Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 22h10

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • PMA
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  • reconnaissance conjointe
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La réunion

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COMMISSION SPÉCIALE CHARGÉE D'EXAMINER LE PROJET DE LOI RELATIF À LA BIOÉTHIQUE

Mercredi 1er juillet 2020

La réunion est ouverte à vingt deux heures dix.

(Présidence de Mme Agnès Firmin Le Bodo, présidente)

La commission spéciale poursuit l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, relatif à la bioéthique (n° 2658) (M. Philippe Berta, Mme Coralie Dubost, M. Jean-François Eliaou, Mme Laetitia Romeiro Dias, M. Hervé Saulignac et M. Jean-Louis Touraine, rapporteurs).

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Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux par l'examen de l'article 4, que nous avions réservé. Je remercie Mme la garde des sceaux de sa présence ce soir.

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Tout en regrettant que la réunion commence avec retard, nous saluons le fait qu'un membre du Gouvernement se déplace enfin, après quarante-huit heures de débat, ce qui nous permettra de lui poser des questions sur la filiation. Cela étant, nous déplorons une nouvelle fois que Mme Dubost ait déposé un amendement de réécriture globale – qui porte, en l'occurrence, sur l'article 4. Manifestement, en raison de difficultés internes, la majorité peine à rendre ses arbitrages. Les conditions d'un débat serein ne sont pas réunies.

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Je remercie Mme la garde des sceaux qui témoigne, par sa présence, de la haute idée qu'elle se fait de ses fonctions, ce qui n'est pas le cas, malheureusement, de ses collègues du Gouvernement. Nous avons posé des questions essentielles, sur les premiers articles, sans savoir quelle était la position du Gouvernement. Par ailleurs, je regrette les conditions dans lesquelles nous allons débattre. L'article 4, relatif à la filiation, constitue le socle juridique de l'extension de l'assistance médicale à la procréation (AMP). En première lecture, un amendement du Gouvernement nous avait été soumis à la dernière minute, sans que l'on connaisse l'avis du Conseil d'État, alors que, sur des questions telles que la filiation, il faut agir avec prudence. La filiation est le fondement de notre société ; la famille en est la cellule de base. Nous sommes à nouveau confrontés à l'improvisation. La majorité est tiraillée entre les revendications militantes et ultras d'un lobby surreprésenté en son sein et la nécessité de trouver un équilibre juridique. Nous regrettons vivement les conditions dans lesquelles le débat s'engage.

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J'ai décidé de commencer avec un peu de retard, le temps que l'administration traite les sous-amendements – qui sont aussi nombreux que les amendements déposés sur l'article…

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Nous étions parvenus, en première lecture, à débattre dans la sérénité. Je souhaite que nous poursuivions dans cette voie, en maintenant l'équilibre qui avait été trouvé. Il ne me paraît pas utile de tenir le type de propos que nous venons d'entendre : nous ne représentons aucun lobby, ou alors dites clairement les choses. J'approuve sans réserve ce texte et suis très fière que nous introduisions la PMA pour toutes, si c'est à cela que vous faites référence. Aucun lobby n'est représenté ici. Nous souhaitons simplement que le projet de loi soit adopté dans la sérénité. Tel est notre objectif partagé, du moins je l'espère. Je remercie la garde des sceaux de sa présence.

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Comme vous le savez, le rapporteur peut déposer un amendement à tout moment. Je regrette que vous n'en ayez pas eu connaissance plus tôt, mais vous connaissez comme moi la procédure qui est habituellement suivie. Cela ne vous a toutefois pas empêchés de déposer de nombreux sous-amendements, ce dont je me réjouis, car cela nous permettra de débattre de manière approfondie de cet article, comme nous l'avons fait pour le précédent. J'espère que nous pourrons nous concentrer sur le fond.

Article 4 (précédemment réservé) Établissement de la filiation des enfants nés par recours à l'assistance médicale à la procréation par un couple de femmes ou par une femme non mariée

La commission est saisie de l'amendement n° 1030 de M. Bastien Lachaud.

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Tous les amendements que nous avons déposés tomberaient en cas d'adoption de l'amendement de la rapporteure. Ne disposant pas des moyens d'un grand groupe, nous n'avons pu le sous-amender. Nous nous sommes inscrits dans une démarche constructive, qui nous a conduits à voter le texte en première lecture, tout en soulignant ses manques. Loin de moi l'envie de polémiquer pour rien, mais il me semble que la présence de la ministre s'explique avant tout par des désaccords internes au groupe majoritaire, qui se répercutent sur la qualité du travail. Ce n'est pas une méthode acceptable.

Nous avons déposé un amendement de suppression de l'article, car nous jugeons très problématique le système de filiation qu'il institue. Il consacre en effet un recul important pour les couples homosexuels qui ont recours à l'assistance médicale à la procréation. Il exclut l'établissement d'une filiation doublement maternelle ou paternelle envers un enfant, tout en autorisant l'adoption. Nous y voyons une provocation à l'encontre des couples de même sexe. Cet article doit être réécrit. Nous avions déposé des amendements pour améliorer la rédaction votée en première lecture. Nous ne pouvons les présenter, mais j'interviendrai sur certains sous-amendements.

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La présence de la garde des sceaux n'est en rien la marque d'un désaccord. Nous allons d'ailleurs vous présenter une position commune. Je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur votre amendement, puisque vous entendez supprimer le dispositif de filiation dans son ensemble, qui tire les conséquences de l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes. Or, il est indispensable de présenter un mode de filiation pour les enfants issus de l'AMP avec tiers donneur.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ne suis ici qu'en raison du respect que je dois au Parlement et du caractère éminemment sensible de la question de la filiation. Je partage l'avis de la rapporteure sur cet amendement.

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Madame la rapporteure, vous aviez défendu, en première lecture, l'article 4, que j'avais voté. Je comprendrais que vous proposiez une nouvelle rédaction afin de recueillir l'approbation du plus grand nombre possible de parlementaires. Or, vous savez comme moi que le texte que vous proposez n'obtiendra pas une majorité au Sénat. Comprenez que nous nous interrogions : qu'est-ce qui a motivé la modification d'une disposition qui avait été largement approuvée, y compris au sein de votre majorité ?

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Allons-nous suivre la méthode déjà retenue lors du débat sur l'autoconservation des ovocytes ? Le rapporteur – que je ne mets pas en cause – avait en effet apporté une réponse globale aux dizaines de sous-amendements présentés. Pourrons-nous, cette fois-ci, compte tenu du dépôt tardif de l'amendement, étudier chaque sous-amendement séparément ? C'est un vrai problème. Si une réponse globale était apportée aux soixante-seize sous-amendements, cela nuirait gravement à la qualité de nos débats. Je n'imagine pas Mme la garde des sceaux subir cette présentation et devoir se contenter d'une réponse finale. Allons-nous faire un travail sérieux ou bâcler l'étude de la question essentielle de la filiation ?

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Il y a en effet un problème de méthode. Il ne vous a pas échappé que le texte sur lequel nous travaillons a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 5 février 2020. Or, la rapporteure dépose le 1er juillet, à seize heures cinquante, un amendement qui réécrit totalement l'article 4, ce qui nous oblige à rédiger des sous-amendements entre seize heures cinquante et vingt et une heures trente. Vous avouerez que ce sont des conditions de travail particulièrement inhabituelles. Une nouvelle fois, je tiens à protester contre les conditions d'examen d'un article qui touche à la filiation et, plus généralement, d'un texte qui modifie profondément l'accès à la PMA et traite de sujets de fond en matière de bioéthique. La majorité prend ici, une nouvelle fois, une responsabilité très forte. La nation est bafouée par votre manière de faire.

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On s'était émus du fait que ce projet de loi était le premier texte inscrit à l'ordre du jour après la crise sanitaire. Je m'interroge à présent sur l'effet du contexte politique : le remaniement ministériel, qui est imminent, risque de suspendre nos travaux. Ne voyez là nulle intention désobligeante, madame la garde des sceaux : je vous souhaite d'être présente pour continuer l'examen du texte. Il n'en reste pas moins que cette suspension serait fâcheuse.

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Monsieur Breton, à la suite de la présentation de tous les sous-amendements, Mme la rapporteure vous répondra aussi précisément que possible.

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C'est scandaleux ! On bafoue le travail parlementaire ! Tout cela parce que vous êtes sous l'influence d'un lobby et que vous êtes incapables de résister !

La commission rejette l'amendement n° 1030.

