Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mardi 26 octobre 2021

La séance est ouverte à dix-huit heures.

(Présidence de M. Bruno Studer, président)

La commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 (seconde partie), Mme Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, sur les missions « Culture » (Mme Constance Le Grip, rapporteure pour avis), « Médias, livre et industries culturelles » et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » (Mme Céline Calvez, rapporteure pour avis).

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Nous avons le plaisir d'achever notre part de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 – le dernier de la législature – en compagnie de Mme la ministre de la culture. Après son propos liminaire, nous débattrons d'abord de la mission Culture, avec les interventions des rapporteures, pour avis et spéciale, et celles des orateurs des groupes, suivies des questions des commissaires et de la réponse de la ministre. Nous passerons ensuite, sur le même modèle, à la discussion de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l'audiovisuel public. Après le départ de la ministre, nous examinerons les amendements déposés sur chacune des missions.

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Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Je suis fière de vous présenter le budget des missions Culture et Médias, livre et industries culturelles pour 2022 : avec 273 millions d'euros de mesures nouvelles, il connaît une hausse sans précédent de 7,5 % par rapport à 2021. Pour la première fois de son histoire, il passera le cap des 4 milliards d'euros, pour atteindre 4,08 milliards, hors audiovisuel public. Cette hausse parachève un effort continu depuis 2017 en faveur de la culture. La progression sur cinq ans est considérable ; elle représente 507 millions d'euros, soit 15 % hors audiovisuel public et hors charges de pensions civiles.

Le budget pour 2022 donne corps à l'engagement que le Président de la République formulait au début de son quinquennat : redonner à la culture la place qui lui revient dans notre société. Cet engagement est d'autant plus indispensable que la crise sanitaire a profondément affecté les secteurs culturels et bouleversé les conditions de vie des artistes, des créateurs, comme des publics. Sur le plan économique, la succession de périodes de fermeture et d'ouverture dans les dix derniers mois a provoqué une chute sans précédent de la fréquentation des lieux culturels. Moralement, tout le secteur a été heurté, privé de ce qui fait l'essence même de la culture : la rencontre, l'échange entre les œuvres, les créateurs et le public. Ces conséquences seront sans doute durables.

La mobilisation rapide, forte et continue de l'État et des pouvoirs publics a sauvé notre écosystème culturel. L'État a ainsi mobilisé 13,6 milliards pour l'ensemble des secteurs publics et privés de la culture : 8,64 milliards d'aides transversales, 1,65 milliard d'aides sectorielles, 1,31 milliard au titre du soutien à l'intermittence, et 2 milliards au titre du plan de relance. Aucun autre pays n'a fait cela ; nous pouvons en être fiers, collectivement. Il suffit de voyager à l'étranger pour voir l'admiration que suscite notre pays à cet égard.

Il faut aussi saluer l'ensemble des professionnels de la culture : ils se sont mobilisés sans relâche pour maintenir le lien avec le public ; pour ouvrir ou rouvrir, dès que cela a été possible ; pour définir et mettre en place, avec notre aide, des protocoles sanitaires exigeants et efficaces ; et, depuis cet été, pour déployer le passe sanitaire, qui permet d'accueillir le public dans des conditions de sécurité optimales. Ce déploiement crucial nous a permis de ne pas refermer les lieux culturels pendant le mois d'août, alors que nous connaissions un dramatique rebond de l'épidémie. Aujourd'hui, la crise s'estompe, mais les derniers chiffres, qui présentent notamment une hausse du taux de reproduction du virus, incitent à la plus grande vigilance.

Le projet de budget répond à deux objectifs : le premier est d'accompagner la sortie de crise. La reprise reste fragile, avec des niveaux de fréquentation très inférieurs à ceux de 2019 – moins 30 % pour le cinéma, selon les semaines ; moins 50 % pour le patrimoine et le spectacle vivant. Selon l'enquête d'opinion que j'ai commandée, une partie des Français hésite à fréquenter les lieux de spectacle, en raison de la situation sanitaire. Environ 30 % d'entre eux estiment qu'ils sortiront moins qu'avant dans les prochains mois.

Le second objectif du budget est de préparer l'avenir de la culture en France, car la crise a cristallisé des mutations, auxquelles il faut répondre. La même enquête d'opinion montre la place croissante du numérique, notamment chez les jeunes : 46 % des Français soulignent qu'ils ont pris l'habitude d'utiliser des moyens numériques pour accéder aux œuvres ; 24 % des répondants, et un tiers parmi les moins de 35 ans, estiment qu'ils sortiront moins dans les prochains mois pour cette raison. S'il faut rester prudent, car nous n'avons qu'un recul de quelques mois, les pratiques évoluent vite, et nous devons nous organiser pour adapter nos politiques à ces évolutions.

C'est le sens des priorités de ce budget, que j'ai voulu tourné vers la jeunesse. Il renforce notre soutien sur le terrain, au plus près des territoires, et repense l'accès de tous à la culture, tout en répondant aux défis des transitions écologiques et numériques. Mon ambition est de consolider le présent et de structurer l'avenir. Ce budget en témoigne, avec 4,08 milliards d'euros de moyens pérennes alloués à la culture et 3,7 milliards pour l'audiovisuel public. La culture bénéficiera à la fois de l'annuité 2022 de France relance, qui s'élève à 436 millions d'euros ; de la poursuite de la mise en œuvre des 400 millions du quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA4) ; des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), au Centre national de la musique et à l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) ; des dépenses fiscales dont l'impact progressera également en 2022 ; de 600 millions de crédits dans le cadre de France 2030, dont 60 millions de crédits de paiement dès 2022, qui permettront d'investir dans l'avenir, en particulier dans la formation, les infrastructures de tournage et les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée. S'ajoutera enfin un soutien exceptionnel de 234 millions d'euros aux grands opérateurs du ministère, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui sera soumis à votre examen dans quelques semaines.

Le budget de la mission Culture est d'abord celui de la jeunesse, priorité qui se matérialise dans le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, créé en 2021. Avec 181 millions de crédits supplémentaires en 2022, il connaîtra une hausse exceptionnelle de 31,4 %, portant son montant total à 757,8 millions avant transferts. Il se déploie autour de deux grandes priorités : la mise en œuvre du Pass Culture et le développement de l'éducation artistique et culturelle.

Le Pass Culture, généralisé à tous les jeunes de plus de 18 ans, sera étendu dès le 1er janvier prochain aux élèves de la quatrième à la terminale. Près de 200 millions d'euros y seront consacrés en 2022, sans compter les 45 millions qui viennent du ministère de l'éducation nationale, sur sa mission, pour financer le volet collectif du Pass au collège et au lycée. Pour la seule mission Culture, cela représente une hausse de 140 millions d'euros en mesures nouvelles, comprenant 96 millions dédiés à la généralisation du Pass aux jeunes de plus de 18 ans, 38 millions pour son extension aux collégiens à partir de la quatrième et aux lycéens pour le volet individuel, et 6 millions destinés à financer la montée en puissance de la société par actions simplifiée (SAS) Pass Culture.

La priorité en faveur de la jeunesse se manifeste aussi dans l'amplification de l'éducation artistique et culturelle (EAC). En cinq ans, nous aurons presque doublé les crédits qui y sont consacrés, pour les porter à plus de 100 millions d'euros en 2022, contre 50 millions environ en 2017. Il s'agit là d'un engagement du Président de la République et du Gouvernement, qui s'exprime, depuis le début du quinquennat, sous la forme du label « Objectif 100 % EAC à l'école », en partenariat avec les collectivités territoriales et les ministères concernés.

L'enseignement supérieur culturel bénéficie également d'un engagement sans précédent. Que ce soit pour le fonctionnement et la rénovation des écoles, la vie étudiante, notamment les bourses pour les plus modestes, ou l'insertion professionnelle des jeunes diplômés, les crédits dévolus à cette politique augmenteront de 26 millions, soit une hausse de 11 %, après une longue période de stagnation, parfois même de baisse. À cela s'ajoute l'effort exceptionnel de 70 millions d'investissements sur deux ans, engagé – et bien engagé – dans le cadre de France relance pour accélérer la rénovation et la digitalisation de nos écoles.

Dans les deux missions budgétaires, des moyens sont consacrés à l'insertion des habitants, des territoires et des artistes au cœur de nos politiques culturelles. Ainsi, 12,5 millions de mesures nouvelles seront mis à la disposition des politiques territoriales pour renforcer l'accès de tous les habitants à l'offre culturelle, soutenir des dynamiques territoriales tournées vers la démocratisation culturelle, ainsi que des projets valorisant davantage les langues de France et la langue française.

Le soutien aux territoires passe aussi par la territorialisation de nos politiques publiques – à laquelle je suis très attachée, comme vous tous ici, je le sais. En 2022, les crédits déconcentrés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) augmenteront de 4 % ; ce sont 37 millions de moyens nouveaux qui iront au plus près des territoires. Depuis 2017, les DRAC auront géré des moyens en augmentation de 22 %, soit 173 millions d'euros. Elles auront été le moteur d'une politique culturelle déployée, à leur service, depuis les territoires.

Dans le secteur de la création, j'ai souhaité que le cadre d'action du soutien de l'État aux festivals soit repensé. Les deux premières éditions des états généraux des festivals ont déjà permis de partager analyses et études ; la troisième, qui se déroulera le 1er décembre à Toulouse, sera l'occasion de présenter les actions qui en découlent. En 2022, les moyens des festivals augmenteront de 10 millions et, en renouvellement de l'effort important consenti en 2021, 10 millions d'euros supplémentaires seront consacrés aux institutions, labels, et réseaux ainsi qu'aux équipes artistiques en région. Au total, les crédits de la création artistique s'élèveront à 909 millions d'euros avant transferts, soit une hausse de 5,6 % : ce sont 100 millions de plus qu'au début du quinquennat.

J'ai souhaité que ce budget permette de mieux accompagner les initiatives locales, à travers le renforcement de la contractualisation avec les collectivités territoriales ou la restauration du patrimoine en régions. Un appel à projets national, doté de 5 millions, sera lancé pour soutenir des actions innovantes participant, en particulier, à réconcilier la culture patrimoniale de fréquentation des lieux culturels et la culture numérique. Ces actions doivent faire travailler ensemble des partenaires locaux autour de projets ancrés dans les territoires. Un effort de 7,5 millions sera consenti en faveur des politiques territoriales de démocratisation culturelle, à travers les centres culturels de rencontre, les tiers-lieux, les olympiades culturelles, ainsi que des projets autour des langues de France et de la langue française. Ces crédits permettront de lancer le projet, soutenu par l'État et les collectivités territoriales concernées, du nouveau bâtiment des Ateliers Médicis, à Clichy-Montfermeil, ainsi que de garantir les moyens de l'ouverture de la Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts.

