Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mercredi 15 septembre 2021 à 15h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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MISSION D'INFORMATION SUR L'APPLICATION DU DROIT VOISIN AU BÉNÉFICE DES AGENCES, ÉDITEURS ET PROFESSIONNELS DU SECTEUR DE LA PRESSE

Mercredi 15 septembre 2021

La séance est ouverte à quinze heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Virginie Duby-Muller)

La mission d'information auditionne, dans le cadre de la table ronde des membres de l'organisme de gestion collective pour la collecte du droit voisin, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL) et la Fédération nationale de la presse d'information spécialisée (FNPS).

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Nous avons lancé une mission d'information sur la question des droits voisins au bénéfice des agences, des éditeurs et des professionnels du secteur de la presse. Le jour où cette mission d'information a été constituée l'Autorité de la concurrence a rendu une décision historique sur Google.

Nous vous avons adressé un questionnaire pour vous permettre de préparer vos interventions sur les sujets qui intéressent notre mission d'information. À l'issue de vos présentations liminaires, nous vous poserons des questions complémentaires.

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Alain Augé, président du SEPM et directeur général de Bayard Presse

La loi sur les droits voisins, qui transcrit la directive européenne, doit beaucoup à l'intervention du législateur et du gouvernement français. Par ailleurs, nous sommes dans une situation absolument extravagante. En effet, il est assez rare de voir des entreprises créer des modèles d'affaires en utilisant une production nombreuse, constante, de qualité, réalisée par des professionnels, pour la vendre sur les marchés publicitaires, en qualifiant les internautes, avec des intermédiations publicitaires très sophistiquées et avec un taux de commission de 100 %. Nos apports ne sont pas du tout rémunérés.

Vous faisiez allusion à la décision de l'Autorité de la concurrence. Le niveau de l'amende qui a été infligée à Google, 500 millions d'euros, par des magistrats prudents, responsables et avisés, pour un défaut de procédure, est extravagant. Il dit bien le caractère extraordinaire du combat que nous sommes en train de mener, à la fois par l'ampleur des montants mais aussi par la virulence de l'opposition à l'application de cette loi de la République que vous avez votée.

Je suis très heureux d'être reçu avec les agences de presse, la presse spécialisée et le SPIL. Compte tenu de la décision de l'Autorité de la concurrence et des atouts qu'elle offre aux syndicats professionnels, la négociation avec Google se poursuit et notre objectif est de parvenir à un accord-cadre qui serait ensuite apporté à l'organisme de gestion collective (OGC) en cours de constitution.

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François Claverie, vice-président du SEPM et directeur général délégué du Point

La filière presse représente 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires sur les 100 milliards générés par les industries culturelles. Nous avons souffert de la disruption des plateformes, notamment de Google et de Facebook, qui a entraîné la disparition de 1 à 2 milliards d'euros de recettes publicitaires. Nous sommes contraints de reconstruire notre modèle d'affaire pour assurer nos missions d'information.

Le droit voisin ne doit pas représenter des revenus d'appoint. Notre démarche vise à rééquilibrer durablement notre modèle économique. Comme nous l'avons vu dans la musique, la disparition des supports physiques a rendu nécessaire la gestion collective. C'est une activité qui génère moins d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires mais 70 % de ses revenus sont issus de la gestion collective et sont donc constitués de droits.

Pour la presse, les revenus sont panachés entre des revenus publicitaires, des abonnements, des ventes au numéro et, dans une moindre mesure, des droits. Nous cherchons à trouver des substituts aux recettes qui s'affaiblissent. Prenons l'exemple de la vente au numéro. L'année 2020 a été caractérisée par la défaillance de Presstalis, l'un des principaux distributeurs de presse en France, ce qui est révélateur de l'affaiblissement durable de l'activité de vente au numéro. Nous avons besoin de trouver des revenus de substitution, sur un marché où l'abonnement numérique n'est pas la seule planche de salut et où la publicité est attaquée par les réseaux sociaux et les moteurs de recherche.

