y a plusieurs axes : la mise en œuvre de réformes vertueuses en matière de transition énergétique, la connectivité durable, la transition numérique, l'amélioration du climat des affaires – ce qui rejoint ce que vous disiez concernant la lutte contre la corruption – et l'appui à la recherche et à l'innovation dans le cadre du programme Horizon Europe.

Monsieur Herbillon, certaines des filières emblématiques de notre pays à l'exportation – notamment l'aéronautique – ont effectivement été particulièrement touchées par la crise du covid-19. Il en va de même pour le tourisme. Alors que nous avions réussi à réduire notre déficit commercial entre 2018 et 2019, passant de 63 milliards à 57 milliards, les résultats de l'année 2020 seront évidemment plus mauvais. Pour l'instant, nous prévoyons un déficit de 80 milliards.

Cela dit, nous avions connu, ces dernières années, une évolution sensible qui devrait être une force pour rebondir : un plus grand nombre de PME exportent. C'est le fruit, notamment, de ce que nous avons mis en place depuis 2018 avec la Team France Export, qui fédère les énergies de tous les acteurs dédiés à l'exportation et au déploiement à l'international de nos entreprises : Business France, Bpifrance, les chambres de commerce et d'industrie, sous la houlette des régions – car nous voulions absolument travailler avec les collectivités territoriales –, mais aussi les réseaux diplomatiques – sur place, ce sont les ambassadeurs qui pilotent la Team France Export –, les conseillers du commerce extérieur de la France, le MEDEF International, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), les opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI) et les chambres de commerce et d'industrie à l'international. Ce réseau a permis à de nombreuses entreprises de s'engager davantage dans une démarche internationale.

Il ressort de mes discussions avec les ambassadeurs, les entreprises et les fédérations professionnelles que, malgré la baisse du volume global des échanges, des possibilités existent sur un certain nombre de marchés pour les entreprises françaises, car celles-ci sont habiles, réactives, audacieuses et savent mieux s'adapter que d'autres.

Nous incitons donc les entreprises à exporter, à s'engager à l'international. Pour les aider, nous continuons à améliorer la compétitivité de notre pays : d'où la baisse des impôts de production prévue dans le plan de relance – 10 milliards en 2021 et 10 milliards en 2022. Cette mesure fait suite à la baisse de la fiscalité sur le capital et à celle de l'impôt sur les sociétés – à cet égard, nous tiendrons l'engagement d'arriver à 25 % en 2022. Nous avons également assoupli le marché du travail. Par ailleurs, à travers le crédit d'impôt recherche, nous misons sur l'innovation et la recherche, car c'est comme cela que nous créerons la valeur de demain.

Deuxièmement, nous mettons à la disposition des entreprises des outils leur permettant d'effectuer concrètement et de manière opérationnelle leurs démarches à l'international. C'est l'objet du volet du plan de relance consacré à l'exportation, doté de 247 millions, autour des cinq axes retenus. Il s'agit de s'appuyer sur les propositions de la Team France export, c'est-à-dire sur les acteurs du terrain. Les entreprises doivent avoir davantage d'informations en temps réel et personnalisées s'agissant de l'évolution des marchés, secteur par secteur et pays par pays. Il faut faciliter la prospection, donner des moyens complémentaires aux entreprises pour faire baisser le coût du déploiement à l'international : d'où le chèque relance export et l'assurance prospection.

Troisièmement, nous développons l'assurance crédit. Quand une entreprise va à l'international, elle a besoin de sécuriser ses créances. C'est le rôle des assureurs crédit, mais comme le risque est plus important à l'international, les organismes privés hésitent à couvrir les entreprises. Il faut donc que les organismes publics, à commencer par Bpifrance, soient mobilisés. Des financements sont prévus à cet effet.

Quatrièmement, nous misons beaucoup sur la jeunesse dans le plan de relance : 6,5 milliards sont inscrits, notamment pour encourager le volontariat international en entreprise (VIE). Chaque PME prenant un jeune en VIE recevra 5 000 euros. Nous voulons atteindre le chiffre de 3 000 la première année.

Cinquièmement, nous entendons développer la communication. Je dispose d'un budget pour faire connaître les différents savoir-faire de la France, les marques France.

