Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 8 février 2022 à 17h20

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 8 février 2022

La séance est ouverte à dix-sept heures vingt.

La commission auditionne, en visioconférence, Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins (DGOS), sur les mutations de notre système de santé.

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La législature qui s'achève a été marquée par l'actualité toujours prégnante de la crise sanitaire à laquelle notre commission s'est bien sûr beaucoup consacrée ; pour autant, cela ne doit pas occulter les importantes réformes de notre système de santé qui ont été engagées.

En cette période nécessairement consacrée aux bilans, il nous a donc paru utile, avec le rapporteur général Thomas Mesnier, de consacrer un cycle d'auditions aux mutations de notre système de santé. La semaine prochaine, nous recevrons le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) ainsi que la directrice de l'agence du numérique en santé et la déléguée ministérielle au numérique en santé.

Nous commençons ces auditions cet après-midi avec la direction générale de l'offre de soins. Je souhaite, madame la directrice, vous poser une question sur un sujet précis qui me tient tout particulièrement à cœur. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 prévoyait un certain nombre de mesures, notamment pour lutter contre les dérives des centres de santé, mesures que j'avais portées avec le rapporteur général au travers d'un amendement. Certaines de ces mesures ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Pour avancer sur cette problématique, est-il envisagé de prendre par voie réglementaire les mesures concernées lorsque, bien sûr, elles ne relèvent pas du domaine législatif ?

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Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins

Il est difficile de résumer en quelques minutes l'ampleur des travaux accomplis malgré la crise du covid.

Les évolutions récentes du système de santé s'appuient sur un constat relativement partagé. Pour les patients, il s'agit d'une part des difficultés d'accès aux soins dans certains territoires et pour certaines spécialités et, d'autre part, du vieillissement de la population, des besoins de santé qui en découlent ainsi que du développement des pathologies chroniques.

S'agissant des professionnels de santé, nous sommes confrontés depuis longtemps à un cloisonnement entre la ville et l'hôpital, entre le médico-social et le sanitaire, entre le public et le privé, aux difficultés à passer d'un exercice salarié à un exercice libéral ou à les combiner. L'exercice est encore massivement isolé pour les professionnels de ville. Nous manquons aussi d'outils et de structures de coordination pour assurer une bonne prise en charge des patients tout au long de leur parcours de santé.

Enfin, je voudrais aborder deux autres points importants, qui concernent les financements encore trop axés sur l'activité, qu'il nous fallait donc faire évoluer, et l'insuffisante reconnaissance de la qualité et de la sécurité des soins et des bonnes pratiques. Ces constats ont conduit aux évolutions très importantes menées au cours des dernières années.

La stratégie Ma santé 2022, la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS), les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification adoptée en 2021 et, bien sûr, les accords du Ségur et les grands axes qui en découlent ont constitué quelques étapes majeures de cette évolution dont l'objectif transversal était le décloisonnement précédemment évoqué.

Par ailleurs, la crise du covid à laquelle nous avons été confrontés depuis 2020 a également été un accélérateur pour certaines réformes et a permis de mettre l'accent sur certaines d'entre elles. Je pense en particulier, s'agissant des relations entre la ville et l'hôpital, à la question du lien entre les urgences et l'ambulatoire qui a été particulièrement mise en exergue avec notamment le déploiement du service d'accès aux soins (SAS) que nous pilotons en ce moment. Je pense également au développement de l'exercice coordonné et au développement massif de la télésanté.

La crise a aussi été un facteur d'accélération pour répondre à des besoins très précis avec, par exemple, le développement des équipes mobiles pour prendre en charge les personnes âgées ou en psychiatrie. Un autre exemple est celui de la pérennisation des astreintes gériatriques pour venir en aide aux résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Cette crise a donc aussi eu un impact sur l'agenda des réformes et le Ségur est venu les concrétiser.

Je souhaite insister sur quatre grands axes de réforme. Le premier, qui est un point extrêmement important, concerne la valorisation des métiers du soin et le renforcement de leur attractivité. Je voudrais insister sur quatre thématiques principales, dont en premier lieu la question de la démographie des professionnels de santé avec la suppression du numerus clausus et la détermination d'objectifs nationaux pluriannuels. Une conférence nationale de santé s'est tenue l'année dernière.

Un autre point important est la réforme des études médicales, importante pour favoriser l'accès à ces formations et la diversité des profils des étudiants en santé et pour promouvoir une approche par compétences.

Un troisième point concerne la valorisation des compétences ; l'exemple emblématique en est le développement des infirmières de pratique avancée. Des étapes importantes ont été franchies et des travaux sont encore en cours.

Enfin, nous agissons pour le renforcement de l'attractivité des métiers du soin, par les revalorisations salariales intervenues à la suite du Ségur. Près de 10 milliards d'euros ont été consacrés à la revalorisation des rémunérations des soignants. Nous menons également des travaux sur la qualité de vie au travail et sur l'organisation au sein des hôpitaux, en particulier sur la gouvernance hospitalière. Je pense en particulier à la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification et à la circulaire du 6 août 2021 à la suite de la mission menée par le Professeur Olivier Claris, qui sont importantes pour l'organisation concrète du travail au sein des établissements de santé.

Le deuxième axe des réformes concerne les modes de financement et le renforcement de l'investissement en santé. Nous avons mis fin au Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins (COPERMO) et constitué un Conseil national de l'investissement avec une nouvelle méthode de travail pour co-construire des projets avec davantage de délégations au niveau des régions. Ce travail est extrêmement lourd, avec un investissement hospitalier massif en termes de crédits.

La crise du covid nous a retardés pour la mise en place de certaines réformes du financement, en particulier pour les soins de suite et de réadaptation (SSR).

