Commission des affaires étrangères

Réunion du mercredi 19 janvier 2022 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 9 h 05

Présidence de Mme Isabelle Rauch, vice-présidente.

Examen, ouvert à la presse, du projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne (n° 4789)

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Je salue la présence parmi nous de Stéphane Vojetta, qui a pris la succession de Samantha Cazebonne en tant que député représentant les Français établis en Espagne, au Portugal et à Monaco.

Nous allons examiner le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à la nationalité entre la France et l'Espagne, sur le rapport de Rodrigue Kokouendo.

Ce projet de loi est politiquement et socialement très important, en raison de la charge historique et humaine qu'il porte. Au travers du dispositif simple et concis de la convention dont le Gouvernement nous demande d'autoriser la ratification résonnent l'histoire et les souffrances des près d'un demi-million de réfugiés espagnols venus en France de 1936 à 1939. Comment ne pas avoir une pensée pour ces exilés dont le retour fut impossible après la guerre, faute d'amnistie pourtant promise par Franco aux Républicains espagnols ? Ce projet de loi apporte une réparation civile et morale aux réfugiés que la France a si mal traités à leur arrivée, et à leurs descendants qui ont tant apporté à notre pays depuis quatre-vingts ans.

Pouvoir retrouver la nationalité espagnole de ses parents, partis en exil au moment de la Retirada afin de fuir la répression franquiste, est un geste fort de réconciliation et de réparation que le Gouvernement espagnol de Pedro Sánchez a accepté de faire pour témoigner de l'importance de la relation politique, diplomatique et culturelle entre nos deux pays. Une délégation de notre commission s'est rendue à Madrid les 13 et 14 décembre derniers, et nous pouvons témoigner que, depuis le sommet de Montauban du 15 mars 2021 entre Emmanuel Macron et Pedro Sánchez, nos deux pays tissent, comme avec l'Italie, de nouveaux liens de coopération profonds et étendus.

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La convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne a été signée à Montauban le 15 mars 2021 par le Président de la République française et le Président du gouvernement espagnol, lors de la 26e édition du sommet franco-espagnol. Ouvrant la possibilité d'obtenir la double nationalité, française et espagnole, cette convention consacre l'importance des liens historiques, politiques, et humains entre la France et l'Espagne. Elle permettra aux 150 000 Français vivant en Espagne et aux 190 000 Espagnols vivant en France de vivre pleinement leur appartenance aux deux pays et de faire émerger des générations de citoyens pleinement franco-espagnols.

Le texte marque une étape importante dans le renforcement des relations franco-espagnoles. Il affirme la contribution significative de l'immigration espagnole à la société française – et réciproquement – et contribue au renforcement du sentiment d'appartenance européen, un des principaux axes de l'actuelle présidence française de l'Union européenne.

Enfin, en faisant de la France le premier pays non hispanophone ou lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord de double nationalité, la présente convention revêt une importance hautement symbolique. De façon également symbolique, les centaines de milliers de Français nés de parents espagnols naturalisés français sont aussi touchés par cette signature, qui vient renforcer leurs liens avec le pays de leurs racines familiales. C'est une manière pour la France de témoigner sa reconnaissance particulière aux Républicains espagnols, qui se sont joints à la Résistance afin de permettre à notre pays de rester libre.

Le dispositif de la convention est simple : désormais, les Espagnols pourront acquérir la nationalité française sans perdre leur nationalité d'origine. Réciproquement, les Français n'auront plus à déclarer qu'ils renoncent à la nationalité française pour obtenir la nationalité espagnole.

La convention met fin à l'asymétrie juridique entre la France et l'Espagne. Si la France n'a pas toujours été favorable à la plurinationalité, elle l'accepte désormais sans condition, au point d'avoir dénoncé, le 3 mars 2008, le chapitre Ier de la convention du Conseil de l'Europe sur la réduction des cas de pluralité de nationalités signée à Strasbourg le 6 mai 1963, prévoyant un mécanisme de perte automatique de la nationalité d'origine en cas d'acquisition volontaire de la nationalité d'un autre État contractant.

De son côté, si l'Espagne reconnaît la double nationalité dans sa Constitution, elle la réserve, par voie de traités, aux pays avec lesquels elle entretient des relations privilégiées. En dehors de tels accords, l'acceptation de la double nationalité demeure très limitée et l'acquisition d'une nationalité étrangère conduit en principe à la perte de la nationalité espagnole. De même, la renonciation à la nationalité d'origine est en principe exigée pour l'acquisition de la nationalité espagnole.

C'est dans ce contexte qu'est intervenue, à l'initiative de l'Espagne, la négociation de la convention relative à la nationalité entre la République française et le Royaume d'Espagne, qui vise – le geste est fort – à mettre fin à l'asymétrie juridique susmentionnée et à affermir les liens humains entre nos deux peuples. Cette convention s'inscrit en outre dans un contexte de renforcement de la coopération bilatérale et d'affirmation d'ambitions communes sur le plan européen.

Lors de la 26e édition du sommet franco-espagnol, le Président de la République a annoncé deux projets d'avenir pour la relation franco-espagnole, témoignant de la qualité de la relation de confiance entre les deux pays : une stratégie transfrontalière globale et le lancement de consultations pour un futur traité de coopération bilatérale franco-espagnole.

L'intensité des échanges humains, économiques et commerciaux entre la France et l'Espagne justifie que la relation entre les deux pays soit structurée par un traité de coopération bilatérale inédit. En visite officielle en Espagne le 10 décembre 2021, le Premier ministre, Jean Castex, a indiqué au Président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, que la France souhaite que ce traité ait le même niveau d'ambition que le traité de coopération renforcée du Quirinal, accord bilatéral signé par la France et l'Italie le 26 novembre 2021.

