Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 15h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 1er décembre 2021

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission et de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Présidente de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La séance est ouverte à 15 h 05.

I. Audition, conjointe avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, de Mme Adina Vălean, commissaire européenne chargée des transports

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'être réunis avec nos collègues de la commission des affaires européennes pour auditionner Mme Adina Vălean, Commissaire européenne chargée des transports.

Madame la Commissaire, je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale, et vous remercie d'avoir accepté notre invitation, qui doit nous permettre de faire un tour d'horizon des grands axes et enjeux de la politique européenne des transports, quelques semaines avant la présidence française de l'Union européenne (PFUE).

Notre assemblée, notamment dans le cadre de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, est très investie sur la question des transports et légifère régulièrement en la matière. Tel a notamment été le cas lors de la transformation profonde de notre système ferroviaire, du fort coup d'accélérateur donné aux mobilités décarbonées et de la récente transposition de diverses directives européennes dans le domaine des transports routier et aérien.

Nous assumons notre fonction de législateur avec une conscience aiguë de la nécessaire décarbonation du secteur des transports, tous modes confondus. L'urgence climatique, malheureusement, n'est plus à démontrer. Une politique efficace de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) impose d'agir par un verdissement des flottes et une transformation des mobilités de voyageurs et du fret.

Nous avons pris des mesures ambitieuses en ce sens, qui s'inscrivent pleinement dans les démarches initiées au niveau européen pour engager la transition écologique dans le secteur des transports : restriction des liaisons aériennes de courte distance s'il existe une solution ferroviaire alternative, grâce à la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, soutien public au verdissement du parc automobile et des flottes de navires, interdiction à terme de la vente des véhicules les plus émetteurs de GES et mise en place de zones à faibles émissions (ZFE) – la liste pourrait être plus longue.

Cette tâche ambitieuse nécessite de la pédagogie et des mesures d'accompagnement social, car cette transformation est loin d'être neutre pour nos concitoyens et pour les acteurs économiques. Elle exige aussi d'adapter les infrastructures de transport, ce qui a un coût. C'est avec un grand intérêt que nous vous écouterons sur ces sujets majeurs pour nos deux commissions.

La semaine prochaine, nous auditionnerons M. Frans Timmermans, premier vice-président exécutif de la Commission européenne, qui présentera le paquet « Fit for 55 ». Nous sommes intéressés par ce que vous pourrez nous dire des grandes mesures qu'il prévoit dans le domaine des transports. Je salue enfin la présence parmi nous de M. Pierre Karleskind, qui préside la commission de la pêche du Parlement européen et siège aussi à la commission des transports et du tourisme.

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Madame la Commissaire, je vous remercie à mon tour d'avoir accepté l'invitation de l'Assemblée nationale.

La commission des affaires européennes est très attentive à la question difficile de la contribution du secteur des transports à la décarbonisation de l'économie. Nos collègues Mme Marietta Karamanli et M. Damien Pichereau ont été chargés d'un rapport d'information sur la stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente. Le premier tome de leur rapport, relatif au secteur routier, a été présenté il y a quelques semaines. Le second, relatif aux secteurs aérien et ferroviaire, sera publié en janvier prochain.

Cette stratégie fixe des objectifs et des échéances ambitieux. Elle prévoit l'adoption de quatre-vingt-deux initiatives législatives, dont certaines, telle celle visant à atteindre l'objectif de cent villes climatiquement neutres à l'horizon 2030, suscitent des interrogations s'agissant de leur réalisme et de leur faisabilité. Pouvez-vous préciser les moyens envisagés pour atteindre cet objectif ? Par ailleurs, un paquet « transports » devrait être annoncé le 14 décembre prochain. Il inclura notamment des mesures relatives à la mobilité urbaine. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

La stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente repose en grande partie sur le report modal vers le rail. Cette ligne est constante dans la politique européenne des transports depuis de nombreuses années. Pourtant, la part de ce report modal n'a pas connu d'augmentation significative. Quels freins identifiez-vous ?

