Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 8 février 2022 à 17h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • carbone
  • présidence
  • taxonomie

La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, sur les enjeux environnementaux de la présidence française de l'Union européenne.

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Monsieur le secrétaire d'État, le 21 janvier 2021, nous vous avions auditionné sur les enjeux environnementaux à l'échelle européenne. Aujourd'hui, vous venez nous présenter les dossiers que la France devra faire avancer dans le cadre de sa présidence de l'Union européenne.

Dans son discours du 19 janvier dernier devant le Parlement européen, le Président de la République a tracé les ambitions de la présidence française, qu'il a résumées en quelques mots : « bâtir un modèle original face aux grands défis du siècle. Un modèle d'avenir qui nous permet à nouveau de tenir cette promesse de progrès. Le climat est le premier de ces défis. L'Europe est le lieu où […] s'est levée une conscience climatique universelle », avec l'accord de Paris.

Trois priorités environnementales sont au cœur de la présidence française : l'investissement dans les technologies du futur, pour faire le lien entre progrès technologique, transformation de l'appareil industriel européen et objectifs climatiques ; le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, en faveur duquel notre pays milite depuis près de dix ans ; la lutte contre la déforestation importée, car la planète a besoin de forêts pour lutter contre le réchauffement climatique et préserver la biodiversité.

D'autres chantiers seront à poursuivre : la mise en œuvre du Pacte vert pour l'Europe, qui se traduira par la présentation de textes législatifs d'ici à l'été 2022 ; la nouvelle politique agricole commune (PAC), prévue pour le 1er janvier 2023 ; le sommet sur les océans, qui se tient cette semaine à Brest et qui est important pour la défense de la biodiversité.

Quels sont les dossiers qui aboutiront d'ici à la fin juin 2022 et quels sont ceux qui seront vraisemblablement transmis à la présidence tchèque lors du semestre suivant ? En d'autres termes, quels résultats la présidence française de l'Union européenne (PFUE) escompte-t-elle ?

Enfin, compte tenu de l'accélération du dérèglement climatique et des catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et violentes, l'agenda de l'Union européenne est-il adapté à l'urgence ? La présidence française souhaite-t-elle renforcer les objectifs de réduction des gaz à effet de serre ? Estime-t-elle qu'un consensus pourrait se dégager sur ce point ?

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Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

La France assume depuis quelques semaines sa treizième présidence du Conseil de l'Union européenne. Elle a placé tout en haut de ses priorités la question du climat et de l'environnement, qui a de nombreuses déclinaisons, notamment législatives et thématiques.

Du fait de sa brièveté, la présidence de l'Union européenne doit être minutieusement préparée. Si l'on veut que notre pays fasse avancer ses priorités, joue un rôle d'accélérateur et d'accoucheur de textes importants, il faut que les idées soient injectées dans le débat européen longtemps à l'avance.

Nous l'avons fait, d'abord, pour le cadre général de la neutralité carbone d'ici à 2050. Au début de 2019, la France, suivie par trois pays, a demandé que l'Europe des vingt-sept se fixe pour objectif d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Nous avons trouvé des alliés, bataillé, proposé des initiatives qui ont fait basculer certains pays, comme l'Allemagne. Dès la fin de 2019, un consensus sur cet objectif était atteint. Aujourd'hui, il paraît presque évident mais il résulte d'une bataille politique interne à l'Europe, qui est la première région du monde à se l'être assigné. Nous avons donné à cet objectif général une déclinaison intermédiaire, avec la baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % en 2030.

En juillet 2021, la Commission européenne a proposé les textes législatifs permettant de l'atteindre : le paquet « Fit for 55 ». Celui-ci constitue un ensemble de treize textes sectoriels ou transversaux qui concernent, par exemple, la fiscalité de l'énergie, le système communautaire d'échange de quotas d'émission de l'Union (ETS), le fonds social d'accompagnement des ménages, en particulier pour faire face au coût de l'énergie, ou encore le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Ce paquet législatif est essentiel. Ce n'est pas simplement un slogan, c'est une trajectoire que l'on construit avec ces textes qui sont déjà en discussion au Parlement européen et au Conseil.

Pendant sa présidence, la France peut faire avancer aussi loin que possible le débat sur ce paquet qui est très lourd et qui suscite encore de nombreuses divisions entre les États membres, et plus spécifiquement – car une présidence, ce sont des priorités –, sur la question climatique. Nous avons mis l'accent sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, parfois désigné sous l'appellation approximative de taxe carbone aux frontières de l'Europe. L'idée est simple : on ne peut pas demander aux entreprises de nos grands secteurs économiques de se verdir au prix d'efforts considérables, sans exiger de celles qui exportent sur notre marché qu'elles respectent, en particulier, le même prix du carbone. Cela ne serait souhaitable ni économiquement, ni socialement, ni écologiquement. Ce mécanisme essentiel donnera l'image d'une Europe qui défend mieux ses valeurs et ses standards. Si nous sommes capables de garder notre marché ouvert tout en y faisant respecter nos règles – par exemple, les clauses miroirs en matière de sécurité alimentaire –, nous aurons fait œuvre utile et, plus encore, nous aurons défini un nouveau modèle de régulation à l'européenne, dont le mécanisme de l'ajustement carbone tirera le fil.

Nous devons assumer, en la matière, un certain pragmatisme. Il y a beaucoup de littérature économique et de débats politiques sur le mécanisme carbone. De nombreux pays en discutent, parmi lesquels les États-Unis, mais personne ne l'a institué sur un grand marché. Nous devrons accepter de procéder par essai-erreur, en commençant par appliquer le dispositif à quelques secteurs économiques pour en mesurer l'effet sur les chaînes de valeur – par exemple, le coût économique, social et environnemental de l'acier importé renchéri par le prix du carbone sur toute la chaîne automobile. L'important, c'est de lancer le mouvement. L'un des objectifs clés de la présidence française est d'obtenir un accord politique sur ce mécanisme.

Le volet climatique comprend bien d'autres dispositions. On peut mentionner, au sein du paquet « Fit for 55 », l'extension du système ETS ou l'accompagnement social. Par ailleurs, à l'initiative de la France et de quelques États, nous avons obtenu que plus d'un tiers de chaque programme national de relance financé par l'Europe – 40 % dans le cas français – soit consacré aux dépenses en faveur de la transition écologique.

