Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 19 janvier 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 19 janvier 2022

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

La commission des affaires sociales procède à l'examen, en application de l'article 88 du Règlement, des amendements nouveaux déposés en séance publique sur la proposition de loi d'urgence contre la désertification médicale (n° 4784).

Elle a repoussé l'ensemble des amendements nouveaux déposés en séance publique sur cette proposition de loi.

La commission examine ensuite le rapport d'évaluation de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel (Mme Catherine Fabre, M. Gérard Cherpion, M. Sylvain Maillard, M. Joël Aviragnet, Mme Carole Grandjean et Mme Michèle de Vaucouleurs, rapporteurs).

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Nous examinons ce matin le rapport d'évaluation de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui sera présenté par une équipe, parfaitement paritaire, de six rapporteurs au sein de laquelle les quatre principaux groupes de notre commission sont représentés : Catherine Fabre et Gérard Cherpion pour le titre Ier, consacré à la formation professionnelle et à l'alternance ; Sylvain Maillard et Joël Aviragnet pour le titre II, relatif à l'indemnisation du chômage et à l'accompagnement des demandeurs d'emploi ; Carole Grandjean et Michèle de Vaucouleurs, pour le titre III relatif à l'emploi, à l'entreprise inclusive et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Il s'agit d'une loi de portée majeure qui a procédé à de profondes réformes à la fois en matière de formation professionnelle, de gouvernance, d'organisation des opérateurs, de financement mais aussi, et surtout, en matière d'apprentissage. Jamais, en effet, notre pays n'a compté autant d'apprentis. Elle comprenait également des mesures en matière d'emploi et d'indemnisation du chômage qui sont également évaluées dans ce rapport.

Même si la crise sanitaire a retardé la mise en œuvre de certaines de ces réformes, leur évaluation plus de trois ans après leur adoption semble particulièrement intéressante et utile pour l'ensemble des acteurs concernés ainsi que pour notre commission.

Les travaux de nos rapporteurs et nos débats sur ces questions revêtent une importance toute particulière. C'est pourquoi j'ai souhaité que nous nous réunissions dans les meilleures conditions, en présentiel et non en visioconférence, tout en veillant à tenir compte du contexte sanitaire, ce qui explique donc le choix de la salle Lamartine.

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Le titre Ier de la loi du 5 septembre 2018 introduit nombre de réformes majeures pour la formation professionnelle et l'apprentissage.

S'agissant de la première et du compte personnel de formation (CPF), l'ambition de la réforme était claire : faire de ce compte un outil accessible et lisible, un droit personnel à la main de ses titulaires dans une logique d'appropriation directe. Avec 984 000 formations suivies en 2020, contre 580 000 en 2017 avant la réforme, nous pouvons affirmer que le pari est réussi.

La modification d'ampleur apportée par la loi fut sans conteste le passage d'un CPF décompté en heures à un CPF en euros, plus simple et qui a permis de sortir d'une vision figée de la formation traditionnellement conçue comme un bloc standardisé d'heures d'enseignement destiné aux apprenants réunis dans une salle de classe. Le développement du CPF a impulsé de nouvelles formes pédagogiques, comme les formations en situation de travail, et surtout, sous l'effet de la crise sanitaire et des différents confinements, les formations à distance.

La volonté du législateur de favoriser des formations plus innovantes se traduit aujourd'hui sur le terrain.

Le succès du CPF se manifeste également par de nombreux téléchargements de l'application et par de nombreuses connexions au portail numérique www.moncompteformation.gouv.fr. Au 31 décembre 2021, l'application avait été téléchargée 3,8 millions de fois, et ce portail avait reçu 16 millions de visites. Force est donc de constater que cette plateforme fait désormais partie du quotidien de nombreux actifs. Il est d'ailleurs prévu qu'elle s'enrichisse au fil du temps de conseils et d'évaluations des formations par les usagers.

Le CPF ainsi rénové avait vocation à attirer certaines franges de la population active qui restaient éloignées de la formation professionnelle comme les femmes, qui représentent désormais 50 % des utilisateurs alors qu'elles étaient sous‑représentées lors de sa création, en partie à cause du travail à temps partiel qui ne leur permettait pas de bénéficier des mêmes droits, ce à quoi la réforme a remédié, ou les salariés les moins qualifiés. Ainsi, l'utilisation du CPF a augmenté de 74 % chez les ouvriers contre 24 % chez les cadres.

Concernant la nature des formations sollicitées dans le cadre du CPF, nous observons toujours une appétence particulière pour le permis de conduire, qui dans de nombreux cas est indispensable pour trouver un emploi, et pour les langues étrangères, bien que celles-ci ne correspondent plus qu'à 17 % des entrées en formation contre 26 % avant la réforme.

Dans le même temps, le CPF est devenu un véritable outil d'accompagnement pour les bénéficiaires aspirant à une reconversion professionnelle puisque les formations entrepreneuriales à destination des créateurs et des repreneurs d'entreprise ont été multipliées par onze entre 2019 et 2020.

La professionnalisation du CPF que le législateur appelait de ses vœux en 2018 représente toujours un enjeu hautement stratégique. Nous en avions la conviction, qui a été confortée par ces travaux d'évaluation : le co‑investissement par les entreprises ou par les branches professionnelles est un moyen prometteur de conseiller et d'inciter les salariés à faire des investissements pertinents pour eux et pour leur secteur d'activité.

La possibilité d'abondements complémentaires, ouverte par la réforme de 2018, ne s'est malheureusement déployée qu'à partir de l'été 2020. Pour autant, certains opérateurs de compétences (OPCO) entendus par la mission s'inscrivent déjà dans cette démarche. Le dialogue social au sein des entreprises et des branches devrait trouver là une véritable opportunité de faire, enfin, de la formation un investissement stratégique.

La mission s'est également attachée à évaluer la portée d'autres dispositifs comme le conseil en évolution professionnelle (CEP), qui offre une prestation de conseil professionnel et d'orientation gratuite à tous les salariés. En 2020, seuls 100 000 actifs occupés en ont bénéficié, car le CEP souffre d'un déficit de notoriété. Au vu de son importance dans l'esprit de la réforme et de l'excellent taux de satisfaction de ceux qui y ont eu recours – 91% –, nous préconisons de fortement renforcer l'information sur le CEP auprès de l'ensemble des salariés et des demandeurs d'emploi.

S'agissant des moyens mis en œuvre pour la transition professionnelle, certains acteurs auditionnés ont regretté que les montants alloués soient inférieurs à ceux destinés préalablement au financement de l'ancien congé individuel de formation (CIF). Cette baisse de budget doit toutefois être relativisée à nos yeux car le projet de transition professionnelle doit être pensé dans le budget global mobilisé par l'intéressé via son investissement individuel à travers le CPF. Elle doit d'autant plus être relativisée que des moyens importants ont été mobilisés pendant la crise pour favoriser les reconversions professionnelles, au travers notamment de la création de nouveaux dispositifs tels que Transitions collectives (Transco).

Je terminerai par un dispositif qui me tient à cœur, la promotion par alternance (Pro‑A). Introduit en 2018, il a la particularité d'être fondé sur l'alternance entre des périodes de formation et l'acquisition de savoir‑faire en entreprise. Cet outil, qui a malheureusement rencontré plusieurs difficultés dans sa mise en œuvre, est au service d'une montée en qualification des salariés en poste. Pour assurer son développement, nous appelons aujourd'hui de nos vœux un élargissement de ses critères d'accès.

En conclusion, la réforme de la formation professionnelle a été très largement perçue comme une réussite par les acteurs entendus par la mission et je crois pouvoir dire, en mon nom et en celui de mon corapporteur, que nous souscrivons à ce constat.

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La loi de septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel complète et modifie très largement un arsenal législatif reposant en particulier sur les lois de juin 2011 et de mars 2014, avec la volonté de faire de l'apprentissage, et plus généralement de l'alternance, une voie d'excellence et de qualification.

La réforme de 2018 a considérablement modifié les compétences et les flux financiers en replaçant les branches et les entreprises au centre du dispositif, au détriment des régions.

Par ailleurs, les aides aux entreprises pour l'embauche des apprentis ont largement contribué à son succès ces deux dernières années, et il faudra étudier l'impact de l'arrêt ou de la diminution des aides sur l'évolution du nombre d'apprentis à l'issue de la crise que nous traversons.

Les résultats quantitatifs sont indéniables : 525 600 apprentis en 2020, 660 911 en 2021 et un doublement du nombre de centres de formation d'apprentis (CFA) depuis l'entrée en vigueur de la réforme, avec la création de soixante CFA d'entreprise.

