Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 2 février 2022 à 15h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 15 h 30

Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président.

Audition, ouverte à la presse, de M. Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, sur la préparation du Conseil des affaires étrangères (commerce) du 14 février 2022.

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Notre ordre du jour appelle l'audition, ouverte à la presse, de Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, sur la préparation, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE), du Conseil des affaires étrangères consacré au commerce du lundi 14 février 2022.

Monsieur le ministre, nous attendons de vous que vous fassiez le point sur les discussions en cours ; trois sujets retiennent tout particulièrement l'attention de notre commission.

Tout d'abord, les négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et les avancées obtenues par sa nouvelle directrice, Mme Ngozi Okonjo-Iweala, qui a pris ses fonctions le 1er mars 2021. L'organe d'appel pour le règlement des différends reste, dans une certaine mesure, paralysé, faute de l'acceptation par les États-Unis des nominations de juges permettant d'atteindre le quorum. Comment fonctionne le tribunal parallèle temporaire que le Canada, l'Europe et une vingtaine de pays, dont la Chine, le Brésil et le Mexique – manquent tout de même le Japon, l'Inde, la Russie et bien sûr les États-Unis d'Amérique – ont mis en place pour pallier cette paralysie ? L'organe de règlement des différends fonctionne, quant à lui, correctement ; les États-Unis acceptent ses propositions de règlements des litiges depuis quelques mois.

Un accord sur le brevet des vaccins anti-covid, auquel vous travaillez avec Mme Ngozi Okonjo-Iweala, pourra-t-il être obtenu au sein de l'OMC au mois de février ? Quels en seraient les termes s'agissant des droits de propriété intellectuelle et commerciale de ces vaccins ? Il s'agit d'un sujet absolument essentiel dans la lutte mondiale contre la pandémie.

Un projet d'accord sur les subventions à la pêche a par ailleurs été présenté au mois de novembre dernier. Avez-vous l'espoir de parvenir à une conclusion prochaine, sachant que ce dossier devait aboutir en juin 2020, à l'occasion de la douzième conférence ministérielle de Nour-Soultan ? Où en est le projet d'accord sur les aspects du droit de propriété intellectuelle touchant au commerce qui était entré dans sa phase finale d'élaboration ? De même, plusieurs membres de notre commission s'inquiètent des faibles avancées des négociations sur le commerce numérique.

Deuxième sujet : les relations commerciales entre l'Union européenne et l'Afrique ainsi que les investissements croisés. Un sixième sommet entre l'Union européenne (UE) et l'Union africaine (UA) se tiendra les 17 et 18 février avec pour objectif de construire une nouvelle alliance d'égal à égal fondée sur un New Deal économique et financier visant à assurer la prospérité de l'Afrique, l'emploi des jeunes, la santé des populations, la lutte contre le changement climatique, la sécurité collective, la sûreté et le bon ordre des migrations.

Troisième sujet : les relations commerciales entre les États-Unis et l'Union européenne. Si les sanctions sont suspendues, elles ne sont pas juridiquement levées. Nos agriculteurs et viticulteurs restent inquiets. Les industriels de l'acier et de l'aviation peuvent-ils être optimistes ?

J'ai conscience, en énumérant ces problèmes, de ne pas être très charitable à votre égard car, ce faisant, je vous demande de prendre en charge toutes les difficultés économiques et commerciales de la planète. Mais je vous sais énergique, soucieux d'aboutir et très écouté ; c'est le moment de montrer l'étendue de vos qualités au reste de l'Europe et du monde – et, pour commencer à notre commission !

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Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité

Je vous remercie de m'offrir la possibilité d'avoir cet échange avec vous, après m'être exprimé, il y a quelques jours, devant le Parlement européen pour expliquer les priorités de la présidence française de l'Union européenne et revenir sur certains sujets d'actualité.

La réunion informelle du Conseil des ministres de l'UE concernant le commerce se tiendra les 13 et 14 février prochains à Marseille. Le choix de cette ville est symbolique : son port est une ouverture sur la Méditerranée et l'Afrique, qui est l'une des priorités de notre présidence. Cette réunion sera précisément pour moi l'occasion de rappeler ces priorités à mes homologues européens et, surtout, de travailler avec eux à des avancées dans ces domaines.

Quelles sont ces priorités ? Tout d'abord, l'ouverture. Nous devons continuer d'ouvrir les marchés à nos entreprises et veiller à ce que le commerce soit le plus fluide possible. Toutefois, cette évolution ne doit pas se faire moyennant le sacrifice du développement durable. C'est pourquoi notre deuxième priorité est de renforcer les outils nous permettant d'assouvir nos ambitions dans ce domaine, tant en matière d'environnement que de droits sociaux et de droits humains. Par ailleurs, nous devons nous montrer plus fermes pour mieux protéger nos entreprises et nos intérêts, encourager une concurrence loyale – le fameux level playing field –, lutter contre les pratiques coercitives et défendre la réciprocité auprès de nos différents partenaires.

Sont d'abord inscrites à l'ordre du jour de cette réunion les questions relatives à l'Organisation mondiale du commerce, qui doit être à l'avenir plus efficace et plus réactive. Si les efforts de la directrice générale, qui a su insuffler une nouvelle dynamique à l'organisation, sont indéniables, nous avons désormais besoin de résultats concrets en matière de négociations, de transparence ou d'arbitrage. J'ai du reste évoqué ces différents points avec Mme Ngozi Okonjo-Iweala la semaine dernière, lorsqu'elle nous a fait l'honneur de venir à Paris pour participer à un colloque que j'organisais sur le développement durable et le commerce.

Sur la question très sensible des relations entre santé et commerce, donc des vaccins, des brevets et de la propriété intellectuelle, des positions très antagonistes s'expriment au sein de la communauté internationale : certains sont favorables au maintien en l'état du cadre juridique, d'autres veulent lever les brevets qui permettent de protéger les innovations et les vaccins.

Nous défendons, quant à nous, une troisième voie, estimant que la priorité des priorités est l'accès aux vaccins et, plus largement, aux traitements, accès qui suppose un volume de production, une distribution facilitée et une production plus localisée, notamment dans les pays en développement. Le dispositif actuel permet à ces derniers de mettre en place des dispositifs de production locale de vaccins, grâce notamment à l'utilisation des licences volontaires ; c'est le cas, par exemple, en Afrique du Sud, au Rwanda et au Sénégal. Il faut cependant aller plus loin et bâtir un cadre qui permettrait à l'avenir d'être plus efficace et plus rapide.

Il convient par ailleurs, d'une part, de lever les barrières à l'exportation qui freinent l'accès aux traitements et aux vaccins, d'autre part, de maintenir les brevets, qui constituent des éléments clés d'incitation à l'innovation, tout en facilitant l'accès aux licences volontaires ou obligatoires des accords sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) à l'OMC, notamment en simplifiant et en accélérant les procédures administratives. Telle est l'approche globale défendue par le Président de la République lors de son audition devant le Parlement européen.

