Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • SMIC
  • minimum
  • médecin
  • médecine
  • régulation

La réunion

Source

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 12 janvier 2022

La séance est ouverte à neuf heures trente

La commission examine d'abord la proposition de loi d'urgence contre la désertification médicale (n° 4784) (M. Guillaume Garot, rapporteur).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Six des amendements déposés sur cette proposition de loi ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution, car ils n'avaient pas de lien, même indirect, avec les dispositions du texte. Celui-ci comporte deux articles et son champ s'avère moins large, par construction, que celui de la proposition de loi déposée par M. Jumel sur le même thème en novembre dernier, qui en comptait sept. Certains des amendements que nous avions alors pu examiner ne peuvent donc pas l'être aujourd'hui.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En 2019, j'avais déjà défendu devant vous une proposition de loi alors que 6 millions de Français vivaient dans ce qu'on appelle communément un désert médical. Aujourd'hui, en 2022, ils sont 8 millions. La désertification a des effets directs sur l'hôpital : dans de nombreux territoires, les urgences craquent sous l'afflux de nouveaux patients. La nécessité est donc plus forte que jamais. Les solutions qui ont été conçues et mises en œuvre jusqu'à présent n'ont pas produit les effets attendus. C'est un terrible échec collectif.

Bien sûr, notre démographie médicale est en souffrance depuis plusieurs décennies. Nous avons perdu depuis dix ans 7 000 généralistes libéraux, et le nombre total de médecins en activité stagne, alors que la population française continue à croître et à vieillir. Bien sûr, il aurait fallu agir plus tôt, et plus fort – mais nous avons laissé le nombre de soignants diminuer et, surtout, les inégalités s'aggraver entre les territoires, et donc entre les Français, avec ici des concentrations et là des déserts.

Car il existe en France des zones largement dotées en présence médicale : il y a, rapportés à la population, trois fois plus de médecins généralistes dans certains départements que dans d'autres. Prétendre que le pays entier serait en pénurie médicale est faux. Dans certains territoires, notamment dans le sud de la France et sur les côtes, méditerranéenne ou atlantique, il est très facile de prendre un rendez‑vous chez un médecin, même si ce n'est pas votre médecin traitant. Pour les 8 millions de Français qui vivent dans un désert médical, la réalité est complètement autre : dans ces zones sous‑dotées, il faut en moyenne 180 jours – six mois ! – pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologue. Mais dans d'autres territoires, comme à Paris, j'en ai fait l'expérience moi-même, il vous faut deux heures. Voilà l'inégalité, l'injustice, dans le pays de la sécurité sociale pour tous !

Comment donc garantir le droit d'accès à la santé, à un médecin près de chez soi ? Je ne prétends pas qu'il y aurait un remède miracle : je crois plutôt à une combinaison de réponses. Toutes les incitations qui ont été développées depuis des années en font partie, mais elles ne sont pas à la hauteur du problème. Je ne suis pas le seul à l'affirmer : des députés de toutes les sensibilités politiques le disent aussi, et des rapports très savants, très documentés, très argumentés de la Cour des comptes, du Conseil économique, social et environnemental ou encore de la direction générale du Trésor le confirment. Ils montrent que les incitations coûtent cher à la collectivité publique et ne sont pas suffisamment efficaces.

On nous dit, en particulier la majorité en place depuis 2017, que des mesures ont été prises. En effet, mettre fin au numerus clausus est une manière de former davantage de médecins – mais à quel horizon seront-ils en activité ? Dix ans ! Quelle réponse cela apporte‑t‑il à ceux qui n'ont pas de médecins aujourd'hui ? Par ailleurs, même si la fin du numerus clausus est inscrite dans les textes, les universités ne sont pas en mesure d'accueillir bien plus d'étudiants.

On nous dit aussi qu'on a créé les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour inciter à mieux travailler ensemble. C'est très bien, et nous avons soutenu cette évolution sur tous les bancs. Mais elle est très progressive : elle ne produit pas à l'heure actuelle d'effets concrets concernant la présence des médecins, qui sont les pivots des CPTS.

Au‑delà des mesures ponctuelles, le moment est venu de refonder le contrat entre la nation et nos médecins. Quand on y réfléchit bien, la nation finance leurs études – elles sont gratuites. Certes, les jeunes internes en médecine donnent beaucoup de leur temps à la société, pour une rémunération faible, il faut le dire. Mais soyons justes : la nation garantit les revenus des médecins, à travers nos cotisations à l'assurance maladie. Qu'y aurait-il donc de choquant à dire à nos médecins qu'il faut se mettre autour d'une table pour travailler à la meilleure répartition possible dans tous les territoires, en particulier ceux où il y a un manque ?

C'est en ces termes que je veux poser le problème, ceux d'un contrat refondé entre la nation et les médecins. Je crois profondément à l'idée d'une régulation pour l'installation. Ce mot de « régulation » ne doit pas nous effrayer. Il ouvre la porte à une nouvelle politique, volontariste, qui s'appuie sur deux piliers qui font les deux articles de cette proposition de loi.

Le premier pilier est ce que nous appelons le conventionnement sélectif, qui vise à stopper la progression des inégalités. De quoi s'agit-il ? On n'autoriserait plus l'installation d'un médecin, généraliste ou spécialiste, dans les zones où l'offre de soins est considérée comme suffisante, sauf, bien sûr, en cas de départ à la retraite d'un autre médecin, qu'il est parfaitement légitime de vouloir remplacer. C'est la première mesure forte que nous devons adopter.

La seconde mesure que je vous propose, pour résorber les inégalités, est une obligation de présence et d'exercice des jeunes médecins en zone sous‑dotée pendant trois années au total : la dernière année d'internat et les deux années suivant l'obtention du diplôme. Il faudra naturellement être souple quant à l'application de cette disposition. Les formes, les statuts d'exercice et de présence médicale doivent répondre aux aspirations professionnelles des jeunes médecins d'aujourd'hui, sur le travail en équipe, la possibilité d'être salarié ou, pourquoi pas, un exercice mixte entre l'hôpital et le cabinet, là où il n'y a plus de médecin. Il faut être ouvert.

Puisqu'il s'agit d'un contrat, je suis prêt à mettre toutes les questions sur la table. Parlons aussi de la rémunération des internes, des allégements administratifs, des assistants médicaux ! Tous ces sujets doivent être traités, autour de l'idée fondamentale, progressiste, nécessaire, de la régulation de la présence médicale.

J'ajoute une troisième disposition, que je vous proposerai d'introduire dans le texte par amendement : il s'agit de donner la capacité aux jeunes, en particulier ceux qui viennent des milieux populaires, d'embrasser la carrière médicale. C'est aussi une réponse à la désertification. En effet, beaucoup de lycéens s'interdisent même d'envisager la possibilité de faire des études médicales et de devenir médecins, parce que leur famille ne peut pas les soutenir financièrement. Or on sait que l'attachement à un territoire, l'origine géographique sont un déterminant du choix du lieu d'installation. Si le contrat d'engagement de service public (CESP), qui s'adresse aux étudiants déjà engagés dans un parcours universitaire, était ouvert aux lycéens qui veulent choisir cette orientation, en contrepartie de quoi ils s'engageraient à revenir ensuite exercer dans leur région d'origine, ce serait de nature à élargir la diversité des origines sociales et géographiques et à susciter l'installation d'une nouvelle génération de médecins. Bien sûr, les effets s'en verront dans dix ans, mais notre responsabilité est aussi de préparer l'avenir.

Ces questions dépassent de loin les étiquettes politiques. Je me réjouis de voir que des amendements viennent de presque tous les bancs, et je donnerai un avis favorable à tous ceux qui vont dans le sens de l'action volontariste que je défends.

À ceux qui trouvent que cette proposition de loi est dérangeante, je réponds qu'à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. On me dit que les médecins, leurs organisations professionnelles, ne sont pas d'accord. Mais, chers collègues, nous sommes là pour défendre l'intérêt général, pour répondre aux inquiétudes, aux angoisses des Français qui n'ont plus de médecin ! C'est maintenant qu'ils attendent des réponses, pas demain.

Voilà comment nous devons traiter le problème : au nom de l'intérêt général. Notre responsabilité est de trouver des solutions et d'adapter les règles pour rester fidèles à cette magnifique idée de la Résistance qu'est la santé pour tous. Nous devons lutter contre ce sentiment d'abandon qui a gagné tellement de Français qui ne croient plus en la politique, qui se désintéressent de l'action publique, de la démocratie et de la République.

Il nous revient de donner un coup d'arrêt à la désertification médicale. Beaucoup de Françaises et de Français comptent sur nous. Ne les décevons pas.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si, depuis plusieurs années, la nécessité de renforcer l'accessibilité à des soins de qualité est collectivement ressentie, nous ne partageons pas votre acharnement à voir par le seul prisme de l'obligation d'installation des jeunes médecins le problème des déserts médicaux. Nous pensons que la question de l'accès aux soins ne doit pas se résumer à celle de l'accès à un médecin mais concerne plus généralement l'accès à une offre de soins.

En effet, s'il convient de former plus de médecins, ce que nous avons permis avec la suppression, dès 2019, du numerus clausus, qui portera ses fruits dans plusieurs années, c'est aussi grâce à une meilleure coopération entre les professionnels et à de véritables délégations de tâches que nous relèverons le défi de l'accès aux soins.

Cette proposition de loi prévoit, en son article 1er, un conventionnement sélectif pour inciter les médecins à s'installer en zones sous‑denses. Cela aboutirait à des effets pervers non négligeables pour nos concitoyens : le nombre de médecins étant trop faible en France, l'absence de disponibilité d'un médecin conventionné conduirait à un recours forcé à un médecin non conventionné, et donc non remboursé, ce qui ferait peser la contrainte financière sur nos concitoyens. Par ailleurs, ce type de mesure coercitive a déjà montré son inefficacité : les pays qui l'ont adopté décident d'y mettre fin.

Le texte comprend un second article, qui crée une obligation de présence en zone sous‑dense au cours de la dernière année d'internat de médecine, puis dans les deux années suivant l'obtention du diplôme. Si nous comprenons l'objectif, nous ne pensons pas qu'une telle mesure soit réellement applicable. Au‑delà de la rédaction, qui ne semble pas prendre en compte les dernières réformes des études médicales, notamment les avancées liées au statut de docteur junior, certaines spécialités ne peuvent s'apprendre que dans des établissements qui n'existent pas forcément dans les zones sous‑denses.

Cette proposition de loi vise à atteindre un objectif primordial : il est effectivement nécessaire d'accélérer, et d'aller plus loin pour améliorer l'accès aux soins. Cependant, notre groupe ne rejoint pas le rapporteur, dont les réponses sont centrées sur le médecin : nous pensons qu'elles seraient inefficaces et qu'elles aggraveraient même la situation. Nous défendrons donc des amendements de suppression.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le rapporteur, de nous permettre de débattre à nouveau de cette question. Nous savons à quel point votre groupe est attaché à ce sujet, puisque c'est déjà le quatrième texte que vous lui consacrez.

Nous partageons les mêmes constats que vous dans les territoires concernés : le rapport défavorable entre le nombre de professionnels de santé et le nombre d'habitants, l'accès limité aux professionnels de santé et le nombre plus élevé de personnes âgées ou ayant une affection de longue durée. Cependant, force est de constater que votre texte, qui repose avant tout sur une approche géographique, ne répond pas pleinement aux enjeux. Vous situez principalement le problème dans les zones rurales et périurbaines. Pourtant, les déserts médicaux n'affectent pas uniquement ces territoires : selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, un quart des personnes qui ont un niveau d'accessibilité limité aux soins ne vivent pas dans les zones rurales. Nous ne pouvons donc pas exclure les zones urbaines des mesures à prendre.

En outre, les déserts médicaux ont plusieurs causes structurelles. D'abord, le numerus clausus : nous n'y reviendrons pas, mais il a entraîné un défaut de recrutement et un vieillissement évident des professionnels de santé. Le nouveau mode de sélection ne semble pas vraiment améliorer la situation. Ensuite, l'abandon de plusieurs spécialités qui étaient pourtant essentielles au bon fonctionnement de notre système de santé, comme la santé publique, la médecine générale et la psychiatrie. Enfin, le changement de mentalité des nouvelles générations de médecins, qui souhaitent de plus en plus pouvoir concilier vie professionnelle et vie privée et ne plus forcément exercer en solitaire.

En tant qu'élus et gouvernants, nous devons viser plusieurs objectifs : revaloriser la médecine de ville, développer le travail pluridisciplinaire et proposer aux jeunes médecins des conditions de travail plus adaptées aux nouveaux modes de vie. Votre texte, malheureusement, exclut certains de ces enjeux. Vous proposez en quelque sorte de mettre fin à la liberté d'installation dans des zones où l'offre est déjà suffisante, et vous souhaitez obliger, certes temporairement, des internes et de jeunes médecins à être présents en zones sous‑denses. Ces mesures contraignantes risquent d'avoir un effet contreproductif sur nos futurs professionnels de santé. La liberté d'installation doit rester le maître‑mot.

Il faudra trouver ailleurs des solutions efficaces, en accompagnant les professionnels dans ces zones. C'est la raison pour laquelle, même si nous partageons votre préoccupation, monsieur le rapporteur, le groupe Les Républicains votera contre ce texte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Une nouvelle fois, notre commission est saisie d'une proposition de loi visant à lutter contre la désertification médicale par des mesures radicales : le conventionnement sélectif et l'obligation d'exercice en zones sous‑denses pour les jeunes médecins. La récurrence de ces textes – c'est le troisième de la part de M. le rapporteur – constitue, à n'en pas douter, un signal important au sujet des difficultés d'accès aux soins que connaissent des territoires de plus en plus nombreux. Le phénomène, constaté depuis déjà trop longtemps, s'aggrave en raison du vieillissement de la population et de l'augmentation des pathologies chroniques.

Le présent texte a donc un objectif très louable mais, à ce stade, ne nous semble ni souhaitable ni réalisable.

Tout d'abord, alors que seulement 8 % des jeunes médecins s'installent en libéral, les obliger à aller là où ils ne veulent pas ne fera que réduire ce taux déjà très faible. Imposer des obligations dont ni les étudiants en médecine ni les médecins ne veulent induirait sans aucun doute des effets pervers, tels qu'un déconventionnement massif ou un recentrage vers le salariat à l'hôpital, qui ne feraient qu'accroître la concurrence avec la médecine de ville.

Par ailleurs, si les effets de la suppression du numerus clausus font l'objet de beaucoup de réserves, encore fallait-il avoir le courage de prendre cette mesure. Je ne crois pas que c'était envisagé lorsque vous étiez membre du gouvernement sous la précédente législature, monsieur le rapporteur. Évidemment, il faudra du temps pour voir la présence médicale se densifier, mais nous avons hérité de la question – et il va de soi que les méthodes et les analyses peuvent diverger.

Je ne crois pas qu'imposer des règles à des médecins qui n'existent pas encore soit très opportun. C'est simplement mathématique. En attendant, la prochaine décennie doit permettre d'innover en engageant une réelle montée en compétences de toutes les professions médicales et paramédicales – le dernier rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, faisant suite à la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, la « loi Rist », est d'ailleurs éclairant sur ce point – ou en facilitant l'accès direct à certains professionnels de santé, comme nous l'avons fait dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Attirer de jeunes médecins dans nos campagnes mais aussi dans nos petites villes doit être le combat de tous, Gouvernement, parlementaires, élus des collectivités territoriales. De nombreuses initiatives venues du terrain fonctionnent autour des CPTS et des maisons de santé, dont le nombre ne cesse d'augmenter depuis 2019. Dotons-nous, dans un premier temps, de médecins, et ensuite nous agirons si les zones sous‑dotées subsistent – en l'état, peu de territoires sont bien dotés.