Sur la question énergétique, la Commission européenne a présenté deux propositions de révision des directives relatives aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique. Elles visent à rehausser notre ambition, en portant à 3 % par an d'ici à 2030 la surface des bâtiments publics traités pour atteindre nos objectifs de rénovation thermique des bâtiments et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Pour rester sur le sujet de l'énergie, la Commission européenne a proposé, au début de l'année, un acte délégué incluant dans la taxonomie l'énergie nucléaire, qui avait fait débat, et le gaz, sous certaines conditions. La France ne faisait pas partie des nombreux pays européens à avoir demandé l'inclusion du gaz, mais l'on peut comprendre qu'il soit considéré comme énergie de transition dès lors que le recours aux centrales au gaz vise à remplacer des centrales plus polluantes, comme celles à charbon. Les paramètres, notamment les seuils d'émissions, ont été longuement débattus pour dessiner une trajectoire de baisse des émissions dans des pays comme l'Allemagne ou la Pologne.

L'inclusion du nucléaire dans la taxonomie n'est pas seulement une demande française ; une majorité d'États membres en a formulé la demande. Des clauses de rendez-vous ont été prévues, ainsi que des dates limites – qui pourront être revues – pour les investissements dans les réacteurs existants et les nouvelles technologies de réacteurs. Même si, pour des questions de base juridique, le nucléaire est rangé dans la même catégorie que le gaz, il n'est pas explicitement qualifié d'énergie de transition. C'est important, parce qu'il n'est pas de même nature : le nucléaire n'est pas un outil au service de la transition vers une énergie propre, il est une énergie propre. Des pays ont choisi d'en sortir ; c'est leur droit et nous le respectons. Aucune énergie n'est parfaite et, s'il y a des questions de sécurité et de traitement des déchets dont il faut discuter, il faut voir le nucléaire tel qu'il est : une énergie décarbonée. L'acte délégué devrait être adopté d'ici au mois de juin, à moins d'une opposition, qui doit atteindre un seuil très élevé, du Parlement européen ou d'une majorité d'États membres.

Autre sujet énergétique, la hausse très significative des prix du gaz et de l'électricité, contre laquelle nous avons adopté des mesures nationales « bouclier » souvent plus importantes que celles prises par nos voisins, soulève la question du fonctionnement du marché européen de l'énergie. Il ne faut surtout pas casser ce dernier, qui fait partie des marchés intérieurs que l'on a réussi à construire. Grâce aux interconnexions, plutôt insuffisantes qu'excessives, la France, dont les énergéticiens produisent à un coût inférieur au coût moyen européen, exporte de l'énergie. Nous sommes globalement exportateurs nets d'énergie sur le marché européen, ce qui engendre des revenus de plusieurs milliards d'euros, en année normale, pour EDF. On aurait donc tort de revenir sur l'unification des prix de gros sur le marché européen de l'énergie.

En revanche, on ne peut plus penser, comme cela a pu être la conviction de la Commission européenne, que l'horizon à atteindre est la dérégulation des prix de détail. Ce serait une folie. Dans une période de hausse des prix de l'énergie liée à la situation internationale, avec une croissance très rapide et une demande mondiale très forte – qui s'ajoute à l'évolution tendancielle à la hausse du prix des énergies fossiles –, on doit pouvoir prendre des mesures de type « bouclier tarifaire », comme nous le faisons. Cela suppose que les dispositifs de régulation existants soient préservés ou renforcés, et que l'on considère la possibilité de conclure des contrats de long terme pour certaines énergies, de façon à lisser les prix dans le temps – ce que la Commission européenne nous a parfois incités à ne pas faire.

La question environnementale recouvre également le sujet de la biodiversité. Sous réserve de la date de la deuxième séquence de la quinzième conférence des parties (COP15) à la convention sur la diversité biologique, nous aurons la responsabilité de préparer le mandat de l'Union européenne pour ces négociations. Nous souhaitons que nos partenaires internationaux prennent des engagements sur la restauration des écosystèmes et l'utilisation durable des ressources naturelles sous l'impulsion de l'Union européenne.

Nous avons pris une initiative interne très importante concernant la déforestation importée, ce qui répond à la demande de beaucoup d'organisations non gouvernementales (ONG). La Commission européenne a fait une proposition, il y a quelques semaines, pour faire en sorte que l'on évite ou que l'on sanctionne la déforestation importée. Le texte établit une liste de produits dont l'importation serait interdite si l'on peut démontrer qu'ils contribuent à la déforestation dans leur pays d'origine. Cette liste, qui commence par quelques produits, parmi lesquels le soja, et quelques zones géographiques, est le fruit d'une démarche pragmatique et efficace. Ce serait une grande première qu'un marché de la taille de l'Union européenne ait une législation contre la déforestation importée. C'est d'ailleurs à l'échelle de l'Union que nous pouvons obtenir des résultats à l'égard de grands partenaires, tel le Brésil.

Un mot sur l'alimentation et l'agriculture, domaines dans lesquels le ministre M. Julien Denormandie se montre très actif au cours de cette présidence. Nous aurons la tâche de conduire les travaux sur la révision de la directive relative à l'usage durable des pesticides, dite « SUD ». Nous devrons également promouvoir une initiative ambitieuse sur la réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Et puis, il y a le combat, presque idéologique, que M. Julien Denormandie mène au niveau européen, en ce moment même, au sein d'un conseil informel avec ses homologues, à Strasbourg : les clauses miroirs. En vertu de ces clauses, nous ne devrions plus importer des produits qui non seulement ne respectent pas l'interdiction en vigueur sur notre marché de certaines substances – pour ceux-là, c'est déjà le cas –, mais qui, dans leur processus de production, ont recours à des intrants interdits dans l'Union européenne. On ne peut pas accepter que des fruits, des légumes, des marchandises soient traités avec un produit dangereux avant d'être exportés chez nous, sans contrainte. Or cela existe encore.

Ce principe des clauses miroirs, on arrive à l'introduire dans quelques textes européens – par exemple, dans un texte en cours de discussion sur les produits vétérinaires –, mais il n'est pas un élément de logique transversale. Pour cet outil d'équité qui permet de peser sur un certain nombre de partenaires, la bonne échelle, là aussi, est européenne. Plus qu'un débat, c'est un combat qui n'en est qu'à son début. L'acceptation des clauses miroirs a grandi parmi les ministres européens de l'environnement et de l'agriculture. Un cadre de principe sera, je l'espère, adopté pendant la présidence française, mais il faudra encore se battre par la suite. Le travail en trio est important pour assurer cette continuité. Nos partenaires tchèques et suédois, qui assumeront les prochaines présidences, sont engagés pour faire aboutir ce principe au moyen de textes législatifs transversaux. Il s'agit, notamment, d'introduire ces clauses dans nos accords commerciaux, si nous voulons que ce modèle d'accord commercial soit profondément revu.