En revanche, nous avons démarré pour les urgences ou la psychiatrie la mise en œuvre de ces réformes qui étaient très attendues par les établissements et les professionnels.

Elles permettent de transformer le financement des établissements, financement dont la logique était très fortement marquée par la tarification à l'activité, en réduisant cette part liée à l'activité et en la combinant avec un financement à la qualité, par une dotation populationnelle mais aussi par des financements spécifiques en fonction de chacun des segments d'activité.

Un troisième axe concerne la structuration de l'offre de soins sur les territoires. Il s'agit de renforcer les liens entre la ville et l'hôpital par la création du service d'accès aux soins. Nous avons actuellement 22 sites pilotes et les agences régionales de santé (ARS) nous ont signalé qu'un certain nombre de projets étaient déjà mûrs et prêts à être déployés. Il est très probable que nous déployions davantage de sites au cours des prochaines semaines.

Nous pilotons ce sujet avec d'une part, les urgentistes et d'autre part, les médecins généralistes, avec l'idée de développer d'autres dimensions. En particulier, cinq sites pilotes déploient des filières psychiatriques, un sujet très attendu par la communauté psychiatrique, avec laquelle nous discutons déjà sur ce point.

Un second point concerne la promotion de l'exercice coordonné. Le déploiement en est important et les chiffres sont très positifs, avec en particulier le développement des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP). Il en existait voici plusieurs mois déjà 1 889 sur le territoire et la progression est assez forte. Nous pensons qu'il est possible de renforcer encore ce déploiement, à la fois en nombre de maisons de santé et par extension, en interne, pour les maisons de santé existantes. Dans une mesure moindre que les maisons de santé, je pense aussi au déploiement des centres de santé. Ces deux modes de prise en charge coordonnée en ambulatoire sont importants. Ils permettent aux professionnels de choisir un exercice libéral dans le cas des MSP ou un exercice salarié dans les centres de santé.

Enfin, le déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) a été, de manière assez surprenante d'ailleurs, extrêmement rapide puisque 600 projets de CPTS, à divers stades de maturité, ont été constitués au cours des deux dernières années.

La télésanté a connu un déploiement extrêmement important. Vous avez parlé du numérique qui est un facteur massif d'amélioration de la prise en charge des patients, en médecine générale, bien sûr, mais pas uniquement. Ce développement a aussi été important pour les kinésithérapeutes ou pour les sages-femmes, même si c'est dans une moindre mesure que pour les médecins généralistes.

Enfin, s'agissant de la structuration de l'offre de soins sur les territoires, des dispositifs d'appui sanitaire viennent concourir à la prise en charge des patients, notamment des résidents en EHPAD. Nous avons réussi à déployer très rapidement des équipes mobiles ou des astreintes gériatriques pendant la crise du covid et nous les pérennisons avec des financements dédiés. Nous souhaitons maintenir et développer ces dispositifs, ainsi que l'hospitalisation à domicile ou des consultations dédiées.

S'agissant de la psychiatrie et de la santé mentale, des travaux extrêmement importants sont engagés, sur lesquels je reviendrai si vous le souhaitez. Ce matin encore, nous avons fait le point, avec la commission nationale de la psychiatrie, sur les travaux en cours.

Enfin, le dernier axe concerne la qualité, la pertinence des soins et de l'organisation territoriale. Nous avons engagé des travaux visant à réviser la quasi-totalité des décrets d'autorisation des activités. Ce travail important est engagé avec l'ensemble de nos partenaires hospitaliers, avec les sociétés savantes, avec la Haute autorité de santé (HAS) et les conseils nationaux professionnels (CNP). Nous avons presque finalisé la majorité de ces décrets qui sont structurants pour l'avenir. Ils seront mis en œuvre dans le cadre des projets régionaux de santé (PRS) de 2023.

Je souhaite encore évoquer devant vous deux autres travaux en cours. Le premier concerne la re-certification des professionnels de santé qui s'appuie sur une ordonnance parue voici quelques mois. Elle nous permet, de façon très volontariste, de travailler sur la mise en place de cette re-certification qui doit intervenir en janvier 2023. Nous sommes sur le point d'installer le futur conseil national de la certification périodique, qui sera présidé par Lionel Collet. Ce chantier est très important et très conséquent.

Enfin, l'extension de l'accréditation des professions à risques au secteur public est engagée depuis septembre et doit être déployée à l'ensemble des professionnels qui le souhaitent dans le secteur public. Jusqu'à présent, cette accréditation ne concernait que les professionnels à risques du secteur privé.

Telles sont les grandes lignes que je souhaitais évoquer devant vous en guise d'introduction. En termes de méthodes de travail, j'ajoute que nous travaillons ces dernières années toujours en concertation avec l'ensemble de nos partenaires, qu'ils soient hospitaliers ou libéraux. Nous travaillons de manière de plus en plus rapprochée avec l'ensemble des CNP. C'est une amélioration liée à la crise du covid et je souhaitais dire devant vous que c'est une évolution fructueuse, sur laquelle nous nous appuyons au quotidien.

Pour répondre à votre question sur les centres de santé, madame la présidente nous y travaillons effectivement en explorant plusieurs pistes qui ne sont pas encore validées. Je cite à titre d'exemple la nomination d'un chirurgien-dentiste référent, qui pourrait être prévue par un décret, ou la double transmission des contrats de travail et des diplômes avec un avis de la part de l'ordre. Ce sont des pistes à ce stade ; les travaux sont encore en cours sur cette question dont nous connaissons l'importance, depuis plusieurs années, et qui reste très compliquée pour nos concitoyens.