Le paquet « Fit for 55 », présenté le 14 juillet dernier, comporte treize initiatives législatives, dont certaines concernent directement ou indirectement le secteur des transports. Pouvez-vous nous donner un aperçu de l'avancée des négociations ? La création d'un système communautaire d'échange de quotas d'émission de l'UE (SEQE-UE) spécifique aux émissions des carburants du secteur routier et des bâtiments suscite des inquiétudes dans certains États membres.

À titre personnel, j'aimerais vous poser une question sur votre parcours. Vous avez été députée européenne et élue nationale. Nous nous demandons souvent, dans le cadre de la commission des affaires européennes, comment lier les échelons local, national et européen. Nous avons tendance à aborder les questions relatives aux transports et aux mobilités depuis l'un ou l'autre. Il faut lier les points de vue et regarder ce qui se passe chez nous, dans nos circonscriptions. La mienne, qui est largement rurale, connaît de nombreux problèmes en matière de mobilité. Comment faire entendre le message européen à cette échelle ? Comment lier les perspectives et vulgariser les sujets ?

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Adina Vălean, Commissaire européenne chargée des transports

Mesdames, Messieurs les députés, c'est avec plaisir que je prends la parole devant vous. Je prends comme un privilège l'opportunité de vous présenter les perspectives de la politique européenne des transports, à l'aune de l'objectif de décarbonisation du secteur.

Nous devons moderniser notre système de transports afin qu'il contribue à la réduction globale des émissions de l'Union européenne (UE), tire parti des toutes dernières technologies et réponde aux attentes de nos concitoyens, et ce tandis que le secteur des transports se remet de la pandémie de Covid-19. La tâche est énorme, je ne prétendrai pas le contraire.

La stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente illustre notre vision de ce que devrait être la mobilité d'ici à 2050, en fixe les étapes clés et comprend quatre‑vingt-deux mesures concrètes pour y parvenir. Elles nous garantiront de rester sur la bonne voie pour atteindre nos objectifs : réduire les émissions de GES des transports de 90 % d'ici à 2050, renforcer le marché unique et répondre au mieux aux attentes et aux besoins des citoyens et des entreprises européens en matière de mobilité. Ces transitions nécessiteront des adaptations de la part des opérateurs et des employés du secteur des transports. C'est pourquoi nous devrons veiller à fournir des emplois attractifs, offrant de bonnes conditions sociales et des opportunités de formation. Je tiens à remercier Mme Karamanli et M. Pichereau de leur rapport d'information sur notre stratégie, dont le premier tome salue notre approche globale.

Je sais que certains nourrissent des inquiétudes au sujet du réalisme de certains de nos objectifs, mais nous n'avons pas d'autre choix que d'être ambitieux. Les transports constituent un quart des émissions de GES de l'UE. Pour atteindre l'objectif de neutralité climatique de l'UE d'ici à 2050, ils ont un rôle à jouer. La mobilité verte doit être le nouveau permis de croissance du secteur des transports. Malheureusement, il n'y a pas de solution miracle pour le transformer. Parallèlement à leur digitalisation, notre stratégie vise à rendre tous les modes de transport plus durables et à garantir que des solutions alternatives durables seront largement disponibles au sein d'un système de transport multimodal.

À l'heure actuelle, l'essentiel du fret terrestre transporté en Europe emprunte la route. Il suffit de passer quelques heures sur les autoroutes un vendredi après-midi pour s'en rendre compte. Pour les entreprises, le temps, c'est de l'argent, et la congestion des routes, un véritable casse-tête qui leur coûte l'équivalent de 1,8 % du PIB de l'UE. La solution consiste à déplacer une grande partie des marchandises empruntant la route, qui représentent les trois quarts du total des marchandises transportées dans l'UE, vers des modes de transport plus durables. Nous voulons augmenter le fret ferroviaire de 50 % d'ici à 2030. Pour le transport fluvial et le transport maritime sur courte distance, nous visons une augmentation de 25 % d'ici à 2030 et de 50 % d'ici à 2050.

