Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 8 décembre 2021 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 8 décembre 2021

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission et de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Présidente de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La séance est ouverte à 18 h 03.

I. Audition, conjointe avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, de M. Frans Timmermans

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Nous recevons aujourd'hui M. Frans Timmermans, vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du Pacte vert pour l'Europe. Je le remercie vivement d'avoir accepté de participer au présent échange avec les députés français membres de la commission des affaires européennes et de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et de députés français du Parlement européen.

L'Europe se situe aux avant-postes de la lutte contre le réchauffement climatique. Le Pacte vert a été présenté en 2019 et, dès le mois de juin 2021, la loi européenne sur le climat a été adoptée. Celle-ci fixe, pour l'Union européenne, un objectif général de neutralité climatique d'ici 2050, ainsi qu'un objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Il s'agit là de jalons essentiels pour parvenir à la décarbonation de l'économie européenne. L'enjeu, à l'heure actuelle, est de se doter des moyens d'atteindre ces objectifs particulièrement ambitieux.

Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a présenté le paquet législatif « Fit for 55 ». Afin de parvenir à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2030, plusieurs leviers ont été identifiés, tels que l'instauration d'un nouveau marché européen du carbone concernant les émissions du transport routier et des bâtiments, la création d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, la refonte de la fiscalité de l'énergie ou encore la promotion des énergies renouvelables.

Toutefois, un point d'achoppement subsiste à propos du mix énergétique. En particulier, le sort réservé à l'énergie nucléaire au sein de la taxonomie verte est source de préoccupation. Huit pays membres de l'Union européenne, dont la France, plaident pour que ladite taxonomie intègre les activités nucléaires. En dépit de quelques avancées, cette question demeure clivante. Quelle est la position de la Commission européenne sur le sujet ?

Par ailleurs, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est-il compatible avec les règles fixées par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ?

Enfin, pourriez-vous préciser le calendrier d'adoption du paquet « Fit for 55 » ?

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Je me réjouis de la tenue de cette audition conjointe avec la commission des affaires européennes. Elle est l'occasion, pour la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, d'évoquer, au-delà du paquet « Fit for 55 », les grands enjeux de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, qui débutera d'ici quelques semaines. La Commission européenne a montré l'importance qu'elle attache à la lutte contre le changement climatique. Pour notre part, nous sommes convaincus de l'urgence à agir. C'est pourquoi, au cours de cette législature, notre assemblée a voté de nombreux textes visant à acter les progrès en la matière, tels que la loi « climat et résilience », dont l'adoption a été la conséquence d'une initiative originale, la Convention citoyenne pour le climat (CCC).

La France s'inscrit, bien entendu, dans le cadre tracé par la Commission européenne. Il nous faut atteindre l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050. Naturellement, nous souscrivons aussi à l'objectif intermédiaire de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. L'Union européenne doit donner l'exemple si elle veut entraîner le reste du monde et étendre son influence au-delà de ses frontières.

Nous faisons face à un défi majeur, qui implique une transition écologique profonde. Il convient donc de mobiliser à la fois les citoyens, les acteurs économiques et les pouvoirs publics. La marche est haute. Un important travail de négociations devra être mené, de même qu'un travail de conviction car, in fine, ce sont les modèles économiques et les chaînes de valeur que nous devrons revoir ; les modes de vie et les emplois en sortiront profondément transformés. L'ampleur du paquet « Fit for 55 » en témoigne puisque tous les secteurs sont concernés : industrie, transport, bâtiment, agriculture, forêt. C'est avec un grand intérêt que nous vous écouterons présenter vos principales propositions.

Enfin, il faut réfléchir aux mesures d'accompagnement à même de rendre cette transformation acceptable par tous car l'adhésion des acteurs est la condition de son succès. Pour être pleinement efficace, la transition envisagée doit être crédible, donc réaliste, solidaire et juste – notre commission y tient particulièrement. Eu égard à ces considérations, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières apparaît comme un outil intéressant.

Comment envisagez-vous les négociations en la matière ? Quelles autres pistes la Commission européenne pourrait-elle étudier en vue d'accompagner et d'amplifier la transition vers la neutralité climatique, en s'assurant de sa soutenabilité pour tous ?

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Frans Timmermans, Vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du Pacte vert pour l'Europe

Cette audition me donne l'occasion d'expliquer le travail accompli par la Commission européenne au seuil de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, laquelle revêt à nos yeux une importance majeure. Nous n'avons pas de temps à perdre. Votre pays est convaincu de la nécessité de cibler tant la crise climatique que l'écocide qui nous menace.

Le plan que nous avons mis au point est issu d'une évaluation économique détaillée. Il est notamment fondé sur plusieurs outils de modélisation qui nous fournissent des informations précises sur les niveaux d'émissions de gaz à effet de serre produits par l'ensemble des secteurs de l'économie. Ainsi, nous avons pu déterminer le potentiel d'atténuation de chaque secteur, en tenant compte du fait que certains d'entre eux peuvent, plus rapidement que d'autres, réduire leurs émissions. Il apparaît dès lors que les secteurs couverts par le système communautaire d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne (SCEQE-UE), tels que le secteur de l'électricité, seront capables de réduire leurs émissions de 61 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. En revanche, les secteurs soumis au règlement sur la répartition de l'effort (RRE) – transport routier, construction, agriculture – ne seront en mesure de réduire leurs émissions que de 40 % au même horizon.