Elle examine, en discussion commune, l'amendement n° 1666 de la rapporteure, qui fait l'objet des sous-amendements n° 1715 de Mme Annie Genevard, n° 1668 de M. Hervé Saulignac, n° 1732 de M. Thibault Bazin, n° 1690 de M. Guillaume Chiche, n° 1754 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1717 de Mme Annie Genevard, n° 1670 de M. Hervé Saulignac et n° 1669 de M. Raphaël Gérard, des sous-amendements identiques n° 1720 de M. Xavier Breton, n° 1726 de M. Patrick Hetzel et n° 1746 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements n° 1749, n° 1750 et n° 1751 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1733 de M. Thibault Bazin, n° 1694 de Mme Agnès Thill et n° 1734 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1721 de M. Xavier Breton et n° 1727 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1755 et n° 1752 de Mme Emmanuelle Ménard, des sous-amendements identiques n° 1673 de M. Xavier Breton et n° 1682 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements identiques n° 1674 de M. Xavier Breton, n° 1683 de M. Patrick Hetzel et n° 1706 de Mme Agnès Thill, des sous-amendements n° 1736 et n° 1735 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1737 de M. Thibault Bazin et n° 1758 de Mme Emmanuelle Ménard, des sous-amendements identiques n° 1675 de M. Xavier Breton, n° 1684 de M. Patrick Hetzel, n° 1702 de Mme Agnès Thill et n° 1738 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1676 de M. Xavier Breton, n° 1685 de M. Patrick Hetzel et n° 1713 de Mme Agnès Thill, du sous-amendement n° 1691 de M. Guillaume Chiche, des sous-amendements identiques n° 1678 de M. Xavier Breton, n° 1687 de M. Patrick Hetzel et n° 1716 de Mme Agnès Thill, des sous-amendements identiques n° 1677 de M. Xavier Breton et n° 1686 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1714 de Mme Agnès Thill, n° 1741 de M. Thibault Bazin, n° 1762 de M. Xavier Breton, n° 1679 de M. Jean-Louis Touraine, n° 1757 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1739 et n° 1740 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1722 de M. Xavier Breton et n° 1728 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1747 et n° 1742 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements identiques n° 1723 de M. Xavier Breton et n° 1729 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1718 de Mme Annie Genevard, n° 1748, n° 1743, n° 1744 et n° 1745 de M. Thibault Bazin et n° 1761 de M. Xavier Breton, des sous-amendements identiques n° 1688 de Mme Agnès Thill, n° 1719 de Mme Annie Genevard et n° 1766 de M. Thibault Bazin, des sous-amendements n° 1692 de M. Guillaume Chiche, n° 1753 de M. Patrick Hetzel et n° 1756 de M. Xavier Breton, des sous-amendements identiques n° 1725 de M. Xavier Breton et n° 1731 de M. Patrick Hetzel , des sous-amendements identiques n° 1724 de M. Xavier Breton et n° 1730 de M. Patrick Hetzel, des sous-amendements n° 1760, n° 1763 et n° 1764 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 1711 de Mme Laurence Vanceunebrock, ainsi que les amendements n° 912 de Mme Michèle de Vaucouleurs et n° 1143 de M. Bruno Fuchs.

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Je présenterai mon amendement, puis répondrai aux arguments développés dans vos sous-amendements.

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Ne me donnez pas d'ordre ! Je répondrai à tous vos arguments de fond, vous pouvez avoir confiance en moi : vous savez que je l'ai toujours fait, et je continuerai ainsi. Je n'ai nul doute quant au fait que Mme la garde des sceaux agira de même. Depuis le début, vous critiquez le fait que le texte ait été réinscrit à l'ordre du jour rapidement. Par ailleurs, vous semblez mettre en cause le règlement de l'Assemblée, qui permet au rapporteur de déposer un amendement quand il le souhaite. Je suis prête à discuter du fond avec vous. Je répondrai à toutes vos questions.

Loin de procéder à une réécriture totale, l'amendement n° 1666 reprend très largement la rédaction de la première lecture. Les dispositions relatives à la reconnaissance conjointe anticipée, pour les couples de femmes, et au consentement au don, pour les couples et la femme non mariée qui recourent à une PMA avec tiers donneur, ne sont pas modifiées. Nous avons longuement débattu en première lecture de ces dispositions, que certains d'entre vous ont votées.

Pourquoi avons-nous apporté des changements ? Parce que nous avons écouté les critiques que vous avez émises en première lecture. Madame Genevard, vous regrettiez que, du fait de la reconnaissance conjointe anticipée, la filiation de la femme ayant accouché ne soit plus établie par sa désignation dans l'acte de naissance de l'enfant. Nous rétablissons cette procédure. Pour les couples de femmes, la reconnaissance conjointe anticipée permettra à chacune d'elles de reconnaître l'autre comme mère de l'enfant à naître aux stades de l'insémination, de la grossesse et de l'accouchement. À la suite de l'accouchement, le nom de la mère gestatrice sera mentionné dans l'acte de naissance, ce qui établira le lien de maternité. L'autre mère pourra reconnaître l'enfant auprès de l'officier d'état-civil, munie de la reconnaissance conjointe anticipée. Ainsi, chacune des deux mères le sera de façon divisible, et l'effet juridique de l'accouchement sera rétabli. Par ailleurs, nous continuons à garantir – ce qui était une préoccupation de la garde des sceaux – la sécurité juridique et la responsabilité entre les mères dès l'origine du projet. Cette rédaction, qui nous paraît plus équilibrée, prend en considération les observations de tous les parlementaires. Non seulement nous ne bâclons pas le travail mais nous vous écoutons et proposons une solution susceptible de recueillir votre assentiment, alors que nous nous apprêtons à franchir ce grand pas.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame la rapporteure, je partage pleinement votre point de vue. En première lecture, nous nous sommes efforcés d'établir un certain nombre de garanties : offrir de nouveaux droits, notamment aux femmes homosexuelles, apporter la sécurité juridique aux deux mères et définir une procédure simple. Le Sénat est revenu sur un dispositif que nous avons voulu équilibré et juridiquement solide, en imposant la voie de l'adoption pour la femme qui n'accouche pas. Le Gouvernement ne peut l'accepter, car cela ne répond pas aux objectifs de sécurité juridique et d'égalité des droits entre les enfants. Le contrôle du juge n'a, dans cette hypothèse, ni justification, ni intérêt ; il n'offre pas la même sécurité juridique aux enfants et aux mères, notamment à celle qui n'a pas accouché. C'est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'amendement de Mme la rapporteure, qui a pour objet de revenir au dispositif de la reconnaissance conjointe adopté en première lecture par votre assemblée. Le Gouvernement est également favorable à la clarification proposée par l'amendement. Lors du débat en première lecture, nous avions beaucoup discuté de l'accouchement, lequel déclenche, de manière évidente, la filiation de la mère gestatrice : c'était implicite, mais ce sera désormais écrit noir sur blanc. Il est essentiel de maintenir la reconnaissance conjointe, car elle assurera l'égalité de la filiation à l'égard des deux mères. Les parlementaires ont été écoutés, ce qui a conduit à un dispositif de filiation qui me semble simple, sûr et équilibré. Je ne peux donc qu'être favorable à l'amendement.

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Peut-on poser des questions sur l'amendement ? Si ce n'était pas possible, nous demanderions une suspension de séance pour discuter de notre méthode de travail, car cela pose un problème de fond. Si on présente soixante-seize sous-amendements à la suite, tout le monde sera perdu.

(La réunion, suspendue à vingt-deux heures trente, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)

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L'amendement n° 912 vise à revenir au texte adopté en première lecture, qui était le fruit d'un compromis satisfaisant, et qui apportait des améliorations sensibles au projet de loi initial.

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L'amendement n° 1143 a été déposé avant celui de la rapporteure. Il nous paraît opportun de débattre de ce dernier, en nous réservant la possibilité d'amender le texte en séance. Je retire l'amendement.

L'amendement n° 1143 est retiré.

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Madame la rapporteure, vous avez rappelé que tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans leurs rapports avec leurs parents. Il me semble que cette mention est inutile, dans la mesure où, depuis la loi du 3 janvier 1972, les dispositions que le code civil consacre à la filiation permettent d'assurer une parfaite égalité des filiations. Pourquoi inscrire à nouveau ce principe ? Vous savez que le bavardage de la loi n'est jamais souhaitable.

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L'amendement de la rapporteure constitue une avancée, même s'il ne conduira toujours pas à l'application du droit commun aux couples de femmes et aux femmes non mariées, que nous avions demandée en première lecture. Pourtant, les dispositions légales en vigueur le permettraient, qu'il s'agisse du don avec tiers donneur, de la PMA, de la double filiation sans lien biologique, ou encore de la mention « mère et mère », introduite par la loi sur le mariage pour tous ouvrant l'adoption aux couples homosexuels.