Nous devons imaginer un modèle économique dans lequel la protection de nos contenus, dans un contexte de diversification des usages de l'information, nous rapportera un pourcentage, potentiellement à 2 chiffres, de nos revenus. Dans un premier temps, nous pourrions parvenir à 5 %, sous forme de droits voisins et de droits d'auteur, avant d'atteindre 70 %, comme sur le marché de la musique.

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Julie Lorimy, directrice générale du SEPM

Le SEPM réunit la presse magazine grand public, c'est-à-dire des titres d'information politique et générale (IPG) et de la presse à centre d'intérêt, culturelle, féminine, jeunesse, etc.

Nous avons une vision assez universelle du droit voisin et nous l'avons défendue devant l'Autorité de la concurrence, puis devant la Cour d'appel puisque Google a interjeté appel des deux décisions de l'Autorité de la concurrence. Nous sommes très « égalistes », toutes les publications de presse sont concernées.

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Laurent Mauriac, co-président du SPIIL et président de Brief

Nous réunissons aujourd'hui 230 membres et 300 titres. Notre mission est de soutenir et de promouvoir la presse numérique et plus largement la presse indépendante, c'est-à-dire des titres dont les actionnaires ne sont pas extérieurs au secteur de la presse et des médias.

Comme le SEPM, nous représentons une grande variété de membres, avec de la presse généraliste comme Mediapart ou Les Jours, de la presse spécialisée avec des titres comme Numérama ou Arrêt sur image, de la presse professionnelle avec Indigo qui édite la Lettre A, de la presse locale avec Marsactu et de la presse IGP. Nous agissons dans l'intérêt du secteur des médias dans son ensemble et dans l'intérêt du public. Notre approche n'est pas corporatiste, nous ne cherchons pas à représenter uniquement la presse numérique et à défendre ses intérêts. Nous voulons créer les conditions d'une information de qualité, au service du débat public. Nous mettons en avant le pluralisme, la lutte contre les distorsions de concurrence, la neutralité des supports, l'innovation, la transparence pour garantir la confiance du public et l'indépendance économique, la qualité de l'information et la lutte contre les fake news. Ce sont ces valeurs qui nous guident dans notre approche des droits voisins.

Le syndicat apporte son soutien entier et actif à la création d'un organisme de gestion collective des droits voisins. Ces droits peuvent représenter un écueil pour le secteur, même s'ils sont justifiés par un nécessaire rééquilibrage, notamment en raison des investissements consentis.

Les droits voisins sont censés apporter une meilleure indépendance de la presse vis-à-vis des plateformes comme Google et Facebook, mais s'ils sont mal gérés, ils pourraient accentuer leur dépendance, notamment si le critère de l'audience est mis en avant. Ils pourraient conduire à des dérives, à la production d'articles écrits pour plaire aux plateformes, pour être vus, avec des titres racoleurs, au détriment de la qualité de l'information.

Si la presse gère cette question en ordre dispersé, des accords individuels seront signés avec les plateformes et mélangeront différentes considérations, dont des composantes commerciales et ce sera là aussi au détriment de l'indépendance.

Il est absolument primordial que la gestion des droits voisins garantisse une équité entre les différents types de presse, évite toute distorsion de concurrence et ne favorise pas les gros titres historiques par rapport aux plus petits ou aux plus récents.

La notion de transparence est également extrêmement importante. Elle est cruciale pour garantir la confiance du public. Il est essentiel que les règles de fonctionnement de la répartition et des modes de calcul des droits soient publiques. Mettre en avant le secret des affaires ne nous semble pas de mise pour un droit qui est inscrit dans la loi.

Par ailleurs, la ministre de la Culture l'a récemment rappelé au dîner de l'Humanité, « l'union fait la force ». Pour avoir une puissance de négociation importante vis-à-vis des plateformes, nous devons être unis dans cette négociation.