Cette convention s'inscrit également dans un contexte consensuel s'agissant des priorités défendues par la France au niveau européen, notamment sur la relance, l'innovation et les coopérations industrielles, ainsi que la protection des frontières et les migrations. Dans un climat de confiance très constructif, cette convergence de vues fait de l'Espagne un pilier de l'alliance que notre pays souhaite consolider avec ses voisins méditerranéens. À la faveur de ces considérations, je vous propose d'adopter le présent projet de loi.

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L'accord bilatéral signé de 15 mars dernier lors du sommet de Montauban entre Emmanuel Macron et Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol, annonce enfin la pleine reconnaissance de la double nationalité franco-espagnole. Cette convention, comme l'a dit Emmanuel Macron au moment de sa signature, ouvre la possibilité aux ressortissants des deux pays d'acquérir la nationalité de l'autre État et facilitera la vie quotidienne de milliers de personnes, qui pourront vivre pleinement leur appartenance aux deux pays.

Cette convention permettra d'installer une réciprocité qui n'est que justice, car si la France n'exige pas qu'un Espagnol devenu français renonce à sa nationalité d'origine, l'Espagne demande aux Français naturalisés de renoncer à la leur, conformément à la convention précitée du Conseil de l'Europe. Même si cet engagement est rarement suivi d'effet, il est moralement difficile pour nos compatriotes d'envisager de ne pas le respecter…

Désormais, tous les Français éligibles à la nationalité espagnole selon les règles en vigueur pourront bénéficier de cette dernière sans renoncer à leur nationalité française. La double nationalité présente certains avantages pratiques. L'avantage est tout d'abord administratif puisque les Français résidant en Espagne, nationalisés espagnols, pourront désormais obtenir un documento nacional de identidad (DNI) en lieu et place du número de identificación de extranjero (NIE), numéro d'identification d'étranger aux démarches administratives parfois complexes.

Cette reconnaissance permettra également d'éviter certains différends fiscaux. Jusqu'à présent, considérant les Français naturalisés comme des Espagnols, l'Espagne pouvait en théorie leur retirer le bénéfice de la protection contre la double imposition qu'offre la convention fiscale bilatérale franco-espagnole aux citoyens français résidant en Espagne.

Enfin, l'obtention de la nationalité espagnole conférera aux néocitoyens espagnols que nous serons le droit de vote aux élections régionales et nationales en Espagne.

J'ai dit « nous » car je suis concerné. Suite aux annonces de Montauban, j'ai décidé de demander la nationalité espagnole, non seulement pour tester le nouveau dispositif mais aussi parce que je suis avant tout européen. Même si l'Italie résonne dans mon nom de famille, même si je reste français, c'est l'Espagne que j'ai adoptée et où je vis depuis dix-huit ans. C'est en Espagne que mes enfants sont nés et où je suis élu. Dans notre consulat de Madrid, j'ai participé à de nombreuses cérémonies d'accueil dans la citoyenneté française, constatant la satisfaction et l'émotion de nos nouveaux compatriotes, mais aussi une pointe de frustration en l'absence de réciprocité.

J'accueille donc le processus législatif de ratification de cet accord avec, moi aussi, une grande satisfaction, et avec une émotion qui reflète les sentiments de la communauté française d'Espagne, tout particulièrement ceux des couples binationaux.

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Je remercie notre rapporteur pour sa présentation. Les Républicains se réjouissent de la ratification de cette convention et voteront pour. Cette pleine reconnaissance de la double nationalité met fin à une asymétrie juridique. Elle facilitera la résolution des problèmes administratifs, juridiques, fiscaux, et la vie des couples binationaux.

La convention illustre aussi les relations privilégiées entre notre pays et l'Espagne, relations de confiance économiques, culturelles, commerciales, mais également transfrontalières, les coopérations franco-espagnoles étant nombreuses du fait d'une grande similitude de vues. Tant en matière de terrorisme, de coopération industrielle, de relance, de protection des frontières ou de questions migratoires, l'Espagne est un partenaire essentiel au sein de l'Europe.

Monsieur le rapporteur, vous faites le parallèle avec le traité du Quirinal entre la France et l'Italie. Nous savons tous qu'il a fallu un certain temps à la France et à l'Italie pour le finaliser. Quelles sont les échéances de négociation de ce traité de coopération entre l'Espagne et la France ?

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Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour ce rapport car le sujet est d'importance, compte tenu de l'asymétrie juridique entre la France et l'Espagne, mais je n'y reviendrai pas – le rapporteur a exposé très précisément la situation dans son propos liminaire.

Cette convention est essentielle car la nationalité renvoie à l'attachement profond que l'on porte à ses racines, à une culture, à une langue et, plus largement, à un pays. Elle est également essentielle en raison du nombre de personnes concernées puisqu'on estime que les Espagnols vivent en France et les Français vivant en Espagne sont au total près de 400 000, sans compter leurs familles.

Depuis la loi du 26 décembre 2007 de reconnaissance et d'extension des droits et de rétablissement des moyens en faveur de ceux qui ont souffert de persécution ou de violence durant la Guerre civile et la dictature, dite loi sur la mémoire historique, l'Espagne a ouvert la possibilité aux Français descendants d'Espagnols de prétendre à la nationalité espagnole de par leur filiation.

Enfin, la convention prend tout son sens du fait des liens historiques, culturels et humains étroits entre nos deux pays. En facilitant l'accès à la double nationalité, on promeut l'idée selon laquelle la culture et l'identité peuvent être plurielles – on peut épouser une culture sans renoncer à son identité, n'en déplaise à ceux qui veulent hiérarchiser les cultures et qui érigent l'ethnocentrisme en programme présidentiel.

Ce texte est donc un geste fort, puisqu'il fait de la France le premier pays non hispanophone ou lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord de double nationalité, et sa ratification permettra de poursuivre la dynamique engagée.