Nous évoquerons ensuite les négociations en cours. Celles sur la pêche avancent bien. Nous tenons à ce qu'elles favorisent la lutte contre la pêche illégale, une meilleure gestion des ressources halieutiques et la protection de la biodiversité – ces deux derniers objectifs étant également ceux des mécanismes à l'œuvre dans le cadre de la politique européenne de la pêche. Il s'agit de la seule négociation multilatérale en cours ; nous avons bon espoir qu'elle débouche sur un accord, même si certains pays, comme l'Inde, campent sur des positions très dures.

Le commerce numérique fait également l'objet de négociations, auxquelles participent 86 membres de l'OMC. Si la dynamique est positive pour tout ce qui concerne la facilitation de ce commerce, les discussions sont plus difficiles sur la propriété, la protection et la gestion des données, notamment dans le cloud. Le Japon et le Brésil font beaucoup pour que les discussions – dont la localisation du stockage des données est le point le plus sensible – aboutissent à un accord entre les différentes positions.

Créé par plus de vingt juridictions, le mécanisme plurilatéral intérimaire d'appel, qui vise à faciliter l'arbitrage en cas de contentieux au niveau de l'OMC, couvre le même périmètre que celui que couvrirait l'organe d'appel s'il fonctionnait. Ce mécanisme pourrait connaître d'un certain nombre de recours ; je pense en particulier au très lourd contentieux commercial entre la Chine et l'Australie, qui pénalise notamment le vin australien. Mais la tâche essentielle consiste à réformer l'OMC pour recréer un système de règlement des différends comportant un niveau d'appel opérationnel.

S'agissant des relations avec l'Afrique, nous avons organisé, au début du mois de janvier, un colloque consacré aux relations commerciales et à l'investissement. La relation entre l'Union européenne et l'Union africaine et, plus largement, entre les deux continents constitue l'une des priorités de la présidence française. Sur le plan commercial, cette priorité se traduit par le soutien que nous apportons à la création de la zone de libre-échange continentale et par la volonté d'approfondir et d'accélérer un certain nombre d'accords régionaux bilatéraux.

Nous souhaitons également nouer avec l'Afrique des partenariats renouvelés, gagnant-gagnant. J'y travaille, à l'échelle nationale et européenne, en m'attachant à repenser certaines chaînes de valeur. Nous souhaitons en effet, vous le savez, accroître notre autonomie stratégique. À cette fin, nous devons analyser et réorienter nos chaînes d'approvisionnement et de valeur, afin qu'elles soient plus résilientes. Cette réorientation passe par une relocalisation en France et en Europe mais aussi par une colocalisation dans un certain nombre de pays partenaires dont nous sommes proches sur le plan géographique, culturel, linguistique et historique. Je pense bien entendu à l'Afrique du Nord – on voit ce qui a été fait au Maroc dans le secteur de l'aéronautique ou en Tunisie dans celui de l'automobile – et à l'Afrique subsaharienne pour le secteur agroalimentaire, en particulier le cacao et la noix de cajou. Tout cela doit conduire à terme à une vision commune à l'Union africaine et l'Union européenne, qui pourra se traduire notamment par des accords commerciaux.

Troisième point à l'ordre du jour du Conseil : la relation transatlantique, qui a connu des avancées très nettes en matière de commerce. Ainsi, le moratoire de cinq ans obtenu dans le cadre du contentieux Boeing-Airbus permet à nos exportateurs non seulement du secteur aéronautique mais aussi du secteur viticole de ne plus être pénalisés par les tarifs douaniers. De même, l'accord sur l'acier et sur l'aluminium nous a permis d'éviter une escalade tarifaire. Nous n'avons pas pris les mesures prévues dans le cadre de la deuxième phase de rééquilibrage parce que les États-Unis ont levé leur tarif douanier sur un quota historique d'exportation d'acier et d'aluminium européen.

Ces deux contentieux ne sont pas clos pour autant : la Commission européenne continue de discuter avec l'administration de Katherine Tai de la manière dont nous pourrions, premièrement, soutenir nos industries aéronautiques respectives, deuxièmement, lever définitivement les tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium si nous parvenions à mieux gérer au niveau international la surcapacité de production et la question très complexe des subventions que certains pays utilisent sans vergogne.

Nous comptons aborder ces questions dans le cadre du Conseil de commerce et de technologie, le fameux TTC, dont la première réunion a eu lieu à Pittsburgh. Sa deuxième réunion, qui doit se tenir en France, vraisemblablement au mois de mai ou de juin, nous permettra de discuter également de la lutte contre le changement climatique, en particulier du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, de la résilience des chaînes de valeur, du rôle des technologies dans la transformation numérique et, bien entendu, de l'usage des technologies émergentes. Deux règlements européens importants, Digital Services Act (DSA) et Digital Markets Act (DMA), encadrent l'activité des acteurs du numérique en Europe, tant en matière de concurrence qu'en matière de protection des droits des utilisateurs. Mais nous devons discuter avec les États-Unis de la manière dont nous pouvons mieux prendre en compte les conséquences des technologies émergentes afin d'éviter, demain, des tensions commerciales. Le TTC est, à cet égard, un bel outil. J'ajoute qu'il nous faudra également avancer avec eux – peut-être dans un autre cadre que celui de ce conseil – sur la question des mesures extraterritoriales, à laquelle je sais certains d'entre vous particulièrement attentifs.

Nous aurons l'occasion d'évoquer quelques sujets parallèles, comme la relation avec la Chine, qui a pris des mesures commerciales et économiques très fortes en réaction à la décision politique de la Lituanie d'autoriser l'ouverture par Taïwan d'un bureau sur son territoire. Cette intimidation, qui consiste à user de l'outil économique et commercial à des fins politiques, est inacceptable. La Commission a d'ailleurs lancé une procédure de consultation à l'OMC, car la décision chinoise de bloquer toutes les importations lituaniennes – et même les produits incorporant des composants produits en Lituanie – est contraire tant au droit du commerce international qu'au droit international public.

Nous devons prendre en considération cette situation dans la préparation de l'instrument anticoercition que la Commission a proposé il y a quelques semaines et que le Conseil doit encore examiner – nous travaillons, bien entendu, à l'élaboration d'un consensus sur ce texte. L'exemple de la relation entre la Chine et la Lituanie doit nous inciter à adopter un outil puissant.

Nous aurons enfin l'occasion d'aborder avec Bernd Lange, président de la commission du commerce international (INTA) du Parlement européen, l'actualité et l'agenda parlementaire européen. Nous évoquerons bien évidemment l'instrument international sur les marchés publics (IPI), qui permet d'exiger de nos partenaires commerciaux la réciprocité dans l'ouverture de ces marchés. De fait, celle-ci n'est nulle part aussi large qu'en Europe : si 95 % de nos marchés publics sont ouverts à nos partenaires, ces derniers n'ouvrent, en moyenne, que la moitié des leurs à nos entreprises – la Chine n'en ouvre aucun, les États-Unis et le Japon en ouvrent environ un tiers –, ce qui n'est plus acceptable. Cet instrument permettra de forcer nos partenaires à ouvrir leurs marchés publics à nos produits, quels que soient les secteurs concernés, faute de quoi nous refermerions les nôtres à leurs produits.