L'attention portée aux territoires est particulièrement présente dans le programme Patrimoines, qui bénéficie d'un budget de 1,019 milliard d'euros. Grâce à l'appui de France relance, les moyens consacrés aux monuments historiques s'élèveront à 470 millions, en augmentation de 3,5 % par rapport à 2021. C'est dans ce cadre que le plan « cathédrales », déjà en cours, continuera d'être déployé. Le soutien global au patrimoine, hors plan de relance, aura progressé de 7 % au cours des cinq dernières années.

La protection de notre patrimoine a été consolidée par le recours à des financements innovants, tel le Loto du patrimoine qui a permis de financer la restauration de plus de 500 monuments en péril, l'État apportant son soutien à ce dispositif à due concurrence des taxes afférentes. Sur quatre ans, 115 millions auront été mobilisés en plus. De même, le fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques situés dans les communes à faibles ressources (FIP) permet de soutenir les petites communes dans la restauration de leur patrimoine. Il sera doté de 16 millions en 2022, soit une progression de 6,7 %.

Ce budget témoigne également de notre soutien indéfectible aux artistes, aux créateurs et aux auteurs – c'est ma troisième ambition. Tout au long de la crise, nous avons agi pour aider l'emploi intermittent, en prolongeant l'année blanche jusqu'au 31 décembre 2021, en instaurant un dispositif d'accompagnement pouvant se prolonger jusqu'à seize mois à compter du 31 août 2021. Le ministère est déterminé à sortir le secteur créatif de la crise.

Le ministère, en outre, a soutenu l'emploi durant la reprise d'activité de ce second semestre 2021, grâce à trois dispositifs, dotés chacun de 10 millions d'euros : le guichet unique du spectacle occasionnel (GUSO), le GIP Cafés Cultures, le renforcement du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS). Cet effort sera prolongé en 2022 par l'abondement pérenne de 5 millions d'euros dédiés au FONPEPS.

Par ailleurs, tous les outils disponibles ont été mobilisés pour soutenir les auteurs et les créateurs, particulièrement affectés par la crise. Le fonds de solidarité a permis de verser 244 millions d'euros à 45 000 bénéficiaires, les exonérations de cotisations sociales, décidées en 2020, sont renouvelées pour 2021 et un nouveau versement sera opéré en 2022. Des aides spécifiques ont été instaurées par les établissements publics du ministère pour un montant de 35 millions entre 2020 et 2021. Nous continuerons, en 2022, à déployer le programme de travail en faveur des auteurs. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé pour le programme de soutien à la conception et à la réalisation de projets artistiques, intitulé Mondes nouveaux.

La progression de 48 millions d'euros en 2022 des crédits du programme Création inclut également des moyens renforcés pour le Mobilier national, qui bénéficiera de 4,5 millions d'euros supplémentaires pour accompagner sa transformation en établissement public.

Concernant maintenant la mission Médias, livre et industries culturelle s, la progression des crédits de 2,4 % témoigne de notre volonté de renforcer ces filières culturelles stratégiques au service de la diversité culturelle. Nous avons engagé de profondes réformes, depuis cinq ans, en créant le Centre national de la musique (CNM), en réformant le financement de la production audiovisuelle et cinématographique, en renforçant le Centre national du livre (CNL), en engageant le plan de filière presse.

Pour ce qui est du plan de filière presse, nous poursuivrons notre effort de 483 millions d'euros pour 2020-2022, dont 140 millions d'euros au titre du plan de relance. En 2022, 70 millions d'euros continueront à soutenir la modernisation et la transformation de la filière pour garantir le pluralisme de la presse, pilier de notre démocratie et enjeu majeur de cohésion sociale et territoriale. Cette année sera aussi celle de la réforme du transport de la presse pour inciter la presse dite « chaude » à se tourner vers le portage et stabiliser les tarifs postaux pour l'ensemble des titres. Une partie des crédits, à hauteur de 62,3 millions, dédiés à la compensation du transport postal de la presse est ainsi rapatriée sur les crédits du programme Presse et médias. Ce projet de loi de finances prévoit également de renforcer de 1,1 million d'euros les crédits du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) et d'amorcer, grâce à une dotation de 2 millions d'euros, le projet de création d'une Maison du dessin de presse, conformément à l'engagement du Président de la République.

Le secteur du livre bénéficiera d'un fort soutien de l'État, grâce à l'augmentation de 2 millions d'euros de la subvention pour charge de service public de la Bibliothèque nationale de France, et de la hausse de 1,7 million d'euros des crédits d'intervention au profit du CNL. Ces mesures s'accompagnent du prolongement des dispositifs en faveur des librairies et des bibliothèques, prévus dans le cadre de France relance, à hauteur de 23 millions. Par ailleurs, vous venez de renforcer l'arsenal législatif du secteur en adoptant à l'unanimité la proposition de loi sénatoriale relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique. La lecture, érigée grande cause nationale par le Président de la République en 2022, est largement soutenue.

S'agissant du secteur de la musique, le CNM a été créé en 2020. Il a prouvé, au cours de la crise, combien il était essentiel à la filière, en mobilisant 152 millions d'euros de moyens exceptionnels en 2020 et une enveloppe de 200 millions d'euros sur deux ans, dans le cadre de France relance. Nous avons décidé de renforcer encore ce soutien au secteur en prolongeant l'exonération de la taxe sur les spectacles au cours du second semestre 2021, par amendement au projet de loi de finances.

Nous avons également pris des mesures en faveur des filières cinématographiques et audiovisuelles. J'ai notamment engagé une réforme ambitieuse du financement de la création et de la régulation de ces secteurs. La transposition de la directive « Services de médias audiovisuels » et de celle relative aux droits d'auteur, adoptées sous l'impulsion des autorités françaises, est en cours d'achèvement. Le nouveau cadre sera complété par la loi relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique, promulguée au Journal officiel de ce matin. L'ensemble de ces réformes permettra de mieux protéger la création française, les droits d'auteur, en prévoyant la contribution de l'ensemble des diffuseurs à la création française et en organisant un partage plus équitable de la valeur entre les plateformes, les producteurs et les auteurs. Grâce à la réforme du financement de la création, les investissements dans le cinéma et l'audiovisuel pourraient augmenter de 20 % dès 2022, ce qui représenterait plus de 250 millions supplémentaires.

Depuis le début du quinquennat, le soutien pérenne aux filières des industries culturelles aura ainsi progressé de 9 % – 49 millions d'euros de plus en cinq ans. Cet appui s'est accompagné du déploiement du fonds, doté de 225 millions, dédié aux investissements dans les industries créatives ainsi que des moyens exceptionnels dégagés dans le cadre du PIA4 – 400 millions d'euros –, sans oublier les 600 millions d'euros issus du plan France 2030.

Le financement de l'audiovisuel public continuera à respecter, en 2022, la trajectoire engagée en 2018, confirmée dans les contrats d'objectifs et de moyens. Pour ce qui est de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), la suppression complète de la taxe d'habitation, à laquelle la CAP est adossée, n'étant pas prévue avant 2023, la réforme de celle-ci n'interviendra pas dans le PLF pour 2022. Le rendement de la CAP, ajouté aux efforts d'économies demandés au secteur, permet de ne pas augmenter son tarif pour les particuliers.

En revanche, avec la suppression de la taxe d'habitation, la question du devenir de la CAP se posera. Elle s'inscrit d'ailleurs dans un débat ancien, relatif à son adaptation, notamment pour tenir compte des évolutions des modes d'accès au service de l'audiovisuel public, en dehors des téléviseurs. Le Gouvernement a identifié différentes pistes de réformes. Je sais combien le Parlement y est attentif mais elles doivent être analysées de plus près d'ici à 2022. Cette mission a été confiée par le Premier ministre à l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC). La mission travaillera à des scénarios qui devront permettre à l'audiovisuel public de disposer d'une ressource pérenne, adaptée à la réalité des usages audiovisuels actuels et respectueuse de l'équité fiscale. Cette ressource devra permettre d'assurer un rendement équivalent à celui de la CAP, tant en termes de niveau que de dynamisme. Elle devra être compatible avec l'exigence de prévisibilité de ses moyens et la garantie d'indépendance de l'audiovisuel public, pendant de la liberté de communication, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel. La mission veillera à vous consulter et à vous associer. J'y serai attentive.

J'ai donc l'honneur de défendre ce dernier budget du quinquennat, marqué par une politique résolue du Gouvernement pour faire face aux incroyables défis auxquels nous avons été confrontés, par la volonté de sauvegarder nos secteurs culturels, en défendant une ambition pour leur avenir et leur rayonnement. Il est doté de moyens inédits pour la culture. J'espère qu'il sera largement soutenu.

La culture change nos vies. Elle nous révèle à nous-mêmes, tout en nous révélant l'autre à travers le regard singulier d'un auteur. Elle est ce lien vivant entre les individus. Elle doit être au cœur d'un projet politique au sens noble. C'est le sens de mon action au ministère de la culture : accompagner les mutations des secteurs culturels, préparer l'avenir. Ce projet de budget et les moyens qu'il mobilise permettent d'être à la hauteur de cette ambition.

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Le budget de la mission Culture pour 2022 sera à nouveau un budget de crise. En effet, si la réouverture des lieux culturels nous a réjouis et a permis aux Français de retrouver avec bonheur le chemin des musées, des théâtres, des monuments, des salles de concert, le retour à la normale n'aura pas lieu. La fréquentation touristique internationale est encore en berne, ce qui a des conséquences importantes pour Versailles, le Louvre ou le musée d'Orsay. La reprise est lente, également, pour le spectacle vivant. Les habitudes de sortie n'ont pas encore été retrouvées. L'absence de tournées internationales et la persistance de jauges limitent l'activité.

Les crédits de la mission Culture sont élevés : 3,5 milliards d'euros, en hausse de plus de 200 millions par rapport à 2021, auxquels s'ajoutent les crédits du plan de relance, à hauteur de 350 millions en crédits de paiement. Ces montants sont à la hauteur des menaces et des défis auxquels font face les différents secteurs de la culture. L'État est au rendez-vous, aussi bien pour soutenir le spectacle vivant public et privé, les artistes, les créateurs, que pour soutenir les monuments et les institutions les plus emblématiques de notre culture.

