Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 5 janvier 2022 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission examine la proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes (n° 4742) (Mme Bénédicte Taurine, rapporteure)

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Mes chers collègues, je vous souhaite une bonne et heureuse année 2022, sur le plan tant personnel que politique. Cette année, comme l'an passé, la commission des finances doit renoncer à organiser la cérémonie des vœux qu'elle avait coutume de célébrer depuis le début de cette législature. En ce qui concerne nos auditions, elles pourront être organisées de façon mixte, à la fois en présentiel et par visioconférence.

La proposition de loi relative à la nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes, dont la rapporteure est Bénédicte Taurine, fait partie des neuf textes que le groupe La France insoumise a souhaité inscrire à l'ordre du jour de la journée de séance du 13 janvier prochain qui lui est réservée. Elle a d'ailleurs des chances d'être examinée, étant le quatrième texte dans l'ordre d'appel des propositions de loi et de résolution déposées à l'occasion de cette niche.

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Merci de m'accueillir dans votre commission.

C'est en partant du constat de dérives avérées et insupportables que mon groupe, La France insoumise, a souhaité inscrire la présente proposition de loi à l'ordre du jour. La rentabilité excessive des entreprises gestionnaires d'autoroutes est un fait ; elle a été constituée au détriment des finances des Français, contribuables comme automobilistes. Face à ce problème, leur nationalisation nous est apparue comme l'unique solution.

Environ 78 % des 11 700 kilomètres du réseau autoroutier français sont gérés par des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA). Celles-ci sont liées à l'État, qui reste propriétaire du domaine, par des contrats généralement conclus pour une durée de cinq ans. Depuis leur développement à compter du milieu des années 1950, les autoroutes n'ont pas toujours été gérées par des entreprises privées. Les premiers tronçons ont été exploités par des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA), intégralement détenues par des personnes publiques, à savoir la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et les collectivités territoriales intéressées. Une brève expérience de gestion privée a eu lieu entre 1970 et 1983, mais les entreprises concernées n'ont pas su assurer la continuité du service face aux chocs pétroliers. Déjà, à l'époque, la puissance publique avait dû racheter leur capital, d'abord au moyen de la CDC, puis par l'intermédiaire de l'établissement public Autoroutes de France.

Voilà seulement une vingtaine d'années que les concessions historiques ont été cédées à des opérateurs privés, tandis que les nouveaux tronçons ont d'emblée été soumis à exploitation privée. Parmi les vingt sociétés concessionnaires actuelles, seules Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc (ATMB) et la Société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) ont un capital majoritairement public. Ce sont des actionnaires privés qui détiennent le capital des dix-sept autres sociétés et treize d'entre elles appartiennent à trois groupes prépondérants du secteur du bâtiment et des travaux publics : Vinci, Eiffage et l'entreprise espagnole Abertis.

Deux problèmes apparaissent. Premièrement, la concentration du capital place ces trois investisseurs ultramajoritaires en position de force non seulement vis-à-vis de l'État, mais aussi de leurs sous-traitants. Deuxièmement, les opérations d'ouverture du capital menées par les gouvernements Jospin, Raffarin et Villepin entre 2002 et 2006 ont abondé les recettes publiques à hauteur de 16,5 milliards d'euros, mais la façon dont ces cessions ont été réalisées a fait perdre 6,5 milliards d'euros à l'État. Ce propos n'est pas seulement celui de mon groupe politique. C'est aussi, avec toutes les nuances qu'il convient de respecter, celui de MM. Gayssot et de Robien, anciens ministres, et de MM. Carrez et Eckert, qui furent aux commandes de votre commission.

La fin prévisionnelle des concessions s'échelonne entre 2031 et 2086, mais l'exécutif ayant la fâcheuse tendance de prolonger la durée des contrats à chaque réforme, leur horizon semble de plus en plus brumeux.

J'en viens à la rentabilité des SCA. Je partage l'avis de l'Autorité de la concurrence et de la Cour des comptes qui, l'une comme l'autre, ont jugé cette rentabilité exceptionnelle. La mesure du profit est complexe, entre la méthode fondée sur un taux de rentabilité interne (TRI) tronqué et des données comptables inquiétantes. Quoi qu'il en soit, cette rentabilité justifie la reprise en main des autoroutes par l'État. Un tour de vis très ferme exercé au niveau des clauses des contrats et du contrôle de leur application se heurtera vraisemblablement au refus des SCA. Il faut donc que l'État rachète leur capital, de sorte que la politique tarifaire soit guidée non plus par des stratégies commerciales fondées sur la recherche d'un profit maximal, mais par les principes du service public et de l'intérêt général.

Quatre éléments permettent d'affirmer que les groupes détenant les sociétés concessionnaires ont plus que profité de la situation depuis vingt ans.

Premièrement, comme l'a relevé l'Autorité de la concurrence, les SCA, contrairement au principe même d'une concession, n'assument pas de vrai risque. En effet, l'évolution du trafic est favorable et les contrats excluent toute baisse des tarifs des péages. Je suis d'ailleurs frappée que l'Autorité de régulation des transports (ART) ait estimé que la baisse de leur chiffre d'affaires à hauteur de 17,5 % sur l'année 2020, du fait des périodes de confinement, n'a pas altéré le résultat de ces entreprises.

Deuxièmement, le prix des péages augmente de manière automatique. Non seulement il progresse plus vite que l'inflation, ainsi que l'a dénoncé la Cour des comptes en 2013 et que l'ont récemment vérifié des associations d'usagers, mais il se fonde toujours sur l'indice le plus dynamique en ce qui concerne le coût des travaux, contrairement aux recommandations de l'INSEE et de la Commission européenne.