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Un Européen sur deux considère le dérèglement climatique comme le principal enjeu de portée mondiale pour l'Union européenne. Il était donc de notre responsabilité de placer l'environnement en tête de nos priorités pour la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Nous le devons aux Français, aux Européens et à la jeunesse européenne, mobilisée au sein de la conférence sur l'avenir de l'Europe pour une action forte en faveur de la transition écologique. Notre groupe salue l'importance conférée à la question environnementale pendant la PFUE ainsi que la déclaration du Président de la République devant le Parlement européen, selon laquelle la question climatique est le premier défi du siècle.

Nous soutenons pleinement le chantier prioritaire du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, dispositif qui permettra, en complément du plan de relance européen, de faire de l'Europe le continent des innovations écologiques : batterie verte, avion bas-carbone ou encore hydrogène décarboné, l'Europe a de quoi faire. Quelles autres mesures envisagez-vous de soutenir pour que l'Europe protège les entreprises qui s'engagent et investissent dans la transition écologique ?

En ma qualité de président du Conseil national de l'air, je m'intéresse à l'axe de travail visant à garantir un environnement plus sain, en particulier à la lutte contre la pollution de l'air qui entraîne 400 000 morts prématurées par an en Europe. Le 22 septembre dernier, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié ses nouvelles lignes directrices relatives à la qualité de l'air, lesquelles abaissent considérablement les seuils de concentration pour plusieurs polluants, en raison de leurs effets, constatés scientifiquement, sur la santé. L'OMS propose une trajectoire progressive pour l'application de ces normes, par étapes intermédiaires. C'est à présent à l'Europe d'agir. Quelle position la France défend-elle quant à la révision de ces normes ? La PFUE sera-t-elle l'occasion pour la France de porter le sujet de la qualité de l'air, et surtout de la santé respiratoire, à l'échelle européenne, et donc internationale ?

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Parmi les quatre priorités que la PFUE s'est fixées en matière environnementale, je m'intéresserai plus particulièrement à la transition vers un environnement plus sain et à la préservation de la biodiversité.

En matière d'agriculture, la stratégie « Farm to Fork » vise une diminution de moitié de l'usage des pesticides d'ici à 2030. Le sujet a été largement abordé au cours du conseil informel d'Amiens, en janvier. Que recouvre cette stratégie et quels moyens seront employés pour l'appliquer ?

Les mesures miroirs doivent accompagner cette démarche afin de maintenir la compétitivité de notre agriculture. Un point d'étape sur le sujet pourrait éclairer notre commission.

Un des principaux enjeux agricoles à venir tient à notre capacité à conserver aux sols leurs propriétés de rétention d'eau et de préservation de la biodiversité. À l'instar de ce que nous sommes en train de faire en France pour évaluer le potentiel de développement des énergies renouvelables, l'établissement d'une cartographie de l'état de nos sols, à l'échelle nationale et européenne, pourrait être très utile pour orienter nos choix à venir.

S'agissant de la biodiversité, la question de la déforestation importée me tient particulièrement à cœur. La ministre Mme Barbara Pompili a évoqué des discussions fructueuses et une ambition accrue de nos partenaires lors du conseil informel d'Amiens. Pourrions-nous en savoir plus sur la teneur de ces discussions ? Il a notamment été question, semble-t-il, d'étendre le champ des écosystèmes visés.

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Les ambitions environnementales doivent être discutées à Bruxelles autant qu'à Paris. Lors de l'examen du projet de loi dit « climat et résilience », vos collègues du Gouvernement avaient repoussé les propositions solides que nous avions présentées en matière de mobilité, d'agriculture et de normes environnementales et sociales, en expliquant que tout se jouait à l'échelle européenne. Il en est de même des émissions de gaz à effet de serre liées aux importations, qui ne sont pas comptabilisées dans le bilan carbone national.

Où en sommes-nous de la protection des intérêts européens ? Dans un rapport récent de la commission d'enquête relative à la chute de la part de l'industrie dans le PIB de la France, j'ai proposé que la PFUE soit l'occasion de défendre des mécanismes de préférence européenne comprenant une taxe carbone aux frontières et un corpus européen de normes sociales et environnementales compensé pour les importations. Il n'y aura pas de réindustrialisation durable sans ces mécanismes de protection. Les relocalisations sont importantes, tant pour des questions de souveraineté et d'approvisionnement que de création de valeur et d'emplois. Rappelons que notre balance commerciale se creuse, le déficit atteignant 85 milliards d'euros, selon les dernières estimations des douanes, soit un doublement par rapport à 2016.

La réindustrialisation nécessite un recours important à l'énergie. Qu'entendez-vous faire, dans le cadre de la présidence française, dans le domaine des énergies renouvelables ?

Sur ces deux sujets, où en sont les projets de directive ? Quel est le calendrier précis ?

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La France n'a de cesse de proclamer qu'elle va reprendre le leadership sur les questions climatiques lors de sa présidence de l'Union européenne. On ne peut qu'être dubitatifs en entendant les scientifiques rappeler le retard qu'a pris notre pays au regard de ses engagements dans l'accord de Paris. L'État a d'ailleurs été condamné à deux reprises pour inaction climatique dans les dossiers de Grande-Synthe et de l'Affaire du siècle. Pensez-vous réellement qu'avec de tels résultats, la voix de la France va pouvoir porter et permettre des consensus sur des sujets aussi cruciaux en seulement quelques mois ?

S'agissant de la pollution plastique, notamment des océans, quelles impulsions la France compte-t-elle donner ? A-t-elle toute la crédibilité voulue, elle qui s'apprête à annoncer, lors du One Ocean Summit qui se tient à Brest cette semaine, la création de nouvelles aires protégées, alors même qu'elle ne donne pas les moyens suffisants à l'Office français de la biodiversité (OFB) de les contrôler ? En outre, les organisations pointent du doigt le fait que le Président de la République continue de soutenir l'extraction minière en eaux profondes. C'est la politique du tout et son contraire.

Le développement de l'hydrogène est un véritable enjeu pour les décennies à venir. Comment la France compte-t-elle aborder cette question au niveau européen et quelles lignes directrices souhaite-t-elle promouvoir en la matière ?

La Commission européenne a proposé, à la mi-novembre 2021, un projet de règlement contre la déforestation importée. Quelles sont les prochaines étapes des négociations ? Les ONG demandent notamment un élargissement des écosystèmes concernés : savanes, prairies, tourbières... Pensez-vous que cela soit possible ?