Est également inscrite à l'ordre du jour la révision des chapitres de nos accords commerciaux consacrés au développement durable. Cette révision doit nous permettre de ne plus signer, à l'avenir, de tels accords que si nos partenaires s'engagent à faire du respect de l'accord de Paris une clause essentielle et de préciser nos exigences à leur égard en la matière. Elle nous permettrait également de passer, dans bien des cas, d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, s'agissant par exemple de la signature de certaines conventions de l'Organisation internationale du travail (OIT) – la question a été souvent évoquée à propos de la Chine et du travail forcé –, et de recourir, après les arbitrages, à des sanctions si nos partenaires commerciaux n'ont pas respecté les engagements pris dans les accords.

La révision du système des préférences généralisées (SPG) est également en cours. Il s'agit, là encore, de mieux prendre en compte des objectifs plus ambitieux en matière de développement durable dans nos relations avec des pays en développement. Je pense, par exemple – la filière commerce n'est pas la seule concernée –, à l'instrument de limitation de la déforestation importée, qui permet de bloquer l'importation en Europe de produits issus de la déforestation, à l'instrument destiné à lutter contre les subventions octroyées par certains pays à leurs entreprises pour racheter des entreprises européennes ou candidater de façon déloyale à des marchés publics européens et, enfin, au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui est très important en matière de lutte contre les fuites de carbone dans les secteurs concernés par ce mécanisme.

Je ne qualifierai pas le momentum actuel d'historique, car le terme est galvaudé, mais il est à coup sûr exceptionnel, grâce à l'alignement des planètes dont témoignent la nouvelle stratégie de l'UE en matière de politique commerciale, présentée par la Commission au printemps 2021, les positions défendues par la France depuis le discours de la Sorbonne du Président de la République et l'évolution de certains pays qui avaient montré jusqu'alors peu d'affinités avec nos convictions ; je pense aux Pays-Bas, avec lesquels nous partageons désormais beaucoup de positions sur le développement durable – rappelez-vous le papier envoyé à la Commission en 2020 – et à l'Allemagne, où la nouvelle coalition est bien plus alignée sur nos positions que la précédente.

Ainsi, nous pourrons, au cours de la présidence française, accélérer le développement d'un grand nombre d'instruments et de politiques chers à notre cœur pour continuer d'ouvrir l'Europe à des échanges commerciaux utiles à la croissance et à l'emploi. Mais, encore une fois, cette ouverture ne doit pas se faire au détriment de la protection de nos entreprises et de la défense d'un commerce équitable et loyal – et sûrement pas au détriment de la planète et de nos valeurs, notamment des droits sociaux et des droits humains.

Le moment est particulièrement opportun pour faire avancer des combats que la France mène bien souvent depuis des années.

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Si je comprends bien, vous êtes l'astronome de cette nouvelle conjonction des planètes ! Nous espérons qu'elle produira des effets importants – nous y reviendrons.

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Monsieur le ministre, je vous remercie pour cet exposé très éclairant sur les perspectives du commerce extérieur.

Dans la mesure où l'Union européenne est l'une des principales puissances commerciales mondiales, sa stratégie dans ce domaine constitue un vecteur privilégié pour promouvoir ses objectifs. La France peut, au cours des cinq prochains mois, mettre à profit sa présidence de l'UE pour favoriser l'émergence de consensus parmi les Vingt-Sept. En matière commerciale, elle a pour objectif de mettre en œuvre la nouvelle stratégie plus juste, plus vertueuse et plus durable proposée il y a tout juste un an par la Commission européenne. Grâce à cette nouvelle stratégie, l'UE souhaite développer son marché tout en assurant la défense de ses intérêts et en intégrant les objectifs du Pacte vert pour l'Europe.

À l'Assemblée nationale, nous travaillons depuis plusieurs années sur le lien entre la politique commerciale européenne et le développement durable. Cette question a fait l'objet de différents travaux qui, je l'espère, seront pris en compte par la présidence française. Je pense tout particulièrement à la résolution visant à inscrire parmi les priorités de la PFUE l'adoption d'une législation ambitieuse sur le devoir de vigilance des multinationales.

Nous avons également abordé le lien entre les objectifs nationaux et le Pacte vert pour l'Europe. Ainsi, dans mon rapport d'information portant observations sur le projet de loi « climat et résilience », j'avais émis plusieurs recommandations destinées à la PFUE. Je pense tout d'abord à la lutte contre la déforestation importée. La France a été le premier pays à se doter d'une stratégie en la matière ; la définition d'une stratégie européenne figure parmi les priorités de sa présidence. Vendredi dernier, les contours de cet outil ont été discutés lors de la conférence internationale pour un commerce plus durable et plus responsable.

Comment la France prévoit-elle de soutenir l'élargissement du champ d'application de la proposition de règlement présentée par la Commission européenne en 2021 ? Comment ce mécanisme peut-il s'articuler avec les accords de libre-échange déjà conclus avec nos partenaires commerciaux ?

Par ailleurs, comment la France entend-elle favoriser l'émergence d'un consensus européen sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, qui devrait normalement entrer en vigueur en janvier 2023 ? Selon vous, est-ce réalisable ?

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Acceptons l'augure de ce momentum, qui n'est peut-être pas historique mais qui est le bienvenu, surtout pour un pays qui pâtit, hélas ! du déficit commercial que l'on sait.

S'agissant de la pêche maritime, vous avez indiqué que l'Inde campait sur des positions très dures. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point et indiquer si cela a des conséquences sur nos capacités de pêche dans l'océan Indien, que ce soit à La Réunion ou à Mayotte ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous en dire plus à propos des discussions concernant les mesures extraterritoriales mises en œuvre par les États-Unis ? Quels sont nos alliés dans cette affaire ? Quelles sont les réticences américaines ?

En matière d'ouverture des marchés publics, il est certain que les Européens sont dans la situation du marquis de Montespan, c'est-à-dire cocufiés ! Nos marchés publics sont ouverts à 95 % tandis que ceux du Japon et des États-Unis le sont à hauteur de 30 % et que ceux de la Chine nous sont complètement fermés. Peut-on nourrir des espoirs dans ce domaine ?

Enfin, lors du déplacement d'une délégation de notre commission en Espagne, nos amis Espagnols ont souligné leur attachement au Mercosur, alors que le projet d'accord de l'UE avec ce dernier suscite de nombreuses réserves en France. Où en sommes-nous de ce projet ?

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Il est d'ailleurs amusant de constater qu'ils ont pour des accords avec d'autres États – l'Afrique du Sud, en l'espèce – exactement le même type de raisonnement et de préventions que ceux que nous avons vis-à-vis du projet d'accord avec le Mercosur.

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J'aborderai deux points : les exportations et l'attractivité.

S'agissant des exportations, Mme Lagarde, lorsqu'elle était ministre déléguée au commerce extérieur, avait créé le dispositif Cap Export, qui permet de réunir les professionnels d'un secteur pour qu'ils chassent en meute, en quelque sorte, et adoptent les stratégies d'exportation les plus payantes.

En matière d'attractivité, la France a obtenu de bons résultats : elle est le pays le plus attractif de la zone euro. À mon sens, il y a une corrélation entre ces résultats et les politiques publiques menées par le Gouvernement et l'ensemble des acteurs – puisqu'il s'agit d'une compétence partagée avec les régions –, notamment dans le cadre de Choose France. De fait, des investissements majeurs ont été annoncés pour 2022 : vingt et un nouveaux projets d'entreprises étrangères, représentant 4 milliards d'euros d'investissements, devraient permettre la création de plus de 10 000 emplois.