Troisièmement, à rebours de ce que commande le bon sens et de ce qu'avait préconisé le Conseil d'État, les groupes possédant l'essentiel des SCA ont obtenu que toute augmentation des deux impôts qui les frappent spécifiquement soit compensée. En outre, ils sont parvenus à conserver la jouissance de certaines niches fiscales sur des prélèvements communs que les pouvoirs publics avaient tenté de nettoyer.

Enfin, les conventions et leurs avenants sont muets s'agissant des obligations sociales des entreprises, en même temps qu'ils classent comme « opérations environnementales » des ajustements réalisés sur des parkings ou l'installation de télépéages...

Ne passons pas sous silence le fait que, entre 2006 et 2019, Vinci a distribué 13,8 milliards d'euros de dividendes, recouvrant ainsi les 10,4 milliards d'euros qu'elle avait déboursés à l'origine. Sur la période 2020-2036, ses dividendes cumulés atteindraient 20,7 milliards d'euros. Eiffage, de son côté, a dégagé 9 milliards de dividendes entre 2006 et 2019, somme qui rembourse largement les 6,7 milliards investis. Sur la période 2020-2035, ses dividendes représenteraient 13,3 milliards. Quant à Abertis, elle a distribué 4,8 milliards d'euros de dividendes entre 2006 et 2019 et a quasiment recouvré son investissement de 5,3 milliards. Ses dividendes cumulés sur la période 2020-2036 sont estimés à 7,9 milliards.

Tout cela donne raison à nos collègues sénateurs Éric Jeansannetas et Vincent Delahaye, qui écrivent dans le rapport de la récente commission d'enquête sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières que Vinci et Eiffage ont plus que recouvré leur mise d'il y a vingt ans, voire dépassé le TRI projeté à la signature, et qu'Abertis s'achemine vers la même réussite. La durée des contrats est trop longue – d'au moins dix ans – et ouvre à l'État ce que le Sénat appelle des « marges de négociation » et que j'appelle, pour ma part, l'urgence d'une nationalisation.

Notre proposition de loi prévoit le rachat du capital des SCA par l'État. Cette opération est-elle possible ? Il se trouve qu'elle est prévue par les contrats de concession eux-mêmes, sans parler du fait que le Conseil d'État, depuis le début du vingtième siècle, a produit une jurisprudence claire sur les pouvoirs de direction, de modification et de résiliation unilatérale d'un contrat administratif. Cela étant, il s'agit de mesures réglementaires ; puisque le Gouvernement ne se préoccupe pas du déséquilibre des concessions autoroutières aux dépens des comptes publics et du portefeuille des usagers, nous n'avons pas d'autre choix que de passer par la loi.

Le présent texte, dont l'objectif est revendiqué par nombre de nos concitoyens – notamment ceux qui ont participé au mouvement des gilets jaunes – captifs d'une série de monopoles de fait, s'inscrit dans le cadre constitutionnel : tant le préambule de la Constitution de 1946 que les grandes décisions du Conseil constitutionnel rendues en 1982, puis en 2019, établissent la faisabilité et la pertinence de la nationalisation d'entreprises, pour le bien du service public.

Cette nationalisation a un coût, tenant bien évidemment au rachat des actions, mais aussi à l'indemnisation des investisseurs actuels et, si le choix était fait d'abandonner les concessions au profit de régies, à l'exploitation future des autoroutes. Quel serait ce coût ? La direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, lorsqu'on lui pose la question, dit n'en avoir aucune idée. En fait, l'exécutif n'a pas demandé à l'administration de travailler sur cette hypothèse. Voilà qui est curieux sachant que, il y a un peu plus de six mois, M. Djebbari, ministre délégué chargé des transports, évoquait devant le Sénat un montant de 47 milliards d'euros, estimation proche de celle qu'avait faite une mission d'information de notre Assemblée en 2014. C'est d'autant plus curieux que le Président de la République, lorsqu'il était ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, parlait de 20 milliards d'euros.

Pour ma part, j'estime, à l'appui de calculs détaillés dans mon rapport, qu'il est possible de limiter la dépense à 15 milliards d'euros tout au plus. En effet, certaines sommes ont déjà été payées deux fois par le contribuable et n'ont donc pas vocation à être intégrées à ce que Vinci, Eiffage et Abertis perdraient en n'exploitant plus les autoroutes qui leur sont aujourd'hui concédées. Rappelons que le juge administratif interdit de longue date à toute personne publique de consentir des libéralités en versant notamment une indemnisation disproportionnée au regard du préjudice subi par un cocontractant.

Afin de mettre un terme à ces profits scandaleux et de soutenir un aménagement du territoire plus écologique et plus juste, il nous faut bouleverser radicalement les clauses des concessions. Il est essentiel que nous puissions débattre de ce sujet, déterminant aux yeux des Français, et à propos duquel l'opinion de mon groupe se trouve confortée par des auteurs aux vues habituellement éloignées des siennes.

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Je ne reviendrai pas sur l'historique : chacun peut penser que la vente des parts publiques des sociétés concessionnaires a été une bonne ou une mauvaise opération. Vous avez dit un certain nombre de vérités, madame la rapporteure, mais observons la situation au prisme de 2022. Votre proposition de loi présente-t-elle, aujourd'hui, un intérêt pour nos concitoyens ? Surtout, prend-elle bien en compte toutes les difficultés qu'elle créerait ?

Quel objectif, in fine, votre texte vise-t-il précisément ? Pour l'instant, il se borne à rendre publics les capitaux des SCA, impliquant de l'État qu'il signe un chèque. À lire votre proposition de loi, il semble que le modèle concessif demeure. Pouvez-vous nous préciser si vous entendez-vous conserver les concessions en les fondant sur des capitaux publics ou si vous souhaitez, comme vos propos semblent l'indiquer, nationaliser les autoroutes ? Dans ce dernier cas, prévoyez-vous un retour à une gestion étatique ou bien décentralisée ? Bref, quel transfert de propriété et quel mode de gouvernance envisagez-vous ?