Cette ambition s'inscrit dans une ambition européenne en matière d'innovation. La France participe ainsi aux projets d'intérêt européen commun (PIEC) concernant les technologies d'avenir, parmi lesquelles l'hydrogène, la microélectronique et les batteries électriques.

S'agissant de nos relations avec les États-Unis, il faut effectivement nous doter d'outils plus efficaces pour lutter contre l'extraterritorialité du droit américain : on l'a vu avec l'Iran et avec la loi Helms-Burton pour Cuba et on le voit aujourd'hui avec Nord Stream 2. Nous avons déjà le dispositif de blocage, mais il faut aller plus loin et doter l'Union de moyens supplémentaires. C'est l'un des points essentiels sur lesquels nous travaillons.

Comment imposer la réciprocité à la Chine ? D'abord, il faut être unis à vingt-sept, et pas seulement à dix-sept, dans nos discussions avec elle Je rappelle que le Président de la République a envoyé un signal très fort à la Chine, lors de la visite d'État du président Xi Jinping en France en mars 2019, puisqu'il a invité la chancelière Angela Merkel et le président de la Commission de l'époque à prendre part aux discussions. Il faut faire comprendre à la Chine qu'elle doit discuter avec l'Europe, et pas avec tel ou tel État. Je reconnais que ce n'est pas acquis, car la Chine est un marché essentiel pour nombre de pays européens et il peut être tentant d'avoir avec elle des relations bilatérales privilégiées, en dehors des relations qui la lient à l'Union européenne.

Deuxièmement, il faut renforcer nos outils européens, en imposant le principe de la réciprocité dans l'accès aux marchés publics. Un texte est actuellement en discussion au Parlement européen sur ce sujet. Il faut que nous nous dotions d'outils susceptibles d'améliorer notre défense commerciale pour contrer, par exemple, les aides d'État sur l'acier, qui donnent à la Chine une surcapacité de production. Il faut, enfin, utiliser la force du marché intérieur. Nous avons réussi à conclure un accord sur les indications géographiques protégées et nous travaillons à un accord sur l'investissement, sans nous précipiter, mais avec détermination.

S'agissant du Brexit, les choses avancent un peu plus qu'au cours des dernières semaines et nous sommes maintenant entrés dans un tunnel de négociations. Nous prêtons toujours une grande attention à l'instauration d'une concurrence loyale, le fameux « level playing field ». On veut bien zéro tarif, on veut bien zéro quota, mais on veut aussi zéro dumping. D'autre part, nous sommes très attentifs à la question des règles d'origine, car nous ne voulons pas que la Grande-Bretagne devienne une sorte de plateforme de réexportation de produits fabriqués à bas coût ailleurs. Il convient également de bien encadrer la gouvernance du futur accord, puisque les Britanniques ont déjà renié leur signature de l'accord de retrait. Il faut absolument que nous ayons des leviers pour réagir à l'éventuel non-respect des engagements qui auront été pris dans cet accord de partenariat. Il faut, enfin, nous assurer que nos pêcheurs continueront d'avoir accès aux eaux britanniques. C'est évidemment un point essentiel, qui ne doit pas être traité à part, mais qui fait partie d'un tout. Le Premier ministre s'est lui-même rendu à Bruxelles la semaine dernière : il a rencontré la présidente de la Commission et Michel Barnier, en présence de Bruno Le Maire et de Clément Beaune, et il a réaffirmé les exigences de la France au sujet de la pêche.

Je ne peux pas mesurer l'impact d'un boycott qui ne s'applique encore que partiellement. Pour l'instant, il est circonscrit et seuls quelques magasins ont retiré les produits français de leurs rayons, essentiellement des produits agroalimentaires ou de grande consommation. Ce qu'on ne mesure pas encore, c'est si les magasins qui ont laissé des produits français en rayon en vendent moins. Il est trop tôt pour le dire.

Pour l'avenir, il importe de maintenir le rapport de force avec la Turquie, car ce pays ne comprend rien d'autre. Les réactions de nos partenaires européens aux déclarations du président Erdogan ont été quasi unanimes et il importe que l'Europe continue d'être unie. Lors du Conseil européen de décembre, nous discuterons spécifiquement de la manière dont l'Europe peut entretenir le rapport de force avec la Turquie pour faire respecter, non seulement ses intérêts, mais aussi ses valeurs.