Qu'il s'agisse de la hausse de nos exportations ou de l'attractivité de la France pour les investissements étrangers, les indicateurs semblent extrêmement positifs. Comment analysez-vous la position de la France dans ce domaine par rapport à ses partenaires européens ?

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Le groupe Socialistes et apparentés est très préoccupé par l'approche très libre-échangiste du Gouvernement, qui semble ne rien avoir appris de la crise sanitaire majeure que nous traversons et de ses conséquences.

À quelques jours du Conseil qui réunira vos homologues de l'Union européenne, je souhaite saisir l'opportunité de votre audition pour rappeler que les députés de notre groupe ne peuvent soutenir les multiples accords de libre-échange voulus et négociés sans transparence par la Commission européenne. En effet, ils nous semblent contradictoires avec les objectifs de juste échange ; la libéralisation du commerce est une solution illusoire et erronée.

Alors que l'UE est en panne de projets – notamment du fait des divergences de vues entre la France et l'Allemagne sur la nécessité d'un approfondissement –, les libéraux ne cessent de vouloir limiter l'ambition européenne à une simple zone de libre-échange. Or cette stratégie est une impasse, comme en témoigne le déficit record que devrait atteindre notre balance commerciale en 2021.

Pourtant, nos travaux pendant la pandémie avaient convergé vers la nécessité d'une relocalisation des productions stratégiques, relocalisation qui tarde manifestement à se concrétiser. Quelles sont les priorités fixées par la PFUE pour parvenir à cet objectif ?

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Le lundi 10 janvier, vous participiez à une conférence sur les relations commerciales entre l'UE et l'Afrique, qui a réuni un grand nombre d'acteurs économiques et politiques des deux continents. Il s'agit de la première conférence organisée dans le cadre de la PFUE : c'est un symbole très fort de l'enjeu que constitue la relation avec l'Afrique, fondamentale pour l'avenir de l'Europe. Ces questions seront également au cœur de la réunion des ministres européens chargés du commerce, qui se tiendra à Marseille à la mi-février.

Grâce au plan France Relance – ainsi qu'à son volet export, mis en œuvre de manière coordonnée avec les régions – et à l'accompagnement personnalisé par la Team France Export (TFE), nos entreprises exportatrices disposent de solides atouts pour repartir à la conquête des marchés internationaux. Je le constate lors de chacun de mes déplacements dans ma circonscription, du Sénégal au Maroc, de la Côte d'Ivoire à la Tunisie, en passant par la Guinée et le Mali.

Près de 450 millions de jeunes entreront sur le marché du travail en Afrique d'ici à 2050. C'est à la fois un défi et une opportunité, tant pour le continent africain que pour le monde. En Afrique, les start-up et les PME représentent 90 % des entreprises formelles et 60 % des emplois, assurant en moyenne 40 % des PIB nationaux. Elles seront donc amenées à jouer un rôle fondamental pour accueillir les millions de nouveaux entrants sur le marché du travail.

Dans ce contexte, l'UE reste le premier partenaire multilatéral : les échanges commerciaux entre l'UE et l'Afrique ont augmenté de 20 % entre 2016 et 2020, pour atteindre 225 milliards d'euros. Mais, au niveau bilatéral, la Chine occupe toujours la première place du classement. Le volume de son commerce avec l'Afrique a atteint 167,8 milliards de dollars de janvier à novembre 2020, selon le ministère chinois du commerce. Cependant, le vent tourne : l'Afrique exige de nouveaux accords commerciaux qui lui permettront d'accompagner son développement grâce à la structuration de ses chaînes de valeur et au renforcement de ses ressources humaines et ainsi de répondre aux besoins d'une jeunesse qui croît de façon exponentielle. Cette stratégie rejoint par ailleurs un objectif partagé par l'UA et l'UE, car l'emploi en Afrique aura un effet sur les mouvements de population vers l'Europe, où la question migratoire alimente les débats politiques, sur fond de crispations économiques.

J'aimerais donc que vous nous indiquiez les questions qui seront abordées lors du 6e sommet entre l'UA et l'UE, prévu les 17 et 18 février prochains, lequel s'annonce déjà crucial pour l'avenir de la coopération entre les deux continents.

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J'ai toujours une sorte de complexe d'infériorité vis-à-vis des députés représentant les Français de l'étranger : leur circonscription s'étend sur la moitié d'un continent alors que la mienne ne comprend que quatre communes situées dans les Hauts-de-Seine…

Je sais qu'il ne faut pas surestimer les possibilités qu'offre la présidence de l'Union européenne : elle ne dure que six mois, le président en exercice a en quelque sorte les bras chargés des enfants des autres puisqu'il hérite de nombreux dossiers et ce qu'il peut inventer sera réalisé par ses successeurs. Vous avez du reste très bien montré, monsieur le ministre, que la France s'inscrit dans la continuité de l'action européenne, tout en essayant d'accélérer les choses. Or je crois que les gens sont assez favorables aux orientations fondamentales de l'UE mais qu'ils attendent – et les Français tout particulièrement – qu'elle délivre des résultats. La capacité, ou l'incapacité, à délivrer est le problème fondamental de l'UE.

Qu'espérez-vous changer dans les six prochains mois ? Quels sont les objectifs que vous pensez pouvoir atteindre au terme de cette présidence française ? J'ai bien conscience qu'il s'agit d'une question terrible : elle est simple mais il est extrêmement difficile d'y répondre.

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Franck Riester, ministre délégué

C'est une très bonne question ! Comme vous le savez, la présidence du Conseil de l'UE a un rôle de coordination : elle hiérarchise les priorités, fixe l'agenda et s'efforce d'accélérer les négociations.

Aussi, je ne veux pas que l'on retienne de l'action de la France au sein de l'UE la seule présidence du Conseil ce semestre. De fait, un changement considérable est amorcé depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, grâce à l'influence française. Il faut en être fier et le revendiquer. C'est grâce au discours si fort qu'a prononcé le Président de la République à la Sorbonne en 2017 que nous avons convaincu un certain nombre de pays de la nécessité d'affirmer la souveraineté européenne et de mener une politique commerciale moins naïve tout en y incluant les préoccupations environnementales, les droits sociaux et les droits humains. Si la Commission européenne a présenté une telle proposition de révision de sa stratégie de politique commerciale, c'est parce que nous lui avons transmis des contributions très fortes et qu'un travail d'influence a été fait par le Président de la République lui-même vis-à-vis de nos partenaires et de la Commission.

Cher Alain David, nous nous connaissons depuis de nombreuses années et je vous écoute toujours avec beaucoup d'attention, mais vous faites erreur en pensant que certaines choses ne bougent pas en Europe. Comme l'a dit Didier Quentin, l'Europe est le dindon de la farce en ouvrant ses marchés publics au monde entier, alors que seulement la moitié de ceux de ses partenaires commerciaux – un tiers au Japon et aux États-Unis – sont accessibles à ses produits. Nous allons mettre fin à cette folie ! Les trilogues aboutiront, je l'espère, au mois de mars – c'est précis et concret : je m'engage sur ce point –, de sorte que, quelques semaines plus tard, nous disposerons d'un nouvel outil qui nous permettra de mettre un terme à cette incongruité.