Le sous-amendement n° 1668 vise à étendre la filiation de droit commun aux nouveaux publics – couples de femmes ou femmes non mariées – ayant recours à une AMP avec tiers donneur. Il permet d'assurer la conservation absolue des droits des couples composés d'un homme et d'une femme ayant déjà accès à l'AMP avec tiers donneur. Il maintient également l'application des règles de contentieux de la filiation pour tous les parents, qu'ils soient célibataires ou qu'ils appartiennent à un couple hétérosexuel ou homosexuel.

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Madame la rapporteure, votre amendement, qui réécrit totalement l'article 4, ne nous permet pas de discuter des propositions du Sénat, dont certaines étaient très intéressantes. Comme en première lecture, nous traitons de la filiation en examinant un amendement de dernière minute, sans connaître l'avis du Conseil d'État. Or, ce n'est pas un sujet anodin : il s'agit d'offrir un cadre protecteur aux enfants. La rédaction du Sénat aurait mérité, à mon avis, plus d'égards. On aurait pu passer en revue les mesures qu'il avait proposées et, éventuellement, les amender. Par ailleurs, l'ajout d'un dispositif de reconnaissance conjointe rétroactive des PMA réalisées à l'étranger est très inquiétant. On pourrait craindre que ce soit un cheval de Troie nous menant à la GPA.

L'alinéa 7 de votre amendement tend à abroger les articles 310 et 358 du code civil. Le premier pose le principe de l'égalité des droits entre les enfants. On peut donc se demander si cela ne conduira pas à des filiations moins protectrices que d'autres. Le droit de la filiation ne sera-t-il pas le même pour tous ? Son but n'est-il pas de protéger l'enfant en tenant compte de son intérêt supérieur ? Je vous propose de ne pas abroger ces articles du code civil, afin de ne pas bouleverser le droit de la filiation.

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La proposition qui nous est faite est nettement préférable à celle du Sénat, qui reposait, s'agissant des couples lesbiens, sur l'adoption intrafamiliale pour la conjointe, et à celle que nous avions adoptée en première lecture, car elle se rapproche du régime de droit commun qui s'applique aux couples hétérosexuels recourant à l'AMP.

Vous restez néanmoins dans un entre-deux. Nous avions évoqué en première lecture une égalité, en matière d'établissement de la filiation, entre les deux femmes d'un couple lesbien et entre les couples hétérosexuels et les couples lesbiens recourant à l'AMP.

Mon sous-amendement n° 1690 vise à étendre le régime de droit commun à ces derniers couples. La femme ayant accouché établira la filiation, en ce qui la concerne, par l'accouchement. Sa conjointe, en cas de mariage, bénéficiera d'une présomption de comaternité, comme il existe une présomption de paternité pour le mari au sein d'un couple hétérosexuel. Si les deux femmes ne sont pas mariées, la conjointe pourra établir la filiation en apportant la preuve du consentement au don réalisé devant un notaire.

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L'introduction de la reconnaissance conjointe pose un problème. La reconnaissance a pour effet d'établir la filiation du déclarant à l'égard de l'enfant naturel. Ce que vous proposez aura des effets juridiques différents. La reconnaissance peut actuellement être contestée, mais la reconnaissance conjointe ne pourra pas l'être. On ne peut pas utiliser un mécanisme qui existe déjà en droit pour désigner autre chose, selon un régime juridique différent. C'est important pour la lisibilité et la compréhension de la loi.

Celle-ci sera complètement illisible si la reconnaissance conjointe anticipée, faite par les deux femmes, a pour effet d'établir la filiation à l'égard de la seconde femme et non de la première. Elles accompliront le même acte juridique, mais il n'aura pas les mêmes conséquences. Il est bon de lier la maternité de la première femme à l'accouchement, comme le prévoit le droit commun – il s'agira de la mère désignée dans l'acte de naissance –, mais je pense qu'il faut assumer la différence en ce qui concerne la seconde femme.

Il faut une procédure spécifique, car le droit commun ne suffit pas. Puisque l'utilisation du terme de reconnaissance rendrait le droit de la filiation illisible, je vous propose, par mon sous-amendement n° 1754, la solution de la filiation adoptive.

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Nous abordons le cœur de l'article 4, à savoir l'établissement du mode de filiation pour les deux femmes.

Je voudrais d'abord remercier Mme la rapporteure. J'avais beaucoup insisté en première lecture sur la spécificité de la mère qui accouche, sur la dimension charnelle de la filiation, et je vous remercie d'avoir ouvert la porte à ces considérations.

J'avais souhaité en corollaire, pour la deuxième femme, que l'on trouve dans les dispositions légales existantes de quoi reconnaître la filiation par la voie adoptive, de sorte qu'on ne modifie pas le droit de la filiation. Sous cet angle, je conteste la solution que vous proposez.

Il me semble par ailleurs, comme vient de le souligner Mme Ménard, que l'expression « reconnaissance conjointe » n'est pas adaptée. La reconnaissance est fondée, sinon sur la vérité biologique – c'est le cas pour la mère qui accouche –, du moins sur la vraisemblance de la réalité décrite, en ce qui concerne le père. Je crois qu'il faudrait parler de « déclaration conjointe » et non de « reconnaissance conjointe » si votre amendement devait être adopté. C'est l'objet de mon sous-amendement n° 1717.

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Le sous-amendement n° 1670 vise à simplifier et à sécuriser la filiation pour les couples de femmes ayant eu recours à la PMA avant l'entrée en application du texte que nous examinons. Elles pourront signer ensemble devant un notaire un consentement a posteriori au don, sous réserve de la production de preuves révélant le lien de filiation entre l'enfant et sa deuxième mère.

La liste des preuves demandées sera fixée par décret, mais on peut imaginer qu'elles se rapprochent de celles déjà demandées pour la possession d'état – notamment que la deuxième mère traite l'enfant comme le sien, qu'elle pourvoie à son éducation ou à son entretien, que son entourage la considère comme la mère.

Cette mesure permettra de sécuriser la filiation des enfants qui n'ont pas pu être adoptés par leur seconde mère et dont les familles n'ont actuellement aucun moyen de faire reconnaître la filiation – je pense en particulier aux couples non mariés.

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Je vais donner la parole à la rapporteure pour ce premier ensemble de sous-amendements.

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Mon amendement tend à créer, au sein du code civil, l'article 6-2 suivant. « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions particulières du chapitre II du titre VIII du livre Ier. La filiation fait entrer l'enfant dans la famille de chacun de ses parents. ». Il s'agit de remplacer les articles 310 et 358 actuels. On introduirait ces dispositions plus haut dans le code, d'une manière principielle. Par ailleurs, la rédaction proposée n'est pas une innovation par rapport à la première lecture.

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Vous supprimez ces dispositions pour les introduire ailleurs ?

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Oui, je trouve qu'il est beaucoup plus intéressant que cela figure au début de code, afin de poser les choses très clairement, pour l'ensemble des enfants.

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Je retire donc mon sous-amendement n° 1715.

Le sous-amendement n° 1715 est retiré.

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Si j'avais proposé de rétablir strictement ce que nous avons adopté en première lecture, monsieur Bazin, nous n'aurions pas davantage discuté des mesures prévues par le Sénat…

Nous avons parlé de l'adoption en première lecture. Je ne pense pas que cela reflète la réalité. Dans le cas de l'adoption, il y a eu une première filiation, avec la mère qui a accouché, mais elle a choisi de s'en détacher et une autre filiation se construit ensuite. En l'espèce, il ne s'agira pas d'une deuxième filiation, mais de la première. Celles qui vont être liées à l'enfant ont causé sa venue au monde. C'est pour cela que nous souhaitons que ces dispositions figurent dans le titre VII.

Le Sénat a adopté des mesures très intéressantes visant à simplifier la procédure d'adoption. J'ai choisi de ne pas les conserver, dans mon amendement, parce que Mme Limon a déposé une proposition de loi, disponible en ligne – ou elle le sera très prochainement – qui prévoit exactement les mêmes dispositions. Nous pourrons en discuter dans le cadre d'un texte consacré à l'adoption. Ce serait un peu hors du champ de la bioéthique : nous avons dit que nous n'irions pas, dans le cadre du présent projet de loi, au-delà des conséquences de la filiation pour les couples de femmes auxquelles nous ouvrons la PMA.