Par ailleurs, votre texte a trait à deux controverses politiques fortes, à commencer par la rentabilité des SCA. Il y a une bataille de chiffres en la matière – on ne peut pas dire que les travaux du régulateur ne soient régulièrement remis en cause par certains observateurs. Autre controverse : le coût de la nationalisation. Vous comprendrez que, en qualité de rapporteur du budget, je m'en inquiète. Dans les hypothèses que vous avez évoquées, le coût varie de 15 à 50 milliards d'euros, soit du simple au triple. Cela me paraît très coûteux et, encore une fois, pour quel objectif final ? Quels éléments avez-vous rassemblés pour émettre votre hypothèse de chiffrage ?

À titre personnel, je pense que nous ne devons pas voter ce texte, qui ressemble davantage à un appel politique, car, pour l'heure, il ne précise ni pourquoi, ni comment, ni à quel coût nationaliser la gestion des autoroutes. Le montant de la facture présentée aux Français paraît bien trop important et risque de les entraîner dans un chemin hasardeux et probablement extrêmement coûteux.

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On peut partager sur certains points le constat dressé par la rapporteure. À l'origine, Dominique de Villepin avait cédé les participations de l'État dans le souci de limiter l'endettement de la France. Manifestement, la privatisation des autoroutes n'a pas eu les effets positifs escomptés. Depuis l'extension de la durée des concessions, défendue par la majorité précédente, et en raison de l'absence de mise en concurrence, la position de rente des concessionnaires autoroutiers s'est accentuée. Les tarifs imposés aux usagers ont quant à eux explosé : c'est, de fait, un scandale.

Reste que la solution que vous préconisez est encore plus douloureuse que les constats fâcheux que nous faisons à propos de la situation actuelle. Son coût aggraverait encore la dette publique, qui dépasse déjà largement 115 % de notre PIB. Or ce sont non seulement les usagers des autoroutes qui finiront par payer cette dette, mais tous les contribuables. À vouloir ainsi une plus grande justice, vous risquez de créer des effets inverses à ceux que vous recherchez.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas la proposition de loi.

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En 2006, François Bayrou déclarait que la privatisation des autoroutes était une faute. Une faute politique, d'abord : le Parlement n'a pas été amené à se prononcer, contrairement à ce qui s'est passé pour les privatisations que nous avons votées au début de cette législature. Une faute financière, ensuite, car s'il n'est pas sûr que l'État eût profité d'autant de dividendes que le secteur privé, cette cession, mieux organisée dans le temps, aurait pu être négociée à meilleur prix. Parce qu'ils étaient mal préparés, les contrats de concession, déjà anciens, n'étaient pas suffisamment adaptés à cette privatisation. La notion d'équilibre économique, elle, n'était pas définie. Enfin, les relations entre l'État et les concessionnaires n'était pas arrêtée.

Les SCA se sont engouffrées dans ces failles au moyen de pratiques parfois douteuses. Elles ont entre autres augmenté les tarifs des péages, non pas pour développer le réseau, mais pour soutenir les dépenses de fonctionnement, requalifiées en dépenses d'investissement, et pour automatiser ces péages à leur seul profit.

Depuis le vote, en 2015, de la loi dite Macron, qui a permis une meilleure régulation du secteur, la situation s'est fortement améliorée. Mais nombreuses sont les voix qui réclament, en s'appuyant sur un constat déjà daté, la nationalisation des SCA, que ces voix imaginent être une véritable poule aux œufs d'or pour nos finances publiques.

Cependant, cette nationalisation est une fausse bonne idée. Car, en vertu du principe de garantie de la propriété posé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'État devrait indemniser Vinci, Eiffage et les autres sociétés concessionnaires à hauteur de 40 milliards d'euros, auxquels s'ajouteraient 30 milliards d'euros de reprise de dettes, alors qu'il suffirait d'attendre la prochaine décennie pour commencer à récupérer gratuitement ces concessions. Au demeurant, l'État n'est sans doute pas le meilleur des gestionnaires…

Mieux vaut anticiper la fin des concessions, en ne renouvelant pas les contrats en cours sans appel d'offres, en veillant au maintien d'investissements suffisants, en incitant les sociétés concessionnaires à préparer les modalités de déplacement de demain – je pense aux voitures électriques –, sans toutefois en faire supporter la charge aux finances publiques, et continuer à améliorer la régulation du secteur en renforçant les pouvoirs de l'ART, notamment sur les questions tarifaires ou les sous-concessions.

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Par cette proposition de loi, notre collègue Bénédicte Taurine pose un nouveau jalon sur le chemin qui conduit à la restauration d'un équilibre entre intérêts publics et intérêts privés dans la gestion des autoroutes.

Je n'ai aucune illusion quant au sort qui sera réservé à ce texte. Je me rallie toutefois au constat, de plus en plus répandu, du caractère inacceptable des paramètres actuels de l'exploitation des autoroutes par les majors des travaux publics. Voilà des années que nous sommes englués dans un véritable scandale économique, écologique et juridique. Nos concitoyens sont complètement pris en otage : alors qu'ils ont financé la construction des autoroutes, cela fait des lustres qu'ils paient en plus le droit de les emprunter. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sous la précédente législature, et Christine Pires Beaune ont beaucoup travaillé sur le sujet.