La conférence des Nations Unies sur l'eau doit se tenir à New York en mars 2023. La France entend-elle préparer ce grand rendez-vous avec les organisations de la société civile, comme le préconise la « Coalition Eau » ? Autour de quels axes souhaite-t-elle faire entendre sa voix ? Va-t-elle marcher dans les pas de la Slovénie, qui en avait fait la priorité lors de sa présidence ?

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Il est important de se fixer des objectifs à très long et à moyen termes mais il est encore plus important de prendre des mesures à très court terme.

Concernant le marché du carbone, on parle depuis des années d'étendre le système d'échange de quotas d'émission du carbone en Europe aux secteurs du transport et du bâtiment : quand concrétiserons-nous ce projet ? De surcroît, l'envolée spéculative du prix de la tonne de CO2 sur le marché européen pose des problèmes de lisibilité aux entreprises qui ont du mal à s'adapter.

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières n'est pas l'alpha et l'oméga de nos politiques environnementales. Tout le monde en parle mais le système reste très complexe et il faudra des années pour en retirer des bénéfices. Par quoi commencer pour envoyer un vrai signal au monde ?

Quant à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et aux droits humains, la nouvelle directive européenne relative au reporting sera bientôt votée. La Commission européenne devrait présenter dans les prochains mois un projet de législation concernant le respect des droits humains au sein des entreprises, suite à une négociation et des accords avec l'Allemagne. Ce texte ne sera pas très ambitieux, car il ne s'appliquera qu'à certaines entreprises européennes, ce qui pose la question de l'extraterritorialité. Ainsi, on contraindra des entreprises comme Total à adopter des règles très vertueuses en Europe et partout dans le monde, mais on ne fera rien contre Gazprom qui fait n'importe quoi en Sibérie. La question de l'extraterritorialité est stratégique pour l'indépendance européenne. Que proposez-vous ?

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Fermez les yeux et imaginez. Vous sentez des embruns légers : vous êtes à Flamanville où le réacteur pressurisé européen (EPR) a pu être construit dans les temps pour un budget de 4 milliards d'euros seulement. Au loin, pas d'éolienne ni de panneau photovoltaïque, mais de jolies petites centrales nucléaires, les SMR. Au cours de votre voyage, vous cherchez, en vain, des déchets nucléaires radioactifs ou des sites d'enfouissement. C'est normal puisque vous rêvez. Dans ce rêve, Tchernobyl et Fukushima n'ont jamais existé, les récents incidents de la centrale nucléaire de Tricastin n'ont jamais eu lieu et Hugo, le lanceur d'alerte, n'a jamais été reçu au cabinet de la ministre Mme Barbara Pompili. Dans ce rêve, l'énergie nucléaire est une énergie verte ou propre. En réalité, le nucléaire est une énergie du passé. Personne ne veut d'une énergie qui peut, à tout moment, contaminer durablement l'eau, les sols et les êtres vivants, qui laisse des déchets radioactifs pour 100 000 ans, qui nous rend dépendants de quelques pays étrangers, souvent instables. Sauf vous, qui êtes prêts à toutes les compromissions. Afin que le nucléaire intègre les énergies vertes, vous êtes allés jusqu'à vous allier avec le pire de l'extrême droite européenne. Il faut le faire ! La Hongrie et la Pologne ont accepté de soutenir le nucléaire en échange de l'appui de la France pour inscrire le gaz au sein de la taxonomie européenne. Quel est le sens d'une taxonomie verte à laquelle seraient éligibles le gaz et le nucléaire ? On s'en doute : c'est une affaire de gros sous. Cette éligibilité facilitera les investissements dans le nucléaire et le gaz, au détriment d'énergies écologiques.

Cette taxonomie est une honte. Le monde entier tire la sonnette d'alarme et les anciens premiers ministres japonais ont même trouvé le temps d'écrire à la France pour l'alerter sur les dangers du nucléaire. Nous devons les écouter et avoir le courage politique de nous défaire des lobbies pour bâtir un programme qui nous permette d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Hélas ! vous n'en avez pas la volonté. Nous devrons donc nous en charger en avril et en juin.

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Deux textes internationaux tendent à contrôler, réduire ou éliminer les émissions des polluants organiques persistants (POP) dans l'environnement. En 2022, une mise à jour sera nécessaire. La Commission européenne a adopté une proposition en octobre 2021 pour protéger la santé humaine et l'environnement contre ces POP. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

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Je salue l'élan porté par la France en faveur de la transition écologique depuis le début du quinquennat.

Le 2 février, la Commission européenne a présenté son acte délégué qui intègre les énergies du gaz et du nucléaire dans la classification de la taxonomie européenne. Les investissements dans les centrales nucléaires pourraient désormais être considérés comme durables. Quelles sont les conditions prévues concernant le secteur de l'énergie ? Qu'en est-il du gaz dans les pays qui ont encore des centrales à charbon ? Quelles sont les étapes pour l'adoption de la prochaine taxonomie ?

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Nous avons beaucoup réfléchi aux moyens de développer l'économie circulaire et de lutter contre le gaspillage lors de la rédaction de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC) puis de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « AGEC ». La France est devenue une locomotive en Europe dans ce domaine. Je salue, à cet égard, le plan d'action pour une économie circulaire présenté en 2020 dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe. Il comporte des mesures dont certains craignent que nous ne les surtransposions. Ce plan d'action est une étape historique. La Commission et le Parlement doivent le traduire en droit et harmoniser les différentes législations, notamment pour ce qui concerne la réparation, le contrôle de l'affichage environnemental, le rôle des marchés publics et de la commande publique. Quand ces sujets, initialement annoncés pour le premier trimestre 2022, seront-ils inscrits à l'ordre du jour du Parlement européen ? Quelles actions la France pourrait-elle conduire et quel pourrait être son rôle pour engager rapidement le travail de la Commission européenne et harmoniser les règles d'affichage ? Ces mesures sont très attendues par les industriels.

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Le secteur du transport est responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre. Les normes ne manquent pas mais nous ne savons toujours pas si ce secteur sera éligible ou non à la taxonomie verte. Cette décision serait importante pour cette filière pourvoyeuse d'emplois. Nous devons également porter une attention particulière aux équipementiers, sans lesquels nous ne disposerions pas de systèmes de dépollution aussi performants.