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Vous avez rencontré la semaine dernière des représentants de la communauté d'affaires française aux États-Unis, ainsi que des acteurs du monde économique américain. Les échanges commerciaux entre nos deux pays, avant la crise, étaient relativement importants – de l'ordre de 150 milliards d'euros en 2019. De plus, les 4 800 filiales d'entreprises françaises implantées outre-Atlantique emploient 750 000 personnes, ce qui fait de la France le quatrième employeur étranger du pays. Quel est l'état d'esprit des membres de la communauté française aux États-Unis ? Comment anticipent-ils les mois à venir, dans un contexte sanitaire particulièrement difficile et dans une conjoncture électorale incertaine ?

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Alors que le Président de la République a défendu la liberté de caricaturer, les critiques pleuvent au Moyen-Orient. Le président turc s'est abaissé à des attaques qui ne sont pas dignes d'un chef d'État, et ses ministres continuent de les relayer sur Twitter.

Les relations franco-turques se sont délitées au cours des derniers mois et la tension est montée graduellement. On se rappelle les principaux épisodes : intervention en Libye, explorations turques en Méditerranée et, plus récemment, soutien d'Ankara à l'Azerbaïdjan. Le 26 octobre, le président Erdogan a appelé au boycott des produits français. Cette décision des autorités turques n'est pas une décision isolée : dès samedi soir, des produits français ont été retirés des rayons de supermarchés à Doha et en Jordanie. Les premières entreprises concernées seront probablement celles du secteur agroalimentaire, du luxe et des cosmétiques. Nous avons reçu un soutien important du président du MEDEF, M. Geoffroy Roux de Bézieux, qui a clairement appelé les entreprises françaises à faire passer leurs principes avant les affaires.

Des sanctions pourraient-elles être prises à l'encontre de la Turquie et des pays qui boycottent les produits français ? Vous avez dit que nous devons être unis dans nos discussions avec la Chine. L'Europe ne doit-elle pas être aussi unie face à la Turquie ?

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La nouvelle politique agricole commune (PAC) prévue pour la période 2021-2027 favorisera une agriculture durable. Elle constitue une avancée notable pour l'Union européenne, sans pour autant résoudre le problème des distorsions de concurrence.

Il n'est pas normal que les différences de réglementation entre les pays, que ce soit en matière sanitaire ou environnementale, pénalisent encore nos agriculteurs. Réduire l'usage du glyphosate et des néonicotinoïdes est une nécessité pour l'environnement, mais c'est une contrainte pour nos agriculteurs. La protection conjointe de nos agriculteurs et de la planète est une équation difficile, mais qu'il est essentiel de résoudre. Elle suppose une politique commerciale équilibrée, qui organise une concurrence loyale, juste pour nos agriculteurs, protectrice pour l'environnement et efficace économiquement.

Notre agriculture est à un moment décisif et il importe de nous doter des bons outils. Monsieur le ministre, je pense que notre doctrine manque de lisibilité, s'agissant des mécanismes de réajustement aux frontières. L'introduction de la taxe carbone ne serait-elle pas l'occasion d'énoncer, plus largement, une doctrine protectrice de nos efforts de production, aussi bien en matière sanitaire qu'environnementale ?

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En raison de la crise de la covid-19, l'Union européenne a autorisé plusieurs États membres à faire preuve de plus de flexibilité pour soutenir leurs entreprises. Toutefois, il semble que ce dispositif crée d'importantes disparités entre les entreprises des différents États. En effet, selon un porte-parole de la Commission européenne, sur les quelque 2 940 milliards d'aides d'État autorisées par l'Union européenne depuis mars, plus de la moitié, soit 52,7 %, ont été notifiées par l'Allemagne. L'Italie n'a représenté que 15,2 % du total, devant la France, avec 14,1 % et l'Espagne, avec 5 %. Autrement dit, les États membres ayant une situation financière plus favorable peuvent mieux accompagner leurs entreprises. Dès lors, comment comptez-vous défendre des conditions de concurrence équitables entre les entreprises des États membres et contrer les effets pervers de cette flexibilité ?