Au sein du Conseil, les discussions les plus avancées portent sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et sur l'initiative ReFuelEU Aviation. Il y a eu également de bonnes avancées en matière d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique. Du côté du Parlement européen, les progrès ont été plus lents ; la répartition des travaux entre les commissions n'a été finalisée que le 20 octobre dernier. Gardez à l'esprit que des liens étroits existent entre les différents éléments du paquet « Fit for 55 », qu'il conviendra de faire évoluer parallèlement.

La présidence slovène a fait du bon travail pour lancer les discussions. Toutefois, la majorité des efforts pour parvenir à une approche généralisée de l'ensemble du paquet devra être accomplie durant la présidence française. Avant que celle-ci n'arrive à son terme, nous espérons que le Conseil et le Parlement pourront finaliser leur position.

J'en viens au nucléaire. En tant que source d'énergie bas-carbone, il aura son rôle à jouer dans la transition et continuera de faire partie du mix énergétique européen. Cela ne fait que refléter les choix des États membres : certains d'entre eux sont particulièrement favorables au nucléaire, d'autres ne veulent pas y recourir. Quoi qu'il en soit, l'exploitation de cette énergie relève d'un choix souverain. La question qui m'a été posée sur la taxonomie verte est plus spécifique. Comment classer les investissements ? La taxonomie est un outil de transparence pour le marché de la finance durable. Elle servira de référence, notamment pour l'application du standard européen pour les obligations vertes, proposé par la Commission. Le nucléaire, en tant que tel, n'émet aucun gaz à effet de serre. Pour autant, il ne peut être considéré comme une énergie strictement verte, le stockage des déchets ayant un impact sur l'environnement.

En avril dernier, la Commission a présenté une liste des secteurs éligibles aux investissements verts, parmi lesquels ne figuraient pas encore le nucléaire et le gaz naturel. Concernant ces énergies, une décision sera prise avant la fin de l'année. La taxonomie n'a qu'un seul objectif, celui de garantir la transparence aux épargnants et aux investisseurs qui souhaitent voir leur argent contribuer utilement à la réalisation des objectifs environnementaux. Encore une fois, le choix de recourir au nucléaire relève uniquement de la volonté des États membres ; la Commission soutiendra ceux qui le font. Ce n'est pas sur cette question que porte le débat de la taxonomie, lequel est, en fin de compte, plus spécifique.

Les négociations qui se sont tenues dernièrement à Glasgow ont montré que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières fonctionne déjà, alors qu'aucune décision formelle n'a été prise quant à son utilisation. Le monde a réagi : la Turquie, qui a ratifié l'accord de Paris, a ouvertement déclaré souhaiter ne pas être touchée par ce mécanisme ; la Russie s'est exprimée dans le même sens ; les États-Unis ont dit vouloir trouver avec l'Union européenne un chemin permettant d'éviter une concurrence fondée sur des produits qui n'ont pas été rendus plus durables. Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est essentiel non seulement pour assurer la promotion des intérêts de l'industrie européenne, mais aussi pour pousser les autres pays du monde à aller dans notre direction, c'est-à-dire à décarboner leur industrie en mettant un prix sur le carbone.

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Nous partageons tous, ici, ce combat en faveur de l'écologie et du développement durable, à l'échelon national comme européen. Cette audition nous donne l'occasion de vous communiquer notre vision, mais aussi nos attentes. Avec le paquet « Fit for 55 », l'Europe se dote d'objectifs forts : atteindre la neutralité climatique en 2050 et réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % en 2030. Nous nous réjouissons d'ailleurs que ces objectifs reprennent un certain nombre de priorités françaises, dont le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

J'ai une affection particulière pour le secteur du transport, qui se trouve être visé par ce paquet. Toutefois, certains éléments ne me semblent pas suffisamment pris en compte dans le cadre de la stratégie européenne. Je regrette que le transport public, notamment, ne soit pas davantage sollicité. Comptant parmi les solutions les plus respectueuses de l'environnement, il joue pourtant un rôle majeur dans la transition écologique. À cet égard, le report modal apparaît comme l'un des outils les plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, au travers de la multiplication des solutions de transports publics, urbains comme ruraux.

De toute évidence, il est question de modifier les habitudes. Mais, au-delà, nous devons rendre la transition effective en apportant des solutions au quotidien, partout et pour tous. En dépit du principe de subsidiarité, comment pensez-vous inclure davantage le secteur du transport et son développement au sein de la stratégie européenne ?