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Madame la directrice générale, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui pour tirer le bilan des mesures prises pour renforcer et transformer notre système de santé, durement mis à l'épreuve durant la crise sanitaire. J'en profite aussi pour vous remercier, ainsi que toutes vos équipes à travers vous, pour votre engagement durant cette crise qui vous a également mise à rude épreuve.

Parmi les points que vous avez abordés, je souhaite revenir sur des mesures tenant directement à l'accès aux soins, qui est un véritable enjeu du quotidien et une priorité des Français, comme nous le voyons chaque jour dans nos permanences.

Dans la loi OTSS et la stratégie Ma santé 2022, notre majorité a pris un certain nombre de mesures pour gagner du temps médical, notamment par la coopération et le partage de tâches entre professionnels de santé. Je sais bien que la crise a percuté ces travaux et que les textes réglementaires associés à certaines mesures sont tout juste parus. Peut-être en attendons-nous encore quelques-uns mais pouvez-vous nous dresser un premier bilan de ces protocoles de coopération et de partage des tâches ? Nous voyons par exemple que le protocole sur les cystites peine à arriver véritablement dans le quotidien de nos concitoyens.

Je pense également aux CPTS pour lesquelles la crise semble finalement avoir joué le rôle d'incubateur, du fait du travail plus rapproché des professionnels de santé dans les centres de tests et de vaccination. Cela a montré que, en 2019, il existait peut-être bien une part d'exercice isolé, malgré ce qui nous avait été dit à l'époque.

Vous avez évoqué la création en cours de 600 CPTS. Quels sont selon vous les freins qui restent à lever pour permettre le plein essor de ces CPTS ? Nous voyons encore souvent des professionnels qui rechignent un peu à y aller, en invoquant notamment la lourdeur administrative de ces structures.

Enfin, le sujet des soins non programmés et de la permanence des soins me tient particulièrement à cœur. Vous avez évoqué le service d'accès aux soins. Pouvez-vous nous indiquer précisément où en est l'évaluation des projets pilotes ? Quels enseignements en tirez-vous ? Vous avez parlé de 22 projets pilotes dont certains ont été leaders et, manifestement, porteurs d'avancées non anticipées mais d'autres, malheureusement, ont constitué un faux départ de fait, je le crains, d'un manque d'implication à certains endroits des libéraux malgré la signature de l'avenant conventionnel.

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Je voudrais m'intéresser à la qualité des soins et à la pertinence des actes. Adoptée en 2019, la stratégie Ma santé 2022 se voulait un plan de transformation de notre système de santé. Un retour sur ce plan s'impose. Quels sont, madame, les progrès dans la qualité des parcours des patients, pour faciliter leur orientation dans le système de santé ?

J'aimerais aussi parler de l'organisation territoriale des soins. L'offre de soins ne cesse de baisser alors que la demande explose. Pour les généralistes, l'indice d'activité régulière décroît d'année en année et continuera à baisser puisqu'un quart des effectifs partira à la retraite dans les prochaines années. Les Français doivent par conséquent faire face à des déserts médicaux, ce qui provoque un certain nombre de difficultés.

Quel bilan dressez-vous des communautés professionnelles territoriales de santé déjà évoquées et du plan visant à aider les professionnels de santé à mieux se structurer et se coordonner autour de leurs patients ? Les médecins généralistes sont débordés par la demande de patients sans médecin traitant. Comment améliorer, madame la directrice, le traitement des patients qui ont dû renoncer à se soigner en raison de l'encombrement des structures sanitaires pour cause de covid ?

Enfin, sur la gouvernance, est-ce un futur souhaitable que de décentraliser davantage les politiques d'accès aux soins et de confier – pourquoi pas ? – la coprésidence des ARS à l'État et aux régions pour mieux s'adapter aux besoins des territoires ? Serait-il d'ailleurs possible de lancer dans chaque région une alliance de tous les professionnels de santé, à l'initiative des présidents de région, de département et en lien avec le préfet et les ARS ? Il s'agirait d'établir dans chaque territoire un plan d'action pour réduire concrètement les délais d'attente, assurer les permanences des soins et faciliter l'accès aux soins des plus fragiles.

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S'agissant des évolutions du système de santé, je voudrais aborder la question des solutions digitales et numériques qui sont amenées à transformer notre système de santé. Vous avez évoqué la télémédecine mais de nombreux outils vont également arriver avec Mon espace santé et le Health data hub.

Les données sont actuellement essentiellement utilisées pour la recherche mais pourraient permettre de mieux piloter le système de santé, voire l'efficacité des explorations et suivis, par exemple avec la télésurveillance. La crise sanitaire nous a montré que le numérique est très important pour ce suivi. Comment pensez-vous utiliser les données de santé de Mon espace santé et du Health data hub pour mieux piloter le système de santé ?

Ma deuxième question porte sur l'évolution des professionnels de santé, sur laquelle j'ai fait un rapport. C'est ce que j'appelle « la théorie de l'escalier » : comment faire évoluer l'ensemble des professionnels paramédicaux dans les pratiques avancées, dans les protocoles de coopération ? Je pense que nous pouvons étendre la pratique avancée et aller plus loin, comme nous l'avons prévu dans le PLFSS par rapport aux orthoptistes, aux kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Comment voyez-vous ces questions et à quelle vitesse cette évolution peut-elle avoir lieu ?

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Je vous remercie, madame la directrice, de venir nous présenter ce bilan et nous présenter les mutations du système de santé, un champ tellement large qu'une seule session ne peut y suffire. Globalement d'abord, pensez-vous que nous avons réellement entamé une mutation au niveau du système de santé ? Des aspects jusqu'à présent très peu présents dans notre système, la prévention en particulier, ont-ils une place dans ces mutations et sous quelle forme ?

