Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 18 janvier 2022 à 17h20

Résumé de la réunion

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  • EGALIM
  • élevage

La réunion

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La commission des affaires économiques a auditionné M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sur le bilan de son action au ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

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Nous poursuivons le cycle d'auditions que nous avons souhaité mener pour faire le bilan de l'action des principaux ministres relevant du champ de compétences de la commission des affaires économiques. Nous avons commencé avec M. Bruno Le Maire, le 14 décembre dernier, et entendrons prochainement M. Jean‑Baptiste Lemoyne, Mmes Agnès Pannier-Runacher et Emmanuelle Wargon ainsi que M. Franck Riester.

Nous recevons aujourd'hui M. Denormandie, pour dresser, en son nom et en celui de ses prédécesseurs, le bilan du quinquennat dans le domaine agricole. Avant M. Denormandie, ce ministère a connu trois autres ministres : M. Stéphane Travert, membre de notre commission, M. Didier Guillaume ainsi que M. Jacques Mézard.

Dans une enquête menée en juillet 2017 au sein de la commission, trente-six d'entre vous avaient cité l'agriculture comme figurant parmi leurs priorités. Cette appétence ainsi que les nombreuses attentes du secteur agricole ont conduit la commission à beaucoup travailler sur ce sujet : huit lois sont notamment passées sous ses fourches caudines.

À quelques semaines de la suspension des travaux, nous aurons l'occasion d'évaluer les lois adoptées au début du quinquennat, notamment la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM).

Citons aussi –entre autres – les avis budgétaires annuels, rendus successivement par MM. Jean-Baptiste Moreau et Jean-Bernard Sempastous, ainsi que la proposition de loi portant mesures d'urgences pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires.

Le bilan est quantitativement très important ; je laisse M. le ministre en détailler la partie qualitative.

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Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Merci pour votre invitation à cette audition, qui permettra de faire le point sur l'action du Gouvernement dans le champ de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt durant les cinq dernières années. Permettez-moi à ce propos de saluer l'action de mes prédécesseurs, MM. Jacques Mézard, Stéphane Travert et Didier Guillaume, qui ont œuvré avec force à la tête de ce beau ministère que j'ai l'honneur de diriger depuis plus de dix-huit mois. Je vous donnerai aussi une vision prospective des trois prochains mois, qui, à l'évidence, seront denses.

Le bilan du quinquennat est marqué par de nombreuses avancées pour le monde agricole, la filière alimentaire ainsi que la forêt. Elles ont été permises par la vision et la méthode que nous avons adoptées – la politique, au sens le plus noble du terme, consistant toujours à allier ces deux éléments pour obtenir des résultats concrets. Si tant a été fait, si de nombreuses victoires, attendues de longue date, ont pu être obtenues, c'est grâce aux travaux que nous avons menés collectivement, avec la majorité présidentielle, et aussi grâce aux discussions constructives que nous avons eues avec certaines oppositions. Ce travail collectif entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif mérite d'être salué.

En la matière, une vision claire a été exprimée très tôt par le président Emmanuel Macron, lors du discours de Rungis. Il y a dix-huit mois, lorsque j'ai été nommé à la tête de ce ministère, j'ai rappelé la boussole qui oriente et ancre cette vision : la souveraineté agroalimentaire de notre pays. Cette vision exprimée dès 2017 a pris une acuité particulière pendant la crise de la covid-19, le Président de la République rappelant en mars 2020 qu'il serait « folie » de déléguer notre souveraineté alimentaire à quiconque. C'est bien elle qui doit fonder la vision politique ; les autres ne sont que des moyens pour l'atteindre.

La souveraineté agroalimentaire est d'autant plus impérieuse que les défis auxquels elle est confrontée sont nombreux : aux défis climatiques pour notre agriculture, notre alimentation et notre forêt s'ajoute le défi démographique. À lui seul, le sujet de l'installation de nouveaux agriculteurs pour faire face au renouvellement des générations emporte un très grand nombre de questions, dont celle de la rémunération des agriculteurs, qui est la mère des batailles.

Ces défis sont liés aux différentes transitions – environnementale, ou liée au bien-être animal. Là encore, il ne faut jamais oublier que le rôle premier de notre agriculture est nourricier. Comme le disait Edgard Pisani, le drame en politique, c'est de sombrer dans le détail et d'oublier l'essentiel. L'essentiel d'une politique agricole, c'est son volet nourricier : c'est pour cela que des femmes et des hommes se lèvent tôt le matin et se couchent tard le soir. Au niveau national et européen, cette souveraineté agroalimentaire ne sera assurée que si nous assumons cette mission nourricière, avec le développement des circuits courts – ils ont beaucoup été soutenus durant le quinquennat – et l'établissement d'une puissance exportatrice – car la mission nourricière dépasse les frontières de la France, et même de l'Union européenne.

Il y a une méthode au service de cette vision : c'est une singularité de l'action que nous avons menée depuis cinq ans à la tête de ce ministère. Cette méthode est fondée sur certains principes, qui consistent à toujours éviter l'injonction, toujours favoriser l'investissement – ce qui est vrai dans la vie de tous les jours l'est dans les différents secteurs socio-économiques, notamment le domaine de l'agriculture – et toujours remettre la science et la raison au centre de tout – peut-être est-ce mon côté ingénieur, mais j'assume d'avoir agi en ce sens avec force lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère. La politique, ce n'est jamais l'émotion, ni, surtout, la vertu : c'est la science et la raison – sinon on fait de mauvaises politiques. J'ai donc tenté de remettre la science et la raison au centre des débats.

Cette méthode comprend une approche européenne, avec la négociation de la politique agricole commune (PAC). Il y a quelques semaines, nous avons franchi une étape importante dans ce domaine en transmettant le plan stratégique national (PSN) à la Commission européenne, dans les délais – ce devait être avant la fin de l'année 2021. Ce fut un travail de très longue haleine pour l'ensemble du ministère, l'ensemble des représentants professionnels de la société civile et les élus que vous êtes.

Enfin, cette méthode est humaine. En tant que ministre de la ville et du logement, j'avais œuvré, avec certains députés ici présents, pour lutter contre l'inégalité nutritionnelle alimentaire qui continue à sévir dans notre pays et nous oblige à déployer un ensemble de politiques sociales, adéquates et nécessaires.

En outre, derrière l'agriculture et l'alimentation, il y a des femmes et des hommes, ceux que j'appelle « les entrepreneurs du vivant » qui nourrissent le peuple. Chacun de ces termes est essentiel. Ils montrent leur noble mission, et soulignent le fait que ce sont des entrepreneurs, qui parlent compte de résultat et création de valeur, mais dans le domaine du vivant, ce qui implique de les accompagner avec force car si être entrepreneur est difficile, être entrepreneur du vivant l'est bien plus.

Après avoir rappelé notre vision et notre méthode, il faut dire que notre projet politique, exprimé par le Président de la République – libérer, protéger, unir – se reflète totalement dans l'action que nous avons pu mener.

Unir, d'abord : rien n'unit davantage le peuple de France que l'alimentation et la nutrition. C'est une partie de notre identité, de notre patrimoine, de notre souveraineté, bref, un socle de l'union du peuple.

Libérer, ensuite, créer de la valeur : c'est ce qu'il faut toujours chercher à faire. Nous l'avons fait à la suite des États généraux de l'alimentation, lancés par M. Stéphane Travert et repris par M. Didier Guillaume, avec une approche par filière. Nous l'avons fait avec les investissements massifs du plan France relance – près de 1,5 milliard d'euros, dont plus de 80 % sont engagés. Nous le faisons aussi avec France 2030, en investissant plus de 2,8 milliards. Durant sa campagne, le Président de la République s'était engagé à investir plus de 5 milliards dans la filière agroalimentaire ; en additionnant ces deux plans et les budgets du ministère, année après année, nous dépassons très largement ce chiffre. Nous continuons à déployer ces dispositifs.

Créer de la valeur, c'est aussi avoir une approche pragmatique des normes. Puisqu'on parle de compte de résultat, on ne peut pas éluder le sujet : il faut éviter de créer des normes. Je le dis pour le pouvoir exécutif comme pour le pouvoir législatif, l'agriculture doit être gérée au niveau européen – c'est d'ailleurs le sens du traité de Rome. Toute norme additionnelle que nous nous imposons est une distorsion de concurrence que nous créons dans le marché commun. Il faut absolument lutter contre toute surtransposition.

Créer de la valeur, c'est aussi réduire les charges. Des actions ont été menées tout au long de la chaîne agroalimentaire mais, disons-le humblement, les réductions de charges – diminution de l'impôt sur les sociétés ou des impôts de production – ont surtout été bénéfiques à l'aval ou au milieu de la filière, plutôt qu'à l'amont, du fait de la structuration des postes de charges dans le domaine agricole. Même si nous avons développé différents dispositifs, comme l'allongement des crédits d'impôt, l'exonération de cotisations patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE), le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, le crédit d'impôt pour les exploitations certifiées de haute valeur environnementale (HVE), le crédit d'impôt « sortie du glyphosate », ou encore l'instauration de réserves de précaution, il faut aller plus loin.

Créer de la valeur, c'est encore trouver des débouchés, avec tous les travaux qui ont été conduits dans le cadre de la loi EGALIM. J'attache notamment une importance considérable aux objectifs qui ont été fixés à la restauration hors domicile et nous suivons ce dossier de très près. Nous avons même renforcé ces dispositions dans le cadre de la loi « climat et résilience ».

Quant au volet « protéger », c'est tout le sens de la loi EGALIM 2 – ce l'était déjà de la loi EGALIM, mais il fallait aller plus loin. C'est tout le sens aussi du combat pour les clauses miroirs et la réciprocité que nous menons en ce moment au niveau européen : nous obtenons de premières victoires, mais il faut continuer à avancer, beaucoup plus vite, avec des positions très claires – non au Mercosur, oui aux clauses miroirs et à des transitions, si elles peuvent être réalisées avec des mesures de protection, comme celles que j'ai évoquées au titre des réciprocités.

Protéger passe aussi par des mesures sociales. On en parle peu, alors qu'elles ont été très importantes dans le domaine agricole, tout au long du quinquennat. Ces avancées ont été obtenues grâce à des approches transpartisanes, notamment avec l'adoption des deux propositions de loi du président André Chassaigne sur la revalorisation des pensions de retraite agricoles, soutenues par la majorité présidentielle.

Protéger, c'est aussi agir pour le foncier, ou encore prendre des décisions parfois difficiles, mais nécessaires, conformément à notre vision de la souveraineté. Je pense par exemple aux décisions concernant la betterave ou les crises sanitaires – elles sont nombreuses dans ce que l'on appelle, à raison, le « ministère des crises ». Il faut toujours opposer le temps long à ces crises – l' influenza aviaire, la brucellose, la peste porcine africaine, qui touche l'Italie, ou les crises climatiques, notamment le gel, plus grande catastrophe climatique du début du XXe siècle, ou les épisodes de sécheresse qui touchent profondément le monde agricole. À chaque fois, nous faisons le maximum, dès qu'un agriculteur a le genou à terre, pour l'aider à se relever.

Pour incarner cet objectif de « libérer, protéger, unir », il y a eu de multiples avancées, fidèles à cette vision et à cette méthode. En premier lieu, il y a eu le vote des lois EGALIM et EGALIM 2, dont l'application est une priorité absolue, comme je le disais encore à l'instant à votre collègue Jérôme Nury dans l'hémicycle. La rémunération est la mère des batailles : nous devons avoir zéro tolérance pour celles et ceux qui ne respecteraient pas la loi EGALIM 2. Nous menons une action déterminée sur ce sujet, en multipliant par quatre les contrôles.

Les avancées ont également été sociales, avec le vote de dispositions sur le congé maternité et paternité, la revalorisation des petites retraites agricoles à la fois des exploitants et de leur conjoint – en majorité des femmes – ou le plan de prévention du mal-être des agriculteurs. Votre collègue Olivier Damaisin a beaucoup travaillé, en écho aux mesures présentées par les sénateurs Henri Cabanel et Françoise Férat, à l'établissement d'une feuille de route de lutte contre les situations de détresse. Ce dispositif essentiel a été salué par un grand nombre d'acteurs. Il faut poursuivre résolument ces avancées sociales.