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Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre exposé liminaire, éclairant les enjeux de la convention. Comme vous le soulignez, l'importance des liens historiques, politiques et humains entre la France et l'Espagne, autant que le nombre de ressortissants espagnols en France et français en Espagne, justifient pleinement la ratification de la convention. La France pourra se féliciter d'être le premier pays non hispanophone ou lusophone à bénéficier d'un tel accord.

Avec celles concernant les interconnexions électriques et ferroviaires, cette convention est la première brique d'un traité de coopération bilatérale plus ambitieux, à l'image de celui du Quirinal signé avec l'Italie en novembre dernier. Au cours de vos travaux, avez-vous évoqué l'échéance d'un tel projet avec l'Espagne ? Quel est le calendrier de négociation ?

Cette convention contribuera indéniablement au renforcement du partenariat entre la France et l'Espagne. Nous avons trop souvent déploré que les accords internationaux se limitent à des questions de libre-échange et de sécurité pour ne pas voir ce texte d'un bon œil. Les membres du groupe Socialistes et apparentés voteront donc le projet de loi.

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Je vous remercie également pour cette présentation, monsieur le rapporteur. La convention s'inscrit dans un contexte de renforcement de la coopération et de l'affirmation d'ambitions européennes communes. Nous ne pouvons donc que soutenir son adoption, tout d'abord pour des raisons pragmatiques, et de réciprocité, puisqu'elle contribuera à simplifier le quotidien des citoyens concernés, à leur ouvrir des droits civiques et à clarifier leur situation fiscale. Mais nous la soutenons également pour des raisons plus intimes, car adopter un pays ne peut signifier renoncer à un autre et la convention permettra de renforcer les liens entre nos deux pays, notre proximité géographique avec l'Espagne, mais aussi l'identité européenne du fait de notre histoire commune forte et de notre volonté d'avancer ensemble.

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La convention constitue une avancée. Elle fait de la France le premier pays non hispanophone ni lusophone avec lequel l'Espagne signe un accord sur la double nationalité ; c'est un symbole fort et positif pour la relation franco-espagnole. Ce sont 150 000 Français qui vivent en Espagne, 190 000 Espagnols en France ; les liens entre nos deux pays sont étroits et anciens.

Permettez-moi toutefois de souligner que la convention est bien loin de résoudre les différents problèmes concrets de voisinage entre la France et l'Espagne. Lors de la signature de la convention, en mars 2021, le président Emmanuel Macron, avait annoncé en présence du chef du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, le lancement d'une stratégie transfrontalière globale, rendue nécessaire par la symbiose des territoires de vie de part et d'autre des Pyrénées.

Les membres de notre commission se sont rendus récemment à Madrid, à la rencontre de leurs homologues espagnols du Congreso de los Diputados. Voici la traduction de ce que disent nos collègues espagnols de plusieurs partis politiques : « Depuis janvier 2021, les autorités françaises ont bloqué à l'aide de blocs de béton divers passages frontaliers entre le territoire de l'État français et l'Espagne. En novembre 2021, le Gouvernement français a annoncé une prolongation de six mois de cette mesure. La fermeture des points de passage frontaliers, autre qu'un rétablissement des contrôles, est une violation du droit de l'Union européenne et cause des dommages aux citoyens. » Et voici en quels termes les députés espagnols ont interpellé leur propre gouvernement : « Pourquoi le Royaume d'Espagne autorise-t-il la République française à violer les droits des citoyens européens et ne l'exhorte-t-il pas à rouvrir les passages frontaliers dès que possible ? Le gouvernement [espagnol] considère-t-il comme la partie française que ces blocs de béton ont le minimum d'impact possible sur les populations et communautés de part et d'autre de la frontière ? »

La convention va dans le bon sens, mais comment ignorer à ce point, monsieur le rapporteur, la gêne quotidienne que créent ces blocs de béton pour des milliers d'Espagnols et de Français ? Comment croire à un futur traité franco-espagnol de coopération bilatérale si la réalité du terrain, celle que vivent les Français et les Espagnols sur place, et non dans des salons confortables à Paris et Madrid, est absente de vos considérations ? Vue de Toulouse, vue d'Occitanie, votre convention, c'est un peu Don Quichotte contre les moulins à vent en matière de rapprochement. Vous évoquez la consécration par cet accord des liens historiques et humains entre les deux pays ; vous osez même, dans votre rapport, un titre sur le rapprochement entre la France et l'Espagne que permettrait le texte. Savez-vous combien de kilomètres supplémentaires de trajet sont imposés chaque jour par ces blocs de béton ? Indépendamment de cette convention intéressante, peut-être devriez-vous venir dans les Pyrénées pour vous faire une idée de ce qui rapprocherait instantanément et véritablement Français et Espagnols ?

Le groupe Libertés et territoires votera la convention. Mais elle laisse dans l'impasse la réalité du quotidien de Français, d'Espagnols et de Franco-Espagnols.

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À vrai dire, mon groupe n'avait pas prévu d'intervention sur un texte aussi évidemment positif : un tel rapprochement entre nos deux pays est une bonne chose pour permettre aux citoyens de part et d'autre de la frontière d'assumer et de partager à la fois leur présent et leur histoire.

La plupart des Espagnols de France que je connais sont d'anciens réfugiés : avant même d'être réfugiés, c'étaient des militants antifascistes et des défenseurs de la liberté, qui se sont joints aux résistants français pour défendre notre pays, nos valeurs, et pour libérer l'Europe du fascisme. Ces exilés avaient imaginé pouvoir tranquillement rentrer chez eux à la fin de la guerre, mais le régime de Franco ne le leur a pas permis. Pour eux, c'était donc une blessure de devoir couper leurs racines. Le texte permet de la réparer et de rendre leur situation plus humaine en leur permettant de vivre chez eux de chaque côté des Pyrénées. C'est une belle démarche dont nous espérons qu'elle va aboutir très vite.

Félicitations et merci, monsieur le rapporteur.

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Merci chaleureusement à tous de votre soutien.