En ce qui concerne les métiers du soin et leur attractivité, absolument nécessaire face à l'augmentation des besoins et à l'hémorragie en cours pour diverses raisons, pourriez-vous de façon aussi brève que possible nous parler des différentes professions et de leur réingénierie globale ? Toutes les professions attendent plus ou moins cette réingénierie, certaines l'ont débutée et d'autres l'ont arrêtée mais elles ont en tout cas besoin d'être alignées de toute urgence aux réalités du terrain.

Je pense en particulier à des métiers dont on parle peu mais qui sont pourtant indispensables dans l'architecture du système de santé et de l'offre de soins, comme les ergothérapeutes, les manipulateurs en électroradiologie médicale ou tout simplement les techniciens de laboratoire, qui ont été absolument indispensables pendant cette crise et sont toujours en attente de cette réingénierie.

J'ai également une question au sujet de la pratique avancée chez les infirmiers avec le récent rapport de l'inspection générale des affaires sociale (IGAS), Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé. Le rapport faisait des recommandations très fortes, dont certaines assez disruptives comme l'accès direct ou la primo-prescription. Je voudrais savoir quelle est votre approche sur ces propositions ? Pourriez-vous également nous donner un commentaire sur la dernière proposition, réellement assez osée, à savoir « expertiser la tenue d'une convention citoyenne sur la refonte de l'organisation du système de santé et des professions tout entières ».

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Le rôle de la direction générale de l'offre de soins consiste en l'élaboration du pilotage et l'évaluation de la politique de l'offre de soins en fonction des objectifs et des priorités de la politique de santé.

L'UDI défend depuis toujours la prévention en santé comme une des priorités de notre système de santé. Lors de l'examen des lois de financement de la sécurité sociale, nous avons critiqué les blocages d'initiatives en matière de prévention. Je pense au dépistage du cancer de la prostate, au renforcement de la santé scolaire et universitaire, à la reconnaissance de l'endométriose ou à la lutte contre les addictions, dont l'usage détourné du protoxyde d'azote. Outre le gain médical évident pour des millions de Français, mettre l'accent sur la prévention en santé serait pourvoyeur d'économies non négligeables pour l'assurance maladie. Comment évaluez-vous l'opportunité de transformer notre système de santé vers davantage de prévention ?

Enfin, toute politique publique en santé est vaine tant que les Français n'ont pas accès aux soins. Je veux bien évidemment parler des millions de personnes qui vivent dans des déserts médicaux. Au sein de l'UDI, nous proposons d'orienter les médecins nouvellement formés dans les territoires où le manque de médecins est le plus important, en contrevenant à la liberté d'installation du médecin le temps que nous formions suffisamment de professionnels pour disposer d'une offre de soins sur l'ensemble du territoire. Comment envisagez-vous, madame la directrice, la correction de cette errance de notre système de santé qui prive certains de nos concitoyens d'un accès aux soins ?

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Ma question porte sur la situation de l'hôpital public, qui est aujourd'hui en très grande difficulté. La crise sanitaire que nous venons de vivre n'a fait que mettre en évidence un contexte de crise qui existait déjà depuis de nombreuses années. Je voudrais savoir si la DGOS réfléchit à des solutions pérennes pour permettre aux hôpitaux d'éviter ces déficits structurels qui se creusent chaque année. Comment le Ségur de la santé mettra-t-il réellement en œuvre les mesures sur la reprise de la dette, considérable, qui se chiffre en milliards d'euros ?

Localement, les hôpitaux ferment des lits faute de personnel. Fermer des lits d'hospitalisation est aussi une volonté publique puisque 80 000 ont été fermés en l'espace de vingt ans, pour se tourner vers la médecine ambulatoire. En même temps, nous constatons la désertification médicale des territoires. Comment appréciez-vous la bascule de l'hôpital vers l'ambulatoire, alors que nous manquons de ressources dans les territoires, notamment les territoires ruraux et de montagne ? Je voudrais savoir si une réflexion de fond est menée pour essayer de sortir de cette spirale infernale, à la fois pour les agents hospitaliers, pour les directeurs et pour le citoyen qui ne trouve plus d'offre de soins adaptée sur son territoire.

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Je reviens sur la question des déserts médicaux qui est prioritaire aujourd'hui. Ce problème se pose maintenant non seulement dans les zones rurales mais aussi dans les zones urbaines. Malgré tous les efforts développés – qui sont importants – dans Ma santé 2022 et dans la loi d'organisation et de transformation du système de santé, malgré les différentes mesures prises, notamment le contrat d'engagement de service public et son extension, le dispositif de médecin adjoint…, malgré l'augmentation du nombre de formations d'étudiants, les résultats ne sont malheureusement pas à la hauteur des besoins.

La Cour des comptes a estimé que les mesures incitatives à l'installation, encore assez peu évaluées, ont finalement démontré une relative inefficacité et je voudrais savoir ce que vous en pensez. Quel premier bilan pouvez-vous tirer de ces mesures incitatives ?

Pour aller plus loin, j'ai récemment rencontré des étudiants en médecine qui m'ont décrit des dispositifs d'incitation trop nombreux, dissuasifs, trop complexes, qui devraient gagner en visibilité. Tous ceux que j'ai rencontrés m'ont dit que, de ce fait, ils n'avaient pas opté pour l'un ou l'autre de ces dispositifs, même si cela aurait pu être utile pour eux. Cela ne les attire pas.

Je voudrais donc savoir s'il est possible d'envisager de simplifier le processus et de développer, plutôt que des systèmes qui s'ajoutent les uns aux autres, ce que les étudiants eux-mêmes demandent, c'est-à-dire un accompagnement sur mesure des étudiants et des médecins, avec bien évidemment des stages dans les territoires sous‑dotés.