Nous ne retiendrons pas la solution de l'adoption, simple ou plénière, car cela ne correspond pas à la réalité de la venue au monde de l'enfant, je l'ai dit. Par ailleurs, nous avons choisi en première lecture de supprimer la référence aux conditions garantissant le secret qui figure à l'article 311-20 du code civil pour les PMA avec tiers donneur concernant les couples hétérosexuels. Pourquoi ferait-on du « maquillage » pour les couples de femmes qui auraient recours à une PMA avec tiers donneur ?

Quant à la reconnaissance, elle ne peut pas être contestée non plus dans le cas d'un couple hétérosexuel ayant recours à la PMA. La filiation, entre l'enfant issu d'une PMA avec tiers donneur et le père, ne pourra pas être brisée dès lors qu'il y a un consentement au don, à moins de démontrer que l'enfant n'est pas issu d'une PMA… C'est même la filiation paternelle la plus solide du code civil. Les conditions d'établissement et de contestation de la filiation seront exactement les mêmes. Je ne vois donc pas d'anomalie.

Je vous remercie, monsieur Chiche, d'avoir salué les avancées réalisées avec la garde des sceaux. Nous avons fait l'effort de prendre en considération l'ensemble des remarques concernant la référence à l'accouchement, le rapprochement avec le droit commun et l'égalité entre les couples. Nous sommes allés le plus loin possible dans le cadre d'un texte relatif à la bioéthique. Si on voulait aller au-delà – je réponds ainsi à Mme Battistel –, il faudrait entamer une grande réforme de la filiation, alors que nous souhaitons simplement tirer les conséquences d'une AMP avec tiers donneur. La solution qui vous est proposée est celle qui prend le plus en compte les préoccupations de tous.

S'agissant de la reconnaissance conjointe rétroactive, vous souhaitez simplement que l'on passe devant un notaire. Mon amendement prévoit aussi une inscription en marge de l'acte de naissance de l'enfant sur instruction du procureur de la République. Il y aura ainsi des garanties beaucoup plus solides pour l'enfant.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

L'article 6-2 du code civil posera clairement le principe de l'égalité entre les enfants, dans un seul article, principiel, ce qui permettra la suppression d'autres dispositions établissant la même égalité.

Comme l'a également dit la rapporteure, il nous semble difficile, dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique, d'appliquer aux enfants nés à la suite d'une PMA le droit conçu pour la filiation charnelle dans le cas des couples hétérosexuels. Cela créerait une insécurité juridique pour les enfants.

Les termes de « reconnaissance » et de « reconnaissance conjointe » ne produisent pas tout à fait les mêmes effets : la reconnaissance peut être contestée au motif qu'elle ne correspondrait pas à la vérité biologique ; la reconnaissance conjointe est fondée sur le projet parental.

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Je remercie Mme la rapporteure et Mme la garde des sceaux pour leurs réponses. J'aimerais poser trois questions très précises et très importantes qui concernent l'établissement de la filiation. Votre amendement prévoit-il une stricte égalité dans ce domaine, que les femmes accouchant à la suite d'une AMP avec tiers donneur soient en couple avec un homme ou avec une femme ? Y aura-t-il une différence à l'intérieur d'un couple, et laquelle le cas échéant, entre la femme qui accouche et celle qui n'accouche pas ? Enfin, la législation en vigueur sera-t-elle modifiée, toujours en ce qui concerne l'établissement de la filiation, pour les couples composés d'un homme et d'une femme qui ont recours à l'AMP avec tiers donneur et, si oui, quelle serait la modification apportée ?

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Je confirme les propos de Mme la rapporteure au sujet de la proposition de loi relative à l'adoption, qui sera en ligne le 6 juillet prochain. La première partie de ce texte vise à faciliter et à sécuriser l'adoption dans l'intérêt supérieur de l'enfant. L'article 1er tend à valoriser l'adoption simple et l'article 2 a pour objet de déconnecter l'adoption du statut matrimonial.

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Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux. Lors de nos débats en première lecture, vous avez déclaré en commission et en séance publique que ce n'est pas l'accouchement qui fait la filiation, revenant ainsi sur le principe pluriséculaire, voire plurimillénaire, selon lequel mater semper certa est. Compte tenu des modifications proposées par Mme la rapporteure, êtes-vous toujours dans cette optique ?

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Y aura-t-il une égalité entre les femmes gestatrices, quelle que soit leur orientation sexuelle ? Oui, c'est précisément l'un des objectifs. Pour une femme ayant porté la grossesse à la suite d'une PMA avec tiers donneur, qu'elle soit en couple hétérosexuel ou homosexuel ou qu'elle soit seule, hétérosexuelle ou homosexuelle, c'est par la mention de son nom dans l'acte de naissance que la filiation va s'établir. Il y aura une référence à l'article 311‑25 du code civil.

Existera-t-il une égalité au sein d'un couple de femmes ? Il y a une différence de situation : l'une porte l'enfant, l'autre non. L'établissement de la filiation traduira cette différence de situation, mais il n'y aura pas de différence de traitement entre les deux femmes dans la mesure où chacune pourra établir la filiation d'une façon certaine et sécurisée dès le projet parental par la reconnaissance conjointe, qui prendra effet, après l'accouchement, devant l'officier d'état civil. Cela sécurisera la situation pour l'enfant dans l'hypothèse où une des deux femmes ne remplirait son devoir, de la même façon que pour un homme qui, dans le cadre d'une PMA hétérosexuelle, aurait fait établir sa filiation a posteriori.

Y aura-t-il un changement pour les couples hétérosexuels ayant effectué une PMA avec tiers donneur ? Non. La reconnaissance conjointe anticipée ne sera pas appliquée car l'homme bénéficie déjà d'une base pour la reconnaissance de sa paternité. Si celle-ci était contestée, on passerait alors par le consentement au don – dans le cas d'une PMA avec don de gamètes masculins. S'agissant d'un couple de femmes, c'est la reconnaissance conjointe qui sera utilisée.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Je ferai les mêmes réponses que Mme la rapporteure. Quelle que soit leur orientation sexuelle, il existera une égalité entre les femmes qui accouchent. Il y aura une différence entre la femme qui accouche et celle qui n'accouche pas : la reconnaissance établit la filiation pour la deuxième mère. Enfin, les couples hétérosexuels conserveront leurs droits.

L'accouchement est une condition de l'établissement de la filiation – je n'ai jamais pu dire autre chose, monsieur Hetzel. La nouvelle rédaction qui vous est proposée le dit expressément, mais c'était déjà prévu implicitement. Ce qui est important est que les deux femmes deviennent mères à égalité et au même moment, l'une par l'accouchement et l'autre par la reconnaissance conjointe.

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Nous en venons à un deuxième ensemble de sous-amendements.

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Le sous-amendement n° 1669 tend à compléter la reconnaissance conjointe anticipée (RCA) proposée par la rapporteure, qui se limite à la PMA avec tiers donneur. Dans le cas d'un couple constitué d'une femme et d'une femme trans, il n'y a pas de donneur : ce sont les gamètes du couple qui sont utilisés. Nous proposons d'étendre la RCA aux couples de femmes n'ayant pas recours au don. Si ce n'était pas le cas, il y aurait une aberration : un couple qui utilise ses propres gamètes, sans avoir recours à un tiers donneur, serait obligé d'adopter son enfant.

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Le sous-amendement n° 1720 tend à supprimer l'alinéa 17.

J'en profite pour relever qu'il y a une différence à l'intérieur d'un couple de femmes, s'agissant de l'établissement de la filiation, entre celle qui accouche et celle qui n'accouche pas. J'entends que la sécurisation sera la même, mais il y a bien une différence. Je ne vais pas m'en plaindre mais j'imagine que cela devrait faire réagir ceux qui s'inscrivent dans une logique militante.

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Contrairement à ce qui a été dit, la rédaction proposée par Mme la rapporteure contient des bombes juridiques à retardement.

La Cour européenne des droits de l'homme a rendu, il y a quinze jours, un arrêt selon lequel la prescription qui ferme l'action en recherche de paternité est contraire à la vie privée de la personne qui tente d'établir l'identité de son père biologique – cela constitue, selon la Cour, un intérêt vital protégé. D'où mon sous-amendement n° 1726. On notera que la CEDH parle de biological father, c'est-à-dire de père biologique, et non de géniteur.

Cet arrêt est susceptible de permettre une action en responsabilité. Vous allez répondre que l'alinéa 18 l'exclut, à l'encontre du donneur, mais ce que vous voulez inscrire dans notre droit positif est en contradiction avec l'arrêt de la CEDH. Comment analysez-vous cet arrêt et son incidence potentielle sur notre droit ?

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Mon sous-amendement n° 1746 vise à supprimer l'alinéa 17.

Je ne comprends pas pourquoi vous ne conservez pas l'interdiction explicite des deux filiations paternelles à l'égard d'un même enfant posée par le Sénat dans l'article 310-1-1 qu'il a introduit dans le code civil.