Aujourd'hui, on continue de faire face à l'enfumage et à la démagogie des sociétés concessionnaires. La rapporteure juge exceptionnelle la rentabilité des concessions. Pour ma part, je la qualifie d'indécente ! Entre 2006 et 2019, le taux moyen de distribution des dividendes de la Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF) et des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR) était supérieur à 100 %.

On ne peut pas parler de nationalisation sans parler de coût. En la matière, les approximations vont bon train. M. Chanteguet évoquait à l'époque 20 milliards d'euros, alors que l'administration annonçait un montant de l'ordre de 40 à 50 milliards d'euros. Quant au ministre des transports, il a évalué le coût de l'opération à 47 milliards d'euros en mai 2021, sans donner de détails sur les calculs. Toutes les prévisions sont à la hausse alors que le montant du rachat devrait mécaniquement diminuer au fur et à mesure que l'on se rapproche du terme des concessions.

En outre, qui dit rachat ne signifie pas rachat total. Il est possible de revenir à une gestion partagée sous forme de société d'économie mixte (SEM), pour un coût limité – c'est l'une des hypothèses dont parlait le rapporteur général. Ce serait un scénario gagnant-gagnant.

Est-ce vraiment utile de nationaliser les autoroutes ? Selon les estimations de nos collègues sénateurs, les sociétés concessionnaires engrangeraient 40 milliards d'euros de profits d'ici à 2036. Un tel montant serait mieux investi s'il servait à revitaliser les petites lignes ferroviaires, à financer le tout-électrique dans les transports collectifs urbains ou, comme pourrait me le chuchoter Christine Pires Beaune, à réaliser la ligne de TGV Paris-Clermont-Ferrand.

Oui, nationaliser, c'est compliqué. Oui, d'autres solutions sont envisageables. Mais il est souhaitable que l'on prépare progressivement la reprise de contrôle des autoroutes par l'État, afin de mettre celui-ci en position de force et de minimiser le coût financier – le jeu en vaut la chandelle. Je salue la mobilisation de nos collègues sur ce sujet complexe.

Notre groupe, moyennant quelques précisions, votera bien sûr le texte.

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Je rappelle d'abord un point de terminologie : les autoroutes françaises n'ont pas été privatisées, elles font toujours partie du domaine public ; seules les sociétés d'exploitation ont été privatisées.

Le débat sur la nationalisation des sociétés concessionnaires est récurrent. Cette année, il est de nouveau mis en avant par plusieurs candidats déclarés à l'élection présidentielle. Ce n'est pas un petit sujet : nous parlons de sommes considérables et d'infrastructures stratégiques pour notre pays, utilisées quotidiennement par un nombre important de nos concitoyens.

Notre groupe partage les constats de la commission d'enquête sénatoriale. Chaque année, les SCA versent des dividendes considérables à leurs actionnaires, ce qui choque à juste titre nos concitoyens. Les paramètres financiers d'un certain nombre de contrats conclus avec l'État ont été définis à l'avantage des concessionnaires, leur offrant une rentabilité plus rapide ou plus importante que prévue.

Nous n'approuvons pas pour autant la solution de facilité que proposent nos collègues de La France insoumise. Tout d'abord, il semble inutile de dépenser plusieurs dizaines de milliards d'euros dès maintenant aux fins de nationaliser ces entreprises alors que les concessions historiques arrivent à échéance à compter de 2031. Mieux vaut investir dans d'autres infrastructures de transport, notamment dans les secteurs ferroviaire et fluvial. Ensuite, nous devons avoir un débat posé sur le mode de gestion que nous voulons pour nos autoroutes. La concession a été utilisée depuis les années 1950 pour bâtir, il faut le dire, un réseau autoroutier complet et de grande qualité. L'État peut-il se passer de ce mode de gestion qui permet d'apporter le savoir-faire et le financement du secteur privé ? Nous n'en sommes pas pleinement convaincus.

En revanche, il nous faut absolument revoir les modalités de fonctionnement des concessions autoroutières pour rendre leurs clauses plus précises, le partage des profits plus juste, le calcul de la rentabilité plus fin, et plus clairs les engagements sur le prix des péages et les nouveaux investissements à consentir.

En attendant, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi.

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Ce genre de dossier est symptomatique de la vision de court terme que l'État a quelquefois de ses investissements et de ses propriétés – voyez plutôt la vente récente de La Française des jeux ! On privatise des sociétés qui, sur le long terme, rapporteraient à l'État, si celui-ci en conservait la propriété, bien plus que le fruit de leur vente. Si les entreprises privées étaient gérées ainsi, voilà longtemps qu'elles auraient disparu.

Vous abordez, madame la rapporteure, ce que coûterait la nationalisation et ce qu'elle rapporterait. En revanche, vous n'avez rien dit du coût annuel d'entretien des autoroutes. Nationaliser les SCA implique que l'État rachète leur capital. Mais à quel prix valoriser ces entreprises ? Pour l'heure, seule une fourchette de prix nous est donnée. J'insiste, combien l'entretien régulier des autoroutes coûterait-t-il à l'État ? La reprise par l'État des activités des sociétés concessionnaires sera de facto plus onéreuse.

Dans l'attente de ces précisions, notre groupe ne votera pas cette proposition de loi.

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Chers collègues marcheurs, quel député voulait, en 2019, renationaliser les autoroutes ? Quel député déclarait : « Nos concitoyens ont le sentiment que les sociétés d'autoroutes se goinfrent sur leur dos » ? C'était Jean-Baptiste Djebbari ! Il est depuis devenu ministre et a complètement oublié son projet. Et nous préférerions qu'il le reprenne en main au lieu de frimer sur TikTok. Car ce n'est pas seulement un sentiment qu'ont les Français : l'UFC-Que choisir, sous le titre « Péages d'autoroute, une augmentation inédite », indique qu'« à partir du 1er février 2022 les tarifs des péages vont augmenter en moyenne de 2 % », avant de conclure que « si ces chiffres sont validés » – en effet, l'État peut encore s'y opposer –, « l'augmentation de 2022 sera la plus importante depuis longtemps ».