Enfin, puisque ces incitations montrent leurs limites, ne pourrions-nous pas dès maintenant envisager une autre modalité, consistant par exemple en des financements diversement apportés aux professionnels en fonction des zones ? Nous pourrions par exemple laisser la consultation à 25 euros pour les médecins libéraux qui s'installent dans des territoires sur-dotés, la fixer à 30 euros pour ceux qui vont s'installer dans des territoires sous-dotés et prévoir un niveau intermédiaire de 28 euros dans les territoires intermédiaires. Je pense que ce serait un système simple, qui constituerait une incitation financière directement au niveau de l'exercice médical. Combiné avec un complément de stages dans les territoires opportuns, avec plus d'accueil par des maîtres de stage, cela pourrait permettre une meilleure répartition sur le territoire.

En ce qui concerne les praticiens hospitaliers, ne serait-il pas également envisageable de moduler les salaires pour favoriser les lieux les plus en déficit, les hôpitaux en grande souffrance avec des taux de postes vacants qui dépassent largement 30 % à certains endroits ? Nous pourrions aussi favoriser les spécialités les plus en tension puisque, lorsqu'un hôpital ou un établissement privé a plusieurs chirurgiens mais pas d'anesthésiste, il est évidemment incité à adopter ces mauvaises solutions d'intérimaires.

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Je voudrais vous parler des hôpitaux labellisés « de proximité ». J'ai eu la chance, avec les professionnels de santé de mon territoire, de porter et d'obtenir la labellisation de l'hôpital Lour Picou à Beaugency ; j'en suis ravie. Ces hôpitaux labellisés constituent une réelle avancée vers le décloisonnement tant attendu entre la ville et l'hôpital, améliorant ainsi l'accès aux soins pour les habitants de nos territoires.

Si la gouvernance et le financement de ces établissements ont été précisés par décret, il reste la question du financement des professionnels libéraux qui viendront y intervenir. Je voudrais donc vous interroger sur les modes de financement innovants qui pourraient être proposés pour confirmer notre détermination à rendre efficaces ces labellisations.

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L'accès aux soins de nos aînés en situation de dépendance est une préoccupation croissante des pouvoirs publics dans un contexte de vieillissement de la population. Cette réalité démographique nécessite des mutations de notre système de santé, qui ont été amorcées.

Si le virage domiciliaire constitue l'une de ces mutations profondes, nous ne pouvons pas pour autant écarter la question de l'accès aux soins des patients dans les EHPAD. Ceci est d'autant plus vrai à la lumière des faits de maltraitance actuellement au cœur de l'actualité.

Les moyens humains et financiers à destination des EHPAD ont bien sûr été renforcés à l'issue de la crise sanitaire, avec 2,1 milliards d'euros fléchés vers les EHPAD dans le cadre du Ségur de l'investissement et la création de 10 000 postes de soignants dans les établissements d'ici 2025 annoncée l'été dernier par M. le Premier ministre. De manière plus générale, c'est tout au long du quinquennat que nous avons eu à cœur de renforcer les modalités d'accès aux soins des résidents et c'est sur l'application de ces mesures que je souhaite vous interroger.

Ma première question porte sur la continuité des soins de nuit dans les EHPAD. Pour renforcer cette continuité, nous avons généralisé la mutualisation des infirmières de nuit en EHPAD. Cette mesure devait permettre de limiter les hospitalisations inutiles pour les patients et coûteuses pour les structures. Disposez-vous de chiffres relatifs au nombre d'infirmières de nuit présentes ou aux hospitalisations qui auraient pu être évitées ?

Nous avons également renforcé dès 2019 le droit de prescription des médecins coordonnateurs en EHPAD en les autorisant notamment à prescrire des traitements médicamenteux lorsque le médecin traitant n'est pas en mesure d'assurer une consultation. Pouvez-vous nous renseigner sur l'utilisation réelle de ce dispositif ?

Enfin, disposez-vous d'informations sur le déploiement des pharmacies à usage intérieur ?

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Ma question porte sur l'étude PANTERE – contraction des trois mots « pandémie », « territoires » et « éthique » – que vous avez financée. La question éthique est une priorité, comme nous l'avons vu durant la première vague de la pandémie, lorsque l'isolement des personnes âgées a été vécu comme un drame par les résidents et leurs familles, mais aussi à travers la santé mentale et l'offre de santé mentale pour nombre de jeunes, ainsi qu'à travers l'offre de soins dans les territoires fragilisés. Par exemple, en Picardie, le nombre de spécialistes remontera mais avec une attractivité plutôt métropolitaine, aux dépens de ces territoires fragilisés.

Ce questionnement éthique est également important à l'heure du scandale du système managérial visiblement mis en œuvre dans le cadre de l'affaire Orpea, fondé sur un déni de l'objet du soin, c'est-à-dire de la personne vulnérable.

Cette notion de proximité, d'approche populationnelle est donc d'importance au cœur de notre société. Quelles analyses tirez-vous de cette étude PANTERE diligentée pour évaluer l'apport des cellules de soutien éthique ? Comment en assurer et en coordonner le déploiement ?

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Notre système de santé arrive à bout de souffle. Pensez-vous que les annonces de septembre 2018 sur Ma santé 2022 ont permis une refonte de notre système de santé et ont permis des avancées ?

La prévention en santé devrait être la meilleure alliée pour une santé saine. Or, aujourd'hui, très peu d'actions sont mises en place. Je pense notamment à la prévention pour lutter contre la dépendance, contre le vieillissement, contre le diabète, contre les addictions. Quelle place réservez-vous donc à la prévention ?

Enfin, nous manquons aujourd'hui de médecins généralistes et spécialistes. Durant la crise sanitaire, la médecine de ville a travaillé avec l'hôpital public et cela a plutôt bien fonctionné. Quelles analyses en tirez-vous et comment pourrions-nous généraliser ces pratiques ?