Par ailleurs, je m'interroge sur la filiation au sein d'un couple de femmes. Pour celle qui accouche, il était nécessaire de maintenir le principe actuel de filiation par procréation charnelle qui fonctionne efficacement. Mais pour la deuxième femme, pourquoi être revenu sur la solution du Sénat consistant à prévoir un consentement à l'adoption ? Celle-ci décide de devenir mère en même temps que la femme qui accouche, ce qui est une forme de filiation élective. Or la filiation élective, c'est l'adoption, qui existe déjà dans notre droit.

Enfin, il me semble que vous n'avez pas pris en compte tous les effets de la suppression de la section III du chapitre Ier du titre VII du livre Ier pour les couples hétérosexuels. Prenons le cas d'un homme marié dont la femme aurait reçu des ovocytes dans le cadre d'une PMA. Aujourd'hui, sa filiation est établie par présomption de paternité. Mais avec votre nouvelle rédaction de l'article 311-20, devenu article 342-10, qu'en sera-t-il ? Le mot « paternité » figure dans la rédaction actuelle de l'article 311-20 mais il est totalement absent de l'article 342-10.

Il faudra éclaircir tous ces points d'ici à la séance.

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Le sous-amendement n° 1749 vise à assouplir un principe d'interdiction de reconnaissance de filiation entre le donneur et l'enfant majeur en introduisant la notion d'accord explicite et préalable au don du donneur et de la volonté de l'enfant majeur issu de ce don.

Le sous-amendement n° 1750 apporte une nuance à un principe d'interdiction d'une reconnaissance de filiation qui pourrait être préjudiciable à l'enfant.

Le n° 1751 vise à supprimer l'alinéa 18. Vouloir protéger le donneur est une chose, toutefois il serait regrettable que cela se fasse au détriment de l'intérêt de l'enfant puisque cet alinéa le prive d'une possibilité d'action en recherche de paternité à l'égard son géniteur.

Madame la rapporteure, vous dites que pour un couple de femmes, la filiation est établie à l'égard des deux femmes par la reconnaissance conjointe mais vous dites aussi que la filiation pour celle qui a accouché découle de l'accouchement – vous avez même ajouté, madame la ministre, « sans accouchement, il ne peut évidemment pas y avoir de filiation ». À quoi sert donc la reconnaissance conjointe pour la femme qui a accouché ? Pourquoi cette même reconnaissance conjointe a-t-elle une portée différente pour chacune des deux femmes ? Dès lors qu'il y a une différence, en quoi prévoir l'adoption poserait-il un problème ? Cette solution préserve les droits de l'enfant tout en évitant d'obstruer toute possibilité d'exercer son droit de rechercher sa filiation paternelle.

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La reconnaissance conjointe a un double effet. Le premier est d'apporter une sécurité pour les deux mères : elle permet, comme pour le consentement au don et les PMA dans un couple hétéroparental, l'engagement des responsabilités de chacune à l'égard de l'autre. Le deuxième est d'apporter des garanties à la mère non gestatrice car, dans l'état actuel du droit, elle ne dispose d'aucune base légale pour faire établir sa filiation. Au moment de la naissance de l'enfant, elle pourra désormais se tourner vers l'officier d'état-civil pour se faire reconnaître en tant que mère.

Quant aux sous-amendements visant à supprimer tout ou partie de l'article 311-19, devenu 342-9 j'y serai défavorable. Cela renvoie à la discussion sur l'éthique à la française que nous avons eue : il ne saurait y avoir de confusion entre parenté génétique et parentalité. C'est l'un des grands apports des lois de 1994 que d'avoir posé cette différence entre le géniteur et le père.

Monsieur Bazin, le fait que les gamètes soient mâles ou femelles n'a pas d'incidence. La rédaction de l'article 342-9 est parfaitement claire : « En cas d'assistance médicale à la procréation nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation. ». L'auteur du don peut être une femme ou un homme. Cela ne change donc rien en termes de sécurisation ou de contestation. Quant à la nature élective de la filiation, elle vaut également au père : la reconnaissance de l'enfant à l'état-civil suppose une démarche volontaire. Le mariage est une forme de reconnaissance anticipée.

Madame Fontaine-Domeizel, je ne sais si le sous-amendement que vous avez défendu est une réaction aux modifications introduites à l'article 1er en deuxième lecture. La transparentalité pose certes des questions en matière de filiation mais la rédaction de votre sous-amendement reviendrait à prévoir des AMP sans tiers donneur alors que l'objet de l'article 4 tel que nous voulons le rétablir vise l'AMP avec tiers donneur.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Dans de très nombreux pays du Conseil de l'Europe, la PMA dans les couples de même sexe est instituée, parfois depuis longtemps. Il me semble que jamais la CEDH n'a remis en cause cet état de fait. Je relirai avec beaucoup d'attention l'arrêt que vous évoquez, monsieur Hetzel, mais je ne crois pas que l'on puisse y voir un quelconque frein à ces dispositifs. Je me souviens qu'en première lecture, vous aviez fait référence à un arrêt de la Cour de cassation en matière de responsabilité civile et qu'il n'avait pas la portée que vous aviez bien voulu lui donner.

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J'évoquerai un autre arrêt de la CEDH, l'arrêt Mandet contre France du 14 janvier 2016, qui a très clairement rappelé que la primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant conduisait nécessairement à ce que sa filiation soit établie par rapport à la vérité biologique. J'aimerais avoir votre avis sur ce point, madame la garde des sceaux.

Nous avons fait un pas très important, et je vous en remercie, madame la garde des sceaux : vous avez rappelé qu'il était évident que l'accouchement déclenchait la filiation, chose qui n'avait pas la même force d'évidence lors la première lecture. Au fond, ce que vous voulez, c'est que la filiation ait la même solidité pour les deux membres d'un couple de femmes. Pour celle qui accouche, la cause est entendue. Pour la deuxième, la filiation adoptive aurait la même valeur ; la seule différence, c'est qu'elle ne serait pas établie « en même temps » – et j'entends bien que cela vous chatouille. Vaut-il la peine pour une simple question de chronologie de bousculer tout le droit de la filiation en introduisant la reconnaissance conjointe qui n'est pas fondée sur la vérité biologique ?

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Madame Genevard, nous ne bousculons en rien le droit de la filiation puisque celle-ci peut être établie en dehors de la vérité biologique depuis 1994 dans le cas des PMA avec tiers donneur pour les couples hétérosexuels.

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Aujourd'hui, il s'agit d'étendre le mécanisme prévu pour ces couples en introduisant, pour apporter une sécurité juridique aux couples de femmes, la notion de reconnaissance conjointe puisque le titre VII du code civil ne prévoit pas de comaternité.

Quant à l'arrêt de la CEDH Boljević c. Serbie, il ne concerne nullement une AMP avec tiers donneur mais deux messieurs présumés avoir procréé avec madame.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Dans une PMA avec tiers donneur au sein d'un couple de femmes homosexuelles, on ne peut en aucun cas faire référence à la vérité biologique. Il est très important dans ce cas de ne pas faire semblant et d'établir la filiation selon un mode spécifique. Nous avons choisi des procédures simples, sécurisantes, et les plus proches du droit commun. L'adoption allongerait les délais et nécessiterait l'intervention d'un juge alors que la reconnaissance conjointe répond parfaitement aux objectifs recherchés. Elle vient sceller le projet parental qui ne saurait reposer sur la vraisemblance biologique puisqu'elle n'existe pas. Ajoutons que lorsque deux femmes procèdent à une reconnaissance conjointe anticipée devant le notaire, elles ne savent pas forcément laquelle des deux portera l'enfant à naître.

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Le sous-amendement n° 1733 me donne l'occasion de me lancer dans une autre histoire, madame la rapporteure, la recherche de l'homme. Ce projet de loi modifie le code civil, qui structure la société. Ce n'est pas rien. Rien ne devait être modifié pour les couples hétérosexuels mais ce n'est pas ce que nous constatons. Dans l'actuel article 311-20, l'homme est cité : « la paternité est judiciairement déclarée ». Dans le 342-10, que vous lui substituez, il n'y a ni homme ni paternité. Dans le 342-11, nous avons les « couples de femmes », « l'autre femme », « l'une des deux femmes » ; dans le 342-12, « les femmes ». Dans le 342-13, je crois avoir trouvé l'ombre d'une présence masculine : « celui » ! Toute référence au père a disparu. Le parallélisme des formes voudrait que lorsqu'il est fait mention de la femme d'un côté, il soit fait mention de l'homme de l'autre, pour un couple hétérosexuel, bien sûr.