Ces avancées dépassent les simples sujets de rémunération et sociaux : c'est la question du renouvellement des générations qui se pose, qui est liée à celle de la considération. La crise de la covid-19, en plus de toutes ses conséquences, a aussi permis à changer le regard que certains portaient sur ceux et celles qui les nourrissent. Selon les études d'opinion, le soutien de nos concitoyens aux agriculteurs s'est renforcé. Alors oui, la rémunération et la considération sont nécessaires. C'est l'angle que j'ai adopté, et je ne ferai jamais d' agribashing. Il faut arrêter d'être sur la défensive, plutôt choisir l'offensive, pour montrer la réalité de ces beaux métiers de l'agriculture et de l'alimentation.

Des avancées ont aussi eu lieu sur la question du foncier, que nous avons sécurisé pour les parts de société, ou à propos de l'assurance récolte avec le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. Je salue à cet égard les travaux de M. Frédéric Descrozaille, avec lequel nous avons beaucoup travaillé.

Nous avons également pris en compte les attentes sociétales de nos concitoyens, à commencer par les circuits courts. Les plans d'alimentation territoriaux fonctionnent incroyablement bien, partout dans les territoires. Ils résultent de la décision politique d'octroyer près de vingt-cinq fois plus de financements que ce qui avait été fait précédemment pour développer ces produits frais, locaux, du territoire.

Nous avons aussi mené un grand combat pour élever la qualité nutritionnelle dans les cantines de la République. C'est pour moi absolument essentiel et je me bats pour signer à temps le décret sur l'origine des viandes dans la restauration hors domicile. Je n'accepterai jamais que tant d'établissements, y compris des cantines et y compris dans des zones d'élevage, utilisent énormément de produits importés, qui ne respectent pas les mêmes normes de qualité et de production que nous. C'est une aberration. Soyons fiers de nos élevages et de nos cultures et faisons en sorte que nos enfants en bénéficient.

Des avancées ont eu lieu en matière de bien-être animal. On a beaucoup entendu parler des abattoirs, sur le mode de l'injonction – il faut faire ceci ou cela. Mais avant d'en parler, il faut aller dans des abattoirs pour voir comment cela se passe ! Face aux réalités donc, j'ai pris des décisions qui relèvent du simple bon sens. Ainsi, cela faisait des dizaines d'années qu'on disait aux responsables des abattoirs qu'ils devaient changer et investir, mais ils ne gagnent pas assez d'argent ! C'est pourquoi tant de collectivités doivent les soutenir. Bref, il fallait investir. Dans le cadre du plan France relance, plus de 115 millions d'euros ont été investis dans la rénovation de plus de 160 abattoirs. C'est le meilleur des services que l'on pouvait rendre.

La fin de la castration à vif des porcelets est par ailleurs entrée en vigueur au 1er janvier 2022, et nous avons mené des discussions pour accompagner les filières vers la fin du broyage des poussins, qui interviendra dans le courant de l'année. Nous avons toujours la volonté d'avancer de manière significative, fidèles à notre vision et notre méthode.

Nous avons adopté la même démarche en adoptant la proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, signée par de nombreux députés et qui s'attache notamment à la lutte contre l'abandon des animaux de compagnie.

Le même pragmatisme a été notre fer de lance sur la question de la transition agroécologique. Il en a été longuement question la semaine dernière à l'occasion d'un nouveau débat sur le glyphosate : notre position est d'interdire quand il y a une alternative – s'il n'y en a pas, la seule conséquence est davantage d'importations. Nous le faisons en investissant et en portant ces sujets au niveau européen.

La méthode fonctionne. Depuis 2017, les substances à caractère cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction avéré ou présumé (CMR 1) ont été réduites de 93 %. Avec les substances CMR 2, à risque suspecté, c'est une baisse de 40 %. Depuis 2017 toujours, les surfaces cultivées en agriculture biologique ont doublé. En trois ans, les exploitations certifiées HVE ont été multipliées par 20. Ces transitions agroécologiques se voient sur le terrain, elles fonctionnent : dès lors qu'on avance avec méthode, on obtient des résultats.

Quant aux chantiers des trois prochains mois, ils comprennent l'application complète, avec force et détermination, de la loi EGALIM 2 ; le déploiement de l'ensemble des plans pour lutter contre les situations de détresse et des avancées sociales que j'ai évoquées ; ainsi que la mise en œuvre des conclusions des assises de la forêt et du bois.

Le sujet est important car la forêt et le bois représentent une partie de notre souveraineté. Pour ces matériaux stratégiques, il faut, là aussi, une approche très claire. La forêt se protège et se cultive, sans oublier le volet sociétal. La combinaison des trois objectifs est faisable – c'est même la définition du métier de forestier : on a formé des générations de forestiers pour assurer cet équilibre.

Les trois prochains mois verront également l'achèvement du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, dont le lancement procède d'une décision politique forte. Sur les trois sujets qu'il avait à traiter, deux sont clos, ou presque : le dispositif d'assurance récolte, qui est lancé, et l'adaptation des cultures. Reste la gestion de l'eau, notamment de la ressource en eau.

Un autre objectif est de concrétiser le dispositif sur les cantines, sur lequel, avec Mme Célia de Lavergne, nous avons beaucoup travaillé dans le cadre du projet de loi « climat et résilience ». Tout doit être mis en œuvre, car l'approche nutritionnelle est impérieuse.

Vous voyez que nous avons essayé d'agir avec méthode. Dans le champ de l'agriculture et de l'alimentation, cette méthode impérieuse est le reflet du projet du Président de la République, « libérer, protéger, unir », et il est bon d'en donner des exemples. Certaines personnes chérissent les causes dont elles déplorent les conséquences. Ce n'est pas notre cas. Nous avançons, et EGALIM 2 en est le symbole, contrairement aux différentes lois qui, par le passé, ont dérégulé les relations commerciales. Certaines oppositions continuent à affirmer qu'il ne faut pas réguler, mais simplement libérer les relations commerciales. Mais non : il faut libérer et protéger, c'est véritablement cela le bon équilibre.

Au-delà de tout ce que j'ai évoqué, une page fondamentale de notre histoire agricole est en train de s'écrire : celle de la troisième révolution agricole, après la révolution du machinisme, après-guerre, et celle de l'agrochimie, vers 1970-1980. Depuis des années, la seule vision politique consiste à chercher comment limiter les effets de cette deuxième révolution agricole. En tant qu'ingénieur, j'ai été formé à l'agriculture raisonnée ; puis on est passé à l'agroécologie. Ces transitions étaient nécessaires, mais il est grand temps d'orchestrer cette troisième révolution agricole, qui demande des investissements massifs dans le numérique, dans l'agrorobotique – vous verrez, ce sera bientôt la seule solution pour désherber ; elle est déjà présente dans tous les salons – et dans la génétique. « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » disait Rabelais : avançons, avec conscience, dans la voie de la science génétique, par exemple dans le domaine des nouvelles techniques de sélection des plantes. Le biocontrôle aussi est essentiel : en découle tout ce que nous avons pu faire pour réinvestir dans les haies, généraliser certaines pratiques culturales et investir auprès de ses acteurs.

Numérique, agrorobotique, génétique, biocontrôle sont donc les éléments de cette troisième révolution agricole, celle de la connaissance et du vivant. J'espère que, durant ce quinquennat, elle aura atteint le point de non-retour qui fera qu'elle sera engagée par les personnes qui auront l'honneur de servir ce ministère dans le futur. C'est en tout cas dans cette troisième révolution que nous comptons investir massivement dans le cadre de France 2030.

Enfin, je remercie les équipes du ministère, qui sont pour beaucoup dans ce bilan. Partout sur le terrain, en métropole, dans les territoires ultramarins, dans les agences, ils travaillent d'arrache-pied, avec les mêmes contraintes que chacun a pu vivre dans le cadre des crises successives, et avec beaucoup de détermination.

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Dans quelques semaines, les travaux de notre commission prendront fin et nous sommes nombreux à estimer que les sujets agricoles ont été nombreux, denses, riches et passionnants.

Monsieur le ministre, permettez-moi de saluer, au nom du groupe La République en Marche, votre engagement et votre disponibilité depuis votre prise de fonctions en juillet 2020. Je ne crois pas me tromper en disant que l'ensemble des filières agricoles les ont appréciés également.

Pragmatisme et ambition sont les deux mots qui résument le mieux votre action depuis dix-huit mois. Le premier caractérise votre approche des dossiers. Sur ceux qui ont donné lieu à des choix politiques souvent critiqués et compliqués – néonicotinoïdes, glyphosate – vous avez fait preuve de hauteur de vue mais aussi d'une conscience des réalités de terrain rare dans les ministères. Le second marque votre capacité à porter la voix agricole française lors des négociations sur la future PAC. Avec le concours du Président de la République, vous avez obtenu l'instauration du premier mécanisme commun en faveur d'une politique agricole plus vertueuse, plus verte, par le biais des éco-schémas.

L'ambition agriécologique que vous affichez s'inscrit dans le temps propre à l'agriculture et à l'agronomie, un temps long, qui n'est pas celui de la politique. Nous pouvons tous nous en féliciter.

Grâce à vous et grâce à la majorité, nous avons inversé la construction du prix pour permettre une meilleure rémunération de nos agriculteurs, à travers les lois EGALIM 1 et 2 – je souligne en la matière l'implication de M. Grégory Besson-Moreau et de M. Stéphane Travert ; nous avons augmenté et prorogé le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique ; nous avons revalorisé les retraites agricoles et instauré un mécanisme pour faire face aux risques climatiques en agriculture – je salue notamment le travail de M. Frédéric Descrozaille ; dans le cadre du plan de relance, nous avons consacré plus de 1 milliard d'euros en 2020 à la transition de notre agriculture, de notre alimentation et de notre forêt. Tout cela sans compter votre engagement pour la présidence française de l'Union européenne : dès hier, à Bruxelles, vous avez pu présenter vos ambitions environnementales, à l'occasion du premier conseil des ministres de l'agriculture sous cette présidence.

Monsieur le ministre, si notre Président de la République était candidat et réélu – ce que nous sommes quelques-uns à souhaiter ici – et si vous étiez à nouveau nommé au ministère de l'agriculture – ce que nous sommes aussi quelques-uns à souhaiter ici –, quelles seraient vos lignes directrices pour les cinq ans à venir ?

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Notre commission s'est à de très nombreuses reprises saisie des questions agricoles. Dès le début du quinquennat, M. Arnaud Viala et le groupe Les Républicains avaient ainsi présenté une proposition de loi visant à restaurer la compétitivité de l'agriculture et sa place centrale dans l'aménagement du territoire par l'allègement des charges administratives et fiscales indues et l'équité des conditions de la concurrence.

Derrière les ministres, il y a d'abord les femmes et les hommes. De ce point de vue, je voudrais souligner l'altruisme dont ont fait preuve M. le ministre et aussi M. Stéphane Travert, avec leur souci du dialogue en amont et leur considération pour toutes les oppositions ; nous l'avons vu tant sur les projets et propositions de loi que sur les rapports d'information. Je salue également les équipes du ministère, à l'écoute, disponibles et professionnelles.

Pour dresser le bilan, revenons à la genèse, autrement dit la loi EGALIM de 2018, qui avait été précédée d'États généraux de l'alimentation. Force est de constater qu'elle a raté sa cible en matière de protection du revenu des agriculteurs – comme le disent des agriculteurs, des syndicats, des filières, des élus – à telle enseigne qu'il a fallu adopter une seconde loi, EGALIM 2, dont je ne tirerai pas précocement le bilan puisque les négociations viennent de s'achever. Nous ferons le point plus tard.

Ces cinq années ont aussi été marquées par une hausse des actes d' agribashing – je pense aux actions des antispécistes, aux agriculteurs agressés sur leur lieu de travail. Ce qui m'amène à un sujet sur lequel je vous ai déjà alerté, Monsieur le ministre : PhytoSignal, qui est une plateforme de signalements et de plaintes liés aux épandages de pesticides, créée en 2013 et expérimentée dans plusieurs régions. Il semble que vous ayez décidé il y a quelques semaines de suspendre le groupe de travail qui étudiait la généralisation de la plateforme, en faveur de laquelle votre ministère s'était pourtant prononcé. Pourquoi avez-vous interrompu ces travaux, et jusqu'à quand ? Que pensez-vous de telles plateformes ?

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Le groupe Dem salue le bilan riche, durable et prometteur du quinquennat tant pour les agriculteurs que pour notre alimentation à tous.