S'agissant de l'aviation, les projections du nombre de passagers suggèrent une croissance comprise entre 1,5 % et 3,38 % au cours des vingt prochaines années. Chacun connaît l'impact environnemental de l'aviation. Mme Le Peih et M. Deflesselles, rapporteurs de la mission d'information sur la diplomatie climatique, doivent rencontrer les experts de la direction générale de la mobilité et des transports (DG MOVE) de la Commission européenne pour évoquer la décarbonisation du secteur aérien. Notre stratégie comprend une initiative, que j'ai présentée cet été, visant à stimuler l'adoption de carburants durables dans le domaine de l'aviation. Intitulée « ReFuelEU Aviation », elle s'inscrit dans le cadre du paquet « Fit for 55 », qui inclut une proposition distincte pour les carburants maritimes durables, intitulée « FuelEU Maritime ».

Plus près de nous, nos villes disposent d'écosystèmes de transports diversifiés. Elles accueillent des transports en commun, des micromobilités et des voitures particulières. Toutefois, sans l'insertion d'une dimension numérique capable d'accroître leur coordination et de faciliter la multimodalité, nos villes resteront congestionnées et polluées. Nous avons notamment besoin de guichets numériques uniques pour la billetterie et de systèmes de circulation intelligente.

La directive dite « ITS », relative aux transports intelligents, est l'une des quatre propositions que j'ai hâte de présenter le 14 décembre prochain. Elle vise à favoriser et à accélérer le déploiement de services de transport intelligents en optimisant les systèmes de transport. Je souhaite également que les opérateurs puissent utiliser des données plus précises et plus complètes, afin que les utilisateurs aient la bonne information au bon moment.

Le paquet « Mobilité verte et efficace » comportera également des propositions pour un nouveau cadre de mobilité urbaine. Notre objectif est de créer un cadre européen permettant aux États membres, aux régions et aux villes de développer une mobilité urbaine sûre, accessible, inclusive, intelligente, résiliente et à zéro émission, bien avant 2050. Cela nous aidera à renforcer les transports en commun et des formes de mobilité plus actives, telles que le vélo et la marche. D'après le rapport d'information présenté par Mme Karamanli et M. Pichereau, il s'agit aussi d'une priorité pour nombre d'entre vous.

La troisième proposition qui sera présentée le 14 décembre actualise notre politique relative au réseau transeuropéen de transport, afin de garantir que notre infrastructure est équipée pour soutenir une mobilité plus intelligente et plus durable. Elle s'inscrit dans le cadre de l'engagement que nous avons pris d'installer un million de points de recharge accessibles au public dans toute l'Europe d'ici à 2025, et de notre proposition de règlement sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs, que j'ai présentée en juillet dernier. Les objectifs obligatoires annoncés alors garantiront que nos routes seront prêtes pour la croissance du trafic de véhicules à faibles émissions, dont nous avons besoin pour réduire les émissions de GES du transport routier.

La quatrième proposition qui sera présentée le 14 décembre prochain sera un plan d'actions pour stimuler le transport ferroviaire de voyageurs longue distance et transfrontalier. Le rail est l'un des modes de transport les plus durables dont nous disposons. Nous devons nous assurer qu'il réalise tout son potentiel.

À mesure que nous avançons, nous avons besoin que les transports continuent à faire ce qu'ils font, mais qu'ils le fassent mieux. Notre stratégie indique clairement que chaque mode de transport a un rôle à jouer dans notre système de transports en reliant nos villes, nos villages et nos îles. Chacun d'eux est là pour rester, mais chacun a également la responsabilité de s'adapter, de réduire ses émissions de GES, de devenir encore plus efficient, d'innover grâce à des technologies intelligentes et d'accélérer la numérisation pour transformer notre système de transports, afin qu'il soit prêt pour l'avenir. À nous de trouver les meilleurs moyens pour que tous les secteurs travaillent ensemble et favorisent le plus possible la multimodalité !