Grâce à l'influence française, un poste de procureur commercial a été créé au sein de la direction générale chargée du commerce afin de veiller au respect par nos partenaires commerciaux des engagements pris en matière de levée des barrières non tarifaires et d'accès aux marchés. Ce procureur est en fonction depuis plus d'un an maintenant.

Par ailleurs, même si elle est antérieure à la présidence française du Conseil européen, la décision d'appliquer des tarifs douaniers sur les produits aéronautiques et certains produits agroalimentaires américains est le fruit d'une stratégie définie par la France, puis partagée avec nos partenaires européens. Cette décision a été prise dès que l'OMC nous a donné la possibilité de le faire, en réaction au choix des États-Unis de taxer les vins et spiritueux ainsi que l'aéronautique européens. Il y a encore quelques années, on n'aurait pas utilisé ces tarifs douaniers, pour éviter toute surenchère avec les États-Unis. Nous avons pris cette décision, d'une part, parce que nous estimions que nous devions nous faire respecter et affirmer la souveraineté européenne, d'autre part, parce que c'est la seule manière de ramener les Américains à la table des négociations dans le cadre du contentieux Boeing-Airbus. La stratégie combinant fermeté, ouverture et esprit de désescalade a fonctionné ! Et cette nouvelle politique commerciale européenne produit des effets concrets : demandez aux exportateurs de vin quels ont été leurs résultats aux États-Unis en 2021 par rapport à 2020.

Nous essayons d'accélérer les processus en cours et de hiérarchiser les priorités. Ainsi, nous avons porté l'effort sur la réciprocité dans l'ouverture des marchés publics et nous souhaitons arriver le plus rapidement possible à un consensus au sein du Conseil européen sur la proposition de la Commission de créer un mécanisme anticoercition. Actuellement, nous ne pouvons réagir, par exemple, au traitement que la Chine fait subir à la Lituanie qu'en nous adressant à l'OMC, au titre du droit international du commerce. C'est ce que la Commission a fait : alors que beaucoup disaient qu'elle n'oserait jamais réagir ainsi, elle a pris ses responsabilités et effectué une demande de consultations à la Chine dans le cadre de l'OMC. Mais il nous manque un outil européen anticoercition pour agir dans le domaine du droit international public. Nous nous mobilisons pour pouvoir en disposer au plus vite, en recherchant avec les autres États-membres le consensus le plus ambitieux possible. Car plus l'outil sera ambitieux, plus il sera dissuasif, ce qui permettra d'éviter les tensions commerciales. C'est une vraie révolution !

Nous soutenons totalement les initiatives de la Commission en faveur de la prise en compte du développement durable, des droits sociaux, des droits humains et du devoir de vigilance, notamment la proposition formulée par Didier Reynders et Thierry Breton sur ce dernier point, qui devrait aboutir, nous l'espérons, d'ici à la fin du mois de février. Cette proposition s'inspire d'ailleurs de l'esprit de la loi Potier du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Nous devons en être fiers. Une résolution européenne soutenant l'adoption d'une législation européenne ambitieuse sur le devoir de vigilance des multinationales a d'ailleurs été votée par votre assemblée le 20 janvier dernier.

Par ailleurs, nous allons disposer d'un instrument de lutte contre la déforestation importée. Nous insistons désormais avec beaucoup de force sur ces mesures miroirs. Après avoir adopté des normes qui nous permettent de vérifier la qualité des produits importés au sein de l'UE, nous souhaitons aller plus loin, en nous assurant que les processus de production sont similaires à ceux qui existent en Europe – et, à défaut, de bloquer les importations. On ne peut pas demander à nos producteurs de faire des efforts en matière de développement durable et de respect des animaux et les mettre en concurrence avec des producteurs situés dans des pays qui n'ont pas les mêmes exigences dans ces domaines. Chaque ministre travaille à ces mesures miroirs dans son domaine de compétence, qu'il s'agisse, par exemple, de l'agriculture, de l'environnement ou du secteur sanitaire.

C'est absolument nouveau, et notre rôle est d'accélérer ces processus. Je serai satisfait lorsque le calendrier d'adoption des mesures et instruments que j'ai évoqués aura été respecté – voire anticipé – avec des résultats concrets, notamment l'entrée en vigueur de l'IPI avant la fin de la PFUE.

En ce qui concerne le projet d'accord de libre-échange avec le Mercosur, rien n'a bougé. On ne veut pas signer cet accord tant qu'on ne dispose pas de garanties solides s'agissant du respect de l'accord de Paris, de la protection de la forêt et des zones humides et du respect des normes sanitaires et phytosanitaires. La Commission réfléchit au niveau des garanties qu'on pourrait demander aux pays du Mercosur ainsi qu'à la manière dont on pourrait vérifier leur effectivité. Nous travaillons aussi, de notre côté, à des instruments autonomes, comme le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF).

Pour toutes les négociations d'accords commerciaux en cours ou futures, nous voulons un niveau d'exigence très élevé en matière de développement durable. D'où l'importance des travaux conduits sur les chapitres qui concernent celui-ci dans le cadre de la révision du plan d'action en quinze points. Ce processus en apparence technique nous permettra d'être beaucoup plus exigeants lors de la négociation d'accords commerciaux.

Plutôt que d'accords de libre-échange – expression que je n'emploie plus car elle a une connotation négative –, je préfère parler d'accords commerciaux : un accord commercial, c'est bien car cela encadre les échanges. On indique ainsi aux partenaires avec qui l'on signe ce type d'accords qu'on leur facilite l'entrée sur le marché européen à condition qu'ils respectent certaines exigences en matière de qualité des produits et de production, ainsi qu'en matière de respect des droits humains et des normes sanitaires et sociales. C'est nouveau, et c'est un point sur lequel nous voulons absolument insister.

Quant aux mesures extraterritoriales, il est prévu de les traiter en très grande partie dans le cadre de l'outil anticoercition. Il nous faut pour cela continuer à discuter avec ceux des États-membres dont l'ambition est moindre que la nôtre. En tout état de cause, la ligne de la Commission est très ambitieuse.

S'agissant des négociations menées au sein de l'OMC, notamment sur la pêche, l'Inde veut absolument obtenir des exemptions au titre de son statut de pays en développement. Ce n'est plus acceptable. Elle souhaite, par exemple, bénéficier d'un délai de vingt-cinq ans pour appliquer les éventuelles nouvelles règles en matière de subvention de la pêche. Il faut donc continuer à négocier pour obtenir une concurrence équitable – il y a encore beaucoup à faire à cet égard.