Grâce à la loi EGALIM, nos enfants mangent mieux, les circuits courts sont favorisés et les débouchés pour nos agriculteurs se développent. Depuis 2017, l'équivalent d'un département français a été converti à l'agriculture biologique, grâce aux aides à la conversion. Nous avons aussi défendu les rémunérations des agriculteurs afin qu'ils ne soient plus la variable d'ajustement de la guerre des prix entre distributeurs.

Le bien-être animal est un sujet qui me tient particulièrement à cœur. La loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes que nous avons votée en novembre dernier constitue une nouvelle étape historique pour la cause animale. À une époque où les vidéos choc d'animaux agonisants et maltraités inondent internet et où les ONG s'indignent à juste titre, relayées par les médias, rappelons quelques-unes de ses avancées : les sanctions applicables en cas de sévices graves, d'actes de cruauté et d'abandon sont renforcées – trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ; il est mis fin à l'élevage des visons d'Amérique pour leur fourrure – il s'agit d'un enjeu animal, sanitaire et environnemental. Notre société a évolué, notre considération pour les être sensibles également. Monsieur le ministre, quelles mesures ont été prises pour améliorer les conditions d'élevage et d'abattage ?

Dans le cadre du plan d'investissement France 2030, le Président de la République a annoncé son intention de mener une véritable révolution agricole et alimentaire, fondée sur le numérique, la robotique ainsi que la génétique et dotée de plus de 2 milliards d'euros afin de mieux manger et de mieux produire. Comment comptez-vous mettre la condition animale au cœur de cette révolution ?

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À l'heure du bilan, je souligne la communauté de valeurs qui nous unit, Monsieur le ministre : celles de la science, de la raison, de la démocratie et du dialogue – vous en avez fait la preuve à notre égard. Vous avez manifesté durant votre court mandat une passion européenne et pour les questions agricoles et d'alimentation, ce qui n'a pas toujours été le cas auparavant.

Parmi les points positifs que je voudrais souligner en toute objectivité, il y a l'effort fait dans le cadre du plan de relance en faveur d'actions pour lesquelles nous militons depuis la précédente législature : le plan protéines, les plans alimentaires territoriaux, les haies, les replantations et l'agroforesterie, qui ont connu des développements impensables dans les premières années du mandat. Il y a aussi le souci de persévérance dont témoigne la loi EGALIM 2, après EGALIM 1 et Sapin 2. Je suis moins critique que d'autres parce que j'avais cru qu'avec la loi Sapin 2, tout était gagné ; et pourtant il a fallu recommencer trois ans plus tard, sans même réussir complètement. Ce qui apparaît aujourd'hui, c'est que tant que la loi de modernisation de l'économie (LME) continuera de s'appliquer, nous n'y parviendrons pas.

Je salue enfin vos efforts dans différents domaines, notamment l'action sociale et la protection contre les risques climatiques, même si, sur ce dernier point, nous regrettons le dispositif préconisé.

Bref, vous êtes un ministre qui a travaillé, dialogué et ouvert des chantiers.

Toutefois, en ce qui concerne la justice entre les producteurs, la répartition des moyens et l'agroécologie, sans aller jusqu'à parler de régression, je dirais que nous sommes sur un faux plat.

Je crois être ancré dans ce métier et dans les territoires, et partager la même passion que vous. Cependant, pour moi, la révolution ne sera pas celle que vous avez présentée. Je milite pour le biocontrôle depuis sept ans, je suis l'auteur de quelques innovations en la matière : n'y voyez aucun orgueil de ma part, mais je crois que la révolution ne sera pas liée à l'innovation ou à la technologie, mais à l'installation, ce qui demande un partage de la terre. Or, en la matière, vous n'êtes pas allé au bout des choses. C'est le défi numéro un : sans installation, il n'y aura pas d'agroécologie parce que l'agroécologie, c'est d'abord de l'agronomie et non des technologies.

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Depuis que je suis élu, je n'ai pas entendu de critiques sur votre action de la part des agriculteurs : de leur part, cela ressemble à un compliment. Ceux de ma circonscription vont même jusqu'à vous appeler « Julien » entre eux.

J'ai constaté vos efforts remarquables de concertation sur l'ensemble des textes pris depuis que la question agricole est devenue l'une de mes priorités : la loi sur le foncier agricole, la loi EGALIM 2 ou « Besson-Moreau » sur la rémunération des agriculteurs, les lois sur la revalorisation des pensions de retraite des agriculteurs et des conjoints collaborateurs et bientôt la loi qui réforme l'assurance récolte pour prendre en compte le dérèglement climatique.

Nous apprécions votre bienveillance à l'égard de tous les acteurs de la profession agricole et votre recherche permanente de conciliation entre des intérêts souvent divergents. J'ai noté également vos efforts en matière de consultation lors de l'élaboration de la nouvelle PAC.

Cependant, les agriculteurs percherons que je représente ici ont une suggestion sur la revalorisation des haies des prairies et le « bonus haies ». D'une part, il faudrait prendre en compte, dans le calcul, le fait que les haies des pâtures ont un plus grand intérêt pour la biodiversité que les haies de terres arables. D'autre part, la rétribution accordée aux agriculteurs faisant l'effort de protéger et entretenir les haies n'est pas suffisante en proportion des charges qu'elles représentent, en l'absence, pour l'instant, de valorisation du bois.

Je souhaite enfin vous interroger sur les pesticides volatils tels que le prosulfocarbe et la possibilité d'instaurer à court terme un outil de gestion parcellaire qui permettrait de prévenir les agriculteurs aux alentours en cas d'utilisation de ces pesticides.

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Je me joins au cortège de félicitations : vous faites un bon ministre de l'agriculture. Vous avez entièrement raison, le revenu des agriculteurs reste la mère des batailles. Beaucoup de bonnes choses ont été faites, mais dans le bref temps qui m'est imparti, je préfère évoquer mes inquiétudes.

En agriculture, il n'y a pas de place pour le « en même temps ». Le prochain mandat devra être placé sous le sceau de la clarté. Ainsi, s'agissant de l'élevage, on ne peut pas à la fois prétendre vouloir le développer et tolérer des accusations permanentes sur le bien-être animal ou les abattoirs.

En matière de bien-être animal, il faut engager une transition, et cela demande du temps. Il faut également expliquer à l'opinion publique et à ceux qui attaquent l'agriculture, en particulier l'élevage, que nous vivons dans un monde ouvert, celui de l'espace économique européen et des échanges bilatéraux avec les États-Unis, le Brésil et d'autres régions du monde.

Il faut aussi faire comprendre les enjeux macroéconomiques en présence. Dans mon département d'Ille-et-Vilaine, pourtant pays de la production laitière, il y a une entreprise agroalimentaire qui a besoin d'environ 250 tonnes de beurre par jour : elle l'achète en ce moment au Danemark, en Pologne et en Allemagne !

Quant à PhytoSignal, les maires bretons ont reçu un courrier les incitant à encourager les dénonciations et recueillir les signalements de mauvaises pratiques. Cela met sur les agriculteurs une pression insupportable. La plateforme a été créée sous la précédente législature, mais en tant que ministre, vous devez mettre le holà à pareille méthode. C'est une agression inacceptable envers les agriculteurs.

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À mon tour, je salue votre action ainsi que votre sens du dialogue avec la profession, mais également avec les élus, quels que soient les points de vue.

Nous attendions beaucoup de la loi EGALIM, qui devait rééquilibrer les relations commerciales entre les exploitants, les industriels et les distributeurs. Il a fallu rapidement la rectifier, avec la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs. Selon mes informations, les distributeurs ne jouent toujours pas le jeu. Plus inquiétant encore, la baisse des prix de vente affecte désormais les produits bio, notamment certaines cultures telles que la pomme. Que comptez-vous faire pour mettre un terme aux pressions à la baisse sur les prix de vente des produits agricoles ?

Parallèlement, nos agriculteurs, en particulier les arboriculteurs et les viticulteurs, doivent batailler face aux dérèglements climatiques. Ils s'inquiètent notamment de la raréfaction de la ressource en eau. Vous vous étiez engagé à simplifier les procédures en matière de retenue d'eau artificielle. Quelles décisions avez-vous prises en la matière ?

En cas d'aléas climatiques, l'utilisation de matériel de protection peut contribuer à minimiser les pertes. Un nouveau guichet a été ouvert en décembre dernier afin de financer en partie le matériel acquis. Où en est la consommation des crédits dédiés – l'année dernière, ils avaient été épuisés en quelques semaines ?

Nos exploitants sont démunis face à la recrudescence des épidémies. Dans certains secteurs tels que l'arboriculture, les progrès en matière de recherche se font insuffisamment sentir. Les arboriculteurs subissent en outre un décalage temporel : les arbres plantés aujourd'hui, plus résistants, ne donneront des fruits que d'ici une quinzaine d'années. Envisagez-vous de renforcer les aides en cas d'épidémie ? Des mesures telles que la prime à l'arrachage peuvent-elles être généralisées ?

Nombre d'exploitants nous ont alertés sur un problème persistant de disponibilité de main-d'œuvre. Dans les abattoirs, le problème n'est pas seulement la mise aux normes, que vous avez évoquée, mais aussi le recrutement.

S'agissant de la politique agricole commune, craignez-vous que la Commission européenne invalide certains points de notre plan stratégique national ? Quel dossier prioritaire souhaitez-vous faire avancer pendant la présidence française de l'Union européenne ?

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Je me joins à mes collègues pour saluer nos échanges sur divers sujets, même si nous ne sommes pas toujours d'accord, ainsi que la disponibilité de vos équipes.

En cet épisode de grippe aviaire, nous constatons que les élevages confinés sont tout de même frappés par la maladie. Le lien entre propagation du virus et faune sauvage n'est ainsi pas clairement établi et le confinement ne semble pas être la solution appropriée. Le vide sanitaire, qui consiste à abattre des milliers d'animaux, ne l'est pas plus. La situation se répétant depuis quatre ou cinq ans, il va bien falloir trouver une solution. D'après ce que j'ai compris, la vaccination serait désormais préconisée. Le problème ne viendrait-il pas plutôt du modèle industriel de l'élevage, en particulier celui des volailles, qui, à mes yeux, maltraite aussi bien les animaux que les salariés et les agriculteurs ?

S'agissant d'une autre maladie qui touche cette fois les bovins, la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), la vaccination est également préconisée. Je m'interroge sur la stratégie. En Ariège, l'un des derniers départements affectés par cette maladie, il est demandé aux éleveurs de vacciner leurs animaux tous les six mois alors que la vaccination pourrait être annuelle. Pour la prochaine période d'estive, les bovins positifs vaccinés ne pourront plus monter en altitude et devront être rapidement abattus. J'ai également cru comprendre que les éleveurs dont les troupeaux ne sont pas qualifiés indemnes ne pourront pas monter leurs bêtes, même si elles sont négatives. Si c'était le cas, cela poserait un sérieux problème. D'autant que la vaccination ne semble pas efficace puisque de nouveaux cas apparaissent dans des troupeaux vaccinés. Je rappelle que cette maladie ne rend pas la viande impropre à la consommation. Je m'interroge donc sur la pertinence de l'abattage systématique.

Enfin, je ne peux pas terminer sans vous parler de l'ours. La nomination d'un préfet délégué à ce sujet est une grande avancée, il faut pérenniser cette fonction. Les groupes de travail sur le loup et sur l'ours doivent davantage travailler ensemble, notamment sur les chiens de protection et sur les contrats de travail des bergers.

Enfin, pourrais-je avoir rapidement une réponse à la question écrite que j'ai posée, à la demande d'une présidente de groupement pastoral, sur l'indemnisation des dégâts liés à l'ours ?

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Tout le monde l'a dit, le ministre est sympathique, à l'écoute. Il aime le dialogue et il a soutenu la proposition de loi de mon groupe sur la question des retraites. Il est suffisamment rare qu'un ministre possède toutes ces qualités pour le souligner. Voilà pour les compliments. Il y a eu de nombreuses choses positives, mais je veux m'attarder sur ce qui reste à faire ou qui ne va pas.

Dans le pays de Bray, dans la petite commune d'Haussez, il restait un atelier laitier : il ferme ces jours-ci. Découragés, les éleveurs abandonnent les vaches pour se tourner vers les cultures. Les prix de l'alimentation du bétail s'envolent. Tout augmente, sauf ce qui sort du pis des vaches : les 1 000 litres de lait se vendent 360 euros, à peine mieux que les 330 euros précédents. Ce n'est pas tenable. Pour inciter les jeunes à s'installer, il faudrait un prix fixé à 400 euros.