Pour toutes ces raisons, l'OGC auquel nous participons est la meilleure réponse. C'est la seule qui soit capable d'amener une gouvernance équitable, de la transparence dans les règles de répartition et d'imposer, par un consensus des éditeurs, des règles de répartition des droits prenant en compte la qualité de l'information.

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Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse

Je rappelle que si ce droit existe, c'est grâce aux législateurs qui l'ont voté. Je salue la présence de Mme Émilie Cariou qui nous a beaucoup aidés sur ce dossier quand elle était au cabinet de la ministre de la Culture.

Vous avez voté une loi mais son application est difficile. Il est grand temps que les pouvoirs publics nous soutiennent pour mettre en œuvre ce droit ! Le Sénat et l'Assemblée nationale nous soutiennent depuis longtemps et la ministre de la Culture a fait une déclaration très prometteuse au dîner de l'Humanité, qui nous appelle à l'union pour une mise en œuvre rapide de ce droit.

Nous représentons 450 éditeurs de presse, beaucoup de petits, de moyens et quelques gros, 1 200 publications, 314 services de presse en ligne reconnus par la commission paritaire des publications et agences de presse. Les diffusions sont très variables mais elles ont une valeur éditoriale très importante puisque ce sont des contenus très spécialisés, que vous utilisez dans votre travail, comme des contenus juridiques ou techniques.

Je suis à peu près d'accord avec toutes les interventions précédentes. La position dominante de certains acteurs empiète sur la rentabilité de nos modèles économiques, mais je tiens à rappeler que le droit voisin est un droit. Les plateformes génèrent un chiffre d'affaires en exploitant nos contenus. Sans nos contenus, elles en perdraient une partie. Il est donc normal que nous obtenions une rémunération corrélée à l'exploitation de nos contenus, c'est la base de la discussion.

Il ne s'agit pas de compenser le non-paiement d'impôts par les éditeurs des plateformes ou la position dominante de Google sur le marché publicitaire. Il est question de mettre en œuvre un droit avec une rémunération légitime. C'est l'approche que nous adoptons dans nos discussions avec Google qui ont repris depuis la rentrée. Pour l'instant, nous avons des difficultés à obtenir des propositions concrètes

La négociation porte sur deux assiettes. L'une est assez facile à estimer, même si l'information dépend des plateformes, puisqu'il s'agit des revenus directs. Il est possible d'obtenir le chiffre d'affaires généré par Google lorsqu'il affiche nos contenus et qu'il les exploite. L'autre porte sur les revenus indirects. Nous sommes pour l'instant dans le flou le plus total. Les plateformes refusent de se positionner mais nous savons que les revenus indirects sont très importants : ils proviennent de l'exploitation des données des utilisateurs de la plateforme, qui viennent en partie parce qu'ils y trouvent nos contenus, de l'alimentation de l'intelligence artificielle et d'autres revenus dérivés qui découlent indirectement de l'exploitation de nos contenus.

Pour éviter d'avoir des réponses disparates, il est important que nous soyons unis comme l'a dit la ministre. La gestion collective est la solution que nous prônons depuis le départ. Nous l'avons mise en avant dans plusieurs discussions à Strasbourg et à Bruxelles, mais l'Europe est réticente à la généralisation de la gestion collective obligatoire et souhaite la limiter à des cas où, parce qu'ils sont très nombreux et très disparates, les titulaires ont besoin d'une gestion collective. Nous sommes des éditeurs de presse et nous rassembler n'est pas très difficile. La gestion collective obligatoire ne se justifiait donc pas. Par ailleurs, beaucoup d'éditeurs sont contre la gestion collective obligatoire.

Nous sommes dans une démarche de rassemblement à l'initiative du SEPM et avec le SPIIL. Cette gestion collective obligatoire pourrait devenir une gestion collective rassemblée, de bon sens, qui finirait par convaincre l'ensemble des éditeurs. Nous avons la volonté de rassembler tous les éditeurs de services de presse en ligne, même ceux qui ont commencé à discuter à titre individuel, dans une démarche d'union, de transparence, d'équité mais aussi de garde-fou contre un mélange entre des accords commerciaux et des accords de droits.