La pratique du « hâte-toi lentement » semble adaptée. Aussi notre groupe, dans une très large majorité, ne soutiendra-t-il pas cette proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme le rapport l'explique, notre pays connaît depuis plusieurs années une situation aussi paradoxale qu'inquiétante. Avec le pouvoir d'achat, la santé reste la préoccupation principale des Français. Cependant, l'accès aux soins se détériore année après année et les inégalités en matière de santé ne cessent de croître, comme en témoignent les indicateurs relatifs à la densité de médecins. Rappelons que l'accès équitable aux soins est un droit garanti constitutionnellement. C'est pour rétablir ce principe juridique et pour répondre aux attentes des Français que le présent texte nous est soumis.

La désertification médicale est une réalité dont nous devrions avoir honte. Il est anormal que Paris compte deux fois plus de médecins généralistes pour 100 000 habitants que le département voisin, plus pauvre, de la Seine‑Saint‑Denis. Il est tout aussi scandaleux que Paris accueille neuf fois plus de spécialistes pour 100 000 habitants que le département de l'Eure et vingt fois plus que Mayotte, sans parler des zones rurales – je pense évidemment au Comminges et au Savès.

La proposition de loi que nous examinons a pour objectif de casser cette dynamique néfaste et dangereuse : néfaste car elle rompt la promesse d'égalité républicaine, et dangereuse, chaque jour, pour nos concitoyens qui résident dans des déserts médicaux.

La pénurie de spécialistes peut trouver une solution temporaire grâce à l'implantation de maisons de santé pluridisciplinaires dans les zones sous‑dotées, comme nous l'avons fait dans ma circonscription. Quant à la médecine générale, les politiques incitatives appliquées depuis des années n'ont pas été efficaces : elles n'ont pas pu empêcher l'augmentation continue des inégalités en matière de santé. Je nous appelle donc, collectivement, à cesser nos atermoiements et à soutenir cette proposition de loi.

Celle-ci veut instaurer un double mécanisme. D'une part, la mise en place du conventionnement sélectif dans les zones sur‑denses vise à désinciter les médecins à s'installer dans les territoires déjà bien dotés. D'autre part, l'obligation pour les internes en médecine à exercer durant les premières années de leur carrière dans les zones sous‑denses permettra de répondre concrètement à la pénurie de médecins. Ce mécanisme doit s'accompagner de conditions de travail exemplaires favorables à un exercice moderne de la médecine, comme les jeunes médecins le demandent.

Cette proposition de loi m'apparaît donc nécessaire pour résoudre la crise que notre système de santé subit au quotidien. Quoi qu'en disent le Gouvernement et sa majorité, la simple suppression du numerus clausus ne suffira pas à rétablir l'égalité entre les différents territoires de la République en matière de santé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour la seconde fois en quelques semaines, notre commission examine une proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux. Notre groupe partage bien sûr l'ambition du rapporteur, alors que ce fléau n'épargne désormais aucun territoire, rural ou urbain. Nous sommes tous confrontés, dans nos circonscriptions respectives, à des citoyens qui ne parviennent pas à trouver un généraliste près de chez eux ou à prendre rendez‑vous chez un spécialiste. Il ne s'agit pas de nier les faits. Oui, nous avons un problème de démographie médicale en France. Oui, la médecine de ville a perdu en attractivité par rapport à l'hôpital.

Face à cela, nous disposons de deux leviers pour agir. D'abord, accroître le nombre de médecins : c'est ce qui a été fait par la suppression du numerus clausus, mais c'est une décision qui portera ses fruits sur le temps long, on le sait. Ensuite, renforcer l'attractivité de l'offre libérale : là encore, beaucoup a été fait, notamment avec la loi « Ma santé 2022 ». Au‑delà des incitations financières, dont on a bien vu les limites, je rappelle les mesures tendant à développer l'exercice coordonné, à créer 4 000 postes d'assistants médicaux pour libérer du temps médical, ou à instaurer des stages obligatoires pour les étudiants en médecine. J'insiste sur ce dernier point, car il est essentiel de rapprocher la formation des zones sous‑denses, pour susciter chez les nouveaux de médecins l'envie de s'installer dans ces territoires. Nous avons aussi agi sur le développement de la télémédecine, qui fait partie de la réponse à très court terme dans les territoires les plus carencés.

Néanmoins, il n'y a pas de solution miracle, et je ne crois pas à l'efficacité du conventionnement sélectif. D'une part, cela ne fonctionne que pour les professions dont le vivier est suffisamment vaste pour couvrir l'ensemble des territoires. Or, il n'y a pas, ou plus, d'endroits en France où les médecins seraient trop nombreux. D'autre part, nous nous exposons au risque de voir certains médecins choisir d'exercer hors convention, ce qui créerait une médecine à deux vitesses.

Notre système de médecine libérale est un bon système. Préservons-le. Vous l'aurez compris, le groupe Agir ensemble votera majoritairement contre ce texte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La Mayenne, département que je partage avec notre rapporteur, est le troisième désert médical français. Le service des urgences de l'hôpital de Laval ferme en moyenne quatre nuits par mois depuis novembre. Cette situation est d'autant plus intenable qu'il absorbe déjà la fermeture des urgences des villes alentour, dont Vitré et Fougères, en Ille‑et‑Vilaine. L'État a abandonné nos concitoyens dans ces territoires. Pourtant, la protection de la santé est un principe fondamental de notre République.

Aux fermetures des services d'urgences s'ajoute un renoncement aux soins de plus en plus répandu, dû à l'impossibilité d'obtenir un rendez-vous médical dans un délai raisonnable. Il faut parcourir des dizaines de kilomètres ou attendre des mois pour consulter un généraliste ou un spécialiste. Huit millions de Français vivent dans un désert médical. Cette situation est inacceptable et insupportable. Et le pire est à venir, selon les mutuelles de santé.

L'heure n'est plus au diagnostic, au rejet de la faute sur telle ou telle majorité, à l'accumulation de dispositifs financiers incitatifs qui ont démontré toutes leurs limites. L'heure n'est plus à la préservation d'un modèle qui déraille. La situation est trop grave, et il y a urgence à agir – à réagir.

La liberté d'installation du médecin ne peut plus être placée au-dessus de la santé de nos concitoyens. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre encore dix ans que de nouveaux médecins soient formés, sans être assurés, d'ailleurs, qu'ils s'installeront bien dans les territoires désertés. Nous n'avons pas d'autre choix que d'instaurer un système de régulation de l'installation des médecins pour garantir une répartition équilibrée dans l'ensemble du territoire.

C'est la raison pour laquelle nous soutenons cette proposition de loi de Guillaume Garot, qui s'ajoute à celle que notre groupe avait déposée en novembre dernier, à l'initiative de Thierry Benoit, et à celle qui a été examinée en séance le 2 décembre dans le cadre de la niche parlementaire du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. C'est en effet un sujet transpartisan, qui dépasse les clivages politiques traditionnels.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La désertification médicale est également un sujet préoccupant en outre‑mer. Je profite de l'examen de ce texte pour appeler encore une fois l'attention sur une question précise à laquelle le Gouvernement n'a jamais donné de réponse.

Il peut être très difficile de faire établir un certificat de décès le week‑end ou en soirée. Outre qu'il faut des heures à n'en plus finir pour que les décès soient constatés, il y a tous les papiers administratifs que les familles endeuillées doivent remplir. Tout cela aggrave leur peine, leur douleur.

Le manque de médecins le week‑end et après la fermeture des cabinets en semaine est la principale cause du problème. À La Réunion, beaucoup vivent qui plus est dans les hauteurs de l'île, ce qui aggrave encore la situation. Ne serait‑il pas utile d'augmenter le nombre de médecins de garde afin d'établir les certificats de décès et de soulager les familles ?

De plus, pourquoi seuls les médecins seraient-ils aptes à délivrer ces certificats ? Ne pouvons‑nous accorder à d'autres professions de santé l'autorisation de le faire lorsqu'un médecin de garde n'est pas disponible ? Les pompes funèbres ne peuvent rien faire sans certificat de décès. Cela serait une solution à ce problème qui se pose chaque semaine, et cela permettrait aux familles de passer des heures précieuses aux côtés de leurs défunts. En bref, il s'agit de ne pas ajouter de la peine à la peine.

Par ailleurs, nous soutenons cette proposition de loi, qui est nécessaire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question de la désertification médicale nous aura beaucoup occupés au cours de ce quinquennat, preuve qu'elle devient primordiale pour nos concitoyens, partout sur le territoire, à mesure que le phénomène s'aggrave. Le groupe socialiste, par la voix de Guillaume Garot, que je remercie pour sa pugnacité, propose une nouvelle fois l'instauration d'un conventionnement sélectif, dont nous avons déjà débattu à plusieurs reprises.

J'entends bien les arguments de ceux qui s'y opposent, mais je crois qu'on ne peut plus reculer. Il faut avoir le courage de bousculer un peu la sempiternelle liberté d'installation. Nous avons épuisé toutes les solutions incitatives, toutes majorités confondues : elles n'ont pas eu les effets attendus. Il faut donc envisager des mesures de régulation, comme il en existe pour d'autres professions. Il faut aussi accompagner l'évolution de la profession, qui se tourne de plus en plus vers le salariat pour l'exercice de la médecine de ville. C'est un phénomène récent mais qui concerne de plus en plus les jeunes médecins, attirés par une activité dans les centres de santé en tant que salariés des collectivités locales. On voit fleurir de tels centres de santé dans les départements ruraux qui sont confrontés à la désertification médicale.

La réforme du numerus clausus était nécessaire, mais ses résultats ne se verront pas avant plusieurs années. Par ailleurs, outre augmenter le nombre de médecins, il faut assurer une meilleure répartition sur le territoire. Si l'arrêté ministériel publié en septembre dernier prévoit une augmentation générale du nombre d'étudiants de 20 %, dans certaines académies, comme celles de Poitiers et de Rouen, elle n'est que de 1 ou 2 %. La seule augmentation des effectifs ne suffira donc pas. C'est pourquoi l'obligation de présence en zones sous‑denses pour les internes et les jeunes diplômés est intéressante, sachant que 75 % des médecins généralistes s'installent dans la région où ils ont soutenu leur thèse.

Monsieur le rapporteur, les décrets d'application de la loi « santé » de 2019 ont-ils enfin été pris ? Je pense en particulier à la disposition prévoyant un stage d'un semestre en pratique ambulatoire, à effectuer prioritairement dans les zones sous‑denses.

Soucieux de trouver un équilibre entre liberté d'installation et protection de la santé, laquelle doit être garantie à chacun, le groupe Libertés et Territoires votera majoritairement en faveur de cette proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi. Il est des clous sur lesquels il faut taper plusieurs fois pour les enfoncer.

Je recevais vendredi dernier, dans ma circonscription, les représentants d'un collectif de la ville d'Istres, qui compte 50 000 habitants. Il avait recueilli 3 000 signatures sur le sujet des déserts médicaux, et en particulier de la pénurie de médecins à Istres. Un peu partout, des gens se mobilisent parce qu'ils s'inquiètent de la situation. Au moins 11 % des Françaises et des Français sont concernés par cette pénurie, et nous connaissons les inégalités de santé qui frappent les territoires.

Un certain nombre d'entre nous ne veulent pas toucher au modèle existant, ne veulent rien changer, parce qu'ils ont sans doute en tête une conception de la médecine adossée à une sorte de liberté d'entreprendre. Ce n'est pas notre vision des choses, et je pense que c'est une conception assez minoritaire parmi les médecins eux-mêmes. Il faut entendre les nouvelles aspirations, ainsi que celles des médecins qui sont là depuis longtemps et qui demandent à exercer la médecine dans d'autres conditions.

Certains d'entre nous disent qu'il est urgent d'attendre. Pourtant, le droit à la santé existe dans notre pays, et il est menacé, bafoué : des femmes et des hommes n'y ont pas accès dans des conditions raisonnables. Nous soutiendrons donc cette proposition de loi. Nous avions nous‑mêmes proposé, avec Sébastien Jumel, il y a quelques semaines, un texte qui allait dans la même direction.

Des propositions, des solutions sont mises sur la table. Nous ne pouvons en rester à la situation actuelle, il faut agir. La puissance publique doit prendre ses responsabilités. Nous avons le devoir d'organiser l'accès aux soins, nous ne pouvons pas nous contenter de regarder la situation en disant qu'il est urgent d'attendre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces quelques interventions vont dans des sens très différents. Pour ma part, je défends le conventionnement sélectif avec conviction depuis 2016. On nous dit que toute mesure de régulation serait inefficace. Regardons pourtant ce que font certains pays proches : y a‑t‑il des systèmes de régulation, en particulier dans les États membres de l'Union européenne ? La réponse est oui. Au Danemark, comme d'ailleurs en Norvège, les médecins ne peuvent pas s'installer comme ils le souhaitent. Une régulation permet de garantir la présence d'un médecin aux habitants de toutes les régions, notamment celles dont le climat est rude. Et cela fonctionne. L'Allemagne a aussi adopté un système de régulation, qui a bien entendu fait l'objet d'adaptations – ce qui est normal pour toute politique publique. Il faut tirer les leçons de ce qui est fait d'intéressant ailleurs.

Certains collègues disent aussi, pour simplifier, que la régulation est une abomination et que les médecins ne peuvent pas être soumis à des règles qui contreviendraient à la liberté d'installation. Il existe pourtant une régulation pour d'autres professions de santé, comme les infirmiers, les kinésithérapeutes ou les pharmaciens. Un pharmacien ne peut pas ouvrir une officine comme il le souhaite. Il y a des règles à respecter, afin de tenir compte des bassins de population – et l'on peut constater qu'il y a des pharmacies partout en France. Je voudrais qu'on m'explique pourquoi ce qui fonctionne pour ces professions de santé ne fonctionnerait pas pour la médecine libérale. En quoi la logique est-elle si différente que cela empêcherait toute régulation ? J'ai beau chercher depuis des années, je ne trouve pas de réponse à cette question et j'attends toujours des arguments convaincants.

On nous dit ensuite que nous allons tuer la médecine libérale et décourager les vocations. Mais combien y a‑t‑il chaque année de jeunes étudiants qui, hélas, ne sont pas admis à poursuivre leurs études de médecine ? Les vocations existent ! Il y a des vocations pour la médecine libérale bien sûr, et c'est tant mieux, car elle fait la force de notre système d'offre de soins, même s'il faut désormais l'adapter et l'encadrer. Mais les jeunes générations de médecins souhaitent aussi d'autres formes d'exercice, et c'est ce que nous proposons avec ce texte. La présence en zones sous‑denses qui est prévue par l'article 2 pour la dernière année d'internat et les deux premières années qui suivent l'obtention du diplôme peut prendre des formes extrêmement diverses, comme la collaboration, le salariat, qui constitue une demande de plus en plus forte, ou l'exercice mixte entre l'hôpital et le cabinet. Il faut réfléchir particulièrement sur ce dernier point : l'accès au plateau technique de l'hôpital est désormais demandé par de très nombreux jeunes médecins.