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En matière d'accès aux soins et de désertification médicale, quelles sont selon vous, madame la directrice, les deux mesures à prendre ? Nous savons que, malheureusement, malgré tout ce qui a été fait, les années à venir seront difficiles.

Concernant les urgences, dont de nombreux services sont en difficulté à l'heure actuelle, avez-vous des préconisations fortes ou lancerez-vous des actions fortes dans les prochaines semaines ? Même des grandes villes comme Perpignan sont touchées et cela me semble être un vrai sujet.

Sur la télémédecine, vous savez que le nouvel avenant pose quelques difficultés. Quelle est votre vision de l'évolution de la télémédecine sur le territoire ?

Ma dernière question concerne les EHPAD. En matière d'accréditations et de contrôles, j'imagine que le ministère a d'ores et déjà dû vous sensibiliser pour essayer de mettre assez rapidement de nouvelles mesures en place. Quelles préconisations feriez-vous ?

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Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins

La première question concernait les protocoles de coopération. Il est exact que nous ne sommes pas allés aussi vite que nous l'aurions souhaité, mais nous avons constaté des avancées. S'agissant du protocole pour les cystites, nous voyons un fort développement dans les MSP. Des avancées positives ont donc lieu.

Nous avons aussi travaillé pour que les anciens protocoles HAS soient bien déployés et reconnus de manière beaucoup plus large que s'ils devaient repasser sous les fourches caudines d'une nouvelle évaluation. Nous avions également développé des possibilités de protocoles à l'intérieur des établissements ; nous en observons les résultats et les travaux sont bien réengagés.

Vous avez évoqué les CPTS. Je partage avec vous l'idée que la crise a joué un rôle d'incubateur et j'en ai été moi-même très surprise. Nous recensons aujourd'hui près de 700 projets et nous constatons un véritable engouement des professionnels pour s'organiser en CPTS. Cela nous permettra d'assurer une meilleure coordination avec l'hôpital puisque la difficulté que rencontraient jusqu'à présent les établissements de santé était d'organiser des relations avec des professionnels qui n'étaient eux-mêmes pas organisés. Je crois donc que ces CPTS ont gagné une consistance importante, sont en train de trouver leur place et de se développer. Une part très importante de la population est concernée.

Lorsque vous évoquez les freins, j'entends certains médecins – plutôt spécialistes – être assez réticents et parler de la lourdeur des CPTS ; ils sont plus enclins à s'organiser en équipes de soins primaires. Ce serait une sorte de marche intermédiaire entre la CPTS et l'exercice isolé. Cela fait partie des sujets que nous regardons parce que nous pensons que l'exercice coordonné, regroupé, permet d'une part d'accroître la taille des patientèles donc le nombre de patients pris en charge – ce qui répond aussi à la question que vous posez presque tous sur les déserts médicaux – et, d'autre part, d'améliorer la qualité de la prise en charge.

S'agissant des soins non programmés et des SAS, nous avons identifié 22 sites pilotes dont 19 fonctionnent, de manières assez diverses. L'évaluation est en cours ; nous constatons que le gage d'un bon fonctionnement est une gouvernance vraiment équilibrée et partagée entre les urgentistes, d'une part, et les médecins généralistes, d'autre part. C'est un point d'attention extrêmement fort pour la DGOS et pour les représentants des professionnels au plan national, qu'ils soient urgentistes ou médecins généralistes. Nous les voyons tous les mois pour suivre l'avancement de ces sites.

Je pense que nous aurons de nouveaux projets dans les semaines qui viennent, d'après les informations transmises par les ARS ; c'est également leur demande. J'espère en tout cas que nous disposerons bientôt d'une évaluation, et probablement de nouveaux sites. Nous sommes vraiment attentifs à l'enjeu de la gouvernance partagée, puisque la clé de la réussite du dispositif est le lien entre les urgences et la médecine générale.

M. Perrut posait la question des progrès en matière de qualité. Certains éléments ont bien avancé au cours des dernières années, notamment les autorisations déjà évoquées qui concourent à la qualité de la prise en charge. Nous avons aussi engagé des travaux pour adjoindre à ces autorisations des indicateurs dits « de vigilance » pour ne pas dire « de qualité », notamment pour la chirurgie et la maternité. Toutefois, il est exact que nous avons pris du retard pour les parcours de soins, sur lesquels nous souhaitions travailler en étroite collaboration avec les professionnels, les ARS et l'assurance maladie. Nous avons bon espoir de reprendre le sujet ; douze ou treize parcours étaient concernés et j'espère que nous relancerons rapidement les travaux.

Sur la gouvernance des ARS, c'est plutôt au secrétariat général du ministère de vous répondre. Je m'en garderai bien pour ce qui me concerne.

M. Isaac-Sibille évoquait le sujet du numérique. Je n'ai évoqué en introduction que la télémédecine mais le numérique ne se limite effectivement pas à la télémédecine. Il nous faut absolument développer aussi le Health data hub et je partage votre conviction que l'exploitation de ces données est aussi intéressante à des fins de pilotage de notre système. Sur ce point, nous devons améliorer le recueil et l'exploitation des données dites « en vie réelle » pour mesurer l'efficacité de notre organisation. Il existe d'intéressants projets d'entrepôts de données hospitalières qui pourraient servir pour la recherche, bien sûr, mais aussi pour le pilotage de nos dispositifs et l'analyse de l'organisation du système de santé. Je crois qu'il est nous développer assez rapidement et je partage votre analyse sur ce point.