L'amélioration de l'attractivité de la France pour les investisseurs étrangers est le fruit d'un travail de fond. L'augmentation de notre compétitivité en est un élément majeur. Elle a été amorcée en 2017, sous l'impulsion du Président de la République, par des mesures incitatives telles que la baisse de 33,3 % à 25 % de l'impôt sur les sociétés (IS), la diminution des impôts de production et la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF) – car sans capital, il n'y a pas d'investissement dans la production. Notre attractivité a également été accrue grâce à l'assouplissement d'un certain nombre de règles applicables au marché du travail, à la réforme de l'assurance chômage ou à la nouvelle articulation entre convention collective de branche et accord d'entreprise. De ce fait, en 2019 et en 2020, la France était le pays qui attirait le plus d'investissements étrangers, devant l'Allemagne et le Royaume-Uni – y compris en matière industrielle. Pour autant, il reste du travail. La question d'un certain nombre de cotisations sociales sur les emplois qualifiés se pose au vu de ce que pratiquent d'autres pays européens. Il faudra sûrement aller encore plus loin dans la baisse des impôts de production. Mais les étapes qui ont déjà été franchies permettent à notre pays d'avoir de nouveau une création nette d'emplois industriels et un solde net positif des flux d'investissements entre la France et l'étranger.

S'agissant des exportations, il faut distinguer l'aspect conjoncturel et l'aspect structurel.

D'un point de vue conjoncturel, la France n'a jamais eu autant d'entreprises exportatrices. Cela peut sembler paradoxal, quand on considère le niveau de notre déficit, mais on observe, de fait, une dynamique très forte d'entreprises qui osent enfin l'international. On compte 136 000 entreprises exportatrices en 2022, contre 128 000 en 2019 et 123 000 en 2017. Dans les derniers mois de 2021 et les premiers mois de 2022, le niveau des exportations a été supérieur à ce qu'il était en 2019 dans la plupart des secteurs. Certains restent toutefois très en-deçà de leur niveau de 2019 : c'est notamment le cas de l'aéronautique, dont les exportations ont chuté de près de 50 %. Cela nous pénalise beaucoup, puisque ce secteur représentait 13 % des exportations françaises avant la pandémie.

Le dynamisme global de nos exportations est toutefois pénalisé par l'augmentation très forte de la facture énergétique et par le niveau de la croissance. Même si celle-ci est un élément positif – elle atteint 7 % en France –, elle entraîne une hausse des importations : nos usines, qui tournent à plein, ont besoin de composants importés. Par ailleurs, la consommation des ménages se tourne aussi vers des produits de consommation fabriqués à l'étranger.

Sur le plan structurel, il faut poursuivre la politique qui a été amorcée et qui mettra des années à porter tous ses fruits. Elle repose sur quatre leviers. Le premier, c'est la compétitivité, dont j'ai déjà parlé. Le deuxième, c'est la réindustrialisation de la France : c'est une évidence, mais pour exporter, il faut produire. Nous devons donc travailler à la relocalisation d'une partie des chaînes de valeur et à l'investissement dans les technologiques d'avenir, qui sont les industries de demain. Le troisième levier, c'est la politique commerciale européenne : en menant une politique commerciale moins naïve, nous pourrons mieux protéger nos entreprises et leur ouvrir davantage les marchés tiers. Le quatrième levier, enfin, c'est l'accompagnement des entreprises à l'international. C'est l'objet du plan de relance export et de la Team France Export, qui a été créée en 2018 pour regrouper les différents acteurs qui accompagnent les entreprises à l'international.

Fait nouveau, j'ai créé, à l'automne 2021, le dispositif Équipe France Business. Il s'agit de mobiliser toutes les énergies qui ont envie d'aider les acteurs économiques du pays à être plus performants à l'international. Cela inclut la Team France Export, les chambres de commerce et d'industrie, BPIFrance, Business France, les régions, les conseillers du commerce extérieur de la France, le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), le MEDEF international, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), le Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (METI), les chambres de métiers, les chambres d'agriculture, etc. Il ne faut pas oublier les entreprises elles-mêmes : les PME et les ETI qui exportent, les filiales des grands groupes installées à l'étranger, les dirigeants ou les cadres dirigeants d'une entreprise étrangère installée dans tel ou tel pays, et même les Français qui ont créé une entreprise de droit local – chers aux députés des Français installés hors de France – et qui ont envie de participer à la dynamique de rayonnement économique de notre pays. Jusqu'ici, le sentiment d'appartenir à un collectif, à cette Équipe France Business, n'était pas forcément mis en avant.

Le sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine se tiendra les 17 et 18 février à Bruxelles. Sur le plan commercial, il s'agit de refonder notre partenariat avec l'Afrique, en renforçant nos relations commerciales et d'investissement. Nous insistons, plus largement, sur le triptyque « prospérité, sécurité, mobilité ». La prospérité recouvre le financement des économies africaines, notamment l'entrepreneuriat des jeunes et des femmes, la résilience sanitaire et la sécurité alimentaire. La sécurité correspond à l'accompagnement dans la gestion de la crise et le soutien aux cadres de sécurité. La mobilité concerne les étudiants, les chercheurs, les volontaires et la question, essentielle, des migrations. Il faudra réfléchir, enfin, à la manière dont on peut décliner la stratégie Global Gateway de l'Union européenne pour accompagner le continent africain.

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J'aimerais réagir à l'intervention de mon ami Alain David, qui estime que la politique de libre-échange de l'Union européenne est responsable de nos déficits commerciaux. Je crois que le problème est franco-français : il faut l'assumer et reconnaître notre part de responsabilité. Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire : en 2020, les Pays-Bas ont eu un excédent de 68 milliards ; l'Italie, de 63 milliards ; la Belgique, de 20 milliards ; la République tchèque, de 18 milliards ; la Pologne, de 12 milliards, etc. Où est la France ?

Notre pays était à l'équilibre jusqu'en 2001-2002 et il est devenu très déficitaire au cours des quinze dernières années. De ce point de vue, le deuxième mandat du président Chirac a été un quinquennat perdu. Il est vrai que l'on commence à voir germer certaines des graines qui ont été semées, mais la situation reste difficile et la reprise est très lente.

Monsieur le ministre, on a longtemps cru que le CAC40 ferait la richesse de la France et son excédent commercial. Or ce n'est pas vraiment le cas. Vous l'avez dit vous-même, le tissu des ETI et des PME y contribue davantage. Le plan d'investissement France 2030 mise sur des technologies d'avenir. Des dizaines de milliards vont permettre des investissements massifs, qui seront portés par des entreprises majeures, sélectionnées par appel d'offres. La question des filières, de la compétitivité et de l'export sera-t-elle prise en compte dans l'élaboration de ce plan, qui sera très structurant pour toute notre industrie ?

Enfin, plusieurs d'entre nous ont participé, le 10 janvier, à la conférence internationale sur la refonte du partenariat commercial entre l'Union européenne et l'Afrique. Certains de nos partenaires africains ont émis des critiques, soulignant notamment que les partenariats passés avaient créé des déficits commerciaux importants. L'accord de libre-échange Euromed, par exemple, a entraîné une multiplication par cinq de leur déficit commercial au cours des vingt dernières années. Quelle est la nature du dialogue que vous avez eu avec les pays africains sur ce sujet ? Quelles critiques ont été formulées et comment y répondez-vous ?

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Monsieur le ministre, vous avez souligné que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est appelé à devenir un élément structurant de notre stratégie économique et environnementale. C'est, de fait, le symbole d'une Europe qui se protège et qui sanctionne le dumping environnemental. C'est un outil essentiel pour accompagner nos producteurs et les aider à réaliser les transformations qui seront nécessaires pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais certains États membres restent prudents face à la menace de mesures de rétorsion. Où en sont, sur ce point, vos échanges avec vos homologues européens ?