En parallèle, les dividendes continuent d'être distribués. Comme l'a dit le rapporteur de la commission d'enquête sénatoriale, « 2020, une année noire… mais pas pour les autoroutes ! ». En effet, environ 3 milliards d'euros de dividendes ont été versés chaque année, faisant des Français des vaches à lait chaque fois qu'ils passent les péages.

Que s'est-il passé ? En 2005, le Gouvernement a offert un premier cadeau : il a privatisé les autoroutes en cédant ses parts 10 milliards d'euros en dessous de leur prix. En 2015, le Gouvernement accorde un second cadeau – Macron était forcément dans le coup en tant que ministre de l'économie – en promettant aux sociétés concessionnaires un bonus de 3,2 milliards d'euros.

Dans un tel contexte, il est urgent que l'État reprenne la main, qu'il exerce un contrôle légitime, qu'il empoche le bénéfice de la hausse des tarifs, qu'il nationalise les autoroutes. Cela semble évident ; or on entend très peu de contre-propositions pour arrêter avec cette poule aux œufs d'or.

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Le texte que nous examinons nous conduit implicitement à faire, seize années après, le bilan de la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Cette privatisation, je l'ai combattue du temps du gouvernement Villepin, alors même que j'appartenais à la majorité. Cette opération a-t-elle été profitable ? Pour les trois principaux concessionnaires, la réponse est assurément positive. Mais, pour l'État et les usagers, c'est loin d'être le cas.

La privatisation de 2006 a été mal pilotée, notamment s'agissant du montant : l'État, en cédant son capital, n'a perçu que 16,5 milliards d'euros, et le rapport de la commission d'enquête sénatoriale remis en septembre 2020 estime sa perte à 6,5 milliards. Bref, les parts ont été très mal vendues – à supposer qu'il eût fallu les vendre.

En outre, mon groupe déplore que les sociétés concessionnaires aient constitué de telles rentes. Au-delà de 2022, leurs dividendes cumulés représenteraient environ 40 milliards d'euros, dont 32 milliards d'euros pour les seuls actionnaires de Vinci et d'Eiffage. Ces résultats sont difficiles à accepter alors que les tarifs des péages poursuivent inéluctablement leur augmentation – de 2 % en 2022 –, en application de contrats de concession extrêmement mal négociés.

Faut-il nationaliser dès à présent ou attendre patiemment la fin des dernières concessions historiques, de 2031 à 2036 ? La nationalisation que vous proposez, madame la rapporteure, coûterait à l'État la modeste somme de 40 à 50 milliards d'euros. Il serait absurde de faire peser une telle facture sur nos finances publiques. Vous essayez de contourner cette difficulté en refusant toute indemnisation. Ce raisonnement juridique est quelque peu chancelant étant donné que, depuis 1982, la jurisprudence du Conseil constitutionnel exige explicitement une juste et préalable indemnité, en application de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. » Limiter ce principe, outre le risque d'inconstitutionnalité manifeste, serait de nature à créer une défiance durable des entreprises privées vis-à-vis de l'État. Une nationalisation sans indemnisation n'est donc pas une option raisonnable.

Mon groupe partage tout de même nombre des constats formulés par notre rapporteure. Ne restons pas les bras croisés face à la fin imminente de certaines concessions historiques : il appartient à l'État de se préparer dès maintenant. Nous devons, en application du droit de l'Union européenne, interdire toute prolongation des concessions sans mise en concurrence des entreprises lors de l'attribution des contrats. S'il a été décidé plusieurs fois de prolonger les concessions, c'est parce que l'État, impécunieux, négociait en contrepartie la réalisation de travaux. C'est une pratique absolument contestable, par laquelle l'État a maintenu la rente des concessionnaires.

Bien que nous partagions une partie des critiques formulées par la rapporteure quant à la gestion de ce dossier, nous ne voterons pas le texte.

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Mon groupe votera ce texte. En 2014, déjà, nous avions déposé une proposition de loi similaire, reprise en 2019 par nos collègues du groupe communiste au Sénat. Pour rappel, c'est sous l'égide de Thierry Breton, alors ministre de l'économie, et de Dominique Perben, ministre des transports, que, le 18 juillet 2005, les autoroutes ont été cédées au secteur privé. Cette opération a asséché le financement des programmes d'infrastructures de transport en privant l'État des dividendes des sociétés d'autoroutes et a offert aux entreprises du bâtiment et des travaux publics une situation de rente exceptionnelle, sur le dos des usagers.

Depuis 2005, les concessionnaires privés ont réalisé d'importants bénéfices et distribué des dividendes considérables. La proposition de loi pose la question essentielle de la stratégie économique de notre pays, dont l'enjeu de la nationalisation, ou renationalisation, est un aspect important. Deux façons de penser s'affrontent. Vous, les libéraux, estimez que la situation est catastrophique, mais que l'on peut patienter – on attend toujours avec vous et on ne voit jamais rien venir ! Or le capital continue de toucher de l'argent et l'État, qu'on le veuille ou non, met la main à la poche. Et lorsque celui-ci demande aux concessionnaires de réaliser des travaux pour améliorer l'état du réseau, il allonge systématiquement, en contrepartie, la durée des concessions pour deux ou cinq années supplémentaires.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que nous soutiendrons cette proposition de loi.

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Est-il possible de mieux contrôler la hausse injustifiée des tarifs des péages ? Et comment y parvenir ?