Aujourd'hui, la loi prévoit le recueil devant notaire du consentement du couple hétérosexuel en cas de PMA avec tiers donneur. Me confirmez-vous que demain, ces papas devront aussi faire une reconnaissance conjointe ? Le texte n'est pas très clair.

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L'article 4 remet en cause tout le droit de la filiation. Mon sous-amendement n° 1694 propose la rédaction suivante pour le dix-neuvième alinéa : « Art. 342‑10. – Les époux ou les concubins qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur, doivent préalablement donner, dans des conditions garantissant le secret, leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation. Il les informe également des dispositions du chapitre III du titre IV du livre Ier. » Nous entendons prendre en compte la levée de l'anonymat prévu à l'article 3.

La nouvelle procédure de reconnaissance conjointe pour les couples de femmes ayant recours à une AMP à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi ouvre le problème de la rétroactivité de la loi en matière de filiation.

Par ailleurs, comme Annie Genevard, j'estime qu'il faudrait parler de « déclaration conjointe » plutôt que de « reconnaissance conjointe ».

Enfin, je suis de ceux qui pensent que rien ne remplace un père, ni X, ni Y, ni Z. Par conséquent, l'adoption est préférable. Vous disiez qu'elle était hors du champ de la bioéthique mais c'est la PMA qui l'est. Elle ne correspond à aucune avancée scientifique, elle n'est ni éthique, ni bio, elle est politique et rien d'autre !

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Avec ce sous-amendement n° 1734, je reprends là où je m'étais arrêté en défendant le précédent. Avec l'article 342-13, vous évoquez le cas de la femme qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise à l'officier de l'état civil de la reconnaissance conjointe, dans le cas d'un couple hétérosexuel. J'aimerais comprendre : cette reconnaissance conjointe vient-elle s'ajouter au recueil du consentement ? Si oui, cela signifie que l'établissement de la filiation pour les couples hétérosexuels va être modifié.

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Mon sous-amendement n° 1721 prévoit que le consentement à un acte de filiation a lieu devant un juge et non pas un notaire.

Je voudrais remercier la rapporteure d'avoir établi une distinction au sein d'un couple de femmes entre celle qui accouche et celle qui n'accouche pas. Autrement dit, pour l'une, la filiation passera par le corps, pour l'autre, par un autre mode.

Je vous demandais s'il y avait une stricte égalité, dans le cadre d'une PMA avec tiers donneur, entre une femme en couple avec un homme et une femme en couple avec une femme ? Vous m'avez répondu que oui. Mais je m'interroge toujours. Je lis en effet à l'article 342-11 dans la rédaction que vous proposez : « Lors du recueil du consentement prévu à l'article 342-10, le couple de femmes reconnaît conjointement l'enfant. », preuve qu'il y a bien une différence dans la manière dont la filiation est établie entre couples homme-femme et couples de femmes. Pour ma part, cela me semble logique mais j'imagine que cela pourrait faire réagir les tenants d'une égalité absolue.

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Mon sous-amendement n° 1727 est identique.

En fait, en France, certains enfants sont privés de droits en raison de leur mode de conception. Depuis que les différences entre enfants nés hors mariage et dans le mariage ont été abolies, l'action en recherche de paternité ou de maternité est ouverte à tous, à la seule condition que la prescription soit respectée. Ils ont le droit de rechercher juridiquement leur filiation biologique s'ils le souhaitent, en particulier pour faire établir un lien de filiation avec leur géniteur – c'est l'article 327 du code civil.

Or, les enfants issus d'une PMA avec tiers donneur sont privés de ce droit. Vous précisez à l'alinéa 18 de votre amendement, dans l'article 342-9, qu'« aucun lien de filiation ne peut être établi entre l'auteur du don et l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation ». Ils sont donc très clairement victimes d'une discrimination fondée sur le mode de conception. Autrement dit, alors que vous prétendez à travers ce projet de loi lutter contre les discriminations, vous en introduisez de nouvelles à l'égard d'enfants par définition incapables de défendre leurs droits.

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Il n'est pas vrai que ces nouvelles dispositions ne changent rien au droit de la filiation. Tout votre système est fondé sur le principe que le géniteur n'est pas un père. La prochaine fois qu'un homme fera l'objet d'une action en recherche de paternité, il pourra dire qu'il n'est que le géniteur. Ce n'est pas un fantasme : la Cour de cassation a été déjà été saisie à plusieurs reprises de questions prioritaires de constitutionnalité dans lesquelles des hommes se plaignaient d'une paternité imposée au prétexte qu'ils n'étaient que des géniteurs. Voilà une fois de plus l'enfant laissé pour compte, conséquence logique d'une filiation conçue comme une affaire de volonté entre adultes. C'est une régression majeure.

Quant à mon sous-amendement n° 1755, il vise à faire intervenir le juge dans le recueil du consentement. Ses pouvoirs sont différents de ceux du notaire. Il peut procéder à des investigations, qui peuvent être nécessaires.

Le sous-amendement n° 1752 précise que l'enfant pourra, s'il le souhaite, accéder aux données non identifiantes et à l'identité de ce tiers donneur dès ses seize ans et non plus à sa majorité. Il est en effet dans son intérêt de le faire le plus tôt possible. L'adolescent peut disposer d'une carte Vitale à cet âge et donc avoir accès à son dossier médical partagé. Mieux vaut lui donner officiellement une information qu'il pourrait sinon découvrir par hasard.

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Le sous-amendement n° 1673 vise à compléter l'alinéa 19 par les deux phrases suivantes : « Ce consentement a une durée de validité de trois ans. Chaque année, pendant la durée de validité, les deux membres du couple doivent confirmer au juge, avec copie au médecin traitant de l'équipe clinicobiologique pluridisciplinaire du centre d'assistance médicale à la procréation, qu'ils maintiennent leur volonté de devenir les parents de l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation. »

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En matière d'adoption, le titulaire d'un agrément doit confirmer tous les ans qu'il maintient son projet d'adoption. Il paraît opportun, par respect du parallélisme des formes, de prévoir la même disposition pour les couples ayant signé un consentement.

Dès lors que le Gouvernement a entendu instituer un mode de filiation fondé sur la seule volonté concordante des membres d'un couple d'avoir un enfant, le fait qu'elle soit potentiellement fluctuante fait naître des inquiétudes.

Un couple n'est en outre pas non plus à l'abri d'une désunion, d'autant que ces parcours d'AMP, dont la réussite est au demeurant limitée, sont réputés éprouvants pour les couples.

Prenons un couple non marié qui, ayant signé un consentement devant notaire, se séparerait au cours de la procédure d'AMP – laquelle risque, d'ailleurs, d'être d'autant plus longue que les délais d'attente de spermatozoïdes le seront. Comment le médecin traitant et le notaire auront-ils connaissance de cette séparation qui remet en cause la commune volonté ?

Cette séparation aura pourtant des conséquences graves, notamment sur le lien de filiation de l'éventuel enfant à naître : il sera possiblement l'enfant des deux femmes ou celui d'une seule, si celle-ci a continué son parcours d'AMP en dépit de leur séparation.

C'est pourquoi il nous paraît nécessaire de donner à ce consentement, comme dans le cadre de l'adoption, une durée de validité, et de prévoir que cette volonté devra être confirmée chaque année afin que l'on soit sûr d'accorder un maximum de garanties et de préserver l'intérêt supérieur de l'enfant. Tel est l'objet du sous-amendement n° 1682.

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Le sous-amendement n° 1674 vise à compléter l'alinéa 19 par la phrase suivante : « Le juge envoie copie de ce consentement à l'Agence de la biomédecine. »

Cela permettrait aux personnes conçues par don de gamètes et d'embryons de disposer, à leur majorité, d'un document officiel au sujet de leur conception avec donneur en prévoyant qu'une copie de tous les consentements au don soit archivée par l'Agence de la biomédecine.

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Le sous-amendement n° 1683 est défendu.

Nous nous interrogeons sérieusement au sujet de la chronologie. Vous avez très clairement indiqué, madame la ministre, que l'accouchement constituera, pour la gestatrice, l'élément attestant de sa filiation vis-à-vis de l'enfant.

Notre collègue Annie Genevard vous a interrogée sur le point de savoir si dans ce cas, en vue de sécuriser, au sein d'un couple de femmes, la filiation de celle qui n'accouche pas, il ne faudrait pas procéder par filiation adoptive, solution qui ne produirait en outre pas le bouleversement que vous envisagez. On pourrait ainsi sécuriser les choses sans bouleverser toute la structure de notre code civil.