Nous voulons mettre en œuvre un droit, nous ne voulons pas signer d'accords commerciaux. Google Showcase est un contrat commercial qui ne doit pas être mélangé avec le sujet du droit voisin. Il a, comme tout contrat commercial, une durée de vie limitée, alors qu'un droit perdure tant que le législateur ne l'a pas remis en cause. Par ailleurs, Google Showcase pose un certain nombre de questions. Google est un acteur qui vit exclusivement de l'internet gratuit. Toutes les démarches visant à rendre des contenus payants vont contre son modèle économique. Avec Google Showcase, il a la volonté d'amener à ses utilisateurs plus de contenus gratuits, ce qui va à l'encontre de la démarche de la quasi-totalité des éditeurs qui cherchent à valoriser leurs contenus, vis-à-vis des annonceurs mais surtout vis-à-vis de leurs lecteurs avec une politique d'abonnement.

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Alain Augé, président du SEPM et directeur général de Bayard Presse

Nous devons être attentifs à ne pas augmenter, contre une menue monnaie, notre dépendance aux plateformes. Notre objectif est de faire reconnaître notre droit voisin.

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Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse

Nous avons créé cet organisme de gestion collective parce que le droit voisin est un droit spécifique, distinct des autres droits, notamment du droit d'auteur. Il nous a donc semblé nécessaire de créer, avec le soutien de la SACEM, un nouvel OGC. Je rappelle qu'il existe un autre organisme de gestion collectif qui rapporte des droits aux éditeurs de presse, le centre français d'exploitation du droit de copie (CFC) et nous souhaitons qu'il soit associé à la création de ce nouvel OGC.

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Monsieur Mauriac, la transparence que vous appelez irait-elle jusqu'à la publication d'un barème régulé comme celui qui existait pour la distribution de la presse ?

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Laurent Mauriac, co-président du SPIIL et président de Brief

Nous ne sommes pas encore entrés dans cette discussion avec nos partenaires mais n'importe quel citoyen devrait être capable de reconstituer les droits voisins perçus par les différents éditeurs. Une règle de calcul publique, relativement simple, facilement compréhensible et transparente est donc souhaitable.

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Julie Lorimy, directrice générale du SEPM

Les OGC sont réglementés et les obligations de transparence découlent de leur nature même.

Les différents interlocuteurs ont souligné qu'un OGC permettait de présenter un front uni face à des interlocuteurs très puissants. J'ajoute qu'il a aussi un rôle de rationalisation des négociations, compte tenu du nombre d'éditeurs et d'ayants droit.

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François Claverie, vice-président du SEPM et directeur général délégué du Point

Il s'agit avant tout de mutualiser les moyens, d'abord dans l'identification des plateformes qui sont redevables du droit voisin. Nous parlons beaucoup des grands moteurs de recherche et grands réseaux sociaux, en premier lieu Google et Facebook, mais il existe de nombreuses plateformes potentiellement redevables, vous évoquez d'ailleurs dans votre questionnaire les crawlers. La revendication systématique du droit voisin auprès de l'ensemble des plateformes nécessite beaucoup de moyens, des moyens d'identification, des moyens d'études, puisque pour chacune de ces plateformes, il faudra imaginer un modèle de valorisation du droit voisin, et des moyens technologiques. Les plateformes qui exploitent nos contenus utilisent des robots pour les aspirer et les indexer et nous pourrions réfléchir à la mise en place de parades technologiques pour les en empêcher si nous ne parvenons pas à faire reconnaître nos droits. Dans le cas de Google, cela relève de la science-fiction mais pour des acteurs de taille moyenne, il semble possible d'établir un rapport de force.

Nous pouvons également mutualiser des moyens juridiques et des moyens contentieux. Revendiquer nos droits génère des frais d'avocats pour engager des procédures lourdes. Beaucoup d'éditeurs n'ont pas les moyens de supporter individuellement de tels contentieux. Le SEPM a engagé des sommes considérables et est dans une situation financière difficile.