Au plan qualitatif, on note une très forte augmentation du nombre d'apprentis post‑bac et un léger tassement des pré‑bac. S'il est intéressant de développer les formations post‑bac, il ne faut pas négliger les formations infra‑bac, qui permettent d'accéder rapidement à l'emploi et d'ouvrir des perspectives de carrière.

La loi de 2018 avait aussi comme objectif la simplification des démarches administratives. Il reste ainsi à harmoniser les systèmes d'information et les pratiques des OPCO, en particulier en ce qui concerne les retours de dossiers et les retards de paiement.

L'application du coût‑contrat semble répondre aux équilibres financiers des CFA. Cependant, son évolution doit être progressive et pluriannuelle : il doit y avoir une visibilité des CFA sur une période plus longue.

Une autre proposition vise à permettre aux CFA d'utiliser leurs réserves à des fins d'investissement. De même, permettre aux régions la fongibilité des fonds d'investissement et de fonctionnement leur donnerait une capacité à agir en proximité et selon les besoins du territoire.

Concernant l'apprentissage à l'étranger et la mobilité internationale, le dispositif Erasmus + est un excellent dispositif qui a montré tout son intérêt. Cependant, si les chiffres sont en baisse, en raison de la pandémie, il reste un frein à lever : celui de l'autorisation de la mise à disposition limitée à quatre semaines. Nous proposons une prolongation de cette période de détachement.

Par ailleurs, les prépas‑apprentissages sont une réussite au niveau quantitatif et qualitatif.

Enfin, je souhaite évoquer l'architecture institutionnelle et financière du nouveau dispositif, et en particulier de France compétences. Si la création d'un nouvel opérateur unique était une idée louable tant elle était nécessaire – nous l'avions indiqué avec Jean‑Patrick Gille dans notre rapport de 2016 –, sa gouvernance reste contestée en raison d'un quadripartisme qui semble déséquilibré. Néanmoins, malgré un contexte difficile et une mise en place complexe, je dois souligner la pugnacité de tous, et en particulier celle du directeur général, en vue de déployer, avec des moyens humains limités, l'action de France compétences.

Si son pilotage financier est clarifié, sa situation financière reste largement déficitaire, environ 7 milliards d'euros cumulés, avant un abondement budgétaire de 2,7 milliards d'euros. Plusieurs raisons à cela : la crise certes, mais aussi la dynamique de l'alternance principalement et une utilisation croissante du CPF. C'est la raison pour laquelle nous proposons de mieux moduler les financements de l'apprentissage. À titre d'exemple, on peut s'interroger sur le financement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur.

En conclusion, les résultats de cette réforme qui a bousculé le monde de l'apprentissage sont globalement positifs mais ils nécessitent des ajustements. Nous formulons donc, avec Catherine Fabre, quatorze propositions dans le rapport.

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Je remercie le bureau et la présidente de la commission pour la mise en place de ce travail d'évaluation d'une loi riche et emblématique. Si son titre II était un peu moins fourni en nombre d'articles que les titre Ier et III, il était lourd d'implications et d'enjeux. Touchant à la fois à la gouvernance, au financement et aux règles d'ouverture de l'assurance chômage, et comprenant des dispositions concernant les demandeurs d'emploi, il déployait une vision résolument moderne de ce que doit être, à l'avenir, notre protection contre la perte d'emploi.

Moderne, l'idée que le statu quo en termes de gouvernance ne pouvait perdurer. Certaines auditions l'ont rappelé, tout n'était pas rose avant la réforme, bien au contraire. S'il peut être critiqué, le nouveau cadre de concertation a selon moi d'immenses mérites : plus de clarté dans les objectifs fixés au document de cadrage, un équilibre mieux exprimé entre le rôle de l'État et celui des partenaires sociaux et de la place pour la concertation.

Ne nous y trompons pas, l'échec de la négociation en 2019, qui a ensuite donné lieu à la réforme de l'assurance chômage par décret, ne signifie pas que le dispositif est défaillant. L'état du droit antérieur avait lui aussi conduit, parfois, à des blocages.

Si des pistes d'évolution, dont le rapport fait état, existent bel et bien, l'honnêteté commande de dire que peu d'entre elles sont véritablement consensuelles : c'est peut‑être la preuve que l'équilibre trouvé en 2018 n'est pas si facile à revoir. Le MEDEF et la CFDT ont fait des propositions intéressantes mais qui posent aussi des questions de fond.

C'est donc plutôt une maturation de ce nouveau cadre, notamment si la concertation conduite par la ministre du travail Élisabeth Borne auprès des partenaires sociaux aboutit à des positions plus arrêtées, qu'il faut privilégier.

Cette question de la gouvernance n'est évidemment pas sans lien avec la situation financière de l'UNEDIC, qui s'améliore nettement. Les comptes pourraient à nouveau être à l'équilibre dès 2023, malgré une dette qui reste importante : 70 milliards d'euros à cet horizon.

D'un point de vue plus technique, le rapport expose bien les raisons qui ont conduit le Gouvernement et le législateur, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, à retenir la contribution sociale généralisée (CSG) comme mode de compensation des baisses de cotisation d'assurance chômage. Si la solution n'est pas dépourvue de complexité en gestion, elle a permis de neutraliser les effets des mesures en faveur du pouvoir d'achat et de l'emploi sur les comptes de l'UNEDIC.

Moderne également, l'ouverture de notre assurance chômage à davantage de salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants. S'il a parfois été de bon ton d'en critiquer les résultats modestes au plan quantitatif, le rapport souligne la difficulté de l'exercice, qui consiste à ouvrir des droits nouveaux et réels sans déstabiliser le cadre et créer trop d'aléas moraux.

De ce point de vue, si les deux dispositifs peuvent naturellement être améliorés, ni leur conception ni leur mise en œuvre n'ont conduit aux errements évoqués à l'époque dans les débats : pas d'explosion des démissions, pas de coût excessif pour l'UNEDIC ni de dénaturation du système d'assurance chômage pour les autres demandeurs d'emploi.

Au contraire, il s'agit de lever certains freins, notamment pour les travailleurs indépendants, comme l'avait déjà relevé notre collègue Dominique Da Silva. À cet égard, le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante, que nous avons examiné en première lecture il y a quelques jours, va dans ce sens en retenant un nouveau mode de constatation de la cessation d'activité.

Le Gouvernement pourrait même aller plus loin par voie réglementaire, notamment concernant le critère de 10 000 euros de chiffre d'affaires. Il me semble que rouvrir la mesure relative aux indépendants au niveau de ce qui était attendu en 2018 constitue une bonne boussole dans ce cadre, sans remettre en cause les principes.

Modernes enfin, les modifications tenant au contrôle des demandeurs d'emploi. Là encore, la réalité concrète de cette réforme est bien loin des craintes exprimées en 2018. Loin d'une répression à tout va, une rationalisation de l'échelle et du fonctionnement des sanctions a été réalisée. Les motifs ont été clarifiés, le contradictoire réaffirmé et les voies de recours explicitées. L'échelle des sanctions est beaucoup plus juste qu'avant la réforme. Je m'en félicite.

Deux constats transversaux pour conclure. Tout d'abord, le travail réalisé sur le titre II illustre bien le fait que l'évaluation d'un dispositif dépend fondamentalement de ce qu'on en attendait, ce qui explique que nous n'ayons pas pu aboutir avec mon corapporteur à des conclusions similaires malgré un travail commun.

Second constat : les auditions ont montré qu'experts et partenaires sociaux avaient des points de vue divergents sur la suite à donner à la réforme.

Face à l'absence de consensus sur les propositions, nous devons en revenir au rôle qui est le nôtre : tracer une direction politique en continuant la concertation sur les principes comme sur les modalités de mise en œuvre. De ce point de vue, la direction tracée par la loi « Avenir professionnel » me semble toujours d'actualité : une assurance chômage mieux pilotée, plus universelle, plus juste et incitant toujours plus à la reprise d'activité.

Nous aurons à en reparler lors des échéances nationales à venir.

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Je me joins évidemment aux remerciements adressés par Sylvain Maillard au bureau de la commission, à la présidente ainsi qu'aux personnes que nous avons auditionnées. Je crains hélas que nos points d'accord s'arrêtent à peu près là, non pour le plaisir de la contradiction, mais par exigence de cohérence.

Sur la gouvernance et le financement, qu'avions‑nous dit à l'époque de la loi « Avenir professionnel » ?

Tout d'abord, qu'en raison du nouveau cadre institutionnel qu'elle créait, elle dessaisissait les partenaires sociaux d'un régime qu'ils géraient depuis 1958 non sans une certaine efficacité. Or, les partenaires sociaux ont été en septembre 2018 destinataires d'un document de cadrage comminatoire qui ne leur laissait aucune marge de négociation, comme ils l'ont rappelé unanimement à la mission. S'en sont suivis un échec et une reprise en main par l'État, par décret, de la réforme de l'assurance chômage, dont on peut se demander si ce n'était pas finalement son objectif plus ou moins caché.