Depuis 2017, la France a perdu 250 000 vaches. Notre souveraineté alimentaire dans la filière laitière est très clairement menacée par la décapitalisation du cheptel, qui décourage les vocations au moment où un grand nombre d'agriculteurs partent à la retraite.

Si nous ne mettons pas « un frein à l'immobilisme », comme disait Raymond Barre, les industriels iront demain faire leur marché ailleurs, alors qu'une partie des consommateurs cherchent pourtant à retrouver la qualité d'origine France dans les assiettes.

Un produit est emblématique de la crise du lait et de la dévalorisation de l'élevage, c'est le beurre. On nous dit qu'on manque de beurre ; la tonne de beurre est passée de 3 200 euros à 6 000 euros en un an – les Français l'ont mesuré avec l'augmentation du prix de la galette des rois. Le Président de la République avait affirmé au sortir du confinement que nous devions recouvrer notre souveraineté alimentaire. Mais qui sont les rois de la galette ? Les rois du beurre ! tandis que les éleveurs laitiers n'ont que leurs yeux pour pleurer. Qui a le beurre, l'argent du beurre et le sourire du crémier ? Ce sont les industriels qui se beurrent la tartine, parce que nous attendons toujours une plus juste répartition de la valeur du lait en faveur des éleveurs ; ce sont Danone et Lactalis – celui-là même qui a fait gommer des étiquettes l'origine géographique du lait. Avec la grande distribution, ils organisent le hold-up sur la valeur du lait.

Dans ma région, les éleveurs souffrent. Depuis la dernière crise du beurre en 2017, la production du beurre en France a très peu augmenté alors que la demande est croissante, notamment en Asie. Vous le savez, le sujet est dans l'ADN du groupe GDR : tant que nous n'agirons pas de manière déterminée sur le prix payé aux producteurs laitiers, nous risquerons de voir l'élevage reculer.

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Julien Denormandie, ministre

Je vous remercie pour vos mots agréables à mon endroit – cela fait toujours plaisir. Vous avez relevé la sincérité de la méthode que j'ai cherché à appliquer aux différents postes que j'ai occupés.

Monsieur Moreau, parmi les priorités à venir, la rémunération reste à mes yeux la mère des batailles. Tant que nous ne l'aurons pas gagnée, notre souveraineté sera menacée. Vient ensuite la troisième révolution agricole. Et puis, parmi les très nombreux chantiers que nous avons ouverts depuis deux ans, et souvent achevés, celui que j'aurais souhaité voir avancer davantage est celui de l'approche nutritionnelle.

Cette thématique devrait figurer dans l'intitulé du ministère. Si nous voulons sceller un nouveau pacte entre la société et le monde agricole, il faut absolument avoir une approche nutritionnelle. Le drame de notre société, c'est que l'alimentation a perdu sa valeur, à commencer d'ailleurs par sa valeur nutritionnelle. Nous oublions tous qu'Hippocrate disait que l'alimentation est la première médecine. Qui considère aujourd'hui l'agriculteur comme le deuxième médecin ou pharmacien du territoire ? Et faute de prise en compte de la valeur nutritionnelle, nous en venons à dénigrer notre agriculture, au profit de productions étrangères qui sont d'une qualité bien moindre.

D'autres aspects de cette valeur ont aussi été perdus, comme son volet environnemental – nous demandons aux agriculteurs de mener des transitions sans pour autant les rémunérer – et son volet économique. Il est pourtant tout aussi essentiel. Pour reprendre l'exemple de l'exploitation laitière, mais cela vaut aussi pour la viande bovine, les prix d'aujourd'hui sont presque identiques à ceux que connaissaient les parents de nos exploitants, alors que les charges n'ont cessé de croître !

Nous avons donc perdu le combat de la valeur, nutritionnelle, environnementale et économique. Je me suis battu avec force et je continuerai à le faire, mais il reste beaucoup à faire dans le domaine de l'éducation. Songez que les études de médecine n'abordent presque pas la nutrition ! Dès le plus jeune âge – j'ai commencé à y travailler avec M. Jean-Michel Blanquer, - et dans l'ensemble du débat public, la valeur de l'alimentation, pour son propre corps d'abord, doit s'imposer comme une évidence.

L'enseignement agricole est un trésor dans notre pays, qu'il faut préserver. Il faut continuer à le soutenir, dans toute sa singularité – il dépend du ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Il faut aussi mieux informer nos concitoyens, qui ont une image positive de cet enseignement mais qui pensent qu'il ne débouche que sur le métier d'agriculteur : pourtant, plus de deux cents formations sont proposées, qui font aussi des experts en science environnementale ou en science des données, des machinistes, des vétérinaires et des biologistes ! Il faut donner plus de visibilité à tous ces métiers du vivant et je note avec une grande satisfaction, car c'était un de mes combats, qu'on compte en 2021 un nombre record d'apprentis et une augmentation du nombre d'apprenants, ce qui n'était pas arrivé depuis fort longtemps.

Monsieur Dive, ceux qui se livrent à l' agribashing cherchent à provoquer une réaction scandalisée du monde agricole comme le judoka utilise le poids de son adversaire pour le déséquilibrer et le faire chuter. Il faut donc, selon moi, cesser d'en parler : n'entrons pas dans leur jeu ! Ce n'est pas en « bashant » l' agribashing que l'on rendra service au monde agricole, au contraire. Soulignons plutôt les innovations de nos agriculteurs et la valeur nutritionnelle de leurs productions, sans nier les nombreux défis qui restent à relever, notamment en matière de transition écologique. Par ailleurs, il faut être intransigeant sur les violations de propriété privée et soutenir fermement la cellule Demeter, dont certains veulent la disparition.

PhytoSignal a été créé en 2013, puis mis en application, à l'échelle régionale, dans différents territoires comme la Nouvelle-Aquitaine et plus récemment la Bretagne. Pour le dire clairement, ce dispositif ne correspond à ma conception des choses, ni sur le fond, ni sur la forme.

Sur le fond, il donne le sentiment que les agriculteurs utiliseraient des produits de fond de cuve importés sous le manteau. Non ! Tous les produits dont ils se servent ont été validés par l'Autorité européenne de sécurité des aliments et par l'agence de sécurité sanitaire française. Les agriculteurs n'ont pas à porter la responsabilité des décisions prises par ces agences selon la science et la raison. C'est pourquoi je ne suis pas favorable à ce type de dispositif. Au demeurant, si un problème lié à l'usage de ces produits survient, des canaux permettent de bénéficier du soutien public. Mais la suspicion et la délation ne sont pas conformes à mes valeurs.

Et sur la forme, il faut agir avec méthode. Si j'ai décidé de suspendre le dispositif, c'est parce qu'il me paraît important de connaître le retour d'expérience de son application dans une région avant de l'étendre à d'autres.

De la même manière, laisser croire que les zoonoses auxquelles nous avons à faire face sont apparues dans nos élevages est non seulement faux, mais contre-productif. Si l'on affirme que les élevages porcins par exemple favorisent l'émergence de je ne sais quelle maladie transmissible, l'on va continuer de fermer les nôtres – qui, en France, comptent en moyenne 170 truies – et donc importer de plus en plus de porcs élevés en Chine, où ils sont parqués dans des immeubles de treize étages qui, pour le coup, offrent gîte et couvert à tous les coronavirus ! Je préfère largement développer nos élevages, soumis à toutes les règles requises.

De même, Madame Taurine, j'ai entendu l'ancien président de votre groupe établir une corrélation directe entre l' influenza aviaire et de nouvelles zoonoses. Or ce virus n'est pas créé dans nos élevages, ouverts ou fermés : il est transmis par les oiseaux migrateurs ! J'ai même vu – et cela m'a terriblement heurté – des affiches publicitaires représentant un masque sous lequel il est écrit : « Au lieu de gérer les conséquences, gérons les causes : les élevages ». Non seulement c'est mensonger, mais c'est, au bout du compte, chérir des causes dont on se plaindra des conséquences : ce type de discours, outre qu'il revient à désigner l'éleveur comme le coupable, va conduire encore une fois à fermer nos élevages et à importer de plus en plus de viande issue de bêtes nourries aux antibiotiques de croissance en Amérique du Sud ou élevées dans une densité incroyable en Amérique du Nord ou en Chine. Commençons donc par remettre la science et la raison au centre des discussions.

Monsieur Corceiro, qu'il s'agisse des élevages ou des abattoirs, il faut être fier de tout ce qui a déjà été fait – je remercie, du reste, M. Potier de reconnaître qu'il en avait rêvé. Grâce au plan de modernisation des abattoirs, financé notamment par les investissements du plan France relance, on prend enfin le problème par le bon bout.

Quant aux élevages, ils ont également connu des avancées significatives. Toutefois, vous avez voté une loi qui impose que toute création ou modernisation d'un élevage de poules pondeuses se fasse selon des méthodes alternatives. Faites le test dans votre circonscription : déposez une demande de permis pour la construction d'un élevage de ce type en plein air. C'est impossible ! On peut rêver d'un monde idyllique où tous les animaux seraient élevés dehors. Mais, outre qu'il faut parfois mettre les cheptels à l'abri pour les protéger contre la peste porcine africaine ou l' influenza aviaire, il faudrait, pour que tous les porcs soient élevés dehors, la superficie d'un département entier ! Du reste, vous remarquerez que, la plupart du temps, les personnes qui réclament ce type de mesures habitent en centre-ville… Faisons un peu confiance au bon sens paysan ! Il en va de même pour les abattoirs.

Qu'il s'agisse de la condition animale ou des produits phytosanitaires, Monsieur Benoit, le principal « en même temps » auquel nous sommes confrontés se résume ainsi : « citoyen de bon matin, consommateur passé le quart d'heure ». Autrement dit, c'est la cohabitation des contraires. Pour vous citer un exemple, je me bats actuellement avec l'ensemble des acteurs de la filière pour concrétiser cette mesure en faveur de laquelle vous avez tant plaidé : la fin du broyage des poussins. Après un an et demi de recherches, on a trouvé la technique appropriée, l'État a investi pour financer le matériel et on a élaboré les textes nécessaires : au bout du compte, le surcoût se situe entre 0,55 et 0,66 centime d'euro par œuf. Bien entendu, il n'est pas question qu'il soit assumé par l'éleveur : pas besoin de voir le compte de résultats pour savoir que l'exploitation devrait fermer ! Non, c'est au citoyen, qui réclame cette mesure, de le supporter. Quoi qu'il en soit, j'ai dû participer à cinq à dix réunions pour aboutir à un dispositif concret, qui prendra finalement une forme très française : la contribution volontaire obligatoire…

Vous voyez bien la complexité de ce genre de choses. À tous ceux qui disent qu'il suffit de prendre la décision pour qu'une mesure s'applique, parce qu'elle va dans le sens de l'histoire, je réponds : citoyen de bon matin, consommateur passé le quart d'heure ! Il est là, le « en même temps » !

Par ailleurs, n'oublions pas qu'il ne faut jamais mélanger politique économique et politique sociale. J'ai toujours été très impliqué, notamment en tant que ministre de la ville, dans les politiques sociales, mais on ne réglera pas le problème du pouvoir d'achat des Français sur le dos de nos agriculteurs. C'est ainsi qu'a été conçue la loi de modernisation de l'économie, et c'est une folie.

À ce propos, je précise, Monsieur Potier, que la loi EGALIM 2, issue de la proposition de loi de M. Besson-Moreau, fait beaucoup plus que corriger la LME.

Vous m'avez aussi interrogé sur le plan protéines, qui est la manifestation concrète des bénéfices de notre souveraineté alimentaire pour l'environnement et pour notre pays. Il nous faut investir massivement dans ce domaine : nous avons saisi l'opportunité du plan de relance pour le faire, et nous irons encore plus loin avec France 2030. Nous devons reconquérir notre souveraineté protéique et en finir avec notre dépendance envers les États‑Unis dans ce domaine, qui est liée au traité de Rome.

Quant au foncier, l'application du volet consacré aux parts sociétaires nous enseigne que la future loi foncière, que je souhaite, devra être précédée d'une très, très large consultation pour éviter les tensions.