Quand nous discutons avec Google, celui-ci est convaincu de pouvoir organiser la répartition des sommes à payer s'il était conduit à rémunérer les éditeurs. Or, un organisme de gestion collective est un organisme collecteur mais aussi un répartiteur qui définira les règles de répartition, différentes d'une plateforme à l'autre et déterminera qui est ayant droit ou non. En revanche, la répartition s'appliquera de manière identique d'un membre à l'autre de l'OGC.

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. J'ai effectivement été en charge des négociations des directives « Droits d'auteur », « SMA » et du règlement sur la portabilité des droits de 2014 à 2017 au sein des cabinets de Fleur Pellerin et d'Audrey Azoulay. Je rappelle que le début des négociations a été difficile puisque le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, voulait mettre à bas les frontières du droit d'auteur. Nous avons réussi à renverser le rapport de force puisque les directives ont renforcé le droit d'auteur et créé le droit voisin qui a été fortement contesté par ceux qui ne voulaient pas d'un nouveau droit, notamment les journalistes. Aujourd'hui, cette directive existe et nous devons déterminer comment l'appliquer.

Je comprends que vous souhaitez vous acheminer vers une gestion collective type OGC. Quelles sont les recommandations de la Commission européenne sur l'application de la directive ? Les éditeurs de presse sont-ils invités à se regrouper dans des OGC ? Une négociation commune entre des OGC et des acteurs individuels est-elle conforme au droit communautaire ? Ce type d'entente pose-t-il d'autres problèmes en matière de droit commercial, sachant que les traités comportent des contraintes ? Avez-vous analysé ce sujet juridique d'articulation entre les traités et la directive, notamment sur les processus d'entente qui se mettent en place ? C'est évidemment une bonne solution, il est préférable d'avancer collectivement dans les négociations pour obtenir des rémunérations à la hauteur. Par ailleurs, au sein de vos organes de presse, quelle est la position des journalistes ? Est-ce qu'ils se sentent impliqués ? Avez-vous commencé à discuter avec eux du partage de la valeur ?

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Alain Augé, président du SEPM et directeur général de Bayard Presse

Je me souviens des enquêtes de police menées chez Gallimard, Hachette et Editis parce qu'Apple se plaignait de leur entente abusive, alors qu'il imposait ses propres commissions de 30 %. C'était le monde à l'envers ! Je suis toujours très inquiet de ce tropisme bruxellois de traquer l'entente pour mieux laisser le renard entrer dans le poulailler. Vous avez évoqué des changements de posture de Bruxelles et c'est vrai que nous sommes sur des sujets délicats.

Google a cherché à explorer cette voie de droit pour rejeter les demandes que le SEPM avait faites auprès de l'Autorité de la concurrence. Il a échoué dans la mesure où l'Autorité de la concurrence a assez vite établi que nous étions fondés, sans constituer une entente, à représenter les intérêts moraux et matériels de l'ensemble de la profession dont un droit essentiel n'est pas reconnu.

Mais le danger persiste et si l'affaire devait s'envenimer juridiquement, nous pouvons craindre que Google emploie cet argument devant la Cour de Justice de l'union européenne (CJUE).

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Julie Lorimy, directrice générale du SEPM

La loi et la directive citent bien la possibilité de mettre ce droit en gestion collective, c'est pourquoi nous sommes convaincus de ne prendre aucun risque à créer un OGC. Le SEPM a la possibilité de recevoir et d'analyser les offres faites par Google. Les cabinets d'avocats qui nous accompagnent et dont les honoraires sont très lourds pour de petits syndicats veillent à ce que nous restions dans le cadre légal.

L'une des raisons de la création d'un OGC est de nous permettre, hors de toute entente, de nous réunir, de négocier, de gérer et de répartir ces droits voisins collectivement. Cette approche est bien plus sécurisante que la situation actuelle qui fonctionne éditeur par éditeur et où les syndicats agissent pour leurs membres. L'OGC est le véhicule le mieux adapté.