Ensuite, nous avons dit qu'en finançant l'UNEDIC par de la CSG, cette loi dénaturait le régime et affaiblissait le lien entre les salariés et leur régime. Rappelons qu'il n'y a plus de cotisations salariales d'assurance chômage depuis 2019 et que ces baisses ne se sont pas faites gratuitement mais en augmentant la CSG sur les retraités, mesure que nous continuons évidemment de contester. Cette dénaturation transparaît aujourd'hui dans le fait que certaines institutions et certains experts orientés demandent qu'on aille plus loin encore dans l'étatisation de l'assurance chômage. On tourne en rond : c'est l'État qui impose la CSG à l'UNEDIC et il lui dirait maintenant que du fait de la CSG, il n'a pas d'autre choix que d'en prendre le contrôle ! Voilà une bien mauvaise manière faite au paritarisme.

S'agissant enfin de la situation financière de l'UNEDIC, nous dénoncions déjà les charges indues qui allaient lui être confiées par l'État et qui n'ont cessé de croître, ce qui est désormais interprété par le Gouvernement comme la preuve qu'il faudrait reprendre le régime en main. Or la dette accumulée n'est pas le signe d'une mauvaise gestion par les partenaires sociaux, mais le résultat de décisions publiques sans compensation.

Sur l'ouverture de l'assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants, nous avions dit que la montagne accoucherait d'une souris. Voilà que selon les chiffres concrets de la mise en œuvre elle a en réalité accouché d'un tout petit souriceau ! On parlait en 2018 de 30 000 démissionnaires et de 29 000 indépendants par an. Nous avons péniblement atteint 14 000 démissionnaires et 1 000 indépendants depuis fin 2019. C'est à se demander comment les études d'impact avaient été réalisées, et surtout à quels besoins correspondaient ces mesures.

Nous sommes d'autant moins surpris que ces dispositifs ont été conçus pour être très restrictifs, et ce ne sont pas les dernières évolutions proposées par le Gouvernement qui permettront de véritablement changer la donne. Dit autrement, tout se passe comme si la loi « Avenir professionnel » s'était grimée en système d'assurance chômage universel pour mieux s'en éloigner. Je le regrette car c'est un sujet important sur lequel il nous faudrait d'ailleurs plus de données.

Enfin, si les règles applicables aux demandeurs d'emploi n'ont pas produit tous les effets néfastes que nous craignions, c'est avant tout parce qu'elles ont été suspendues en 2020 et qu'elles redémarrent aujourd'hui à pas comptés. Si j'admets parfaitement que l'échelle des sanctions n'a pas systématiquement évolué à la hausse, le médiateur national de Pôle emploi ne dresse pas un tableau très positif des évolutions produites par la réforme. Le Gouvernement s'est par ailleurs fixé à nouveau des objectifs de contrôle très importants, alors même que beaucoup d'associations et de syndicats que nous avons rencontrés rappellent à juste titre – études économiques à l'appui – que l'écrasante majorité des chômeurs cherche effectivement un emploi. Donner l'impression qu'il en serait autrement et laisser à penser que durcir toujours plus les règles et les contrôles pourrait tout changer sur le front de l'emploi relève de l'ignorance ou de la démagogie : il y en a parfois dans ces réformes à répétition de l'assurance chômage.

Enfin, je ne peux pas conclure sans évoquer la dernière de ces réformes, qui résume à merveille l'ensemble des difficultés que je viens d'évoquer : établie par décret après l'échec des négociations de 2019, elle s'est faite dans l'opposition frontale avec les partenaires sociaux, et notamment avec les syndicats de salariés. Ceux‑ci ont du reste fait valoir leurs arguments devant le Conseil d'État, qui leur a donné raison à deux reprises, obligeant le Gouvernement à revoir sa copie par deux fois, une première sur le fond, une seconde sur le calendrier.

L'UNEDIC avait d'ailleurs parfaitement documenté les conséquences iniques de certains aspects de la réforme, et singulièrement celle du nouveau mode de calcul du salaire journalier de référence. Au total, la réforme pourrait produire plus de 2 milliards d'euros d'économies. Pour un régime qui verse une quarantaine de milliards d'euros de prestations, c'est tout simplement énorme ! Ces économies ne sont pas faites sur n'importe quelle population mais sur celle qui est la plus fragile et qui enchaîne les contrats courts : 1 150 000 bénéficiaires vont perdre en moyenne 17 % de leur allocation, d'après l'UNEDIC, et il ne s'agit que d'une des nombreuses mesures de cette réforme.

Hélas, le titre II de la loi « Avenir professionnel », dont je ne conteste pas nécessairement toutes les mesures dans le détail, est philosophiquement et juridiquement à l'origine de cette dérive qui tend à dénaturer le beau mot de réforme, synonyme pour vous de reculs des droits des plus fragiles. Cela suffit pour moi à la disqualifier.

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Le titre III de la loi du 5 septembre 2018 regroupait une cinquantaine d'articles traitant de diverses problématiques liées à l'emploi.

Nous avons fait le choix de faire porter nos travaux sur les chapitres qui rassemblaient les dispositions les plus essentielles et les plus ambitieuses, celles relatives à l'entreprise inclusive, celles relatives au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal, et celles relatives à l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail.

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Je rapporterai nos travaux sur l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail et, en particulier, sur l'article imposant aux entreprises de plus de cinquante salariés la publication annuelle d'indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer en cas de résultat inférieur à 75 points sur 100.

Tous nos interlocuteurs ont salué la création de l'index et insisté sur le fait qu'il avait l'immense mérite de permettre de partager un diagnostic sur la situation en matière d'égalité salariale dans les entreprises et d'inciter les employeurs à prendre des mesures pour réduire, ou mieux, pour supprimer les écarts de rémunération. Il ressort de nos auditions que le dispositif produit de bons résultats, ce dont nous nous félicitons.

La part des entreprises tenues de publier un index qui s'acquittent de leur obligation est en hausse continue. En novembre 2021, elle atteignait 67 % pour les entreprises de 50 à 250 salariés, 90 % pour les entreprises de 250 à 1 000 salariés et 95 % pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Surtout, les notes obtenues par les entreprises sont en amélioration constante, ce qui est particulièrement net pour celles qui comptent plus de 1 000 salariés, dont la note moyenne atteint 88 points en 2021 contre 82,9 en 2019.

En définitive, en 2021, les entreprises, toutes catégories confondues, ont obtenu une note moyenne égale à 85 points sur 100, soit 1 point de plus qu'en 2020. Au total, 466 mises en demeure de se conformer à la loi ont été notifiées par l'inspection du travail depuis la mise en place du dispositif et 28 pénalités ont été prononcées, d'après les derniers chiffres communiqués par le ministère du travail.

Selon nous, les indicateurs sont globalement pertinents, le délai de trois ans laissé aux entreprises pour obtenir 75 points est satisfaisant et le montant maximal des pénalités approprié.

Pour autant, nous proposons quelques pistes d'évolution pour compléter l'index, comme la création, à côté de l'indicateur relatif à l'écart du taux d'augmentations individuelles entre les femmes et les hommes, d'un indicateur mesurant l'écart entre le montant des augmentations de salaire accordées aux premières et aux seconds, ou l'intégration de cette dimension dans le calcul de l'indicateur existant.

Nous proposons encore de réviser sans tarder le barème du nombre de points obtenus en fonction des résultats afférents à l'indicateur relatif au nombre de salariés du sexe sous‑représenté parmi les dix salariés ayant perçu les plus hautes rémunérations, de manière que les entreprises vertueuses en ce qui concerne la répartition des salaires les plus élevés entre les femmes et les hommes se voient accorder plus de points qu'à l'heure actuelle.

La loi renforçait par ailleurs l'arsenal de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes sur le lieu de travail. Cela passe par une obligation pour les employeurs d'afficher dans les lieux de travail le détail des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et les coordonnées des autorités et services compétents. La loi prévoit aussi la désignation, dans les entreprises de 250 salariés et plus, d'un référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Ces deux évolutions bienvenues mettront sans doute un peu plus de temps avant de produire leurs effets. Cela étant, plusieurs personnes auditionnées ont fait valoir que le nombre de signalements liés à des comportements prohibés avait diminué dans certaines entreprises depuis 2019, ou que les opérations de sensibilisation avaient effectivement pris de l'ampleur.