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a été fortement touchée par la privatisation des autoroutes. Quelle forme son financement pourrait-il prendre en cas de nationalisation ou à l'expiration des concessions ?

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Ce texte est l'occasion de faire une leçon d'économie : une privatisation peut créer au bout du compte une situation de monopole. Jointe au choix de l'isofiscalité, elle aboutit à une situation qui n'est pas saine du point de vue budgétaire. Cela pose en fait la question du calcul économique. En 2006, la droite était parvenue à faire baisser la dette publique, qui était alors de l'ordre de 1 200 milliards d'euros, ainsi que le déficit public. Mais, en 2022, la dette atteindra 3 000 milliards d'euros. De même, on ne peut pas balayer le problème du calcul économique de la nationalisation, laquelle ne saurait être réalisée si elle coûte plus qu'elle ne rapporte.

En revanche, je suis parfaitement d'accord sur deux points. D'abord, nous devons préparer les choses dès à présent : n'attendons pas la fin des concessions pour nous demander comment réintroduire les autoroutes dans le giron de l'État !

Par ailleurs, je considère que l'on ne peut pas mener une politique de transition écologique tant que l'on ne maîtrise pas les autoroutes, c'est-à-dire le pouvoir d'achat de ceux qui se déplacent. L'État a beau s'efforcer de calmer la hausse du prix de l'essence et des transports, encore faut-il que les concessionnaires n'augmentent pas les tarifs des péages ! Si nous voulons conduire une politique d'aménagement du territoire et des transports qui soit sociale et écologique, nous devons reprendre la main sur ces instruments de souveraineté que sont les autoroutes.

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Nous sommes nombreux à partager certains des constats dressés par notre collègue rapporteure. Mais quelle solution choisir ? La loi dite Macron du 6 août 2015, chère à François Ruffin, a introduit un dispositif de régulation, placé sous contrôle de l'ARAFER, devenue l'ART. Elle prévoit également – cela rassurera peut-être Charles de Courson – l'interdiction de prolonger la durée des concessions, sauf décision explicite du législateur pour couvrir le coût d'investissements supplémentaires qui, sans être inclus dans le contrat initial, seraient demandés par l'État.

Je le rappelle, les tarifs des péages augmentaient déjà avant la privatisation des autoroutes. Comment garantir leur diminution au vu des coûts qui incomberaient à l'État sous l'effet d'une nationalisation ?

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Pour ma part, je suis plutôt opposé à l'idée de nationalisation : on privatise, on nationalise, on reprivatise, on renationalise… On n'en finit pas ! L'État n'est pas Dieu – cela se saurait – et les sociétés d'autoroutes ne sont pas le diable. Il convient toutefois d'aménager le mode de fonctionnement de ces dernières. Le contrôle des contrats, comme leur contenu, est fondamental. Indépendamment de la question du prix auquel l'État a cédé ses parts à l'époque, il est évident que ces contrats n'étaient pas très bien conçus ; c'est ainsi qu'ils sont jugés de manière générale. Certes, les concessions ont évolué, Zivka Park a raison de le rappeler, mais l'apparition d'éléments imprévus a nécessité d'en prolonger la durée ; cette manière de procéder n'est pas acceptable.

Pour ce qui est des dividendes, les sociétés d'autoroutes ne sont pas à plaindre, mais en tout cas, nos autoroutes sont en bon état. D'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il faille prendre pour modèle les routes nationales, qui dépendent directement de l'État. Nous ne sommes pas toujours obligés, dans ce genre de dossier, de nous régler sur le moins-disant, y compris qualitatif. Nous pouvons au moins être fiers de notre réseau autoroutier.

Quant à la question de la répartition du coût entre usagers et contribuables, elle ne se pose pas seulement en matière d'autoroutes. On peut concevoir, dans certains cas, que l'usager se substitue au contribuable, les services publics étant par ailleurs financés par l'État.

Enfin, je remarque que les chiffres ne sont jamais tout à fait stabilisés. Des milliards d'euros sont pourtant en jeu, comme l'a très bien dit notre rapporteure. Chacun, au fond, y va de son idéologie – elles sont toutes respectables, je remercie d'ailleurs La France insoumise d'avoir de nouveau provoqué ce débat, plutôt opportun en fin de mandat. Il s'agit tout de même aussi d'un marronnier. Souvent, les informations qui circulent dans l'opinion publique à ce sujet sont fausses : dans l'esprit des Français, les sociétés concessionnaires sont propriétaires des autoroutes ; ils ignorent pour la plupart que, au terme des concessions, la gestion des autoroutes reviendra à l'État. Dans ce débat vertueux, gardons-nous des idées simplistes.

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Notre proposition de loi est aussi l'occasion d'anticiper la fin des contrats de concession, qui approche. Pour notre part, nous suggérons une nationalisation ; d'autres groupes peuvent défendre des solutions différentes ; l'essentiel est que l'on puisse en débattre. Le consensus au sein de la commission semble assez large sur le sujet, notamment en ce qui concerne les coûts imposés aux usagers. Une étudiante m'a récemment confié qu'elle ne pouvait plus emprunter l'autoroute à cause des tarifs des péages, alors que cette voie est plus sûre que les petites routes de campagne.

Monsieur le rapporteur général, ce n'est pas le principe même de la concession qui me choque, mais le fait que des dividendes aussi élevés soient versés aux actionnaires, notamment au sein des trois principaux groupes. Comment faire pour que les usagers ne payent pas pour les dividendes des actionnaires ?

Si le chiffrage n'est pas assez précis, c'est aussi que le ministère des transports ne nous a pas fait part des données demandées. Mon rapport, à la page 35, détaille et explique les sommes que nous déduisons.