C'est en ce sens qu'il faut travailler, plutôt qu'adopter la posture idéologique trop souvent défendue par les opposants à la régulation. Soyons pragmatiques. Il faut trouver des solutions. Comment voulez‑vous faire accepter aux Français qui n'ont pas de médecin qu'il leur suffit de serrer les dents et que cela ira beaucoup mieux dans dix ans, en espérant que les choses s'amélioreront d'elles-mêmes ? Ce n'est pas sérieux. Nous devons leur dire que nous comprenons leur angoisse et que nous cherchons des solutions, rapides et réalistes. C'est ce que nous proposons avec ce texte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les efforts et les projets menés depuis un certain nombre d'années n'ont pas permis d'enrayer la désertification médicale. Sept à dix millions de Français continuent de vivre dans un désert médical, alors que le droit à la santé est considéré comme un droit constitutionnel. Mais il semble qu'il ne soit pas appliqué de la même manière partout. Il s'agit donc d'un véritable enjeu. Lorsqu'on entend que sept Français sur dix auraient renoncé à se soigner au moins une fois, il y a de quoi s'interroger sur les politiques publiques menées.

Je ne peux que soutenir les objectifs de la proposition de loi, tant l'égal accès aux soins et la lutte contre la perte de chance doivent être l'affaire de tous. Toutefois, apportez‑vous les bonnes solutions, monsieur le rapporteur ? En choisissant une approche géographique, vous excluez de fait les territoires urbains, où il peut aussi y avoir des difficultés d'accès aux soins. Les déserts médicaux sont partout, et pas seulement dans les campagnes. Les villes et les grandes métropoles sont concernées, et l'Île‑de‑France ou le Grand Lyon n'échappent pas à ce phénomène. Que proposez-vous réellement pour leurs habitants ?

Le problème est que le nombre de médecins est sous‑dimensionné par rapport aux besoins de santé de la population. Alors que la médecine générale fait partie des dernières spécialités choisies par les étudiants, comment agir à la racine, dès l'entrée en faculté de médecine ? En effet, la contrainte lors de l'installation n'est pas très bien acceptée.

Les pistes doivent être envisagées en concertation avec les collectivités locales, qui s'investissent beaucoup pour créer des maisons de santé et des centres de soins et pour accompagner l'installation de médecins dans les zones sous‑denses, notamment en développant la salarisation. Pour répondre aux enjeux de la transformation des pratiques et aux attentes de ces nouveaux médecins, qui souhaitent travailler avec une équipe stable et sécuriser leur installation, nous devons porter l'effort sur une approche territoriale menée en lien avec les départements et les régions – qui peuvent apporter des soutiens financiers importants.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous partageons deux constats : la difficulté d'accès aux soins pour nombre de nos concitoyens dans beaucoup de zones rurales ou urbaines ; et une pénurie médicale liée à la gestion comptable menée depuis trente ans par tous les gouvernements, de droite comme de gauche, républicains ou socialistes.

Depuis cinq ans, nous avons pris des mesures, en supprimant le numerus clausus, en réformant les études médicales, en favorisant l'exercice de groupe, en réduisant la partie administrative de la pratique pour rendre du temps à la médecine, grâce aux assistants médicaux.

Vous voulez réguler, avec un conventionnement sélectif qui ne fera qu'aggraver la situation, comme l'ont montré les exemples étrangers. Pour notre part, nous voulons poursuivre le travail que nous faisons depuis cinq ans, en rendant plus attractif l'exercice de la médecine libérale et donc de la médecine générale – seulement 8 % des étudiants choisissent cette spécialité –, en accroissant les possibilités d'effectuer des stages, surtout pour la médecine générale dans les zones sous‑denses, et en associant les collectivités territoriales. Treize étudiants lyonnais vont bientôt s'installer en Ardèche à la suite de gardes réalisées chez les pompiers, qui leur ont fait découvrir ce département. Il faut aussi faire monter en compétence les professionnels paramédicaux – nous avons commencé avec les orthoptistes et les kinésithérapeutes. J'avais déposé des amendements allant dans ce sens, qui ont malheureusement été déclarés irrecevables.

Vos propositions seraient inefficaces. Il existe déjà un système régulé en France : l'hôpital public. Mais, bien qu'il soit public et régulé, il y manque 3 000 médecins, généralement dans les zones sous‑denses... CQFD. Enfin, vous faites référence au modèle de l'installation des pharmaciens, qui doivent acheter leur officine. Est‑ce celui que vous voulez imposer aux médecins généralistes ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme souvent, les questions posées par la proposition de loi que nous examinons sont pertinentes. Le problème est la réponse qui est apportée. La vôtre n'est pas nouvelle, monsieur le rapporteur : elle avait été proposée bien des années avant cette législature et n'a jamais été adoptée, alors que les déserts médicaux étaient déjà une réalité. Elle pourrait certes apparaître comme une solution, mais les expériences de ce type menées dans d'autres pays montrent que tel n'est pas le cas.

Pour autant, faut-il ne rien faire ?

La stratégie « Ma santé 2022 » prévoit la mise en place des CPTS, créées en 2016 mais qui n'avaient été soutenues politiquement ni par les collectivités territoriales, ni à l'échelon national. Ma circonscription a la chance d'accueillir deux CPTS, qui regroupent vingt‑six communes. Les médecins s'organisent en leur sein pour assurer l'accès aux soins dans ce désert médical. Cette solution peut être difficile à concrétiser, car elle suppose l'adhésion des médecins libéraux, mais je pense que nous devons tous davantage soutenir ce type de démarche – très peu de députés s'en occupent – pour mettre en pratique ce que nous avons voté.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce n'est pas par idéologie mais par pragmatisme que je m'oppose aux contraintes figurant dans cette proposition de loi. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois, puisque c'est un sujet que nous avons vu revenir régulièrement au cours de cette législature et des précédentes, auxquelles nous avons tous deux participé, monsieur le rapporteur.

La médecine générale est l'une des plus belles spécialités médicales – et je sais de quoi je parle. Malheureusement, elle est en déficit. Moins de 10 % des étudiants choisissent la médecine générale à la fin de leur internat : ils préfèrent d'autres spécialités, aussi bien dans les grandes métropoles que dans les territoires ruraux. Les médecines à exercice particulier se sont développées depuis de nombreuses années, ce qui entraîne une désaffection à l'égard de la médecine générale.

Les jeunes médecins ont 30 ou 32 ans lorsqu'ils doivent décider de leur parcours professionnel, après l'internat et la thèse. À ce moment, ils vivent à proximité d'un centre hospitalier universitaire (CHU), donc d'une métropole, et ils sont en ménage ; la décision doit donc être prise à deux, ce qui est plus difficile aujourd'hui qu'il y a trente ou quarante ans, quand le conjoint travaillait moins souvent. Bref, savoir pourquoi les étudiants ne choisissent plus la médecine générale est une question compliquée, qui nécessite réflexion. En tout cas, ce n'est pas avec la contrainte qu'on la résoudra. Vous risquez de créer deux secteurs, une médecine libérale conventionnée et une médecine libérale libre, indépendante et privée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je soutiens la proposition de loi de Guillaume Garot. J'en avais déposé une sur le même sujet en 2010 : le gouvernement de l'époque m'avait expliqué que c'était impossible. En 2016, c'était une camarade de Guillaume Garot qui m'expliquait que c'était impossible. Et j'ai récidivé en 2018 en tant que rapporteur de la commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français.

Un ancien Président de la République a dit : « Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Cette phrase avait laissé des traces. Pour l'accès aux soins en tout cas, on n'a pas tout essayé. Les mesures défendues par Guillaume Garot font partie des vingt et une propositions de la commission d'enquête. Cyrille Isaac-Sibille répond que seulement 8 % des jeunes médecins s'installent dans le privé, mais, cher ami, c'était déjà comme ça il y a cinq ans ! La désertification médicale est devant nous et, quoi qu'on en dise, il y a un nombre d'heures de médecin disponibles.

Je ne dis pas que les solutions sont faciles. Aujourd'hui même, le président de la région Centre‑Val de Loire essaye de reprendre l'initiative contre la désertification médicale. Dix propositions sont sur la table, que nous avons écrites ensemble avec Stéphanie Rist. La proposition de rendre possible l'accès direct aux orthoptistes et aux kinésithérapeutes se heurte à ceux qui ont toujours de bonnes raisons pour remettre le médecin au centre de tout.

Arrêtons ! Vous verrez dans quelques semaines que le pouvoir d'achat et l'accès aux soins figurent parmi les premières attentes des Français. Ce sont des sujets majeurs et transpartisans, sur lesquels nous pouvons nous réunir.

Quant aux contraintes, n'y en a‑t‑il pas dans l'internat national classant ? En fonction de votre résultat, vous allez dans une faculté ou un autre ! Ce fut le cas pour mes enfants, qui sont partis à 400 kilomètres pour suivre des spécialités qui n'existaient pas dans leur région.

Essayons de faire œuvre utile. Je rencontre régulièrement les jeunes internes de ma région ; eux-mêmes se rendent compte qu'on est au bout d'un système. Au lendemain de la pandémie, il faut le refonder, en s'appuyant sur l'intelligence collective. Je rêve que nous soyons un jour capables d'écrire une proposition de loi transpartisane : nous y gagnerions en crédibilité et en efficacité politique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question de l'accès aux soins est de plus en plus prégnante dans le débat public. Beaucoup trop de Français renoncent aux soins car les délais d'attente sont trop longs. Ce renoncement a une incidence négative sur l'espérance de vie. La désertification médicale est un véritable enjeu public et elle pose la question de l'équité de l'aménagement du territoire. Huit millions de Français vivent dans un désert médical. Dans mon département, 47 communes, soit 8 000 habitants, cumulent les trois difficultés d'accès aux soins de premiers secours. La Haute‑Loire fait partie des vingt départements français qui comptent le plus de communes classées en désert médical.

Nous faisons bien face à un problème sanitaire de grande ampleur, qui va s'accentuer avec le vieillissement des professionnels médicaux. L'augmentation du numerus clausus portera ses fruits dans dix ans. Les élus et les collectivités territoriales sont mobilisés et font preuve d'ingéniosité en créant des maisons médicales pluridisciplinaires, des maisons des internes ou des bus itinérants, ou en favorisant la télémédecine. Mais est‑ce bien leur rôle ? Ne devrions-nous pas faciliter la formation et l'insertion des infirmiers en pratique avancée, développer la formation et l'emploi des assistants médicaux ?

Notre système de santé doit être revu dans sa globalité. Il faut décloisonner. Dans les départements ruraux, la crise sanitaire a démontré combien l'hôpital public a su travailler avec la médecine de ville : des partenariats peuvent être créés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La désertification médicale représente une ségrégation absolument insupportable. Huit millions de femmes, d'hommes et d'enfants sont privés d'accès aux soins car ils vivent dans les déserts médicaux, 70 % des Françaises et des Français déclarent renoncer à des soins par impossibilité de consulter. Les premières victimes résident dans les territoires ruraux et périurbains. Le renoncement aux soins conduit à des diagnostics tardifs, à des pertes de chance, à des souffrances accentuées, à des drames.

Je suis convaincu qu'une discrimination sociale s'ajoute à cette discrimination territoriale. En effet, ceux qui n'ont pas accès à un généraliste ou un spécialiste dans leur département doivent en chercher un dans les départements voisins : cela a un coût, insupportable pour beaucoup de nos concitoyens.

Beaucoup a été fait en matière d'incitation, et je salue la pugnacité des élus locaux qui se démènent pour attirer des praticiens. Mais le constat est sans appel : les déserts médicaux perdurent, et cela sera vrai encore pour les dix prochaines années. Si l'on veut garantir un accès universel au système de santé, il faut piloter l'installation des médecins. Des orientations politiques ont été adoptées en faveur du maintien à domicile ou de la prise en charge hospitalière en ambulatoire, mais tout cela ne peut pas fonctionner sans un maillage homogène des professionnels de santé. C'est la raison pour laquelle je soutiens cette proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je rejoins les propos tenus depuis le début de cette réunion ; les Vosgiens subissent la même situation. De nombreux travaux parlementaires ont eu lieu sur ce sujet depuis le début de la législature et il existe manifestement une volonté partagée pour aller de l'avant. Sur les vingt et une recommandations qui ont été évoquées, pourquoi n'en avoir retenu que deux, monsieur le rapporteur, pour votre proposition de loi ? Quel raisonnement vous a conduit à écarter les autres pistes ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce n'est pas la première fois que nous débattons de vos propositions, et ce n'est pas la première fois que nous allons nous y opposer. Stéphanie Rist a déjà commencé à vous expliquer pourquoi.

Vous ne nous avez pas convaincus. J'observe que vous n'avez pas davantage convaincu votre candidate à l'élection présidentielle, qui a fait ses premières propositions en matière de santé il y a quelques jours et qui s'oppose à toute mesure autoritaire pour l'installation des médecins dans les zones qui manquent de médecins traitants. Ces mesures ne fonctionnent pas. Certains pays qui les avaient instaurées ont fait marche arrière.

Au contraire, il faut poursuive dans la voie choisie depuis 2017, en allant plus vite et plus fort. Grâce à la suppression du numerus clausus, plus de 10 000 étudiants sont inscrits en deuxième année de médecine. À plus court terme, nous nous appuyons sur tous les professionnels de santé – pharmaciens, kinésithérapeutes, sages‑femmes et infirmiers. Il faut développer encore le partage de compétences, probablement en donnant plus d'autonomie aux infirmiers et en déployant plus vite les infirmiers en pratique avancée. La création au cours du quinquennat du métier d'assistant médical permet d'augmenter le nombre de consultations réalisées par les médecins.

C'est bien simple, là où toutes les mesures que nous avons prises sont déployées, la patientèle moyenne d'un médecin généraliste passe de 970 patients à plus de 2 000. Avec près de 100 000 médecins généralistes en exercice, le déploiement complet de ces mesures apportera des solutions à bien des Français.

C'est donc bien dans ce sens qu'il faut aller, tout en généralisant le recours au numérique ainsi que le service d'accès aux soins.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'accès à la santé est à juste titre une préoccupation des Français, et on voit bien leur inquiétude.

Je me trompe peut-être, mais certaines descriptions peuvent donner le sentiment que les médecins forment une profession de nantis, à qui on laisse faire ce qu'ils veulent, comme ils le veulent. Cela mérite quelques éléments de contexte.

Pléthore de mesures, qui ont été décrites, permettent une répartition plus adéquate des médecins. Comme on le voit dans les territoires, ça bouge, même si cela prend du temps. Les études de médecine durent plus de dix ans. Ce n'est pas facile : on ne sort pas tous les soirs ! À partir de la troisième année, on est en stage tous les jours, et à partir de la cinquième année, on coopère pleinement à l'accès aux soins dans les hôpitaux. Pendant la crise sanitaire, beaucoup a été demandé aux jeunes internes, parfois jusqu'à l'épuisement, pour que le système de soins fonctionne. Je voudrais qu'on pense à eux.