Monsieur Lamirault, je suis un grand défenseur des haies. Elles sont incluses dans les conditionnalités et donneront droit à un bonus dans le cadre de la PAC. Pour schématiser, les dernières politiques agricoles communes ont été perçues comme des PAC de la jachère : on recourait à cette technique pour atteindre les objectifs agroenvironnementaux. Mon objectif est que, dans plusieurs années, on parle de la future PAC comme de celle des protéines et des haies. Je ne sais pas si ce sera le cas, mais mes arbitrages vont dans ce sens, qu'il s'agisse de l'écorégime ou des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). Quant à la question des pesticides volatils, elle est très difficile à résoudre, mais je l'ai bien en tête – nous pourrons en reparler.

Madame Pinel, s'agissant de la ressource en eau, nous avons pris une première mesure de simplification avec le décret relatif au débit d'usage de l'eau. Mais nous irons encore plus loin lorsque les conclusions du troisième groupe de travail du Varenne – après ceux consacrés à l'assurance récolte et au plan de prévention – seront connues, dans deux à trois semaines.

La ligne budgétaire concernant les matériels de protection contre les aléas climatiques fait partie de celles que nous continuons à abonder et pour lesquelles nous avons encore de la disponibilité. Nous finançons, je le rappelle, non seulement l'acquisition des matériels mais aussi la recherche et développement dans ce domaine. On a en effet constaté, lors de l'épisode de gel du printemps dernier, que, dans certains territoires, aucun matériel actuellement disponible n'aurait pu fournir une protection suffisante.

Concernant la main-d'œuvre, nous travaillons beaucoup, avec les professionnels, à des plans spécifiques.

Je crois beaucoup en la pertinence de notre plan stratégique national. Quelques points devront faire l'objet d'aménagements ; je pense en particulier à l'inclusion dans le plan de la révision de la haute valeur environnementale, annoncée il y a un an. De manière générale, ma position, au niveau européen, est simple : la priorité absolue, c'est la réciprocité. On ne peut plus travailler en silo, menant des politiques sectorielles visant à toujours plus de transition tout en poursuivant une politique commerciale, au sens large, qui ne protège pas. C'est l'objet de l'article 44 de la loi EGALIM et des clauses miroirs que je défends avec force.

Madame Taurine, je crois qu'à la fin des fins, nous devrons nous armer contre l' influenza aviaire en nous dotant de la vaccination. Force est en effet de constater que, même lorsqu'on investit beaucoup dans les mesures de biosécurité, le virus continue de circuler. Hélas, nous sommes loin du compte car, pour l'heure, aucun vaccin n'est homologué. Nous allons en expérimenter deux dans les prochaines semaines afin d'évaluer leur efficacité, puis j'évoquerai cette solution avec les nombreux États membres concernés – Pays-Bas, Belgique, Italie, Espagne, Allemagne… – afin de créer un consensus scientifique et vétérinaire sur ce sujet.

Votre question portant sur l'IBR, la rhinotrachéite infectieuse bovine, était très précise ; comme je ne voudrais pas que ma réponse soit erronée, je vous propose d'en discuter, à la fin de la réunion, avec le directeur général de l'alimentation, qui est ici présent.

Vous m'avez également interrogé sur les ours et les chiens de protection. À la demande du Président de la République et du Premier ministre, nous nous sommes saisis l'été dernier, pour une conclusion attendue dans le courant de cette année, de la question des chiens de troupeaux – qui soulèvent d'importants problèmes de gestion, d'appui et de statut juridique – et de celle du comptage.

Enfin, cher Monsieur Jumel, ne citez pas Raymond Barre devant moi, je suis perdu ! Plus sérieusement, le volet laitier est la mère des batailles. Vous défendez – nous en avons longuement débattu lors de l'examen de la loi EGALIM 2 – la fixation des prix par la loi. Je n'y crois pas, et pour une bonne raison, parmi d'autres : les crises passées, notamment certaines de celles que vous avez évoquées, ont pu être provoquées par l'administration du stock ou celle des prix. Cela ne marche donc pas. Avec la loi EGALIM 2, nous sommes vraiment allés aussi loin que possible : toutes les mesures susceptibles de protéger le revenu, pourvu qu'elles soient constitutionnelles, ont été prises.

Désormais, l'enjeu, c'est l'application de la loi. À cet égard, lorsque Lactalis conteste devant la Cour de justice de l'Union européenne l'obligation d'indiquer par étiquetage l'origine géographique du lait, les bras m'en tombent ! Non seulement ce n'est pas le sens de l'histoire, mais où est le patriotisme, la fierté française, dans une telle démarche ? Par ailleurs, la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) m'a interpellé au début de la semaine au sujet d'un groupe qui aurait proposé une baisse de 3,5 % des prix du lait. À moins que quelque chose ne m'échappe, et nous sommes en train d'approfondir la question, proposer une telle déflation n'est pas conforme à la loi, puisque, dans ce secteur, tout a augmenté ! J'ajoute une précision : il est certain que cette proposition n'est pas légale en aval. En amont, la liberté contractuelle complique les choses.

Quoi qu'il en soit, je ne laisserai rien passer. Il ne se passe pas une semaine sans que j'écrive personnellement à des responsables des grandes enseignes ou à des industriels pour leur indiquer les manquements constatés. Il peut s'agir, par exemple, d'un emballage de tranches de jambon qui a une étiquette « origine : France » alors qu'il est indiqué à un autre endroit que l'origine est étrangère… Non seulement je leur écris, mais je les appelle régulièrement, et nous avons créé un dispositif, signalement@agriculture.gouv.fr, qui permet d'adresser directement les constats à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont le nombre des enquêtes a ainsi été multiplié par quatre. Nous ne lâcherons rien !

Si les chefs de ces grandes entreprises ne veulent pas jouer le jeu de la rémunération, qu'ils disent clairement que la délocalisation de notre agriculture n'est pas leur problème. L'histoire s'en souviendra.

Nous agissons avec méthode. Dans le cas de la baisse du prix du lait de 3,5 % que j'évoquais, nous avons saisi le médiateur, à la demande de la FNPL, afin de déterminer si la proposition est légale ou non. J'attends sa réponse mais, le cas échéant, ma main ne tremblera pas : je serai d'une sévérité totale. Car, encore une fois, c'est la mère des batailles. N'oublions pas cependant que la loi EGALIM 2 n'est pas une baguette magique : elle nous donne des outils, des armes, pour que nous puissions intervenir dans la guerre des prix, qui est mortifère pour notre souveraineté. Nous allons donc nous battre.

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Un mot d'abord pour saluer votre travail, Monsieur le ministre, ainsi que celui de deux de vos prédécesseurs, MM. Stéphane Travert et Didier Guillaume, et de l'ensemble des parlementaires, singulièrement du président Roland Lescure, dont l'engagement en faveur de l'agriculture ne s'est pas démenti depuis le début de la législature.

La rémunération des agriculteurs est au fondement de la réussite de tous les autres chantiers de ce secteur. M. Besson-Moreau et moi étions hier dans la Drôme pour évoquer cette question avec le monde agricole. Des avancées ont eu lieu : je pense par exemple à la réussite de la contractualisation, prévue dans EGALIM 1, dans la filière caprine – nous attendons la mise en œuvre d'EGALIM 2 et l'indexation des prix. Mais certaines filières sont inquiètes, en particulier celles de la viticulture et de certains fruits et légumes, qui sont sorties de ce cadre. Qu'en est-il des discussions les concernant ?

Le principe du « rémunéra-score », discuté lors de l'examen de la loi « climat et résilience », doit faire l'objet d'une expérimentation aux termes de la loi EGALIM 2. Où en sont vos services sur ce point ?

Enfin, la filière bio a connu une formidable progression pendant le quinquennat, puisque la surface agricole utile a presque doublé entre 2017 et 2020. Pourtant, on a constaté récemment une baisse de la consommation de ces produits. Cette baisse est-elle conjoncturelle ? Quel est, selon vous, l'avenir de cette filière ? Pouvez-vous rassurer les exploitants que nous incitons à se convertir à l'agriculture biologique ?

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Nos entreprises vinicoles reçoivent, par l'intermédiaire de FranceAgriMer, dans le cadre de l'organisation commune du marché vitivinicole, des aides européennes à l'investissement, sur la base d'une enveloppe annuelle. Vous conviendrez que l'instruction des dossiers de 2021 traîne. Ils ont été déposés en février dernier mais beaucoup de réponses n'ont toujours pas été notifiées, alors que les travaux ont souvent déjà été réalisés ou sont en cours. Habituellement, les montants alloués sont transmis en juin de l'année de dépôt. Les entreprises constatent aussi qu'on leur demande beaucoup plus fréquemment des renseignements complémentaires.

Monsieur le ministre, parlons franc : y a-t-il un dépassement de l'enveloppe annuelle prévue ? Quel est son montant, et quel est le montant globalisé de toutes les demandes françaises ? Cherche-t-on à réduire le nombre de dossiers, voire à en évincer une partie ? Pourquoi ce retard dans l'instruction des dossiers ? La filière viticole est un acteur important de notre économie et mérite, alors qu'elle traverse une période difficile, des réponses rapides et précises.

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Monsieur le ministre, je souhaiterais revenir sur votre action dans le domaine de l'agriculture urbaine. Nous l'avons tous noté, le contexte de la crise sanitaire a accentué l'appétence de nos concitoyens pour les circuits courts. Une attention plus particulière a été portée à la valorisation des jardins partagés et à l'agriculture urbaine. Leur développement est en effet très positif pour nos centres urbains. Ce sont des espaces privilégiés de biodiversité et des lieux conviviaux, qui participent directement à la cohésion sociale des quartiers. Ils contribuent à la sensibilisation des habitants aux questions environnementales et constituent un véritable pont entre le monde urbain et le monde agricole. Je salue l'engagement du ministère sur cette question, notamment au travers de l'affectation de 17 millions d'euros du plan de relance aux jardins partagés et collectifs. Je trouve particulièrement enthousiasmante l'opération « Les quartiers fertiles », pilotée par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui vous permet de mettre l'accent, avec la ministre chargée de la ville, sur les quartiers de renouvellement urbain.

Les projets financés permettent de mettre l'agriculture urbaine au cœur des quartiers prioritaires de la ville. C'est le cas, par exemple, pour le quartier des Izards, à Toulouse, qui accueille l'Edenn, un écopôle destinée à l'alimentation durable et à l'agriculture urbaine, que j'ai eu la chance de visiter. Ce projet est l'occasion de maintenir et de développer les dernières terres agricoles de la ville, de cultiver des produits frais, locaux et de saison, et de participer à l'emploi local, ainsi qu'au dynamisme du quartier.

Cela étant, le développement de ce projet se heurte au problème plus général de la disponibilité du foncier. En effet, l'agriculture urbaine entre en concurrence directe avec la promotion immobilière, à qui les terrains libres sont souvent prioritairement réservés. Or, la nécessité de créer des espaces affectés aux jardins partagés grandit, et doit être conciliée avec l'impératif de produire toujours plus de logements. Quelles sont les pistes envisagées pour conserver des terrains à destination de ces projets ? L'agriculture urbaine et le développement de logements pour tous nos concitoyens sont-ils compatibles, Monsieur l'ancien ministre du logement ?

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Pour ce qui est de votre action en matière de bien-être animal, vous avez réussi à mettre fin à deux pratiques particulièrement décriées dans l'élevage, la castration à vif des porcelets et le broyage des poussins. Nous pouvons également nous féliciter, de façon plus générale, de la fin progressive de la présence de la faune sauvage dans les cirques itinérants ou des orques et dauphins dans les delphinariums, ou encore de l'interdiction des élevages de visons. Étant particulièrement sensible au bien-être animal, je suis fière que la majorité ait obtenu de nombreuses avancées, dont vous avez été l'un des protagonistes.

Le contrôle des grands élevages dépend directement de votre ministère. En novembre dernier, des vidéos ont été publiées sur un élevage de poulets de l'entreprise Le Gaulois, à Saint-Saturnin-du-Limet : on y voit des cadavres jonchant le sol, des bacs d'équarrissage où grouillent des vers, des canons à poulets, un salarié commettant des actes de maltraitance… Le bien-être animal n'y est qu'une très lointaine préoccupation. Or, sur son site internet, la marque met en avant un engagement en la matière.

Ce n'est pas la première vidéo qui met en lumière des pratiques choquantes, immorales, voire illégales dans les élevages intensifs. Quel bilan tirez-vous des contrôles des élevages effectués par les services de votre ministère ? Quelles mesures pourraient-elles les rendre plus performants ? Quelles sanctions peut-on appliquer pour éradiquer ces pratiques ?

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Monsieur le ministre, vous incitez à juste raison les jeunes à s'installer, puisque près de 50 % des exploitations seront à transmettre dans les années qui viennent.