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Les articles du chapitre 1er du titre III, consacré à l'entreprise inclusive, étaient sous‑tendus par un objectif simple et clairement énoncé : améliorer l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Celles‑ci sont deux fois plus confrontées au chômage que les personnes non handicapées ayant les mêmes caractéristiques. Pour y parvenir, le législateur a emprunté plusieurs voies. En premier lieu, il a procédé à une refonte du régime de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés dans le secteur privé. Le maintien de l'obligation pour toute entreprise comptant au moins vingt salariés d'employer des bénéficiaires de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) à hauteur de 6 % de ses effectifs, la volonté d'augmenter la part du taux d'emploi direct dans le taux d'emploi global des travailleurs en question, la simplification des démarches administratives pour les employeurs ont été salués par nos interlocuteurs. Le taux d'emploi direct dans le secteur privé n'était que de 3,4 % au moment du vote de la loi.

Les modifications apportées par la loi ont favorisé la prise en considération des enjeux qui touchent à l'insertion professionnelle de cette catégorie de travailleurs, ce qui constitue un motif de satisfaction. Pour autant, il est encore trop tôt pour dresser un état des lieux détaillé et chiffré des conséquences en tous genres d'une réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2020 et dont l'application a été perturbée par la crise sanitaire. Il faudra donc attendre pour apprécier ses effets sur le taux d'emploi des travailleurs handicapés ou sur les modalités par lesquelles les employeurs s'acquittent de l'OETH. En revanche, on sait que le nombre d'entreprises du secteur privé assujetties à l'OETH est passé de 99 700 en 2018 à plus de 100 600 en 2021, cette progression résultant du changement des règles de calcul du seuil d'assujettissement.

La réforme a d'ores et déjà fait émerger plusieurs interrogations, identifiées comme autant de points de vigilance pour l'avenir. Plusieurs de nos interlocuteurs ont ainsi insisté sur le caractère potentiellement déstabilisateur pour les entreprises de la disparition programmée des accords agréés prévoyant la mise en œuvre d'un programme pluriannuel à destination des travailleurs handicapés. Les entreprises signataires de tels accords devront être étroitement accompagnées le moment venu. Du reste, nos interlocuteurs ont souhaité que soit réécrite, voire supprimée, la liste des emplois exigeant des conditions d'aptitudes particulières. Ce chantier, ouvert par la loi du 5 septembre 2018, devra être mené à son terme. Au‑delà, peut‑être faut-il engager une réflexion, comme le suggère l'Association de gestion du Fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) sur l'évolution du régime des aides versées aux employeurs qui recrutent des travailleurs en situation de handicap, afin de les rendre plus efficaces et incitatives.

En deuxième lieu, le législateur a modifié les règles relatives au cadre d'intervention des entreprises adaptées pour ancrer ces structures dans une logique plus entrepreneuriale et favoriser la mobilité de leurs salariés vers les autres entreprises. Il est trop tôt pour mesurer l'effet des transformations portées par le texte mais l'on constate d'ores et déjà que les services de l'État accordent de plus en plus d'importance à la qualité de l'accompagnement des travailleurs handicapés par les entreprises adaptées, dont les engagements sont formalisés dans les nouveaux contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Il ressort de surcroît des informations transmises par le ministère du travail que ces entreprises, une fois passé le pic de la crise sanitaire et économique, ont été de plus en plus nombreuses à recourir au dispositif expérimental du « CDD tremplin ».

En troisième et dernier lieu, le législateur a adopté un ensemble d'autres mesures pour améliorer l'insertion professionnelle et sociale des personnes en situation de handicap, en facilitant le recours au télétravail, en créant un référent handicap dans les entreprises de plus de 250 salariés et en renforçant l'accessibilité aux sites internet des organismes qui relèvent du secteur public.

L'ensemble des mesures réglementaires d'application, à l'exception d'un décret, ont vu le jour.

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Les articles consacrés au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal poursuivaient trois grands objectifs.

D'abord, adapter les exigences administratives pour certaines situations de détachement en allégeant ou en supprimant, selon les cas, les obligations qui pèsent sur les employeurs dans les situations les moins « fraudogènes ».

Ensuite, renforcer les outils de contrôle et l'efficacité des sanctions administratives contre les comportements prohibés par le droit du travail, notamment par le rehaussement du montant maximal des amendes administratives encourues par l'employeur détachant des salariés, le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage en cas de manquement à leurs obligations respectives. Nous savons que de nombreux donneurs d'ordre ou maîtres d'ouvrage ont prévu de renforcer le suivi des obligations qui leur incombent, ce que nous saluons.

Enfin, consolider l'arsenal juridique de lutte contre le travail illégal, par exemple en rendant obligatoire le prononcé de la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision de condamnation du chef de travail dissimulé lorsque l'infraction est commise en bande organisée. Ainsi, la direction générale du travail constate que les tribunaux appliquent davantage la peine complémentaire que par le passé.

Tout cela est encourageant et nous conforte dans l'idée que nous avons fait œuvre utile en adoptant ce texte de progrès. Je remercie les deux ministres du travail, Muriel Pénicaud et Élisabeth Borne, qui furent à l'écoute des parlementaires lors de l'adoption de ce texte et de son évaluation.

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Je vous félicite, au nom de mon groupe, pour votre travail d'évaluation, dont la qualité honore notre commission.

La liberté de choisir son avenir professionnel était au cœur de la promesse présidentielle de 2017 : libérer les énergies en permettant à l'économie de notre pays de s'appuyer sur un système de formation plus à même de réconcilier le projet d'épanouissement professionnel de chacun et les besoins de nos entreprises, de nos associations et de nos artisans, protéger les plus fragiles et les plus modestes d'entre nous en renforçant les droits et l'accompagnement à la formation de ceux qui en étaient le plus éloignés. Cette révolution copernicienne, portée par la majorité présidentielle et la ministre du travail de l'époque, Muriel Pénicaud, dont je salue la vision et le pragmatisme, puis par Mme Élisabeth Borne, porte ses fruits, trois ans après son adoption. Elle a ainsi contribué à la vigueur de la reprise économique de notre pays après la crise sanitaire.

Le CPF, dont les salariés, surtout les femmes, se sont emparés massivement, et le CEP, sont un succès. L'apprentissage a été développé – beaucoup en avait rêvé, nous l'avons fait ! Les 700 000 apprentis de notre pays témoignent de ce que l'apprentissage, parcours d'excellence, a toute sa place dans le système. Le développement encourageant de la mobilité européenne des apprentis est à saluer en cette année de présidence française de l'Union européenne. Enfin, une particulière attention a été portée aux personnes en situation de handicap, comme l'illustre le rôle du référent handicap dans les entreprises et les CFA.

Beaucoup reste à faire, cependant. Le rapport d'évaluation présente des pistes d'amélioration qui nécessitent, nous y sommes prêts, cinq ans de plus. L'orientation professionnelle est un élément essentiel. Trop souvent, les collégiens et les lycéens ignorent les opportunités que leur offre l'industrie alors que celle‑ci cherche les têtes et les bras nécessaires à la reconquête de notre souveraineté économique et de la transition écologique. Quelles sont vos préconisations en l'espèce ?

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La liberté de choisir son avenir professionnel : voilà une belle ambition que nous pouvons partager ensemble. Les mesures prises depuis 2017 en faveur de l'apprentissage ont porté leurs fruits, qu'il s'agisse de la simplification des aides ou de l'assouplissement du droit du travail des apprentis. Nous nous interrogeons encore sur le transfert de l'essentiel des compétences, en matière de financement et de gouvernance, des régions aux branches professionnelles. Pourtant, cette compétence des régions date des lois de décentralisation de 1982 et 1983. La réforme pose plusieurs questions. Comment les branches s'emparent-elles des politiques territorialisées en matière d'apprentissage ? Comment utilisent‑elles le levier du niveau de prise en charge financière des contrats dont elles disposent alors qu'elles sont rarement structurées à l'échelon territorial et que leur éclatement ainsi que l'extrême diversité appelleront un très fort niveau de péréquation financière, jusque‑là assuré par les régions ? Comment s'accomplit le travail de fixation des niveaux de prise en charge, du fait de la grande diversité des coûts de formation d'un CFA à l'autre ? Comment les régions gèrent‑elles la possibilité de majorer les coûts contrats ouverts par la réforme ?

Selon la logique de la réforme, les branches, sous la régulation de France compétences, ont reçu la délicate responsabilité de fixer les niveaux de prise en charge dans un équilibre de logique de marché et de prise en considération des coûts. Quel accompagnement est‑il prévu en ce sens ? Comment la restructuration des branches et la prise en compte des périmètres des opérateurs de compétences seront‑elles organisées ?