Monsieur de Courson, notre groupe ne s'oppose pas au versement d'une indemnité. Nous voulons simplement limiter la somme que l'État rembourserait aux sociétés concessionnaires.

Monsieur Bricout, nous nous sommes appuyés sur le rapport de notre ancien collègue Jean-Paul Chanteguet pour conclure que l'État devait retrouver la position de force qu'il a perdue au profit des concessionnaires.

La dette des SCA, lorsque celles-ci se sont trouvées propriétaires des parts de l'État, était de l'ordre d'une vingtaine de milliards d'euros. Ce sont les SCA elles-mêmes qui l'auraient aggravée de moitié en versant des dividendes à leurs actionnaires. C'est le fonctionnement même de ces sociétés qui pose problème : alors qu'elles ont augmenté le prix des péages au prétexte d'entretenir le réseau routier – dont l'état est certes, en effet, plutôt satisfaisant, monsieur le président –, elles ont creusé leur dette pour distribuer des dividendes. C'est un affront pour nos concitoyens !

La nationalisation n'est pas une solution de facilité, madame Magnier, c'est simplement celle que nous avons choisie, sachant qu'il est essentiel de décider ce qu'il faut faire à partir de 2031. Vous pouvez en proposer d'autres. Le texte étant discuté à l'occasion d'une niche parlementaire, vous comprendrez que nous ayons limité le nombre de ses articles ; nous pourrons détailler ultérieurement les modalités exactes de ce que nous suggérons.

Concernant le coût annuel supporté par l'État pour l'entretien des autoroutes, nous pourrions vous communiquer, monsieur Naegelen, des chiffres plus précis grâce aux données que nous avons collectées lors de nos auditions.

Quant aux tarifs des péages, ils augmenteront encore cette année de 2 %, comme l'a dit François Ruffin. Nous devons donc veiller à les encadrer ; les usagers doivent sentir que le législateur se penche sur ce problème.

Vous avez raison de parler de rente, monsieur de Courson ; nous devons nous y attaquer, car le rôle des sociétés concessionnaires n'est pas d'engranger des profits sur le dos de nos concitoyens !

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Je vous propose de passer à l'examen des deux articles et trois amendements déposés sur ce texte. Je vous indique que j'ai déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution un amendement qui présentait toutes les caractéristiques d'un cavalier législatif. Il visait une réforme générale des règles applicables dans les contrats administratifs de la commande publique, ce qui concernerait des centaines de milliers de contrats, bien au-delà de la question des concessions autoroutières.

Article 1er : Nationalisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes

La commission rejette l'article 1er.

Article 2 : Gage de recevabilité financière

La commission rejette l'article 2.

Après l'article 2

Amendement CF4 de Mme Christine Pires Beaune

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Il vise à relever de 7,32 à 8,50 euros le tarif de base de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) portant sur l'activité des sociétés concessionnaires d'autoroutes, telle qu'elle est établie à l'article 302 bis ZB du code général des impôts.

La TAT contribue à financer les infrastructures, par le biais de l'AFITF.

Les enjeux sont non seulement économiques, mais également écologiques : il s'agit de financer des solutions alternatives au transport routier, qui représente 28,5 % de nos émissions de gaz à effet de serre, et d'internaliser les externalités négatives du transport autoroutier, notamment les pollutions locales ou l'usure des voies annexes.

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La TAT est, avec la redevance domaniale, l'un des deux prélèvements auxquels les SCA sont assujetties de manière spécifique. Son produit, qui devrait être de 567 millions d'euros en 2022, finance l'AFITF dans la limite d'un plafond. De manière incroyable, contrairement à des règles posées par le Conseil d'État en 1950 de manière générale puis répétées en 2013, les SCA ont obtenu que toute hausse de l'un ou l'autre de ces deux impôts soit compensée, par exemple au moyen d'une nouvelle hausse des péages ; voilà une clause qu'il conviendrait de supprimer.

Avis favorable.

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J'observe que, quand il s'agit du citoyen, on ne se pose pas trop la question des droits : on peut le confiner, le déconfiner, le reconfiner, lui imposer des couvre-feux à dix-huit heures, dix-neuf heures, vingt heures, lui interdire l'accès aux restos, aux bars et ainsi de suite. Mais quand il s'agit des firmes, on est très respectueux du droit, en particulier du plus sacré d'entre eux : le droit de propriété.

Je salue l'amendement. On nous dit depuis le début de la réunion que la nationalisation n'est pas une solution, mais on ne nous en a pas proposé d'autre ! Il en existe, pourtant. D'abord, le Gouvernement peut refuser dès maintenant la hausse de 2 % des tarifs des péages qui doit intervenir au 1er février. Ensuite, il peut instaurer des pénalités de retard pour les travaux. L'ARAFER avait dénoncé des hausses de tarifs et des travaux surévalués ; sur les 57 opérations d'un plan d'investissement à 803 millions d'euros, l'organisme public estimait que près d'un tiers des travaux sont inutiles ou qu'ils sont déjà prévus dans le contrat d'entretien de base, et, pour 41 % des investissements, que le coût des travaux est surévalué. La dernière solution – en ce sens, l'amendement est de repli – consisterait à augmenter les taxes sur les sociétés d'autoroutes. Nous avons des motifs de le faire : les dividendes colossaux, mais aussi les travaux non effectués, sans aucune transparence.

L'accord initialement passé par Macron et Alexis Kohler – déjà, quand on entend que celui-ci est dans la négociation, c'est le signe qu'il y a un problème ; alors quand il négocie de manière secrète avec les sociétés d'autoroutes…

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Monsieur Ruffin, on sait que vous êtes coutumier du fait, mais, s'il vous plaît, ne mettez pas en cause des gens comme ça.