Monsieur le rapporteur, quelles ont été les discussions avec ces jeunes durant vos travaux ? Comment appréhendent-ils vos propositions ? Il serait dommage de ne pas pouvoir tenir compte de leur avis.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Certains s'inquiètent de ce qu'un système de régulation fragiliserait les vocations pour la médecine générale. Je vous rassure : le dispositif que je vous propose concerne tous les spécialistes. En effet, dans certains territoires, la désertification peut être pire encore s'agissant des médecins spécialistes, et donc les inégalités entre citoyens encore plus grandes. Il faut donc s'adresser à l'ensemble des spécialités, la médecine générale en étant une.

Pour résumer à grands traits, vous dites oui à l'incitation, et non à la régulation. Mais cette régulation est la meilleure chance à donner à l'incitation ! Parce qu'on peut raconter tout ce qu'on veut sur les avantages des CPTS et des maisons de santé, et appeler à les multiplier : tous les élus locaux s'y sont lancés, toutes les communautés de communes financent des maisons de santé, avec Yannick Favennec-Bécot nous pouvons en témoigner... sauf qu'il n'y a pas de médecins ! Dès lors, votre solution n'en est plus une. Soyez réalistes, tenez compte de la situation. Ne soyez pas crispés face à la régulation, voyez‑la comme une solution qui n'a pas été expérimentée pour les médecins alors qu'elle existe pour quasiment toutes les autres professions de santé.

S'agissant des réactions des jeunes médecins à mes propositions, j'ai auditionné tout le monde : les représentants des jeunes internes, des médecins, des élus, des usagers. Si l'on veut être efficace, il faudra travailler avec l'ensemble des partenaires pour que les nouvelles règles tiennent compte des aspirations professionnelles des jeunes médecins, mais aussi, voire d'abord, des besoins de nos concitoyens. C'est à ces besoins qu'il faut répondre, avec les élus, les usagers et bien sûr les professionnels de santé.

Nous savons à quel point leur engagement est décisif, dans la période que nous traversons et pour les années qui viennent. Nous savons la difficulté du métier, le temps qu'ils y passent. C'est avec eux, et même pour eux que nous voulons trouver des solutions. Car la pression sur les médecins est immense dans les zones où les départs à la retraite ne sont pas remplacés : tous les jours, ils doivent refuser de nouveaux patients. Ce sont eux qui nous demandent de trouver des solutions, ils n'en peuvent plus. Quittons donc les postures et les préjugés idéologiques pour essayer de trouver des solutions pragmatiques pour améliorer la vie de l'ensemble de nos concitoyens.

Article 1er : Instauration d'un conventionnement sélectif pour les médecins

Amendement de suppression AS10 de Mme Stéphanie Rist.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet article instaure le conventionnement sélectif des médecins libéraux. Je vais revenir sur les quatre raisons pour lesquelles nous demandons sa suppression.

Je suis étonnée que votre côté de l'échiquier politique ne soit pas inquiet de la charge que le déconventionnement des médecins ferait peser sur les malades. Ils n'auraient pas d'autre choix que d'aller consulter un médecin non conventionné sans être remboursés.

Deuxième point : vous dites que le dispositif n'est pas un frein au choix de la spécialité. Mais quand vous êtes étudiant, vous devez choisir, d'une part, votre spécialité et, d'autre part, si vous allez la faire à l'hôpital ou en ville. Si l'on instaure une obligation d'installation pour les médecins libéraux, spécialistes ou généralistes, beaucoup de ceux qui n'ont pas envie de la subir vont choisir la médecine hospitalière. Avec 30 000 postes vacants à l'hôpital, ils pourront s'installer à l'endroit où ils le désirent. C'est donc un frein au choix de la spécialité de médecine générale.

Vous indiquez que des pays ont fait le choix de l'obligation d'installation. Certes, mais les Allemands sont en train de revenir sur cette obligation car ils se sont rendu compte que les médecins s'installaient en périphérie des zones sous‑dotées : cela ne marche donc pas. Et au Danemark, il ne s'agit pas d'une obligation d'installation des médecins, mais d'une obligation de prise en charge des soins non programmés. C'est un autre débat et nous sommes ouverts à la discussion sur ce point.

Enfin vous relevez que les pharmaciens ne peuvent pas s'installer n'importe où. C'est vrai, mais le gradient du nombre de pharmacies va de zéro à sept entre une zone sous‑dotée et une zone sur‑dotée, alors que l'écart est seulement de 0,5 pour les médecins généralistes. Bref, si l'on enlève des généralistes dans les zones sur‑dotées, cela créera de la pénurie partout en France. C'est un choix politique, mais ce n'est pas le nôtre.

Encore une fois, nous préférons faire confiance au sens de la responsabilité des jeunes médecins et avancer dans le développement et le partage des compétences : voilà les mesures efficaces.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable.

La façon dont la majorité envisage la réponse à la désertification médicale est désolante. Il faut prendre la mesure de ce que c'est de vivre dans un territoire sans médecin. Les solutions que vous proposez auront un effet dans dix ans, pas à court terme. Même si elle va dans le bon sens, l'évolution des pratiques demande du temps.

Pour aller plus vite, il faut adopter des mesures de régulation, afin de s'assurer de la présence de médecins partout sur le territoire national. Il n'y a aucune raison d'accepter que certains Français n'aient pas le droit à un médecin à proximité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Stéphanie Rist a fait part d'un écart de 0,5 pour les médecins généralistes. Ce n'est pas vrai : en Eure‑et‑Loir on compte 70 médecins pour 100 000 habitants ; à Paris, c'est 380.

Pour les pharmaciens, il y avait une règle : une pharmacie pour 2 500 habitants. Ne l'a‑t‑on pas changée un jour, pour la porter à 5 000 habitants ? Cela a‑t‑il provoqué des remous particuliers ? C'est la vérité, et Jean-Pierre Door le sait très bien. Et si les dépassements d'honoraires existent à l'hôpital, depuis 1982, c'est parce qu'on s'est aperçu qu'autrement, les médecins manquaient d'appétence pour y exercer. Des mesures de régulation existent donc depuis longtemps, en ville comme à l'hôpital.

Par ailleurs, pour répondre à Thomas Mesnier, régulation d'un jour n'est pas régulation toujours ! Nous faisons face à un cap difficile. Le numerus clausus n'a pas été supprimé, il a été augmenté. D'ailleurs, soyons honnêtes, il l'a été continûment depuis 2001 : alors qu'il avait 3 500 médecins formés par an à cette date, on arrive à 8 500, et on va passer à 10 000. Ne faisons pas comme si le ciel bleu arrivait d'un coup après la grisaille, alors que les choses vont rester très compliquées pendant sept ou huit ans. Je le dis avec beaucoup de calme et de détermination.

Un dernier mot sur les délégations de tâches. Lors de la pandémie de covid‑19, on a demandé aux pharmaciens de vacciner, puis aux infirmiers, puis aux pompiers. Ils ont été formés pour cela. Cela marche très bien. La délégation de tâches constitue une véritable avancée. Le problème est qu'il y a toujours des tentatives de revenir sur ce qui a été décidé dans l'hémicycle, comme la loi de Stéphanie Rist en est une belle illustration.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans la situation actuelle, les collectivités locales et les maires sont en concurrence pour essayer d'attirer les médecins. C'est à qui construira la plus belle maison de santé, à qui donnera un terrain au médecin pour qu'il s'installe... – cela existe. Ce ne sont pas de véritables solutions. Cela ne veut pas dire que chaque collectivité ne doit pas essayer de créer les meilleures conditions pour l'installation des médecins, mais cela ne peut pas produire des miracles.

Certains prétendent que la proposition de loi créerait plus d'effets de bord délétères que d'effets positifs. Je n'y crois absolument pas. Au contraire, nous avons besoin de régulation : s'il faut l'accompagner de mesures complémentaires, nous les trouverons. Mais nous devons agir.

Certains disent aussi que la régulation créerait de la pénurie partout. Sauf que la pénurie est déjà là, c'est pour cela qu'il faut réguler ! Ils passent alors à l'argument de la coercition. Mais par les temps qui courent, je crois qu'on a une bonne illustration de ce qu'est vraiment la coercition...

Non, il ne s'agit que de réguler. Nous avons besoin d'une puissance publique qui s'en occupe.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il existe un système public régulé en France : c'est l'hôpital. Si la régulation marche, l'hôpital devrait marcher. Alors pourquoi y compte‑t‑on 30 000 postes vacants, notamment dans les petits hôpitaux ? Comment voulez-vous que la régulation améliore le système de médecine libérale alors qu'elle ne donne pas de solution à l'hôpital ?

La régulation ne fonctionne pas parce que nous sommes en situation de pénurie ; celle-ci joue aussi bien sur le système régulé public que sur la médecine libérale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si l'on raisonne uniquement à partir du rapport entre le nombre de médecins, généralistes et spécialistes, et le nombre d'habitants pour réguler l'offre de soins, on a tout faux. L'accès aux soins de premier recours est indépendant de cette variable numérique sur laquelle vous vous fondez. Il faut évaluer la situation plus finement, sans se lancer à la tête des clichés sur les suppressions de lits ou les déserts médicaux. La chambre régionale des comptes de Bourgogne‑Franche‑Comté se penchera prochainement sur l'accès aux soins de premier recours et ce sera l'occasion d'évaluer un dispositif mis en place par le département de Saône‑et‑Loire, qui semble assez efficace.

Dans les zones très denses, où il n'y a plus de médecins en secteur 1, votre proposition risque d'aggraver les choses. Les médecins partant à la retraite demanderont de l'argent pour céder leur patientèle. À rebours de vos idées, vous allez relancer un processus de marchandisation de la médecine.

Enfin, votre système ne prend pas en compte l'état de santé de la population dans un territoire donné. Or il existe des départements où les besoins en spécialistes et en généralistes, rapportés à la population, sont plus importants.

Vous avez pris un marteau énorme pour enfoncer le clou, monsieur le rapporteur. Il faut être plus fin et plus intelligent que cela.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les centristes, qui aiment à dire « liberté autant que possible, régulation autant que nécessaire », souhaitent bien évidemment le maintien de l'article 1er.

En attendant que la suppression du numerus clausus porte ses fruits, il faut imaginer d'autres solutions, co‑construites avec les médecins. Certes, les syndicats sont vent debout contre le conventionnement sélectif, mais je constate que les jeunes internes en médecine ne sont pas insensibles aux arguments des députés qui, à l'image de Guillaume Garot, de Yannick Favennec‑Bécot, de Philippe Vigier ou de moi‑même, se battent pour l'accès aux soins de leurs concitoyens.

Ceux qui s'opposent par principe à la régulation et au conventionnement sélectif n'ont pas de propositions qui fassent avancer le débat. Les mesures incitatives prises depuis plusieurs années ne suffisent plus : les maisons pluridisciplinaires, c'est bien, mais encore faut‑il que des professionnels de santé s'y installent !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, il n'y a pas, d'un côté, ceux qui n'écoutent pas les Français, et de l'autre, les grands sauveurs de l'humanité. Je regrette que votre propos introductif soit aussi clivant. Nous sommes tous ici des représentants de la nation, qui n'ont pas forcément la même vision des choses, mais qui peuvent en débattre.

Monsieur Benoit, je serai très franc : les professionnels de santé, et parmi eux les plus jeunes, se fichent bien du conventionnement sélectif. Ils vous disent que ce n'est pas la question, que, de toute façon, ils auront bien d'autres possibilités pour s'installer là où ils le veulent. Pour le coup, vous perdrez des médecins libéraux. Pensez-vous vraiment que, d'un claquement de doigts, les médecins iront visser leur plaque dans des endroits reculés et peu attractifs où ils devront travailler tous seuls ? Non, il se passera la même chose que pour les infirmiers : ils iront simplement s'installer en périphérie des zones très denses, et vous n'y aurez rien gagné.

Nous ne sommes pas ici pour faire du lobbying, mais pour démontrer que cette solution est inopérante. Ça ne peut pas marcher, tous les professionnels de santé le disent. Beaucoup de mesures incitatives ont été mises en œuvre, sur le partage du travail ou la délégation des tâches par exemple. C'est cela qui marche. J'étais hier au téléphone avec une neurologue qui souhaite s'installer dans une des maisons de santé pluridisciplinaires de ma circonscription : elle ne vient pas parce qu'elle y est contrainte, mais parce qu'elle veut exercer au sein d'une équipe qui fonctionne. C'est aux élus de terrain de faire ce travail de conviction.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis opposé au conventionnement sélectif, pour une seule raison : le faible nombre d'étudiants qui optent pour la médecine générale. Les chiffres qu'a cités Philippe Vigier concernant le nombre de généralistes installés à Paris sont biaisés, car la majorité d'entre eux sont en secteur 2 et exercent aussi comme acupuncteurs ou homéopathes. La réalité, c'est que le nombre de médecins généralistes a baissé de 25 %.

Il faut comprendre les raisons de cette désaffection. Elles tiennent sans doute à la formation, au fait que la maîtrise de stage, mal rémunérée, n'est pas développée. Il faudrait aussi, dès la deuxième année, informer les étudiants en médecine sur leurs possibilités d'orientation et sur l'état de la cartographie nationale pour chaque spécialité. Ce n'est pas à la sortie des études, quand ils ont 30 ans, qu'on peut leur ordonner d'aller à un endroit et pas ailleurs !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le conventionnement sélectif concerne autant les généralistes que les spécialistes. Il ne sera opérant qu'à la condition qu'il soit fondé sur une vision objective de la situation sanitaire, une connaissance fine des besoins de chaque territoire. C'était le sens de ma proposition de loi de 2019.

Je ne vois aucune difficulté à faire des distinctions entre le secteur 1 et le secteur 2. Le conventionnement sélectif peut être appliqué au secteur 2, en laissant aux médecins la liberté de s'installer en secteur 1. La réalité, c'est que, dans certaines villes des Alpes‑Maritimes, la concentration de médecins est telle que la seule façon de tirer un revenu est de s'installer en secteur 2 – ou de faire de la télémédecine, pour des patients à 1 000 kilomètres de là.

Vous voulez supprimer l'article sans même envisager une expérimentation. Vous affirmez que cela ne marchera jamais, mais qu'en savez-vous ? Proposez par amendement d'expérimenter le conventionnement sélectif, nous ne demandons que ça ! Si vous ne le faites pas, c'est par posture idéologique, au nom d'une supposée liberté d'installation qui ne souffrirait aucune régulation. Or celle‑ci est nécessaire pour donner aux mesures d'incitation toute leur force. Nous sommes tous d'accord sur l'utilité de ces dernières, mais je rejoins Pierre Dharréville : elles risquent d'exacerber encore la concurrence entre les territoires, et coûtent une fortune aux contribuables.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 1er est supprimé.

Après l'article 1er

Amendement AS2 de M. Thierry Benoit.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous proposons que les agences régionales de santé (ARS) déterminent chaque année les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou des difficultés d'accès aux soins – zones d'intervention prioritaire, zones d'action complémentaire ou zones de vigilance – ainsi que celles où le niveau de l'offre est particulièrement élevé. Le zonage est aujourd'hui décalé de deux ans : cette actualisation améliorerait notre connaissance des réalités du terrain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en avons parlé lors de l'examen du PLFSS : pour avoir travaillé sur cette question et participé aux concertations au niveau local, en Charente, je crains qu'une révision annuelle du zonage ne soit contreproductive, en termes de temps et de lisibilité. En revanche, il serait intéressant de prévoir, dans l'intervalle des trois ans, une clause de retour à meilleure fortune qui permettrait d'adapter le zonage de façon vraiment fine.