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Au nom des membres du groupe La République en Marche, je tiens à vous dire combien nous nous réjouissons de vous accueillir à l'Assemblée nationale. Plus que jamais, les transports, notamment les interconnexions et l'intermodalité des réseaux de transport, relèvent d'un enjeu stratégique et de souveraineté européenne. Nous devons dès à présent relever de nombreux défis.

Un défi social, tout d'abord. La crise sanitaire a eu des conséquences sur l'emploi, dont celui des salariés des secteurs routiers et maritimes. Au mois d'octobre, après avoir mené un travail important avec notre rapporteur, M. Damien Pichereau, nous avons adopté le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des transports, de l'environnement, de l'économie et des finances (DADDUE). Il permet de promouvoir une Europe qui protège, en accordant des droits tels que le droit au repos et au retour pour les chauffeurs ou encore la formation et la prise en compte des périodes d'activité partielle pour les droits à pension des marins.

Nous devons relever un défi écologique qui est un sujet fondamental pour nous tous. Grâce à la libéralisation des transports, les échanges ont gagné en intensité et en efficacité, non sans poser des problèmes de pollution. Il est indispensable de réfléchir à la durabilité de nos politiques publiques face à cet enjeu de société.

Au niveau national, nous nous sommes engagés à prendre des mesures ambitieuses visant au développement d'alternatives durables et de mobilité, dans le cadre de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et de la loi d'orientation des mobilités (LOM).

Au niveau européen, les dispositions adoptées incluent le plan en matière de mobilité, intitulé « Stratégie pour une mobilité durable et intelligente », le Pacte vert pour l'Europe et le paquet « Climat ». Ces mesures, d'une ampleur inédite, sont destinées à réduire les émissions de GES de 55 % pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Le plan « Fit for 55 » prévoit l'adoption d'une taxe carbone aux frontières de l'UE, l'extension et le renforcement du marché européen du carbone et la fin de la vente des voitures thermiques en 2035. La révision sur les émissions de GES des véhicules est peut-être la mesure dont l'impact sera le plus visible pour nos concitoyens, ce qui nous oblige à la vigilance. En vue de la suppression de ces véhicules, il s'agira d'imposer aux États membres une multiplication des bornes de recharge électrique et des stations de ravitaillement pour les véhicules à hydrogène. Le Président de la République prévoit de soutenir massivement ces derniers, grâce à un plan d'investissement inédit de 1,9 milliard d'euros, qui s'inscrit dans le cadre de France 2030.

Madame la Commissaire européenne, pouvez-vous décrire les contours de votre politique en la matière et évoquer les prochaines échéances du paquet « Fit for 55 » ?

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Je vous remercie, à mon tour, d'avoir accepté de répondre, devant la représentation nationale française, de la politique européenne en matière de transports. Dès lors qu'ils constituent 30 % de nos émissions de GES, leur décarbonation est le levier majeur pour réussir notre transition environnementale.

Pour ce faire, nous créons une filière de production de batteries électriques et de piles à hydrogène, nous misons sur les transports publics de voyageurs, dont nous regrettons qu'ils fassent l'objet d'un faible investissement au niveau européen, et nous encourageons l'électrification de nos flottes de véhicules. Cette liste n'est pas exhaustive. Au demeurant, rouler à l'électrique ne réduit nos émissions de GES que si notre production électrique est elle-même décarbonée. Pourtant, certains pays ayant renoncé à l'énergie nucléaire dans leur mix électrique demandent la révision à la baisse de leurs objectifs d'émissions de CO₂, ce qui est à nos yeux un non-sens environnemental.

Le nouveau paquet climat « Fit for 55 », qui détaille la trajectoire de réduction de 55 % de nos émissions de GES, semble mal parti. À quoi sert d'électrifier nos modes de transport si certains partenaires européens utilisent encore du charbon pour produire leur électricité ou dépendent du gaz russe ? Faire reposer intégralement notre politique de transport sur des énergies renouvelables aux rendements aléatoires vous semble-t-il pertinent ?