À Lanhouarneau, en 2020, Gauthier Balcon, 24 ans, s'est associé avec son père, éleveur de porcs. Tous les deux sont engagés dans le syndicalisme agricole. En août dernier, Gauthier a même organisé l'agrifête du Finistère, qui a réuni 35 000 personnes. Il était un de ces « entrepreneurs du vivant », engagé, défenseur de sa profession dans toute sa diversité.

Si je vous en parle aujourd'hui, c'est parce qu'à Noël, Gauthier a mis fin à ses jours ; il avait 26 ans. Je vous livre le message que sa mère me demande de porter, afin de prévenir le suicide chez les agriculteurs : « Ce métier vient de lui prendre la vie. Il avait compris qu'il fallait dire stop. La pression médiatique, les normes environnementales, une écologie dogmatique, les cours, ses cochons qui ne partaient pas, le manque d'équité dans un système coopératif ont eu raison de sa robuste carrure. Il est évident que je n'incrimine personne individuellement, mais une réflexion collective sera nécessaire. Je vous prends tous à témoin aujourd'hui, pour que son nom ne s'éteigne pas et soit le moteur d'une démarche collective. »

Je tiens à saluer la dignité de cette mère et saisis l'occasion de cette audition pour rappeler que le métier d'agriculteur peut être lourd, angoissant, quels que soient l'âge ou la production. Nous devons veiller à garantir la rémunération, impliquer tous les acteurs des filières, canaliser les critiques du métier, afin d'empêcher les pressions excessives ou, du moins, les rendre supportables.

À la suite des travaux de notre collègue Olivier Damaisin sur l'identification et l'accompagnement des agriculteurs en difficulté et la prévention du suicide, vous aviez annoncé un plan. Pouvez-vous en rappeler les mesures et préciser si une attention particulière sera portée aux jeunes agriculteurs ?

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Merci, Monsieur le ministre, pour le dialogue permanent que vous avez entretenu avec tous les élus, quelle que soit leur sensibilité politique. La défense de notre agriculture dépasse en effet les clivages partisans et nécessite une mobilisation collective très forte. À cet égard, nos territoires de montagne doivent être plus spécifiquement soutenus. Ils sont en effet confrontés à des difficultés supplémentaires, tout en participant au dynamisme de notre modèle agricole.

Je prendrai pour exemple la filière du lait de montagne, que j'ai étudiée avec Mme Pascale Boyer dans le cadre d'une mission d'information – mais il pourrait être étendu à l'ensemble des produits de montagne. Nous avons suggéré plusieurs pistes en faveur d'une reconnaissance des spécificités du lait de montagne, avec la création d'une certification officielle valorisante, fondée sur des critères tels que la surface en herbe, l'alimentation ou encore le fait que les vaches disposent d'une certaine surface extérieure. Pour cela, les acteurs de la filière ont besoin d'un soutien très clair et très puissant de l'État. Pouvez-vous nous confirmer que vous êtes prêt à travailler avec nous sur ce sujet essentiel pour assurer la pérennité d'une activité indispensable au maintien de la vie économique et sociale dans les territoires de montagne ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie pour les avancées que vous avez obtenues, même si elles ne sont pas toujours suffisantes et si, par ailleurs, nous avons assisté à des reculs, parfois importants. Nous n'avons pas toujours été d'accord, mais nous avons toujours entretenu un dialogue mesuré, argumenté et empreint de respect.

Il est un sujet qui n'avance absolument pas : le chèque alimentaire, ou « chèque bien manger ». C'était une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, en juin 2020. Le Président de la République avait affirmé, en décembre, que c'était une bonne idée qu'il fallait mettre en pratique. Nous avons essayé de l'introduire par voie d'amendement dans la loi « climat et résilience » : on nous a dit que ce serait pour le projet de loi de finances (PLF). Et lors de l'examen du PLF, on nous a encore dit que ce serait pour plus tard.

Le seul maigre engagement que vous ayez pris à l'occasion de la loi « climat et résilience » était, bien loin de l'ambition initiale, de présenter deux rapports sur le sujet. C'est l'objet de son article 259. Le premier rapport, fixant le cadre du dispositif et les modalités d'application, notamment les ménages éligibles, devait être présenté au Parlement le 22 octobre dernier. Sauf erreur de ma part, cela n'a pas été fait. Vous êtes en retard de plusieurs mois sur ce simple engagement. Le second rapport, qui doit présenter le dispositif complet, devrait être prêt pour les semaines à venir.

C'est maintenant que les gens ont besoin de l'aide alimentaire. Quelles sont les raisons du manque d'allant sur ce sujet : des questions budgétaires ? Il n'est pas possible de retarder de plus de deux ans une mesure qui aiderait les 8 millions de Français se trouvant en situation de précarité alimentaire, alors même que le Président a pris des engagements forts en la matière.

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Je voudrais à mon tour rendre hommage à votre action. Nous avons la tête haute en allant à la rencontre des agriculteurs, comme avec les autres membres de la société : il est important de conserver ce « en même temps ».

Vous avez cité les propos d'Hippocrate sur l'alimentation, et regretté que les étudiants en médecine n'aient pas de cours de nutrition. Les futurs cuisiniers non plus, du moins au début de leur cursus. On sait pourtant dans toutes les activités de haut niveau, à commencer par le sport, que la nutrition est primordiale pour le fonctionnement du corps. Comment avancer sur ce sujet, qui mêle la santé, l'éducation et l'agriculture ?

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Mes questions portent sur trois sujets qui avaient fait débat lors de l'examen de la loi EGALIM 1, sur son volet alimentaire. Premièrement, la loi impose à la restauration collective publique, depuis 2020, de proposer 50 % de produits de qualité ou locaux, dont 20 % de produits bio. Pouvez-vous dresser un bilan en la matière ? Tous les acteurs respectent-ils la loi et, dans le cas contraire, des sanctions ont-elles été prononcées ?

Deuxièmement, des expérimentations devaient être conduites, pendant trois ans, concernant l'interdiction de l'utilisation de récipients en plastique dans les cantines, notamment scolaires. Où en est-on, sachant que l'interdiction définitive concernera les plus grandes villes dès 2025 ?

Troisièmement, s'agissant du nutri-score, la Commission européenne a annoncé, en mai 2020, son intention de rendre obligatoire son affichage dans toute l'Union européenne ; une décision doit être prise d'ici à la fin 2022. La plupart des industriels et des distributeurs ont intégré cette dynamique, et un nombre croissant de consommateurs y sont familiarisés. Allez-vous soutenir, au nom de la France, la mise en place d'un étiquetage nutritionnel à l'échelle européenne – qu'il s'agisse du nutri-score ou d'un autre dispositif, puisque je crois que vous avez quelques interrogations sur ses paramètres actuels ?

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Les manifestations concrètes du changement climatique sont désormais quasi quotidiennes. Nos fermes ne font pas exception : elles y sont de plus en plus exposées. Alors que certains voient dans l'agriculture une des causes des dérèglements que nous vivons, d'autres, dont vous faites partie Monsieur le ministre, considèrent qu'elle est une partie de la solution. Il faut saluer cette vision positive porteuse d'avenir pour nos agriculteurs.

Comme vous, je crois dans les capacités d'adaptation de nos exploitations. Avec le Varenne de l'eau, à votre initiative et grâce à l'action de M. Frédéric Descrozaille, la France prépare, dans le cadre d'une vaste concertation, des solutions pour toutes les productions. Une première avancée très concrète, attendue de tous, se dessine avec l'adoption récente, en première lecture, du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. Le Varenne de l'eau s'attache à identifier des solutions dans deux autres domaines : celui, technique, des systèmes de production et celui, de plus en plus prégnant, du stockage et de l'usage de l'eau. Sur ce dernier point, pouvez-vous nous faire part des perspectives d'évolution techniques et surtout réglementaires ?

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Monsieur le ministre, au-delà du fait que nos positions aient été souvent divergentes sur de grands sujets comme l'élevage ou les pesticides, je salue votre travail acharné, votre sincère disponibilité et votre réel respect de la démocratie parlementaire. Ma question porte sur le domaine de Grignon, dans les Yvelines, qui, depuis 1826, accueille l'Institut national d'agronomie, devenu AgroParisTech.

Ce haut lieu de recherche, d'innovation et de formation en matière d'agriculture, d'élevage et de gestion des eaux et forêts comprend un château du XVIIe siècle et une ferme expérimentale de 400 hectares, avec locaux d'enseignement, bureaux, laboratoires, résidence étudiante et hôtelière, cantine, écurie et gymnase – près de 50 000 mètres carrés de bâti, dans lesquels a évolué, pendant près de deux siècles, le cœur battant de l'agronomie française. Vous avez été de ces étudiants qui ont fait vivre ces lieux.

Le déménagement d'AgroParisTech sur le plateau de Saclay, voté au terme d'un processus long et controversé, laissait ouvert le sort de cet ensemble incomparable, grand patrimoine matériel et immatériel, abritant, entre autres joyaux, les archives du fonds René-Dumont, et lieu ces dernières années de recherches interdisciplinaires, tant en haute technologie qu'en innovation frugale, portant sur la fertilité des sols, la durabilité de l'agriculture, la santé environnementale et tant d'autres sujets majeurs de notre époque. En mars 2020, l'annonce de sa mise en vente, sans garantie sur son usage, a soulevé une immense vague d'inquiétude chez les étudiants, les enseignants et dans l'ensemble de la communauté locale. On a dit que l'opération était indispensable à l'équilibre financier, mais comment le croire, quand la vente du domaine Claude-Bernard d'AgroParisTech a rapporté 110 millions d'euros tandis que celui de Grignon n'en apportera pas 20, et alors que le coût du déménagement est couvert par le quatrième plan d'investissements d'avenir ?

L'attribution du site, en juillet dernier, au groupe Altarea n'a fait que renforcer les actions de protestation et d'occupation. En novembre, le préfet des Yvelines a finalement annoncé l'annulation de la vente. Le soulagement n'est que temporaire, puisque celle-ci est simplement reportée au deuxième semestre 2022. Monsieur le ministre, quels critères l'État appliquera-t-il pour cette opération de cession emblématique ? Rendrez-vous public le rapport que vous avez commandé au directeur d'AgroParisTech sur l'avenir du site ? L'État est-il prêt à s'engager à ce que le site conserve une vocation de formation et de recherche au service de l'indispensable transition agroécologique ?

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Bravo pour votre action, Monsieur le ministre. Je souhaite insister à mon tour sur le déséquilibre entre l'offre et la demande dans la filière du lait bio. Alors qu'on assiste à un ralentissement de la croissance de la consommation, on continue de soutenir le développement de la production. Aujourd'hui, près de 30 % du lait bio est déclassé, ce qui fait que les éleveurs ne sont pas correctement rémunérés. Face à cette situation, quels peuvent être les outils de soutien des éleveurs bio – aides au titre de la PAC, stockage ou autre ? Comment éviter la disparition d'encore plus d'éleveurs laitiers, en particulier bio, alors même qu'on veut favoriser la reconversion en agriculture biologique ?

S'agissant de la transmission et de l'installation des jeunes agriculteurs, comment inverser enfin la courbe du nombre de paysans et d'exploitations ? À chaque fois qu'une exploitation disparaît, cela contribue à augmenter la surface des autres, ce qui accroît les montants en jeu et rend plus difficile la transmission. En outre, n'est-ce pas contraire à l'objectif de la transition écologique et de l'agroécologie, puisque les grandes exploitations sont moins résilientes que les structures de plus petite taille ?

Troisièmement, je me permets de revenir sur une question que je vous avais posée peu après votre nomination : l'agriculture, pour être réconciliée avec l'ensemble de la société, ne doit-elle pas être considérée en premier lieu sous le prisme de la santé ? Car à mon sens, la santé est le dénominateur commun des missions de l'agriculture.

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Monsieur le ministre, j'ai été heureux et honoré d'être à vos côtés à deux reprises, dans l'hémicycle, en tant que rapporteur du projet de loi qui permettait la réintroduction des néonicotinoïdes, ainsi que de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs. J'ai rencontré, hier, avec Mme Célia de Lavergne, des producteurs de lait de chèvre. Il s'agit d'une belle filière, qui a su se structurer, se protéger et se saisir de l'ensemble des dispositions de la loi EGALIM 1 pour obtenir un prix valorisant. Les éleveurs nous ont fait part sans détour de leur satisfaction à l'égard de cette loi, qui a produit ses effets et dont l'ensemble des mécanismes, nous ont-ils dit, leur ont été utiles. Alors que l'indicateur de coût de production de cette filière s'élevait à 780 euros les 1 000 litres, un éleveur nous a indiqué avoir été rémunéré 778 euros par la coopérative.