Enfin, concernant l'apprentissage, les très bons chiffres masquent un déséquilibre croissant au détriment du niveau bac et infra‑bac. L'absence de bascule des jeunes en lycée professionnel vers l'apprentissage est un problème majeur. Comment rapprocher les CFA et les lycées professionnels, alors que la notion même de carte de formation, jadis pilotée par les régions, a disparu ? De nombreux chantiers restent à ouvrir. Quelles sont vos pistes de travail ?

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Je félicite au nom de mon groupe les rapporteurs, qui ont réalisé un travail remarquable d'évaluation de cette belle loi.

Reconnaissons cette formidable réussite ! Tout d'abord, cette loi a permis de démocratiser les outils de formation professionnelle, comme l'illustre le CPF. Les chiffres en témoignent. La hausse du recours au CPF est incontestable puisque le nombre de formations suivies par son intermédiaire a quasiment doublé entre 2019 et 2020. Près de 3 % de la population active y a eu recours. Cette évolution doit se poursuivre et être encouragée, notamment pour les salariés les plus âgés car l'acquisition de nouvelles connaissances n'a pas d'âge. Le marché de l'emploi des seniors est extrêmement tendu. De surcroît, le déploiement du CPF comme solution numérique favorise la fraude. Nous devons nous saisir du problème dès maintenant avant qu'il ne gangrène le potentiel de cet outil.

Le second volet de cette réforme, l'apprentissage, est sans doute le plus abouti et le plus visible. Les chiffres sont révélateurs : le nombre de contrats en alternance est passé de 320 000 en 2018 à 660 000 aujourd'hui. L'engouement pour ces parcours professionnalisants est une bonne nouvelle. Espérons que cela perdure ! Quels secteurs d'activité restent‑ils sous‑représentés dans l'apprentissage et comment les encourager à évoluer ? D'autre part, si France compétences semble être devenue la référence en ce domaine, plusieurs difficultés sont apparues, en particulier s'agissant de sa gouvernance et de sa stabilité financière. Quelles mesures envisagez-vous de prendre ?

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Trois ans après l'adoption de la loi, la commission des affaires sociales dresse un premier bilan de ses effets. Il est éclairant.

Tout d'abord, les résultats de la réforme de la formation professionnelle ne sont pas à la hauteur des besoins. La légère augmentation du recours au CPF ne masque pas le fait qu'il ne permet au jeune de suivre, pour l'essentiel, que des cursus de courte durée, sans réelle valeur ajoutée, souvent pour des métiers peu qualifiés. Ils ne lui permettent pas de se reconvertir ou d'obtenir un diplôme. D'autre part, on constate la diminution du temps alloué à la formation professionnelle à chaque salarié et la faiblesse de l'abondement qui reste à la charge de l'employeur.

Le nombre d'entrées en apprentissage a augmenté suite à la libéralisation du secteur, qui permet aux branches professionnelles et aux entreprises de créer leur propre CFA, mais le risque est grand de voir se développer des formations au rabais. Ce succès masque une situation plus avantageuse pour les entreprises, qui bénéficient jusqu'en 2022 de primes importantes, ce qui entraîne un déficit faramineux, de l'ordre de 1 milliard d'euros, au point de déséquilibrer France compétences, sans perspective de rééquilibrage par le Gouvernement.

Qui plus est, la Cour des comptes a épinglé, en décembre, le choix du Gouvernement d'accorder des primes aux entreprises qui ont recours à des apprentis diplômés, devenus majoritaires dans le secteur, alors que les 15-17 ans, décrocheurs scolaires, cibles pourtant prioritaires, y sont moins nombreux.

Quant à la réforme de l'assurance chômage, Joël Aviragnet a parfaitement rappelé l'état de dégradation à un niveau jamais égalé des conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi. Notre groupe n'a cessé de s'opposer à l'étatisation progressive du financement de l'assurance chômage et à la perte d'autonomie des partenaires sociaux.

Le bilan de cette évaluation illustre le fossé grandissant entre les plus privilégiés et employables, principaux bénéficiaires de vos mesures, et le reste des Français, fragilisés par une libéralisation effrénée qui préfère le quantitatif au qualitatif.

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Je vous remercie pour la présentation de votre travail d'évaluation.

Au-delà des bienfaits de cette loi, que vous avez rappelés, la réforme de l'orientation, que vous considérez comme limitée, a appelé mon attention. En effet, il est de plus en plus fréquent que les étudiants échouent en première année de faculté, conséquence d'une mauvaise orientation à l'issue du secondaire. Au sein même de ma circonscription, je ne compte plus les témoignages d'employeurs qui peinent à trouver des jeunes à embaucher, rares étant ceux qui ont choisi une carrière plus technique. Notre conception du travail est en jeu. Nous souhaitons que notre société soit bâtie autour de cette valeur, en valorisant des débouchés pourvoyeurs d'emplois, facteurs d'épanouissement. Il est impératif de ne pas former une société à double vitesse, une partie de nos concitoyens restant en dehors de l'emploi, sans perspective d'embauche, et une autre plus insérée dans le modèle économique.

Je crois à la valeur intégrative du travail et à sa capacité à construire une société du vivre ensemble. Ainsi, l'article 14 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé les troisièmes « prépa‑métiers », qui visent à préparer l'orientation des élèves, en particulier vers la voie professionnelle et l'apprentissage, et leur permet de poursuivre l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Quel bilan tirez-vous de ce dispositif ? A‑t‑il eu des effets sur l'orientation vers la filière professionnelle ? De même, que pensez-vous de l'opportunité d'établir une troisième professionnelle qui permettrait d'obtenir un diplôme professionnel dès la troisième ?

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Je remercie les rapporteurs, qui nous présentent une évaluation complète de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Concernant le financement de l'apprentissage, cette réforme assouplit les conditions de création des CFA. Ainsi, dans les Hauts‑de‑France, cinquante centres ont été créés sur cent vingt‑cinq existants, ce qui a permis de libérer l'offre de formation. Désormais, le financement des centres de formation est proportionnel au nombre d'apprentis formés – le coût‑contrat. Cependant, ce coût‑contrat ne prend pas en charge l'ensemble des dépenses des CFA. En effet, les dépenses d'investissement non liées à des activités pédagogiques, amortissables en trois ans, n'entrent pas dans le calcul des niveaux de prise en charge. Dans quelques années, le modèle économique des petits CFA pourrait ne plus être viable. De surcroît, je regrette que les régions ne pilotent plus la carte des CFA alors qu'elles sont les plus à même de connaître les besoins des territoires. À terme, le risque est grand que la formation soit dispensée par des organismes dont la rentabilité serait la seule motivation, et non la qualité. Dans les secteurs en tension, notamment les métiers de bouche, les entreprises pourraient en arriver à former elles-mêmes leurs salariés, sur leur lieu de travail. Le salarié n'aurait, dès lors, ni diplôme, ni qualification.

Les résultats de l'apprentissage sont encourageants mais nous devons nous inscrire dans la durée pour un travail de qualité.

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Je remercie les rapporteurs pour ce travail qui a le mérite de refléter l'avis de la majorité et de l'opposition.

Concernant l'embauche des personnes en reconversion professionnelle, j'ai reçu à ma permanence, à la fin de l'année dernière, une cheffe d'entreprise qui déplorait le manque d'aides à l'embauche pour recruter des personnes entre 30 et 50 ans, en reconversion professionnelle. Qu'en pensez‑vous ?

S'agissant, d'autre part, de la portée de la crise sanitaire sur la formation professionnelle, seulement 6 % des entreprises du secteur privé de plus de dix salariés ont accédé à la formation grâce à l'aide à la formation du Fonds national de l'emploi, FNE‑formation. Pourtant, le dispositif de chômage partiel, instauré par le Gouvernement, devait permettre aux entreprises d'affronter la réduction de l'activité en réduisant le temps de travail, tout en les formant durant les heures non travaillées, grâce à cette aide. Pourquoi ce dispositif a‑t‑il été si peu utilisé ?

Quant à l'apprentissage, vous dressez un bilan quantitatif plutôt favorable de la réforme mais, pour ce qui est de la qualité, vous relevez quelques points à améliorer, notamment les relations entre les différents acteurs de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Pourriez-vous nous préciser les liens entre les CFA et les OPCO ?

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Je salue le travail réalisé et le principe même de l'évaluation. Je remercie la présidente de l'avoir inscrit à notre ordre du jour, pourtant très chargé.

Les mesures que nous avons prises en faveur de la jeunesse portent leurs fruits. La réforme de l'alternance, en simplifiant les démarches et en transformant le mode de financement, a permis de doubler le nombre d'entrées en apprentissage en trois ans. Les CFA restent des infrastructures attractives qui forment notre jeunesse, malgré la menace de fermeture qui pèse sur certains centres.