Par ailleurs, l'UE et le Qatar ont récemment signé un accord global sur les services de transport aérien, que vous considérez comme « une référence mondiale » au motif qu'il serait, selon vous, « socialement et écologiquement durable ». Maintenez-vous vos propos ? Compte tenu du bas coût du carburant au Qatar, l'ouverture de notre marché européen à Qatar Airways ne vous semble-t-elle pas hors de proportion avec nos intérêts dans ce pays ? Cet accord ne risque-t-il pas de fragiliser davantage Air France, qui a récemment bénéficié d'un fort soutien public ?

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La stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente vise une baisse très forte des émissions de GES du secteur des transports d'ici à 2050. Afin de rendre concrète cette ambition, une réflexion globale sur nos comportements en matière de déplacements nous semble indispensable.

Or, comme le relève M. Aurélien Bigot, chercheur sur la transition énergétique dans les transports, cette stratégie se concentre sur les transports envisagés comme un flux de voyageurs ou de marchandises, au lieu d'envisager la mobilité comme une notion interrogeant de façon plus large les déterminants de la demande. La pertinence du levier du report modal suppose qu'il s'inscrive dans une stratégie plus globale de modération de la demande de transport, qui doit figurer, nous semble-t-il, au cœur de la stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente. Les annonces à venir de la Commission européenne et, plus largement, les discussions européennes en matière de transports prennent-elles en considération les déterminants géographiques et sociologiques des mobilités, notamment l'aménagement des territoires, l'accessibilité, les modes de vie et les pratiques telles que le télétravail et le covoiturage ?

Par ailleurs, dans le cadre de la stratégie de décarbonation de l'énergie utilisée par les transports, la stratégie européenne en matière de mobilité durable et intelligente fait souvent référence à des énergies propres écologiques. L'analyse de l'ensemble du cycle de vie de ces énergies est-elle prise en compte pour juger de la pertinence des différentes technologies en matière d'émissions de GES, de consommation de ressources et d'autres impacts environnementaux ?

Enfin, la Commission européenne doit annoncer le 14 décembre un nouveau paquet « Transports » comportant quatre initiatives phares, dont la révision du paquet « Mobilité urbaine » adopté en 2013, qui inclut des mesures de soutien aux autorités locales et régionales. Dans quelle mesure les réflexions sur cette révision ont-elles tenu compte du nécessaire développement des moyens de mobilité douce, notamment le vélo, qui, même hors des zones urbaines, est un outil de plus en plus utilisé par les populations ?

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Le hasard du calendrier veut que nous procédions à votre audition au moment où le débat sur la desserte maritime de la Corse et le futur recouvrement des 90 millions d'euros dus à Corsica Ferries cristallise toutes les tensions dans l'île.

Une forte incertitude pèse sur l'avenir de la convention de délégation de service public (DSP), qui arrive à échéance le 31 décembre 2022, ainsi que sur les 2 500 emplois directs et indirects qui en dépendent. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a été saisie au titre du contrôle des aides publiques accordées dans le cadre des contrats de DSP. Elle a ouvert une enquête approfondie, dont elle n'a toujours pas rendu les conclusions.

Or le temps presse. De nouvelles conventions ont été conclues par la collectivité de Corse pour la période 2021-2022, et de nouveaux tests de marché seront lancés dans les jours à venir. Si ce planning est maintenu, l'appel d'offres de janvier 2022 sera de nouveau lancé sur un périmètre de service public non validé par la Commission européenne. Le régime transitoire permettant la desserte de l'île ne peut être éternellement prorogé, d'autant qu'il ne permet ni d'éviter une situation de quasi-monopole, ni de créer les conditions de l'avènement d'une compagnie régionale.