Merci à Stéphane Vojetta de nous avoir témoigné avec cœur son attachement aux deux pays.

Michel Herbillon et Alain David m'ont interrogé sur l'échéance des négociations sur le traité de coopération. Nous n'en sommes qu'au début ; je ne pourrai donc pas vous donner un calendrier précis. Mais les ambitions sont très grandes : il s'agit d'une stratégie transfrontalière globale. Dans le traité du Quirinal, les aspects importants, notamment pour notre commission, étaient l'attachement des deux parties au multilatéralisme, l'engagement commun en faveur du développement durable et une grande ambition pour l'Europe. Il en ira de même ici. De plus, le traité de coopération rendra plus fluide la mobilité des étudiants.

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

Examen, ouvert à la presse, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine du 4 avril 1979, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 4044)

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L'avenant à la convention du 4 avril 1979 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République argentine résulte d'une demande de la France d'ajuster les plafonds de taux de retenue à la source des administrations fiscales afin de réduire le coût des investissements des entreprises françaises en Argentine par rapport à celui en vigueur dans les pays voisins d'Amérique latine.

Au-delà de cet aspect financier, l'examen du projet de loi est l'occasion de s'intéresser à ce grand pays d'Amérique latine, avec lequel le nôtre entretient des relations très anciennes et profondes, tant économiques que culturelles et humaines.

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L'avenant, signé le 6 décembre 2019 après un seul tour de négociation, modifie la convention fiscale liant nos deux pays, pour la première fois depuis sa signature en 1979, si l'on fait abstraction de quelques changements techniques très rapides et simples opérés en 2001.

Il est en effet important de donner quelques éléments de contexte concernant l'Argentine. Nous avons procédé à beaucoup d'auditions, du côté tant argentin, auprès de l'ambassade d'Argentine, que français, auprès de notre ambassadrice. Je remercie les services de leur aide dans la rédaction du rapport, un peu technique mais non dénué d'intérêt pour l'avenir des relations entre les deux pays.

Les liens qui unissent ces derniers sont particulièrement anciens. J'y suis personnellement sensible comme président du groupe d'amitié France-Argentine au sein de notre assemblée – nous avons eu beaucoup d'échanges avec nos homologues argentins ces dernières années. Les relations sont très suivies.

N'oublions pas que l'Argentine a accueilli de nombreux émigrés français – près de 250 000 – à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. Aujourd'hui encore, les liens familiaux sont nombreux. Ce n'est pas pour rien que Buenos Aires a été appelée le petit Paris d'Amérique latine. On peut observer sur place les traces de ces relations. En 2014, l'Argentine a célébré avec beaucoup d'enthousiasme le cinquantième anniversaire de la visite du général de Gaulle. Plus de 700 accords universitaires lient nos deux pays, dont un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes signé en 2015. Bref, les liens ne sont pas seulement économiques, mais aussi culturels et universitaires. De ce fait, la relation bilatérale est très positive ; je peux en témoigner.

Les convergences sont grandes en matière de politique internationale : l'Argentine soutient beaucoup nos efforts, en particulier en matière de multilatéralisme, de non-prolifération nucléaire, d'environnement, notamment depuis l'accord de Paris, ou encore de promotion des droits de l'homme et de l'égalité entre les hommes et les femmes, sujet important pour le président Fernández. Les échanges sont nombreux. Le président Macron, lorsqu'il s'est rendu en Argentine pour le G20, a tenu à faire une visite particulière au président argentin de l'époque, et nous avons reçu beaucoup de dignitaires et responsables politiques argentins.

Enfin, les deux pays entretiennent d'importantes relations économiques. Environ 220 filiales de 160 groupes français sont installées en Argentine, souvent depuis longtemps ; seuls sept ou huit groupes du CAC40 n'y sont pas physiquement représentés. Près de 68 000 salariés sont employés par ces entreprises françaises. Elles opèrent en particulier dans l'agroalimentaire, l'automobile, la production d'hydrocarbures – notamment en Terre de Feu, par Total –, la distribution – Carrefour détient près de 25 % du marché –, le tourisme et l'hôtellerie, la santé, les cosmétiques. Dans l'automobile, Peugeot et Renault ont d'importantes implantations industrielles sur place et y investissent beaucoup. Au nombre des projets réalisés ou en cours, Peugeot a investi 300 millions de dollars dans l'ouverture d'une nouvelle ligne de production et Eramet, société de production de carbonate de lithium, développe un important projet.

Certes, les investissements se sont réduits ces dernières années, en lien avec la crise économique que connaît l'Argentine, en nette récession depuis trois ans et victime de difficultés récurrentes, notamment monétaires. L'inflation était de 50 % en 2021 et l'État argentin doit renégocier avant mars prochain avec le Fonds monétaire international le refinancement et le rééchelonnement de sa dette, qui s'élève à 44 milliards de dollars prêtés en 2018 ; ce n'est pas sans conséquence sur l'évolution de l'avenant qui nous occupe. La situation sanitaire n'est pas très bonne non plus. L'Argentine a connu le plus long confinement du monde et la situation reste délicate en raison de la forte vague de contaminations, bien que la population soit largement vaccinée. En outre, la coalition au pouvoir est fragilisée.

Toutefois, la France est toujours très présente et l'Argentine demeure pour elle un partenaire important. Notre solde commercial vis‑à‑vis d'elle constitue notre trente-cinquième excédent au niveau mondial et reste le quatrième en Amérique latine. Il est donc essentiel que nous améliorions les conditions de notre relation économique. Dans la situation difficile que connaît l'Argentine, la France – je le dis comme président du groupe d'amitié – doit plus que jamais se tenir au côté de ce pays ami.