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La Cour des comptes européenne appelle à taxer davantage les énergies fossiles et déplore que les subventions qui leur sont accordées en Europe ne diminuent pas au fil des années, voire dépassent, dans certains pays, celles accordées aux énergies renouvelables. Même si les subventions aux énergies renouvelables ont considérablement augmenté, les subventions aux combustibles fossiles sont restées stables malgré l'engagement de la Commission européenne et de certains États membres à les supprimer progressivement.

Dans le cadre de la présidence française, ne peut-on pas exiger des opérateurs historiques, exploitants et distributeurs d'énergie fossile, de s'engager à hauteur des subventions perçues dans la restructuration à marche forcée vers les énergies renouvelables et une économie circulaire et sobre ? Il incomberait ainsi aux pollueurs d'assumer le coût de la transition écologique et énergétique.

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Concernant l'utilisation des néonicotinoïdes et le recours aux clauses miroirs pour éviter les distorsions de concurrence entre les pays européens, le Président de la République a déclaré, lors de son déplacement à la septième édition des rencontres « Terres de Jim », qu'en l'absence d'alternative efficace, des dérogations pourront continuer à être accordées. Or, en arboriculture, il n'y a pas de visibilité. Il conviendrait de prendre des mesures au niveau européen pour que les agriculteurs puissent se projeter dans l'avenir.

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Le recul du trait de côte a des conséquences pour notre environnement et de nombreuses populations européennes puisqu'il affecte plusieurs activités économiques. En France, la loi « littoral » et le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres permettent de gérer de nombreux sites, et la loi « climat et résilience » a récemment apporté une boîte à outils. Comment la France préparera-t-elle l'Europe à relever ces défis en zone littorale ?

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Comment faire pour que nos entreprises acceptent la hausse des prix du quota de carbone ?

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Nous nous sommes fortement engagés pour renforcer la compétitivité des armateurs français et l'attractivité du pavillon français, dont la fierté est attachée à l'existence d'une liaison entre le continent et la Corse. Une enquête sur les contrats de délégation de service public (DSP) a été ouverte par la Commission européenne, entraînant une instabilité pour la continuité territoriale et l'avenir de la liaison depuis Marseille vers la Corse. Soutenons cette DSP, soutenons l'attractivité de notre pavillon France et l'avenir de cette liaison !

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Nous avons ouvert la possibilité pour la Collectivité européenne d'Alsace d'instaurer une taxe routière. Cette mesure a été prise dans la loi « climat et résilience » pour que les régions puissent s'en saisir. Or il s'avère aujourd'hui que l'on s'appuie sur l'eurovignette européenne, dont la directive est en cours de révision et dont les recettes ne peuvent couvrir que les usages des infrastructures des routes concernées par la taxe. Il serait intéressant d'étendre les recettes tirées de cette taxe au financement de nouvelles mobilités propres ou de la reconversion de certains véhicules. Quelles mesures pourraient être prises sous la présidence française ?

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Clément Beaune, secrétaire d'État

À la suite de la définition de nouvelles lignes directrices mondiales sur la qualité de l'air par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), nous avons ouvert le débat. Il faudrait relever très sensiblement les seuils pour certains polluants, notamment le dioxyde d'azote. La Commission européenne évalue les nouveaux jalons proposés par l'OMS et mène une étude d'impact spécifique sur ce sujet, dans la perspective de proposer une révision de la directive pour la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe au deuxième semestre 2022. Ce sujet sera sans doute traité par la présidence suivante.

Auparavant, la Commission européenne avait déjà lancé une consultation publique fin 2021. Il est clair que la situation évoluera dans le sens d'une révision chaque fois plus exigeante de cette directive.

S'agissant des pesticides et plus particulièrement des mesures miroirs, nous en avons débattu à l'occasion de la conclusion de l'accord commercial de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, le CETA. Cet accord, même s'il apporte de nombreuses garanties, ne permet pas d'exclure l'importation de produits dans la composition desquels entrent des farines animales interdites en Europe. Ce sujet ne pourra pas être clos sous la présidence française, car il n'y a pas, pour le moment, de consensus européen, les mesures miroirs n'étant pas encore la priorité de certains États membres. Ne nous avouons pas vaincus pour autant. Il y a encore deux ans, nous disions que le respect des accords de Paris devait faire l'objet de clauses essentielles, c'est-à-dire dont le respect était obligatoire et passible de sanctions, dans les accords commerciaux. Cette position de principe a été actée au niveau européen en seulement deux ans. C'est la nouvelle frontière de notre combat pour l'équité et la protection de nos standards en matière alimentaire et agricole.

À ma connaissance, aucune initiative n'a été prise au niveau européen pour cartographier les sols. En revanche, pour nos programmes satellitaires environnementaux, c'est par la voie européenne que nous obtiendrons cette cartographie dans les prochains mois.

Il sera nécessaire, pour lutter contre la déforestation importée, d'établir la cartographie des pays en fonction des risques qui y sont encourus, au Brésil ou ailleurs, et une cartographie des produits, afin d'aboutir à l'interdiction d'importer des produits dont la fabrication participe à la déforestation – le soja, la viande de bœuf, etc. La ministre Mme Barbara Pompili était optimiste après la discussion informelle d'Amiens et nous pourrions parvenir à un accord politique dans les prochaines semaines.

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Avec toutes nos excuses, monsieur le secrétaire d'État, nous allons suspendre votre audition le temps pour nous d'aller voter dans l'hémicycle.

(L'audition est suspendue de dix-huit heures dix à dix-huit heures vingt-cinq.)

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Clément Beaune, secrétaire d'État

La Commission européenne devrait présenter prochainement un projet de révision de la directive européenne SUD. La stratégie « De la ferme à la table » fixe comme objectif de réduire de 50 % d'ici à 2030 le recours aux substances les plus nocives qui seront définies dans cette révision. La France avait défendu cette ambition, qu'elle avait d'ailleurs intégrée dans sa propre législation ou réglementation, suivant deux principes : l'extension de ces règles au niveau européen, sinon nos agriculteurs ne comprendraient pas qu'ils soient les seuls à devoir se soumettre à ces contraintes ; la proposition systématique d'une solution ou d'une alternative. C'est pourquoi nous avançons progressivement. C'est en suivant ce cheminement que nous avions proposé, il y a trois ans et demi, d'interdire le glyphosate. Nous débattrons à nouveau de ce sujet indépendamment de la directive SUD puisque des rendez-vous réguliers ont été pris d'ici à l'été 2022 et qu'une nouvelle évaluation est prévue, suivie d'un nouveau vote. Nous continuons à soutenir le projet d'une interdiction progressive des usages, suivant les deux principes que je viens d'exposer.