Le CPF, transformé en 2018, est largement utilisé aujourd'hui. Cependant, des questions se posent quant à ses modalités d'utilisation. Quelles mesures peuvent être prises pour favoriser son développement et faciliter son application ?

Enfin, nous avons tous reçu des appels intempestifs et des messages parfois frauduleux à propos du CPF, ce qui altère la réussite de ce dispositif. Des plaintes ont été déposées contre trente‑cinq organismes Une réponse législative serait nécessaire. Si celle‑ci n'a pas pu aboutir lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale au Sénat, comment pourrions-nous résoudre ce problème ?

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L'apprentissage progresse et les entreprises qui accueillent des apprentis se diversifient. Dans les Deux‑Sèvres, le nombre d'inscrits a augmenté de 7 % en apprentissage et de 44 % en maison familiale rurale dans le Poitou. Pourtant, l'apprentissage souffre encore du discours stigmatisant véhiculé dans nos écoles. Ces filières de formation sont encore trop souvent perçues comme des voies réservées aux élèves en échec scolaire. Il n'en est rien. Au contraire, elles délivrent une formation d'excellence. Nous devons franchir une nouvelle étape pour présenter à nos jeunes, en toute transparence, l'ensemble des métiers et les débouchés qu'ils offrent.

Ne serait‑il pas souhaitable de présenter, dès la troisième, l'ensemble des formations professionnalisantes en apprentissage ? Il faudrait également ouvrir les portes de nos écoles pour que les entreprises viennent y expliquer leur spécialité. Les classes de troisième prépa-métiers prévoient trois heures d'initiation à la professionnalisation. Il conviendrait d'étendre cette mesure à toutes les classes de troisième.

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Je vous remercie pour la richesse de votre travail, qui nous permet de mieux comprendre l'intérêt de la réforme de la formation professionnelle, qui était très critiquée pour sa complexité, voire son opacité. Une réforme était nécessaire.

Votre rapport met en évidence le rôle de France compétences, qui est le nœud gordien de la réforme du système de gouvernance de la formation. Il met en avant les atouts de cette structure qui rassemble ce qui était épars. Cet acteur s'est immédiatement imposé. Vous n'éludez pas les critiques, ce qui est important si l'on veut progresser.

France compétences décide des formations qu'elle intègre dans ses fichiers et qui ouvrent aux entreprises le droit de recevoir une aide. Le dispositif a été clarifié mais le système centralisé est encore lourd. Les entreprises essaient de sortir de la crise et ont besoin d'accéder rapidement aux formations. Or, le calendrier administratif ne suit pas les besoins des entreprises et des salariés. Ainsi, si l'intitulé d'une formation délivrée par l'éducation nationale change, le système peut bloquer et l'entreprise se voit refuser le soutien alors que le contenu n'aura pas changé. Parfois, le refus de la validation peut décourager le salarié qui renonce à la formation. Comment France compétences pourrait‑elle élargir les critères d'acceptation des formations demandées par les branches, notamment pour accélérer la réactivité des entreprises et des salariés ?

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Je m'associe aux félicitations de Mme Vidal pour le temps consacré par notre commission à l'évaluation, qui constitue à me yeux l'une des missions fondamentales de l'Assemblée nationale.

L'apprentissage reste souvent perçu par le système éducatif comme une solution par défaut et non une voie d'excellence. En témoigne l'exemple dans ma circonscription d'une jeune fille, très bonne élève, que la communauté éducative a cherché à dissuader de s'orienter vers la pâtisserie qui la passionne. Heureusement, ses parents l'ont soutenue dans cette voie. Quels sont les leviers pour faire évoluer nos représentations dans ce domaine ? La loi a‑t‑elle offert aux jeunes en difficulté de nouvelles perspectives ?

Comment expliquer les difficultés des petites et moyennes entreprises en matière d'égalité entre femmes et hommes ? Est-ce lié au coût ?

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La monétisation du CPF a permis une formidable démocratisation des droits à la formation puisque le nombre d'utilisateurs est passé de 600 000 en 2019 à 3 millions en 2021 – c'est une véritable réussite.

Néanmoins, ce sont les années de travail qui ouvrent les droits à la formation. Cela exclut les jeunes qui entrent sur le marché du travail alors qu'ils sont éloignés de l'emploi ainsi que nos concitoyens qui n'ont pas suffisamment travaillé pour générer des droits.

Pour pallier cette difficulté, il suffirait de permettre aux titulaires du CPF de transférer tout ou partie de leurs droits – c'est le sens de la proposition de loi déposée par Jean-Christophe Lagarde visant à répondre aux besoins en formation des personnes actives par le don de droits acquis sur leur CPF. Aujourd'hui, un parent titulaire d'un CPF qu'il n'utilise pas ne peut pas financer le permis de conduire de son enfant. Quel est votre avis sur le transfert des droits du CPF ?

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Pour nombre d'organismes de formation, le CPF est la poule aux œufs d'or, ce qui occasionne des abus, parfois avec la complicité des entreprises. J'ai l'exemple d'une entreprise dans le Nord qui a incité ses salariés à solder leur CPF pour participer à une formation assez bas de gamme en échange d'une prime de 800 euros. Quels sont les moyens pour lutter contre de telles fraudes ? La qualité des contenus des formations est-elle évaluée ?

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J'ai dressé le bilan de la loi dans ma circonscription avec les différents acteurs du territoire. Parmi les constats et propositions qui en sont ressortis, je retiendrai le manque de structuration des OPCO.

Les contraintes administratives sont exponentielles. Si les CFA veulent maintenir un outil performant avec des technologies à la pointe, en adéquation avec les besoins des entreprises, les budgets disponibles risquent d'être rapidement insuffisants. La région dispose d'une enveloppe mais les OPCO devraient aussi investir sans quoi la qualité des formations en souffrira. Quelles sont vos idées en la matière ?

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L'évaluation met en évidence la réussite de la réforme de l'apprentissage que certaines régions avaient vivement critiqué à l'époque.

Le département du Loiret enregistrait 3 753 contrats d'apprentissage en 2017 contre 5 408 en 2021. Derrière ces chiffres, ce sont près de 2 000 jeunes supplémentaires qui ont bénéficié d'une formation débouchant sur un emploi.

Les acteurs semblent satisfaits d'une réforme qui profite notamment à l'emploi des jeunes. Comment selon vous les coûts contrat peuvent-ils évoluer en fonction des besoins ?

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Je remercie les rapporteurs du titre II d'avoir mentionné mes travaux sur l'allocation chômage des travailleurs indépendants dans le contexte de la crise de la covid‑19.

Ma question porte sur l'offre raisonnable d'emploi (ORE). Les conséquences d'un refus à deux reprises d'une telle offre sont au cœur de la réforme de l'assurance chômage voulue par le Président de la République. Face au constat récurrent de centaines de milliers d'emplois non pourvus, j'ai personnellement cherché à mesurer la réalité des refus d'ORE auprès de mes interlocuteurs de Pôle emploi dans le Val‑d'Oise. Il m'a été confirmé ce que Pôle emploi indique dans votre rapport : « en dépit de la réforme, la caractérisation de l'offre raisonnable d'emploi reste difficile à réaliser pour les conseillers, les offres correspondant rarement aux critères fixés dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE) ». Cela pose la question de la corrélation entre la réalité du marché local du travail, et, à défaut d'offre adaptée, de la formation et de la mobilité nécessaires pour répondre aux offres d'emploi disponibles.

Que pensez-vous du fait qu'une notion inscrite dans la loi est jugée inopérante par les conseillers de Pôle emploi ?

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L'évaluation conclut au succès global de la réforme ambitieuse de la formation et de l'apprentissage. Il ne faut pas bouder notre plaisir mais les bons résultats doivent aussi nous inciter à accentuer nos efforts, notamment en matière d'orientation. Il reste beaucoup à faire avec l'éducation nationale, Guillaume Chiche l'a dit excellemment.

Selon le rapport, l'équilibre financier du système n'est pas garanti à court et moyen terme du fait d'un manque de corrélation entre les dépenses et les recettes de France compétences créant un effet de ciseau. Dans le rapport, vous évoquez les propositions de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires sociales et à l'Inspection générale des finances sur les conséquences financières de la réforme sans les reprendre toutes.

Avez-vous identifié des sources de financement nouvelles et dynamiques, y compris fiscales, pour assurer l'équilibre sans remettre en cause l'esprit de la réforme ?

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Certains d'entre nous ont vécu leur troisième réforme de la formation professionnelle. Tous les gouvernements s'y sont essayés, mais seule la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a obtenu les résultats espérés de tous.

Reste néanmoins un point noir : l'orientation. Avez‑vous pu évaluer la politique des régions dans ce domaine qui relève désormais de leur compétence ?