Nous sommes dans une impasse, confrontés à une équation impossible à résoudre, héritage de dix ans d'errance et de choix politiques que la Corse doit désormais payer. Ne pas trancher cette question, c'est plonger la desserte maritime de la Corse dans une incertitude juridique et économique profonde. Nous sommes face à un choix, entre une Europe néolibérale écrasant les notions de service public et favorisant les logiques financières, et une Europe solidaire, cohérente avec ses valeurs fondamentales, qui protège les minorités qu'elle compte en son sein et leur assure une égalité des droits.

L'Europe est-elle prête à accompagner la collectivité de Corse en statuant au plus vite sur la mise en place d'un schéma pérenne ? Nous attendons beaucoup de la PFUE. J'espère que la France et l'Europe sauront se montrer à la hauteur de l'enjeu.

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Nous avons auditionné ce matin le président-directeur général de la SNCF, M. Jean-Pierre Farandou, sur le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), qui consiste à prolonger la ligne à grande vitesse (LGV) reliant Paris à Bordeaux jusqu'à l'Espagne. Quelle est la position de l'Europe sur un tel projet ? La Commission a-t-elle été sollicitée pour y participer financièrement ? A-t-elle fixé des conditions de réalisation, et si oui lesquelles, sachant qu'il s'agit d'un projet permettant le transfert multimodal de fret ?

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L'intégration du port Brest-Roscoff dans le réseau central du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) revêt une importance considérable pour la Bretagne. Elle permettrait de moderniser les infrastructures et de progresser vers la décarbonisation du modèle maritime. J'aimerais connaître l'état d'avancement de ce projet.

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J'aimerais avoir votre avis sur une infrastructure majeure de la région Auvergne-Rhône-Alpes, où je suis élu : la liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin.

Par ailleurs, à la pollution de l'atmosphère au CO₂ s'ajoutent les pollutions de proximité, notamment à l'oxyde d'azote et aux particules fines. Comment travaillez-vous sur ce sujet, en lien avec les autres commissaires européens ? Sur ces questions, il faut faire, je crois, du « en même temps ».

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La stratégie européenne repose de manière considérable sur le recours à l'hydrogène et aux biocarburants. Or ces nouvelles technologies ne peuvent être encore massivement utilisées et nombre d'États continuent de recourir aux énergies fossiles pour les produire. Quelles sont les pistes éventuelles pour augmenter la part de la production d'hydrogène vert ?

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La France a pris des dispositions pour interdire la vente de véhicules thermiques en 2040 et non en 2035, comme le préconise la Commission européenne. Dont acte. Quelles sont les mesures d'accompagnement prévues pour cette filière ?

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Adina Vălean, Commissaire européenne chargée des transports

Vous avez mis le doigt sur les problèmes essentiels.

La transformation dont nous parlons est profonde et difficile, et nous sommes au milieu du gué. Nous essayons de trouver les bonnes solutions, nous réalisons des études d'impact, mais nous n'avons pas toutes les réponses.

Vos questions montrent également à quel point les transports sont la colonne vertébrale de l'économie. Ils emportent des questions liées aux énergies, aux carburants, à la situation des salariés et à la cohésion sociale au sein des filières, aux services publics, à la responsabilité citoyenne, aux mobilités, qui sont autant d'enjeux que nous avons devant nous. Le transport, c'est également l'accès aux autres, aux marchandises, et des modalités qui sont en train de changer. Mes collègues chargés de l'environnement, du climat, de l'industrie, de l'énergie travaillent sur tous ces fronts.

Indiscutablement, les prix de l'énergie et des carburants augmentent. Et puisque l'Europe ne produit pas de volumes suffisants pour lui garantir la souveraineté énergétique, la transition vers des technologies plus soutenables implique que l'on reste ouvert à toutes les options. Il n'est en effet pas possible d'opter pour le tout-électrique ou le tout-hydrogène, et tel mode de transport ne doit pas cannibaliser tel ou tel autre, au risque de créer des déséquilibres.