Pour les infirmiers en pratique avancée (IPA) que plusieurs d'entre vous ont évoqués, la question se pose effectivement de l'extension à d'autres professionnels. Pour le dire très simplement, nous concentrons aujourd'hui nos efforts sur les suites du rapport rendu en début d'année par l'IGAS – ce qui fait le lien avec la question de Mme Chapelier – sur le développement des IPA. Nous croyons énormément en ce chantier. Nous avons, avec l'appui de l'inspection des affaires sociales, engagé des travaux avec des représentants des IPA, des infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE), des infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (IBODE) et les CNP correspondants pour étudier avec eux le développement des infirmiers de pratique avancée. Nous avons en 2022 environ 1 700 IPA diplômés ; cela constitue un développement important, mais nous pensons qu'il faut aller encore plus loin.

S'agissant du calendrier des réingénieries, qui sont des dispositifs assez lourds, nous en engageons moins que ce que nous aimerions faire ; il est vrai que plusieurs professions attendent que nous engagions ces travaux. Je vous transmettrai le calendrier que nous avons prévu ; c'est une forte attente des professionnels et c'est bien légitime.

La prévention est un volet important. Vous avez évoqué plusieurs leviers dont certains dépendent de la direction générale de l'offre de soins, et d'autres non. Je pense notamment au dépistage organisé, qui est un énorme travail piloté par la direction générale de la santé. Il concourt de manière extrêmement importante au développement de la prévention, mais ce n'est pas le seul outil. Vous avez évoqué la médecine scolaire, qui est aussi un levier important dont, je crois, le professeur Jérôme Salomon vous parlerait mieux que moi.

Dans l'escarcelle de la DGOS, se trouve la façon dont l'organisation et le financement de l'offre de soins peuvent concourir à améliorer la prise en charge et le développement de la prévention. C'est un sujet important sur lequel nous avons des marges de progression, d'abord en libérant du temps médical. Cela rejoint la question de l'évolution des compétences des professionnels, pour avoir des temps de consultation permettant aux médecins généralistes d'embrasser l'ensemble des dimensions de la prise en charge sanitaire d'un patient, y compris en matière en prévention. Cela ne concerne pas que le médecin généraliste ; les infirmières ont notamment leur rôle à jouer – et je ne suis pas exhaustive.

Ensuite, nous devrions également étudier le levier de l'éducation thérapeutique, sur lequel nous pouvons progresser pour renforcer la prise en charge de la prévention s'agissant de l'offre de soins stricto sensu. Comme vous l'avez dit, la prévention est génératrice d'économies ; par ailleurs, la gestion de l'épidémie de covid nous montre à quel point la prévention est efficace. C'est une démonstration extrêmement forte.

Je ne crois pas qu'il faille remettre en cause la liberté d'installation pour répondre aux déserts médicaux. Sous le contrôle de Fabrice Lenglart, directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), des études récentes montrent que, finalement, un seul dispositif – y compris les aides financières dont parlait M. Touraine – ne fonctionne pas pour répondre à la question très importante pour nos concitoyens des déserts médicaux. L'étude récemment publiée fait la démonstration, en France comme dans d'autres États, que c'est la combinaison d'outils qui nous permet de répondre aux besoins de nos concitoyens.

L'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) a documenté que les maisons de santé permettent de prendre en charge davantage de patients et d'améliorer la qualité des soins. C'est un vecteur extrêmement important de développement d'une meilleure prise en charge globale.

Le développement et l'installation des infirmières de pratique avancée concourront aussi à améliorer la prise en charge des patients. Certains disent d'ailleurs « des médecins traitants et des équipes traitantes » ; je crois que ce sont des voies sur lesquelles nous pouvons nous engager sans obérer la qualité de la prise en charge des patients. Cela fait partie des outils de notre palette.

S'agissant des déserts médicaux, des critiques sont certes émises sur l'absence de lisibilité des aides. Je pense que nous avons progressé ; nous avons sans doute encore des marges de progrès importantes. Je suis peu convaincue par des majorations par consultation mais, en revanche, je pense que des dispositifs comme le contrat d'engagement de service public et l'accompagnement des étudiants, des internes peuvent être des voies intéressantes. Vous avez aussi évoqué les stages, qui pourraient en effet être développés.

Sans doute devrions-nous également améliorer l'attractivité de l'exercice en ambulatoire. Un sujet qui me tient à cœur est le développement de la recherche en soins primaires. Il me semble que nous devons renforcer l'exercice coordonné, les infirmières de pratique avancée et accompagner les jeunes y compris en les formant davantage dans des zones sous-denses. La réforme des études médicales doit nous y aider. Il faut organiser mieux la recherche en soins primaires qui est un facteur d'attractivité pour les professionnels de santé.

Mme Dubié a posé des questions sur le déficit des établissements de santé et sur la question de la dette. Le Premier ministre et le ministre de la santé ont annoncé ces derniers mois des investissements massifs dans les hôpitaux. C'est un plan sans précédent auquel s'ajoutent, pour d'autres types de besoins, les financements octroyés pour ce qui est appelé « l'investissement du quotidien », c'est-à-dire des investissements de moindre importance. Il s'agissait de 650 millions d'euros en 2021 et cela a été extrêmement bien perçu par l'ensemble des communautés, y compris les communautés soignantes. Nous en dressons actuellement le bilan et il est extrêmement favorable.

Vous avez évoqué les fermetures de lits. Je pense qu'il faut poursuivre la bascule vers l'ambulatoire mais nous devons garder des capacités hospitalières pour prendre en charge les patients. L'un n'exclut pas l'autre.