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Le 13 octobre, l'Organisation mondiale du commerce a autorisé l'Union européenne à imposer des droits de douane de 4 milliards de dollars sur des produits importés des États-Unis. Au cours des derniers mois, les États-Unis n'ont fait aucun effort pour améliorer leurs relations commerciales avec l'Europe. Nous pouvons seulement espérer que la très prochaine élection présidentielle américaine permettra de changer les choses et mettra fin à une politique de surenchère tarifaire.

Quels produits la France va-t-elle proposer de taxer à Bruxelles ? Quelle sera votre feuille de route pour les négociations à venir avec les États-Unis et, surtout, comment appréhendez-vous l'élection présidentielle américaine ? Si M. Trump était réélu, un accord à l'amiable serait-il réellement réalisable, selon vous ?

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Dans son rapport du 13 octobre, l'OMC indique que l'Union européenne peut demander à l'organe de règlement des différends l'autorisation de prendre des contre-mesures à l'égard des États-Unis. À la suite de cette annonce, les États-Unis ont dit regretter que l'Union européenne veuille taxer des produits américains. Ils disent vouloir négocier afin de trouver un compromis pour un juste milieu équitable et une concurrence juste. Ils seraient même prêts à renoncer à taxer des produits européens, comme ils le font sur le vin et le fromage, à hauteur de 25 %. Je rappelle par ailleurs que les taxes douanières sur les avions Airbus ont été relevées de 10 à 15 % au mois de mars. C'est le dernier épisode d'un feuilleton commercial qui s'éternise.

À la suite de cette annonce de l'OMC en faveur de l'Union européenne et de la demande des États-Unis, des négociations sont-elles prévues pour trouver un compromis ? L'Union européenne adaptera-t-elle sa stratégie de négociation en fonction de l'élection présidentielle du 3 novembre ?

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Ce matin, notre commission a examiné les crédits de la mission « Économie – commerce extérieur et diplomatie économique », sur un rapport de notre collègue Amélia Lakrafi. Le covid a porté des coups répétés à notre économie et à celle de nos partenaires. Nous le regrettons tous, de même que nous serons d'accord pour soutenir toute mesure de nature à relancer nos exportations, si précieuses pour nos entreprises françaises.

La crise que nous traversons impactera sans doute notre conception du commerce international, notamment pour certains biens stratégiques. Ma question ne porte ni sur les masques, ni sur les médicaments, mais sur nos engagements en matière environnementale, notamment dans le cadre des accords avec le Mercosur. Même si je n'ai aucun doute sur la bonne foi du Gouvernement, j'aimerais que vous nous disiez solennellement, monsieur le ministre, que la crise sanitaire et ses conséquences n'impacteront pas plus que de raison les négociations commerciales en cours ou à venir. À cet égard, je m'associe aux propos de notre collègue Jacques Maire : les temps sont durs et c'est pour cela qu'il faut, non seulement répondre à l'urgence présente, mais tourner résolument notre regard vers l'avenir et vers les générations futures.

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J'aimerais aborder un sujet qui ne relève pas directement de votre portefeuille, mais plutôt de celui de M. Clément Beaune – que nous n'avons pas prévu d'auditionner pour l'instant. Il s'agit d'une question qu'on ne peut pas négliger lorsqu'on évoque la question du commerce de l'Union européenne : je veux parler de l'évasion fiscale. Après les Panama papers et les Paradise papers, les Dubaï papers ont montré que la ville phare des émirats, avec laquelle nous développons une importante coopération, était une « machine à laver mondiale pour l'argent sale », pour reprendre l'expression de l'avocat William Bourdon, président fondateur de l'association de lutte contre les crimes économiques, Sherpa. Dubaï est désormais inscrite sur la liste noire des paradis fiscaux de l'Union européenne.

De même, que peut-on faire face aux petits États insulaires, comme Trinité-et-Tobago, Guam ou les îles Vierges des États-Unis, qui continuent de faire du dumping, au détriment de nos comptes publics ? Des enquêtes ont montré que de nombreuses entreprises multinationales arrivent à déjouer la régulation du système financier international pour blanchir de l'argent sale et se mettre à l'abri de l'imposition.