Il existe des solutions pour verdir nos parcs, telles que le rétrofit, procédé qui consiste à remplacer les moteurs thermiques des bus et des véhicules légers par des moteurs électriques. Je pense que cette innovation nécessite un accompagnement européen de plus grande ampleur, tant au plan technique que financier. D'ailleurs, envisagez-vous une homologation européenne dans le cadre de la révision de la directive 96/53/CE fixant, pour certains véhicules routiers circulant dans la Communauté, les dimensions maximales autorisées en trafic national et international et les poids maximaux autorisés en trafic international, dite directive « poids et dimensions » ?

Si le paquet « Fit for 55 » prévoit de modifier et de renforcer les directives et les règlements relatifs aux émissions de gaz à effet de serre causées par les transports, la neutralité technologique doit rester la clé de voûte de notre action. Une approche « du puits à la roue » assurerait une prise en compte globale des émissions polluantes et une plus grande liberté technologique, tout en conservant des objectifs environnementaux ambitieux. Quels seraient les freins à sa mise en place ?

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Les exploitants de transports publics appellent à une révision de la directive 2003/96/CE restructurant le système européen de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, de sorte que leur secteur soit éligible à des exonérations ou des incitations fiscales pour le développement de projets durables incluant des solutions à faibles émissions ou à zéro émission. Quelles sont les orientations prises en la matière ?

En outre, la révision de la directive 2014/94/UE sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs est l'occasion de s'assurer que les points de recharge et de ravitaillement sont disponibles en nombre suffisant sur les routes. Quelles sont, à cet égard, les incitations que l'Union européenne entend mettre en œuvre en direction des États membres ?

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En juillet dernier, la Commission européenne a annoncé un plan climatique d'ampleur au travers du paquet « Fit for 55 ». Cet ensemble législatif est ambitieux et plutôt complet, bien que l'on puisse dénombrer quelques manques. Ainsi, nous déplorons qu'il ne mette pas davantage l'accent sur l'utilisation des biocarburants dans le secteur de l'aviation et qu'il n'engage pas de réflexion sur la modération de l'avion comme moyen de déplacement. La transition, telle qu'elle est proposée, est fondée sur un modèle de croissance traditionnel, sans que soit envisagé un modèle plus sobre.

Reste que les propositions les plus importantes sont souhaitables, voire indispensables. Je pense notamment au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières – il représente un changement culturel majeur en Europe et une avancée diplomatique réelle – et aux réformes visant les transports, dont la décarbonation est urgente. Avec l'objectif de ne vendre que des véhicules neufs neutres en carbone à compter de 2035, l'Union européenne prend une mesure décisive pour réduire les émissions des ménages. Cela fait plusieurs années que notre groupe défend une politique du même tenant pour la France.

Les discussions au Parlement européen et les négociations entre États membres sont toujours pendantes. Quelques secteurs, comme l'automobile, continuent de manifester des résistances. C'est vrai aussi de certains États. La France, entre autres, a manifesté sa réserve sur les propositions relatives aux transports. La mise en œuvre de l'obligation de neutralité carbone des véhicules, prévue pour 2035, pourrait ainsi être décalée.

Les ambitions du paquet « Fit for 55 » risquent-elles d'être amoindries au cours des négociations ? Comment éviter que les propositions émises ne finissent grevées d'exemptions ? Comment la Commission compte-t-elle inciter les États membres à prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs du paquet ?

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Nous vivons une époque vraiment fantastique ; à nous de savoir en faire quelque chose. Nous sommes, si j'ose dire, en train de passer du Moyen Âge à la Renaissance. Le paquet « Fit for 55 », le plan de relance européen et le plan de relance français nous donnent des trajectoires. Vous avez raison, madame Jourdan, nous devrons sans doute nous efforcer de prendre un peu moins l'avion.

Aujourd'hui, je me suis rendu au Nautic 2021, le Salon nautique international de Paris, où j'accompagnais deux ministres qui ont signé un plan de relance maritime tenant compte de divers enjeux, tels que la décarbonation, l'utilisation de l'hydrogène ou la souveraineté. Je voulais vous dire tout le bonheur que j'ai de voir naître les projets français. Ce matin, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2022, un amendement capital relatif à l'emploi de la propulsion vélique auxiliaire – elle consiste à exploiter le vent comme source d'énergie – a été défendu. Notre assemblée a même adopté un amendement portant sur l'accompagnement des quelque 50°000 navires de commerce. La France a un vrai savoir-faire dans l'utilisation énergétique du vent : tirons-en parti.

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Mon groupe et moi-même nous réjouissons de la présentation de ce paquet. En plus d'accélérer la transition écologique, il fera de l'Union européenne une pionnière, un espace d'exemplarité. Il donnera, je l'espère, un récit partagé de la transition écologique. Je tiens également à exprimer notre enthousiasme concernant la future présidence française du Conseil de l'Union européenne. Elle sera l'occasion, pour nous Français, d'apporter notre pierre à l'édifice européen.