C'est dans ce contexte qu'a été renégociée la convention fiscale de 1979 définissant les moyens d'éviter toute double imposition. La France a souhaité sa modification en raison de l'évolution des législations et des structures économiques et parce que l'Argentine avait conclu des conventions fiscales plus intéressantes avec d'autres États. Il fallait donc adapter le texte, ce qui a été fait en mai 2019 après une négociation – je l'ai dit – très rapide et sans grandes difficultés au cours de laquelle les deux parties ont fait quelques concessions. Il en est résulté un accord très équilibré qui renforce, simplifie et améliore la convention.

L'accord trouvé par les deux parties est équilibré. L'avenant prévoit d'abord une diminution significative du plafond des taux de retenue prélevée par l'État source – c'est-à-dire l'Argentine – sur les revenus passifs versés à un résident de l'autre État. Il redéfinit les taux de retenue à la source sur les dividendes, les intérêts, les redevances et les gains en capital qui s'appliqueront désormais aux entreprises ou aux investisseurs qui sont en Argentine, mais dont le pays de résidence est la France. Jusqu'ici, la France bénéficiait de conditions moins avantageuses que d'autres pays ayant signé une convention avec l'Argentine.

S'agissant des dividendes, la convention de 1979 fixait un taux de retenue à la source de 15 % de leur montant brut. L'avenant prévoit de fixer ce taux à 10 % en cas de participation substantielle du bénéficiaire dans la société qui paie les dividendes, c'est-à-dire si le bénéficiaire en détient directement au moins 25 %, et à 15 % dans les autres cas. Cette disposition accroît l'attractivité fiscale de l'Argentine et laisse une plus grande marge de manœuvre au Trésor français.

En ce qui concerne les intérêts, le taux de retenue à la source est fixé à 12 % de leur montant brut, contre 20 % dans la convention de 1979.

Pour ce qui est des redevances, la convention de 1979 prévoyait un taux unique de retenue à la source, fixé à 18 % de leur montant brut. L'avenant de 2019 prévoit, à la demande de l'Argentine, trois taux différents : 3 % pour les redevances versées pour l'usage d'informations internationales, 5 % pour celles versées pour l'usage d'un droit d'auteur sur des œuvres littéraires, artistiques ou scientifiques et 10 % pour les autres types de redevances.

Enfin, l'avenant plafonne l'imposition dans l'État source des gains réalisés lors de la cession du capital d'une société : lorsque le cédant détient une participation supérieure à 25 %, le taux maximum de retenue à la source sera fixé à 10 % et il s'élèvera à 15 % dans les autres cas.

Il y a donc, globalement, une réduction des taux de retenue à la source sur les dividendes, les intérêts, les redevances et les gains en capital.

La France a également négocié une clarification du champ des revenus compris dans ces redevances. En sont expressément exclues les rémunérations de services dits « normalisés », c'est-à-dire ceux qui ne font appel qu'à un savoir-faire usuel du prestataire. Ce faisant, l'Argentine a renoncé à taxer les services rendus par une entreprise française sans recours à un établissement stable sur le territoire argentin.

En contrepartie, la France a accepté la reconnaissance d'un « établissement stable de services ». L'Argentine souhaitait initialement pouvoir taxer l'ensemble des services rendus par des entreprises françaises sur son territoire sur une base brute et sans condition de durée. La France n'a pas accédé à cette demande mais a accepté de reconnaître l'existence d'un établissement stable, en l'absence de toute installation matérielle en Argentine, dès lors qu'une entreprise rend des services pour une ou des périodes représentant plus de 183 jours au cours d'une année – soit la moitié de l'année et un jour. Il y aura donc là une source de rentrées fiscales pour l'Argentine, dont l'impact devrait toutefois rester modéré pour les entreprises françaises – seules une trentaine d'entre elles pourraient voir leurs redevances augmenter légèrement.

Une clause de la nation la plus favorisée a également été insérée. La France bénéficiera ainsi automatiquement du traitement plus favorable que l'Argentine serait susceptible d'accorder, à compter de la signature de l'avenant, à un autre État, en matière de revenus passifs et de gains en capital, mais aussi de revenus de professions indépendantes ou d'établissement stable.

J'appelle enfin votre attention sur la clause relative aux volontaires internationaux en entreprise (VIE), qui a été insérée dans l'avenant. Même si elle pèse peu économiquement, c'est une clause à laquelle je suis très sensible, puisque j'ai été président d'Ubifrance et que je présidais le conseil d'administration du Centre français du commerce extérieur lorsque le dispositif a vu le jour. Le VIE est un dispositif très utile pour nos jeunes, mais aussi pour nos entreprises qui cherchent à se développer sur les marchés étrangers. La France demande systématiquement, dans les conventions et les avenants fiscaux qu'elle négocie, l'exonération d'impôt des VIE sur leurs salaires dans l'État d'exercice de leur activité. Cette clause a été intégrée à la convention entre la France et l'Argentine.

Le nombre de VIE en Argentine était assez élevé ces dernières années et a avoisiné la soixantaine. Il est malheureusement retombé à un niveau très faible – 2 volontaires seulement à l'été 2021 – en raison de la crise liée au covid et aux difficultés économiques de l'Argentine. D'après les services de Business France, on devrait toutefois revenir bientôt à une trentaine de VIE et leur nombre devrait continuer d'augmenter, compte tenu de l'intensité des relations économiques entre la France et l'Argentine. Cette clause est donc très importante pour eux.

L'Argentine sort gagnante de cet accord, puisqu'elle sera plus attractive aux yeux des entrepreneurs français et que ses recettes fiscales sur les services connaîtront une hausse. La France, quant à elle, trouve un intérêt manifeste à cet avenant, puisque les prélèvements à la source sur les dividendes, les intérêts, les redevances et les gains réalisés lors de la cession de capital vont diminuer. Au final, la France prélèvera un peu plus et le Trésor français récupérera de l'argent. En outre, les entreprises françaises présentes en Argentine seront désormais sur un pied d'égalité avec les entreprises d'autres pays, notamment italiennes et allemandes, qui bénéficiaient de clauses plus avantageuses.