Il semble que des travaux soient en cours, outre-Atlantique, pour développer un mécanisme similaire. Cela se fait-il en lien avec les Européens ? Et, si tel est le cas, dans quelle mesure cela pourrait-il affecter le projet européen de réglementation ?

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J'aimerais prolonger la question de M'jid El Guerrab sur les relations entre l'Union européenne et l'Afrique. La présidence française de l'Union européenne doit nous permettre de développer nos relations commerciales avec l'Afrique, notamment avec les pays qui ont participé aux négociations du nouvel accord dit post-Cotonou et avec ceux qui contribuent à la création de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). Or, parmi ces pays, on compte le Mali, avec lequel nous avons des relations difficiles, mais aussi le Burkina Faso et le Tchad. Comment l'Union européenne et la France vont-elles prendre en compte les coups d'État militaires et les changements de gouvernance de ces pays – ou d'autres pays africains – dans la mise en œuvre de l'accord post-Cotonou ?

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Monsieur le ministre, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union européenne, qui est un élément structurant de notre stratégie, pourrait inciter certaines entreprises européennes à produire là où les normes environnementales sont moins contraignantes. Quelle est la stratégie de l'Union européenne pour éviter ces éventuelles délocalisations ? Par ailleurs, sans une approche internationale, la politique européenne, même si elle reste très ambitieuse, ne sera certainement pas suffisante pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Comment l'Union européenne entend-elle faire en sorte que les autres pays prennent les mêmes engagements qu'elle, avec le même niveau d'exigence ?

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Dans son discours devant le Parlement européen, à l'occasion de l'ouverture de la présidence française de l'Union européenne, le Président de la République a dit sa volonté de fonder un New Deal économique et financier avec l'Afrique. Il a rappelé la nécessité d'aller au bout de la solidarité à l'égard des Africains, en défendant une stratégie commune avec l'Afrique dans les instances internationales et en réactualisant les mécanismes d'investissement solidaire à l'égard du continent.

Que peut-on attendre du prochain sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine ? Quel effet peut-il avoir sur l'économie, ou plutôt sur les économies africaines, sachant que la pandémie a eu un impact négatif direct sur les investissements, qui ont baissé de 16 % ? Les défis sont immenses, car, selon une étude du Trésor français, le besoin de financement s'élève à 290 milliards de dollars sur la période 2020-2023.

Par ailleurs, peut-on tirer un premier bilan du soutien apporté à la création d'une zone de libre-échange africaine ?

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J'aimerais vous interroger sur des espaces qui se situent un peu plus à l'est : la Chine et l'Indopacifique. Les pays européens n'ont pas tous la même approche des relations commerciales avec la Chine. Lors du prochain Conseil des affaires étrangères, quel message allez-vous faire passer à ce sujet ? Quel est l'objectif que vous visez dans les relations commerciales de l'Europe avec la Chine ? Une grande zone de libre-échange a été créée dans cette partie du monde. Sera-t-elle, pour nous autres, Européens, une source de difficultés ou une opportunité ?

Par ailleurs, la situation des entrepreneurs français à l'étranger a-t-elle été évoquée avec nos partenaires européens ? J'imagine qu'eux aussi ont des entrepreneurs locaux à l'étranger – allemands, espagnols, italiens, etc. Les voient-ils, eux aussi, comme un élément essentiel d'une chaîne de valeur qui démarre en Europe ?

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Les députés des Français de l'étranger me rappellent un mot de Claude Lévi-Strauss : ce sont les députés des voyages, aux promesses rêveuses.

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Franck Riester, ministre délégué

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Son objectif est d'éviter que les efforts de décarbonation demandés à celles de nos entreprises qui relèvent de secteurs très émetteurs de gaz à effet de serre les désavantagent face à l'arrivée sur le marché européen de produits fabriqués dans des pays qui n'ont pas le même niveau d'exigence. Cela conduirait en effet à des fuites de carbone : soit à une augmentation du volume des produits issus de pays qui n'ont pas les mêmes exigences que nous, soit à la délocalisation de nos entreprises dans des pays où les exigences sont moins fortes. Ce serait perdant-perdant : perdant pour l'économie et l'emploi et perdant pour le climat. C'est pourquoi il a été décidé d'introduire un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, que la France soutient totalement. Il consiste, en fait, en un dispositif miroir de notre mécanisme de quotas d'émissions européen. Dans un premier temps, il concernera cinq secteurs : les ciments, le fer et l'acier, l'aluminium, l'électricité et les fertilisants. L'idée est d'avoir une période à blanc, de 2023 à 2025, puis une application de cette tarification à partir de 2026.

La proposition de la Commission européenne nous convient et nous devons travailler, au cours de la présidence française, à trouver un consensus entre les différents États membres, au niveau du Conseil. Le calendrier est assez serré : des groupes de travail se réuniront toutes les deux semaines jusqu'à la mi-mars, après quoi le projet passera devant le Conseil Écofin. L'objectif est d'aboutir à une proposition du Conseil au mois de mars, puis de lancer des trilogues. Certains sujets particulièrement sensibles restent en discussion : comment faire en sorte que ce mécanisme ne pénalise pas nos exportateurs ? Comment l'élargir à d'autres secteurs ? Si ce mécanisme augmente le coût d'approvisionnement de certaines filières en aval, quelles seront les conséquences pour elles ? Ces discussions sont en cours. Nous espérons trouver un accord le plus vite possible, en tout cas au cours de l'année 2022.

J'en viens à l'Union pour la Méditerranée et au partenariat euro-méditerranéen. EuroMed ne prévoit pas d'accords de libre-échange, mais des accords d'association avec les pays membres. Je pense notamment aux accords bilatéraux avec l'Algérie, le Maroc, la Tunisie. Nous discutons beaucoup avec ces voisins et partenaires. J'ai déjà évoqué le travail que nous menons en faveur de la colocalisation d'une partie de nos chaînes de valeur. Nous devons renforcer nos échanges et nos partenariats sectoriels et travailler à un renforcement de la coopération sur les normes et les règles dans le cadre de la convention paneuro-méditerranéenne sur les règles d'origine. Il s'agit d'adopter une approche pragmatique pour faire avancer nos partenariats avec les pays de la zone Euromed.

En ce qui concerne nos relations avec la Chine, la ratification de l'accord global sur les investissements entre l'Union européenne et la Chine (CAI) est suspendue depuis que celle-ci a pris des sanctions contre des parlementaires européens. Nous maintenons cependant nos exigences vis-à-vis de ce pays, tant en matière de respect des droits humains qu'en matière de commerce. Nous avons, avec la Chine, divers sujets de discussion – je pense à l'application de l'IPI, l'instrument de réciprocité dans l'accès aux marchés publics, et à la lutte contre les pratiques distorsives et coercitives –, sujets qui pourront être abordés lors du sommet de mars prochain. Le commissaire chargé du commerce, Vasilis Dombrovskis, doit notamment avoir, à cette occasion, un dialogue de haut niveau avec son homologue chinois.

Parmi les nombreux enjeux de nos relations avec l'Afrique, deux dominent : le changement climatique et l'avenir du continent. Les défis migratoires, sécuritaires, environnementaux, économiques et commerciaux sont immenses. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a fait des relations entre l'Union européenne et l'Afrique l'une des priorités de la présidence française.