Quel est l'état des discussions sur l'intégration du transport routier au marché carbone ? Quelle est, sur ce sujet, la position des États membres ? À l'instar de mon collègue M. Damien Pichereau, j'estime que l'intégration du report modal dans les mesures proposées est essentielle. Réfléchissez-vous à décliner le marché carbone aux échelles infranationale et régionale ? Cela permettrait d'embarquer les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les petites et moyennes entreprises (PME) et d'ancrer ce marché dans des territoires bien identifiés.

En outre, qu'est-il prévu pour le captage et le stockage du carbone ? Quid de la rémunération des agriculteurs ? Comment réussir le défi de changer, au-delà des chaînes de valeur, la comptabilité même des entreprises, pour y intégrer la comptabilité du carbone, de façon à accélérer la décarbonation de notre économie ?

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J'appelle votre attention sur le financement de la transition écologique. L'exclusion des financements en faveur de la transition écologique du calcul des règles prescrivant le maintien du déficit et de la dette publics respectivement en dessous de 3 % et de 60 % du PIB est nécessaire a minima. De manière générale, mon groupe est favorable à une remise en cause de ces règles et à un financement plus important de l'Union européenne et des États membres dans ce domaine.

Le marché carbone est l'un des leviers principaux de l'Union européenne, mais son bilan, pour l'heure, est plus que mitigé. D'un point de vue philosophique, le fait de donner un prix à la nature, comme si elle relevait de la logique du marché, n'est pas le meilleur moyen pour faire face au changement climatique. Certes, une réforme de l'octroi des quotas est en cours, mais les modalités envisagées jusqu'à présent ne nous semblent pas suffisamment efficientes.

Enfin, je tiens à relayer les interpellations de la Fondation Abbé-Pierre concernant la création d'un système d'échange de quotas d'émissions applicable aux bâtiments qui, en taxant les énergies de chauffage, entraînerait mécaniquement une hausse des factures pour les consommateurs. En Europe, 55 millions de personnes souffrent de précarité énergétique. Nous craignons que ce système fragilise le budget d'un grand nombre de ménages – il risque même de faire basculer des millions d'individus dans la pauvreté – et oppose la nécessité de la transition écologique avec l'enjeu de solidarité. Dès lors, comment protéger les ménages les plus précaires ?

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Frans Timmermans, Vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du Pacte vert pour l'Europe

Je veux, avant de vous répondre, dire combien je suis reconnaissant à la langue française, celle-là même qui m'a fait connaître Camus, Hugo, de Funès, Bécaud et Aznavour. Elle m'a donné à voir tout ce qui fonde la richesse de votre pays et qui n'est pas perdu, qui continue à croître et à susciter l'admiration du monde – ne l'oubliez pas. Je le dis en tant qu'étranger qui a eu la bonne fortune de pouvoir vivre et étudier dans votre pays. J'ai compris à quel point la France tenait lieu d'exemple pour le monde entier.

Les transports représentent un enjeu considérable. Les émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur augmentent au lieu de diminuer ; nous sommes donc confrontés au défi supplémentaire de l'aider à réduire ses émissions. Cela commence par la généralisation des transports en commun, qui appelle des investissements. Tous les projets des États membres destinés à construire l'après-covid comprennent des mesures dans ce domaine. Le plan de relance pour l'Europe et les projets de reconstruction doivent opérer main dans la main avec le Pacte vert. Nous devons veiller à réaliser les investissements adéquats dans les transports en commun. Les villes, surtout, ont besoin de transports complètement neutres – et il est possible de les mettre au point.

La fiscalité a certainement un rôle à jouer. Les gouvernements nationaux, dont celui de la France, ont les moyens d'agir ; pour ma part, je me tiens à votre disposition pour étudier cette question à l'échelle européenne. Les revenus tirés du système communautaire d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne – son prix actuel s'établit à plus de 85 euros par tonne – permettent non seulement d'encourager la transition des transports, notamment celle des transports en commun, mais aussi de stimuler le marché des véhicules à faibles émissions ou à zéro émission.

La Commission européenne assume une position de neutralité technologique. Concernant l'objectif de neutralité carbone des véhicules à l'horizon 2035, le choix technologique appartient à l'industrie automobile. Celle-ci a remarquablement évolué ces dernières années, toujours dans la même direction. L'industrie automobile européenne, essentielle à l'emploi d'un grand nombre de nos concitoyens, a enfin l'occasion de prendre de l'avance, elle qui est restée un temps en retard par rapport aux industries automobiles asiatique et américaine. En transformant notre industrie automobile, grâce au développement des nouvelles technologies et à l'usage des batteries, nous avons la possibilité de montrer combien elle est performante et indispensable à l'Europe.