Il serait en outre souhaitable de traiter de manière distincte les quartiers de veille active, comme c'est déjà le cas pour les quartiers de la politique de la ville (QPV). Ces évolutions pourraient intervenir par la voie réglementaire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'invite Jean-Pierre Door à venir à Châteaudun, il pourra constater que sur les douze médecins généralistes installés dans la ville, pas un n'est en secteur 2. Dire une contre-vérité n'en fait pas une vérité.

Certes, il ne serait pas simple d'actualiser chaque année le zonage. Mais ce dernier pourrait prendre en compte les départs à la retraite, qui sont connus à l'avance, et être adapté lorsqu'on sait que la réalité a changé. Dans ma circonscription, selon le zonage qui datait de 2019, deux communes distantes de 3 kilomètres étaient l'une en zone sur‑dense, l'autre en zone sous‑dense. Il a suffi à un médecin de déménager de l'une à l'autre pour toucher 50 000 euros, comme au Monopoly ! Dans le département, ce sont douze médecins qui sont allés récupérer des aides de l'État en s'installant dans les zones sous‑denses. J'ai dû me bagarrer avec l'ARS pour faire changer le zonage. Je vous invite à lire le rapport de la Cour des comptes sur cette question, il est incendiaire !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les ARS sont capables d'actualiser toutes les semaines les données relatives à la vaccination contre le covid‑19, par tranche d'âge qui plus est. Les technologies modernes nous permettent de disposer de données statistiques actualisées, qui peuvent être reportées sur des documents lisibles et compréhensibles du plus grand nombre. Aujourd'hui, les cartographies sont affaire de spécialistes. Mais chacun doit pouvoir savoir quelle est la densité de médecins sur son territoire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le zonage prend déjà en compte les évolutions prévisibles sur trois ans, notamment les départs à la retraite et les désinstallations. Bien sûr, la cartographie doit être lisible et compréhensible par tous. Mais c'est la concertation entre les départements, les intercommunalités, les parlementaires et les élus, en lien avec les professionnels de santé, qui permet d'affiner le zonage : les statistiques sont indispensables, mais elles ne remplacent pas la connaissance du terrain.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les besoins en santé doivent être objectivés, pour devenir un outil de pilotage des politiques publiques. On a besoin de données certes démographiques, mais aussi sur l'évolution des pathologies dans un territoire donné, en fonction des caractéristiques de la population. C'est ainsi que la politique sanitaire gagnera en efficacité.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS1 de M. Thierry Benoit et sous‑amendement AS16 de M. Guillaume Garot.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans ma circonscription, en l'espace de trois semaines, 1 500 patients se sont retrouvés sans solution après qu'un médecin collaborateur, tout de suite suivi par le médecin titulaire, qui ne voulait pas rester seul, ont décidé de quitter la maison médicale où ils exerçaient.

Inspiré par cette expérience, je propose qu'en zone sous‑dotée, les professionnels de santé avertissent l'ARS et le conseil de l'Ordre au moins un an avant leur départ, afin que le conseil départemental, les élus locaux et les professionnels de santé puissent se mobiliser et trouver une solution de remplacement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes tous confrontés dans nos circonscriptions à de tels départs, dont l'annonce crée généralement un choc chez les patients. Je propose de sous‑amender cette excellente proposition en prévoyant une dérogation en cas de circonstances exceptionnelles – maladie ou mutation du conjoint par exemple.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l'amendement.

Amendement AS9 de Mme Delphine Bagarry.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 : Obligation de présence en zones sous‑denses pour les internes en médecine au cours de leur dernière année d'internat puis dans les deux années qui suivent l'obtention du diplôme

Amendement de suppression AS11 de Mme Stéphanie Rist.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous proposons de supprimer cet article, qui instaure l'obligation d'effectuer dans une zone sous‑dense la dernière année de l'internat et les deux premières années d'exercice.

Nous l'avons expliqué, nous préférons l'incitation à la coercition. C'est ainsi que le CESP a été renforcé et que les quatre contrats incitatifs proposés par l'État aux jeunes médecins ont été regroupés en un contrat unique, le contrat de début d'exercice. Ces mesures sont efficaces.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis depuis longtemps favorable à l'idée d'un stage obligatoire d'un an dans les zones en difficultés, en fin d'internat ou tout de suite après, en cabinet ou à l'hôpital. Cela donnerait une expérience en ambulatoire, et en milieu rural. En revanche, je ne suis pas favorable à ce que cette obligation s'étende sur trois ans.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand je parle d'intelligence collective ! L'article 2 fixe une durée de trois ans, Jean-Pierre Door est favorable à un an, j'avais proposé à une époque trois semestres et je crois savoir que Stéphanie Rist n'est pas opposée à l'idée d'imposer des stages dans d'autres CHU... Nous devrions y arriver !

Le drame, c'est l'hospitalo‑centrisme : les internes restent dans les murs de leur CHU parce qu'on leur explique que c'est là que tout se passe. Mais c'est faux : on peut passer une ou deux merveilleuses années ailleurs, à apprendre son métier, en étant rémunéré pour cela.

En adoptant cet amendement, vous viderez le texte de sa substance. Je vous propose de laisser ouverte cette belle voie, au moins sur ce sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons déjà introduit dans la loi l'obligation d'effectuer, au cours de la dernière année d'études, un stage d'un semestre en pratique ambulatoire dans les zones sous‑denses. Étrangement, le Gouvernement n'a pas mis en œuvre cette disposition – comme s'il pouvait s'opposer à une mesure votée par les parlementaires ! Cela ne va pas sans poser un problème démocratique.

Selon nos collègues La République en Marche, c'est le CESP qui est la solution pour endiguer la désertification médicale. Mais enfin, seulement 4 700 CESP ont été proposés depuis 2010, et on ne compte aujourd'hui que 426 médecins, installés en zone sous‑dense, qui en ont bénéficié. Ce dispositif ne répond donc qu'à une faible part des besoins.

Quant à la suppression du numerus clausus, elle a certes permis de faire sauter une barrière mais elle n'a pas entraîné une augmentation du nombre d'étudiants, car on ne dispose pas des capacités pour les accueillir, en tout cas à hauteur des besoins. En outre, rien ne garantit que ces étudiants supplémentaires iraient s'installer, à l'issue de leurs études, là où on a besoin d'eux. En supprimant cet article, vous vous privez d'un moyen d'action publique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Revenons sur certaines contre‑vérités. Oui, nous avons voté en 2019, avec la loi « Ma santé 2022 », la suppression du numerus clausus. Désormais, le nombre d'étudiants de deuxième année est fixé selon les capacités de formation et les besoins du territoire, en lien avec l'ARS et les universités. Pas moins de 10 000 étudiants supplémentaires, soit une hausse de 19 %, sont ainsi entrés en deuxième année de médecine. C'est sans commune mesure avec ce qui a été fait jusqu'à présent.

S'agissant du stage qui doit être effectué en priorité dans une zone sous‑dense, disposition qui est le fruit d'un dialogue avec le Sénat, le Premier ministre a indiqué il y a quelques semaines que la sortie du décret était prochaine. Elle a été retardée par la crise sanitaire, ce qu'on peut comprendre. Mais, en fin de compte, cela ne résout pas le problème principal, puisque nous ne disposons pas de maîtres de stage en nombre suffisant : tant que les médecins en zone sous‑dense n'accepteront pas d'accueillir des stagiaires, ces stages ne pourront pas être effectués !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si l'on divise le nombre d'étudiants supplémentaires par le nombre d'années d'études, on voit que l'augmentation, sur les cinq dernières années, est parfaitement dans la ligne de ce qu'elle était auparavant. Thomas Mesnier le sait, c'est le nombre d'heures de médecins disponibles qui est insuffisant ; en dépit des réformes, il le restera ces dix prochaines années, parce que la population augmente et que la demande croît plus vite que l'offre de soins.

C'est désormais la capacité de formation qu'il faut augmenter. Nous attendons le fameux double arrêté du ministre de la santé et de la ministre de l'enseignement supérieur. Sans cette double décision – cela vaut pour la faculté de médecine à Orléans, madame Rist – on n'y arrivera pas !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est bien beau de prévoir un stage obligatoire, encore faut-il trouver des maîtres de stage ! Ils ne sont pas suffisamment nombreux chez les généralistes, surtout en zone rurale. Et, quelle que soit la spécialité, les professionnels doivent aussi accepter que les stages ne se déroulent pas uniquement au sein des CHU : il faut aller voir dans les hôpitaux périphériques ou dans les cabinets de spécialistes exerçant en libéral.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le sujet fait encore débat : peut-être que la majorité n'est‑elle pas si sereine qu'elle le dit, ce qui est une bonne nouvelle.

Par ailleurs, Thomas Mesnier explique le retard du décret par la crise sanitaire. Mais c'est bien parce qu'il y a une crise sanitaire que le Gouvernement ne doit pas tarder à prendre ce type de décision ! Il me semble que notre rôle est de contrôler l'exécutif, qui doit appliquer les dispositions que nous votons. Nous nous honorerions à adopter cette proposition de loi qui va plus loin que ce que le Gouvernement souhaiterait.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 2 est supprimé.

Après l'article 2

Amendement AS4 de M. Thierry Benoit.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous proposons que le stage de dernière année en pratique ambulatoire ne soit pas effectué en zone sous‑dense « en priorité », mais de façon obligatoire. Depuis les QPV de Marseille jusqu'aux villages ruraux de Mayenne, décrétons la mobilisation générale ! Les professionnels de santé doivent accueillir les internes afin qu'ils apprennent l'exercice de la médecine en zone sous‑dense, aussi bien dans les hôpitaux de proximité que dans les cabinets médicaux.

Contre l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.

Amendement AS15 de M. Guillaume Garot.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le CESP – une rémunération pendant les études en contrepartie d'une installation en zone sous-dense – ne concerne pour l'heure que les étudiants à partir de la deuxième année. Je propose que soit étudiée la possibilité de l'élargir, dès la première année, aux étudiants issus de zones où le taux d'accès aux études de médecine est particulièrement faible ou dans lesquelles l'offre de soins est insuffisante. Diversifier les origines sociales et géographiques des étudiants serait une bonne solution pour lutter contre la désertification.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS5 de M. Thierry Benoit.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il serait opportun qu'un rapport recense et évalue tous les dispositifs que nous avons instaurés, pour savoir où nous en sommes : il me semble qu'en matière d'incitation, presque tout a été essayé !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avec Philippe Vigier, nous avons déjà fait une partie de ce travail dans le cadre de la commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français sur l'ensemble du territoire et sur l'efficacité des politiques publiques mises en œuvre pour lutter contre la désertification médicale en milieux rural et urbain, mais il serait en effet utile de refaire le point sur ces dispositifs d'incitation fort coûteux et si peu efficaces.

La commission rejette l'amendement.

La commission ayant supprimé tous ses articles et rejeté les amendements portant article additionnel, l' ensemble de la proposition de loi est rejeté.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne suis pas surpris du sort qui a été réservé à ce texte. Je le défendrai avec ardeur dans l'hémicycle, le jeudi 20 janvier. Je note que le soutien qui m'a été apporté aujourd'hui est large et dépasse les étiquettes politiques, et je déplore que les résistances à toute régulation l'aient emporté. Je le répète, nous ne pouvons pas rester les bras croisés et nous en remettre à des solutions qui n'auront d'effet que dans dix ans. C'est aujourd'hui que le problème se pose, c'est aujourd'hui qu'il faut y répondre.

Puis la commission examine la proposition de loi visant à augmenter le salaire minimum interprofessionnel de croissance et à ouvrir une conférence nationale sur les salaires (n° 4782) (M. Gérard Leseul, rapporteur).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La présente proposition de loi vise à mieux reconnaître le travail, préoccupation que nombre d'entre nous partagent. Certains métiers dont l'utilité sociale n'est pourtant plus à démontrer sont rémunérés à des niveaux trop bas pour que ceux qui les exercent vivent dans des conditions décentes. Pour faire le lien avec la discussion précédente, je rappelle que le coût de la vacation d'un urgentiste pour une garde de vingt‑quatre heures équivaut au salaire mensuel d'une aide‑soignante.

Afin de mieux reconnaître le travail, le groupe Socialistes et apparentés propose que le salaire minimum ne soit plus un simple salaire de subsistance. Le SMIC doit remplir de nouveau les deux objectifs que le législateur lui a fixés dès sa création, en 1970, sous le gouvernement Chaban-Delmas : garantir le pouvoir d'achat des travailleurs les plus modestes et assurer la participation de ces travailleurs au développement économique de la nation. À travers ces deux fonctions premières, le salaire minimum devait être un véritable « salaire de civilisation », pour reprendre les termes de Pierre Herman, rapporteur de la loi de 1970 qui a substitué le SMIC, alors « salaire minimum interprofessionnel de croissance », au SMIG, salaire minimum garanti.

Peut-on encore considérer qu'un travailleur rémunéré au SMIC dispose d'un pouvoir d'achat suffisant pour participer à la vie économique de notre pays ? S'établissant à 1 269 euros net mensuels, soit à peine 200 euros de plus que le seuil de pauvreté, le salaire minimum n'est guère plus qu'un salaire de subsistance. Certes, des suppléments de revenu, comme la prime d'activité, viennent compléter ce montant. Toutefois, il faudrait pouvoir vivre décemment des revenus de son propre travail, comme le souhaitent de nombreuses Françaises et de nombreux Français.

Le groupe Socialistes et apparentés estime qu'il est plus que temps d'engager un nouveau cycle de répartition des richesses et de revaloriser le travail par la hausse des salaires. Deux constats devraient nous pousser à reconsidérer le montant du salaire minimum.

Premier constat : le partage des richesses est de plus en plus inégalitaire. Ces dernières années, la déformation du partage de la valeur ajoutée a connu une forte inflexion en faveur du capital. Si la crise sanitaire a marqué un bref temps d'arrêt dans l'envolée des montants des dividendes distribués, ce n'était qu'une parenthèse : 51 milliards d'euros de dividendes ont été versés en 2021, soit une augmentation de 22 % par rapport à 2020. Cette hausse record contraste fortement avec la stagnation des salaires les plus faibles.

Non seulement la part des richesses qui revient au travail s'est réduite, mais elle est aussi distribuée de plus en plus inégalement entre les travailleurs. La rémunération des 1 % les plus riches est restée très dynamique, alors que celle des plus pauvres a stagné. La concentration des fruits de la croissance sur un nombre très réduit de ménages nous porte à nous interroger sur le bien‑fondé de ce modèle de société, qui n'apparaît plus soutenable.

Ces deux évolutions – hausse sans précédent des dividendes distribués et creusement des inégalités salariales – ont été soulignées à plusieurs reprises au cours des auditions que nous avons menées. La hausse du salaire minimum que nous appelons de nos vœux à travers cette proposition de loi s'inscrit pleinement et clairement dans la volonté de relancer la lutte contre les inégalités de rémunération.

Second constat : le montant du salaire minimum est désormais insuffisant pour vivre décemment. Il stagne depuis de nombreuses années. En l'absence de véritable revalorisation, le rythme de croissance du SMIC réel a été divisé par dix entre la décennie 2000 et la décennie 2010. En conséquence, le SMIC ne préserve plus complètement les travailleurs qui le perçoivent d'une certaine précarité.