Je remercie les différents services du ministère de la culture et les opérateurs qui ont répondu à temps à la totalité du questionnaire budgétaire ainsi qu'à mes demandes complémentaires à la suite des auditions.

Le programme Patrimoines, qui s'élève à plus d'1 milliard, permet de soutenir, conjointement avec les crédits du plan de relance, les musées, les monuments historiques, l'architecture et le patrimoine des villes et villages.

Un effort particulier est consenti pour l'entretien et la restauration des monuments historiques qui appartiennent aux communes et aux propriétaires privés. En plus des crédits habituels répartis par les DRAC, le plan de relance a prévu 40 millions d'euros sur deux ans. Cependant, il ne suffit pas de voter les crédits, le plus difficile étant de les consommer. Les DRAC ont pris soin d'orienter les crédits dès le départ vers des projets déjà prêts, sur le plan architectural comme financier, mais il restera des crédits non consommés en fin d'année 2021 : pourront-ils être reportés en 2022 ?

Le programme Patrimoines finance également des projets emblématiques, comme la restauration du château de Villers-Cotterêts et du Grand Palais. J'ai visité le chantier de Villers-Cotterêts et j'ai été très intéressée à la fois par le chantier et par le projet de Cité internationale de la langue française. Cependant, ce projet ne sera pas rentable et il faudra compter sur la péréquation entre monuments nationaux pour soutenir ce centre culturel qui a vocation à revitaliser le sud du département de l'Aisne.

Le programme Création permet de soutenir le spectacle vivant et les arts visuels. De nombreux dispositifs d'urgence et de soutien ont été mis en place durant la crise par les opérateurs sectoriels : le CNM, l'Association de soutien au théâtre privé et le Centre national des arts plastiques (CNAP), à destination des entrepreneurs du spectacle et des artistes‑auteurs. Grâce à cela, aucune faillite n'a été déplorée dans ces secteurs. Le jeune CNM a été extrêmement réactif lors de la crise.

Cependant, nous devons rester vigilants car l'année 2022 pourrait être celle de tous les dangers pour des entreprises et des artistes fragilisés. Or la plupart des crédits de paiement du plan de relance ont été inscrits sur 2021. L'octroi des aides du CNM doit respecter certaines formes et tous les crédits ne seront pas consommés d'ici à la fin de l'année. Pourront-ils être reportés en 2022 ?

Côté opérateurs, l'Opéra de Paris reçoit un soutien très important mais il connaît une situation financière fortement dégradée, aggravée par la crise sanitaire et par d'autres facteurs, dont les mouvements sociaux qui l'ont précédée. Le projet d'aménagement de la salle modulable est abandonné ou reporté, ce qui paraît raisonnable au regard du contexte. Il faudrait d'abord retrouver le taux de fréquentation antérieur et assainir la situation financière. M. Tardieu et M. Hirsch vous ont remis un rapport, madame la ministre : comment l'Opéra de Paris pourrait-il retrouver une trajectoire vers l'équilibre ?

Pour soutenir la création, les artistes et les auteurs, le plan de relance finance un plan de commande publique dans tous les domaines artistiques, de la composition musicale aux arts visuels, en passant par l'écriture. L'appel à projet était ouvert jusqu'au 22 août 2021. À l'issue d'une première sélection, chaque artiste a reçu une bourse d'étude forfaitaire pouvant atteindre 10 000 euros pour affiner son projet. Qui choisira les lauréats ?

Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture augmentent de manière importante mais cette hausse est presque entièrement dédiée au Pass Culture auquel sont consacrés 199 millions d'euros, dont 140 millions de moyens nouveaux. J'étais, au départ, très sceptique à l'égard du Pass Culture dont l'approche me semblait trop consumériste, mais je reconnais qu'il a été amélioré au fil des expérimentations et que le projet actuel est plus complet et mieux structuré, dans la mesure où il prépare les élèves dès la quatrième.

Cependant, je m'interroge sur la pertinence de consacrer autant de moyens à la tranche d'âge des collégiens, lycéens et jeunes adultes. Le contact avec la culture devrait commencer dès le plus jeune âge. Que fait-on concrètement avec les 24 millions d'euros de l'EAC en temps scolaire ? Connaît-on leur répartition par académie ou par discipline artistique ? Je déplore la dispersion des crédits de l'éducation artistique et culturelle.

Enfin, s'agissant du programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture, j'émets une petite interrogation sur les moyens consacrés aux DRAC. L'audit flash de la Cour des comptes sur les aides déployées pendant la crise dans le secteur culturel a souligné l'engorgement des DRAC, qui nous a été confirmé par des acteurs du secteur patrimonial. Des processus d'amélioration du fonctionnement sont-ils à l'étude ? Y aura-t-il des recrutements pour compenser, dans certaines régions, les réelles surcharges de travail ?

Sous ces réserves, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Culture. Ce budget, certes élevé, est à la mesure de l'ampleur de la crise que traverse le secteur culturel. Les effets des fermetures et des confinements successifs se feront sentir encore longtemps. L'exception culturelle française, c'est cela : une puissance publique qui se mobilise pour soutenir les créateurs.

En tant que députée de l'opposition, je me dois néanmoins de souligner que cette forte augmentation des crédits est financée par de la dette. Les choses étant ce qu'elles sont, c'est toutefois avec beaucoup de sincérité que je vous invite à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Culture.

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Le PLF 2022 confirme depuis le début de la crise un soutien au secteur de la culture sans équivalent dans le monde. Hors plan de relance, doté de 111 millions d'euros, le budget des programmes dont j'ai la charge connaît une augmentation des crédits de 11,4 % par rapport à 2022. Il atteint 2,483 milliards en crédits de paiement. C'est une hausse absolument sans précédent depuis plus de dix ans, qui confirme la place plus qu'essentielle qu'occupe la culture dans nos politiques publiques.

Dans le champ de la création, la hausse de plus de 50 millions du programme 131 permet de soutenir les réseaux dans les territoires et d'abonder le FONPEPS. Un rebasage des dotations des opérateurs, dont celle de l'Opéra national de Paris, est également engagé. À ce propos, le rapport Hirsch-Tardieu propose des pistes de réforme du fonctionnement de l'Opéra. Pourriez-vous, madame la ministre, nous en dire davantage sur les conclusions de cette mission et les réformes envisagées ?

Par ailleurs, vous avez annoncé, le 5 octobre dernier, à la suite du rapport de Caroline Sonrier, plusieurs axes de travail prioritaires pour renforcer l'art lyrique. Quelles mesures concrètes envisagez-vous pour soutenir la création, tout en améliorant l'accompagnement des artistes et en luttant contre toute forme de discrimination ?

Les arts visuels, dotés d'un budget presque dix fois inférieur à celui des spectacles vivants, souffrent des pratiques de la gratuité, qui expliquent la précarité de nombreux artistes. Les pouvoirs publics ne donnent pas toujours l'exemple : je déplore ainsi que la règle du 1 % de la commande publique soit très mal respectée. En Nouvelle-Aquitaine, les artistes ont épinglé pour cette raison le conseil régional, le conseil départemental de la Gironde et la mairie de Bordeaux. Des contrôles sont-ils effectués ? Cette obligation est-elle respectée par les différentes institutions concernées ? Des sanctions sont-elles prévues en cas de non-respect et, le cas échéant, faut-il en envisager ? Je me réjouis, en revanche, de la volonté affirmée de faire respecter le droit de présentation.

Concernant le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, la hausse de plus de 180 millions d'euros est essentiellement consacrée au Pass Culture, dont le financement est majoré de 140 millions. Une enveloppe spécifique est prévue pour les écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA). La dynamique de création de postes de décharge, pour développer la recherche au sein de ces établissements, doit reprendre en 2022, conformément aux recommandations de l'IGAC. C'est une priorité de la réforme des ENSA de 2018, insuffisamment mise en œuvre. Le ministère de la culture y prend sa part avec la création de cinq postes cette année.

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Dans le cadre de ce cinquième projet de loi de finances de notre majorité présidentielle, l'heure est au bilan, et les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les quatre programmes de la mission Culture sont tous en augmentation. Le programme 175 Patrimoines s'établit à plus de 1 milliard d'euros, auxquels s'ajoutent 227 millions du plan de relance. Le programme 131 Création s'élève à 990 millions, plan de relance compris. Le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture connaît une envolée de quasiment un tiers de ses crédits, due en partie à la généralisation du Pass Culture. Enfin, le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture augmente, hors dépenses de personnel, de 7,3 %.

Ces quatre programmes représentent un peu plus de 3 milliards d'euros, plan de relance compris. Ces chiffres, proprement historiques, traduisent l'engagement du Gouvernement et la détermination de notre ministre à renforcer la culture et à l'accompagner dans la sortie de crise. En effet, ce budget intervient dans un contexte sanitaire encore fragile, comme le montre la fréquentation timide des cinémas, des théâtres, des salles de spectacle et des cabarets.

Je ne reviendrai pas en détail sur l'accompagnement massif orchestré par l'État, mais la culture a bénéficié au total de 13,6 milliards d'aides transversales et sectorielles, et aucune filière n'a été laissée à l'abandon. Aucun autre pays n'a soutenu à ce point la culture, c'est dire notre attachement à notre principe d'exception culturelle. La place accordée à la culture par le Président de la République et notre majorité n'est plus à prouver. Ces augmentations ne sont pas dues à la crise, car elles sont constantes depuis 2017. Elles traduisent le retour concret des grandes politiques publiques culturelles.

Ce budget met le paquet sur la jeunesse et l'emploi artistique, et s'engage un peu plus vers l'équité territoriale. Pour la jeunesse, c'est l'élargissement du Pass Culture et le doublement des moyens de l'EAC. Pour l'emploi, c'est un plan global en faveur de l'enseignement supérieur culturel et un soutien sans précédent en faveur de l'emploi artistique et des artistes-auteurs, grâce aux dispositifs d'accompagnement jusqu'à la fin de l'année 2022 et aux retombées des chantiers de restauration des monuments historiques. Pour le rééquilibrage territorial, c'est une nouvelle progression des crédits des DRAC – ils auront augmenté de 22 % durant le quinquennat – ainsi que le renforcement du label Villes et pays d'art et d'histoire, qui s'appuie sur les ressources patrimoniales et culturelles pour contribuer à l'attractivité des territoires.

Pour l'ensemble de ces raisons, au nom du groupe La République en marche, je vous invite à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Culture.

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Le groupe Les Républicains prend acte de l'augmentation du budget du ministère de la culture pour 2022. La culture est l'un des secteurs les plus affectés par les conséquences de l'épidémie de coronavirus et ses acteurs ont particulièrement besoin d'être soutenus. L'augmentation du budget de la culture était donc essentielle.