Pour ce qui est de la lutte contre la déforestation importée, outre l'interdiction par produit – soja, viande bovine, cacao, café –, il convient de définir la notion d'écosystème. Parle-t-on de la forêt au sens strict ou des zones humides, par exemple ? Nous sommes favorables à une conception large de cette directive ainsi que de la définition de la déforestation ou des écosystèmes concernés. La discussion est en cours entre le Parlement européen et le Conseil. Nous soutenons l'approche extensive du Parlement mais, lors de notre présidence, nous devrons trouver le point d'équilibre du côté du Conseil.

Monsieur Leseul, nous soutenons le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Nous partageons également l'objectif d'imposer aux pays qui exportent des produits vers l'Europe les normes environnementales et sociales qui s'imposent sur notre marché. Quant au volet social, nous essayons de le traiter de manière transversale dans d'autres domaines. Par un ou deux textes, la Commission européenne devrait proposer d'imposer aux entreprises européennes un devoir de vigilance, notamment sur les normes extra-financières, sociales ou environnementales, ainsi que l'interdiction du travail forcé. La logique est la même : agir par la définition de normes européennes pour notre marché ou à l'extérieur, à l'échelle de 450 millions de consommateurs et de citoyens plutôt qu'en adoptant des législations nationales qui n'auraient pas la même portée et nous exposeraient sans doute à des mesures de rétorsion commerciale de la part de nos grands partenaires ou concurrents. Cette logique sur laquelle nous définissons nos standards est le nouveau modèle que nous essayons de construire sur le plan social et environnemental. On peut l'appeler la référence ou la préférence européenne.

Concernant les énergies renouvelables, je peux vous expliquer les raisons de notre retard par rapport aux objectifs. Tout d'abord, une large part de notre bouquet électrique est déjà décarbonée, ce qui a pu nous retarder lors des étapes précédentes, en particulier lors du déploiement de l'énergie éolienne en mer. Nous allons accélérer pour nous replacer dans la trajectoire et nous sommes engagés à tenir notre objectif pour 2030. Ce n'est pas une excuse ni une compensation, mais notre mix est le plus décarboné de toutes les grandes économies européennes. Cela ne doit pas, néanmoins, nous dispenser de faire des efforts pour les énergies renouvelables.

S'agissant des zones maritimes protégées, nous avons pris des engagements, en vue du One Ocean Summit qui se tiendra en fin de semaine, pour que 30 % des espaces maritimes et terrestres soient protégés en France d'ici à 2022. Nous ferons le bilan, mais je sais qu'il sera très bon car nous avons consenti tous les efforts nécessaires pour tenir nos objectifs. L'une des ambitions de ce sommet sera d'étendre les engagements aux niveaux européen et international.

Concernant l'extraction minière, le Président de la république n'a pas donné la priorité à l'extraction mais à l'exploration, accompagnée d'objectifs plus vastes, en matière de recherche, de connaissance du vivant, des fonds marins – et pas seulement pour les métaux rares. Il est de notre devoir d'établir une cartographie d'analyse, de recherche, pour l'exploration. Si nous ne le faisons pas, d'autres le feront pour nous.

Pour ce qui est du prix de la tonne de CO2, nous avions défendu l'idée d'un prix plancher européen qui n'a pas prospéré. Nous avons besoin des réformes que j'évoquais dans le marché intérieur pour les consommateurs. Les prix du CO2 sont beaucoup moins volatils, mais plus élevés qu'il y a deux ou trois ans. Nous devrions parvenir à les stabiliser au fur et à mesure de l'extension du mécanisme ETS à d'autres secteurs, mais d'autres questions se poseront pour le transport routier, notamment les véhicules individuels, ou le bâtiment, en particulier les maisons individuelles. Cette mesure est nécessaire en raison de la part du transport routier et du bâtiment dans les émissions de gaz à effet de serre, mais extrêmement sensible du fait de ses conséquences pour le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes. Beaucoup d'États membres ont émis des réserves lors des premières discussions menées par la ministre Mme Barbara Pompili. C'est pourquoi nos débats porteront non pas sur les mécanismes de volatilité ou de stabilisation, mais sur le périmètre des mécanismes du prix du carbone. Dans ce cadre, il faudrait une forme de prix externe du carbone. Nous ne pouvons pas imposer un prix élevé et croissant du carbone chez nous mais en dispenser les pays qui exportent vers l'Europe. Ce serait un désastre économique et écologique.

Cela prendra du temps. Nous devons faire preuve de pragmatisme et choisir d'abord des secteurs dans lesquels les filières sont prêtes à expérimenter le mécanisme d'ajustement carbone – c'est le cas du ciment et de la sidérurgie. C'est plus compliqué dans le secteur automobile. Si le prix de l'acier venant de l'extérieur est renchéri à cause du MACF, c'est bon pour la compétitivité de la sidérurgie, moins pour celle des constructeurs automobiles. Il faut prendre en considération les effets par ricochet dans les chaînes de valeur.

Instaurons le mécanisme ; ouvrons une négociation internationale puisque de nombreux pays, dont les États-Unis, envisagent un tel mécanisme ; essayons de créer ce que les Allemands appellent un « club climatique international » pratiquant un prix unique du carbone – ce sera plus compétitif et plus efficace ; fixons des clauses de révision régulière pour étendre ou ajuster le mécanisme selon qu'il donne satisfaction ou non. Le système des quotas gratuits dont de nombreuses industries bénéficient aujourd'hui ne pourra pas coexister avec le mécanisme d'ajustement carbone, au risque de contrevenir aux règles de l'OMC. Il faut procéder par phases : l'instauration du mécanisme d'ajustement carbone ne peut avoir pour effet immédiat de mettre fin aux quotas gratuits. La Commission européenne propose une transition sur dix ans – cela me semble raisonnable ; la discussion sur l'articulation entre les deux dispositifs se tient en ce moment même au Parlement européen et au Conseil.

S'agissant de la RSE et, je crois le deviner dans votre question, du devoir de vigilance, il faut éviter que soient exemptés des obligations que nous imposons aux entreprises françaises et européennes des groupes étrangers qui sont en compétition avec elles. Nous ne pourrons pas appliquer dès à présent le principe d'extraterritorialité en soumettant Gazprom ou d'autres à la RSE à l'européenne, nous ne disposons pas des outils pour le faire. Le texte de la Commission que nous attendons devrait viser les entreprises étrangères ayant une activité économique sur le marché européen. Un constructeur automobile coréen ou un sidérurgiste américain sera soumis aux règles en matière de RSE ; il n'y aura ainsi pas sur le même marché des privilégiés qui seraient dispensés de respecter les règles sociales et environnementales.