Les recommandations émises par le groupe d'experts sur le SMIC ne sont sans doute pas étrangères à l'absence récurrente de « coup de pouce ». Depuis sa création, en 2009, ce groupe remet chaque année un rapport aboutissant aux mêmes conclusions : le SMIC ne doit pas être relevé, et les mécanismes de revalorisation automatique devraient même être supprimés. Je suis convaincu que la composition du groupe d'experts sur le SMIC devrait garantir davantage de pluralisme, afin que des points de vue plus divers puissent s'exprimer. J'ai déposé un amendement visant à ce que le groupe d'experts ne soit plus quasi‑exclusivement composé d'économistes, appartenant la plupart du temps aux mêmes écoles de pensée : il devrait comprendre des représentants des partenaires sociaux et au moins un représentant d'une association œuvrant dans le champ de la lutte contre la précarité.

À la stagnation du SMIC s'ajoute le retour de l'inflation et la hausse des dépenses contraintes, celles auxquelles les ménages ne peuvent échapper. De surcroît, la précarisation du marché du travail, plus particulièrement l'augmentation du nombre de temps partiels, a créé une véritable classe de travailleurs pauvres.

Le Gouvernement semble partager le constat qui sous‑tend cette proposition de loi. En effet, il a pris un certain nombre de mesures visant à compléter les bas salaires, considérant sans doute que leur montant est trop faible pour permettre aux travailleurs les plus modestes de vivre dans des conditions décentes. La hausse de la prime d'activité, souvent présentée comme une mesure phare en faveur du pouvoir d'achat, fait partie de ces compléments de revenu qui s'ajoutent au salaire. Je rappelle toutefois que l'augmentation de cette prime n'a bénéficié qu'à la moitié des salariés rémunérés au SMIC. De plus, ce supplément de revenu ne constitue pas un salaire : la prime n'ouvre aucun droit social, ni à la retraite ni à l'assurance chômage. Elle ne répond donc pas à ce que souhaitent les Français : vivre de leur propre travail.

Partant de ces constats, notre groupe considère que le moment est opportun pour revaloriser le salaire minimum, pour plusieurs raisons.

En premier lieu, de nombreux pays se sont engagés dans la voie d'une revalorisation substantielle de leur salaire minimum. La conseillère aux affaires sociales de l'ambassade d'Allemagne en France, que nous avons auditionnée, a souligné les effets bénéfiques de l'instauration, en 2015, d'un salaire minimum en Allemagne. Le nouveau gouvernement de coalition a soumis un projet de loi, qui devrait être prochainement discuté, visant à le revaloriser de 25 % : le salaire minimum atteindrait ainsi 12 euros de l'heure.

L'Allemagne n'est pas le seul de nos partenaires économiques à avoir engagé une hausse des salaires les plus faibles. Le salaire minimum britannique a augmenté d'un tiers depuis 2015 et devrait dépasser le niveau du SMIC en avril 2022. En Espagne, le salaire minimum a augmenté de 7 % en 2017 et de 22 % en 2019.

La Commission européenne s'est elle-même saisie du sujet en soutenant l'instauration de salaires minimums équitables dans l'ensemble des États membres. La présidence française du Conseil de l'Union européenne devrait permettre d'avancer, et l'Allemagne sera à nos côtés en la matière, comme nous l'a confirmé son ambassade.

En deuxième lieu, la crise sanitaire a mis en évidence la rupture qui existe entre ceux qui ont la possibilité de télétravailler et les travailleurs de la première ligne, qui ont continué à se rendre sur leur lieu de travail. On retrouve dans cette catégorie des agents d'entretien, des caissiers, des salariés agricoles, mais aussi des aides‑soignants, qui perçoivent le plus souvent des salaires très faibles. Parce qu'ils répondent aux besoins de première nécessité, les travailleurs de première et deuxième lignes ont vu leur travail s'intensifier et leurs conditions de travail, déjà difficiles, se détériorer.

En outre, la crise sanitaire a profondément ralenti l'activité d'un grand nombre de secteurs qui emploient en majorité des salariés rémunérés à un niveau proche du SMIC. Il s'agit principalement des ouvriers peu qualifiés de l'industrie et de la construction, des professionnels de l'action culturelle et sportive, des employés de l'hôtellerie et de la restauration.

L'ensemble de ces travailleurs, dont nous avons tous salué le caractère essentiel, attendent une juste contrepartie aux efforts qu'ils ont fournis. L'augmentation du SMIC est une mesure simple qui permettrait de reconnaître enfin ces métiers et de les rendre plus attractifs.

Le Président de la République entendait faire de l'égalité entre les femmes et les hommes la « grande cause » du quinquennat. L'augmentation du salaire minimum s'inscrirait pleinement dans l'objectif de réduction des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. En effet, près de 60 % des salariés rémunérés au niveau du SMIC sont des femmes, alors qu'elles ne représentent que 44 % de l'ensemble des salariés du secteur privé. En dépit de leur utilité sociale, les professions considérées comme « féminines » sont malheureusement souvent les moins reconnues, et donc les plus faiblement rémunérées. Pour atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, il ne suffit pas d'assurer la présence de quelques femmes au sommet des entreprises, dans les conseils d'administration : il faut lancer une revalorisation du salaire minimum qui bénéficiera de fait à de nombreuses femmes.

Pour revaloriser les bas salaires, nous proposons d'actionner deux leviers complémentaires : augmenter le SMIC de 15 %, et ouvrir une conférence nationale sur les salaires. En effet, l'augmentation du SMIC gagnerait à s'accompagner d'une réflexion bien plus vaste sur la répartition de la valeur ajoutée. Nous proposons d'inviter les partenaires sociaux à entamer des négociations sur la revalorisation des salaires minimums conventionnels. En d'autres termes, nous souhaitons que l'augmentation du SMIC soit le point de départ d'une meilleure rémunération du travail.

La conformité au SMIC des minima de branche a été abordée à plusieurs reprises au cours des auditions. En effet, des minima conventionnels inférieurs au SMIC ont tendance à tasser les grilles salariales. En conséquence, la prise de responsabilité et l'expérience dans l'entreprise ne sont plus rémunératrices. Les syndicats de salariés que nous avons entendus ont unanimement appelé à une mise en conformité rapide des minima de branche. Je propose donc de créer, par voie d'amendement, un mécanisme fortement incitatif pour les branches : la réduction générale sur les cotisations patronales serait calculée non plus sur le SMIC, mais sur le montant du salaire minimum conventionnel lorsque ce dernier n'est pas conforme au niveau du SMIC. La même proposition figure d'ailleurs dans le dernier rapport du groupe d'experts.

Une conférence nationale sur les salaires réunissant l'ensemble des partenaires sociaux serait également l'occasion de réfléchir aux moyens de lutter contre le temps partiel subi, les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes et les écarts de rémunération, ou encore d'évoquer l'attractivité de certains secteurs. La perspective d'une telle conférence a été saluée par l'ensemble des syndicats de salariés que nous avons auditionnés.

En actionnant ces deux leviers, nous ne pénaliserions pas l'économie française. L'inquiétude relative au coût du travail en France doit désormais être dépassée. Nous savons aujourd'hui que la course au moins‑disant social ne nous prémunit en aucun cas contre la crise économique et contre un taux de chômage élevé. Le bien‑fondé d'un partage des richesses aussi défavorable aux salariés doit être remis en cause. N'oublions pas que le salaire n'est pas seulement un coût ou une charge, mais aussi un revenu source de pouvoir d'achat, donc de croissance économique. Augmenter le SMIC permettra de renouer avec l'objectif initial : faire du SMIC un salaire de croissance et un « salaire de civilisation ».

J'ai bien conscience qu'une augmentation du SMIC représente un coût pour les entreprises. C'est pourquoi je proposerai, par voie d'amendement, d'instaurer un crédit d'impôt ciblé sur les petites et moyennes entreprises (PME) pour leur permettre de la financer. Les PME embauchant la majorité des salariés rémunérés au SMIC, il faut neutraliser pour elles les effets de notre disposition – surtout pour les plus petites.

Je souhaite que nous ayons ce matin un véritable débat sur le niveau de rémunération minimum des travailleurs français.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens à remercier Gérard Leseul d'ouvrir un débat sur le pouvoir d'achat des travailleurs, en particulier de ceux qui sont rémunérés au SMIC.

La majorité présidentielle a eu à cœur de soutenir l'engagement du Président de la République à émanciper les Français par le travail, par la baisse du chômage et par l'amélioration du pouvoir d'achat. Pendant cinq ans, grâce aux politiques que nous avons menées, les Français, notamment ceux qui vivent au SMIC, ont vu leur salaire net augmenter chaque mois sur leur fiche de paie.

Je ne citerai que quelques mesures : l'augmentation et l'extension de la prime d'activité – 90 euros supplémentaires par mois pour un travailleur célibataire au SMIC ; la baisse des cotisations sociales sur les revenus du travail – qui correspond à un gain de 266 euros brut par an pour un travailleur au SMIC ; la défiscalisation des heures supplémentaires – gain net moyen de 200 euros par an pour un salarié au SMIC ; la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, défiscalisée et désocialisée – qui a permis aux salariés de toucher en moyenne 600 euros en 2020.

Grâce à ces mesures, au cours du quinquennat, les salariés au SMIC ont gagné 170 euros de plus par mois, c'est-à-dire 1,7 SMIC sur une année, qui se cumulent aux revalorisations annuelles du SMIC, qui se chiffrent à 97 euros. Au total, sur le quinquennat, un salarié au SMIC travaillant à temps plein aura obtenu à peu près la même augmentation que celle proposée dans votre texte. Ce gain net aura amélioré le pouvoir d'achat des travailleurs sans toucher à la compétitivité de nos entreprises.

Vous proposez en outre la tenue d'une conférence nationale sur les salaires. Cette demande nous paraît satisfaite par les négociations engagées depuis cet automne dans de nombreuses branches, à l'appel de la ministre du travail.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche ne votera pas votre proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le rapporteur, ce texte sur le pouvoir d'achat, à onze semaines de l'élection présidentielle, est assez opportun. Toutefois, compte tenu de la durée normale du parcours législatif, vous conviendrez avec moi qu'il s'agit davantage d'une contribution au débat que d'une future loi en préparation.

Depuis 2012, il n'y a eu effectivement aucune revalorisation du SMIC, hormis les ajustements mécaniques dus à l'inflation. Il faut manifestement avancer sur le sujet. Quant à l'ouverture d'une conférence des salaires, il convient à l'évidence de mettre le sujet sur la table, très rapidement et avec tout le monde. Je souscris à vos propos : on ne vit pas dans notre pays avec le SMIC, on survit ; force est de le constater et de le déplorer.

Au‑delà de la question du salaire, celle du pouvoir d'achat est centrale, d'une part pour les conditions de vie, d'autre part pour la cohésion sociale. Je forme le vœu que nous ayons un vrai débat à ce sujet au moment de l'élection présidentielle, projet contre projet. Pour ma part, je défends celui de Valérie Pécresse, qui propose une augmentation de 10 % des salaires nets jusqu'à 2,2 SMIC, soit 3 500 euros. La mesure concernerait 12 millions de Français. Pour un salarié au SMIC, cela correspondrait à un gain net de pouvoir d'achat de plus de 1 500 euros dans l'année. C'est mieux que ce que vous proposez, et c'est une mesure plus globale.

Il y a effectivement un défaut de reconnaissance et de valorisation du travail, du fait d'une rémunération trop faible. Je fais partie de ceux qui considèrent que la ressource humaine est un véritable capital dans l'entreprise. Néanmoins, la traduction que vous en faites dans votre proposition de loi me paraît incomplète et inefficiente. L'augmentation du SMIC n'entraînera pas de revalorisation des salaires les plus bas et ne créera pas davantage d'emplois. Au contraire, elle aura pour effet pervers que les entreprises n'embaucheront pas une partie de la population : une part plus importante de Français resteront donc sans emploi, dans la précarité. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas votre proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La présente proposition de loi vise d'une part à augmenter le SMIC et d'autre part à ouvrir une conférence nationale sur les salaires et des négociations de branche. Si nous pouvons comprendre les intentions, nous ne nous accordons pas sur les moyens.

Pour ce qui est des constats, vous pointez très justement, monsieur le rapporteur, deux éléments qui sont à déplorer : l'absence de différenciation significative entre le seuil de pauvreté et le montant du SMIC, et un partage des richesses assurément perfectible. Je ne doute pas que votre intention soit d'améliorer sensiblement le niveau de vie d'un grand nombre de nos concitoyens, mais la méthode proposée n'est pas la bonne.

Sur le plan économique, indépendamment de la crise actuelle, on estime que l'élasticité de la demande de travail est particulièrement forte pour le travail peu qualifié. Il est dès lors admis qu'une hausse substantielle du salaire minimum détruit des emplois. Ainsi, la mesure que vous proposez aurait pour effet immédiat de briser la dynamique actuelle de sauvegarde et de création d'emplois.

Si le SMIC est un socle salarial indispensable, en particulier pour renforcer le pouvoir de négociation des travailleurs, c'est à la négociation collective qu'il revient de dynamiser les salaires. Il est indispensable que les partenaires sociaux se saisissent pleinement à l'avenir, dans le cadre de la négociation collective, de la question des bas salaires. C'est dans cette perspective que le Gouvernement a invité de nombreuses branches, notamment l'hôtellerie‑restauration et les industries agroalimentaires, à ouvrir des négociations sur les salaires et les conditions de travail.

D'un point de vue plus pragmatique, votre proposition de loi pose de nombreux problèmes. L'augmentation du SMIC de 15 % conduirait inévitablement à un accroissement du nombre de salariés percevant le minimum de salaire, ce qui réduirait de facto l'attractivité professionnelle de certains postes. Par ailleurs, comment entendez‑vous accompagner les employeurs face à l'augmentation significative du coût du travail ? Comment comptez‑vous endiguer le dumping salarial pratiqué par certains pays, phénomène qui sera nécessairement accru dans ce cas de figure ? Comment anticipez‑vous l'inflation qui pourrait être induite par la hausse du niveau de vie d'une partie de la population ? À toutes ces interrogations, vous n'apportez aucune réponse.

Nous estimons qu'il est plus important de pourvoir les emplois vacants, de lutter contre le chômage et de combattre les inégalités salariales, notamment entre les femmes et les hommes. Cela ne peut être que le fruit d'une politique à la fois conjoncturelle et structurelle. Conjoncturelle d'abord, car il faut établir un ensemble de mécanismes rapidement opérationnels pour faire face aux besoins immédiats ; c'est l'un des objectifs de la réforme de l'assurance chômage. Structurelle ensuite, pour déployer une stratégie de long terme, celle de la flexisécurité, que le Président de la République a lancée dès 2017.

Enfin, pour répondre aux préoccupations exprimées à propos du pouvoir d'achat, j'ai à cœur de rappeler que, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques, le SMIC est bien plus dynamique que l'évolution des prix, que le pouvoir d'achat des ménages résiste et que leur épargne augmente.

Vous l'aurez compris, le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés ne votera pas cette proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La question du SMIC, et plus généralement des rémunérations, est au cœur des préoccupations des Français, qui subissent de plein fouet l'augmentation des prix, en particulier de l'énergie et des logements. La question du pouvoir d'achat est centrale.