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C'est public, monsieur le président ! L'accord en question a été négocié secrètement avec les sociétés d'autoroutes, mais son contenu a fini par être dévoilé car le Conseil d'État a obligé Bercy à publier le protocole d'accord. On a alors vu qu'il contenait une compensation automatique, avec un allongement de la durée des concessions et une augmentation des tarifs des péages à partir de 2019, disproportionnée aux gains pour l'État et les particuliers.

Voilà une série de motifs qui justifient que l'on arrache au moins certaines choses aux sociétés d'autoroutes : à défaut de nationalisation, cela pourrait être l'augmentation de la TAT.

Je n'ai pas moi-même le droit de vote au sein de cette commission, mais j'invite tous mes collègues à voter l'amendement, en cohérence avec ce qu'avait proposé Jean-Baptiste Djebbari avant d'être ministre, comme je l'ai rappelé.

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Je crois me souvenir que les contrats ont été si bien négociés qu'ils permettent de répercuter une hausse des droits spécifiques sur les tarifs des péages – c'est tout de même formidable : un État négocie avec des sociétés privées que les augmentations d'impôts seront payées par l'usager ! Tout cela a été fait en dépit du bon sens ; la Cour des comptes l'a dit et redit.

Dès lors, l'amendement est sympathique, mais ce ne sont pas les sociétés qui paieront, seulement l'usager. Je ne le voterai donc pas.

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Voilà pourquoi il y a une autre piste à explorer, contrairement à ce qu'a dit François Ruffin, et qui n'est pas la nationalisation : retravailler le contenu des contrats pour les assouplir afin de respecter à la fois l'actionnaire et le concédant tout en protégeant l'usager, au nom de la liberté de mobilité, par un encadrement plus strict des prix.

Cela dit, les sociétés d'autoroutes font face à un mur d'investissements – pour pourvoir à l'équipement électrique des autoroutes, lutter contre le bruit, etc. On peut toujours contester leurs chiffres à ce sujet, se demander s'ils ne sont pas surévalués ; tout ce que je vois, c'est qu'elles font des investissements, ce qui me ravit dans un pays comme le nôtre où l'entretien des infrastructures a tendance à laisser rapidement à désirer.

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Mon intervention avait trait à la TAT, dite taxe Pasqua : Madame la rapporteure peut-elle nous confirmer que l'augmentation de la fiscalité spécifique sur les sociétés d'autoroutes est répercutée sur les tarifs ?

La commission rejette l'amendement CF4.

Amendement CF2 de Mme Christine Pires Beaune

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Nous proposons d'abroger le 11° de l'article L. 112‑3 du code monétaire et financier afin de permettre aux pouvoirs publics de mieux contrôler le rythme et l'ampleur des augmentations des tarifs des péages, de manière à mieux équilibrer les intérêts financiers des usagers et ceux des concessionnaires, le tout en cohérence avec la profitabilité théorique des contrats telle qu'elle fut établie au moment de leur conclusion.

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Avis favorable.

L'une des grandes raisons de la rentabilité exceptionnelle des SCA est, comme l'ont souligné l'Autorité de la concurrence, la Cour des comptes et le Sénat, que les tarifs des péages progressent au moins au même rythme que l'inflation ; il faut mettre un terme à cette situation.

La commission rejette l'amendement CF2.

Amendement CF1 de Mme Christine Pires Beaune

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Il vise à inscrire dans la loi la communication au Parlement par le Gouvernement d'un rapport étudiant l'exercice par l'ART de ses compétences relatives aux conditions de l'exploitation du réseau autoroutier par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, ainsi que les effets de cet exercice sur l'économie des concessions et la qualité du service rendu.

Cela permettrait au législateur d'être mieux informé et, le cas échéant, de modifier les dispositions législatives encadrant les relations contractuelles entre l'État concédant et les concessionnaires.

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Avis favorable.

L'ART exerce cinq missions vis-à-vis des SCA : elle doit être consultée sur les projets de contrats de concession et d'avenants lorsqu'ils ont une incidence sur les tarifs des péages ou sur la durée de la concession ; effectuer un suivi économique et financier du secteur ; contrôler la passation des marchés par les SCA et le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ; contrôler les contrats des installations annexes à caractère commercial, avec une modération tarifaire pour la distribution de carburants ; enfin, suivre le système européen de télépéage.

Il est malaisé de dire si les contrôles effectués par l'ART ont entraîné des changements dans les relations entre le concédant – l'État – et les SCA : ni les travaux du Sénat ni les auditions que j'ai menées ne permettent de conclure en un sens positif pour les comptes publics et le portefeuille des usagers. Je suis donc favorable à la remise d'un rapport à ce sujet ; cet amendement pourrait faire consensus.

La commission rejette l'amendement CF1.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté.

Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 5 janvier à 9 heures 30

Présents. - M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bricout, M. Fabrice Brun, M. Alain Bruneel, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Benjamin Dirx, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Brahim Hammouche, M. Patrick Hetzel, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Mohamed Laqhila, Mme Frédérique Lardet, M. Michel Lauzzana, Mme Patricia Lemoine, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Cendra Motin, M. Christophe Naegelen, M. Xavier Paluszkiewicz, Mme Zivka Park, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, M. François Pupponi, M. Robin Reda, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Xavier Roseren, Mme Claudia Rouaux, M. Laurent Saint-Martin, Mme Bénédicte Taurine, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Damien Abad, Mme Émilie Bonnivard, Mme Anne-Laure Cattelot, Mme Dominique David, Mme Jennifer De Temmerman, M. Alexandre Holroyd, M. Marc Le Fur, Mme Christine Pires Beaune, Mme Valérie Rabault, M. Olivier Serva

Assistait également à la réunion. - M. François Ruffin