Si nous nous réjouissons que l'augmentation des crédits du programme Patrimoines se traduise en dépenses d'investissement, nous demeurons toutefois vigilants concernant la conduite de certains grands projets menés par l'exécutif. Où en est la rénovation du Grand Palais ? Le projet annuel de performances indique que 12 millions sont affectés à ce projet, mais il ne nous donne aucun renseignement sur l'avancée des travaux et surtout sur le respect de la trajectoire financière. Remanié l'an dernier parce qu'il ne respectait pas les engagements financiers de départ, le projet de rénovation du Grand Palais doit tenir dans l'enveloppe initiale de 466 millions d'euros.

L'an dernier, vous avez tenu compte de nos préconisations en matière de patrimoine et de patrimoine des communes, mais l'effort reste insuffisant.

S'agissant du Pass Culture, 140 millions d'euros sont dédiés à sa généralisation. Ce dispositif représente plus de la moitié des crédits supplémentaires de la culture : 96 millions sont consacrés à son élargissement à l'ensemble du territoire national, afin que chaque jeune de plus de 18 ans puisse en bénéficier, et 38 millions bénéficieront à l'extension du pass aux collégiens et lycéens de moins de 18 ans. Sachant que le pass a une valeur de 300 euros et qu'une classe d'âge représente environ 800 000 jeunes, ces crédits seront-ils suffisants ?

Notre inquiétude, concernant cette mission Culture, est que ses crédits, bien qu'en augmentation, ne suffisent pas à répondre aux besoins d'un secteur particulièrement sinistré, en particulier du fait de la non-reconduction des crédits supplémentaires apportés par le plan de relance. Alors que, cet automne, le Président de la République a multiplié les annonces d'enveloppes se chiffrant en milliards d'euros en faveur de nombreux secteurs, nous ne pouvons que regretter que la culture ne bénéficie pas de cette prodigalité. Pour toutes ces raisons, la majorité des députés Les Républicains s'abstiendront.

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Le groupe démocrate se réjouit que les moyens alloués à la mission Culture progressent, passant de 3,2 milliards en 2021 à plus de 3,46 milliards l'an prochain. Cette hausse historique de plus de 8,10 % mérite d'être saluée. Concrètement, le soutien au spectacle vivant recevra 48 millions d'euros de plus que l'année passée, permettant ainsi à l'art d'irriguer toujours plus nos territoires. De plus, 20 millions d'euros supplémentaires viendront développer la démocratisation culturelle et soutenir les contrats de plan État-région. Quant au programme Patrimoines, ses avancées alimenteront notamment le dispositif Ville et pays d'art et d'histoire. Le PLF 2022 est bien celui de la montée en puissance du soutien apporté à la culture partout en France, dans nos villes comme dans nos campagnes.

Nombreux sont les outils déployés à destination de nos artistes et de leurs équipes. Cette année, les Français ont retrouvé avec bonheur un accès aux activités culturelles. Les soutiens de l'État ont permis cette transition, du fonds de solidarité au chômage partiel en passant par les prêts garantis ou les exonérations des cotisations sociales. Ces nouveaux investissements sont destinés à une population qui, elle aussi, a souffert de la crise sanitaire, à savoir la jeunesse. La principale ambition de cette mission budgétaire est la généralisation du pass culture à tous les jeunes de 18 ans, ainsi que son élargissement aux élèves de la quatrième à la terminale. Sur les 180 millions d'euros alloués à la transmission et à l'accès à la culture pour tous, 140 millions sont destinés au Pass Culture. Les crédits doublent presque par rapport à l'année passée. Notre groupe accueille plus que favorablement cette évolution : réforme prioritaire de ce quinquennat, elle est un outil essentiel pour rapprocher les jeunes de la très riche offre culturelle de nos territoires. C'est aussi un levier de relance économique.

L'articulation du Pass Culture avec des initiatives locales bien identifiées a fait sa force et devrait assurer son attractivité. À ce jour, plus de 10 000 acteurs culturels sont inscrits sur la plateforme du Pass Culture, assurant une offre variée et qui devra s'étendre en même temps que le territoire concerné par la mesure. Dans les années à venir, comment cette offre sera-t-elle élargie dans un sens le plus attractif possible pour notre jeunesse ?

Le groupe démocrate donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

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L'année 2020 a été terrible pour le monde de la culture, avec une perte de plus de 11 milliards d'euros, et les années 2021 et 2022 ne verront pas encore une reprise complète. La crise a mis en exergue des difficultés qui existaient auparavant, et les syndicats du secteur que nous avons auditionnés n'attendent pas un redémarrage avant le troisième trimestre 2022. Ces données nous obligent à penser le financement du secteur de la culture de manière pérenne. Les aides transversales et sectorielles ont permis de le sauver, mais il nous faudra attendre encore pour faire le bilan des mesures en faveur de l'emploi, dont l'année blanche pour les intermittents, et de la reprise des différentes activités culturelles.

Même si le PLF 2022, croisé avec les mesures d'un plan de relance un peu fourre‑tout, n'est pas très lisible, nous soulignons avec une grande satisfaction la hausse d'environ 8,2 % du budget de la culture, ainsi que les 8,64 milliards d'aides transversales et sectorielles.

Néanmoins, nous avons des réserves sur certains des choix opérés et la concentration de certains crédits, en particulier ceux du Pass Culture. Pour ce projet phare, votre gouvernement présente un budget de 140 millions d'euros de mesures nouvelles, auxquelles il faut ajouter 59 millions de dotations inscrites en 2021. Avec les moyens apportés par le budget de l'éducation nationale, ce seront 249 millions au total qui seront consacrés aux achats culturels de 825 000 jeunes, soit la moitié des nouveaux moyens du budget. Or ce dispositif répond davantage à un objectif de consommation immédiate qu'à celui d'approfondissement de la démocratisation culturelle. Nous ne sommes pas dans une opposition forcenée au Pass Culture qui, dans certains territoires, a montré des effets intéressants sur l'accès à la culture, mais nous défendons un travail de médiation indispensable pour donner envie de pratiquer la culture à long terme.

En comparaison, les crédits de l'éducation artistique et culturelle augmentent seulement de 1,5 million d'euros, alors qu'elle touche bien plus de jeunes, et sur un temps plus long : plan Chorale, Orchestre à l'école, ateliers culturels, intervenants en classe, sorties culturelles, tous ces dispositifs sont des leviers de transmission de la culture qui auraient pu bénéficier de manière complémentaire des mêmes crédits que le Pass Culture.

Nous approuvons les 26 millions d'euros supplémentaires au profit de l'enseignement supérieur culturel, qui participe à la fabrique de nos futurs artistes. Je déplore cependant, alors que nous alertons le ministère depuis plus de deux ans, et malgré nos propositions, qu'aucune réponse n'ait encore été donnée à la problématique des professeurs des écoles d'art territoriales.

Nous notons avec satisfaction les 37 millions supplémentaires accordés aux DRAC qui, en relation étroite avec les territoires, soutiennent la création, appuient les dispositifs vers de nouveaux publics et tissent des liens avec les artistes ; 61 % des crédits d'intervention du ministère sont maintenant déconcentrés.

Nous regrettons le fléchage du soutien à la création par la commande publique vers des publics spécifiques qui ne correspondent pas toujours à la réalité sociologique du monde de la création. Nous regrettons, de même, que vous n'ayez toujours pas retenu la proposition d'élargir le champ du crédit d'impôt pour l'acquisition d'œuvres d'art par les particuliers – hors mécénat – dans le but de permettre une présence plus citoyenne dans le monde des arts.

Enfin, nous nous satisfaisons de l'augmentation des crédits du programme Patrimoines. Nous souhaitons qu'ils bénéficient, bien sûr, aux opérateurs les plus connus, et aux opérateurs nationaux qui ont perdu 1 milliard d'euros de recettes commerciales entre 2020 et 2022, mais aussi aux territoires, qui connaissent si souvent des difficultés pour valoriser leur patrimoine. Car, au-delà du patrimoine dans l'acception architecturale du terme, c'est le cheminement de chaque citoyen qui s'écrit, conférant au particulier une valeur universelle qui nous unit.

Vous l'avez compris, nous sommes aux côtés des acteurs culturels de notre pays, que nous remercions encore une fois. Nous voterons pour ce budget.

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Notre groupe salue le budget historique de la culture dans le PLF 2022 : hors contribution à l'audiovisuel public, grâce à une augmentation de ses crédits de 7,5 %, le budget des missions Culture et Médias, livre et industries culturelles dépassera pour la première fois le montant symbolique des 4 milliards d'euros. C'est une excellente nouvelle pour tous les professionnels du secteur, après deux années particulièrement difficiles marquées par une perte d'activité de plus de 11 milliards d'euros en 2020, et évaluée à 4,3 milliards sur les six premiers mois de l'année 2021 par rapport à 2019.

Le budget 2022 poursuit deux objectifs auxquels nous souscrivons pleinement : accompagner la reprise de l'activité culturelle et préparer l'avenir du secteur sur le long terme. Les investissements sont massifs. Sur le plan de la création, les crédits alloués au programme augmenteront de plus de 6 % afin de soutenir l'emploi artistique, de mettre en œuvre le plan en faveur des artistes-auteurs et de soutenir les initiatives culturelles locales : festivals, salles de spectacle vivant, résidences artistiques, soutien aux petits labels indépendants ou aux troupes itinérantes, tous bénéficieront de ces moyens supplémentaires. Ces crédits seront complétés par 116 millions d'euros inscrits dans la mission Plan de relance, au profit de la création et de la diffusion artistiques. À ce sujet, moins de la moitié des crédits affectés à la création en 2021 a été consommée. Pour quelles raisons ? Les crédits non utilisés seront-ils bien réinjectés dans le secteur culturel ?

Dans le domaine de la transmission des savoirs culturels, les jeunes seront les premiers bénéficiaires de l'effort inédit consenti en faveur de l'accès à la culture pour tous, avec un budget en hausse de 30 %. Notre groupe se réjouit tout particulièrement de la généralisation du Pass Culture pour tous les jeunes de 18 ans, et de son élargissement aux élèves de la quatrième à la terminale. Pour ce formidable outil, qui permet à toute une classe d'âge d'accéder à la culture, d'ouvrir ses horizons et de se laisser aller à la découverte, 200 millions d'euros sont prévus. Toutefois, les inégalités culturelles n'attendent pas l'adolescence pour se creuser. Quelles orientations le Gouvernement entend-il prendre, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, en matière d'éveil culturel dès le plus jeune âge?