Puisque cet accord paraît équilibré et avantageux pour les deux parties, comme en témoigne d'ailleurs l'aboutissement rapide des négociations qui l'ont préparé, je vous invite à adopter le projet de loi autorisant son approbation.

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Même si le sujet est très technique, vous êtes parvenu, monsieur le rapporteur, à évoquer tous les enjeux politiques et économiques – y compris en matière d'emploi – de cet accord visant à renforcer nos liens avec l'Argentine, qui sont déjà très forts.

Vous avez évoqué l'égalité entre les femmes et les hommes, mais l'Argentine est aussi un allié de poids dans la lutte contre le réchauffement climatique. Si la COP21 a été un succès, si nous arrivons à gagner des combats au niveau international sur ces questions, c'est aussi parce que nous pouvons compter sur l'Argentine, qui est un partenaire de choix. Vous avez parlé de l'endettement. Rappelons que le Club de Paris, qui regroupe les créanciers d'un certain nombre de pays endettés, a vu le jour, dans les années 1950, pour répondre notamment aux difficultés de l'Argentine. Et la France est toujours à l'avant-poste, lorsqu'il est question de la dette argentine. La France et l'Argentine ont aussi en commun d'être deux nations immensément politiques – sans parler du lien qui nous unit depuis l'arrivée de Lionel Messi...

La renégociation de cette convention vise avant tout à défendre la compétitivité de nos entreprises à l'étranger. Elle fait suite à la visite du Président de la République en Argentine au moment du G20 ; elle vise notamment à instaurer une équité entre nos entreprises et les entreprises italiennes, par exemple. Plus de 250 entreprises françaises sont présentes en Argentine, dont un grand nombre de TPE et de PME. Grâce à cette convention, elles vont bénéficier d'une baisse de la charge de l'impôt et gagner en compétitivité.

Cette convention représente aussi un gain pour le Trésor français, puisque le montant de l'impôt perçu à l'étranger va diminuer. Elle va améliorer la balance commerciale de la France, qui est déjà positive, avec un excédent de 225 millions d'euros en 2019 et de 1,88 milliard d'investissement direct à l'étranger (IDE). Elle favorisera le développement de grand projets industriels portés par nos entreprises, par exemple Air Liquide, qui auront aussi des retombées dans notre territoire, notamment dans le domaine des énergies renouvelables et de la transition écologique.

Cette convention va aussi bénéficier à l'Argentine, et c'est en cela qu'elle est équilibrée, car elle va élargir le périmètre du champ d'activités imposables au secteur des services. Enfin, elle préviendra l'évasion fiscale. Ayant moi-même été un volontaire international en entreprise, je suis évidemment très sensible à la clause qui les concerne.

Ce texte, qui accroît l'attractivité et garantit l'équité, renforce la relation entre nos deux pays, ce qui va aussi permettre à nos deux continents de faire face aux enjeux de demain d'une manière plus partenariale.

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Il était absolument nécessaire que la convention fiscale entre la France et l'Argentine datant de 1979 soit renégociée, afin d'éviter la double imposition.

Monsieur le rapporteur, vous avez insisté sur les aspects très positifs de cette nouvelle convention : les trois taux différenciés, moins élevés que le taux unique qui prévalait ; la clause de la nation la plus favorisée ; le fait que l'Argentine, désormais plus attractive, attirera davantage les entreprises françaises ; les meilleures recettes fiscales pour la France ; enfin, le fait que les entreprises françaises seront désormais sur un pied d'égalité avec les autres entreprises européennes.

Vous avez eu raison de resituer ces dispositions dans le cadre plus général des relations entre la France et l'Argentine. En effet, pour toutes les raisons que vous avez évoquées, l'Argentine est l'un des pays avec lesquels nous devrions développer une vraie diplomatie d'influence. Nos relations économiques sont étroites, mais la dimension politique est également très importante : la relation bilatérale entre nos deux pays est très positive et nous avons une vraie convergence sur de nombreuses questions internationales – multilatéralisme, environnement, droits de l'homme, etc. – sans parler de nos accords universitaires. Nous avons donc tout intérêt à entretenir ces relations, et la convention fiscale que nous examinons en est un élément. Je souscris aussi à vos propos sur l'importance des VIE : ils sont effectivement l'un des vecteurs de la présence française à l'étranger.

Parce que nous sommes très attachés, au sein de cette commission, à la diplomatie d'influence, aux diverses formes de la présence française dans le monde et à tout ce qui relève des relations culturelles, permettez-moi, pour finir, de dire un mot de la place très importante de l'Argentine dans l'imaginaire français. Je m'attendais à ce que notre rapporteur, qui est un amoureux de l'Argentine, entonne en français Don't cry for me, Argentina ! et qu'il nous parle du tango. Je rappelle que le bandonéon a été introduit en Argentine par les immigrés italiens et que c'est lui qui est aux origines du tango. Quand on pense à l'Argentine, on a aussi envie d'évoquer le grand écrivain Jorge Luis Borges, qui a reçu le prix de la langue française de l'Académie française, alors qu'il écrivait en espagnol et en anglais. J'évoquerai encore le football, bien évidemment et, parce que je suis un amateur d'art lyrique, l'opéra : le théâtre Colón, à Buenos Aires, qui a été fondé en 1908, est l'un des plus grands opéras du monde, où Maria Callas a interprété ses plus grands rôles.

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Comme l'a excellemment rappelé notre rapporteur, la convention signée dans les années 1970 est née d'une volonté commune de nos deux pays d'harmoniser leurs échanges, principalement sur le plan fiscal, afin d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale. Il correspondait aussi à la volonté plus globale de renforcer l'attractivité réciproque de nos deux pays, qui sont très liés sur le plan culturel et de l'imaginaire.