Quant au marché carbone, il fonctionne très bien dans l'industrie. Pourquoi avons-nous choisi de créer un marché pour les transports et le bâtiment ? Si l'on fait peser l'obligation sur les producteurs d'énergie, il est possible que ces derniers reportent le fardeau sur les consommateurs. Toutefois, et nous en avons fait l'expérience dans d'autres domaines, ils s'efforceront également de réduire les coûts pour eux-mêmes ; cette logique va donc dans le bon sens. Le Fonds social pour le climat, alimenté par les recettes du marché carbone, a été évalué à 70 milliards d'euros. Mises à la disposition des États membres, ces recettes permettraient d'éviter le risque de la pauvreté énergétique, de soutenir la transition énergétique des bâtiments et de favoriser la mobilité zéro émission des citoyens. Le marché carbone est aussi une chance pour les PME, puisqu'elles font partie de l'écosystème industriel de l'automobile et de l'énergie. Du reste, il reviendra aux États membres de faire chacun leurs choix, leurs situations n'étant pas toujours comparables.

La semaine prochaine, nous présenterons une proposition portant réglementation du calcul du stockage de carbone. Le système, pour qu'il puisse fonctionner, doit être fondé sur une méthode de calcul fiable et acceptable par tous les acteurs qui opèrent au sein du marché. Le secteur agricole a l'occasion de jouer un rôle en ce domaine, dont les règles doivent être contrôlables.

Vous m'avez interpellé sur le financement de la transition écologique et sur le calcul des règles budgétaires européennes. Le niveau d'investissements requis pour la transition est considérable : nous n'avions jamais connu la nécessité d'investir de telles sommes dans un temps si contraint ! Les règles du traité de Maastricht sont désormais anciennes ; le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont été créés pour le monde de 1945, qui a depuis disparu. Nous devons donc donner à ces institutions les instruments qui leur permettront d'affronter les enjeux d'aujourd'hui. Le fait de mobiliser un capital énorme dans une période limitée remet en cause l'application des règles européennes de concurrence, ainsi que la réglementation des aides d'État. La Commission a d'ailleurs indiqué comment celles-ci pourraient être appliquées de manière différente. Du reste, le débat sur l'ingérence économique se poursuivra ; il évoluera probablement vers la facilitation d'un niveau d'investissements bien plus élevé que prévu.

Enfin, concernant la pauvreté énergétique, nous devons donner la possibilité aux États membres de compenser, au profit des citoyens, les coûts inévitables de la transition énergétique. L'éternelle question politique est celle de la redistribution des moyens que nous avons en commun. De ce point de vue, les choix faits à l'échelon européen doivent permettre aux États membres non seulement de compenser les coûts de la transition, si cela est nécessaire, mais aussi de stimuler la transition énergétique et industrielle.

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Nous vous remercions, monsieur le vice-président, pour vos aimables paroles à l'endroit de la France. Nous vous félicitons pour votre maîtrise du français ; c'est un plaisir que de vous entendre parler notre langue.

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Député de la Dordogne, j'ai le plaisir d'être le fondateur et le coprésident du groupe d'études sur l'hydrogène. La France a inscrit en deux temps un budget de 10 milliards d'euros consacré à l'hydrogène renouvelable, dont la valeur énergétique nous permettra d'atteindre plus sûrement l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050. Les subventions allouées aux énergies fossiles constituent un sujet clivant, comme l'ont démontré les récentes négociations de la COP26. D'aucuns soutiennent que ces milliards d'euros dédiés à l'hydrogène pourraient être réalloués aux énergies renouvelables, dont on a fortement besoin pour faire baisser le prix de l'hydrogène.

Parmi les ambitieuses propositions du paquet « Fit for 55 », quelles mesures sont susceptibles de financer la recherche et la formation pour la maîtrise des compétences liées à la filière hydrogène ? Celle-ci fait apparaître quatre-vingt-cinq métiers, dont dix-sept sont déjà en tension. Puisque vous aimez la langue française, monsieur le vice-président, voici une citation d'Albert Camus qui vous plaira : « Ce qui est possible mérite d'avoir sa chance. »

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Je travaille actuellement sur un rapport relatif à la politique commerciale de l'Union européenne. Je m'intéresse en particulier aux synergies entre l'action climatique de l'Union et la politique commerciale commune. C'est à ce titre que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières jouera un rôle spécifique. D'une part, il aura pour objectif de renforcer la diffusion des normes environnementales dans le monde, grâce aux mesures commerciales ; d'autre part, il servira de protection pour nos entreprises face au dumping environnemental.

À l'approche de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, quelles sont les attentes de la Commission vis-à-vis de notre pays pour faire avancer les choses dans ce domaine ? Au-delà du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, quels autres moyens pourraient être introduits dans le but de verdir la politique commerciale, notamment pour réduire la déforestation importée et les fuites de carbone ?

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Je partage complètement la foi et l'espérance de mon collègue M. Jimmy Pahun, mais il n'y a pas de Renaissance sans cohérence. Nous souhaitons tous que le Pacte vert puisse être réalisé. Je m'interroge toutefois sur la menace qui pèse sur notre souveraineté industrielle et technologique concernant la maîtrise du cycle de l'eau. L'entreprise française Saint-Gobain PAM, acteur historique, est menacée par un effet de dumping causé par les activités d'un groupe industriel indien, mettant en péril la continuité de notre savoir-faire en Europe. J'ai déjà interpellé le commissaire M. Thierry Breton mais, puisqu'il est question de changement climatique et de normes alimentaires, je souhaitais aussi appeler votre attention sur ce problème transversal.