En matière de patrimoine, beaucoup a été fait depuis le début du quinquennat. Le Loto du patrimoine, bien sûr, créé à l'initiative de Stéphane Bern en 2018, a permis de financer la restauration de plus de 500 monuments en péril. Dans le plan de relance, 40 millions sont consacrés à la restauration du patrimoine. Et il y a aussi le plan « cathédrales ». Cette année encore, les crédits sont en hausse et le budget du patrimoine franchira pour la première fois la barre du milliard. Cela permettra de financer des chantiers emblématiques, comme la restauration du château de Villers-Cotterêts ou du Grand Palais à Paris, mais aussi des centaines de projets, moins médiatiques mais ô combien nécessaires à la préservation du patrimoine culturel territorial.

Madame la ministre, le groupe Agir ensemble salue votre engagement exemplaire et votre action résolue pour la culture. Nous savons qu'ils ont pesé dans les arbitrages, ce budget historique en est la démonstration. Notre patrimoine, notre culture, comme notre langue, sont notre histoire et notre identité. Il faut les aimer et les faire vivre. Nous voterons ces crédits avec conviction.

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On ne peut que se réjouir de la hausse du budget de la mission Culture, surtout sachant combien le secteur a souffert durant la crise sanitaire. Cette année encore, des moyens sont fléchés pour promouvoir la culture et les événements culturels en région. Je m'en réjouis car, si Paris reste la capitale internationale de la culture, elle n'en a pas le monopole.

De nombreux efforts sont consentis en faveur de la réduction des inégalités sociales en matière d'accès à la culture, mais ils ne doivent pas faire oublier que les inégalités territoriales sont tout autant un problème. Alors que le pic de la crise sanitaire semble être derrière nous, quelle sera la nature des mesures de soutien à l'industrie culturelle ? En particulier, que deviendra le filet de sécurité évoqué pour les intermittents du spectacle ?

Si l'on peut se réjouir de la réouverture des salles de cinéma, force est de constater que la fréquentation a fortement baissé, et qu'elle est très inégale selon les films : ceux à gros budget arrivent à maintenir un score honorable alors que les films plus discrets, souvent de petites productions nationales, ne parviennent pas encore à attirer les foules. Si cette fréquentation fragmentée venait à perdurer, cela mettrait-il en péril des pans du cinéma français ? Des aides encore plus ciblées pourraient-elles être envisagées ?

Depuis plusieurs années, je plaide pour davantage d'éducation culturelle à l'école car, pour de trop nombreux enfants, elle est le seul moyen d'accès à la culture dans toute sa diversité et sa complexité. Je salue donc l'extension du Pass Culture aux élèves dès la quatrième, tout autant que la décision de confier la gestion des fonds aux établissements, au moins dans les premières années. Comment le ministère de la culture et celui de l'éducation nationale contrôleront-ils cette gestion ? Les plateformes locales du Pass Culture pourraient‑elles être utilisées par les établissements pour organiser des sorties ?

Je ne peux m'empêcher de regretter que l'école primaire n'ait pas suffisamment de moyens pour offrir aux enfants un éveil à l'art et à la culture. C'est pourtant dès ce niveau qu'il faut les aider à développer leur curiosité, leur sensibilité, le goût de la diversité, qui sont les véritables clés de la réussite de ce pass.

Cette année encore, je tiens à pointer la situation de nos écoles d'art et de design. Le budget consacré à la recherche est en très légère baisse. Je ne peux que le regretter pour les écoles qui préparent l'avenir de notre culture et son rayonnement et qui manquent de moyens pour développer la recherche artistique.

Le groupe UDI et indépendants, tout en abordant favorablement nos discussions, restera attentif aux réponses apportées, notamment à nos amendements.

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Dès la phase d'expérimentation, le Pass Culture était un échec : seulement 100 euros sur les 500 offerts ont été utilisés, principalement pour des livres scolaires et sur la plateforme musicale Deezer. Dans un article de Mediapart, le président de l'Association française des cinémas d'art et d'essai dresse le même constat : ce pass est une vision purement consumériste de la culture ! Pourtant, vous avez généralisé ce dispositif dès le 20 mai dernier, malgré son bilan pour le moins controversé.

Le bleu budgétaire le présente comme le point d'orgue d'un budget tourné vers la jeunesse, dans une démarche d'éducation artistique et culturelle : 53,9 % des sommes allouées à l'action Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle sont captées par le Pass Culture, dont le budget est désormais de 199 millions d'euros, en augmentation de 140 millions depuis le PLF 2021.

Dans sa version généralisée à tous les jeunes de plus de 18 ans, le Pass Culture s'élève à 300 euros. Sans surprise, après les mangas, ce sont les livres inscrits au programme des classes préparatoires aux grandes écoles qui arrivent en tête des ventes – une preuve supplémentaire que la médiation culturelle ne peut pas être réduite à un simple catalogue d'activité ou de produits culturels. Un accompagnement, une médiation sont nécessaires. Sans cela, les jeunes reproduisent logiquement les habitudes de leur milieu social.

Le Pass Culture sera également décliné à partir de la classe de quatrième dès 2022. Tous les élèves bénéficieront, dans un cadre collectif, sous la responsabilité de leur enseignant, de sorties ou activités culturelles, pour un montant de 25 euros par élève. À partir de la classe de seconde, chaque jeune se verra remettre un crédit de 30 euros. Ce budget de 38 millions d'euros devrait plutôt être alloué aux nombreux projets culturels et artistiques proposés par les enseignants dans le cadre scolaire, mais abandonnés faute de moyens.

Le seul intérêt du Pass Culture est de valider une promesse électorale du candidat Macron. Une journaliste de France Culture a proposé de faire l'autopsie de cette fausse bonne idée dans son émission du 7 novembre 2019 : elle évoque une mesure électorale qu'il serait plus que temps de débrancher puisque les principaux intéressés ne savent pas quoi en faire. Un tel acharnement à maintenir ce dispositif, défectueux et mercantile, pénalise les créateurs. Cinq ans après votre arrivée au pouvoir, les artistes-auteurs sont toujours les grands oubliés du Gouvernement et de la majorité. Ils ne bénéficient toujours pas d'un statut et d'une protection sociale, comme les autres travailleurs cotisants ; ils n'ont toujours pas de représentants élus au sein du conseil d'administration de l'organisme de gestion de la sécurité sociale des artistes‑auteurs ; le conseil national des artistes-auteurs a même disparu depuis le projet de loi de finances de l'an passé.

Durant cette législature, le groupe La France insoumise aura été le seul défenseur des artistes-auteurs : nous leur avons consacré quatre propositions de loi dont deux examinés au cours de nos niches parlementaires. Elles visaient l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail, le fonds de soutien à la création artistique, le centre national des artistes-auteurs ou le domaine public commun. Vous les avez toutes rejetées. Il est pourtant temps de reconnaître aux serviteurs de la culture une place essentielle dans la société. Mais vous ne regardez la culture qu'à travers le prisme de la consommation, vous ne l'évaluez qu'à l'aune des flux financiers qu'elle génère.

En opposition au Pass Culture, pour soutenir nos créatrices et créateurs et face à un nouveau budget inconséquent, nous voterons contre les crédits de la mission.

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La hausse du budget de la culture était plus que nécessaire cette année encore, alors que le secteur est sans nul doute l'un des plus fragilisés par la crise sanitaire. Il souffrira pour longtemps de ses conséquences désastreuses. Les pertes d'activité sont considérables et elles seront durables. Ainsi la fréquentation est-elle au plus bas dans les grands établissements publics et le spectacle vivant peine à repartir.

Ces crédits en augmentation s'ajoutent aux mesures d'urgence et à celles du plan de relance. Tout cela ne sera malheureusement pas suffisant pour sauver l'ensemble des acteurs, notamment les festivals qui, même s'ils font l'objet d'une attention particulière – avec 10 millions d'euros – sont très fragilisés du fait de l'annulation d'un très grand nombre d'entre eux. Comme l'année dernière, nous appelons à augmenter les moyens en direction des créateurs et des producteurs et à proposer une véritable aide à l'équipement des salles pour la captation du spectacle vivant.

Notre groupe souhaite exprimer son inquiétude à l'égard des intermittents du spectacle alors que c'est une année blanche, heureusement prolongée, qui touchera à sa fin le 31 décembre. Nous devons réfléchir à l'amélioration de leur statut, qui n'est pas satisfaisant.

Nous ne comprenons pas l'insuffisance des crédits affectés à la culture et au patrimoine des territoires et dénonçons, une fois de plus, la concentration de ces crédits sur les équipements parisiens. À titre d'exemple, la ville de Limoges verse 5,3 millions d'euros à son opéra et l'État 240 000 euros. En revanche ce dernier verse 95 millions d'euros à l'Opéra de Paris et la Ville de Paris, rien. Comment l'expliquez-vous ? Ce n'est pas un bon signal en matière d'accès à la culture pour tous, dans tous les territoires.

Nous nous interrogeons sur le Pass Culture, même si nous partageons évidemment l'objectif poursuivi. Son poids financier paraît disproportionné, compte tenu des faibles répercussions. En Bretagne, seule région intégralement couverte par l'expérimentation, 80 % des bénéficiaires potentiels ont actionné l'application, dépensant en moyenne 105 euros sur dix mois, soit un potentiel d'achat de 252 euros sur vingt-quatre mois. Même si notre rapporteure nous a quelque peu rassurés, nous regrettons que ce pass touche peu les publics défavorisés, délaisse le spectacle vivant et les pratiques artistiques et accélère les achats en tous genres, notamment de musique.

L'an dernier, notre groupe déplorait un abondement croissant sans aucune évaluation. Un rapport a finalement été rendu en janvier 2021, mais l'expérimentation est biaisée du fait de la crise sanitaire. Pour 2022, le choix a été fait d'étaler ce dispositif dans le temps : 200 euros répartis de la quatrième à la terminale dans le cadre de l'éducation artistique et culturelle puis, à 18 ans, une enveloppe de 300 euros à utiliser suivant le goût des jeunes. Il n'est pas sûr que cette évolution suffise à faire évoluer les pratiques. Quant à la capacité de cet outil à toucher les publics défavorisés, la question demeure, car seulement 8,5 % des jeunes ayant expérimenté le pass vivent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Comment rééquilibrer le dispositif ?

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L'augmentation pérenne de 15 % des moyens alloués à la culture depuis 2017 est historique. Elle représente 507 millions d'euros supplémentaires depuis le début du quinquennat et elle montre à quel point la culture est une priorité pour le Président de la République et le Gouvernement.