Il s'agit de la seconde convention signée par la France avec ce pays du Mercosur. L'application de cette dernière n'a, depuis lors, posé aucune difficulté notable, se caractérisant même pas des échanges d'informations fluides entre nos deux administrations. Nos relations économiques restent soutenues, la France se situant même au dixième rang des fournisseurs de l'Argentine. On note toutefois une certaine asymétrie dans ces échanges, puisque l'Argentine n'est elle-même que le soixante-dixième fournisseur de la France.

Cette convention entend, d'une part tenir compte des nouvelles spécificités de la législation française et, d'autre part, réduire les taux plafonds de retenue à la source sur les dividendes, les intérêts, les redevances et les gains en capital. La convention de 1979 avait fixé des taux élevés de retenue à la source qui n'ont plus lieu d'être, alors que l'Argentine a conclu depuis lors d'autres conventions plus avantageuses avec d'autre États.

La convention, ainsi modifiée, va rapprocher nos systèmes d'imposition et permettre d'augmenter les investissements argentins en France, tout en renforçant les intérêts économiques de la France sur place. C'est un coup de pouce à la coopération économique et à la poursuite de l'ambitieuse politique de la France en faveur de l'investissement étranger. Rapprocher nos systèmes d'imposition, c'est avant tout nous rendre mutuellement plus attractifs ; c'est une incitation utile à tous les opérateurs économiques. C'est aussi une bonne opération pour nos finances publiques et pour le Trésor, puisque le montant de l'impôt argentin sera diminué et que les rentrées fiscales françaises devraient être accrues.

Ce projet de loi, adopté sans modification par les sénateurs il y a près d'un an, entend donc permettre l'approbation dudit avenant. Considérant que le nouvel équilibre conventionnel garanti par cet avenant profitera globalement aux intérêts économiques français, le groupe MODEM ne peut qu'être favorable à son adoption.

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Les relations commerciales entre la France et l'Argentine sont caractérisées par une dissymétrie en faveur de la France, cette dernière étant le dixième fournisseur de l'Argentine, tandis que celle-ci n'est que le soixante-dixième fournisseur de la France. Plus de 250 entreprises françaises disposent de filiales en Argentine, tandis que seules deux entreprises argentines disposent de filiales en France.

La révision de la convention fiscale entre les deux pays, entrée en vigueur en 1981 et modifiée par un premier avenant en 2001, est devenue nécessaire car elle ne correspond plus aux nouvelles réalités économiques. Elle se justifie par le fait que, d'une part, l'Argentine a accordé des taux de retenue à la source beaucoup plus bas et favorables à d'autres États et que, d'autre part, la France ayant fait évoluer sa législation, il était souhaitable d'intégrer dans la convention fiscale un certain nombre de dispositions nouvelles.

Cet avenant semble favorable au Trésor français puisque la baisse des taux de retenue à la source par l'Argentine diminuera l'impôt prélevé par l'Argentine, majorant d'autant les recettes fiscales françaises. Quant aux entreprises françaises, leurs charges fiscales dans l'État partenaire seront diminuées du fait de la baisse générale des taux de retenue à la source pratiqués par l'Argentine. De plus, elles verront leur compétitivité s'accroître sur le marché argentin puisqu'elles bénéficieront, du fait de l'élargissement de la clause de la nation la plus favorisée, des mêmes conditions d'imposition que les autres entreprises étrangères.

Pour toutes ces raisons, le groupe des députés Socialistes et apparentés soutiendra l'adoption de ce projet de loi.

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Ayant eu à examiner beaucoup de conventions de cette nature dans ma vie professionnelle, j'ai parfois eu l'impression qu'elles recelaient des niches fiscales, voire constituaient une source d'optimisation, si ce n'est d'évasion fiscale. L'harmonisation me semble néanmoins être une bonne idée car la fiscalité est un domaine très mouvant – la vérité d'aujourd'hui n'est pas celle de demain.

Mon groupe salue l'initiative française qui tend à réviser cette convention dans le but de renforcer le partenariat économique entre nos deux pays. J'ai cru comprendre que l'enjeu était plus important pour nous puisque notre présence est plus importante en Argentine.

La principale difficulté tient dans les stipulations actuelles relatives aux taux de retenue à la source, qui sont élevés en matière de dividendes. L'Argentine ayant conclu des conventions plus avantageuses avec d'autres pays, nous devons rétablir l'équilibre pour que nos entreprises ne soient pas désavantagées.

Par ailleurs, la clause de la nation la plus favorisée nous permettra de bénéficier automatiquement du traitement le plus favorable que l'Argentine est susceptible de réserver à ses autres partenaires. L'avenant soumis à ratification permettra de donner un coup de pouce non négligeable aux entreprises implantées sur le marché argentin.

Je voudrais toutefois vous faire part de deux incertitudes. La première porte sur la date d'entrée en vigueur de l'avenant : alors qu'il a été signé en 2019, l'étude d'impact du Gouvernement précise ne pas savoir où en est la procédure de ratification en Argentine. Afin de rassurer les entreprises françaises implantées localement, il serait peut-être opportun d'obtenir des précisions lors de la discussion du projet de loi.

Deuxième interrogation : dans toute négociation, des contreparties sont inévitables. Le Gouvernement a fait le choix de céder partiellement sur la taxation des établissements stables de services, demandée par l'Argentine. Si nous comprenons cette concession, il ne faut pas négliger le poids administratif que représentera l'application de cette clause pour les entreprises françaises installées dans ce pays.

Le groupe Libertés et Territoires votera ce texte. Toutefois, si la signature d'un avenant à une convention fiscale peut être saluée, des sujets de préoccupation demeurent, comme le Mercosur, le déséquilibre dans les conditions sociales entre les pays ou encore les conditions de production des biens et des services dans les pays d'origine.

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Cet avenant pose un grave problème de solidarité avec le peuple argentin. Pourquoi réviser la convention entre la France et l'Argentine, alors qu'aucune entreprise ou presque n'a fait état de difficultés avec l'administration fiscale argentine ? Parce que les plus grandes entreprises françaises ont voulu profiter de la faiblesse de l'État argentin pour renégocier un traité dans un sens bien plus favorable aux intérêts français.