Je voudrais dire un mot des politiques agricoles. Le rôle des sols dans la lutte contre le changement climatique est désormais bien documenté ; la prise de conscience a été nationale et européenne. Toutefois, la renationalisation des politiques agricoles a conduit à renoncer à toute forme de limitation des aides octroyées au titre de la politique agricole commune (PAC), ce qui favorise considérablement l'agrandissement. Or celui-ci se traduit toujours par la dégradation des systèmes agricoles qui, à leur tour, dégradent les sols – il y a là une forme d'incohérence.

Enfin, votre collègue M. Thierry Breton a reporté de plusieurs mois la publication d'une directive très attendue sur le devoir de vigilance. Cela n'a de cesse d'inquiéter la France, elle qui avait de fortes ambitions en la matière, partagées par tous les parlementaires ici présents.

La transition écologique ne peut pas être seulement nationale ni uniquement européenne : elle est forcément mondiale. Au travers du paquet « Fit for 55 », la Commission dispose d'un instrument pour porter la voix de l'Europe, une Europe qui refuse les écocides comme d'importer les produits issus du travail des enfants.

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La transition écologique ne pourra s'effectuer sans un accompagnement social fort. Le mécanisme pour une transition juste (MTJ), doté de 55 milliards d'euros sur la période 2021-2027, pose les jalons d'une Europe solidaire qui soutient les régions les plus affectées par les changements à venir. Quelles sont les priorités poursuivies au travers de ce mécanisme ? Le financement prévu est-il à la hauteur des ambitions affichées ?

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Le traité sur la charte de l'énergie protège les investissements privés dans les énergies, y compris dans les énergies fossiles, contre les décisions politiques qui leur sont défavorables. Les États manifestant la volonté de mettre fin à l'exploitation des énergies fossiles risquent d'être poursuivis en justice par des entreprises privées et se trouver redevables de pénalités lourdes. Ce traité est manifestement incompatible avec les ambitions actuelles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pensez-vous que les pays européens sont prêts à en sortir ? L'Union européenne pourrait-elle les y encourager ?

Par ailleurs, le secteur du bâtiment est responsable de 36 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe. Nous avons l'ambition de rénover 75 % du parc européen dans les meilleurs délais ; tous les pays européens partagent le constat qu'il s'agit là d'une priorité. Nous avons investi massivement pour accompagner les ménages dans la réalisation de leurs travaux. Même si la France fait preuve d'un grand volontarisme en la matière, on peut s'interroger sur la main-d'œuvre disponible et sur la capacité des filières à faire face à la demande. L'Union européenne s'est-elle suffisamment saisie de la question de la transformation des compétences et de l'accompagnement de la montée en charge des filières, qu'il s'agisse de la main-d'œuvre ou des équipements ?

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Récemment, la commission des affaires européennes a adopté un projet de rapport sur la stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente, que M. Damien Pichereau et moi-même avions présenté. Selon nous, il convient de faire correspondre les moyens que nous devons mobiliser avec les objectifs du Pacte vert, lesquels nécessitent un niveau d'investissements plus élevé que prévu. Les coûts supportés par les consommateurs doivent être aussi neutres que possible pour les plus modestes d'entre eux, pour une raison d'acceptabilité sociale.

La neutralité carbone de 100 % des véhicules neufs mis sur le marché doit être atteinte d'ici treize ans seulement. Une phase intermédiaire, consistant par exemple en un objectif de diversification des motorisations par constructeur de l'ordre de 50 % en 2030, ne serait-elle pas nécessaire ? Plusieurs solutions peuvent être envisagées, d'autant qu'il existe en Europe une variabilité des marchés.

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L'instauration d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières est une bonne initiative pour réguler la concurrence avec les pays exportateurs ; ce système est plus juste à la fois pour nos entreprises et pour la planète. Cette semaine, j'ai réuni plusieurs acteurs économiques de ma circonscription pour discuter des enjeux européens. Lors de cette réunion, un directeur d'une entreprise agroalimentaire a exprimé les problèmes que suscitent les objectifs du Pacte vert pour l'application des règles imposées aux producteurs. Les contrôles sur les importations demeurent trop faibles et il est difficile de demander des efforts à nos producteurs si nous ne leur assurons pas les conditions d'une concurrence loyale.

Le mécanisme d'ajustement carbone apporte une réponse, en complément de la montée en puissance des clauses miroirs, mais il est complexe et les conditions de son application posent question. Comment mesurer précisément les pollutions importées ? Ce n'est pas chose aisée… Dans ce contexte, les termes de ce dispositif ont-ils été arrêtés ? Le juste équilibre entre le coût de sa mise en œuvre et son niveau d'efficacité a-t-il été trouvé ?