Je ne sais pas s'il est utile, compte tenu de son investissement dans la suite du débat, de répondre à Mme Danièle Obono sur un prétendu cauchemar ou complot. Il ne faut pas éluder le débat sur le nucléaire mais l'aborder de manière rationnelle et sans dogmatisme. Aucune énergie n'a aucun inconvénient. Le nucléaire est une énergie décarbonée, c'est un fait ; il faut le reconnaître sans nier les questions de sécurité, d'investissement, de nouvelles technologies et de stockage des déchets qu'il pose. Quant aux énergies renouvelables, elles ne sont pas dénuées d'inconvénients, au premier rang desquels l'instabilité de la production ; c'est la raison pour laquelle il est nécessaire de les compléter avec d'autres énergies – personne ne sait faire du 100 % renouvelable aujourd'hui, quand bien même on le voudrait. Ces énergies créent aussi des dépendances : tous les éléments d'une pale d'éolienne ne sont pas produits en Europe ; il faut des métaux précieux ou des terres rares dont le bilan carbone peut être lourd ; on ne sait pas comment seront traités les déchets qui en sont issus. Cela ne doit évidemment pas nous dissuader d'investir dans ces énergies, de renforcer la recherche ni de croire dans les progrès technologiques – la capacité de production d'une éolienne a doublé en cinq ans. Les énergies renouvelables représentent l'avenir, aucune stratégie énergétique ne peut en faire l'économie, de même qu'aucune stratégie ne peut reposer sur le tout nucléaire. Pour autant, il n'est pas raisonnable de disqualifier le nucléaire, à moins d'exprimer une position idéologique.

Madame Métadier, s'agissant des POP, la Commission européenne devrait présenter prochainement une proposition visant à durcir les seuils applicables pour empêcher leur réintégration dans le circuit économique.

Madame Silin, il faut tordre le cou à quelques idées sur la nouvelle taxonomie. D'abord, elle n'a pas fait l'objet d'un complot ou d'un marché ; chaque pays a présenté ses propres exigences et, à vingt-sept, il faut accepter des compromis. Nous n'étions pas demandeurs du choix qui a été fait sur le gaz ; nous en comprenons la raison – le recours au gaz est indispensable pour assurer la transition chez nos voisins plus que chez nous. Toutefois, conformément à notre souhait, les nouvelles centrales à gaz qui remplaceront les centrales à charbon devront respecter des seuils d'émission de CO2. Nous sommes le seul pays européen à avoir décidé la fermeture de nos centrales à charbon – trois d'entre elles le seront dès cette année.

Pour le nucléaire, enjeu autrement plus important pour la France, deux dates limites sont fixées pour les permis de construire : 2040 pour la modernisation des réacteurs existants et 2045 pour les nouveaux réacteurs. En outre, des clauses de revoyure sont prévues : de nouveaux projets pourront voir le jour au-delà de ces deux dates, sous réserve que les discussions aboutissent à un accord en ce sens. La filière nucléaire n'est certainement pas pleinement satisfaite, mais elle dispose désormais d'une visibilité pour ses investissements. La taxonomie offre un cadre équilibré et positif pour les besoins énergétiques des pays européens.

Pourquoi la taxonomie est-elle utile ? Elle constitue un référentiel, public et commun à toute l'Europe, sur lequel peuvent s'appuyer les investisseurs privés qui sont de plus en plus soumis à des pressions pour verdir leurs investissements. La visibilité qu'elle donne est un avantage pour obtenir les financements dans les énergies concernées, dont nous aurons grand besoin pour assurer la transition écologique.

Madame Riotton, la France est très en pointe sur l'affichage environnemental depuis la loi AGEC. Nous militons pour que l'Europe se dote d'ambitions comparables parce que ce beau projet aurait plus d'impact s'il était européen. La Commission européenne devrait présenter en mars une proposition sur les produits durables, qui devrait inclure des règles plus exigeantes en matière d'affichage.

Monsieur Pichereau, s'agissant de la taxonomie, de nombreuses questions restent en suspens sur son interprétation et son application. Son application ne repose pas sur une approche sectorielle mais sur l'impact environnemental. Ce n'est pas le secteur automobile dans son ensemble qui est concerné, mais certains véhicules ou produits qui relèvent de la taxonomie afin d'encourager la transition dans chaque secteur.

S'agissant des équipementiers automobiles, qui m'ont d'ailleurs saisi, ils ne bénéficieront pas d'un blanc-seing général ; ils devront faire la preuve de la transformation de leurs processus de production pour entrer dans le champ de la taxonomie.

La taxonomie est un aiguillon, un guide général qui laisse des marges d'interprétation. Elle ne dictera pas chaque décision d'investissement du secteur privé. Une entreprise dont l'activité ne serait pas entièrement couverte par la taxonomie pourra malgré tout trouver les financements pour assurer sa propre transition, à charge pour elle de convaincre les actionnaires et les investisseurs.

Je rappelle que la France s'est fixé un objectif très ambitieux de production de 2 millions de véhicules électriques en 2030.

Monsieur Delpon, pour appliquer, comme vous le souhaitez, le principe de pollueur-payeur, faut-il supprimer les subventions aux énergies fossiles ou taxer ces dernières et redistribuer les recettes aux autres énergies ? La France a choisi de baisser les subventions – elle a commencé à le faire pour les subventions à l'export – et la Cour des comptes européenne nous incite à poursuivre dans cette voie. Cette solution me semble plus lisible politiquement et plus efficace économiquement.

Monsieur Morenas, je pense avoir répondu à votre question sur l'utilisation des pesticides dans l'arboriculture. Le débat a déjà eu lieu sur les néonicotinoïdes et sur le glyphosate et quelle que soit la substance concernée, la logique est la même : il faut un cadre européen ; l'interdiction dans un seul pays ne peut pas fonctionner. Il faut établir une liste des substances – j'ai mentionné à cet égard la directive SUD – et poser le principe selon lequel l'interdiction d'un produit ne peut être prononcée que s'il existe un produit de substitution ou une alternative à celui-ci. Il ne faut laisser personne sans solution. C'est le principe que la France défend pour une sortie progressive des pesticides.

Monsieur Causse, à ma connaissance, il n'y a pas d'initiative législative prévue s'agissant du littoral. Ce sujet sera abordé lors du One Ocean Summit. La directive Natura 2000 peut avoir des effets assez proches de ceux de la loi « littoral » dans certaines zones protégées, mais aucune norme spécifique n'est envisagée à ce stade.