Le PIB de l'Argentine a diminué de près de 13 % en 2020 et sa croissance en 2021 ne compensera pas la récession. L'inflation y est galopante, autour de 30 à 40 % par an depuis plusieurs années. En dépit de négociations annoncées avec le Fonds monétaire international pour revoir le poids de sa dette, l'instabilité politique perdure, liée à la situation économique catastrophique et à un taux de chômage qui explose.

Ce sont donc les intérêts économiques des plus grandes entreprises – Danone, PSA Peugeot Citroën, Carrefour, L'Oréal, etc. – qui justifient cet avenant à la convention. L'avenant prévoit que l'Argentine renonce à une imposition plus large des services rendus dans le pays par les entreprises françaises et que la France bénéficiera automatiquement d'un ajustement avec le traitement fiscal le plus favorable que l'Argentine accorderait à un autre État. De plus, les contreparties accordées à l'Argentine sont ridicules et n'auront pas de conséquences étant donné la faible implantation des entreprises argentines en France.

Comment pouvons-nous profiter de la souffrance d'un peuple et de la faiblesse d'un État pour l'affaiblir encore plus ? Voilà le résultat cynique d'une diplomatie du portefeuille. Ce n'est pas notre conception d'une diplomatie honnête, humaniste et solidaire. Voilà pourquoi nous ne soutiendrons pas ce projet de loi.

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Après nous être entretenus avec l'ambassadrice de France, plusieurs personnalités de l'ambassade d'Argentine en France, Business France, le ministère des affaires étrangères et Bercy, nous avons pu préciser le cadre de la convention.

Il ne s'agit pas d'affaiblir l'État argentin. Cette convention, parce qu'elle permet de renforcer l'attractivité de l'Argentine, incitera les entreprises françaises à y investir davantage et à y créer de l'emploi. J'ai moi-même assisté, il y a vingt ans, dans la banlieue de Buenos Aires, à l'inauguration d'un site de Peugeot qui représentait des milliers d'emplois, et le président Fernandez a inauguré, il y a quelques mois, les nouvelles chaînes de production de Peugeot en Argentine, un investissement de 300 millions de dollars. Air Liquide prévoit d'installer à Buenos Aires sa base de services et de gestion comptable pour l'ensemble du continent américain, avec 400 emplois à la clé.

L'intérêt de cette convention est de clarifier la situation en mettant la France au même niveau de prélèvements et donc de compétitivité que les autres grands pays européens, notamment l'Italie et l'Allemagne. J'ai évoqué la présence d'environ 160 grands groupes – et même de 250 entreprises si l'on inclut leurs filiales – mais il ne faut pas oublier que cela concerne aussi nombre de PME, de TPE et d'entrepreneurs individuels. C'est un bon accord tant pour l'Argentine que pour les investisseurs français. Dans cette période difficile, la France ne faillit pas en matière de solidarité auprès de ce pays ami.

S'agissant des délais de mise en œuvre, nous sommes dans l'incertitude. Le gouvernement argentin doit d'abord résoudre la question de sa négociation avec le FMI. Ils ont tous deux intérêt à trouver une solution. Si le FMI ne fait pas les concessions nécessaires, l'Argentine risque de retomber dans un cycle de dépression, d'inflation toujours plus importante et de défaut de paiement. Cette négociation est plutôt en bonne voie mais l'Argentine doit faire des efforts. La chargée d'affaires de l'ambassade d'Argentine nous a très clairement dit que, pour l'instant, la priorité de son gouvernement était de faire une revue des dépenses publiques et des recettes afin, d'une part, de réaliser les économies importantes demandées par le FMI sans remettre en cause les politiques sociales menées par ce pays, d'autre part, d'optimiser les recettes. C'est la raison pour laquelle le gouvernement argentin a un peu le pied sur le frein concernant les conventions fiscales.

Il est important que la France approuve et ratifie définitivement cet avenant, de façon à envoyer un signal à l'Argentine. Cependant, tant que les négociations avec le FMI ne seront pas terminées et que le gouvernement argentin n'aura pas achevé sa revue de détail, nous n'aurons pas de réponse. Un accord a en revanche été trouvé avec le Club de Paris, portant sur 2 milliards de dette.

Enfin, il est vrai que les établissements stables de services risquent d'être confrontés à quelques difficultés administratives. La délimitation du champ de la redevance au-delà de 183 jours de services par an peut poser un problème d'interprétation – s'agit-il de 183 jours dans l'année, ou bien de 183 jours d'affilée ? Toutefois, les bonnes relations historiques entre la France et l'Argentine, y compris en matière fiscale, permettront de résoudre assez facilement cette question qui, en outre, n'a que peu d'impact sur les entreprises françaises.

La commission adopte l'article unique non modifié.

L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

La séance est levée à 10 h 25.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Clémentine Autain, M. Frédéric Barbier, M. Hervé Berville, Mme Sandra Boëlle, M. Pierre Cabaré, Mme Mireille Clapot, M. Jean-Michel Clément, M. Pierre Cordier, M. Alain David, M. Bernard Deflesselles, M. Christophe Di Pompeo, Mme Laurence Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Michel Fanget, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, M. Michel Herbillon, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Sonia Krimi, Mme Aina Kuric, M. Jérôme Lambert, Mme Fiona Lazaar, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Marion Lenne, Mme Nicole Le Peih, Mme Brigitte Liso, M. Denis Masséglia, M. Sébastien Nadot, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-François Portarrieu, M. Didier Quentin, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, Mme Nicole Trisse, M. Stéphane Vojetta.

Excusés. - M. Philippe Benassaya, M. Jean-Claude Bouchet, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Bruno Joncour, M. Frédéric Petit, Mme Natalia Pouzyreff.