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Par la loi d'orientation des mobilités de 2019, dite « LOM », la France a scellé la fin de la vente des véhicules propulsés aux énergies fossiles d'ici 2040 au plus tard. Cette approche est parfaitement en ligne avec les objectifs de la loi européenne sur le climat. Pourquoi, dans le cadre de la révision des règlements sur les émissions de CO2, contraindre les constructeurs automobiles à cesser dès 2035 la production des véhicules thermiques à énergie fossile ou l'utilisant partiellement, comme les véhicules hybrides rechargeables ? Nous devrions nous focaliser non pas sur la motorisation elle-même, mais sur le type d'énergie consommée, en sortant progressivement des énergies fossiles. Il serait regrettable de prendre le risque de se priver des moteurs thermiques à hydrogène, récemment mis au point par l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), et des moteurs au biogaz, solution favorable à nos agriculteurs. De mon point de vue, ces types de motorisation peuvent aisément compléter les systèmes de propulsion électrique, qui s'appuient aussi bien sur les batteries que sur l'hydrogène. Du reste, ces sujets méritent d'être traités au prisme d'une analyse en cycle de vie. Pourriez-vous préciser les ambitions de l'Union européenne sur ce point ?

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Le fret ferroviaire est un sujet qui me passionne. En la matière, la France a défendu une stratégie visant à faire passer la part modale de 9 % à 18 % d'ici 2030, dans le cadre d'une approche européenne. Notre pays souhaite en effet développer des corridors européens permettant d'atteindre l'objectif souhaité. La mise en place d'une stratégie européenne du fret ferroviaire, en travaillant sur les différentes synergies avec les acteurs français, vous paraît-elle opportune ? Assumons, ensemble, cette volonté de faire du fret ferroviaire une priorité de l'Europe !

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Frans Timmermans, Vice-président exécutif de la Commission européenne chargé du Pacte vert pour l'Europe

L'hydrogène jouera un rôle primordial dans la transition énergétique ; l'hydrogène bleu dans un premier temps et, bien sûr, l'hydrogène vert. L'hydrogène s'avère indispensable pour les transports lourds, mais aussi pour stocker l'énergie renouvelable. Le niveau d'énergie produite par les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques n'est pas toujours le même. Il est donc nécessaire de stocker l'énergie. Pour ce faire, nous devons recourir à la fois aux batteries et à l'hydrogène, d'autant que le prix des énergies renouvelables est en baisse : je leur prédis un futur favorable. Bientôt, en Europe, nous produirons de l'acier vert grâce à l'hydrogène. Voilà qui sera déterminant pour assurer notre autonomie industrielle et qui aura, in fine, une influence considérable sur les marchés mondiaux. Je ne saurais trop insister sur l'importance de l'hydrogène, même si beaucoup d'autres technologies restent à développer. À cet égard, le fonds Horizon Europe nous permet de réaliser des investissements et la recherche semble très prometteuse.

Concernant la politique commerciale, la Commission a quelque peu modifié son attitude, aidée en cela par certaines conclusions de la COP26. Il y a quinze jours, nous avons présenté une stratégie contre la déforestation en rupture radicale avec la tradition commerciale qui était la nôtre. Nous sommes en train de mobiliser notre politique commerciale pour assurer que les contraintes que l'on imposera à la production européenne seront aussi appliquées aux produits importés. À cette fin, il conviendra sans doute de modifier le mode d'opération de l'OMC. Nous nous y appliquerons avec résolution, car il est important de mettre nos relations commerciales sur la piste de l'économie soutenable. Nous ne sommes qu'au début de la révision de notre politique commerciale, mais nous avons déjà opéré certains changements. Je vois bien que certains pays du monde souhaitent aller dans la même direction que nous, mais ils ne veulent pas forcément agir à la même vitesse. Il faudra donc stimuler le développement à l'étranger et protéger les intérêts de l'industrie européenne dans beaucoup de domaines, tels que l'agriculture.

J'ignorais la menace que font peser les activités indiennes sur la maîtrise du cycle de l'eau, monsieur Potier ; je vous adresserai une réponse écrite.

Quant à la PAC, elle a été réorientée dans la bonne direction. Pour ma part, j'aurais souhaité aller beaucoup plus loin. À vrai dire, je me demande si les intérêts des petites entreprises agricoles sont considérés comme il se doit ; c'est surtout l'industrie agricole qui est prise en compte. Cette question doit se poser en France, je le dis sans réserve. Il faudra bien, un jour ou l'autre, que l'on se concentre sur la situation sociale et économique des individus qui travaillent la terre et exploitent des fermes, plutôt que de se préoccuper du grand agglomérat agricole. Bref, il est encore besoin de réorienter nos politiques dans ce domaine. La France a l'occasion de le faire dès à présent, alors qu'elle doit soumettre à la Commission européenne son plan national avant la fin de l'année. Avons-nous un devoir de vigilance ? Bien entendu ! Cela fait partie de nos relations commerciales avec le monde extérieur.