Pourquoi avez-vous juridiquement opté pour une autre solution ?

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Le sous-amendement n° 1706 tend à ce que le notaire envoie une copie du consentement à l'Agence de la biomédecine – qui l'archiverait – afin de permettre aux personnes conçues par don de gamètes et d'embryons de disposer à leur majorité d'un document officiel relatif à leur conception avec donneur.

Si je vous remercie, madame la rapporteure, de reconnaître la filiation par l'accouchement de l'une des deux femmes, je m'interroge sur l'utilité pour celle-ci de la reconnaissance conjointe car dans ce cas, il y a reconnaissance tout court, ce qui implique la filiation adoptive.

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Le sous-amendement n° 1736 est défendu.

Le sous-amendement n° 1735 propose de fixer une durée de validité du consentement en prévoyant également que : « Chaque année, pendant la durée de validité, les deux membres du couple doivent confirmer au notaire, avec copie au médecin traitant de l'équipe clinicobiologique pluridisciplinaire du centre d'assistance médicale à la procréation, qu'ils maintiennent leur volonté de devenir les parents de l'enfant issu de l'assistance médicale à la procréation. »

Une telle confirmation annuelle de cette volonté s'impose parce qu'un couple n'est jamais à l'abri d'une séparation.

Le sous-amendement n° 1737 vise à supprimer l'alinéa 20 qui abandonne l'enfant à un statut fragile en lui interdisant les actions en recherche de paternité même quand il n'a qu'un seul parent.

Si nous avons été très nombreux cet après-midi à vouloir permettre aux enfants issus d'une PMA avec tiers donneur d'accéder à leurs origines, j'ai l'impression que nous faisons le chemin inverse quand il n'y a qu'un seul parent. La disposition visée ne leur serait-elle pas dommageable ?

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L'alinéa 20 institue une différence de traitement entre les enfants nés d'une PMA et les autres : les premiers ne pourraient pas contester leur filiation, contrairement aux seconds. Créer une nouvelle inégalité ne reflétant certainement pas votre volonté, il convient donc de le supprimer, comme je le propose par le sous-amendement n° 1758.

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L'alinéa 20 prévoit que le consentement donné à une AMP interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation. Or ce n'est pas le consentement qui établit la filiation, mais la mention de la mère dans l'acte d'état civil, la reconnaissance ou la reconnaissance conjointe.

Le sous-amendement n° 1675 tend, ce qui serait juridiquement beaucoup plus solide, à rédiger ainsi le début de l'alinéa 20 : « L'établissement du lien de filiation à l'égard de l'enfant issu d'une aide médicale à la procréation dans les conditions du présent chapitre interdit toute action […]. »

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Lorsque le Sénat a réécrit l'article 4 au travers d'un amendement, il poursuivait deux objectifs : insérer un nouvel article au sein du titre VII du livre Ier du code civil visant à interdire explicitement l'établissement de deux filiations maternelles ou paternelles à l'égard d'un même enfant, et créer un titre VII bis regroupant les dispositions applicables à la filiation en cas de recours à l'AMP avec tiers donneur, qui ont représenté pour les couples hétérosexuels moins de 10 % du total des AMP pratiquées.

Le Sénat a ainsi tenté de trouver un équilibre par rapport à notre code civil. Pourquoi donc voulez-vous absolument revenir sur les modes de filiation, la filiation étant un instrument permettant de déterminer un certain nombre d'obligations légales qu'un adulte a vis-à-vis d'un enfant et que ce dernier aura plus tard vis-à-vis dudit adulte ?

L'établissement et la preuve de la filiation doivent donc se faire dans les conditions les plus claires, les plus objectives et les plus factuelles possibles. Je considère que votre amendement, Madame la rapporteure, constitue une régression par rapport à la clarté de la rédaction sénatoriale.

Le sous-amendement n° 1684 est défendu.

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Le sous-amendement identique n° 1702 précise que ce n'est pas le consentement qui établit la filiation mais, comme le précise l'article 325 du code civil, la mention de la mère dans l'acte d'état civil, la reconnaissance ou la reconnaissance conjointe.

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Le sous-amendement n° 1738 est également identique.

Madame la rapporteure, votre proposition fait s'établir la filiation de façon identique, simultanée et presque indivise au sein des couples de femmes.

En cas de conflit, la gestatrice pourra-t-elle encore, en l'absence de l'accord de sa partenaire, accoucher dans le secret, compte tenu de l'indivisibilité de la filiation et l'engagement pris de remettre la reconnaissance conjointe à l'officier d'état-civil ?

Ne faudrait-il pas revoir ces dispositions afin de mieux protéger la femme enceinte qui dispose aujourd'hui de droits, notamment celui, que vous évoquez sans cesse, d'interrompre sa grossesse, dont elle peut user en particulier au cours d'une AMP ?

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Le sous-amendement n° 1676 vise à compléter l'alinéa 20 par la phrase suivante : « L'objet de la preuve de l'action en contestation de paternité est alors bien la preuve que l'enfant n'est pas issu de l'assistance médicale à la procréation et non la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. »

Dans la section III du chapitre III du titre VII du livre Ier du code civil, l'article 322 alinéa 2 dispose que « La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. ». Or, dans une AMP avec donneur de sperme, l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père.

Cette preuve que le père légal n'est pas le père biologique ne suffirait pas à démontrer que l'enfant n'est pas issu de l'AMP : il faudrait encore prouver que l'enfant a été conçu charnellement avec un autre homme que le père légal, donc que le père biologique n'est pas le tiers donneur, dont l'identité n'est pas connue par les parents, mais l'amant de la mère.

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Ne disposant de la nouvelle rédaction de l'article 4 que depuis quelques heures seulement, nous sommes obligés d'utiliser les sous-amendements, tel celui que je défends sous le numéro 1685, afin qu'un débat minimal ait lieu sur les nombreuses questions qui se posent, dont la moindre n'est pas la sécurisation juridique de la filiation des enfants issus d'une PMA et dont une partie de la majorité semble se désintéresser.

Avec cette même rédaction, l'on se situe dans un monde d'adultes gouverné par leur volonté, sans qu'à aucun moment on se situe dans un autre au sein duquel l'intérêt supérieur de l'enfant serait respecté.

Nous cherchons à établir un parallèle avec l'adoption, car celle-ci permettrait de sécuriser les choses et d'écarter les logiques différant de celles retenues jusqu'ici dans le code civil. Pourquoi la seconde filiation ne retiendrait-elle pas celle de la filiation adoptive ?

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Le sous-amendement identique n° 1713 vise à compléter l'alinéa 20 par la phrase suivante : « L'objet de la preuve de l'action en contestation de paternité est alors bien la preuve que l'enfant n'est pas issu de l'assistance médicale à la procréation et non la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. »

À la section III du chapitre III du titre VII du livre Ier du code civil, l'article 322 alinéa 2 dispose que « La paternité peut être contestée en rapportant la preuve que le mari ou l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père. ». Or, dans une AMP avec donneur de sperme, l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père.

Cette preuve que le père légal n'est pas le père biologique ne suffirait pas à démontrer que l'enfant n'est pas issu de l'AMP : il faudrait encore prouver que l'enfant a été conçu charnellement avec un autre homme que le père légal, et donc apporter la preuve que le père biologique n'est pas le tiers donneur, dont l'identité n'est pas connue par les parents, mais un homme tiers ayant eu des relations avec la mère.

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Le sous-amendement n° 1691 vise , à la première phrase de l'alinéa 21, à supprimer les mots : « En cas de décès », c'est-à-dire à autoriser la poursuite du projet parental en cas de décès d'un des membres du couple.

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Monsieur Chiche, n'ayant pas adopté l'AMP du projet survivant à l'article 1er, nous ne pouvons pas en tirer de conséquences à l'article 4. Avis défavorable, donc.

Monsieur Bazin, l'un de vos sous-amendements nous a fait quitter le monde de la série pour celui de la science-fiction : même si vous n'êtes pas familier de ces sujets, le parcours d'une femme en AMP est si difficile – le nombre de piqûres, l'acte chirurgical de prélèvement, le taux d'échec élevé, etc. – que les cas d'avortement ou d'accouchement dans le secret relèvent de l'infinitésimal. S'ils devaient se produire, la loi supplétive et particulière protectrice des femmes s'appliquerait – nous l'avions vu en première lecture.