On ne peut pas réfléchir aux relations commerciales de l'Union européenne sans poser la question de l'harmonisation de nos politiques fiscales et budgétaires et celle de l'évasion fiscale, qui se chiffre en milliards. Le manque à gagner, pour la France, représente environ 100 milliards. Cette situation n'est pas tolérable et elle l'est d'autant moins que la crise va faire basculer des millions de nos concitoyens dans la précarité : ils comprendraient mal que des mesures fortes ne soient pas prises au niveau européen pour lutter contre ce crime fiscal à grande échelle. Monsieur le ministre, quelles mesures plus contraignantes les autorités européennes pourraient-elles prendre vis-à-vis des pays qui ont été reconnus comme des paradis fiscaux ?

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À l'approche de la réunion du Conseil Affaires étrangères - commerce du 9 novembre, et au regard des mesures déjà prises, le plan de relance export suscite remarques, interrogations et propositions. Bien qu'il ait été salué par le secteur de l'exportation, certains aspects de ce plan demeurent fléchés vers les prestations de Business France, notamment par le biais du chèque relance export, que vous avez évoqué. Business France serait donc juge et partie, puisqu'il agrée, tout en étant prestataire, ce qui constitue une irrégularité en droit de la concurrence.

La procédure se déroule comme suit. L'entreprise soumet le devis du prestataire pour validation à Business France et reçoit un accord de principe. Ensuite, la prestation est réalisée. Puis, sur présentation d'un certificat de prestation effectuée, l'entreprise obtient son chèque relance export. Comment garantir que l'entreprise, au moment de la présentation du devis, ne soit pas orientée uniquement vers Business France ? Par ailleurs, qu'en est-il du nouveau chèque relance export agro, cumulable avec le chèque relance export, clairement et officiellement fléché chez Business France et non ouvert aux prestataires agréés ? Plusieurs alertes ont été lancées à ce sujet. Ne vaudrait-il pas mieux laisser la gestion de ce volet à Bpifrance ?

Par ailleurs, concernant la relance de l'export français de manière pérenne, les mesures sont principalement orientées vers les primo-exportateurs. Qu'en est-il des entreprises déjà exportatrices ? Les mécanismes proposés semblent davantage de nature à disperser les primo-exportateurs qu'à renforcer les entreprises françaises déjà implantées. À terme, cette politique ne semble pas de nature à soutenir les PME et les ETI déjà exportatrices ou implantées dans un pays.

Enfin, le Gouvernement concentre majoritairement ses efforts sur l'export en Europe, alors même que les analyses économiques s'accordent à dire que la croissance, sur la période 2021-2030, viendra d'autres zones du monde, comme la Chine, l'Inde ou encore l'Indonésie. Pourquoi ne pas orienter nos efforts vers ces zones et ne pas communiquer davantage sur l'attrait de ces destinations ?

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Le nouveau commissaire européen en charge du commerce a admis devant le Parlement européen, le 2 octobre, que l'Union européenne doit en faire davantage pour garantir le respect des engagements environnementaux pris dans le cadre d'accords commerciaux avec des pays tiers. Cet été, le Président de la République, Emmanuel Macron, a quant à lui retiré son soutien à l'accord européen avec le Mercosur, du fait de l'inaction brésilienne en matière de protection environnementale.

Vous-même vous êtes engagé pour l'environnement : à l'occasion d'une rencontre avec votre homologue finlandaise, vous avez souligné le nécessaire alignement des accords commerciaux de l'Union européenne avec les objectifs environnementaux des accords de Paris. De nouveaux accords commerciaux sont en cours de discussion : ne pourrait-on y introduire une clause de suspension de ces accords, en cas de manquement aux engagements environnementaux ? Ne pourrait-on pas, de même, réviser certains des accords de libre-échange déjà en vigueur ? La Convention citoyenne pour le climat demande par exemple que le CETA soit renégocié, parce qu'il n'est pas conforme aux accords de Paris.