Ayons d'abord en tête que la stagnation du SMIC en valeur réelle pendant dix ans a contribué à augmenter comme jamais la part des salariés au SMIC. Il s'est donc produit l'inverse de ce que M. Turquois dit craindre avec une augmentation de 15 %.

Par ailleurs, vous affirmez que la priorité est de pourvoir en emplois. Or la réalité de la baisse du chômage que vous affichez est que vous n'avez pas créé d'emplois de qualité correctement rémunérés, et que vous avez multiplié le nombre des travailleurs pauvres.

Depuis 2008, le salaire des 10 % de Français les plus riches a augmenté trois fois plus vite que celui des 10 % de Français les plus pauvres. Il y a une distorsion du partage de la valeur ajoutée au bénéfice du capital depuis 1980, mais aussi, depuis 2008, au bénéfice des très hautes rémunérations. Au fond, les largesses accordées à quelques‑uns ont conduit à l'austérité salariale pour tous les autres.

C'est à cela que nous voulons remédier, dans une situation particulière de lendemain ou quasi‑lendemain d'une crise considérable, au cours de laquelle nous avons pu mesurer quels étaient les travailleurs dont nous ne pouvions pas nous passer ; nous les avons même applaudis à vingt heures. Nous avons eu besoin des caissières, des aides‑soignantes, des éboueurs et des travailleurs de l'agroalimentaire. Nous avons eu moins besoin des publicitaires et des conseillers en optimisation fiscale.

Voilà la justice qu'il faut rendre aujourd'hui. Nous devons nous demander comment défendre non seulement le travail, mais aussi les travailleurs – c'est-à-dire la dignité au travail, un travail porteur de sens, qui émancipe, qui n'abîme pas et qui est correctement rémunéré.

Vous répétez que le travail doit payer mais en réalité, sous votre quinquennat, ce n'est pas le travail qui a payé : ce sont nos grands‑parents. En effet, l'augmentation de la prime d'activité est le produit de la hausse de la CSG des retraités ! Qui plus est, les allocations en question sont non contributives. Autrement dit, nous ne finançons pas la protection sociale, ou mal. Dire aux Français que c'est un gain de pouvoir d'achat, c'est leur mentir. Aujourd'hui déjà, avec la réforme de l'assurance chômage, il y a moins de droits liés au travail. Demain, avec la réforme de la retraite, qui conduira à travailler beaucoup plus longtemps, on fera de nouveau des économies sur le dos des Français.

Oui, il serait juste de rémunérer dignement les Françaises et les Français, en particulier ceux que nous avons applaudis à vingt heures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La proposition de loi de Gérard Leseul vise à augmenter de 15 % le niveau du SMIC et à ouvrir une conférence nationale sur les salaires pour relever les minima de branche. Le texte a le mérite d'être radical, donc de susciter le débat. Néanmoins, il y a peu de suspense : notre groupe y sera défavorable.

Non que la question des bas salaires ne soit pas importante, bien au contraire. Mais, d'une part, les solutions préconisées nous paraissent dangereuses pour le tissu économique de notre pays, et d'autre part, l'action engagée par notre majorité et par le Gouvernement pour que le travail paie davantage a porté ses fruits. Il est nécessaire de poursuivre cette démarche.

Quelques chiffres pour nos collègues du groupe socialiste : depuis 2017, l'Observatoire français des conjonctures économiques constate une hausse du pouvoir d'achat des ménages de 1 % par an, soit un gain annuel de 334 euros ; pour mémoire, elle était de 0,2 % sous le quinquennat précédent.

Ce gain de pouvoir d'achat ne tombe pas du ciel : il résulte de mesures prises pour que le travail paie mieux, surtout pour les salariés modestes. Je pense bien sûr à la hausse de la prime d'activité, à la défiscalisation des heures supplémentaires, à la suppression des cotisations chômage et maladie ou encore à la prime dite « Macron ». Très concrètement, un Français rémunéré au SMIC gagne désormais 170 euros de plus par mois par rapport à 2017.

L'article 1er de la proposition de loi tend à augmenter de 15 % le niveau du SMIC dès le 1er février. Cette hausse inédite des rémunérations aurait des conséquences tout aussi spectaculaires sur la santé économique de nos très petites entreprises (TPE) et PME, qui emploient l'essentiel des salariés au SMIC : le « coup de pouce » se transformerait en coup de poignard pour des entreprises qui se relèvent à peine de la crise sanitaire.

L'article 2 prévoit l'ouverture d'une conférence nationale sur les salaires. Nous partageons le constat du rapporteur : il n'est pas acceptable que certaines branches aient des grilles de salaires inférieurs au SMIC. Mais là encore, le travail est engagé : la ministre du travail a reçu le mois dernier chacune de ces branches pour les inciter à négocier sans délai une amélioration de ces grilles. Plusieurs d'entre elles ont trouvé un accord, notamment le secteur hôtellerie-cafés-restauration, particulièrement concerné par les tensions de recrutement. La méthode fonctionne, nous devons poursuivre dans cette voie.

Vous l'aurez compris, le groupe Agir ensemble ne votera pas ce texte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie nos collègues du groupe Socialistes et apparentés d'avoir inscrit dans leur niche parlementaire un débat sur les bas salaires. Les difficultés auxquelles sont confrontés les travailleurs aux revenus modestes sont particulièrement d'actualité au moment où les prix des produits du quotidien augmentent, notamment ceux de l'énergie, des matières premières et des produits alimentaires. Les salaires n'augmentent pas, alors que, malheureusement, le coût de la vie ne cesse de croître.

Pour une partie de nos concitoyens, le travail ne paie plus. Il ne leur permet plus de s'enrichir, de faire des projets, de partir en vacances, de s'assurer de la transmission du patrimoine qu'il a permis de constituer. Il leur donne seulement des moyens de subsistance ; c'est tout simplement de la survie. Redonner un sens au travail, retrouver le goût et la fierté du travail accompli, restaurer la valeur travail, cela passe aussi par une hausse des salaires les plus modestes.

La réponse du groupe socialiste consiste en une augmentation d'environ 120 euros brut du SMIC, assortie de l'ouverture d'une conférence nationale sur les salaires. Si cette hausse du SMIC paraît séduisante au premier abord, elle risque malheureusement de n'apporter qu'une réponse de très court terme. Toutes les entreprises ne sont pas capables d'augmenter aussi considérablement le coût du travail ; c'est d'ailleurs la principale cause de l'embolisation de notre économie.

Pour notre groupe, la réponse à apporter passe par un rapprochement du montant du salaire brut et du salaire net, en diminuant de façon drastique les prélèvements obligatoires. Une telle réforme augmenterait mécaniquement les salaires et faciliterait les recrutements. En outre, il faut créer un écosystème réellement favorable aux entreprises pour tendre vers le plein‑emploi, car c'est aussi le chômage de masse qui grève nos finances sociales.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie Gérard Leseul et le groupe Socialiste et apparentés d'engager dans notre commission une discussion sur la juste rémunération du travail, question primordiale.

En effet les enjeux sont multiples. Il y a d'abord un principe de justice sociale : il n'est pas normal de ne pas pouvoir vivre dignement du fruit de son travail, ni d'être rémunéré au SMIC presque toute sa vie. Il n'est pas juste de devoir compter sur des aides sociales pour compléter un salaire trop bas. Avec la crise sanitaire, la situation des travailleurs pauvres a été mise sur le devant de la scène, mais les leçons n'ont pas été suffisamment tirées. Les professions dites de seconde ligne sont surreprésentées parmi les personnes rémunérées au SMIC. C'est également le cas des femmes.

Autre enjeu : l'attractivité de certains métiers. Malgré la reprise économique, plusieurs secteurs comme l'hôtellerie-restauration, le bâtiment, la logistique ou la santé peinent à recruter. Il ne suffit pas de renvoyer cette question aux négociations de branche ; une action forte de l'État en faveur des bas salaires est nécessaire pour rompre avec le statu quo.

Plus largement, il est nécessaire de s'interroger sur les politiques de baisse du coût du travail menées depuis vingt‑cinq ans. Il convient d'envisager un meilleur ciblage des réductions de cotisations patronales pour que le soutien à l'emploi ne se fasse pas à n'importe quel prix, ni pour n'importe quel salaire. D'autant que les exonérations de cotisations sociales nuisent in fine au financement de notre protection sociale. C'est là un autre enjeu de l'augmentation des salaires : la pérennisation de notre modèle social.

Il est plus que légitime de soulever la question de l'augmentation des salaires, en premier lieu du SMIC, notamment dans le contexte d'explosion des prix. Cependant, l'augmentation du SMIC ne suffira pas : il faut agir sur le temps de travail, lutter contre les contrats précaires, les temps partiels subis et les inégalités salariales.

En l'état, les membres du groupe Libertés et Territoires voteront majoritairement ce texte.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En 2021, le CAC40 s'est envolé d'environ 29 %, sa meilleure performance depuis 1999. En 2020, les entreprises du CAC40 ayant bénéficié d'aides publiques avaient dû réduire de manière importante le montant de leurs dividendes. En 2021 toutefois, alors que la crise sanitaire se doublait d'une crise économique, ces grandes entreprises ont opéré un rattrapage massif, puisqu'elles ont versé 51 milliards d'euros de dividendes, soit une hausse de 22 % par rapport à 2020. Les aides publiques qu'elles ont perçues à l'occasion de l'épidémie ont mobilisé 106 milliards d'euros, ce qui représentait, à la fin du mois de mars 2021, 9 % du produit intérieur brut. Voilà la réalité.

Les oubliés de ce grand partage sont précisément ceux qui ont créé cette plus‑value. Car c'est la valeur ajoutée des travailleurs, dont un grand nombre sont salariés à temps partiel, titulaires d'un contrat précaire, et perçoivent des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. En France, neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 1 000 euros par mois.

Face à la flambée des prix de l'énergie et à la hausse de ceux de l'alimentation et des matériaux entre autres, les foyers défavorisés ont du mal à s'en sortir. Et c'est encore plus difficile pour ceux qui vivent dans les outre‑mer, où la cherté de la vie est couplée avec les bas salaires. Il faut d'urgence mettre fin à cette précarité, qui est aussi à l'origine d'un problème sanitaire. Les salariés au SMIC à temps plein gagnent à peine plus que le seuil de pauvreté.

Nous approuvons ce texte. Souhaitons qu'il trouve un écho dans la majorité. Une augmentation rapide du SMIC ne serait que justice sociale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Personne ne l'a oublié, Emmanuel Macron a été durant tout son quinquennat le président des riches, et la majorité a suivi la même voie. Vous essayez de donner le change en faisant circuler des chiffres et des éléments de langage, mais la réalité est là : vous avez méprisé le salaire, vous avez fait le strict minimum en matière de politique salariale, vous avez développé de fausses solutions. J'entends d'ailleurs, dans le débat qui s'amorce, que certaines forces politiques entendent poursuivre dans cette direction, voulant supprimer des cotisations sociales, ce qui ne peut qu'affaiblir le financement de notre système de protection sociale.

Pour notre part, nous sommes favorables à la pleine reconnaissance de tous les métiers, de tous ceux et toutes celles qui travaillent. Nous sommes favorables à ce que l'on s'attaque frontalement aux inégalités, qui sont massives et qui s'accroissent. Nous sommes favorables à ce que l'on revienne sur les politiques de modération salariale – pour employer un euphémisme cher à l'Union européenne et à quelques autres – et sur les politiques dites de baisse du coût du travail, qui conduisent en réalité à une baisse de la rémunération et à une moindre reconnaissance du travail par le salaire. Depuis 2018, le nombre de salariés payés au SMIC a augmenté ; au 1er janvier 2021, ils représentaient 12 % de l'ensemble des salariés.

Nous soutenons les mesures proposées, qui correspondent à celles que nous avions défendues en 2020 avec Stéphane Peu. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de votre travail et de votre présentation très précise du texte. J'avais une interrogation, à laquelle vous avez répondu en annonçant que vous défendriez un amendement portant sur l'accompagnement des TPE et des PME. Nous voterons votre proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On ne peut que partager votre objectif de valorisation du travail et souhaiter lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres. Le principe est que le travail doit mieux payer que l'assistanat. Toutefois, je m'interroge sur l'augmentation du SMIC que vous proposez : comment s'assurer que cette charge supplémentaire sur les entreprises n'aura pas d'impact sur l'embauche et ne finira pas par provoquer du chômage ? Les personnes les moins qualifiées et les jeunes seraient les plus touchés face à une productivité inférieure au coût du salaire. De fait, le salaire minimum rend inemployables les travailleurs les plus vulnérables.

Dès lors, comment ne pas faire peser cette augmentation sur les entreprises ? Les dispositifs d'intéressement ne seraient-ils pas un autre moyen d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés ?

Dans notre pays, la différence entre le salaire brut et le salaire net est singulièrement forte. La France reste championne d'Europe en matière de pression fiscale et sociale, le taux moyen de taxation réelle du salarié ayant atteint, en 2021, 54,62 % du salaire complet payé par l'employeur. La baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu, décidée à la suite de la crise des « gilets jaunes », n'a que peu fait baisser la pression sociale et fiscale – de 0,05 %. Cette pression fiscale n'est d'ailleurs pas nécessairement un gage de surplus de bien‑être : selon l'indicateur du vivre mieux de l'Organisation de coopération et de développement économiques, la France arrive en dixième position sur les vingt pays européens évalués.

C'est pourquoi il est impératif d'engager une baisse massive des charges sociales à tous les niveaux de salaires, financée par un plan de réduction de la dépense publique. Le ciblage des baisses de charges sur les bas salaires ne serait pas forcément efficace, notamment parce qu'elles bénéficieraient moins directement à l'industrie, où le salaire moyen est plus élevé que dans les services. Il faut donc baisser les charges patronales pour tous les niveaux de salaires. Qu'en pensez-vous ? C'est un vœu que nous pourrions partager.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour certains économistes, une forte augmentation du SMIC est économiquement néfaste ; pour d'autres, elle est indispensable pour soutenir la consommation et la croissance. Le débat est complexe.

On ne vit pas dans notre pays avec un SMIC, on survit. Il importe de rémunérer le travail à sa juste valeur, tout en veillant à ne pas pénaliser la reprise économique. Nous sommes tous sensibles au fait qu'une aide‑soignante ou une aide à domicile qui travaille le week‑end et selon des horaires très particuliers est rémunérée au SMIC.

D'après le groupe d'experts sur le SMIC, la sortie de crise s'est accompagnée, au troisième trimestre 2021, d'un retour vers l'activité. Cependant, la reprise demeure fragile, en raison à la fois des risques pandémiques persistants et de difficultés structurelles qui créent une inflation.

En 2022, l'inflation devrait se maintenir, ce qui aura des conséquences sur le pouvoir d'achat des Français et sur la dette du pays. Si l'on augmente considérablement le SMIC, comme le prévoit cette proposition de loi, ne risque-t-on pas de nourrir l'inflation ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mes chers collègues, je vous remercie de votre participation au débat et de l'intérêt que vous lui accordez. Vous avez estimé que la question posée était légitime, voire centrale. Vous avez relevé que certains arguments étaient pertinents et fondés, même si vous ne les approuvez pas nécessairement tous.

Plusieurs d'entre vous l'ont dit, on ne vit pas avec un SMIC, on survit. Il y a donc tout lieu de débattre de sa revalorisation – et c'est bien le SMIC, un salaire, qu'il faut rehausser : il ne saurait être question de continuer indéfiniment avec des compléments de survie pour les travailleurs pauvres alors que le revenu qu'ils tirent de leur travail ne suffit pas pour vivre.