De fait, c'est une très bonne loi, mais elle a besoin d'être complétée pour des filières qui sont un peu plus en difficulté et ont besoin de se structurer. La loi EGALIM 2 va accompagner ces dernières, mais nous aurons encore besoin, dans les semaines qui viennent, que vous pesiez de tout votre poids, Monsieur le ministre, pour faire en sorte que chacune des 400 000 fermes de France se saisisse des nouveaux outils qu'elle introduit. On constate certaines difficultés de communication. Que pourrait-on encore faire – tant au Parlement qu'au Gouvernement – pour accélérer la diffusion de l'information auprès des agriculteurs ?

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Monsieur le ministre, vous avez le sens du dialogue – ce sont même les gens qui s'opposent à vous qui le disent – mais aussi celui de la décision, deux qualités rarement conciliées en politique. Vous rendez fiers les parlementaires qui s'impliquent sur les sujets dont vous vous emparez.

Je voudrais évoquer la question des repas servis à l'hôpital. Je sais que, si vous en aviez eu l'occasion, vous auriez communiqué à ce sujet, mais la crise sanitaire ne l'a pas permis. Afin de concrétiser les dispositions de la loi EGALIM 1 concernant la restauration collective dans les établissements de santé, une expérimentation de près de trois ans a été menée dans trois établissements de santé – respectivement de moins de 700 lits, entre 700 et 1 000 lits et plus de 1 000 lits – conduisant à renouveler de plus de 40 % l'offre alimentaire à l'hôpital. Les références ou les signes de qualité, ainsi que la part des produits de saison, ont nettement augmenté. Par ailleurs, le coût des denrées a été rehaussé, afin d'offrir une meilleure rémunération aux agriculteurs. Ces mesures ont été largement financées par la réduction du gaspillage alimentaire et la baisse de l'achat de compléments nutritionnels oraux.

Les accompagnants, les soignants, le personnel des hôpitaux en sont extrêmement satisfaits et font part de leur fierté. Cela redonne du sens à leur métier. On a ainsi la confirmation des effets positifs de l'apport de valeur dans la chaîne alimentaire, qui offre des bénéfices indirects en matière de santé. Je sais que vous y êtes très attaché. Je rappelle que le projet s'intitulait « mangez mieux, guérissez plus vite ». Cela fait partie du bilan de l'action engagée, et je crois que nous pouvons tous en être fiers.

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La France est le premier pays à avoir essayé de prendre en compte, dans l'élaboration de son budget, l'impact qu'a ce dernier sur l'environnement. En matière agricole, l'exonération des taxes sur les carburants constitue un sérieux point noir, mais on ne met jamais l'accent, en parallèle, sur ce que l'agriculture apporte en matière de production d'énergie, qu'il s'agisse des usages traditionnels, comme la traction animale ou le bois de chauffage, ou des solutions nouvelles telles que les biocarburants. Aujourd'hui, la situation est un peu délicate : on rencontre des difficultés en matière de méthanisation, qui offre pourtant des possibilités importantes, notamment dans les régions d'élevage comme la mienne ; on a également du mal à valoriser le biocarburant issu des graisses animales ; et on voit émerger des procédés innovants, à partir d'algues ou de levures par exemple.

Comment voyez-vous le rôle de notre agriculture dans le domaine de la production d'énergie ? Comment faire en sorte que les conséquences négatives, sur le plan environnemental, de l'exonération des taxes sur le carburant, soient progressivement compensées ou aménagées par des mesures plus vertueuses ?

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Julien Denormandie, ministre

Madame de Lavergne, la contractualisation va dans le sens de l'histoire. On le voit dans tous les domaines, alimentaire et forestier comme les autres, sauf quelques exceptions liées à la structuration du marché – par exemple la vente de fruits et légumes ou de blé sur un marché mondialisé. La contractualisation offre de la visibilité. Elle favorise, d'un côté, l'investissement et de l'autre, la transparence. Il faut la développer autant que possible, même si des difficultés, liées aux changements de pratiques, peuvent se poser. Cette évolution est, à mes yeux, très importante. Cela étant, nous avons toujours écouté les filières pour identifier celles avec lesquelles on pouvait avancer et définir des obligations contractuelles.

S'agissant du rémunéra-score, vous avez voté le lancement d'une expérimentation, qu'il faut mener à son terme. Il convient aussi de s'inspirer des initiatives qui redonnent une place essentielle au consommateur et au donneur d'ordre, comme « C'est qui le patron ? ». Dans le monde agricole, tous les acteurs de la chaîne se parlent, mais on a souvent tendance à oublier que le donneur d'ordre final est soit une institution publique – par exemple en charge du restaurant d'un collège, d'un lycée ou d'un ministère – soit le consommateur. Des initiatives telles que « C'est qui le patron ? » sont de formidables rémunéra-scores.

S'agissant du bio, j'évoquerai trois points. D'abord, il faut accepter de faire des segmentations de marché. Plusieurs d'entre vous ont parlé du lait bio, mais il est d'autres secteurs, tels que les fruits et légumes, où nous sommes importateurs nets de bio : il faut donc absolument développer la conversion. Dans le cadre de la politique agricole commune, les aides à la conversion sont passées de 250 à 340 millions d'euros par an. Conformément à l'accord que j'ai conclu avec les représentants de la filière bio, si on ne dépensait pas l'ensemble de ces crédits pour assurer la conversion, ils seraient réorientés vers d'autres actions consacrées au bio. En d'autres termes, l'enveloppe annuelle de la PAC affectée à l'agriculture bio s'élève à 340 millions d'euros, ce qui marque une augmentation très significative.

Après la conversion, le soutien à ceux qui sont déjà installés : vous avez ainsi récemment voté des dispositions sur le crédit d'impôt bio, qui passera de 3 500 à 4 500 euros à partir de 2023, jusqu'en 2025.

Enfin, l'une des principales difficultés provient des publicités, notamment de la part de la grande distribution, de type « Venez chez nous, le bio est au prix du conventionnel ». C'est contraire à tous les principes que je viens d'affirmer : cela signifie qu'on ne rémunère plus la création de valeur par certaines pratiques. Nous avons fortement réagi, avec les filières. Il ne faut jamais perdre de vue que si, au niveau de l'agriculture, la mère des batailles est la rémunération, le défi de notre société consiste à redonner de la valeur à l'alimentation. Toute notre vision et notre action politique visent à conforter cette approche environnementale, nutritionnelle et économique de l'alimentation.

Monsieur Cattin, j'ai bien à l'esprit le dossier des aides viticoles européennes. Il y a eu de longs débats sur l'enveloppe globale des aides agricoles. À chaque fois, après avoir écouté les filières, nous avons trouvé la bonne solution. Certes, il peut y avoir un peu de retard ici ou là, mais je tiens à défendre FranceAgriMer, qui a été très sollicité depuis mon arrivée au ministère. Ils ont d'abord eu à mettre en place les nombreuses aides covid : les agriculteurs ayant poursuivi leur activité, ce qui les excluait des aides classiques de Bercy, il a fallu créer des aides ad hoc en faveur d'une multitude de secteurs – pomme de terre, horticulture, bière… FranceAgriMer a également eu à déployer les crédits de France relance – plus de 80 % sont déjà traités – et a dû gérer des crises majeures, soit sanitaires, avec l' influenza aviaire, soit climatiques, comme le gel. Bref, ils travaillent nuit et jour pour accompagner les agriculteurs. Alors oui, il peut y avoir quelques décalages liés au nombre de dossiers reçus depuis deux ans, mais soyez assurés que nous faisons au mieux et qu'en tout état de cause, ce n'est pas lié à l'enveloppe financière.

À ce propos, je rappelle que nous nous étions engagés à respecter les objectifs fixés quant au délai de versement des fonds de la PAC par l'Agence de services et de paiement. Souvenez-vous qu'à la suite des évènements dramatiques de 2015 et 2016, les aides avaient mis plus d'un an à être versées. En 2021, 99,5 % des versements ont été effectués dans les délais prévus, ce qui constitue un record.

Monsieur Lagleize, lorsque j'étais ministre de la ville, j'ai souhaité que l'ANRU relève le défi de devenir le premier agriculteur urbain. Nous avions lancé de très beaux dossiers. Depuis lors, avec ma collègue Nadia Hai, et dans le cadre du plan France relance, nous avons complété le dispositif, qui compte aujourd'hui, si je ne me trompe, plus de 200 projets. L'agriculture urbaine est essentielle à mes yeux, pour ses valeurs et pour son rôle social. Plus d'un millier de jardins partagés par exemple ont été créés. J'y crois beaucoup, et nous allons continuer à soutenir leur développement.

La lutte contre l'artificialisation des sols est un sujet essentiel, et vous pouvez être fiers de ce que cette majorité a accompli en ce domaine. Dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, nous avions introduit les premiers moratoires sur l'installation de grandes surfaces en périphérie. Ce sont des sujets difficiles, que vous aviez pris à bras-le-corps. Nous avons trouvé un équilibre en la matière, par exemple avec le fonds pour le recyclage des friches : il est plus coûteux de réhabiliter une friche que de bâtir sur un champ, mais cela invite chacun à se demander s'il est justifié de construire sur un terrain nu ou si l'aide rend envisageable de réhabiliter la friche.

Madame Petel, nous effectuons un grand nombre de contrôles sur les élevages et les abattoirs. En présence d'une irrégularité, ma main ne tremble jamais : j'ai ordonné, à plusieurs reprises, la fermeture d'un site, sans hésiter une seule seconde. En effet, toute violation des règles est de nature à compromettre la confiance que l'on a dans l'ensemble des élevages et des abattoirs.

La politique ne doit jamais être le fruit de l'émotion. À chaque fois qu'une vidéo de mauvais traitements est publiée sur un réseau social, on crie aux atrocités : certes, mais c'est aussi un cas particulier. Lorsque quelqu'un ne respecte pas les règles, il faut sévir, et d'autant plus fort que ces comportements jettent l'opprobre sur la profession. Mais cela n'en fait pas une généralité. Je le redis, je suis fier de nos élevages. Les abattoirs sont une chance pour notre pays – sans eux, il n'y aurait pas de production locale. J'insiste sur ce point : quand ce sont les mêmes qui réclament des produits locaux et la disparition des abattoirs, il y a un problème de base dans le raisonnement.

La question s'est inscrite dans le débat public, avec par exemple la viande artificielle – qui n'a rien à voir avec la viande végétale : s'agissant de cette dernière, le ministre de l'agriculture, sauf à rappeler les recommandations alimentaires de base, n'a strictement rien à dire sur le fait de manger des protéines plutôt végétales ou plutôt animales.

La viande artificielle donc, ou viande de paillasse, est la conséquence logique de certains phénomènes que nous avons évoqués. Demain, un gigot se fabriquera sans agneau ; il y a déjà des blancs de poulet artificiels. Cela pose énormément de questions. Car certes, il faut faire des contrôles dans les abattoirs et sanctionner sans que la main ne tremble jamais, mais il faut aussi garder certains repères et réfléchir à l'avenir de nos enfants. Pour créer de la viande artificielle, on spécialise des cellules en injectant tout ce que l'on a mis des années à interdire dans l'élevage, comme des hormones et des antibiotiques – sans parler de la consommation énergétique de cette production. Est-ce cela qu'on veut ?

Cela pose en outre une vraie question anthropologique : à ne plus accepter la mort, on n'accepte plus la vie. On pourrait y passer des heures, mais c'est un débat essentiel.

Enfin, nous avons organisé le système des référents pour le bien-être animal, et lancé à l'été 2020 un grand plan de contrôle, avec une nouvelle brigade d'intervention additionnelle qui mènera des contrôles aléatoires ou sur des cas identifiés. Nous ne cessons de faire évoluer ces contrôles, sous l'égide des services du ministère.

Monsieur Vigier, je suis très favorable à l'agriculture de montagne. La spécificité du lait de montagne fait l'objet de travaux avec l'Institut national de l'origine et de la qualité. Vous pouvez compter sur mon soutien.