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Le nombre de formations en apprentissage a fortement augmenté mais il s'agit principalement de formations post‑bac dans le secteur tertiaire, plus rémunératrices mais qui ne correspondent pas vraiment aux besoins des entreprises. Les formations CAP dont les entreprises ont besoin risquent de ne plus attirer les jeunes. Pourtant les métiers de bouche et les industries peinent à recruter.

Il faut absolument travailler conjointement avec l'éducation nationale sur l'orientation en classe de quatrième.

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L'évaluation est certes une obligation constitutionnelle mais pour moi, à l'instar de Mmes Tamarelle‑Verhaeghe et Vidal, elle est surtout au cœur de notre rôle de député. La démarche me paraît plus intéressante que celle du rapport d'application, qui se borne à vérifier la parution des décrets et pour lequel on ne dispose pas de trois ans de recul. Il est essentiel de s'assurer que les objectifs politiques d'une loi sont atteints. J'espère que nous poursuivrons dans cette voie.

Je remercie nos collègues – Thierry Michels, Monique Limon, Christine Cloarec‑Le Nabour, Fadila Khattabi, j'en oublie – qui par leur évaluation sur le terrain, fondée sur des exemples concrets, ont contribué à nourrir le rapport d'évaluation. C'est un processus précieux.

Nombre d'entre vous ont évoqué à juste titre l'orientation professionnelle, qui continue d'être une préoccupation. Il est difficile pour les jeunes de savoir quels métiers existent et quelles perspectives ils offrent. La réforme a apporté des évolutions : il a été décidé de confier l'orientation aux régions qui connaissent le bassin d'emplois et le tissu économique mais aussi de faciliter les liens entre l'éducation nationale et les entreprises. Pour l'instant, les changements ne sont guère visibles, même si certaines régions ont créé des comités régionaux d'orientation Peut-être la crise sanitaire n'a-t-elle pas été propice aux échanges entre les élèves et l'entreprise ainsi qu'aux découvertes sur le terrain, mais le système reste indéniablement trop cloisonné. Il nous reste du chemin à parcourir.

Nous manquons un peu de recul mais les classes prépas‑métiers, remplaçant les anciens dispositifs d'initiation aux métiers en alternance qui avaient pris fin, vont dans le bon sens. Il en existe neuf cents sur l'ensemble du territoire qui accueillent entre quinze et vingt-quatre élèves. Il faut continuer à les développer.

Monsieur Perrut, comme d'autres, vous soulignez l'hétérogénéité des progrès en matière d'apprentissage selon les niveaux – infra‑bac, bac, ou supérieur. Quel que soit le niveau, nous observons une augmentation des entrées en apprentissage. Pour le niveau infra‑bac, le nombre d'entrées a progressé de 36 % en 2019 et de 27 % en 2020 ; pour le niveau bac, la hausse est de 19 % en 2019 et 16 % en 2020. L'augmentation est réelle mais elle est moindre que dans le supérieur ; la dynamique de l'apprentissage concerne tous les niveaux même si l'enseignement supérieur en est la locomotive. En reconnaissant l'excellence de l'apprentissage, celui‑ci contribue à atténuer la stigmatisation dont cette voie continue d'être victime selon plusieurs d'entre vous.

Madame Goulet, vous avez souligné l'agressivité commerciale auxquels tous les Français ont été confrontés de la part d'organismes de formation qui cherchent à profiter de la manne du CPF. Les Français n'ont pas à subir de telles nuisances et le CPF doit servir à financer des formations utiles pour notre pays et pertinentes pour son titulaire. Le rapport recommande l'interdiction des démarchages commerciaux agressifs. La Caisse des dépôts et consignations travaille déjà sur le sujet. Il faut également mieux informer les citoyens sur les modalités de signalement des abus – Mme Parmentier-Lecocq faisait état presque d'extorsion – ainsi que sur les possibilités de remboursement. Si elle est avertie par un signalement, la CDC peut porter plainte et rembourser les personnes abusées.

Dans le même ordre d'idées, le contrôle de la qualité des centres de formation est indispensable. L'évaluation a mis en lumière le fonctionnement satisfaisant du système. Le label Qualiopi a été salué par l'ensemble des acteurs que nous avons auditionnés, les indicateurs évalués étant jugés pertinents.

Il reste donc à sanctionner les responsables d'abus ou de fraudes, qui peuvent être de nature très différente – il s'agit le plus souvent d'agressivité commerciale, les fraudes plus graves sont bien plus rares.

Madame Biémouret, selon vous, la formation ne s'adresse pas aux plus vulnérables mais l'évaluation vous donne tort : la mutualisation des fonds pour financer le plan de développement des compétences est fléchée vers les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ont jusqu'à présent très peu investi dans la formation. Les moyens mutualisés sont concentrés là où l'accès à la formation est le plus difficile.

Le plan d'investissement dans les compétences a permis à un million de personnes de suivre une formation longue et qualifiante, à comparer aux 50 000 bénéficiaires des parcours de reconversion. On ne peut donc pas nous faire ce procès-là.

J'ai déjà répondu, monsieur Christophe, en ce qui concerne les prépa‑métiers.

S'agissant de l'orientation, la réforme de l'apprentissage a vu, avec la libéralisation de l'offre, la mise en place d'un système d'indicateurs permettant de montrer la performance des formations, comme l'intégration professionnelle à la sortie, la rupture – ou non – des contrats pendant les formations et l'accompagnement, par les CFA, des apprenants en cas de rupture, pour leur trouver une autre entreprise. Tous ces indicateurs, qui assurent la transparence et l'information des usagers, vont permettre de réguler le système. En effet, on peut penser que les formations de piètre qualité seront peu utilisées, contrairement à celles qui ont de belles performances. C'est aussi la philosophie de la loi. Au bout de seulement trois ans, et en raison aussi de la crise sanitaire, on manque parfois un peu de recul, mais ces dynamiques existent sur le plan structurel. Nous avons pu nous assurer que ces instruments de régulation sont bien présents et fonctionnent.

Les CFA peuvent-ils suffisamment investir à long terme ? La question est souvent revenue lors de nos auditions, madame Six. Les régions ont des enveloppes d'environ 200 millions d'euros pour les investissements de long terme dans les projets des CFA et les OPCO peuvent également participer. Plusieurs acteurs nous ont demandés s'ils pouvaient utiliser leurs réserves, leurs propres moyens. C'est une préconisation que nous faisons, Gérard Cherpion et moi, et nous avons le sentiment que cela ne devrait pas poser trop de difficultés. Il nous semble aussi que les possibilités d'investissement à long terme ne sont pas mises à mal.

Concernant la carte des CFA, beaucoup d'acteurs nous ont dit que le système était désormais beaucoup plus fluide et beaucoup plus souple. Des formations qui mettaient auparavant dix‑huit mois à voir le jour sont créées en six mois. On a gagné en réactivité. Quant à la territorialisation de l'offre, aucun CFA n'a fermé à ce jour et les nouveaux centres sont répartis d'une manière assez équilibrée sur l'ensemble du territoire. La crainte qui était un peu exprimée par les régions avant la réforme est largement contredite par les faits. Il n'y a pas de désertification dans certains territoires au profit d'autres. Je redis aussi que les régions peuvent investir dans des projets partagés avec les CFA et les OPCO pour structurer les territoires.

Madame Dubié, 333 millions d'euros supplémentaires ont été investis en 2020 dans le cadre du FNE, dont 40 % au bénéfice des entreprises de moins de cinquante salariés selon la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle.

Que faire, nous a demandé Mme Vidal, pour favoriser le développement du CPF ? Comme je l'ai dit, il faut développer bien davantage le CEP. C'est une pépite qui n'est malheureusement pas bien connue. Ce dispositif a donc du mal à monter en puissance, mais les salariés y adhérent énormément quand ils en ont entendu parler, car il répond à leurs besoins. Il faut faire connaître, dans nos territoires, cette prestation gratuite de conseil, dispensée à volonté, qui est vraiment complémentaire du CPF. Cela fait également partie de nos préconisations.

Le co‑investissement est un outil utile, dont j'ai déjà parlé. Si une entreprise veut investir dans la formation de ses salariés, elle pourra notamment présenter dans le cadre des entretiens professionnels les opportunités offertes par certaines formations pour le développement des carrières et ses axes stratégiques pour l'avenir. Il me semble que c'est vraiment une démarche gagnant‑gagnant dans laquelle l'entreprise partage avec ses salariés, d'une certaine manière, sa vision pour la suite. Cela ne peut qu'être positif pour le choix des formations par les salariés, et c'est également susceptible d'amener les entreprises et les branches à adopter une vision plus stratégique de la formation. Avant la réforme, beaucoup trop d'entreprises considéraient la formation comme un coût et non, comme nous le souhaitons, un investissement.