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Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse

L'entente n'est pas opposable aux sociétés de gestion collective qui ont vocation à rassembler l'ensemble de leurs adhérents, pour négocier collectivement et imposer à des opérateurs de marché des règles uniques. C'est l'enjeu de la gestion collective obligatoire et non obligatoire. Si la gestion collective n'est pas obligatoire, le marché n'est pas fermé. Les ayants droit ne sont pas obligés d'adhérer à la société de gestion collective et peuvent négocier de leur côté. En revanche, s'ils adhèrent à la société de gestion collective, ils s'engagent à apporter leurs droits et à s'accorder sur un cadre unique de négociation.

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Les OGC sont soumis à des règles de transparence particulières et la directive qui leur est dédiée doit s'appliquer. Il est difficile de parler d'accord puisque la loi ouvre cette possibilité. En revanche, je m'interroge sur la manière de gérer une situation dans laquelle tous les acteurs n'auraient pas adhéré à l'OGC. Il faudrait peut-être des précisions de la Commission.

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Julie Lorimy, directrice générale du SEPM

Nous sommes en train de travailler sur les statuts et l'OGC n'a pas vocation à s'appliquer aux ayants droit qui ne sont pas sociétaires puisque nous ne sommes pas dans un cadre obligatoire.

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Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse

Il existe un statut intermédiaire, celui de la gestion collective étendue, créé par la directive « Droits voisins ». Nous ne sommes pas dans les cas prévus par cette directive, notamment celui d'ayants droit difficiles à rassembler. Quels que soient les contrats que nous signerons avec les plateformes, ils ne seront pas applicables à ceux qui n'auront pas apporté leurs droits à l'OGC.

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Vous avez fait un tour assez complet en lien avec le questionnaire que nous vous avons adressé.

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L'OGC a-t-il commencé à fonctionner et à négocier ? Quelle recommandation spécifique souhaiteriez-vous voir apparaître dans notre rapport ?

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Alain Augé, président du SEPM et directeur général de Bayard Presse

. L'OGC devrait être éligible à une avance remboursable du fonds de modernisation de la presse. Nous avons besoin de moyens pour négocier. L'État a dégagé des moyens importants pour assurer la modernisation de la presse et il devrait veiller à ce qu'une partie des crédits existants soit fléchée vers le soutien au démarrage de cet OGC. Une presse prospère, disposant de revenus nouveaux et structurels lui permettant de financer la création de l'OGC, remettra le débat sur les subventions dans une autre perspective que celle d'une presse qui continuerait à s'appauvrir inexorablement.

Nous saluons les propose de Mme Roselyne Bachelot. L'État doit continuer à soutenir cette initiative, nous garder de nos meilleurs amis bruxellois et nous avertir si nous devons prendre des initiatives de forme ou de fond. Évitons de commettre des fautes techniques sur lesquelles les GAFA s'appuieraient pour déclencher un contentieux devant la CJUE qui pourrait nous être fatal.

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François Claverie, vice-président du SEPM et directeur général délégué du Point

La directive est transposée depuis plus de deux ans et aucun éditeur n'a encore touché d'argent. Dans le même temps, notre dépendance à Google a augmenté, comme la prédation des plateformes. Le sous-produit des plateformes que sont les fake news prend de l'ampleur et on demande aux acteurs de presse de corriger ce problème et donc de mobiliser leurs moyens éditoriaux pour rétablir la vérité et préserver une information de qualité pour le grand public. Il y a urgence à agir !

Il y a aussi urgence à faire pression sur Google, par tout moyen, pour qu'il respecte la loi française. Celle-ci doit être appliquée. Nous craignons que Google soit lourdement condamné sans jamais payer ses amendes. L'amende de 500 millions d'euros prononcée par l'Autorité de la concurrence est plus élevée que le produit de la taxe GAFA. Il faudrait qu'elle rentre dans les caisses de l'État pour éviter que d'autres plateformes suivent la voie de Google et ne respectent pas la loi française. Nous ne sommes pas dans une logique indemnitaire.