Le budget du programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture s'élève à 775 millions, ce qui représente une hausse de 3,19 % par rapport à la précédente loi de finances. Dans le cadre de ce programme, qui comprend un volet international, quelles actions privilégierez-vous pour défendre et promouvoir les positions et les politiques culturelles françaises lors de la présidence française de l'Union européenne, au premier semestre 2022 ?

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Selon une enquête commandée par votre ministère, 52 % des personnes interrogées ne fréquentent plus les salles de spectacle par peur d'être contaminées. Le passe sanitaire étant requis pour accéder à la vie culturelle, pensez-vous qu'il suffira à redynamiser le secteur ?

De plus en plus de Français ayant pris l'habitude de regarder des spectacles ou des films en streaming, comment les inciter à fréquenter à nouveau les salles de spectacle et à changer leurs modes de consommation ?

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Je vous remercie de nous permettre de voter en faveur d'un budget historiquement haut, lequel mériterait d'ailleurs une approbation unanime. Depuis 2017, hors audiovisuel public, il augmente au total de 15 %, ce qui est inédit. Je vous remercie également parce que, grâce aux dispositifs que notre assemblée a su déployer avec le Gouvernement, nos artistes ont pu tenir et continuer à exercer.

L'éducation artistique et culturelle doit commencer dès le plus jeune âge. Si nous croyons au Pass Culture et à la façon dont il a été réévalué et réorganisé, comment vérifier que les moyens seront bien consacrés à la médiation culturelle et au parcours d'éducation artistique et culturelle afin d' « aller vers » les publics qui n'utilisent pas spontanément ce pass ?

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Si Paris bénéficie d'un statut de « ville-monde » et d'une histoire culturelle foisonnante, la province n'en est pas moins riche et ne saurait être reléguée aux marges de notre politique culturelle. Au contraire, elle devrait être l'objet d'un intérêt renforcé.

La crise sanitaire a eu le mérite d'appeler l'attention sur les conséquences du tourisme de masse. Il n'est plus possible d'envisager un modèle culturel avec des opérateurs parisiens tels que le Louvre ou le château de Versailles submergés par un afflux de visiteurs alors que des sites remarquables sont délaissés en province. Il est temps de rééquilibrer les parcours des visiteurs, ce qui suppose un effort supplémentaire de la part de votre ministère en faveur des territoires. Mont Saint-Michel, Pont du Gard, Palais idéal du facteur Cheval, Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM), Azay-le-Rideau, Carcassonne et bien d'autres hauts lieux méritent toute notre attention. Allez-vous entreprendre une politique qui renforce vraiment l'attractivité des innombrables sites culturels de nos régions ?

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Les Ateliers Médicis, à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil, ont ouvert, au mois de juin 2018, un premier lieu éphémère qui a vocation à accueillir des actions artistiques et culturelles. Il constitue un outil essentiel dans la préfiguration du futur grand équipement culturel qui doit ouvrir à l'horizon 2025 et qui comprendra une salle de diffusion ainsi que des espaces consacrés aux ateliers et à l'accueil des publics ; il réaffirmera ainsi la place de la création artistique dans les banlieues. J'ai eu le plaisir de vous y accueillir le 9 septembre, en présence des maires de ces deux villes et du président de la métropole du Grand Paris, qui sera l'un des financeurs de ce nouvel équipement.

Selon le projet annuel de performances, le projet d'implantation des Ateliers Médicis dans un nouveau lieu sera doté de 3 millions d'euros permettant d'amorcer le projet d'investissement. Pouvez-vous faire un point sur l'avancée de ce chantier culturel très important pour la Seine-Saint-Denis et nous dire si une ouverture en 2025 est toujours envisagée ? Par ailleurs, qu'en sera-t-il de l'articulation de son financement avec les collectivités territoriales ?

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Le programme 131 Création couvre les secteurs du spectacle vivant et les arts visuels, qui ont été durement touchés par la crise mais massivement soutenus par des mesures qui ont permis d'éviter des catastrophes. Fort heureusement, ce budget s'inscrit dans la même perspective : les crédits de paiement du programme augmentent de 6,4 %, ce qui représente une hausse de près de 55 millions. Si la culture change nos vies, elle leur donne également de la couleur !

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la labellisation des théâtres, qui bénéficiera de 10 millions d'euros ? Cette question est chère à mon cœur puisqu'Avignon est évidemment concernée.

Enfin, je vous remercie du petit post que vous avez laissé pour le Campus !

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Roselyne Bachelot, ministre

La molle fréquentation des spectacles vivants, des cinémas et des musées est-elle conjoncturelle ou structurelle ? Bien malin celui qui répondra à cette question. Sans doute est-ce les deux à la fois. À l'évidence, la crise a accéléré des évolutions à venir : nous allons encaisser en deux ans ce qui l'aurait été en dix.

Cette baisse de la fréquentation doit être également appréciée en fonction des critères retenus. Pour le cinéma, elle est importante par rapport à 2019 – année exceptionnelle suite à la sortie du film Joker – mais, par rapport à 2018, elle est moindre. Il est vrai que les opérateurs se réfèrent aux chiffres les plus propices à la perception des aides !

S'agissant du spectacle vivant, 75 000 spectateurs ont été accueillis à la mi-octobre, ce qui représente une baisse de 15 % par rapport à 2019 mais la situation est contrastée : les taux de fréquentation de la Grande halle de La Villette sont proches de 2019 alors qu'ils ont chuté de 29 % à l'Opéra national de Paris (ONP), étant entendu que les différences de fréquentation y sont considérables selon les spectacles proposés.

De plus, les consommateurs privilégiant les achats tardifs, les opérateurs manquent de visibilité. En début de saison à l'Opéra de Paris, traditionnellement, 45 % des places ou des abonnements sont pris ; cette année, le volume est de 25 % seulement.

De la même manière, les spectateurs achètent moins de places de première catégorie, ce qui soulève également des problèmes pour les gestionnaires de salles. Là encore, ces phénomènes perdureront-ils ? Je laisse à chacun le soin d'émettre des hypothèses. Seul l'avenir nous dira ce qu'il en sera.

La fréquentation des musées et des monuments nationaux a spectaculairement diminué, de 72 %, en raison de la fermeture de six mois mais, une fois encore, la situation est très hétérogène. Le fléchissement est plus important à Paris et en Île-de-France du fait de la baisse de la fréquentation étrangère – moins 72 % pour le Louvre, moins 76,5 % pour le musée d'Orsay, moins 82 % pour le musée Picasso, moins 75 % pour le château de Versailles – mais bien moindre en province.

Outre le reflux des visiteurs étrangers, nous constatons un retour des jeunes et une augmentation des gratuités.

Les prévisions de fréquentation, pour 2021, sont moindres que celles de 2020 et se situent autour de moins 78 % par rapport à 2019. Le passe sanitaire n'est pour rien dans cette situation : les Français l'ont très bien accepté. À juste titre, les opérateurs de structures et les directeurs avaient des craintes mais tous ceux qui fréquentent les lieux de culture ont pu constater que tout se passe bien. Pour 2022, nous attentons une amélioration puisque la fréquentation des musées et des monuments nationaux devrait être de moins 50 % par rapport à 2019, de moins 35 % en 2023 et de moins 20 % en 2024. Cela implique de poursuivre nos efforts, même si nous sommes en train de sortir de la crise sanitaire.

Les crédits déconcentrés du programme 175 Patrimoines s'élèvent à 340 millions en AE et 329 millions en CP. Nous voulons soutenir l'attractivité et le développement économique des territoires, accompagner les investissements des collectivités territoriales et contribuer à la revitalisation des centres-villes. Avec ces nouveaux moyens, nous assurerons la montée en charge du Fonds incitatif et partenarial, le relèvement du financement du label Villes et pays d'art et d'histoire et le renforcement du plan de mise en sécurité des cathédrales.

Les moyens obtenus en 2021 au titre du plan de soutien en faveur des musées territoriaux, des archives territoriales et de l'archéologie préventive sont par ailleurs confirmés.

Dans le cadre du plan de relance, 280 millions d'euros bénéficient aux territoires, dont 160 millions pour soutenir l'investissement en matière de monuments historiques et les équipements patrimoniaux en région. J'ajoute que 137 opérations seront lancées d'ici à la fin de 2022. Je me tiens à votre disposition pour vous fournir toutes les indications complémentaires.

Je connais les inquiétudes récurrentes à propos de l'exécution des crédits consacrés aux monuments historiques, notamment pour ceux qui n'appartiennent pas à l'État. Nous avons beaucoup œuvré pour en identifier les freins, notamment grâce à la mission flash menée par votre commission en 2018, afin d'améliorer le niveau effectif des dépenses. La consommation des crédits n'a cessé, depuis, d'augmenter : plus 62 millions par rapport à 2017. Pour cette année, je vous confirme que cette consommation est très dynamique, pour les crédits ordinaires comme pour les crédits relance. Nous n'avons aucune inquiétude.

La restauration et l'aménagement du château de Villers-Cotterêts sont magnifiques. L'atout patrimonial sera considérable, mais l'atout territorial également : nous savons à quel point un monument de prestige et un équipement important valorisent un territoire et redonnent de l'estime de soi à ses habitants. Outre la restauration du logis royal et de la Cour du jeu de paume, qui accueilleront le parcours de visite et le projet culturel, l'accélération du chantier autorisé par les crédits relance permettra de restaurer le clos et le couvert des communs et d'aménager le jardin. Cette revalorisation de l'ensemble du site constitue un préalable indispensable pour inciter les porteurs de projets à investir le lieu.

Hier soir, j'ai participé à Saint-Denis-de-La-Réunion aux états généraux du multilinguisme. J'en profite pour vous dire que la Cité internationale de la langue française fera toute sa part aux langues régionales de France.

J'ai confié à Christophe Tardieu et Georges-François Hirsch une mission consacrée à l'état des lieux de l'Opéra de Paris et aux perspectives à long terme. Les préconisations de leur rapport ont porté sur la refonte du modèle artistique et social de l'établissement ainsi que sur le renforcement des investissements afin de tenir compte des besoins des deux sites. La mission s'est interrogée dans son rapport sur la pertinence du projet de salle modulable. Suite aux échanges fructueux avec les dirigeants de l'établissement, nous sommes convenus de l'abandonner. Compte tenu des besoins de l'Opéra de Paris pour faire fonctionner ses deux sites et remédier à une situation financière très dégradée, ce projet n'est pas prioritaire.

Au début du mois de juillet, j'ai demandé à Alexander Neef, directeur de l'Opéra de Paris, d'engager avec le conseil d'administration et les tutelles, en étroite concertation avec les représentants du personnel, la réforme du modèle artistique, économique et social de l'ONP. Il s'agit de développer un nouveau projet stratégique en donnant à l'établissement de la visibilité sur ses conditions de développement afin d'être à même de pouvoir défendre un projet artistique à la fois ambitieux et financièrement soutenable. Il s'articulera autour des priorités suivantes : faire évoluer la politique et les méthodes de programmation artistique ainsi que la planification afin de mieux maîtriser les coûts de production et la masse salariale variable ; redéfinir l'organisation des services et les règles de fonctionnement afin de pouvoir réduire le niveau des charges fixes ; retrouver progressivement le niveau des recettes – billetterie, mécénat, concessions – et revenir à un budget équilibré en 2024.

En contrepartie de ces efforts, l'État continuera de soutenir cet établissement – vaisseau amiral de la culture française et formidable produit d'appel dans le monde – à travers un accompagnement financier de 25 millions d'euros prévu dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année, afin de reconstituer sa trésorerie. Le maintien des crédits d'abord consacrés au projet de salle modulable – 30 millions sont déjà acquis et 20 millions étaient prévus en 2022 – est acté pour le réinvestissement et la transformation de l'établissement. Le niveau de l'accompagnement dans la durée de ses moyens de fonctionnement et d'investissement sera examiné à l'aune des efforts réalisés. En 2022, la subvention de fonctionnement augmentera de 900 000 euros, pour un total de 98,15 millions – son montant, qui avait baissé entre 2012 et 2016, était resté inchangé depuis. La subvention d'investissement augmentera, quant à elle, de 3,5 millions. L'établissement travaille cet automne à ce nouveau projet stratégique et à une trajectoire pluriannuelle, qui doivent faire l'objet d'une validation par la tutelle avant la fin de l'année.

J'entends souvent formuler le reproche selon lequel on donne tout à l'Opéra de Paris et rien à ceux de province. Nous soutenons la plupart des maisons d'opéra en région. Toutefois, il s'agit d'un réseau fortement diversifié, au sein duquel les statuts juridiques ainsi que les moyens humains, techniques et budgétaires sont très différents. Caroline Sonrier m'a remis son rapport le 5 octobre dernier. Il dresse un état des lieux totalement inédit, dépeint un secteur lyrique très divers et ouvre des perspectives pour renforcer la politique de l'État. Sur cette base, nous avons défini cinq axes de réflexion : l'instauration d'un dispositif permanent d'observation du monde lyrique ; l'accompagnement de la carrière des artistes ; l'ouverture et l'accessibilité de l'art lyrique au plus grand nombre ; le développement du soutien à la création ; la définition d'objectifs partagés en faveur de la diversité, de la lutte contre les discriminations, et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Outre ces pistes de travail concrètes, nous étudions une simplification du système de labellisation du ministère de la culture – qui comprend cinq niveaux pour vingt-neuf opéras – en vue de rendre plus lisible et plus cohérente la politique lyrique de l'État.

Dans le cadre du programme Mondes nouveaux une commande publique a été passée pour un montant de 30 millions – c'est dire si nous ne faisons rien pour les artistes-auteurs ! Le programme est organisé en trois phases : sélection des dossiers ; étude de faisabilité des projets ; production et présentation. La sélection des dossiers est construite avec des experts issus de multiples horizons, sans clivage entre disciplines artistiques, afin de dresser un portrait du temps et de ses attentes. Les experts qui composent le comité artistique, présidé par Bernard Blistène, sont Ronan de Calan, Lucie Campos, Julien Creuzet, Rebecca Lamarche‑Vadel, Bruno Messina, Caroline Naphegyi, Chloé Siganos et Noé Soulier. Tous les membres de ce comité strictement paritaire sont bien connus dans le monde artistique. Ce programme offre aux créateurs et aux créatrices une première bourse de recherche pour financer la construction de leur projet, avant d'en engager la production et la présentation au public.

J'en viens au Pass Culture, sur lequel vous avez été nombreux à m'interroger. Je fais de nombreux déplacements, dans tous les territoires. Je rencontre des jeunes, des profs et des artistes. Tous me disent leur extraordinaire satisfaction et plébiscitent le Pass Culture. C'est véritablement touchant ! Il y avait des inquiétudes et des interrogations. Moi-même, je faisais partie des gens qui en avaient. Nous avons réfléchi, notamment grâce à vous et à vos interrogations. Je remercie Constance Le Grip d'avoir dit que nous avons solidifié le système et que nous l'avons étendu. Nous avons introduit des garde-fous en matière de consommation d'objets numériques et de montée en puissance tout au long de la vie scolaire et étudiante de ses bénéficiaires. Mais n'oublions pas que la culture, à un moment donné, suppose un acte individuel de choix. C'est pourquoi le Pass Culture n'est plus sous le contrôle total d'une médiation, pour libérer ce qui est une démarche d'émancipation et d'autonomie.

J'entends parfois dire qu'il aurait fallu donner l'argent à tel ou tel, aux intermittents ou aux structures. Depuis soixante ans, la culture, dans ce pays, est un dialogue entre la puissance publique et les artistes. À un moment donné, il faut s'interroger : que veulent les spectateurs ? Que décident-ils ? Et les jeunes, que décident-ils ? Il faut en sortir ! Le Pass Culture est une politique d'émancipation et d'autonomie.

J'aime à raconter cette anecdote, qui fera peut-être comprendre pourquoi je parle avec passion. Ma grand-mère était analphabète. Quand ma mère a eu son diplôme, elle n'a pas osé entrer dans l'amphithéâtre de la faculté de médecine de Paris où avait lieu la cérémonie, estimant qu'elle n'y avait pas sa place. Lorsqu'elle a retrouvé sa fille sur le trottoir, elle lui a dit : « Tout ça, ma petite fille, c'est bien beau, mais il va falloir que tu plaises pour avoir des clients ! » La culture doit plaire, accueillir le public et offrir des spectacles. Il ne s'agit pas de faire de la démagogie ou de la sous-culture, ce à quoi je suis absolument opposée, mais d'encourager l'autonomie et l'émancipation.

Nous suivons cette politique avec beaucoup de soin. Sur une classe d'âge de 850 000 personnes, 780 000 se sont connectées au Pass Culture, et ce chiffre augmente chaque jour. C'est un triomphe, un succès incroyable !

Certes, il faudra diversifier les politiques culturelles. Je crois beaucoup aux communautés de jeunes. Le Pass Culture doit aussi favoriser le dialogue entre soi, un jeune disant par exemple à un autre « J'ai adoré l'opéra, ce n'est pas du tout ce que tu crois, allons-y ensemble ! ». Je crois aussi à son utilité dans les librairies. On a beaucoup critiqué l'achat de mangas : et alors ? On lit, avec des mangas ! Tous les libraires disent qu'ils proposent à cette occasion d'autres livres, que souvent les gens achètent. J'ai même entendu le responsable de la CGT-Spectacle prétendre qu'il est possible de s'abonner à Netflix avec le Pass Culture ! Il faut cesser de dire des bêtises ! C'est insupportable !

Les acteurs de la culture doivent aussi s'inscrire sur la plateforme du Pass Culture. Les places achetées avec alimentent le monde de la culture. L'argent n'est pas soustrait au monde de la culture, il est réinjecté dans le circuit. Le Pass Culture a une légitimité qui transcende nos divergences politiques : certains en ont rêvé, nous l'avons fait. Si vous aviez vu les jeunes qui ont assisté au festival Électropicales de La Réunion grâce au Pass Culture ! Il s'agissait de jeunes des quartiers en difficulté de Saint-Denis de La Réunion, pas de petits‑bourgeois friqués, je vous le garantis !

Le budget de l'EAC a doublé pendant le quinquennat. La question de la responsabilité dont elle relève n'est pas tranchée. Pour moi, nous venons en appui d'une politique principalement menée par l'éducation nationale. Notre objectif est de la généraliser à tous les enfants, sur tout leur temps de vie. En dépit des conditions défavorables dues à la crise sanitaire, 65 % des élèves des écoles et des collèges ont bénéficié d'actions relevant de l'EAC au cours de la dernière année scolaire. C'est un beau succès, me semble-t-il, compte tenu du contexte que nous connaissions, même si nous n'avons pas atteint l'objectif de 80 % d'une classe d'âge que nous nous étions fixé. Il faudra atteindre l'objectif de 100 %, ce pour quoi le Pass Culture sera un outil utile.

Par ailleurs, j'ai présidé avec Sophie Cluzel la commission nationale Culture et Handicap (CNCH). Je tiens beaucoup à ce que les élèves handicapés puissent bénéficier du Pass Culture. J'ai d'ailleurs rappelé, lors d'une visite dans une structure de l'association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) de La Réunion, qu'il n'y a aucune raison d'en évincer les jeunes handicapés. Il faudra être très vigilant sur ce point. Il ne manquerait plus que ça, à l'heure où nous parlons des publics empêchés ou éloignés de la culture !

Sur les DRAC, je partage votre avis, Constance Le Grip. Elles ont joué un rôle stratégique tout au long de la crise. Elles incarnent l'État sur le terrain, au plus près des besoins des secteurs et des Français. J'ai veillé à y préserver l'emploi. Dès cette année, j'ai dégagé des moyens supplémentaires pour des vacations, afin de les soutenir. Dans le cadre de France relance, des crédits de 1,7 million d'euros ont été déployés, ce qui correspond à la totalité des besoins recensés. Par ailleurs, nous avons consenti un effort considérable pour leur équipement informatique, en tirant les leçons des difficultés révélées par le télétravail imposé au personnel. Nous avons investi 7 millions d'euros cette année et investirons 4,5 millions l'an prochain.

Dominique David m'a interrogée sur le 1 % artistique. Ce dispositif de soutien, indispensable aux arts visuels depuis 1951, doit être, à l'heure où nous relançons l'obligation de décoration des constructions publiques, un instrument pérenne et structurant de soutien aux artistes. Le nombre de projets engagés a diminué au cours des dernières années. Le ministère publiera prochainement une circulaire adressée aux préfets leur rappelant cette obligation inscrite depuis 2019 au code de la commande publique et les modalités de sa mise en œuvre. Le texte est en cours de rédaction par les services de la direction générale de la création artistique (DGCA). Nous rappellerons leurs obligations aux commanditaires publics qui s'en exonèrent trop volontiers.