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Le commerce extérieur et l'attractivité sont essentiels pour notre politique étrangère. Il ne s'agit pas seulement de balance commerciale : il y va aussi de l'image de la France et de son influence diplomatique dans le monde. Nos entreprises, en ce sens, sont aussi les vecteurs de notre diplomatie. Vis-à-vis de la Turquie et de ses appels au boycott, il faut évidemment faire bloc. Mais les agissements de certaines entreprises françaises à l'étranger prêtent le flanc à la critique : je pense au groupe Bolloré au Cameroun, à Total au Yémen ou au Mozambique, et j'en passe…

L'influence française ne saurait véritablement prospérer, si l'image de notre pays est ternie, à la fois aux yeux des dirigeants étrangers et des populations. La France doit jouer la carte de la responsabilité sociale et environnementale pour ses grandes entreprises, comme elle doit jouer partout la carte du droit international et du respect des droits humains. Vous avez évoqué l'introduction d'un mécanisme carbone aux frontières de l'Europe pour 2023 et je m'en réjouis, mais il y a urgence à améliorer l'image de la France à l'étranger. Monsieur le ministre, quelles sont les mesures qui, dans le plan de relance, vont dans le sens d'une plus grande responsabilité sociale et environnementale de nos grandes entreprises à l'étranger ?

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Je me réjouis que vous ayez consacré une grande partie de votre intervention à la transition écologique : cela répond aux inquiétudes formulées par mes collègues ce matin.

Ma question concerne le « no deal », vers lequel nous nous dirigeons lentement, mais sûrement. Le Royaume-Uni est le premier excédent commercial de la France, son huitième fournisseur et son cinquième client à l'étranger. Pour les entreprises françaises importatrices ou exportatrices et leurs sous-traitants, la sortie du Royaume-Uni du marché unique a été évalué à 3 milliards d'euros par l'assureur-crédit Euler Hermes. Confirmez-vous ce chiffre ? Pour les entreprises qui vont garder ce marché, le « no deal » va se traduire par le rétablissement des formalités douanières, des droits de douane, des contrôles sanitaires et phytosanitaires, mais aussi par la remise en question du trafic routier et maritime. A-t-on une estimation, en pourcentage, du surcoût que cela représenterait pour nos entreprises ? Enfin, des dispositifs sont-ils prévus pour les accompagner, sur le plan juridique et financier ?

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Au cours de la première vague épidémique, on s'est rendu compte que la France et l'Europe ne produisaient plus de masques, de blouses, de respirateurs, ni certains médicaments. À la demande de Marielle de Sarnez, j'ai travaillé il y a quelques mois avec Buon Tan sur ces questions, dans le cadre du groupe de travail sur l'action économique extérieure. Au plus fort de la première vague, on a demandé à de nombreuses entreprises françaises de fabriquer le matériel qui nous manquait. Et lorsqu'on est revenu à un régime plus normal – ce qui n'est plus vraiment le cas depuis quelques jours –, on est aussi revenu à une application plus habituelle du code des marchés publics. On était bien content que ces entreprises s'adaptent pendant la période de confinement pour produire ce qui nous manquait cruellement, on était bien content qu'elles investissent. Mais aujourd'hui, on leur dit que c'est le code des marchés publics qui s'applique, et si elles ne sont pas bonnes, on ne retient pas leur candidature.

Comptez-vous faire quelque chose pour remédier à ce problème, qui concerne de nombreuses entreprises en France et Europe, dans tous les secteurs ? Ne serait-il pas possible de prendre des mesures fiscales exceptionnelles et de réduire leurs charges ? Quand un Français ou un Européen arrive dans un magasin pour acheter un paquet de masques et qu'il a le choix entre un paquet fabriqué en France à 50 euros et un autre, fabriqué en Chine, à 12 euros, il n'hésite pas une seule seconde. Il faut vraiment se pencher sur cette question du retour de production en France et en Europe.