Madame Brulebois, quelques explications sur le fonctionnement du MACF : il s'agit d'un système d'ETS à l'importation. En termes plus clairs, si une entreprise étrangère qui exporte vers l'Union européenne ne paie pas le même prix du carbone dans son processus de production que ses concurrents européens, elle devra s'acquitter de la différence en achetant des ETS. Cela ressemble aux mesures antidumping en matière commerciale : lorsqu'un concurrent étranger vend un produit 50 % moins cher que les fabricants européens, si l'enquête établit qu'il a cassé les prix, il peut se voir imposer une taxe antidumping. C'est le même mécanisme pour le MACF dont le but est de rétablir un équilibre entre les producteurs. Les experts parlent d'un système d'ETS miroir. Selon notre analyse juridique et celle de la Commission, le MACF est compatible avec les règles de l'OMC dès lors qu'il est justifié par la protection de l'environnement.

Monsieur Zulesi, s'agissant de la liaison entre la Corse et le continent, sujet déjà sensible pour la Commission européenne lorsque j'ai eu à m'y intéresser dans une autre vie, nous sommes déterminés à obtenir la reconnaissance de la DSP, la préservation de ses caractéristiques – le choix du port de Marseille, des navires mixtes associant fret et passagers, des obligations de service public liées à la continuité territoriale – ainsi que la possibilité d'un soutien financier public. C'est un modèle que nous défendons, non sans difficulté, dans les discussions avec Bruxelles. Je ne connais pas l'issue des discussions en cours, mais, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises par le passé, parfois de manière douloureuse, nous sommes résolus à préserver cette DSP vitale pour les deux extrémités de la liaison.

Monsieur Thiébaut, je n'ai pas encore la réponse à votre question sur l'eurovignette. Vous avez raison, le champ de l'affectation de la taxe est restreint principalement à l'infrastructure. Cela aurait du sens de pouvoir l'étendre aux nouvelles mobilités. Je ne peux pas vous assurer que cette question sera tranchée au cours de la présidence française. En revanche, je m'engage à relayer auprès des ministres chargés des transports et de l'écologie l'intérêt d'une telle évolution.

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Je salue votre engagement en faveur du plurilinguisme au sein des institutions européennes. Ma circonscription abrite la cité internationale de la langue française installée dans le château de Villers-Cotterêts, mais l'agriculture y occupe aussi une large place.

Comment faire comprendre en France et en Europe que l'agriculture n'est pas un obstacle mais une solution au dérèglement climatique ? Comment lutter contre l'inflation de normes européennes mais aussi françaises qui exaspère nos agriculteurs et nos éleveurs ?

Quels sont les priorités et les financements de la stratégie « De la ferme à la table » présentée par la Commission en mai 2020 ?

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Clément Beaune, secrétaire d'État

Le plurilinguisme me tient particulièrement à cœur. C'est symbolique, j'en conviens, cependant, sous la présidence française, non seulement tous les membres du Gouvernement s'expriment évidemment en français dans les réunions européennes, mais nous encourageons également tous les ministres à s'exprimer dans leur langue. Le plurilinguisme, ce n'est pas le triomphe du français – que nous défendons naturellement ainsi que la francophonie ; il est essentiel pour la compréhension de l'Europe. Je parle l'anglais avec plaisir, mais nous ne devons pas nous habituer à parler dans un « gloubi-boulga » anglicisé, car on perd beaucoup à simplifier les messages faute de s'exprimer dans sa propre langue. Nous nous privons d'une grande et belle richesse alors que nous disposons d'interprètes et traducteurs très compétents qui peuvent assurer le plurilinguisme.

Deux initiatives de la présidence française méritent d'être soulignées. Premièrement, le plurilinguisme sera le premier point de l'ordre du jour du conseil Affaires générales du mois de mars, conseil réunissant tous les mois les ministres chargés des affaires européennes. Il s'agit de demander à la Commission d'établir un plan en la matière avec des objectifs ambitieux. À titre d'exemple, j'aimerais que soient fixés des quotas pour les langues dans lesquelles les documents européens initiaux sont publiés ; aujourd'hui, 80 % des documents sont en anglais – c'est un problème. Deuxièmement, le 15 mars se tiendra à Pau un événement organisé par M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué chargé de la francophonie, qui sera consacré au multilinguisme et aux outils de sa défense au niveau européen.

Quant aux autres questions, je ne veux pas marcher sur les plates-bandes de Mme Barbara Pompili ou de M. Julien Denormandie. Oui, la surtransposition est un mal français, mais, soyons honnêtes, notre pays souffre moins de la surtransposition que de l'inflation normative en général. La directive est souvent le véhicule de notre propre dérive réglementaire. Si elle n'existait pas, nous trouverions autre chose.

L'effort de « détransposition », entrepris en 2017 et 2018, a été très compliqué à mener à bien, chaque ministère arguant de ce que la transposition avait été l'occasion d'inclure un article – parfois aussi des amendements parlementaires – qu'il aurait placé dans un autre véhicule de toute façon.

Nous devons engager une réflexion plus profonde sur le niveau et la clarté des normes mais aussi sur notre compétitivité normative : un marché intégré comme l'Union européenne doit être régulé et les règles sont plus acceptables si elles sont posées au bon rythme et les mêmes pour tous. À cet égard, je salue la réussite du ministre de l'agriculture qui a obtenu que les écorégimes de la future politique agricole commune soient non plus des options mais des obligations. Jusqu'à présent, c'était un peu la double peine pour les agriculteurs qui choisissaient l'écorégime : ils devaient non seulement faire un effort, mais ils étaient seuls à le faire. C'était moins efficace, handicapant pour notre compétitivité et désespérant pour nos agriculteurs. Les écorégimes obligatoires vont dans le sens de la nécessaire uniformisation des règles.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mardi 8 février 2022 à 17 h 15

Présents. - M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, M. Jean‑Charles Colas-Roy, Mme Yolaine de Courson, M. Michel Delpon, Mme Nadia Essayan, M. Jean-Luc Fugit, M. Jacques Krabal, M. Gérard Leseul, Mme Sandra Marsaud, Mme Sophie Métadier, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Damien Pichereau, M. Jacques Rey, Mme Marie Silin, M. Vincent Thiébaut, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - Mme Valérie Beauvais, M. Yannick Haury, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, Mme Valérie Petit, M. Loïc Prud'homme, M. Jean-Marie Sermier, M. Sylvain Templier, Mme Frédérique Tuffnell

Assistaient également à la réunion. - Mme Danièle Obono, M. Bertrand Pancher