Dans certaines de vos interventions, la question de l'indexation du SMIC sur l'inflation, mesurée par l'indice des prix à la consommation, était sous‑jacente. Depuis quelques mois, nous assistons à une flambée des prix, notamment ceux de l'énergie utilisée pour se chauffer ou se déplacer, ce qui affecte considérablement les conditions de vie des travailleurs.

Certaines propositions de candidats à l'élection présidentielle portent sur ces enjeux. À cet égard, je souhaite que nous sortions des débats mortifères que nous avons connus il y a quelques semaines, sur des questions qui ne concernent pas le quotidien des Français. Nous devons en revanche avoir un large débat sur le travail et sa revalorisation, ainsi que sur l'équilibre des revenus au sein des entreprises.

Certes, on pourrait développer l'intéressement, ou plutôt la participation. Encore faudrait-il mener un débat politique sur la manière de limiter le versement de dividendes, ou à tout le moins de trouver un équilibre avec l'intéressement. On l'a dit, 51 milliards d'euros de dividendes versés en 2021, cela correspond à une augmentation de 22 %, largement supérieure à la progression des salaires.

Pour respecter les travailleurs et leurs représentants, pour qu'il y ait un dialogue social digne de ce nom, il convient de renvoyer autant de sujets que possible à la discussion entre les partenaires sociaux. Il ne vous aura pas échappé à cet égard que, dans l'hôtellerie-restauration, le patronat fait des propositions d'augmentation des rémunérations qui s'établissaient à 10 % il y a quelques semaines et qui sont désormais montées à 16,33 % – plus que ce que nous proposons !

La référence au SMIC vaut principalement dans les métiers dits de services – l'hôtellerie-restauration, l'action sociale, culturelle et sportive – ou encore dans ceux du bâtiment. Il ne s'agit pas d'activités qui affectent la balance commerciale. Dans les domaines où se joue la compétition internationale, tels que l'industrie, les rémunérations sont supérieures au SMIC.

Que veut-on, en définitive : retrouver de la cohésion sociale, redonner de l'espoir aux travailleurs en leur permettant de vivre dignement de leur salaire, ou entériner le fait que leur travail ne suffit pas et leur donner des prestations sociales pour compléter ? Cette seconde solution n'est pas digne ; ce n'est pas ce qu'attendent les Françaises et les Français.

La France a lancé le débat sur le salaire minimum, qui fait progressivement son chemin au niveau de l'Union européenne. Le Président de la République s'est d'ailleurs engagé à défendre la question d'un SMIC européen. Nous devons être fiers de créer de la cohésion sociale à travers le salaire minimum. Je ne comprends pas la pudeur que manifestent certains d'entre vous, alors que nous proposons globalement, les uns et les autres, les mêmes mécanismes. Quoi qu'il en soit, la question du salaire minimum est absolument centrale et il convient d'en discuter. J'espère que nous aurons l'occasion de poursuivre le débat dans l'hémicycle.

Article 1er : Revalorisation du SMIC de 15 %

Amendement de suppression AS3 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article 1er vise à augmenter le SMIC de 15 % du jour au lendemain. Depuis le début de la législature, nous nous efforçons d'augmenter les rémunérations nettes, y compris pour les salariés au SMIC. Pour ce faire, nous avons diminué les cotisations sociales, augmenté la prime d'activité et défiscalisé les heures supplémentaires – autant de mesures qui ont des conséquences sonnantes et trébuchantes pour les salariés, sans pour autant nuire à la compétitivité des entreprises. Or c'est là que le bât blesse : votre proposition se traduirait par une hausse importante de la masse salariale des entreprises, ce qui risquerait de donner un énorme coup de frein à l'emploi, alors que nous sommes en train de résorber progressivement le chômage et de sortir des personnes de la précarité en leur donnant un emploi rémunéré.

Vous commencez vous aussi à mesurer ce risque pour la compétitivité puisque vous proposez, à travers l'amendement AS10, de créer un crédit d'impôt pour aider les entreprises à supporter la mesure. Mais cet amendement arrive un peu tard et il tombe comme un cheveu sur la soupe : son impact n'est pas mesuré et il relève plutôt d'une loi de finances.

Au total, des mesures comme celle-ci nous semblent totalement contreproductives.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous semblez moins sensible à mes arguments que vous ne l'étiez dans la discussion générale.

En quoi le fait qu'un employé de la restauration touche un salaire décent nuit‑il à la compétitivité de la France ? La compétitivité se mesure à l'international, pas au regard de la consommation interne. Il est normal de prendre des précautions et de nouer un dialogue étroit avec les entreprises, notamment les plus petites, pour trouver le meilleur mécanisme possible. C'est d'ailleurs ce que je propose avec la création d'un crédit d'impôt destiné à leur permettre de supporter l'augmentation du SMIC. Mais il ne s'agit pas de compétitivité.

Par ailleurs, vous nous reprochez de procéder à l'augmentation du SMIC du jour au lendemain. Il est vrai que la date d'entrée en vigueur est proche. Mais vous auriez pu déposer un amendement visant à étaler dans le temps cette juste augmentation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les mesures prises par la majorité ont peu sonné et beaucoup trébuché, si l'on en juge par leurs résultats. Surtout, elles ont été financées directement par les salariés et les retraités. Elles ont eu également des répercussions sur l'impôt, dont vous avez accru le caractère injuste au fil des lois de finances. Il faut arrêter de contourner le salaire, comme vous l'avez fait en permanence. Le salaire est juste et nécessaire, et il faut le respecter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je soutiens totalement l'amendement de suppression. Une mesure aussi brutale que celle qui est proposée serait profondément délétère.

Contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, les métiers de services ne seraient pas les seuls concernés. Les producteurs maraîchers notamment – Mme Valentin pourrait en témoigner – se trouveraient en difficulté face aux produits des pays ayant une main‑d'œuvre à faible coût, alors même que notre production dans ce domaine est déjà insuffisante.

Les entreprises ont besoin de progressivité. Je ne méconnais pas le fait que certains travailleurs survivent plutôt qu'ils ne vivent, mais il faut agir dans le temps et avec détermination, à l'image de ce qu'a fait la majorité, comme en témoignent les revalorisations intervenues en 2021.

Par ailleurs, votre approche ne tient pas compte du fait que c'est contre le chômage qu'il faut lutter en priorité. Si l'on se contente d'agir au profit des personnes ayant déjà un emploi, cela se fait au détriment de celles qui sont au chômage. Compte tenu de la crise, nous pouvons d'ailleurs nous féliciter d'avoir non seulement préservé l'emploi, mais même réduit le chômage. Sur ces questions, il faut avoir une approche équilibrée.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est l'éloge du travail pauvre que nous venons d'entendre. C'est stupéfiant ! Ce qui est délétère, ce n'est pas l'augmentation du SMIC, ce sont les faibles niveaux de rémunération.

Lorsque nous étions aux responsabilités, nous avons plafonné certaines rémunérations et taxé de manière égale le capital et le travail. Au cours des cinq dernières années, nous avons proposé de contenir les surrémunérations, ce que vous avez toujours refusé. Pendant la crise, tout le monde a applaudi les caissières ; trouvez-vous normal que le patron d'une grande enseigne continue à gagner 400 fois ce que gagne chacune d'entre elles ? Est-il normal que l'on sorte ces surrémunérations de l'assiette imposable ?

Depuis 2008, les salaires des 10 % de Français les plus riches ont augmenté trois fois plus vite que ceux des 10 % touchant les plus faibles rémunérations. Par ailleurs, 0,35 % des salariés gagnent plus de douze fois le SMIC – et cela ne représente qu'une part de leurs revenus. Si l'on redistribuait la part des rémunérations au‑dessus de douze fois le SMIC, on pourrait augmenter 20 % des salariés les plus faiblement payés de 233 euros nets par mois.

Si nous nous sommes également battus pour la taxation des multinationales, c'est parce qu'en réalité ce sont les PME qui paient les salaires des grands patrons, les impôts de ceux qui n'en payent pas. Nous voulons de la justice y compris dans la compétition économique, et de la loyauté dans la mondialisation. Nous voulons une juste rémunération et un juste partage de l'effort fiscal.

L'augmentation du SMIC ne nuit pas à la compétitivité. Après une augmentation très importante du salaire minimum en Espagne, en 2018, 400 000 emplois ont été créés. Et dans notre secteur de la restauration, on observe des augmentations fortes des rémunérations au‑dessus du SMIC, en raison du besoin de main‑d'œuvre.

Il est donc tout à fait possible d'augmenter le SMIC. S'il y a un problème de coût du travail en France et dans d'autres pays d'Europe, il est lié à la captation de la valeur ajoutée entre très peu de mains. Avec un peu plus de justice, tout le monde vit mieux : tel est le sens du message de Gérard Leseul.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Une augmentation de 15 % du SMIC est ambitieuse, mais pas disproportionnée. D'abord, le salaire minimum a déjà connu des hausses importantes. En 1981 notamment, il avait été revalorisé de 10 %. Ensuite, contrairement à ce qui a été dit, il n'y a pas eu récemment de revalorisation du SMIC : sa hausse est le résultat mécanique de l'indexation sur l'inflation et l'indice des prix à la consommation. Le SMIC n'a bénéficié d'aucun « coup de pouce » depuis 2012. Une forte hausse est donc nécessaire pour permettre aux travailleurs modestes de vivre dignement de leur travail.

Plusieurs pays, notamment l'Espagne et l'Allemagne, se sont engagés dans la voie d'une revalorisation ambitieuse de leur salaire minimum.

Par ailleurs, certains secteurs en mal d'attractivité proposent des revalorisations très ambitieuses de leurs grilles salariales. Certes, les négociations n'ont pas encore abouti, mais les chiffres avancés sont supérieurs à la hausse que nous proposons dans ce texte.

Les effets négatifs d'une augmentation du SMIC sur notre économie ne seraient certainement pas aussi massifs que certains le prétendent. Du reste, ils ne sont pas documentés : il n'y a pas d'étude récente témoignant, dans plusieurs pays, de tels effets.

Enfin, le Gouvernement a certes pris des mesures pour limiter l'impact de la hausse des prix, mais elles ne constituent pas des éléments de rémunération. Cela ne répond pas aux souhaits des Français. Si vous poursuivez dans cette voie, nous aurons demain des retraités pauvres comme nous avons des salariés pauvres, car ces aides n'entrent pas dans les cotisations.

Certains ont toutefois évoqué, et c'est écrit dans l'exposé sommaire de l'amendement, le fait que le contexte actuel amène les partenaires sociaux à renégocier les salaires. Je les remercie de l'avoir fait et les invite à voter au moins en faveur de l'article 2, qui incite à une revalorisation globale par la négociation.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article 1er supprimé et l'amendement AS6 de M. Gérard Leseul tombe.

Article 2 : Organisation d'une conférence nationale sur les salaires

Amendement AS7 de M. Gérard Leseul.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lors de nos discussions avec les partenaires sociaux, la direction générale du travail, la direction générale du Trésor et le groupe d'experts sur le SMIC, il est apparu que la notion de salaire minimum « hiérarchique » était un peu trop restrictive. Nous proposons donc de remplacer ce terme par « conventionnel ».

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 2.

Après l'article 2

Amendement AS9 de M. Gérard Leseul.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À la fin de l'année 2021, 108 branches sur 171 avaient une grille comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC ; depuis l'augmentation du 1er janvier, elles sont même encore plus nombreuses. Cette situation a des incidences directes sur le niveau des salaires versés dans les entreprises. Pour inciter les branches concernées à relever rapidement leurs minima sociaux, cet amendement vise à réduire le montant des allégements de cotisations sociales consentis aux entreprises lorsque le salaire minimum conventionnel de la branche dont elles relèvent est inférieur au SMIC. Pour calculer le montant de l'allégement des cotisations, nous retenons le salaire minimum conventionnel de branche plutôt que le SMIC.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS8 de M. Gérard Leseul.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement vise à diversifier la composition du groupe d'experts sur le SMIC, qui, depuis sa création, ne comprend presque que des économistes, qui plus est appartenant à la même école de pensée. Ce manque de pluralisme se traduit dans les recommandations que le groupe émet chaque année, déconseillant invariablement le moindre « coup de pouce ». Intégrer des représentants des partenaires sociaux et au moins un représentant des associations œuvrant dans le champ de la lutte contre la précarité permettrait de diversifier les points de vue. En Allemagne, la commission équivalente est gérée de manière quasi paritaire. Les différents points de vue s'y expriment donc librement, même s'ils sont parfois contradictoires, et l'on parvient à des conclusions consensuelles.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS10 de M. Gérard Leseul.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Aux termes de l'article 1er, l'ensemble des salariés rémunérés entre 1 et 1,15 SMIC toucheront 1,15 SMIC à compter du 1er février. Cette mesure aura un coût pour les entreprises, notamment les plus petites, alors que les PME emploient 80 % des salariés rémunérés au SMIC. L'amendement vise donc à créer, pour les trois années à venir, un crédit d'impôt destiné à aider les PME à financer cette augmentation du salaire minimum. Le taux du crédit d'impôt est fixé à 10 %, de manière à tenir compte du coût de la hausse du SMIC, estimé à un peu plus de 4 milliards d'euros.

La commission rejette l'amendement.

La commission ayant supprimé tous ses articles et rejeté les amendements portant article additionnel, l' ensemble de la proposition de loi est rejeté.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je suis déçu que nous n'ayons pas pu trouver au moins une entente sur l'article 2. Il est important qu'outre un débat national sur la hausse du SMIC, que nous aurons dans l'hémicycle, une discussion soit organisée avec les partenaires sociaux sur la revalorisation globale des salaires, comme certains d'entre vous l'ont d'ailleurs appelé de leurs vœux. Je vous remercie d'avance de réfléchir à l'article 2 d'ici à la séance.

La séance est levée à douze heures quarante.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9 heures 30

Présents. – Mme Stéphanie Atger, M. Joël Aviragnet, M. Didier Baichère, M. Julien Borowczyk, Mme Marine Brenier, M. Philippe Chalumeau, M. Sébastien Chenu, M. Guillaume Chiche, M. Paul Christophe, M. Dominique Da Silva, M. Marc Delatte, Mme Cécile Delpirou, M. Pierre Dharréville, M. Jean-Pierre Door, Mme Jeanine Dubié, Mme Catherine Fabre, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Guillaume Garot, Mme Carole Grandjean, M. Jean-Carles Grelier, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, M. Gérard Leseul, M. Didier Martin, M. Thomas Mesnier, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Bernard Perrut, Mme Michèle Peyron, Mme Claire Pitollat, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Boris Vallaud, Mme Michèle de Vaucouleurs, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry, Mme Hélène Zannier

Excusés. – M. Thibault Bazin, Mme Justine Benin, M. Gérard Cherpion, Mme Audrey Dufeu, Mme Caroline Fiat, Mme Perrine Goulet, Mme Claire Guion-Firmin, Mme Myriane Houplain, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Bénédicte Pételle, Mme Nadia Ramassamy, Mme Nicole Sanquer, Mme Laurence Vanceunebrock

Assistaient également à la réunion. – M. Thierry Benoit, M. Yannick Favennec-Bécot