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Franck Riester, ministre délégué

Nous nous concentrons sur la politique de l'Union européenne, quel que soit le choix des Américains à l'élection présidentielle. Compte tenu des difficultés de déplacement provoquées par la crise du covid-19, j'ai tenu à me rendre virtuellement aux États-Unis en enchaînant pendant une journée des visioconférences avec la Team France Export, les chefs d'entreprise de l'US Chamber et des chefs d'entreprise souhaitant investir en France. Les États-Unis restent le premier investisseur étranger en France, et l'envie de travailler ensemble est grande. Les investisseurs étrangers en France sont particulièrement intéressés par la transition écologique, la santé, la biotech. Ils savent que la France est un pays d'innovation, un pays qui investit dans les filières d'avenir que sont la transition écologique et la révolution numérique. Nous avons travaillé dans un bon climat, réaffirmant notre volonté de désescalade dans les tarifs douaniers. Toutefois, nous voulons faire respecter nos droits : nous imposerons des droits de douane aux États-Unis – la liste des produits concernés est en cours de discussion avec la Commission – tant qu'ils n'auront pas retiré les leurs. Tel est l'état d'esprit dans l'Union européenne et en France.

Nous n'avons pas la possibilité d'imposer des sanctions en cas de non-respect des engagements en matière de développement durable. Le dialogue politique peut être efficace – nous l'avons vu avec la Corée concernant la ratification des conventions de l'Organisation internationale du travail – mais nous souhaitons à l'avenir pouvoir appliquer des sanctions commerciales en pareille hypothèse. Nous n'y sommes pas encore : nous faisons un travail de conviction auprès de la Commission et de nos partenaires. L'état d'esprit évolue, comme le démontre le non-papier de la France et des Pays-Bas sur le commerce, ses conséquences en matière socioéconomique et de développement durable, qui a reçu un écho très favorable. Des avancées ont été obtenues : la Commission s'est approprié la question de l'accord de Paris comme clause essentielle des traités de libre-échange ; un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières devrait être prochainement instauré, espérons-le – nous attendons les contributions de la Commission, qui négocie actuellement avec un certain nombre d'États membres en ce sens. Il reste du travail à accomplir mais les choses avancent bien.

La question des paradis fiscaux, qui ne relève pas directement de ma compétence, est importante. L'OCDE procède à une évaluation des pratiques fiscales des États pour vérifier qu'elles ne sont pas dommageables. L'Union européenne met très régulièrement à jour la liste noire des juridictions fiscales non coopératives. Cet outil est objectivement très efficace pour faire évoluer les pratiques de nos partenaires : ainsi, l'Arménie et le Vietnam ont été retirés de la liste en février 2020.

Les règles relatives aux aides d'État ont été assouplies en raison de la crise. Elles n'ont toutefois pas été abolies car cela aurait causé des distorsions de concurrence préjudiciables aux entreprises. Nous avons mobilisé des moyens sans précédent dans le plan de relance et dans le plan de soutien aux entreprises exportatrices, avec l'accord de la Commission. La solidarité européenne s'est exprimée avec le plan de relance européen, fruit de l'initiative franco-allemande du mois de mai. Il permettra un financement partiel des plans de relance par l'Europe ainsi qu'une coordination de nos efforts en matière de transition numérique et de transition verte.

La Commission européenne a lancé deux stratégies, l'une en faveur de la biodiversité, l'autre en faveur d'une alimentation respectueuse de l'environnement, baptisée « de la ferme à la table » ou encore « de la fourche à la fourchette ». Elles ont pour objectif de mieux prendre en compte le développement durable dans la production agricole. De même, la lutte contre la déforestation est au cœur du débat sur la ratification du traité de libre-échange avec le Mercosur.

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières vise à appliquer aux produits importés les mêmes standards de production et de protection de l'environnement que dans l'Union, notamment les normes phytosanitaires. Dans ce but, il convient d'instaurer des mesures miroir à chaque fois que cela est nécessaire, dans le respect de nos engagements internationaux.

Concernant les pesticides, notre objectif est de renoncer à la tolérance à l'importation. La France défendra ce message dans les discussions sur la stratégie « de la fourche à la fourchette ». Ces mesures miroir sont soutenues dès qu'elles sont justifiées scientifiquement, comme l'interdiction de l'utilisation d'antibiotiques comme activateurs de croissance, dans le cadre de la lutte contre l'antibiorésistance.

S'agissant du Brexit, il est important de souligner que, avec ou sans deal, il y aura des changements pour les entreprises, avec plus de démarches, de formalités et de contrôle – nous le regrettons mais c'est ainsi. L'absence d'un deal aurait beaucoup plus de conséquences économiques pour la Grande-Bretagne que pour l'Europe. Nous voulons absolument un accord, mais pas à n'importe quel prix.