Le co‑investissement contribue à la dynamique qui a commencé à se développer. Certains OPCO se sont saisis des possibilités offertes. OCAPIAT, par exemple, a mis en place des co‑abondements dans le secteur alimentaire pour des formations qui vont dans le sens de la stratégie de moyen terme définie dans ce secteur. Il faut maintenant rendre les co‑abondements beaucoup plus simples en ce qui concerne les process et les systèmes d'information : c'est une de nos recommandations. Tout est quasi automatique pour l'employeur en cas d'achat d'une formation destinée à un salarié, mais c'est plus compliqué dans le cadre d'un accord avec un OPCO pour certaines formations spécifiques.

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L'évaluation est importante ; c'est même une obligation. Elle est fondée sur des retours d'expérience, venant du terrain, grâce à nos collègues et à toutes les personnes et les structures que nous avons auditionnées – je tiens à les remercier.

L'orientation est depuis toujours le point faible de notre système de notre formation, y compris initiale. Depuis le nouveau partage, les choses fonctionnent plutôt bien dans certaines régions, mais le démarrage est un peu plus lent ailleurs.

Il y avait cent vingt OPCA – organismes paritaires collecteurs agréés – en 2011. On est passé à une vingtaine d'OPCA, puis à onze OPCO : une restructuration extrêmement forte a donc eu lieu. Si on en était au même niveau dans le cadre des branches, il y aurait plus de perméabilité dans le système. En tout cas, on va dans le bon sens et je pense qu'il y aura un lissage au fil du temps.

Les liens entre les CFA et les OPCO sont globalement bons. Il peut y avoir des problèmes liés à des lenteurs en matière de financement, mais la situation paraît s'améliorer à mesure que le système évolue.

Concernant l'apprentissage, on constate un tassement au niveau infra‑bac, alors qu'il y a des besoins du côté des entreprises et chez les jeunes. Certains – j'en connais dans la papeterie – démarrent par un certificat d'aptitude professionnelle et font ensuite une école d'ingénieur. Un graphique figurant dans le rapport peut être lu de diverses manières : il montre que l'augmentation est plus importante au niveau post‑bac mais il fait aussi apparaître un lissage.

Il faut développer les parcours. Une des questions qui se posent concerne les financements, qui sont lourds, au niveau post‑bac. Doivent‑ils être intégralement supportés par le système de l'apprentissage ou faut-il, comme pour l'enseignement supérieur, un financement venant du budget de l'État ?

Cela m'amène au déficit de France compétences. Il est élevé, mais il faut se rappeler que l'esprit de la loi était de travailler à guichet ouvert en matière d'apprentissage. Le déficit est lié au succès de l'apprentissage. On doit réfléchir à cette question en pensant, je l'ai dit, à la question des sources de financement.

S'agissant du CPF, on va vers davantage de qualité. Néanmoins, certaines utilisations du dispositif rappellent une autre époque, où les fonds destinés à la formation n'étaient pas nécessairement très bien employés – personne n'a oublié les formations macramé... La question de l'abondement et celle de la coconstruction avec les entreprises, en évitant certains débordements, prennent une importance croissante.

Les régions jouent un rôle significatif dans les formations, non seulement pour celles qui sont rares mais aussi en ce qui concerne la gestion des lycées professionnels, en particulier les ouvertures de classes. C'est important pour les équilibres territoriaux. Il existe une complémentarité entre les lycées professionnels et l'apprentissage, avec des passerelles entre les deux.

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Le titre II étant beaucoup plus court, les réponses le seront aussi, tout en étant peut-être plus politiques.

S'agissant des ORE, notre position est très claire : il y a des droits et des devoirs. Je rappelle que cette notion d'ORE a été introduite par la loi de 2008, avec des limites. Tout repose sur des échanges éclairés et une relation de confiance entre le demandeur d'emploi et son conseiller référent. Il me semble que c'est la bonne approche. Y a‑t‑il des abus ? C'est au conseiller référent de l'évaluer. La loi permet-elle de dire strictement si, dans tel ou tel cas, une offre raisonnable a été refusée ou non ? Cela me semble compliqué. Il faut en rester à la relation de confiance que j'ai évoquée et à l'idée qu'il y a des droits et des devoirs. Nous connaissons tous des cas où le système ne fonctionne pas parfaitement, mais l'évaluation est très difficile en la matière, Pôle emploi l'a rappelé.

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Je suis tout à fait d'accord. Les deux principales questions qui se posent sont d'abord celle de la formation et ensuite celle du niveau de rémunération : c'est surtout ce qui empêche la correspondance entre les offres d'emploi et les demandes. En matière de formation, il y a un problème avec le CPF. Il devrait permettre aux gens de s'adapter aux besoins. S'agissant de la rémunération, deux éléments me sont remontés. Dans les zones rurales, il faut que les déplacements puissent être couverts financièrement. 50 kilomètres de déplacement par jour – c'est très fréquent à la campagne –, cela coûte 120 euros par mois compte tenu du prix des carburants. On imagine bien l'incidence sur les petits salaires. Par ailleurs, la question de l'emploi du conjoint peut se poser. Voilà essentiellement ce qui est susceptible de bloquer. Il faut regarder dans le détail ce que sont les difficultés. Certaines d'entre elles me paraissent un peu incontournables.

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L'avis de nos deux rapporteurs n'est pas divergent, cette fois-ci.

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S'agissant du calcul de l'index de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, madame Tamarelle-Verhaeghe, nous soulignons dans le rapport les difficultés des petites entreprises. Plus de 60 % de celles qui comptent entre 50 et 99 salariés rencontrent des difficultés en la matière. Par ailleurs, il est plus difficile pour elles de mettre en place des mesures correctives, notamment en raison de leur moindre turnover, de leur implantation et de leurs capacités réduites concernant les politiques de ressources humaines – elles n'ont d'ailleurs pas de service spécifique dans ce domaine. Cela vaut aussi pour l'établissement du document unique d'évaluation des risques professionnels et pour d'autres obligations.

S'agissant de l'OETH, on ne peut pas dire que la hausse du nombre d'entreprises assujetties soit synonyme de hausse du taux d'emploi des travailleurs handicapés..

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Thierry Michels a évoqué les référents handicap. Ils ont effectivement un rôle clef, qui est très bien perçu, quand ils existent, par les travailleurs handicapés au sein des entreprises. Il y a toutefois un déficit de visibilité. Le fait que cette mission est souvent mélangée avec d'autres peut nuire à la pleine reconnaissance de ces référents. Avoir des référents spécifiques, quand c'est possible, et mieux formés serait positif. L'AGEFIPH a développé tout un volet de formation pour ces référents, ce qui est essentiel. Selon les derniers chiffres, il existe 1 300 référents handicap. Nous espérons que leur nombre pourra augmenter, notamment lorsque la déclaration de l'OETH pourra se faire via la DSN, et que l'on s'acheminera vers une généralisation du dispositif dans les entreprises de plus de 250 salariés.

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Je remercie et félicite l'ensemble de nos rapporteurs pour leur travail, excellent et transpartisan. Le groupe La République en Marche a proposé d'inscrire à l'ordre du jour de la séance du mardi 1er février un débat sur le présent rapport d'évaluation. Nous aurons donc l'occasion de revenir sur ces sujets qui nous préoccupent tant, en particulier l'emploi et l'insertion des publics les plus vulnérables et des jeunes : nous ne pouvons que nous réjouir de cette belle initiative. Merci à tous pour votre mobilisation concernant l'emploi et l'investissement dans les ressources humaines, qui constituent des priorités pour nos concitoyens.

En application de l'article 145‑7, alinéa 3, du Règlement, la commission autorise la publication du rapport d'évaluation.

La séance est levée à onze heures vingt-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 19 janvier 2022 à 9 heures 30

Présents. – M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, M. Thibault Bazin, M. Belkhir Belhaddad, Mme Gisèle Biémouret, Mme Marine Brenier, M. Philippe Chalumeau, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, M. Dominique Da Silva, Mme Cécile Delpirou, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Audrey Dufeu, Mme Catherine Fabre, M. Guillaume Garot, Mme Perrine Goulet, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Myriane Houplain, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac‑Sibille, Mme Fadila Khattabi, Mme Geneviève Levy, Mme Monique Limon, M. Sylvain Maillard, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Bernard Perrut, M. Alain Ramadier, Mme Stéphanie Rist, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Mireille Robert, Mme Nicole Sanquer, Mme Valérie Six, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry, Mme Hélène Zannier

Excusés. – Mme Justine Benin, Mme Caroline Fiat, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Véronique Hammerer, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Bénédicte Pételle, Mme Claire Pitollat, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Nicolas Turquois