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Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse

Vous pouvez aussi rappeler que tous les éditeurs de presse sont concernés par le droit voisin.

Par ailleurs, vous pouvez inviter l'État à être très attentif au DSA et au DMA qui sont censés nous aider à rééquilibrer le rapport de force avec les plateformes, qui sont aussi des outils incontournables de distribution et de visibilité de nos contenus vis-à-vis de nos lecteurs.

L'accord qui a été signé reconnaît que cette visibilité n'est pas une rémunération valable dans le cadre du droit voisin.

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Nous sommes attachés à une application équitable du droit voisin, pour la presse IPG comme pour la presse non-IPG.

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Laurent Mauriac, co-président du SPIIL et président de Brief

L'OGC est en cours de constitution. Nous travaillons sur les statuts. C'est une phase assez lourde et nous espérons le constituer d'ici la fin du mois.

Parallèlement, les travaux avec la SACEM ont été lancés pour que les négociations puissent démarrer le plus rapidement possible. Notre objectif est que le fruit des négociations qui ont eu lieu entre nos organisations et certains acteurs comme Google puisse être reversé à l'OGC pour qu'il prenne le relais.

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Avez-vous été approchés par d'autres plateformes que Google ?

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Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse

Non, nous avons eu il y a longtemps un contact avec Facebook qui n'a pas abouti. Par ailleurs, préalablement à la loi sur les droits voisins, le CFC avait commencé à travailler sur les crawlers. Quelques contrats ont été signés mais la plupart des crawlers estimaient qu'ils n'avaient pas à payer puisque Google ne payait pas.

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Alain Augé, président du SEPM et directeur général de Bayard Presse

Nous avons eu des contacts début 2020 avec Facebook, qui nous a transmis une proposition plus raisonnable que celle de Google, mais elle est restée sans suite. Depuis, Facebook refuse de répondre à nos demandes de rendez-vous.

Quant à Microsoft, il est prêt à discuter mais seulement avec un organisme de gestion collective.

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Flécher une partie des aides à la presse vers l'aide à la constitution de ce nouvel OGC me paraît intéressant. Nous déplorons depuis de nombreuses années la baisse des chiffres d'affaires de la presse due à la transition numérique.

Quant au recouvrement des amendes, il fait partie d'un enjeu plus global. Le retard dans la perception des amendes prononcées par l'Autorité de la concurrence ou l'Autorité des marchés financiers met à mal ces autorités. Nous serons vigilants sur le recouvrement de l'amende infligée à Google pour amorcer l'application de ce nouveau droit.

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Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse

L'aide à la constitution de l'OGC serait une aide ponctuelle. Un OGC fonctionne avec un prélèvement sur les droits collectés. Aujourd'hui, nous avons besoin de moyens pour créer la structure et lancer les négociations.

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Laurent Bérard-Quélin, président de la FNPS et directeur général délégué de la Société générale de presse

Tout à fait.

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J'ai bien compris l'enjeu des discussions en cours au sein des institutions européennes sur le DMA et le DSA. Je suis également membre de la commission des affaires européennes et, à ce titre, chargée d'un rapport d'information sur l'évolution des discussions sur le DSA avec Aude Bono-Vandorme. Nous soumettrons quelques préconisations et nous resterons vigilants, en lien avec Geoffroy Didier, rapporteur au sein de la commission des affaires juridiques du Parlement européen, à ce que ne soient pas détricotés, à la faveur d'un nouveau règlement ou d'une nouvelle directive, des acquis obtenus de haute lutte.

La réunion se termine à seize heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mercredi 15 septembre 2021 à 15 h 30

Présents. – Mme Émilie Cariou, Mme Virginie Duby-Muller, M. Laurent Garcia, Mme Marie-Ange Magne, Mme Michèle Victory, Mme Souad Zitouni

Excusé. - M. Jean-Michel Mis