Madame Melchior, merci pour votre intervention. Je salue la mémoire de ce jeune homme ainsi que le courage et la dignité de sa mère. Les suicides dans le monde agricole sont une réalité. Elle nous oblige à prendre à bras-le-corps les raisons qui peuvent amener à de tels drames – même si, à l'évidence, comme dans tout drame, il y en a plusieurs. La rémunération, la charge de travail, la considération sont des questions qui reviennent à chaque fois.

Au-delà de notre action dans ces domaines, nous instaurons un accompagnement. Nous mettons toute notre énergie pour déployer ce plan de lutte contre la détresse des agriculteurs, dont les parlementaires se sont saisis, au premier rang desquels M. Olivier Damaisin, Il repose sur trois piliers, le premier axe consistant à aller vers les agriculteurs. Il ne suffit pas de dire à quelqu'un qui va mal qu'il doit appeler un numéro de téléphone d'urgence : il faut aller identifier les signaux faibles, et accompagner la personne pour lui suggérer d'appeler ce numéro d'aide. C'est le rôle du réseau de sentinelles, que nous comptons renforcer.

Le deuxième volet est l'humanisation des politiques : lorsque des signaux faibles ont été détectés, il n'est pas supportable de voir certaines institutions financières envoyer des lettres recommandées signalant en gros sur l'enveloppe une action en justice – tous les voisins sont au courant ! – pour quelques euros parfois. Cela se fait mécaniquement, sans le moindre discernement !

Le troisième élément est l'accompagnement, notamment avec les mesures financières que vous avez votées dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur Orphelin, vous avez raison sur le chèque alimentaire. J'ai déjà évoqué l'importance de l'approche nutritionnelle. Or l'inégalité sociale nutritionnelle perdure, en dépit des nombreuses actions que nous avons menées. Le chèque alimentaire est pertinent et utile. Cependant, et vous le savez pour y avoir beaucoup travaillé, de même que M. Mounir Mahjoubi, avec lequel nous avons beaucoup échangé, définir le bon scénario est une tâche complexe : nous avons envisagé de nombreuses options.

Nous présenterons le rapport le plus vite possible. Si nous n'avons pas concrétisé le chèque alimentaire, c'est d'abord parce que nous avons eu besoin de temps pour concevoir la meilleure solution et la meilleure façon de la déployer, et ensuite parce que la covid nous a imposé de faire passer d'autres dispositifs en priorité – l'indemnité inflation, le plafonnement des prix des énergies, les aides aux associations alimentaires. Mais cela n'obère pas la pertinence du chèque alimentaire.

Je le redis, il ne faut jamais confondre politique économique et politique sociale. La politique sociale alimentaire est très importante. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas créé le chèque alimentaire que nous n'avons rien fait. Nous avons énormément investi dans les aides alimentaires, par le truchement des associations et des fonds européens. Il faut continuer : de tels déploiements vont dans le sens de l'histoire.

Madame Bessot Ballot, je salue votre action en faveur de la gastronomie française, avec ce beau Bocuse d'or obtenu en 2021 et les initiatives que vous avez lancées. Oui, il faut former ceux qui font à manger, c'est impératif. Vos travaux ont bien montré que la personne clé dans toute la restauration, notamment hors domicile, était davantage le chef que celle qui décide des achats. Et au-delà, il y a la formation des plus jeunes à l'école. : nous avons d'ores et déjà lancé des initiatives avec M. Jean-Michel Blanquer, mais il faut aller plus loin.

Monsieur Adam, l'entrée en vigueur des dispositions de la loi EGALIM sur les 50 % de produits de qualité ou locaux, dont au moins 20 % de produits bio, est pour 2022 et non 2020. La loi ne prévoit pas de sanction, mais l'État doit être irréprochable et nous suivons chaque ministère à la trace. Nous n'avons pas encore atteint ces objectifs, pour de multiples raisons, mais la dynamique est indéniable. Elle était évidente au salon de la restauration collective d'il y a quelques mois. Il ne faut rien lâcher.

S'agissant des récipients en plastique, je vous transmettrai les réponses du ministère de la transition écologique, chargé du sujet.

Quant au nutri-score, la position du Gouvernement est très claire : il n'est pas obligatoire en France ; il le sera lorsque l'Union européenne l'imposera, sinon cela n'a aucun sens. Nous sommes conscients de la demande des citoyens dans ce domaine, mais nous n'avons pas encore résolu les problèmes de méthodologie. Des travaux ont été entrepris avec d'autres États membres, comme l'Italie ou l'Espagne, qui connaissent les mêmes difficultés, même avec des dispositifs différents.

Monsieur Venteau, le Varenne de l'eau constitue un événement politique. Pour ce qui est de la dernière thématique encore à l'étude, la gestion de la ressource en eau, trois sujets seront abordés. Le premier concerne le cadre de la gestion des projets, notamment les projets de territoire pour la gestion de l'eau. Ces derniers doivent aboutir : la concertation est essentielle, mais elle ne peut pas durer quinze ans ! Ensuite, il y a l'approche par projet, à aborder à l'échelle du bassin versant. Enfin, quels consensus peut-on créer sur l'utilisation de l'eau ? Je prends toujours le même exemple : à cause du réchauffement climatique, les pluies diluviennes en hiver seront plus fréquentes ; lorsque la nappe phréatique est pleine et que le sol est gorgé d'eau, tout mètre cube d'eau qui tombe sur la terre finit dans la mer. Si un consensus environnemental et scientifique s'établit pour capter la ressource sans affecter le niveau d'étiage de la rivière, de quelles solutions techniques dispose-t-on ? En matière de réutilisation des eaux usées, nous pourrions aussi aller beaucoup plus loin puisque les solutions techniques existent, nonobstant les questions de coût et d'organisation. Et, puisque nous devons créer de nouvelles retenues d'eau dans notre pays, à partir de quelles ressources et comment ?

Je suis très content que le ministère ait repris la main sur la question de l'eau, non pas pour revendiquer un quelconque élargissement de périmètre mais parce que pour avancer, il faut réintroduire de la réflexion. S'il n'existe pas de cadre pour la réflexion, tout le monde se contente de postures. Songez qu'auparavant, il n'y avait que cinq personnes dans mon ministère à travailler sur un sujet aussi essentiel que l'eau ! Le Varenne de l'eau fournit un cadre propice à la pensée.

Les travaux sur les thématiques 1 et 2 de ce Varenne de l'eau ont donné de bons résultats. Sur la troisième, ils sont presque achevés et j'espère qu'ils seront aussi satisfaisants. La détermination et la méthode permettent toujours d'avancer. Oui, le sujet est difficile mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire. Nous devons trouver des solutions, car nous ne pourrons pas faire d'agriculture sans eau demain ! Il ne faut jamais dissocier la réserve de l'utilisation. Le monde agricole s'engage fortement sur une meilleure utilisation de la ressource en eau, les travaux sur la thématique 2 l'ont montré. Mais aussi optimisée que soit son utilisation, au départ il faut une ressource : comment fait-on ?

Monsieur Villani, s'agissant du domaine de Grignon, le Gouvernement a tiré les conséquences de l'absence d'adhésion locale au projet, probablement faute de concertation suffisante. Il n'a pas hésité, et je crois que c'est une caractéristique de la législature, à remettre l'ouvrage sur le métier, comme à chaque fois que cela semblait nécessaire. Ce fut le cas pour la loi EGALIM, texte emblématique qui me tient particulièrement à cœur, mais qui n'était pas suffisant. C'est aussi la grandeur de la politique que de savoir s'adapter.

Monsieur Daniel, vos propos sur la filière du lait bio illustrent les contradictions que j'évoquais tout à l'heure : tout le monde se réjouit que l'on produise du lait bio, mais le consommateur ne l'achète pas forcément ! Heureusement, pour le dire sous forme de boutade, que la loi n'impose pas que tout le lait produit soit bio – un amendement aurait pu être adopté, un soir de lune, au motif que c'est le sens de l'histoire... N'oublions jamais qu'au bout du compte, le donneur d'ordre est le consommateur, ou la puissance publique, pour la restauration par exemple. Aujourd'hui, on demande au Gouvernement de compenser. Il fait ce qu'il peut, avec des crédits d'impôt par exemple, mais cela ne peut pas fonctionner ainsi ! C'est un exemple typique des dysfonctionnements que le système actuel peut produire. Il faut donc reprendre l'ensemble du problème, faire valoir les bienfaits nutritionnels et environnementaux du lait bio, s'assurer que personne ne fait de marge au détriment des producteurs… C'est un sujet de préoccupation important. Nous nous efforçons d'accompagner au mieux les éleveurs, mais il est bon que le législateur sache ce qui se passe dans cette filière.

La transmission et l'installation des jeunes agriculteurs peuvent être facilitées par les régulations que nous avons évoquées ; la rémunération est, là encore, un élément fondamental.

Sur l'importance du volet santé, je partage votre point de vue. Du reste, l'intitulé du ministère de l'agriculture devrait refléter cette préoccupation. Au fond, ce ministère est celui de la nutrition du peuple de France par une alimentation de qualité, produite grâce à l'agriculture d'excellence française : voilà le raisonnement. Il faut agir avec force dans ce domaine.

À ce propos, Monsieur Descrozaille, l'alimentation à l'hôpital est un enjeu crucial. Votre rapport est éloquent à cet égard. Les hôpitaux ont déjà fait beaucoup d'efforts pour améliorer les repas servis aux patients, mais des progrès considérables restent à accomplir. En témoignent par exemple les taux de non-consommation, ou le fait que des structures servent le même repas aux adultes et aux enfants… Ces progrès sont souhaités par le ministre de la santé et par les professionnels eux-mêmes, notamment les directeurs d'hôpitaux. Nous avons voulu prendre des initiatives, mais il ne vous a pas échappé que les établissements de santé sont très occupés actuellement. Je parle d'eux parce qu'ils font l'objet de votre rapport, mais ce ne sont pas les seules structures concernées : le premier de mes combats concerne la cantine de nos enfants. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas tant le menu que la qualité des aliments.

Monsieur Besson-Moreau, je vous remercie pour les combats importants que nous avons menés ensemble. Nous veillons activement à la bonne diffusion de l'information. Quant à EGALIM 2, il faut installer un rapport de force.

Monsieur Pellois, je sais que vous ne vous représenterez pas aux prochaines élections ; je tiens donc à saluer l'action qui a été la vôtre en tant que rapporteur spécial pour le budget de l'agriculture.

(Applaudissements.)

Permalien
Julien Denormandie, ministre

La question des biocarburants fait l'objet de débats au niveau européen. Celle de la méthanisation a été, selon moi, insuffisamment traitée : elle doit l'être davantage dans les prochains mois. Je crois beaucoup à cette source d'énergie, mais elle ne peut se développer que dans le cadre d'une régulation organisée non pas par l'État, mais par le monde agricole lui-même. Car, au-delà des régulations environnementales, qui incombent à l'État, le véritable enjeu est d'éviter la compétition entre les approvisionnements agricoles. Ainsi, aucun projet de méthanisation ne devrait pouvoir se faire sans l'aval de la chambre d'agriculture du département, ou en tout cas un nihil obstat. On dit souvent que la méthanisation a conduit à la fin de l'élevage laitier en Allemagne ; c'est probablement excessif, mais elle a certainement eu un impact.

En conclusion, je veux remercier le président Lescure et les membres de la commission des affaires économiques, aux côtés de qui j'ai passé de nombreuses heures. Nos débats ont toujours été très constructifs, et bien présidés !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, Monsieur le ministre, pour vos réponses toujours très complètes et précises.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 18 janvier 2022 à 17 h 20

Présents. – M. Damien Adam, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Jean-Luc Bourgeaux, Mme Pascale Boyer, M. Jacques Cattin, M. Sébastien Cazenove, M. David Corceiro, Mme Michèle Crouzet, M. Yves Daniel, M. Nicolas Démoulin, M. Frédéric Descrozaille, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, M. Sébastien Jumel, M. Guillaume Kasbarian, M. Jean-Luc Lagleize, M. Luc Lamirault, Mme Célia de Lavergne, M. Roland Lescure, M. Richard Lioger, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, Mme Anne-Laurence Petel, Mme Sylvia Pinel, M. Dominique Potier, Mme Bénédicte Taurine, M. Robert Therry, M. Pierre Venteau, M. Jean-Pierre Vigier, M. Cédric Villani

Excusés. – Mme Anne-France Brunet, M. Antoine Herth, Mme Huguette Tiegna

Assistaient également à la réunion. – M. Matthieu Orphelin, M. Hervé Pellois