Nous avons effectivement besoin de renforcer l'attractivité des établissements de santé pour les professionnels, notamment s'agissant des établissements de santé publics. Nous nous y employons sur les plans statutaire et financier, y compris en leur permettant d'exercer plus facilement à la fois à l'hôpital et en libéral. Cela fait partie des aspirations des professionnels et c'est normal. Il s'agit aussi de leur permettre d'avoir des valences différentes, mieux organisées et nous nous attelons actuellement à ce travail. Nous espérons que ces diverses mesures permettront d'accroître l'attractivité des hôpitaux, notamment du secteur public.

Mme Rist a évoqué les hôpitaux de proximité. C'est un dispositif qui nous tient beaucoup à cœur également et, comme vous l'avez retracé, nous avons beaucoup travaillé, avec succès je pense puisque la labellisation fonctionne bien. Le bilan est donc positif.

S'agissant des incitations pour les libéraux, qui participent beaucoup au fonctionnement de ces hôpitaux, il me semble que la convention prévoyait voici deux ou trois ans une majoration incitative pour les médecins exerçant dans les hôpitaux de proximité. J'ai cru entendre que vous auditionnerez assez rapidement le directeur de la CNAM ; je pense que cela fait partie des négociations conventionnelles. Une incitation « en miroir » pour encourager les professionnels libéraux à travailler avec les hôpitaux de proximité et en leur sein permet à mon sens de renforcer l'ancrage de ces établissements dont nous avons fondamentalement besoin.

Mme de Vaucouleurs a posé des questions sur les EHPAD. Cette compétence relève de la direction générale de la cohésion sociale, et non de la DGOS. En revanche, nous nous sommes efforcés de faire en sorte que les dispositifs d'appui sanitaire aux EHPAD puissent se déployer, en particulier les équipes mobiles de gériatrie et les astreintes gériatriques que nous avons pérennisées pour aider à la prise en charge sanitaire des résidents en EHPAD. Je ne doute pas que Virginie Lasserre puisse vous répondre s'agissant des infirmières de nuit, un dispositif qui s'est beaucoup développé, et de la capacité de prescription des médecins coordonnateurs.

M. Delatte m'a interrogée sur l'étude PANTERE, dont nous avons discuté voici huit jours environ avec ceux qui l'ont élaborée. Cette étude est absolument passionnante, notamment parce qu'elle révèle un besoin de prise en charge des questions éthiques. L'un des enseignements en est qu'elle était à la fois utile et très attendue par les professionnels, quel que soit leur niveau d'exercice, mais aussi qu'il existait aussi un besoin des patients et de leurs familles. Cela fait partie des recommandations dont plusieurs nous paraissent vraiment fondamentales et nous y travaillons en ce moment avec eux. Pour moi, cette étude a révélé l'importance et le poids des sujets éthiques, en période covid mais pas seulement. Je pense que ces sujets gagneront encore en ampleur dans les prochaines années.

J'ai déjà répondu aux questions de Mme Valentin sur la prévention.

M. Vigier a abordé le sujet des déserts médicaux. Je souhaite vous redire ma conviction que c'est le développement d'une palette de mesures qui nous permettra de renforcer la prise en charge de nos concitoyens. Je pense que c'est vraiment la bonne voie. Nos médecins généralistes ne sont pas sensibles aux incitations financières, comme l'avait documenté la Cour des comptes. Certains d'entre vous l'ont dit. Il faut que nous leur permettions d'exercer dans une maison de santé ou dans un centre de santé, et également d'avoir de l'exercice projeté sur des sites. Sur les sites des maisons de santé, la présence médicale pourrait ne pas être permanente – ce que ne permettent pas les textes aujourd'hui – pour rendre possible un déploiement territorial plus important des maisons de santé et assurer une prise en charge sur un territoire beaucoup plus large.

S'agissant du contrôle et de l'accréditation pour les EHPAD, c'est une compétence de la direction générale de la cohésion sociale, je ne me permettrait donc pas d'intervenir devant vous sur ce point.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Sur la question des déserts médicaux, permettre à un médecin et une infirmière de s'installer et de constituer une maison de santé, sans avoir plusieurs médecins, pourrait être un dispositif beaucoup plus adapté aux réalités des territoires peu denses. Êtes-vous prête à y réfléchir et quelles seraient les modalités pour un accompagnement complet, notamment de l'ARS ?

Permalien
Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins

Je ne pourrai pas répondre de manière précise à la deuxième question qui supposerait que j'aie déjà suffisamment réfléchi à ce que pourrait être ce dispositif. Je pense que nous devons poursuivre le déploiement des maisons de santé, qui a été très fructueux, mais qu'il faut aussi en quelque sorte les faire grossir. Nous voyons qu'elles sont très attractives pour les professionnels, surtout les maisons pluriprofessionnelles. En les faisant grossir, nous devons réfléchir à ce que seraient des antennes et à des fonctionnements plus souples, en corrélation entre les professionnels. Toutefois, je n'ai pas de schéma tout prêt à l'esprit. Je ne pourrai pas vous répondre sur les modalités de mise en œuvre mais cela fait partie des solutions que nous étudions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, madame la directrice générale, pour votre intervention et pour toutes vos réponses et je partage avec M. Thomas Mesnier les félicitations qu'il vous adresse.

La séance est levée à dix-huit heures vingt.

Présences en réunion

Réunion du mardi 8 février 2022 à 17 heures 15

Présents. - Mme Stéphanie Atger, M. Thibault Bazin, Mme Annie Chapelier, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, M. Marc Delatte, Mme Jeanine Dubié, Mme Véronique Hammerer, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Fadila Khattabi, M. Thomas Mesnier, M. Bernard Perrut, Mme Stéphanie Rist, Mme Valérie Six, M. Jean-Louis Touraine, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier

Excusés. - Mme Justine Benin, Mme Perrine Goulet, Mme Claire Guion-Firmin, M. Jean‑Philippe Nilor, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe