Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 14h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 29 septembre 2021

La séance est ouverte à 14 heures 30.

La commission auditionne Mme Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS).

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Nous avons le plaisir d'accueillir cet après‑midi Mme Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé.

Je rappelle que la Haute Autorité de santé, autorité publique indépendante à caractère scientifique, exerce trois missions principales. La première est l'évaluation des produits de santé – médicaments, dispositifs médicaux, actes professionnels –, notamment en vue de leur remboursement. Sa deuxième mission est de recommander les bonnes pratiques professionnelles, y compris en santé publique. À ce titre, elle participe à la définition de la politique vaccinale en France en élaborant des recommandations vaccinales. Sa troisième mission est de contrôler la qualité des soins dans les hôpitaux, les cliniques, en médecine de ville et dans les structures sociales et médico‑sociales.

Au regard de ces différentes missions, il nous a semblé intéressant que vous puissiez présenter l'actualité de la Haute Autorité en cette période de rentrée marquée de la note positive que constitue l'amélioration de la situation sanitaire, bien que nous ne soyons pas encore sortis de la crise. Nous souhaiterions notamment vous entendre sur la politique vaccinale, en particulier sur les pratiques de rappel de vaccin et la vaccination des enfants contre la covid-19. Il subsiste beaucoup d'interrogations sur ces sujets.

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Dominique le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS)

Cette invitation me permettra de vous brosser à grands traits les travaux qu'a menés la Haute Autorité de santé (HAS) durant les dix-huit derniers mois. Cette période de la crise de la covid a été extrêmement intense mais également marquée par un grand nombre d'évolutions sur lesquelles je reviendrai avant d'évoquer les perspectives de notre institution.

Vous avez rappelé les principales missions de la HAS. Elles sont assez larges mais la période récente a été marquée par le fait qu'il a fallu répondre à tous les enjeux de la crise sans interrompre les missions de la HAS. Il n'était pas question d'abandonner nos missions vis-à-vis des patients atteints de pathologies hors covid. C'est pourquoi, comme vous avez pu le voir dans notre rapport d'activité, nous avons rendu l'année dernière plus de 500 avis sur des médicaments, 250 avis sur des dispositifs médicaux en vue de leur remboursement. Nous avons produit 66 publications relatives aux pratiques cliniques et organisationnelles et 8 publications de santé publique.

Je cite en exemples certains travaux emblématiques tels que le repérage des femmes victimes de violences au sein du couple, un guide à destination des professionnels des services d'aide et de soin à domicile sur l'accompagnement des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, un travail très récent sur la prévention, l'évolution et la prise en charge des tentatives de suicide et du risque suicidaire chez l'enfant et l'adolescent, une recommandation sur l'évaluation de la pertinence du dépistage néonatal d'un certain nombre de maladies... Ce sont de gros sujets de santé publique.

Nous avons également accrédité plus de 1 800 médecins et certifié plus de 2 300 établissements de santé. Surtout, nous avons considérablement fait évoluer le processus de certification des établissements de santé en renouvelant totalement la procédure et le référentiel pour mettre d'abord l'accent sur l'engagement des patients, la culture de l'évaluation de la pertinence et du résultat, le travail en équipe et l'insertion territoriale. La certification des établissements va ainsi plus au contact, elle est plus proche des équipes de soin.

Évidemment, le monde, la France et tous nos systèmes de santé ont été fortement impactés par la crise covid, qui fut de survenue extrêmement brutale. Nous avons eu un rôle assez important à jouer dans le cadre de nos missions et nous nous étions fixé d'emblée un certain nombre d'objectifs. Le premier était de conseiller au mieux le Gouvernement et de lui apporter les analyses et les données scientifiques les plus fiables dans un contexte d'incertitude. Le deuxième était d'aider les professionnels de santé, afin qu'ils puissent lutter contre cette crise mais trouvent également les informations nécessaires à la prise en charge de l'ensemble de leurs patients de façon à continuer leurs activités en période de confinement, de post-confinement ou de crise sanitaire. Nous avions également pour objectif d'informer au mieux les patients, dans une période qui a donné lieu à l'expression d'un grand nombre de positions parfois contradictoires entre lesquelles ils avaient bien du mal à se retrouver.

En interne, le directeur général Thomas Wanecq, ici présent, et moi-même avons mis en place une gestion de crise dédiée, agile, qui permettait de s'adapter au niveau d'évidence du moment, de revoir en permanence les recommandations. Nous avons mobilisé toutes les équipes autour d'objectifs communs avec trois principes : protéger, traiter et prévenir.

Pour protéger, nous avons dès le début évalué tous les tests et, dès le 6 mars, nous rendions déjà des avis sur les critères de qualité des tests PCR selon qu'il s'agissait de tests à deux cibles versus une cible...

Pour traiter, nous évaluons évidemment les traitements et leur place dans la stratégie. Au-delà de la veille que nous avons longtemps publiée sur l'état des connaissances des médicaments, nous les évaluons en vue de leur remboursement et, maintenant, en vue de leur accès précoce.

Pour prévenir, nous avons élaboré et fait évoluer en permanence une stratégie vaccinale qui, encore aujourd'hui, nous procure pas mal de travail.

Dans le cadre de la crise, nous avons rendu plus de 150 productions et avis, dont 90 portaient sur des produits de santé ou des actes liés à la covid. 45 documents étaient ce que nous appelons des réponses rapides, c'est-à-dire des recommandations destinées aux professionnels de santé pour la prise en charge des patients covid et non-covid afin de les aider dans leur mode d'exercice dans le cadre de la pandémie et des confinements. Nous avons par exemple produit des documents pour les dentistes ou pour les kinésithérapeutes sur la façon d'organiser leur cabinet en période de crise sanitaire. Nous avons également rendu onze avis ou documents destinés aux usagers ainsi que cinq publications relatives au champ social et médico‑social.

Nous avons, autant que faire se peut, gardé toutes nos méthodes de travail et la rigueur scientifique qui est la caractéristique de cette maison. L'enjeu était double puisqu'il fallait aller vite pour ne pas faire perdre de temps aux patients et s'adapter en permanence au niveau d'incertitude scientifique, important dans cette période.

Nous avons été amenés à renforcer notre communication à travers de nombreux communiqués de presse ou des conférences de presse, dans une perspective essentiellement pédagogique à un moment où les informations étaient très divergentes, voire incohérentes, dans la presse. Nous avons évidemment tous télétravaillé et nous avons au plus vite équipé nos agents dans ce sens.

Pour faire face à la pandémie, les pouvoirs publics se sont appuyés sur les agences de santé, dont la HAS, et sur des comités scientifiques dédiés, mis en place par le Président de la République. Nous avons eu à cœur de travailler avec chacun d'entre eux et, évidemment, avec le pouvoir exécutif, avec le ministère des solidarités et de la santé et ses directions pour assurer la meilleure coordination de notre action.

Cette coordination a parfois trouvé ses limites en raison du nombre d'instances, du chevauchement partiel de leurs compétences et de saisines qui pouvaient être concomitantes. Nous pensons clairement que l'un des enseignements de cette crise est que nous pouvons améliorer cette coordination.

Au-delà de la crise, la HAS a continué des travaux qui me semblent extrêmement importants pour la santé de nos concitoyens. Il s'agit d'abord de tous les travaux concernant l'amélioration de l'accès à l'innovation. En janvier 2020, juste avant la crise, nous avons mis en place un plan médicaments pour anticiper, accélérer et accompagner le déploiement d'innovations utiles et sécurisées au service du patient. Nous en voyons les premiers effets avec une nette amélioration des process. De plus, nous avons mis en œuvre de nouveaux dispositifs d'autorisation d'accès précoce. À l'issue de près d'un an de discussion et de travail avec l'ensemble des parties prenantes – industriels, associations de patients, usagers, fédérations hospitalières –, ce dispositif a pris son essor au 1er juillet.

Comme vous le savez, la France était depuis plus de trente ans assez pionnière dans ce domaine avec les autorisations temporaires d'utilisation (ATU), qui ont longtemps permis aux patients de bénéficier de nouveaux médicaments lorsqu'ils étaient en impasse thérapeutique et ne pouvaient pas être inclus dans des essais cliniques. Toutefois, avec le temps, ce système s'était complexifié et un certain nombre de strates rendaient le dispositif moins lisible.

Cette réforme avait pour but d'aller plus loin, de simplifier l'existant, d'accélérer et de rendre plus prévisible le dispositif pour permettre aux patients de disposer plus précocement de ces médicaments tout en renforçant leur suivi par l'analyse des données en vie réelle pendant l'utilisation en accès précoce. Ce dispositif se caractérise par un recueil plus important de données. Ce sont les premières utilisations dans la vraie vie de ces molécules et donc une source d'informations très importantes.

Je souligne que, tout en conservant le rôle majeur de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) dans l'appréciation de la balance bénéfice‑risque de ces médicaments, la réforme positionne la HAS dans un nouveau rôle de décisionnaire. En effet, nous ne donnons pas un avis, le ministère prenant la décision ; c'est la HAS qui décide de la prise en charge de ces médicaments ce qui est une petite révolution pour notre institution.

À côté de ces travaux sur l'innovation, je souhaite aussi citer des travaux très importants dans le domaine du numérique, sur la télésanté, les outils numériques, l'évaluation des dispositifs médicaux embarquant de l'intelligence artificielle ainsi que la classification des outils numériques et l'évaluation des applications dans le champ de la santé mobile. Nous avons énormément renforcé nos travaux dans ce domaine.

Nous continuons nos chantiers sur la qualité et la pertinence des soins, essentiellement en développant de nouveaux indicateurs de qualité et de sécurité. Ces derniers sont développés et validés avec les professionnels de santé mais également avec les patients, les usagers. Ils sont conçus comme des outils d'amélioration de la qualité.

De nombreux indicateurs avaient déjà été élaborés par la HAS. Nous poursuivons notre travail de mise en place d'indicateurs, tant en médecine, chirurgie et obstétrique qu'en soins de suite, réadaptation, hospitalisation à domicile, chirurgie ambulatoire ou même en psychiatrie, ce qui n'est pas toujours simple. Nous nous attaquons également à un vaste chantier, celui des indicateurs de qualité des parcours de soins. Nous menons ce travail avec la Caisse nationale de l'assurance maladie.

Dans le domaine médico‑social, de nombreux chantiers sont en cours dont l'un est majeur. Il s'agit de la révision du processus d'évaluation des établissements et services sociaux et médico‑sociaux, avec la création d'un référentiel dédié qui a demandé un énorme travail. Nous émettons également de nombreuses recommandations, avec par exemple le cadre national de référence pour l'évaluation globale de la situation des enfants en danger ou en risque de danger, un outil dont la France ne disposait pas jusqu'à présent.

Outre ces sujets majeurs pour la HAS, je souhaite évoquer quelques autres chantiers qui me paraissent très importants. Le premier concerne tout ce qu'il se passe à l'échelon européen. Le règlement relatif à l'évaluation des technologies de santé commune au niveau européen vise à favoriser la coopération des États membres en la matière ; il est en passe d'être signé. Il jettera les bases d'une coopération permanente et viable en matière d'évaluation clinique. Nous prenons évidemment toute notre place dans la mise en place des méthodes, des procédures et des outils communs qui permettront ce travail, notre but étant d'être un véritable leader dans ce domaine au niveau européen.

Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est la certification périodique des médecins créée récemment. Des référentiels seront proposés par les conseils nationaux professionnels sur la base d'une méthode proposée par le ministre de la santé après notre avis. Ce processus de certification périodique, sur lequel la France avait un peu de retard, est à notre sens un point majeur pour l'amélioration de la qualité des soins.

Enfin, j'ajoute que nous travaillons évidemment sur la question de la santé publique et suivons les travaux réalisés par la mission menée par Franck Chauvin. Nous souhaitons prendre pleinement part à ce chantier puisqu'une grande partie de nos missions sont des missions de santé publique.

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Je remercie vos équipes et vous-même pour le rôle de la HAS durant la crise sanitaire, ce rôle si important pour porter une parole rationnelle et utile et permettre à notre pays de traverser au mieux la crise.

Au sein du groupe La République en Marche, nous sommes bien évidemment attachés au travail indépendant de la Haute Autorité. Bien que nous ne soyons pas dans un débat budgétaire, nous entendons que la HAS soit suffisamment « outillée » en personnels et moyens financiers pour mener à bien ses missions autour de l'évaluation des produits de santé, de l'évaluation des acteurs et des bonnes pratiques. Quels enseignements majeurs tirez‑vous de la crise par rapport à l'évolution de vos missions à venir ? Même si vous avez déjà abordé ce sujet, j'aimerais vous entendre détailler un peu plus cette question.

Notre majorité a par ailleurs soutenu et soutient la vaccination face à la covid-19. La Haute Autorité a émergé dans le concert des voix parfois divergentes pour travailler à émettre cette information rationnelle si nécessaire. Face aux « antivax » et autres complotistes, comment développer un réflexe HAS pour que professionnels et surtout citoyens se fient encore davantage aux productions de votre institution ?

Quelle est votre position concernant une évolution de la vaccination obligatoire ? Il semble que nos sociétés soient amenées à vivre durablement avec le virus, avec le besoin que nous voyons de vaccinations de rappel régulières comme avec cette fameuse troisième dose. De manière plus générale, quelles sont pour la HAS les priorités en matière de prévention en santé ? Je vous avais questionnée sur l'exploitation des données massives et le recours à l'intelligence artificielle lors d'une table ronde sur la prévention du cancer de la prostate. J'avoue ne pas avoir eu les réponses à mes questions.

Notre majorité soutient le virage domiciliaire pour la prise en charge de nos aînés, notamment dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 à venir. Comment la HAS se prépare-t-elle avec ses recommandations de bonnes pratiques et sa politique en matière de certification à cette accélération et donc à une mutation de l'offre, moins centrée sur les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? Il semble essentiel que nos aînés et leurs familles puissent avoir les garanties nécessaires quant à la meilleure façon de s'occuper des personnes âgées.

Mes dernières questions portent sur le handicap. Quels sont les chantiers à venir au sein de votre Haute Autorité, aussi bien par rapport aux établissements accueillant des personnes en situation de handicap que sur l'évolution des professionnels concernés par la question du handicap ?

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Cette audition est essentielle, non seulement pour faire un point avec vous sur l'actualité de la HAS en cette rentrée mais aussi pour échanger sur un sujet controversé, celui de la pertinence de la vaccination alors que l'épidémie de la covid est toujours en cours. Cette audition est également l'occasion de nous interroger sur le suivi des recommandations qu'émet la HAS au Gouvernement et, plus globalement, sur le rôle des sachants ainsi que sur la valeur de l'expertise scientifique, notamment en période de crise.

La HAS n'était pas totalement préparée à l'ampleur et à la brutalité avec lesquelles la pandémie nous a frappés. Ceci, ajouté au fait que les avis des experts étaient parfois divergents, changeants même, et que les données statistiques et avis de santé étaient mouvants, a contribué à entretenir parmi nos concitoyens un flou et une défiance vis-à-vis des sachants et des autorités de santé publique en général.

Beaucoup s'interrogent aujourd'hui sur la pertinence de la vaccination. Dans quelle mesure les recommandations émises par la HAS sur le sujet sont-elles suivies par le Gouvernement ? Au-delà de la vaccination, existe-t-il selon vous d'autres manières de sortir de cette crise, avec par exemple de nouveaux traitements ou de nouvelles prises en charge de malades ?

Vous recommandez une troisième dose pour les personnes de plus de 65 ans et pour les personnes à risques. Le Centre européen pour la prévention et le contrôle des maladies considère quant à lui que celle-ci n'est pas nécessaire pour le moment. Comment interpréter cette divergence ?

Nous entrons dans la période hivernale. De nombreuses interrogations émergent dans nos circonscriptions quant à la combinaison entre la vaccination covid et la vaccination contre la grippe saisonnière. Quelle est l'articulation entre la poursuite de la campagne vaccinale contre la covid et l'ouverture de celle contre la grippe saisonnière ?

Depuis le début de la crise sanitaire, vous travaillez à la prise en charge de la covid tout en continuant à assurer vos missions initiales. Ces missions sont essentielles mais je vois très peu de place accordée à la prévention qui est pourtant notre meilleure alliée en matière de santé publique.

Ma dernière question concerne le sommeil. Alors que le manque de sommeil ou sa mauvaise qualité est une cause aggravante de nombreuses maladies et, pour beaucoup, une suite de covid, je voudrais savoir quelle place vous accordez aux études sur le sommeil, sur les médecines alternatives et quelle est votre vision sur les anxiolytiques.

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Je pense que, suite à votre implication dans la crise de la covid, nos concitoyens connaissent maintenant la HAS beaucoup mieux qu'ils ne la connaissaient auparavant.

Mes questions portent d'abord sur vos recommandations pour la vaccination, notamment celle des enfants de 6 à 12 ans. Vous le savez, le passe sanitaire épargne les moins de 12 ans. Les recommandations sur le vaccin ont été faites ; que préconisez-vous à court terme ? Isabelle Valentin a par ailleurs parlé de l'arrivée de la grippe. Avez-vous des recommandations particulières pour que, dans les centres de vaccination déployés sur le territoire, il soit possible de faire dans le même lieu les deux vaccinations ? Sinon, vous utiliserez les mêmes ressources humaines à deux endroits différents.

Nous avons d'autre part ouvert les vannes de la télémédecine, qui était confidentielle avant la covid, et nous commençons maintenant à les resserrer. Pourtant, il me semble qu'elle a été très utile dans les difficultés majeures que nous avons vécues au travers de la covid. Avez-vous des recommandations sur son élargissement ?

Quelle est votre vision sur l'évolution de l'accès aux soins et de la désertification médicale, qui s'est malheureusement aggravée, ainsi que sur les pénuries de médicaments ? Je rappelle aux collègues que 2 446 pénuries de médicaments ont été signalées en 2020 alors que, en 2010, seules 90 pénuries avaient été signalées. Chacun doit y réfléchir ; au-delà des médicaments innovants se pose la question des médicaments « tout court » pour lesquels nous sommes dans une situation de dépendance, sans même parler des curares. Dans certaines spécialités comme les pathologies cardiovasculaires, nous sommes complètement pris de court.

Enfin, vous avez rappelé le rôle important que vous jouez au quotidien dans la certification des établissements. La labellisation des hôpitaux de proximité avait été annoncée voici deux ans et demi mais nous n'avons depuis pas avancé. Je sais bien que nous avons vécu la pandémie. Pourtant, il me semble que cette labellisation est, pour ces établissements qui jouent un rôle majeur dans le maillage territorial, un gage de qualité et de convention d'objectifs et de moyens.

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Nous nous apprêtons à étudier le prochain PLFSS au sein de notre commission. Notre travail commun consiste à maintenir le difficile équilibre entre la garantie de l'accès pour tous à une offre de santé de qualité et la maîtrise des dépenses publiques. À cet effet, je souhaite vous interroger sur une disposition prévue dans l'avant‑projet de loi de financement de la sécurité sociale qui prévoit la mise à disposition des médicaments apportant une amélioration du service médical rendu au patient dès l'obtention de l'avis de la HAS.

Depuis plusieurs années, j'attire l'attention sur notre système actuel d'évaluation, qui distribue des services médicaux rendus (SMR) et améliorations du service médical rendu dans l'objectif de déterminer un prix, sans prendre véritablement en compte les innovations et les gains sous-entendus. De cette difficulté à évaluer et à déterminer le juste prix découle une difficulté globale d'accès au marché pour ces médicaments innovants du fait d'une procédure de fixation du prix particulièrement longue.

Si la réforme du régime des ATU prévue par la loi de financement pour 2021 a positivement visé à simplifier le dispositif afin de le rendre plus lisible, on ne peut que regretter qu'elle ne soit pas revenue sur les critères de l'ATU, qui demeurent restrictifs et donc générateurs de profondes inégalités. De même, au regard des conditions d'inscription sur la liste en sus, des médicaments innovants réservés à l'usage hospitalier bénéficiant d'un SMR majeur ou important peuvent se voir refuser leur inscription sur la liste, privant de fait les patients de l'innovation qu'ils constituent. Cette situation engendre une rupture d'égalité avec les médicaments disponibles en ville pour lesquels seul le SMR est un critère d'accès au remboursement. Les médicaments anticancéreux sont particulièrement touchés par cette inégalité.

Le PLFSS 2022 prévoit donc un nouveau dispositif expérimental, déployé sur deux ans. Il permettra aux patients d'accéder à de nouveaux traitements qui ne sont pas éligibles à l'accès précoce mais présentent une amélioration du service médical rendu. Pourriez-vous nous renseigner sur le détail de ce nouveau dispositif et sur l'objectif visé ? Permettra-t-il véritablement d'améliorer l'accès aux médicaments innovants, dont nous savons que le développement s'accélèrera avec l'apparition de nouvelles thérapies ?

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La présentation des nombreux travaux en cours à la HAS montre l'importante activité de cette agence.

Je souhaite concentrer mes questions sur deux sujets très concrets. Le premier est l'endométriose, qui touche une femme sur dix en France. C'est une maladie gynécologique chronique que nous ne savons encore que mal diagnostiquer puisque, en moyenne, les femmes concernées affrontent sept longues années d'errance médicale, avec parfois comme conséquences d'importants dégâts pouvant s'étendre à tous les organes urinaires, diaphragmatiques voire thoraciques. À l'évidence, cette maladie est mal connue, ce qui rend son diagnostic d'autant plus complexe. Il n'existe toujours pas de technique permettant de la dépister de façon générale.

Dans ses recommandations de bonnes pratiques datant de décembre 2017, la HAS préconise une prise en charge individualisée et pluridisciplinaire en fonction des symptômes et des attentes des patientes. Je me pose toutefois la question de la formation et de la sensibilisation des professionnels de santé aux épisodes de douleur intense et de fatigue chronique importante lors des menstruations, dès le plus jeune âge, qui constituent souvent des signaux d'alerte de cette maladie. Quels seraient selon vous les moyens les plus efficaces pour former les professionnels de santé afin de réduire le délai du diagnostic et d'améliorer le traitement et les soins des femmes atteintes de cette maladie ? Faut-il aller jusqu'à la mise en place d'un diagnostic préventif, obligatoire et gratuit de sensibilisation et de prévention des risques de l'endométriose pour les jeunes femmes afin d'engager des soins ?

Le second sujet que je souhaite aborder concerne la troisième dose de rappel vaccinal. Quels échanges avez-vous sur ce sujet avec vos homologues européens ? Avez-vous envisagé de recommander cette troisième dose aux personnes qui ne sont pas actuellement considérées comme prioritaires ?

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La France traverse une crise sanitaire. Nous le savons tous mais nous voyons la situation s'améliorer dans de nombreux départements de l'Hexagone ainsi que dans les outre-mer, sans oublier pour autant la vague qui frappe de plein fouet la Nouvelle-Calédonie. J'adresse mes pensées à mes frères et sœurs ultramarins sans oublier les autres territoires.

Dans la stratégie de lutte contre ce virus, que nous soyons ou non d'accord avec les actions du Gouvernement, nous avons effectué le confinement, le couvre-feu, la distanciation sociale, le port du masque... Même si mon groupe et moi-même avons nos positions sur divers sujets, il est important de réaffirmer que je ne suis pas scientifique. Je reste un défenseur des libertés tout en respectant les lois.

Je voudrais, madame la présidente de la HAS, aborder la question des traitements. Pouvez-vous nous donner des informations sur l'évolution des traitements ? Des recherches et études approfondies sont menées, en France comme ailleurs, ainsi que des essais cliniques. L'Institut Pasteur nous parle par exemple du clofoctol, une molécule potentiellement active contre le virus. L'Organisation mondiale de la santé recommande également trois traitements qui agissent à l'aide d'anticorps en combattant l'emballement du système immunitaire. Le médicament existe-t-il ? Les coûts de production ou les coûts des traitements par médicament sont-ils un frein et la vaccination est-elle privilégiée de ce fait ?

Nous aurons certainement d'autres informations cet automne car d'autres essais cliniques de traitements par injection et de médicaments par voie orale sont en cours. Les anticorps pourraient représenter un tournant dans la lutte contre la covid-19. Pour cela, les scientifiques se battent sans relâche pour trouver le ou les remèdes qui, enfin, pourront éradiquer ce virus dans le monde entier. D'après vous, madame la présidente, quand disposerons-nous d'un médicament destiné au grand public ? De manière générale, quelle est votre approche des outre-mer ?

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Je voudrais revenir sur la question des pénuries et des risques de pénuries de médicaments. En effet, les chiffres sont là : nous avons enregistré 2 446 signalements en 2020 pour 1 504 en 2019. La progression est très nette et parfois, malheureusement, il n'existe pas de médicament de substitution. Nous craignons dans un tel cas une perte de chance pour les malades.

Je parle dans ce cadre de médicaments du quotidien tels que le curare, les anticoagulants, les corticoïdes, le BCG pour le traitement du cancer de la vessie. Certains patients ont été opérés parce que la BCG-thérapie n'était pas disponible. Au pays de Calmette et Guérin, ne pas disposer du BCG est choquant.

Face à ces pénuries, il faut prévoir des stocks pour les médicaments qualifiés « d'intérêt thérapeutique majeur ». Une telle mesure s'applique depuis le 1er septembre. Pouvez-vous en apprécier les premiers résultats ? Nous en avons vu toute l'importance avec le covid qui a entraîné une grosse consommation de curare et d'anticoagulants. Nous avons manqué en France d'anticoagulants, ce qui est impensable pour moi qui était médecin. Manquer de corticoïdes, d'anticoagulants n'était pas une situation envisageable.

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Je souhaite évoquer le champ de la prévention, dont vous avez souligné qu'il paraît insuffisamment traité. Je souhaite faire un focus sur certains moyens thérapeutiques non médicamenteux que vous contribuez à diffuser notamment auprès des médecins comme le développement de l'activité physique et, plus particulièrement, l'activité physique adaptée. Nous avons vu à l'occasion de cette crise la sédentarité s'aggraver, notamment chez les publics jeunes. Nous avons eu les jeunes les moins mobiles de l'histoire de l'humanité !

Certaines personnes décédées lors de cette crise présentaient des facteurs aggravants tels que l'obésité ou des pathologies lourdes, chroniques, que l'activité physique permet de soulager, en complément d'autres moyens thérapeutiques.

Vous avez émis des préconisations dans un guide sorti en 2019 et aviez prévu un certain nombre de travaux et d'améliorations de ce référentiel. Je voudrais savoir où vous en êtes aujourd'hui. Ce référentiel prend-il maintenant en compte les personnes atteintes de covid long par exemple ?

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La problématique du sommeil a été évoquée. Nous avons vu que la période du covid a bouleversé nos façons de travailler et beaucoup de personnes sont passées en télétravail. L'expérience montre que de nombreuses personnes n'ont pas respecté le rythme entre vie privée et vie professionnelle. La vie professionnelle a largement débordé sur la vie personnelle, ce qui a notamment beaucoup compromis les heures de sommeil. Les psychiatres sont unanimes aujourd'hui à constater une recrudescence de syndromes dépressifs et d'anxiété majeure. La HAS n'aurait-elle pas dû alerter sur la nécessité de respecter les heures de travail, qui doivent être les heures pendant lesquelles les personnes travaillaient précédemment, et sur l'importance de respecter le rythme de sommeil ?

Ma seconde question concerne la thématique déjà évoquée de la télémédecine. Nous avons vu pendant cette période covid beaucoup de patients différer leurs rendez-vous, que ce soit en cardiologie ou en dermatologie, tout simplement parce qu'ils craignaient la contamination. Je crois qu'il est aujourd'hui urgent de passer à la vitesse supérieure en téléconsultation mais surtout en télé‑expertise, que ce soit pour la dermatologie, le suivi des plaies ou la cardiologie. C'est un enjeu de santé publique, notamment dans les milieux ruraux, dans la mesure où les délais sont de plus en plus longs pour obtenir un rendez-vous auprès des spécialistes mais aussi après des médecins généralistes de moins en moins nombreux. Étant régulièrement sur le terrain, je trouve que la situation ne cesse de s'aggraver.

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de la HAS, présidente

J'essaierai de répondre au moins aux questions qui rentrent dans le cadre de nos missions, certaines des questions posées dépassant les missions de la HAS. Notre rôle est d'établir les bases scientifiques de ce qu'il est bon de faire et nous n'avons que peu de rôles opérationnels puisque nous donnons nos avis aux professionnels de santé ou au ministère qui s'en saisit pour mettre les moyens sur la table.

La première question portait sur la vaccination des enfants de 6 à 12 ans. Les industriels déposeront le dossier à l'Agence européenne des médicaments (EMA) dans le mois qui vient, au mois d'octobre. Ce dossier n'a pas été travaillé pour la bonne raison que nous n'avons pas encore les données des industriels. Vous savez que la première étape est l'autorisation de mise sur le marché donnée par l'EMA et, ensuite, notre rôle est de voir comment ce vaccin s'inscrit dans la stratégie vaccinale.

Nous nous sommes prononcés pour les 12-18 ans en début d'été. Malgré le peu de formes sévères que font les adolescents, nous avons pensé qu'il était important de les vacciner, en particulier – ce qui répondra à certaines questions – pour des aspects de risques psychosociaux et de risques psychiques, de la vie altérée de ces enfants avec l'école en distanciel voire des écoles arrêtées. Cela a été l'un des critères pour proposer la vaccination aux plus de 12 ans.

S'agissant de la vaccination concomitante avec la grippe, nous avons dit et répété récemment qu'il est tout à fait possible de faire les deux vaccinations en même temps. Aucun délai n'est à respecter entre les deux vaccins qui peuvent être faits le même jour, un dans chaque bras, si cela facilite le travail des personnes qui se font vacciner ou des vaccinateurs. Nous ne mettons aucun obstacle à lier ces deux vaccinations.

Nous attendions les premières données. Les données anglaises que nous avons eues montrent que cette vaccination concomitante ne diminue pas la réponse immunitaire au vaccin covid et n'engendre pas davantage d'effets secondaires que ce qui est attendu.

Des questions portaient sur la télémédecine. Notre rôle a été d'évaluer quels étaient les types de consultation qui pouvaient avoir lieu en téléconsultation et nous l'avons fait plusieurs reprises. Nous avons d'ailleurs donné en tout début de crise un avis favorable pour majorer les consultations à distance pour le covid, voire pour les consultations au téléphone dans ces circonstances exceptionnelles, en l'absence de vidéo. Ceci a amené une augmentation très importante du nombre de téléconsultations puisque 19 millions de téléconsultations ont été remboursées en 2020. La téléconsultation est donc bien en route.

Nous travaillons également sur la télé‑expertise. Les avancées sont très importantes. Il faut fixer les bonnes conditions d'utilisation et les critères de qualité de ces téléconsultations-expertises.

Les questions sur l'accès aux soins, la désertification médicale et les pénuries de médicaments dépassent totalement nos missions. Le nombre de professionnels de santé à former ne dépend pas des missions de la HAS mais tout ce qui peut, comme la télémédecine, pallier les manques, en particulier dans certaines régions, est bienvenu. Les pénuries de médicaments ne sont pas du ressort de la HAS puisque ce n'est pas du tout un problème scientifique mais industriel. Nous n'y pouvons pas grand-chose. La mise en place des hôpitaux de proximité dépend du ministère et non de la HAS. Je suis donc désolée de vous décevoir mais je ne peux répondre qu'aux points qui rentrent dans le cadre de nos missions.

M. Christophe m'a interrogée sur l'accès rapide aux médicaments après l'avis de la commission de la transparence, comme cela a en effet été annoncé. Pourquoi les critères de l'ATU sont-ils restrictifs ? Pourquoi ce système ne s'adresse-t-il qu'à des maladies rares, graves ou invalidantes ? Il faut savoir que ces médicaments n'ont pas d'autorisation de mise sur le marché. Leur rapport bénéfice/risque n'a pas été évalué avant la demande d'accès précoce et nous disposons en général de très peu de données sur leur efficacité. C'est normal puisqu'ils sont au tout début de leur vie. Il est donc évident que, quand il existe des traitements comparatifs, nous privilégions un traitement existant qui a fait la preuve de son efficacité à un médicament qui n'a pas fait la preuve de son efficacité.

L'un des critères est que nous ne puissions pas attendre car ces médicaments présentent un risque. Même si les avoir vite est un avantage, cela peut présenter un risque puisque nous avons peu de données sur ces médicaments. L'accès précoce est réservé au cas où il faut vraiment aller vite parce que le malade est atteint d'une maladie grave avec un très mauvais pronostic à court terme. Nous pouvons alors lui faire prendre le risque d'une efficacité relative ou d'effets secondaires mais nous ne le ferions pas pour tous les médicaments. Il est normal que l'accès précoce soit restreint à des maladies graves pour lesquelles nous ne pouvons pas attendre. Encore une fois, ce sont des médicaments sur lesquels nous avons extrêmement peu de données, qui n'ont même pas encore accès au marché.

S'agissant du délai de fixation des prix, la France a la sagesse de séparer l'évaluation médicale, scientifique des médicaments et la négociation de leur prix. Nous réalisons la première phase et le Comité économique des produits de santé la seconde. Nous réduisons au maximum les délais de notre côté. Je n'ajoute rien sur ce que font nos collègues, qui ne doit pas être très simple non plus.

En ce qui concerne la liste en sus, le ministre a annoncé un certain nombre de changements qui vont dans le bon sens et permettront à nos établissements de santé d'accéder plus facilement à des médicaments sur lesquels nous nous sommes nous-mêmes émus à plusieurs reprises du fait qu'ils ne puissent pas rentrer dans cette liste en sus, ce qui pouvait être source de perte de chance pour des patients. Nous nous réjouissons donc des modifications décidées au bénéfice des patients.

Mme Six m'interroge sur l'endométriose. Nous avons en effet rendu en 2018 des recommandations sur cette maladie très invalidante pour nombre de jeunes femmes. Encore une fois, la formation des médecins n'est pas du ressort de la HAS. Nous avons produit des outils aussi adaptés que possible, avec des recommandations de bonnes pratiques pour cette prise en charge. Nous travaillons sur saisine et donc, si d'autres travaux étaient utiles, nous les envisagerions. Aujourd'hui, je crois que le document de 2018 reste tout à fait d'actualité. Il faut que cela se déploie sur le terrain.

M. Michels m'a demandé si la HAS est correctement « outillée » pour effectuer ses missions. Elle a été dimensionnée au départ pour un nombre restreint de missions et il faut dire, très honnêtement, que ses missions se sont accrues année après année. Nous avons la chance qu'aucun moyen n'ait jamais été repris à la HAS. Nous avons obtenu quelques postes pour la mise en place de l'accès précoce mais je ne vous cacherai pas que, les missions s'accumulant – toutes de belles et utiles missions –, les salariés de la HAS trouvent qu'ils travaillent beaucoup. N'est-ce pas le propre de tout le secteur public ? Je ne sais pas.

En ce qui concerne les vaccins et la confiance de nos concitoyens en nos institutions, la crise a montré une qualité de débat scientifique discutable, disons, ce qui n'a pas contribué à cette confiance. Je crois aussi que l'information passe maintenant principalement par les réseaux sociaux et qu'il n'est pas si simple de lutter contre cette information ou désinformation sur les réseaux sociaux. Nous avons fait ce que nous avons pu, avec le dimensionnement que nous avions. Notre service presse n'est pas énorme ; en dehors des crises, il suffit à nos missions. Nous avons essayé, à chaque fois que nous rendions un avis important, d'organiser une conférence de presse pour les journalistes afin de leur expliquer les motivations de cet avis, de façon que tous les Français puissent comprendre quelles étaient la substance et la logique de ces avis. Nous avons jugé que c'était le meilleur moyen d'être crédibles et fiables. Je dois dire que ces conférences de presse attiraient souvent 80 à 100 journalistes. Ils étaient avides de comprendre.

Nous avons aussi réalisé un gros travail souterrain de pédagogie auprès des journalistes. Les salariés de la HAS ont animé des séances de travail pour expliquer aux journalistes ce qu'était un test, un test virologique, un test sérologique, pour expliquer les différentes techniques, pourquoi certains étaient fiables et d'autres non... Je crois qu'être aussi pédagogue que possible est la seule façon de faire progresser cette écoute de nos avis. Je crois que la légitimité des avis de la HAS provient aussi de ses méthodes de travail. Même quand il faut faire vite, nous mettons tout le monde autour de la table pour avoir des avis multidisciplinaires, issus de plusieurs horizons, tout en étant transparents et en nous appuyant sur la science. C'est à mon avis ce qui fait la légitimité d'une institution scientifique.

S'agissant de la prise en charge de nos aînés, nous sommes tous convaincus de l'importance de la prise en charge ambulatoire. J'ai cité des recommandations que nous avions émises, par exemple un guide à destination des professionnels des services d'aide à domicile sur l'accompagnement des personnes atteintes de maladies neurodégénératives. Je crois que ce champ de travail est extrêmement important et qu'il nous appartient d'accompagner sur les recommandations et la qualité.

En ce qui concerne les établissements recueillant nos aînés – EHPAD – et comme pour ceux recueillant des personnes en situation de handicap, nous travaillons énormément actuellement à la mise en place d'un dispositif d'évaluation externe totalement refondé, sur un référentiel coconstruit avec les usagers et les professionnels de ce secteur. Nous espérons que des supports législatifs nous permettront de déployer cette évaluation qui sera à mon avis un facteur d'amélioration de la qualité dans ces établissements.

Mme Valentin m'interrogeait sur la pertinence de la vaccination et le suivi de nos recommandations par le Gouvernement. Je dois dire que, sur l'ensemble des très nombreux avis qu'a sollicités le ministère auprès de la HAS, la très grande majorité a été suivie, souvent tout de suite, parfois un peu en décalé. Il a été assez rare que nous ne soyons pas suivis.

Le problème de la valeur de l'expertise scientifique, en particulier en temps de crise mais pas seulement en temps de crise, est un véritable sujet. Ce sera d'ailleurs le thème de notre colloque du mois de novembre. Nous faisons en effet tous les ans – sauf l'année dernière – un colloque, que nous consacrons cette année à l'expertise scientifique et à tous les problèmes associés. C'est un sujet qui nous tient à cœur et ouvre actuellement de nombreuses questions, sur lequel il faut qu'une réflexion collective s'enclenche pour contrer la défiance qui peut s'installer.

Quels sont les outils de sortie de cette crise ? Nous n'attendons pas de traitement miracle qui réglerait tous les soucis. Je crois que les outils sont multiples. Je pense que nous ne sommes pas encore près d'abandonner les mesures barrières ; cela fait partie de l'arsenal, comme les vaccins évidemment. Aujourd'hui, vous voyez que les États-Unis enregistrent encore de très nombreux morts et 90 % de ces morts n'étaient pas vaccinés. Je pense qu'il est extrêmement important de convaincre de cette vaccination.

De nouveaux traitements arrivent. L'ANSM avait déjà donné un certain nombre d'ATU et nous voyons arriver en accès précoce des combinaisons d'anticorps. Nous aurons bientôt des antiviraux. Il existe donc des traitements, non seulement pour essayer en curatif d'éviter les formes sévères mais même en préventif, que ce soit après une exposition pour des patients immunodéprimés qui n'arrivent pas à produire leurs propres anticorps même après des rappels de vaccin ou même en préexposition avec des traitements chroniques pour les protéger du virus.

Le dispositif d'accès précoce est tout à fait adapté à cette situation et nous avons, la dernière fois, répondu en un mois à peu près donc très rapidement. Les patients ont très vite eu accès à ces anticorps. Pour l'instant, la question du prix ne se pose pas puisque personne ne nous a limités. Nous avons déjà autorisé des nouveaux traitements début août et seule l'efficacité a été prise en compte, pas le prix. Les accès précoces sont des paris que nous sommes prêts à prendre pour les personnes qu'il faut absolument protéger.

Les rappels concernent aujourd'hui toutes les personnes qui sont à risque de forme sévère. Nous avons en effet constaté deux phénomènes concomitants, l'arrivée du variant Delta, sur lequel les vaccins sont un peu moins efficaces, et une diminution des anticorps neutralisants, surtout à partir de six mois ; il est difficile de faire la part de chacun. Du fait de ces deux phénomènes, nous pouvions à nouveau voir surgir des formes sévères chez les patients à risque. Ces personnes – de plus de 65 ans ou à risque quel que soit leur âge – ont donc accès à une troisième dose de vaccin.

Nous répondrons prochainement à la question de savoir quand les soignants devront être revaccinés. Pour la population générale, c'est l'EMA qui analyse le rapport bénéfice/risque et vérifie qu'il n'existe pas d'alerte de risque sur les vaccins avant que nous les positionnions dans la stratégie après son avis. Pour le moment, il nous semble que la population générale, en excluant les personnes à risque de forme sévère, est encore bien protégée par ses deux premières doses de vaccin. Il faudra des rappels mais nous attendons le moment adéquat pour le faire, avec des données sur l'efficacité et sur la tolérance. Les deux sont très importants.

Ces données arriveront. Certains pays nous ont devancés, comme les États-Unis ou Israël, et nous arrivons donc à avoir des données en vie réelle sur ces vaccins, ce qui nous a permis d'aller beaucoup plus vite et de donner des avis en anticipation.

Tout ce qui concerne la prévention constitue des sujets majeurs, dont la prévention primaire évidemment. Nos travaux sur l'éducation physique adaptée ont été cités. Nous poursuivons nos travaux sur ce sujet avec, d'abord, des travaux généraux sur l'éducation physique mais également des études pathologie par pathologie pour savoir ce qui est le mieux adapté pour chaque type de patient.

Ces sujets, qui ne se réduisent pas à l'activité physique, nous préoccupent beaucoup mais nous nous intéressons aussi à la prévention secondaire. Nous avons entamé un travail de recommandations sur la prise en charge du risque cardiovasculaire dans son ensemble et non, comme jusqu'à présent, de façon morcelée en séparant l'hypertension, le cholestérol... Les patients ont en général plusieurs facteurs de risque ; leur prise en charge globale est un sujet qui nous préoccupe beaucoup.

S'agissant du sommeil, je ne crois pas que nous ayons réalisé des travaux spécifiques sur le sommeil durant En revanche, pour ce qui est de la consommation d'anxiolytiques, nous avons de nombreux travaux, dont des fiches de bon usage des anxiolytiques. C'est un vrai souci de santé publique en France. Nous travaillons également beaucoup, de façon plus générale, sur la déprescription, qui n'est pas si facile, ni pour les médecins ni pour les patients.

Parmi les questions sur le rappel vaccinal, il m'a été demandé si nous travaillons avec nos collègues européens. Oui, nous sommes en contact régulier avec les autres agences européennes, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres.

En ce qui concerne les traitements, je crois qu'il faut dire honnêtement que nous avons des traitements en accès précoce qui sont encore en évaluation mais qui, aujourd'hui, n'ont pas l'efficacité de la prévention qu'apportent les vaccins. Il faut vraiment convaincre tous nos concitoyens que c'est actuellement la meilleure protection, même s'il commence à apparaître des anticorps et des combinaisons d'anticorps dont nous espérons qu'ils diminuent les formes sévères. Le meilleur moyen est encore de ne pas se retrouver à l'hôpital.

Quant à notre approche de l'outre-mer, il n'y a pour nous pas d'outre-mer mais des services de soins français. Ce sont tous les mêmes et ils méritent tous la même qualité de soin.

M. Martin nous parle des pénuries de médicaments. Nous ne pouvons en effet que regretter ces pénuries mais la HAS n'a aucune mission dans ce domaine, sauf parfois pour établir un peu en urgence des recommandations de substitution. En revanche, les pénuries elles‑mêmes ne sont pas des sujets que nous traitons.

Sur le covid long, nous avons très vite, dès l'hiver dernier, sorti de premiers travaux sous forme de ce que nous appelons des « réponses rapides ». Ce sont des recommandations préliminaires – puisqu'il n'existe pas encore de travaux scientifiques très consolidés – sur la description des différents symptômes possibles et leur prise en charge optimale par le corps médical. Nous avons tenté de diffuser ces recommandations au maximum, en particulier auprès des généralistes qui voient ces patients. Des consultations dédiées apparaissent maintenant dans un certain nombre d'établissements. Nous sortirons, d'ici quinze jours ou trois semaines, un nouveau travail qui prolonge le premier en mettant à jour toutes les données scientifiques avec des études sur les mécanismes du covid long qui peuvent être variables – persistance du virus, phénomènes inflammatoires, réponse immunitaire inadaptée – et les traitements ne seront pas forcément les mêmes selon les causes. Contrairement à la maladie de Lyme, la recherche dans ce domaine avance dans le bon sens, en essayant de prendre en charge et de comprendre pour trouver les bonnes solutions.

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Je souhaite revenir sur la prévention en santé. Avez-vous des recommandation sur l'exploitation des données disponibles – big data, intelligence artificielle – et ce type de pratiques ? Je fais référence aux travaux menés aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg sur les données de dépistage et de traitement du cancer du sein. Comment encourager ces pratiques ? S'appuyer sur les données pose aussi la question du fameux dossier médical partagé et de la mise en commun de toutes ces données que nous avons sur la santé de nos concitoyens.

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de la HAS, présidente

Vous mettez le doigt sur un problème absolument fondamental, qui touche la prévention mais aussi tout le reste, la qualité des soins, tous les traitements... Il faudrait des bases de données médicalisées pour analyser la pertinence des soins.

Nous sommes en avance et nous avons énormément d'information sur la consommation de soins et sur des aspects sociaux avec le système national des données de santé, la programmation de médicalisation des systèmes d'information... En revanche, ces bases contiennent assez peu de données médicales et nous sommes un peu en retard sur ce plan.

Il est donc extrêmement important, comme vous le dites, d'utiliser ce que nous avons. Nous pouvons déjà faire beaucoup avec le contenu de nos bases, en particulier identifier les facteurs de risques d'un certain nombre de pathologies et essayer de les combattre. Il faut également que nous arrivions à faire communiquer les systèmes existants. Nos établissements de soins sont déjà informatisés, ils ont des plateformes de données et il faut que, au moins dans les établissements de santé, nous puissions avoir des données plus médicalisées.

Pour la ville, nous sommes encore loin du compte. En dehors de la consommation des soins, qui est connue des caisses d'assurance maladie, fort peu de données médicales sont accessibles. Le dossier médical partagé est une très bonne initiative qui doit se diffuser encore bien davantage. Il faut l'utiliser à tous les niveaux du parcours de soin des patients.

C'est un sujet majeur. Je crois que la mission sur le numérique en santé avance bien, a obtenu des moyens, et j'ai bon espoir que nous changions de braquet, que nous puissions dans les années qui viennent avoir des bases de données exploitables.

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Je vous remercie, madame la présidente, pour votre présence et pour la clarté de vos réponses. Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, vous féliciterez et remercierez toutes vos équipes. Elles ont été beaucoup sollicitées en cette période si particulière de crise sanitaire.

La commission examine ensuite la proposition de loi visant à permettre le transfert des droits inscrits sur le compte personnel de formation entre titulaires de comptes (n° 2678) (Mme Valérie Bazin-Malgras, rapporteure).

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Nous concluons l'examen des trois propositions de loi renvoyées à notre commission et dont le groupe Les Républicains a souhaité l'inscription à l'ordre du jour des séances qui lui seront réservées le jeudi 7 octobre prochain par celle visant à permettre le transfert des droits inscrits sur le compte personnel de formation entre titulaires de comptes.

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Merci, madame la présidente, de m'accueillir dans votre commission.

La proposition de loi que j'ai l'honneur de défendre devant vous est le fruit d'une réflexion de longue date, partagée avec nos concitoyens. Elle est née d'une rencontre sur le terrain avec une citoyenne de ma circonscription qui s'interrogeait sur la possibilité de céder, à l'aube de sa retraite, les droits inscrits sur son compte personnel de formation (CPF) à sa fille en proie à des difficultés pour s'insérer durablement sur le marché du travail.

Depuis que j'ai déposé cette proposition de loi, il y a maintenant un an et demi, je suis sollicitée chaque semaine par nos concitoyens qui s'impatientent de voir cette mesure devenir réalité. Je ne suis d'ailleurs pas la seule et je me réjouis que certains collègues de la majorité se fassent l'écho de cette préoccupation auprès du Gouvernement au travers de leurs questions écrites.

Profondément rénové par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le CPF est l'un des rares droits uniquement à la main des salariés. Il est presque inconditionnel puisqu'il suffit au salarié de solliciter une formation éligible pour bénéficier de son financement. Le passage d'un décompte en heures à un décompte en euros est la transformation la plus visible introduite par la loi de 2018, et qui n'est pas sans répercussions sur la manière dont les salariés perçoivent leur droit à la formation.

Incontestablement, cette monétisation a créé chez eux une appétence puisque de 600 000 titulaires d'un compte en novembre 2019, nous sommes en passe d'atteindre les 3 millions d'utilisateurs d'ici à la fin de l'année 2021. Cet engouement est largement compréhensible : le CPF est devenu un droit des salariés qui peuvent l'utiliser sans autre intermédiaire que l'application mobile MonCompteFormation.

Vous conviendrez avec moi que le CPF étant un droit acquis par les salariés grâce à tous les efforts accomplis durant leur carrière professionnelle, il serait assez naturel qu'ils puissent en disposer comme bon leur semble, notamment à l'aube de leur départ à la retraite. Évidemment, le CPF doit être, en priorité, mobilisé en vue de sécuriser les parcours professionnels et de financer des formations professionnalisantes.

Les partenaires sociaux, que j'ai longuement entendus au cours des travaux préparatoires, se sont accordés à dire que l'offre de formation pouvait être encore améliorée, en particulier pour éviter les effets d'aubaine qui conduisent à financer des cours de langue dont la portée professionnelle est parfois plus que discutable.

Néanmoins, le CPF est et doit demeurer un droit personnel du salarié. Notre proposition de loi s'adresse à tous ceux et toutes celles qui – heureusement nombreux – ne connaissent pas de carrière heurtée, ne sont pas menacés par le chômage et ne doivent pas engager un processus de reconversion professionnelle en fin de carrière pour éviter le licenciement. Ces salariés se sont ouvert des droits à la formation grâce à leur travail, à hauteur de 500 euros par an pour un salarié dont la durée du travail est supérieure ou égale à la moitié de la durée légale, dans la limite d'un plafond de 5 000 euros. Une telle somme est loin d'être négligeable. Comment justifier dès lors que certains salariés aient concrètement bénéficié de cet argent tandis que d'autres emportent avec eux leurs droits virtuels ? C'est à cette contradiction que le présent texte entend répondre.

Je propose, au travers d'un article unique, un dispositif simple : tout salarié pourra céder tout ou partie des droits inscrits sur son CPF à un autre titulaire de compte. Il s'agit là d'une mesure à la fois de justice et d'efficacité.

Une mesure de justice, car elle permettra de rompre avec l'inégalité de traitement entre, d'un côté, les salariés qui ont mobilisé leur CPF et, de l'autre, ceux qui n'ont pas eu besoin d'y avoir recours ; les seconds ne sont pas moins légitimes que les premiers à réclamer leur dû.

Une mesure d'efficacité, car le transfert des droits permettra à ceux qui en ont le plus besoin de disposer des financements nécessaires à leur formation. Je pense en particulier aux jeunes actifs, qui, par définition, thésaurisent moins de droits que leurs aînés dans les premiers temps de leur carrière. La Caisse des dépôts et consignations a rappelé, lors de son audition, que le coût d'une formation était d'environ 2 000 euros, ce qui représente quatre années d'accumulation de droits. Beaucoup de jeunes ne peuvent pas se permettre d'attendre autant de temps pour bénéficier d'une formation ; par exemple, dans beaucoup de territoires, il est nécessaire d'avoir le permis de conduire pour pouvoir trouver un emploi.

S'agissant du financement de cette mesure et, plus généralement, de celui du CPF, je dois admettre que les auditions que j'ai menées m'ont laissée perplexe.

D'un côté, chacun se félicite de la montée en puissance du CPF depuis 2019, d'ailleurs encouragée par le Gouvernement, mais, de l'autre, le succès du dispositif risque de le faire courir à sa perte. En effet, son financement repose sur un équilibre financier subtil : seules sont financées les formations sollicitées par les bénéficiaires d'un CPF. Autrement dit, les salariés ne disposent pas d'une cagnotte préfinancée et provisionnée auprès de la Caisse des dépôts et consignations, opérateur en charge du financement du CPF. Pourtant, le passage du décompte en heures au décompte en euros laisse entendre le contraire aux salariés. Est-ce à dire que le CPF ne serait qu'un droit en trompe-l'œil ?

Le risque d'insoutenabilité du dispositif est tel que certains envisagent d'ores et déjà sa régulation, pour ne pas dire sa limitation. Ticket modérateur, abaissement du montant de crédit incrémenté annuellement sur le compte des salariés, réduction du nombre de formations éligibles : les idées ne manquent pas pour réduire la portée de ce droit durement acquis par les salariés !

N'oublions pas non plus le rôle des entreprises dans le financement du dispositif. Si la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance et la contribution supplémentaire à l'apprentissage ne suffisent certes pas à couvrir les besoins en trésorerie de France compétences, contrainte de souscrire des emprunts bancaires, les employeurs paient pour le CPF.

La formation des salariés ne peut pas être la variable d'ajustement des déficits publics. Je regrette, à ce titre, que l'étude d'impact de la loi de 2018 n'ait pas apporté plus d'éléments substantiels sur les effets macroéconomiques de la montée en charge du CPF. Pour l'heure, la prévision d'un financement de 2,2 milliards d'euros en 2021 concorde avec la réalité des faits, mais qu'en sera-t-il demain quand le CPF aura été plus largement déployé ? Allons-nous faire marche arrière et expliquer aux salariés que leur droit à la formation doit être sacrifié parce que nous n'avons pas su en anticiper le coût ? Nous ne pouvons nous y résoudre. Bien au contraire, par cette proposition de loi, nous faisons du CPF un droit plein et entier.

Le texte est bref. Nous n'avons pas voulu entrer dans les détails techniques car il s'agit avant tout de répondre à une question de principe : quel avenir souhaitons-nous, collectivement, pour le CPF ?

Sa concision est en outre un gage d'ouverture à la discussion. Je ne suis opposée a priori à aucun système de transfert. Nous pouvons tout à fait imaginer un système de solidarité intergénérationnel et intrafamilial, les parents transmettant directement leurs droits à leurs enfants. Nous pouvons aussi appliquer une logique de dons entre collègues, sur le modèle du don de jours de repos à un salarié parent d'enfant gravement malade ou proche aidant. Nous pouvons, de manière plus impersonnelle, créer au sein de chaque entreprise un fonds alimenté volontairement par les salariés et redistribué à ceux qui en ont le plus besoin. Bref, plusieurs options nous sont offertes.

En conclusion, la proposition de loi que je vous présente est, je le crois profondément, un texte humaniste – si vous me permettez de reprendre à mon compte un qualificatif employé lors des travaux préparatoires. Transférer les droits que l'on n'a pas utilisés à ceux qui en ont le plus besoin, voilà un beau geste de solidarité, que nous devrions promouvoir !

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Il y a trois ans, nous avons adopté la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont j'étais la rapporteure pour le titre Ier. En ce moment, notre collègue Gérard Cherpion et moi évaluons sa mise en œuvre et son impact.

L'un des objectifs visés par cette loi était de donner à chacun, notamment au public qui avait peu accès à la formation, la possibilité de se former en rendant les droits réels, concrets et faciles à utiliser. Et ça marche : trois ans après, plus de 2 millions de personnes ont activé leur compte personnel de formation. Comme nous l'espérions, les publics les plus éloignés de la formation – ouvriers, employés, seniors, femmes – y accèdent plus facilement que par le passé.

Madame la rapporteure, vous proposez que les droits acquis sur le CPF puissent être transmis à une autre personne. Si l'intention paraît louable, elle revêt malheureusement tous les attributs d'une fausse bonne idée et va à contre-courant de l'esprit de la réforme, qui vise justement à démutualiser les fonds de la formation pour garantir que chaque personne individuellement puisse y avoir accès.

Les droits inscrits dans le CPF ont été conçus et financés pour être des droits attachés à une personne donnée. D'ailleurs, lors de vos auditions, tant la Caisse des dépôts et consignations que les partenaires sociaux et France compétences vous ont alertée sur les nombreux risques que présente votre proposition.

Celle-ci pourrait ainsi nuire aux personnes les plus fragiles : je pense aux femmes et aux personnes âgées, qui, déjà éloignées de la formation, pourraient être tentées de céder leurs droits par exemple à leurs enfants, alors que l'objectif de la réforme est justement d'inciter chacun, notamment les seniors, à continuer de se former.

Vous justifiez votre proposition par le fait que certaines personnes ont des besoins de formation que le CPF ne peut pas suffisamment financer. Or des conventions conclues avec Pôle emploi ainsi qu'avec les régions permettent d'abonder le CPF si cela s'avère nécessaire. Les entreprises et les branches peuvent également co-investir dans la formation des salariés.

Aussi le groupe La République en Marche est-il en désaccord avec cette proposition de loi et présentera un amendement de suppression de l'article unique.

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Accéder à la formation est essentiel non seulement pour la modernisation du marché du travail français mais aussi pour répondre aux besoins croissants des reconversions professionnelles dans un marché du travail en perpétuelle évolution. Si les taux d'activité et d'emploi des seniors sont en hausse régulière, les inégalités en matière d'emploi et de formation demeurent et remettent en cause la sécurité des parcours professionnels.

Le CPF est dans ce contexte un outil important, qui permet notamment de financer des formations aux nouvelles technologies. Créé dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle en 2014, il constitue un dispositif de financement public de la formation continue et est l'un des rares droits uniquement à la main des salariés : il est utilisable par tout salarié tout au long de sa vie active, y compris en période de chômage, pour suivre une formation qualifiante.

Comme vous le mentionnez dans votre rapport, le succès du CPF n'est plus à démontrer, avec plus de 600 000 titulaires d'un compte en novembre 2019 et près de 3 millions d'utilisateurs d'ici à la fin de 2021. Or beaucoup de personnes titulaires de droits inscrits sur leur CPF n'y ont pas recours : ainsi, en 2019, 15 % des Français n'en avaient jamais entendu parler, et 52 % déclaraient n'avoir reçu aucune information sur son utilisation.

Au-delà d'une meilleure information quant à son usage, il serait judicieux que ceux qui ne souhaitent pas profiter des crédits acquis, ou qui sont à l'aube de la liquidation de leurs droits, puissent en faire bénéficier ceux qui n'en ont pas suffisamment et voudraient se former davantage. Tel est l'objet de cette proposition de loi visant à autoriser le don de droits acquis entre titulaires de CPF afin d'aider les salariés qui ne possèdent pas assez de crédits pour accéder à la formation qu'ils souhaitent, et ainsi mieux répondre aux besoins de chacun.

À titre d'exemple, un tel mécanisme serait particulièrement bénéfique pour les jeunes entrant dans le marché du travail ou y ayant accédé depuis peu. Par définition, les jeunes actifs disposent en effet de moins de droits que leurs aînés, alors qu'ils sont à un stade de leur vie professionnelle où ils doivent être davantage formés.

Cette proposition de loi pragmatique, de bon sens, d'égalité, de solidarité intergénérationnelle et de justice sociale contribuera sans nul doute à moderniser le marché du travail dans notre pays.

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La présente proposition de loi vise, au travers de son article unique, à permettre le transfert de droits d'un CPF à un autre sur la base du volontariat du titulaire.

Le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés ne soutiendra pas cette initiative qui lui semble dénaturer l'esprit même du CPF. En effet, celui-ci est, comme son nom l'indique, un outil personnel sur lequel le titulaire accumule des droits qu'il acquiert grâce à son travail ; il lui permet ainsi de choisir et de financer des formations afin de développer ses compétences ou de se réorienter.

La formation professionnelle représente pour chaque travailleur une opportunité qui lui est propre. De nos jours, les carrières ne sont plus linéaires et le CPF constitue un filet de sécurité mobilisable à tout moment. La cession de ses droits à quelqu'un d'autre pourrait présenter un risque non négligeable dans l'éventualité où le titulaire perdrait son emploi ou devrait suivre une formation afin de s'adapter à l'évolution de son poste de travail.

En outre, l'argument selon lequel certains besoins de formation ne sont pas suffisamment couverts par les droits accumulés n'est pas recevable. En effet, des mécanismes d'abondement permettant de compléter le financement d'une formation existent et sont proposés par des acteurs tels que les régions ou Pôle emploi.

La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui est en cours d'évaluation par la commission des affaires sociale, a augmenté considérablement le recours au CPF, grâce à sa conversion en euros, qui l'a rendu plus concret. Les salariés se l'approprient de plus en plus, ce qui est une excellente chose. Il ne semble donc pas opportun de modifier les règles de son utilisation.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Dem s'opposera à l'adoption de ce texte.

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Créé en 2014 et modifié en 2018 par notre majorité au travers de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, le CPF est l'un des principaux acquis de ces dix dernières années pour les salariés. Il permet à chacun d'entre eux de se former tout au long de sa vie active, y compris en période de chômage.

L'article unique de la proposition de loi prévoit d'ouvrir la possibilité aux titulaires d'un CPF de céder à une autre personne, à tout moment de sa carrière, une partie ou l'ensemble de leurs droits acquis, et ce sans contrepartie.

En premier lieu, notre groupe considère qu'une telle disposition irait à l'encontre de la philosophie même du CPF, reposant sur le principe d'individualisation des droits attachés à la vie professionnelle du salarié, qui ne peuvent donc faire l'objet d'un don.

La cession non réversible et sans contrepartie des droits à la formation risquerait en outre de placer dans l'insécurité sociale des personnes qui se retrouveraient sans droits au moment où elles pourraient en avoir besoin, ce qui va également à l'encontre de l'individualisation.

La proposition de loi n'est pas chiffrée – quoique vous nous ayez apporté, madame la rapporteure, quelques éléments d'information lors de votre présentation. Elle est pourtant de nature à engendrer une augmentation substantielle des dépenses de France compétences, l'autorité nationale chargée de financer et de réguler la formation professionnelle, dont le déficit s'élève déjà à 2,5 milliards d'euros.

Enfin, les modalités de fonctionnement du CPF ont beaucoup évolué par suite du lancement de l'application MonCompteFormation et de la rénovation, à la fin de l'année 2019, du site dédié, ce qui a provoqué un triplement des flux par rapport aux années précédentes. Nous considérons qu'il est nécessaire de laisser encore du temps aux bénéficiaires pour s'approprier ce nouvel outil avant d'envisager de le modifier.

Pour toutes ces raisons, le groupe Agir ensemble votera en défaveur de cette proposition de loi.

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Au nom du groupe UDI et Indépendants, je remercie Mme Bazin-Malgras de soumettre à notre commission une proposition de loi qui facilite l'accès à la formation. Notre pays a des besoins significatifs en la matière, comme M. le Premier ministre l'a rappelé lundi dernier lors de la présentation du plan d'investissement dans les compétences.

Le CPF, créé en 2018 par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, permet de suivre une formation qualifiante. S'il est un droit personnel à la formation, il se peut que, pour diverses raisons, liées par exemple au parcours professionnel, les droits acquis par certaines personnes ne soient pas utilisés. D'autres, au contraire, ont des besoins en formation qui ne sont pas couverts par les droits accumulés. Le groupe UDI et indépendants est donc favorable à ce que les droits inscrits sur le CPF puissent être transmis à un autre titulaire de compte.

Le modèle économique du CPF est mis à mal, ce dernier étant victime de son succès : il bénéficie actuellement à 2 millions de personnes. Fin 2021, il manquera 3 milliards d'euros de recettes pour assurer le financement de la réforme de la formation et de l'apprentissage.

Lors des auditions que vous avez menées, madame la rapporteure, le directeur général de France compétences, M. Stéphane Lardy, a également mis en garde contre les abus : certaines formations qualifiantes n'ayant pas de visée professionnelle, il serait opportun de renforcer les contrôles.

Les travaux d'évaluation de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel sont en cours : nous serons donc attentifs aux analyses qui seront conduites à ce sujet et espérons que le nécessaire sera fait pour que le dispositif soit pérenne.

Au-delà de ce constat, le groupe UDI et Indépendants est favorable à la proposition de loi. Nous savons en effet que le recours au CPF aura à terme des effets économiques positifs tant sur l'emploi que sur la croissance. C'est une belle initiative de solidarité fondée sur le volontariat. Je rappelle que, suivant le même principe, un salarié peut déjà donner ses congés payés ou ses jours de réduction du temps de travail (RTT) à l'un de ses collègues afin qu'il s'occupe de son enfant malade.

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Vous tirez prétexte du fait que certaines personnes ont des besoins insuffisamment couverts par les droits qu'elles ont accumulés sur leur CPF pour présenter cette proposition de loi et autoriser le don des droits acquis aux titulaires de comptes afin de mieux répondre aux besoins de chacun.

Déjà inexistant sur bien des sujets, l'État risque encore une fois de ne plus jouer aucun rôle. Nous ne pouvons pas répondre aux besoins des Français par des accords entre individus. Avez-vous oublié que « la Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture » ? Vous risquez de bafouer ce principe à valeur constitutionnelle.

N'étant plus garantie par l'État, l'égalité entre tous sera rompue. Un travailleur isolé aura moins de droits à la formation qu'un autre ayant une vie sociale ou professionnelle plus fournie – sans parler des risques de pressions de certains travailleurs sur d'autres et de chantage.

L'inégalité entre Français est une chose inadmissible contre laquelle nous nous battons chaque jour. Tout n'est pas que marchandise : un droit ne peut pas être une propriété ou un bien que l'on peut échanger, céder ou vendre.

Il n'est plus question ici de droit à la formation car chacun peut transformer à sa guise ses droits en biens dont il est devenu propriétaire. Nous nous opposons à cette conception du monde au nom de certains principes. Les Français se sont battus pour obtenir des droits inaliénables que vous essayez petit à petit de remettre en cause.

Depuis des années, le Gouvernement va toujours plus loin pour rogner les acquis des travailleurs et déréguler le marché du travail. Au lieu par exemple d'accorder en pleine pandémie des jours de congé aux soignants ou aux aidants familiaux épuisés, il les oblige d'une certaine façon à faire appel à la charité des travailleurs.

Si vous voulez sûrement bien faire avec cette proposition de loi, le groupe La France insoumise est contre.

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La pénurie de personnel dans certains secteurs d'activité est aujourd'hui le problème numéro un de tout chef d'entreprise et menace la relance dans notre pays comme en Europe. Comment peut-on compter plus de 5 millions de chômeurs et en même temps 300 000 offres d'emploi non pourvues ?

Reconversion, montée en compétences : la formation peut être une des clés. Nous avons beaucoup à faire en matière de formation collective et individuelle, surtout pour la découverte de certains métiers qui ont une image négative.

Le financement des formations reste un frein important. Le CPF est utilisable par tous les salariés. Le don de crédits de formation peut donc être une solution menant à une meilleure utilisation de ces derniers, car beaucoup de Français ne disposent d'aucune information sur l'utilisation de leur CPF, donc sur leurs droits, les montants disponibles et les formations qui leur sont ouvertes.

La présente proposition de loi prévoit que tout titulaire d'un compte puisse, s'il le souhaite, transférer tout ou partie de ses droits vers le compte d'une autre personne. Cela permettra de faire bouger les lignes – je pense notamment aux jeunes et à l'obtention du permis de conduire – ainsi que de lever des freins à la mobilité.

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S'agissant des abondements, si la Caisse des dépôts et consignations abonde parfois certaines formations, Pôle emploi ne le fait que dans six cas sur dix. Quid des autres ?

Le CPF étant personnel, j'estime que chacun a le droit d'en disposer comme il le veut, par exemple en aidant un enfant, un collègue ou un proche. Pourquoi ne pourrait-on pas permettre le don d'heures de formation, à l'instar de ce que l'on a fait pour les jours de repos et de RTT ? Certains jeunes ont besoin du permis de conduire : pensez-vous qu'ils vont attendre quatre ans pour le passer, le temps d'avoir accumulé suffisamment de droits individuels à la formation ? Tel est l'objet de ma proposition de loi. Le CPF matérialise un droit individuel, qui nous appartient : c'est pour cela que je propose de le transférer.

Les abondements sont insuffisants par rapport aux besoins de formation. On a récemment converti en euros les heures correspondant à l'ancien droit individuel à la formation. Or si chaque salarié voulait utiliser ce crédit pour se former, ce serait impossible, faute d'argent : on a tablé sur 5 % de bénéficiaires, et le dispositif est d'ores et déjà déficitaire, à hauteur de 3 milliards d'euros. Comment fait-on s'il y en a 6 % ou 7 % ? Vous avez mis en place un truc qui n'est pas financé. C'est de la poudre aux yeux, un effet d'annonce ! Ma proposition de loi vise à y remédier.

Monsieur Ratenon, ce dispositif est nécessaire et il est complémentaire à l'engagement de l'État dans la formation. Si tout le monde doit être égal devant cette dernière comme devant l'école, la solidarité entre salariés doit également jouer. Il s'agit juste d'offrir la possibilité à certaines personnes de se former.

Le dispositif proposé est donc vertueux. Dès lors qu'on a accumulé des droits et qu'on dispose de la somme nécessaire pour se former, on peut en donner un peu. Le transfert des droits à la formation répond simplement à une forme de solidarité entre collègues ou entre membres d'une même famille.

La commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.

Article unique : Ouvrir la possibilité de transférer, tout ou partie, de ses droits inscrits sur le compte personnel de formation

Amendement de suppression AS1 de Mme Catherine Fabre.

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Il est paradoxal de se déclarer inquiet d'un déséquilibre financier et de proposer dans le même temps de l'aggraver substantiellement... Les droits à la formation ne sont pas des droits de propriété, madame la rapporteure. À ce compte-là, on pourrait aussi envisager de céder ses droits au chômage à quelqu'un qui en aurait besoin parce qu'il arriverait en fin de droits. Il y a une certaine démagogie à faire une proposition de ce type alors même que, lors des auditions, nombre d'intervenants vous ont alertée sur les risques qu'elle comportait. Je suis étonnée par votre obstination.

On vous a également expliqué à plusieurs reprises qu'il existe d'autres moyens que le CPF pour financer les besoins en formation. Une personne qui est au chômage et qui a besoin d'un complément de financement l'obtiendra ; si tel n'est pas le cas, c'est que son projet ne le nécessite pas.

La réforme que nous avons menée répond bien aux besoins de formation longue. Votre proposition de loi est en complète contradiction avec son esprit. En outre, elle présente des difficultés opérationnelles. Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer l'article unique.

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Je souhaite revenir point par point sur les arguments que vous avancez.

Le don des droits inscrits sur le CPF ne serait pas en adéquation avec la philosophie de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, car le CPF est un dispositif personnel ? C'est précisément parce qu'il s'agit d'un droit personnel que chaque salarié devrait pouvoir en disposer comme bon lui semble, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'esprit de la réforme était de rendre les salariés plus autonomes dans la gestion de leur CPF. Force est de constater que l'impossibilité de transférer les droits non consommés est un frein à leur libre disposition.

Céder ses droits à une autre personne risquerait de mettre en difficulté le salarié qui n'a pas correctement anticipé ses besoins de formation ? C'est bien peu considérer l'autonomie des salariés que de penser qu'ils ne sont pas capables d'anticiper la trajectoire de leur carrière ! Surtout, vous ne répondez pas à la situation de ceux qui s'apprêtent à liquider leurs droits à la retraite et qui sont absolument certains de ne plus avoir besoin de recourir à la formation professionnelle. C'est essentiellement ce public qui est visé par la proposition de loi.

Celle-ci pourrait réduire l'accès à la formation de ceux qui y ont déjà peu recours ? Je ne vois pas ce qui vous permet de l'affirmer. Bien au contraire, nous proposons d'introduire plus de solidarité dans le système de formation professionnelle.

Des abondements complémentaires permettraient de couvrir le coût d'une formation ? Nous nous réjouissons que ces abondements existent car, ne l'oublions pas, il existe un écart de 500 euros entre le coût moyen d'une formation et le crédit moyen dont disposent les salariés sur leur compte. Le système de transfert viendra compléter le dispositif des abondements, auxquels ne sont pas toujours éligibles les titulaires d'un CPF. Je rappelle, par exemple, que Pôle emploi abonde les comptes des demandeurs d'emploi dans six cas sur dix. Que faisons-nous pour les quatre cas restants ?

Vous pointez vous-même la contradiction inhérente au CPF : vous avez créé un droit, que vous promouvez, sans vous être assurés de la pérennité de son financement. Cette situation est pour le moins singulière. Si je suis votre raisonnement, madame Fabre, vous ne pouvez pas souscrire à notre proposition de loi parce qu'elle ne serait pas viable économiquement ; mais si je vous écoute bien, le CPF lui-même n'est pas viable financièrement. Alors, que voulez-vous faire ? Le supprimer ? Je serai très attentive aux conclusions sur ce point de l'évaluation que vous conduisez avec notre collègue Gérard Cherpion.

Avis défavorable.

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Revenons à l'essence même du CPF : il a été imaginé pour permettre aux salariés de se préparer aux évolutions possibles de leur métier. Tout le monde se souvient de ces ouvriers et ouvrières qui ont travaillé vingt ans dans une usine qui ferme et qui n'ont pas acquis d'autres compétences. C'est bien de cela dont il s'agit.

Je me réjouirais si le CPF bénéficiait à 6 % ou 7 % des personnes au lieu de 5 %. Le nécessaire serait alors fait pour le financement, car la formation est un investissement. La question financière est un faux problème. Attachons-nous à développer l'utilisation du CPF, qui permet à son bénéficiaire de se protéger des évolutions futures et de saisir les occasions qui se présentent à lui.

Votre exemple d'une personne partant à la retraite et n'ayant pas utilisé les droits inscrits sur son CPF n'a pas de sens. Si elle ne l'a pas fait, c'est que les choses se sont bien passées pour elle et qu'elle n'en a pas eu besoin. On ne voit pas pourquoi on transférerait ses droits à quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui n'a pas été malade ne va pas transférer son droit à être soigné ! L'enfer est pavé de bonnes intentions.

Votre proposition de loi ne correspond pas à notre démarche qui consiste à permettre à chacun de se développer et d'apprendre tout au long de sa vie professionnelle. Il s'agit d'un droit personnel, non de quelque chose que l'on pourrait céder à une autre personne.

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Je suis entièrement d'accord sur le fait que la formation doit intervenir tout au long de la carrière, mais si l'on a accumulé des droits à la fin de celle-ci, il est tout de même dommage de les perdre. Pourquoi ne pas transférer ce montant en euros, par exemple pour pallier les insuffisances de Pôle emploi ? Le mécanisme que je propose est vertueux.

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Je pensais avoir déjà répondu à cet argument...

Prenons un autre exemple : considérez-vous que quelqu'un qui arrive à la retraite et qui a accumulé un certain nombre de droits à l'allocation chômage pourrait les transférer à quelqu'un d'autre ?

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Soyons sérieux ! On parle de droit à la formation. Je suis certaine que nos compatriotes préfèrent éviter d'avoir à faire valoir leur droit à l'allocation chômage.

Nous discutons d'une proposition de loi simple, vertueuse et solidaire, qui vise à aider les Français à mieux se former grâce au transfert des droits inscrits sur le CPF. Le principe est le même que pour le transfert de jours de congés payés ou de RTT. Cette mesure est très attendue, je vous l'assure. Les Français qui nous regardent seront ravis de savoir que la majorité s'y oppose.

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On ne peut pas comparer avec les droits à l'allocation chômage, madame Fabre ! On sait qu'il existe de nombreux secteurs offrant des emplois pour lesquels trop peu de gens sont formés. L'objectif de la proposition de loi est de fournir des compléments de financement par transfert de droits à la formation, notamment en faveur des jeunes pour qu'ils puissent accéder à ces emplois.

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La comparaison plusieurs fois évoquée avec le don de jours de congés payés ou de RTT à des parents d'un enfant souffrant d'une maladie de longue durée me met mal à l'aise. Ce don est ciblé et bénéficie à des personnes qui ont besoin d'avoir des journées de congé supplémentaires.

Avec cette proposition de loi, il s'agit de transfert de droits inscrits sur le CPF, sans aucune condition. Cela pourrait faire l'objet d'un dévoiement et de marchandages, au détriment des titulaires de droits.

Je m'associe donc entièrement aux propos tenus par mes collègues Catherine Fabre et Thierry Michels.

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Croyez-vous qu'un jeune qui débute dans la vie et n'a pas le permis de conduire ne souhaite pas qu'on lui transfère quelques heures de droit à la formation pour pouvoir le passer et ainsi travailler ?

C'est un dispositif ciblé et nécessaire. Je ne comprends pas vos arguments.

La commission adopte l'amendement.

En conséquence, l'article unique est supprimé et la proposition de loi est ainsi rejetée.

La séance s'achève à 16 heures 25.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 14 heures 30

Présents. – Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Belkhir Belhaddad, M. Philippe Chalumeau, Mme Annie Chapelier, M. Paul Christophe, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, Mme Josiane Corneloup, Mme Catherine Fabre, Mme Pascale Fontenel-Personne, Mme Perrine Goulet, Mme Myriane Houplain, Mme Fadila Khattabi, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Thierry Michels, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Laëtitia Romeiro Dias, Mme Valérie Six, Mme Isabelle Valentin, M. Philippe Vigier