Nous consentons un effort budgétaire sans précédent en faveur des ENSA, à hauteur de 8,2 millions d'euros, dont 2,5 pour revaloriser leurs dotations de fonctionnement. Nous devrions dégager dix emplois supplémentaires en gestion pour renforcer leurs effectifs. Elles bénéficieront de 60 millions dans le cadre du plan de relance.

Les écoles doivent mettre correctement en œuvre la réforme de 2018 et occuper une place centrale dans la définition et dans la diffusion des solutions pour la transition écologique et sociale. Ce thème a été retenu pour leurs premières assises nationales, qui se sont tenues les 14 et 15 octobre derniers à Rouen. Une réflexion est également engagée sur l'avenir de l'enseignement de l'architecture, en fonction des attentes de la société à l'égard des architectes. Elle bénéficiera de la création, en novembre, d'un observatoire de l'économie de l'architecture.

S'agissant du Grand Palais, nous suivons le chantier. J'ai présenté la réorientation de son projet de restauration et d'aménagement dans un sens plus écologique et plus économique. Pour l'heure, d'après mes informations, l'affaire se déroule de façon satisfaisante. Cet important chantier ne fait l'objet d'aucune alerte.

Monsieur Larive est parti, ce qui est dommage, car il est le seul à s'occuper des artistes-auteurs, selon ses dires. J'ai quelques chiffres à lui donner. L'éligibilité des artistes‑auteurs au fonds de solidarité est l'un des piliers de ma politique. Depuis mars 2020, 250 millions d'euros ont été versés à 45 000 bénéficiaires. Les deux périodes de confinement et de couvre-feu de 2020 ont été couvertes par un dispositif d'exonération de cotisations sociales. Un autre, applicable aux revenus de 2021, est prévu par la loi du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

Pour compléter les dispositifs transversaux, des aides fléchées vers les artistes‑auteurs ont été attribuées par les établissements publics relevant du ministère de la culture les plus proches des secteurs impactés, tels que le CNC, le CNM, le CNL et le CNAP. Dans ce cadre, 14 millions ont été versés aux artistes-auteurs dès 2020. Nous avons abondé ces aides à hauteur de 22 millions en 2021. Fin août, 11 millions avaient été versés.

Par ailleurs, des mesures ciblées sur les auteurs du spectacle vivant ont été prises, notamment un dispositif de prise en charge et de paiement par l'État des dettes de droits d'auteur des compagnies et des structures privées, à hauteur de 3 millions d'euros, ainsi qu'un « couloir auteur » au sein du fonds de compensation des pertes de billetterie, doté d'une enveloppe de 400 000 euros, dont 300 000 ont d'ores et déjà été versés.

Outre ce soutien conjoncturel, j'ai annoncé le 11 mars dernier la mise en œuvre d'un programme de quinze mesures concrètes visant à améliorer rapidement les conditions de création des artistes-auteurs. Une question fondamentale demeure : quel est leur statut ? La réponse à cette question fait polémique. Certains souhaitent être les salariés du passeur de commandes, ce qui les fait passer dans un autre monde. D'autres sont attachés au statut que leur confère le code de la propriété intellectuelle. Je ne suis pas en mesure de résoudre ce conflit récurrent. Ce sont deux modèles totalement antinomiques.

Je comprends bien l'intérêt du modèle salarial : qui dit salariat dit représentation et syndicats. Mais il serait extrêmement complexe de le mettre en œuvre. Et puis, quel rapport y a-t-il entre un peintre, un écrivain de scénario, un sculpteur et un auteur de bandes dessinées ? D'ailleurs, c'est un tout autre monde : le jour où les écrivains recevront des commandes de la part des maisons d'édition, nous aurons basculé dans un modèle à la soviétique, avec des artistes d'État. Est-ce vraiment ce modèle que l'on souhaite instaurer ? Tel n'est pas mon cas.

Le soutien à l'emploi intermittent a été massif. Sur la base des recommandations du rapport d'André Gauron, nous avons prolongé l'année blanche jusqu'au 31 décembre 2021, en l'assortissant d'aménagements réglementaires pour garantir un accompagnement solide jusqu'à la fin 2022. J'ai déjà mentionné le GUSO, le GIP Cafés Cultures et le FONPEPS, qui visent à soutenir l'emploi pendant la reprise d'activité.

Dans la mesure où la crise a perduré, nous avons reconduit le fonds d'urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT), mis en place en 2020, en le portant de 10 millions à 17 millions d'euros.

Nous avons également prévu diverses mesures d'aménagement pour la sortie du dispositif. Une date anniversaire plancher est fixée au 30 avril 2022 pour permettre aux intermittents dont la dernière date de fin de contrat était très éloignée du 31 décembre 2021 de disposer de davantage de temps pour reconstituer leurs droits. Une date spécifique, elle aussi fixée au 30 avril 2022, est prévue pour les intermittents qui seraient en congé maladie, maternité, paternité ou adoption au 31 décembre 2021. Une clause de rattrapage, dont les conditions d'éligibilité seront temporairement assouplies, permettra aux intermittents ayant totalisé entre 338 et 506 heures de bénéficier d'une indemnisation pendant une durée de six mois. L'allocation de professionnalisation et de solidarité pourra être versée pendant une durée de douze mois à tous les intermittents admis à son bénéfice, et ce même à l'issue des six mois de la clause de rattrapage. Les intermittents âgés de moins de 30 ans ouvrant pour la première fois des droits au titre de ce régime devront cumuler 338 heures et non 507 heures sur la période de référence.

Élisabeth Borne et moi-même suivons l'affaire de très près. D'ici à trois semaines, se déroulera un cycle de réunions bilatérales avec les organisations professionnelles du bureau du Conseil national des professions du spectacle (CNPS). Ces réunions se tiendront en présence des deux ministères. Ce sera l'occasion de partager un certain nombre de chiffres. Nous ne laisserons personne sur le bord du chemin : nous continuerons à soutenir les artistes intermittents, c'est l'un des joyaux de la politique culturelle française.

La présidence française de l'Union européenne aura d'importants enjeux culturels. Même si nos priorités seront annoncées ultérieurement, je puis d'ores et déjà vous dire qu'elle nous permettra de faire avancer des textes très importants tels que le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Selon moi, notre ambition doit se traduire par le renforcement de la souveraineté culturelle européenne à l'ère numérique. Nous poursuivrons les discussions pour préserver la création européenne dans une économie mondialisée, protéger la propriété intellectuelle, inscrire la culture dans le quotidien des citoyens européens – c'est-à-dire agir en faveur de la démocratisation de la culture, même si je ne raffole pas de ce terme –, promouvoir davantage la mobilité des artistes et des professionnels de la culture en Europe, développer le multilinguisme des contenus, protéger et valoriser le patrimoine culturel européen, ou encore favoriser la mise en place de nouveaux outils permettant de rapprocher les jeunes de la culture. À cet égard, le Pass Culture intéresse énormément : tous mes collègues ministres européens de la culture me demandent comment ils pourraient l'importer dans leur pays !

En ce qui concerne le rééquilibrage entre Paris et les régions, nous avons hérité d'un millénaire de concentration et de jacobinisme ; je ne saurais y remédier avec mes seules forces. Ce centralisme est aussi un puissant facteur d'attraction de notre pays. Même si l'opéra de Limoges est une institution tout à fait importante, les voyageurs américains qui viennent écouter de l'opéra se rendent d'abord à l'opéra de Paris… L'enjeu est de faire en sorte qu'après avoir assisté à un spectacle à l'opéra de Paris, on aille également à l'opéra de Limoges. Quarante ans après 1981, on salue à juste titre la politique de grands travaux menée par le président François Mitterrand et mise en œuvre par Jack Lang. Or il serait maintenant impossible de mener une telle politique : dans les territoires, tout le monde serait dans la rue… Je développe une action territorialisée à travers les opérateurs du ministère. Les grands opérateurs nationaux sont les têtes de pont d'une politique territoriale passant notamment par les DRAC. Celles-ci agissent directement dans les territoires à travers les bibliothèques, les scènes nationales, les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), les conservatoires et l'octroi de labels. Les DRAC nouent des partenariats avec les collectivités territoriales, avec pour objectif de mener des politiques efficaces.

J'ai visité le chantier des Ateliers Médicis– vous étiez d'ailleurs avec moi, monsieur Testé. Les jeunes qui y œuvrent sont absolument merveilleux. L'établissement public de coopération culturelle (EPCC) associe l'État et sept collectivités territoriales pour mettre en œuvre ce projet très ambitieux. L'ouverture du nouveau bâtiment est prévue pour la fin 2025, près de la gare, qui a été conçue dans le cadre du Grand Paris Express. Le calendrier prévisionnel est tenu. Le coût du projet inscrit au contrat de plan État-région 2021-2027 est évalué à 31 millions d'euros. La région s'est d'ores et déjà engagée pour 5 millions, le département de la Seine-Saint-Denis pour 1 million et la métropole du Grand Paris pour 7 millions, soit 13 millions émanant des collectivités territoriales ; le montant de la contribution des villes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil sera annoncé très prochainement. Le financement de l'État s'élève à ce stade à 18 millions d'euros, dont 3 millions dans le cadre du plan de relance. L'EPCC souhaite financer le solde du besoin de crédits en recherchant des partenariats avec des mécènes potentiels, ce qui me semble être une très bonne idée. Lors de ma visite, j'ai entendu le président Patrick Ollier dire qu'il pourrait augmenter sa participation, mais je ne souhaite pas l'entraîner sur des sentiers qu'il n'aurait pas encore complètement validés. Quoi qu'il en soit, c'est un magnifique projet.

Mes services se tiennent à votre disposition pour éclairer tous les points de détail à propos desquels vous pourriez souhaiter les interroger.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous reprendrons nos travaux à vingt et une heures trente.

La séance est levée à vingt heures dix.

Présences en réunion

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 18 heures

Présents. – Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aurore Bergé, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Céline Calvez, Mme Fabienne Colboc, Mme Béatrice Descamps, Mme Jacqueline Dubois, M. Alexandre Freschi, Mme Albane Gaillot, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Luc Geismar, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Frédérique Meunier, Mme Sandrine Mörch, M. Bertrand Pancher, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Piron, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Michèle Victory, Mme Souad Zitouni

Excusés. – M. Bertrand Bouyx, Mme Sylvie Charrière, M. Stéphane Claireaux, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Karine Lebon, Mme Josette Manin, Mme Sophie Mette, M. Julien Ravier

Assistaient également à la réunion. – Mme Dominique David, Mme Marie-Ange Magne