En matière de transport aérien et maritime, les projets de règlement « ReFuelEU Aviation » et « FuelEU Maritime » s'appuieront sur la demande pour créer un marché de carburants alternatifs suffisant en volume, qu'il s'agisse des biocarburants, de l'hydrogène ou des carburants synthétiques.

Je sais que des questions se posent à propos de la date de 2035 et que nombre de citoyens ne considèrent pas la fin des moteurs thermiques comme une priorité. La Commission européenne soutient la recherche pour produire des carburants liquides mais synthétiques compatibles avec ce type de moteurs. Quoi qu'il en soit, les véhicules thermiques resteront en circulation bien au-delà de 2035.

Nous encourageons également la transition vers les véhicules électriques, à hydrogène ou à carburants synthétiques en veillant à ce que les infrastructures idoines soient déployées. Des points de recharge suffisamment nombreux inciteront les citoyens à changer leurs véhicules. Nous travaillons également aux stratégies de mobilités urbaines afin de promouvoir l'utilisation de transports publics soutenables, ce qui aura des conséquences sur toutes les pollutions, y compris sonores.

L'accord que l'Union européenne a signé avec le Qatar comprend des dispositions sur le climat ou le droit du travail plus restrictives que celles des contrats bilatéraux qu'il a signés avec les États membres. L'accès au marché aérien européen est désormais plus conditionné qu'il ne l'a jamais été.

Je me propose de répondre par écrit à la question qui m'a été posée à propos de la Corse.

S'agissant de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Espagne, nous encourageons toutes les connexions transfrontalières, car elles sont indispensables au développement durable et au marché unique européen dans le domaine du rail. Le mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) permet de procéder à certains financements.

Je connais l'importance du port de Brest pour la Bretagne. Nous appliquons un certain nombre de procédures pour envisager l'intégration d'un port ou de toute autre infrastructure de transport dans le réseau transeuropéen de transport et nous serons en mesure de vous donner une réponse rapidement.

La liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin est un grand projet européen que nous continuons de soutenir. Nous espérons que le terme de 2030 sera respecté.

Nous présenterons en 2022 une recommandation relative aux programmes nationaux d'aide aux régions et aux villes pour l'application des plans de mobilité urbaine durable : soutien accru aux transports collectifs en tant qu'épines dorsales de la mobilité urbaine, meilleures mobilités actives – marche et vélo –, logistique urbaine à émissions nulles et du dernier kilomètre efficace.

À partir du 14 décembre, le règlement sur le réseau transeuropéen de transport rendra également obligatoire l'élaboration d'un plan de soutenabilité stratégique pour les villes de plus de 100 000 habitants et les nœuds urbains.

J'ajoute que le développement de la multi-modalité est essentiel et qu'un même billet doit pouvoir être utilisé pour tout type de transport.

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Je vous remercie.

Vous ne repartirez pas les mains vides puisque vous avez reçu des billets multimodaux pour la Corse, la Bretagne et les Landes ! Si vous venez à Brest, vous ne pouvez pas ne pas passer par Rennes, la capitale de la région !

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Et par la Touraine, qui n'est pas très loin !

Je retiens de votre intervention la transversalité inhérente à toutes les questions européennes. Vous avez en effet très bien montré à quel point la question du transport est liée à celles du climat, de l'énergie, de l'accès à la connectivité, de la cohésion sociale, des infrastructures. Nous avons besoin d'un éclairage global.

Si la multi-modalité est d'ores et déjà, pour une part, un fait urbain, l'élaboration d'une stratégie pour la ruralité serait sans doute utile.

Je vous remercie.

La séance est levée à 15 h 55.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Christophe Jerretie, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - M. Philippe Benassaya, Mme Aude Bono-Vandorme, Mme Yolaine de Courson, Mme Maud Gatel, Mme Nicole Le Peih, M. Thierry Michels

Assistaient également à la réunion. - Mme Chantal Jourdan et M. Pierre Karleskind (membre du Parlement européen)