Sur le plan commercial, outre le soutien que nous apportons à l'instauration de la zone de libre-échange continentale, nous souhaitons moderniser les accords régionaux bilatéraux – des discussions sont en cours avec le Kenya afin qu'il prenne des engagements en matière de développement durable – ainsi que le système des préférences généralisées. C'est en accompagnant les pays qui en bénéficient dans la réalisation d'objectifs plus ambitieux en matière de développement durable que nous aurons avec eux des échanges plus résilients et plus responsables.

Nous souhaitons par ailleurs renforcer les partenariats gagnant-gagnant. Dans les domaines agricole et agroalimentaire, il faut favoriser la création de valeur en Afrique. Il serait préférable, par exemple, que les noix de cajou qui y sont cultivées y soient également transformées au lieu d'être envoyées pour cela en Asie. L'entreprise Cémoi, implantée en Côte d'Ivoire, mise ainsi sur la localisation de chaînes de valeur en Afrique. Non seulement ses investissements sont profitables car la filiale est dynamique, mais le cacao est produit et transformé en Afrique plutôt qu'en Chine et le travail des paysans est valorisé et mieux rémunéré.

Ce type de partenariats doit être renforcé et des moyens supplémentaires doivent être consacrés au financement de l'entrepreneuriat africain, notamment celui des femmes et des jeunes, ainsi que pour améliorer la formation. La jeunesse est l'une des grandes richesses de l'Afrique, il faut lui donner les moyens de se former. Tous ces sujets seront à l'ordre du jour du sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine.

Quant au déficit de notre balance commerciale des biens, il tient en partie au fait que les entreprises françaises ont historiquement créé davantage de filiales à l'étranger que leurs homologues italiennes ou allemandes, et ce pour deux raisons. La première est une mauvaise raison, mais on peut la comprendre : notre pays n'étant pas compétitif, la délocalisation de leur outil de production était pour ces entreprises le seul moyen de survivre face à la concurrence mondiale. La seconde est une bonne raison : elles ont noué des partenariats avec des entreprises locales, soit pour s'assurer l'accès aux marchés, soit pour créer de la valeur localement, en particulier dans les pays en développement. C'est ce type de partenariats que nous cherchons à encourager.

Le déficit du commerce extérieur des biens est en partie compensé par le commerce des services et par les revenus des investissements, qui sont plus élevés en France que dans d'autres pays européens grâce aux implantations à l'étranger, en particulier des groupes du CAC40.

Le plan France 2030 prévoit des dispositifs destinés à soutenir particulièrement les investissements dans les PME et ETI, qui doivent capter une part plus importante que par le passé des financements dédiés à l'innovation. Étant implantées en France, elles exporteront sans doute davantage de produits innovants que les grands groupes. Le fort soutien qu'apporte France 2030 au tissu des PME, des ETI et des entreprises à croissance rapide témoigne de la prise de conscience par le Président de la République et le Gouvernement de la réalité qui a été très bien décrite tout à l'heure.

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Merci, monsieur le ministre. Nous devons rendre hommage à votre énergie et à votre enthousiasme.

En France, nous avons toujours le sentiment – justifié, selon moi – qu'il est difficile de mobiliser les Européens pour adopter une position plus exigeante dans nos relations avec nos partenaires. L'Union européenne a été bâtie sur un principe d'exemplarité auquel nous aimerions que soit adjoint un principe de réciprocité. Nous mesurons vos efforts en la matière, mais il est difficile de faire lever la pâte. Nous formons cependant le vœu que la présidence française nous permettra d'avancer dans toutes les directions que vous avez indiquées.

Votre action est très difficile. Ce serait commode de pouvoir engueuler le ministre, mais il n'est pas le seul responsable des résultats du commerce extérieur ; ces derniers dépendent d'abord du tissu industriel et social.

Au cours de la législature, les Français ont marqué des points en mettant en avant sur la scène européenne des thèmes qui étaient proscrits ou ignorés il y a quelques années, mais la route est longue et la pente est forte, selon l'expression de Jean-Pierre Raffarin, pour obtenir des avancées concrètes. Nous saluons vos efforts en ce sens.

Avant de clore notre réunion, quelques mots sur la manière dont notre commission s'efforce de réagir à la situation dramatique au Sahel.

Dès que la décision a été prise par l'autorité putschiste du Mali de renvoyer en France notre ambassadeur, M. Joël Meyer – et ce, dans des conditions tout aussi indignes que celles dans lesquelles les Danois ont été congédiés en dépit des efforts qu'ils avaient fournis à la demande des autorités maliennes –, j'ai fait savoir au ministère des affaires étrangères et à M. Meyer lui-même que nous souhaitions l'entendre le plus vite possible. Je n'ai pour l'instant pas reçu de réponse du Quai d'Orsay – nous attendons le retour de l'ambassadeur sur le territoire français pour en savoir plus –, mais son audition pourrait avoir lieu mardi prochain dans la soirée. On m'indique que le Premier ministre vient d'annoncer la tenue d'un débat en séance publique, au Parlement sur le Sahel. Ce débat est important, et la commission y prendra toute sa part.

Nous vivons des moments très difficiles dans notre engagement au Sahel. Nous sommes inévitablement victimes de France-bashing. En réalité, les réactions des médias sont diverses, et beaucoup considèrent aussi comme une anomalie l'attitude du colonel Goïta, qui se met lui-même au ban de la communauté internationale. En tout état de cause, compte tenu du nombre de nos soldats morts au service de ce pays et de la lutte contre le terrorisme ainsi que de l'argent que nous avons dépensé, ces gestes très déplaisants et inconsidérés nous sont profondément pénibles et douloureux. Cela doit nous conduire à nous interroger sur ce que nous voulons faire. À cet égard, le débat annoncé par le Premier ministre est très bienvenu, mais je souhaiterais que nous puissions également entendre l'ambassadeur – il a des choses à nous dire.

Le Mali est, avec l'affaire ukrainienne, l'un des deux grands et douloureux dossiers auxquels la diplomatie française est confrontée. Notre commission ne restera pas inerte face au défi lancé à notre diplomatie et à nos forces armées.

(Applaudissements.)

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Monsieur le ministre, je vous remercie pour cet échange de vues. Nous sommes décidés à soutenir l'action de la France. Nous vous faisons confiance pour convaincre nos partenaires de se mobiliser davantage et de faire preuve d'une plus grande responsabilité dans un monde qui ne ressemble décidément pas à celui que nous espérions il y a quelques décennies.

La séance est levée à 17 h 05.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Sandra Boëlle, M. Jean-Louis Bourlanges, Mme Mireille Clapot, M. Alain David, M. M'jid El Guerrab, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, Mme Anne Genetet, Mme Olga Givernet, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Aina Kuric, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, M. Denis Masséglia, M. Jean François Mbaye, Mme Natalia Pouzyreff, M. Didier Quentin, M. François de Rugy, Mme Liliana Tanguy, M. Sylvain Waserman

Excusés. – Mme Aude Amadou, M. Philippe Benassaya, M. Frédéric Petit, Mme Isabelle Rauch, M. Guy Teissier