La transition sera sociale ou ne sera pas. Nous devrons convaincre nos citoyens qu'aucun d'entre eux ne sera abandonné. Comme toujours, les choses seront plus difficiles pour certains que pour d'autres. Nous devons montrer, dès maintenant, par des actions concrètes, que nous avons le souci du social. À défaut, les citoyens préféreront demeurer dans la situation actuelle plutôt que d'entamer une trajectoire qu'ils considèrent déjà suffisamment difficile et qui présentera des intérêts non pas pour eux, mais seulement pour les autres.

Nous devons être convaincants, prouver in concreto que cette transition est juste, qu'elle évite la pauvreté énergétique et l'écroulement de certaines industries. Face à cette transformation fondamentale, nous devrons accompagner non seulement les industries, mais aussi les travailleurs, en développant de nouvelles compétences et de nouveaux emplois. Si pénurie il y a, elle affectera non pas les emplois, mais plutôt les individus susceptibles de les occuper. Un effort collectif sera indispensable aux échelons européens, national, régional et local.

En outre, il est inconcevable d'accomplir cette transition sans revoir les principes du traité sur la charte de l'énergie ; la Commission fera tout son possible pour en convaincre les États membres. Le bâtiment est d'une importance capitale. La réduction de l'utilisation de l'énergie ne correspond qu'à 50 % de nos besoins. Nous avons donc tout intérêt à investir dans le bâtiment. Cela créerait immédiatement des emplois locaux et conduirait à une innovation technologique d'ampleur. Ce serait montrer des résultats concrets à court terme, qui présentent aussi des effets à long terme sur le coût énergétique du bâtiment. Quant à la main-d'œuvre, elle disposera de nouvelles perspectives. Le bâtiment et les énergies renouvelables représentent aussi une chance considérable pour les PME dans l'Union européenne.

L'horizon 2035 n'est presque plus contesté dans l'industrie automobile. Les constructeurs coopèrent sans difficulté ; tous savent qu'ils doivent emprunter le chemin de la décarbonation. Les voitures électriques sont pour le moment coûteuses. Toutefois, si Bloomberg a vu juste dans ses prévisions, elles seront, d'ici cinq à six ans, moins chères que les voitures thermiques. Je suis certain que l'industrie automobile assurera l'électrification des nouveaux véhicules, du moins en ce qui concerne les voitures et les camionnettes. Pour les poids lourds, c'est une tout autre histoire. Reste que l'hydrogène aura son rôle à jouer, qu'il soit intégré aux moteurs thermiques ou qu'il serve à la constitution de cellules d'énergie.

Je suis bien plus positif sur l'attitude de l'industrie automobile qu'il y a deux ans : le cycle a changé ! Allez discuter avec les représentants du secteur, comme nous le faisons, vous verrez qu'ils ont compris la nécessité d'aller dans cette direction – il y va de leur intérêt propre ! L'horizon 2035 n'est pas un choix irréfléchi, certains constructeurs seront prêts bien plus tôt !

Enfin, le fret ferroviaire jouera un rôle déterminant ; à nous de réaliser les investissements nécessaires. Le développement des chemins de fer se heurte toutefois à la question transfrontalière. Pour une raison ou une autre, les pays membres de l'Union européenne ne voient pas plus loin que leurs frontières et ne font pas l'effort de créer un réseau transeuropéen digne de ce nom. La seule manière de convaincre le secteur logistique de recourir davantage au transport ferroviaire, c'est de montrer que le train est compétitif vis-à-vis du secteur routier, notamment en ce qui concerne les économies de temps. Reste que le problème des frontières doit être résolu le plus rapidement possible.

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Nous vous remercions, monsieur le vice-président, d'avoir présenté ces quelques points positifs. Ces sujets étant interdépendants, il convient de les évoquer en même temps ; la politique commerciale, la politique de la concurrence et la réglementation des aides d'État doivent être considérées ensemble avec le Pacte vert.

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Une fois de plus, nous vous félicitons pour votre maîtrise remarquable du français. Nous comptons sur vous pour être exigeant avec les États membres dans le cadre des futures négociations du paquet « Fit for 55 », y compris avec la France. Nous espérons, bien entendu, que notre pays sera à la hauteur des enjeux ; à vrai dire, nous n'en doutons pas une minute et soutenons notre gouvernement.

La séance est levée à 19 h 06.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Maud Gatel, Mme Marietta Karamanli, Mme Martine Leguille-Balloy, Mme Nicole Le Peih, M. Thierry Michels, Mme Danièle Obono, M. Damien Pichereau, M. Didier Quentin, Mme Sabine Thillaye

Excusés. – Mme Frédérique Dumas, Mme Constance Le Grip, Mme Liliana Tanguy

Assistaient également à la réunion. – M. Lionel Causse, M. Paul-André Colombani, M. Michel Delpon, Mme Nadia Essayan, M. Jean-Luc Fugit, Mme Chantal Jourdan, Mme Sandrine Le Feur, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Sophie Métadier, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Jimmy Pahun, M. Patrice Perrot, Mme Valérie Petit, M. Dominique Potier, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Jean-Marie Sermier, M. Sylvain Templier, M. Vincent Thiébaut, M. Jean-Marc Zulesi, M. Christophe Grudler, membre du parlement européen.