Il faut préparer nos entreprises en les accompagnant dans l'ensemble des champs de l'économie. J'ai mobilisé la Team France Export pour délivrer les informations en temps réel, répondre aux interrogations réglementaires concernant les exportations et couvrir les exportations contre les risques accrus, notamment de change – Bpifrance a développé une action spécifique pour sécuriser davantage nos exportateurs contre le risque de change. Voilà quelques exemples concrets de ce que nous faisons pour préparer nos entreprises au Brexit.

Les chèques relance export sont utilisables par toutes les entreprises : les opérateurs spécialisés du commerce international (OSCI) peuvent en bénéficier, tout comme les entreprises sous-traitantes travaillant à l'exportation. Le chèque relance export permet de prendre en charge le coût de la participation d'une entreprise à une place de marché numérique ; son utilisation n'est absolument pas circonscrite aux services de Business France. Quant au chèque relance export « agro », je vais regarder ce qu'il en est ; je vous remercie de m'avoir signalé ce problème.

Ce dispositif, cumulable avec les aides des régions, pourra être adapté aux besoins des entreprises. Les 247 millions consacrés au commerce extérieur dans le plan de relance doivent être accessibles aux entreprises, principalement les primo exportatrices, qui en ont davantage besoin que celles ayant déjà trouvé un marché à l'étranger. Le site de Business France fournit des informations économiques secteur par secteur, pays par pays, d'autant plus utiles en cette période de perturbation des marchés. Nous devons inciter bien plus d'entreprises à tenter leur chance à l'export : beaucoup pourraient le faire mais n'osent pas, craignant que les coûts soient importants et l'aventure trop complexe. Le rôle de tous les partenaires est donc essentiel : c'est là qu'il faut mettre le maximum d'argent pour inciter les entreprises à tenter l'expérience, à franchir le premier pas. C'est ainsi que fonctionne le mécanisme de l'assurance prospection : une partie du coût du déploiement à l'international est prise en charge et l'entreprise ne commence à rembourser que si elle obtient des résultats : c'est un cercle vertueux.

Les entreprises qui ont joué le jeu pendant le confinement ont fait preuve de leur engagement citoyen en mobilisant leurs équipes et en transformant leur outil de production au service de la production des biens nécessaires pour soigner nos compatriotes. Ces entreprises doivent être au cœur de la réflexion sur l'autonomie stratégique au niveau européen et sur la relocalisation des chaînes de valeur.

Divers outils peuvent être utilisés, comme la politique commerciale et les marchés publics. La réglementation des marchés publics est importante parce qu'elle contribue à lutter contre la corruption, mais elle pose un certain nombre de limites, notamment en ce qui concerne les circuits courts et la proximité géographique des entreprises. Les seuils de marchés publics ont été relevés pour desserrer la contrainte sur les collectivités territoriales et leur permettre de conclure plus rapidement avec les entreprises avec lesquelles elles ont l'habitude de travailler.

Nous devons assurer notre indépendance concernant les produits stratégiques en garantissant notre sécurité d'approvisionnement, en diversifiant nos fournisseurs, en créant des stocks stratégiques et en relocalisant un certain nombre de productions. La mobilisation des entreprises qui fournissent ces produits stratégiques doit être confortée car c'est un levier important pour la relocalisation des chaînes de valeur.

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L'un des enjeux majeurs sera l'unité de l'Europe pour faire bloc face à la Chine et aux États-Unis, et peut-être aussi la capacité à réinventer le commerce international. La remise à plat des équilibres passés peut être l'occasion d'adopter de nouvelles pratiques ; dans ce domaine, la France doit être leader. Il faut, de plus, accentuer les partenariats avec des zones en fort développement dans les années à venir, comme l'Afrique ou les pays membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est. Il me reste donc à vous remercier, vous et vos équipes, et à vous souhaiter beaucoup de réussite dans les négociations à venir pour promouvoir les valeurs de la France et défendre les intérêts de nos entreprises.

La séance est levée à 18 heures 20.