Le cas de l'amant est déjà réglé, et exactement de la même façon que pour les hétérosexuels, car l'alinéa 20 précise que « Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation à moins qu'il ne soit soutenu que l'enfant n'est pas issu de l'assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d'effet. »

On sous-entend que si l'enfant n'est pas issu de l'AMP, c'est qu'il est le fruit d'une procréation charnelle. Ce qui vaut pour une PMA menée au sein d'un couple d'hétérosexuels vaudra pour une PMA menée dans un couple lesbien. L'alinéa 20 ne fait donc que retranscrire une disposition du code civil remontant à 1994 et qui fonctionne très bien.

Monsieur Bazin, votre souffrance causée par la disparition de l'homme – du mâle – de ce même code est sans objet car il n'a pas disparu, la phrase suivante étant : « Sa paternité est judiciairement établie ».

S'agissant de l'article 342-13, le régime de responsabilité défini pour l'homme avec le consentement au don se retrouvera pour la femme avec la reconnaissance conjointe : dans ce dernier cas, les deux figurent sur le même acte notarié. Dans les deux cas, une action en responsabilité est possible.

Lorsque dans un couple hétérosexuel l'homme vient à se défiler, la paternité pourrait être établie de manière forcée sur la base du consentement au don qui servirait de preuve. Dans un couple de femmes, la même démarche pourrait être suivie en utilisant alternativement le consentement au don ou la reconnaissance conjointe, ce dernier mécanisme étant plus rapide.

Il est hors de question de revenir sur la loi de programmation de la justice, ni sur la substitution du notaire au juge : je suis donc défavorable aux sous-amendements le proposant.

Nous avons, à l'article 3, débattu de l'abaissement du seuil d'âge de 18 à 16 ans pour l'accès aux origines personnelles : ce sujet n'a pas sa place à l'article 4. Je ne vois pas en outre pour quelle raison on opérerait une confusion entre la filiation et la connaissance de ces mêmes origines.

S'agissant de la durée de la validité du consentement, les cas de séparation sont d'ores et déjà prévus par l'article 311-20 du code civil et repris aux articles 342 et suivants. Si vous avez consenti au don avec tiers donneur et qu'en définitive vous souhaitez vous rétracter, ce qui est toujours possible avant l'insémination, il faut le signifier au médecin.

La création d'un registre des consentements au don tenu par l'Agence de la biomédecine reviendrait à étendre son champ de compétences, ce qui n'est pas l'objet du projet de loi. Est-ce par ailleurs conforme à sa vocation de tenir un registre notarial ?

S'agissant des actions de recherche en paternité, nous avons un désaccord. Nous tenons à ce qui avait été établi en 1994 par les lois Veil et qui peut se résumer ainsi : la filiation n'est jamais établie entre un donneur et un enfant issu d'une AMP. Il ne sert à rien de retourner le raisonnement et d'affirmer que l'on priverait ainsi l'enfant d'une action en recherche de paternité. Il ne s'agit en effet pas d'une paternité mais d'un don. Il n'existe en outre aucune discrimination : l'enfant ainsi né dispose d'un père ou d'une mère ayant signé soit un consentement au don soit une reconnaissance conjointe anticipée.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

S'agissant du dernier point évoqué par Mme la rapporteure, vous avez, monsieur Hetzel et madame Thill, employé le mot « discrimination » qui me semble erroné. En effet, depuis 1994, le droit positif en matière de PMA avec tiers donneur repose sur une filiation issue d'un don : nous ne situons pas dans le cadre d'un autre mode d'établissement de filiation. Des règles spécifiques s'appliquent dans ce cas, mais elles ne résultent pas du projet de loi relatif à la bioéthique.

Monsieur Hetzel, vous êtes revenus sur la rédaction du Sénat pour expliquer qu'il aurait sans doute mieux valu passer par l'adoption plutôt que par la RCA. Je le répète : l'adoption, dont on ne comprend ce qu'elle viendrait faire dans ce cas, est un processus plus long et placé sous le contrôle du juge. C'est bien parce que nous avons voulu un processus simple et facile vecteur du projet parental que nous avons mis en place la RCA.

Madame Thill, vous avez repris des idées assez proches. Je rappelle qu'une reconnaissance conjointe est nécessaire car la reconnaissance simple ne permet pas d'établir un deuxième lien de filiation maternelle. L'article 320 du code civil s'y oppose. La création de ce nouveau mécanisme nous permet de le dépasser, le caractère conjoint de la reconnaissance fondant l'établissement de la filiation sur le projet parental et non sur la vraisemblance biologique.

Monsieur Breton, vous vous interrogez sur le consentement qui interdit l'action en recherche de paternité : il faut conserver cette règle qui existe depuis 1994 car elle évite qu'une action ne soit introduite contre le donneur, et ce même dans le cas où la filiation ne serait pas établie à l'égard du parent qui n'est pas le parent biologique.

Monsieur Bazin, depuis 1994, aucune femme n'a accouché sous X – procédure qui subsistera nonobstant le projet de loi dont nous débattons – à l'issue d'une AMP. Dans cette hypothèse néanmoins, la mère qui n'a pas accouché pourrait aller reconnaître l'enfant, qui serait alors inscrit sous son seul nom à l'état-civil. Rien ne l'interdit.

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Le sous-amendement n° 1678 me donne l'occasion de revenir sur l'égalité, du point de vue de l'établissement de la filiation, entre femmes accouchant au terme d'une AMP avec tiers donneur selon qu'elles vivent en couple avec un homme ou avec une femme.

L'alinéa 22 prévoit que lors du recueil du consentement prévu à l'article 342-10 du code civil, le couple de femmes reconnaît conjointement l'enfant, instituant ainsi un mécanisme spécifique d'établissement du mode de filiation pour les couples de femmes qui n'a pas d'équivalent pour les couples hétérosexuels : il n'existe donc pas, de ce point de vue, de stricte égalité entre femmes.

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Madame la rapporteure, madame la garde des Sceaux, pour quelles raisons juridiques revenez-vous sur la rédaction du Sénat pourtant à mon sens relativement équilibrée ?

Le sous-amendement n° 1687 est défendu.

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Le sous-amendement n° 1716 vise à établir le lien de filiation avec la femme qui n'accouche pas, par le biais de l'adoption simple. Cette solution clarifie la situation de l'enfant à l'égard de la femme qui partage la vie de sa mère, sans le priver définitivement de la possibilité d'établir une filiation paternelle. En outre, l'adoptante pourra être investie de l'autorité parentale à l'égard de l'adopté, et ainsi participer à sa vie quotidienne. Le lien de filiation avec la mère qui accouche est quant à lui établi conformément à l'article 311-25 du code civil. Le droit actuel est maintenu pour les couples homme-femme.

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Le sous-amendement n° 1677 est de repli. Il propose d'établir un lien de filiation avec l'autre membre du couple par le recours à l'adoption plénière.

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Vous l'aurez compris, nous sommes attachés au principe de l'adoption, qu'elle soit plénière ou simple. Le code civil dispose que tous les enfants ont les mêmes droits, quel que soit leur mode de filiation. L'adoption ne peut donc pas être considérée comme un mode de filiation dégradé. Pourquoi n'utiliserait-on pas ce dispositif dans le cadre d'une AMP pour un couple de même sexe ? Il a le mérite d'exister et nous éviterait de réécrire une partie de notre code civil. C'est l'objet du sous-amendement n° 1686.

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Le sous-amendement n° 1714 propose d'établir le lien de filiation avec l'autre membre du couple – homme ou femme – par le recours à l'adoption plénière. En effet, conformément à l'article 358 du code civil, l'adopté en forme plénière a les mêmes droits que l'enfant dont la filiation est établie par l'un des modes du titre VII du livre Ier.

Dans le cas où le couple homme-femme recourt à une donneuse d'ovocytes, l'homme du couple est le père biologique de l'enfant. Le lien de filiation avec l'enfant est alors établi par présomption de paternité si le couple est marié ou par reconnaissance si le couple ne l'est pas.

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Votre amendement me satisfait sur un point, madame Dubost : il modifie l'article 310-1, mais oublie l'article 310-2. C'est une bonne nouvelle car ce dernier mentionne les père et mère ! N'y touchez pas !

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L'inscription dans notre droit de la reconnaissance conjointe va avoir des conséquences délétères. Certes, cette reconnaissance établit une différence entre la femme qui accouche et celle qui n'accouche pas, mais elle crée surtout une différence entre les femmes, selon leur appartenance à un couple homme-femme ou à un couple de femmes.

Dans le cas précis de l'enfant né par AMP d'un couple de femmes, le sous-amendement n° 1762 vise donc à inscrire le principe de l'adoption dès l'article 342-11 du code civil.

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Le sous-amendement n° 1679 propose d'étendre le dispositif prévu par l'amendement de Mme la rapporteure à tous les couples recourant à une AMP avec tiers donneur. Il s'agit d'avoir une seule modalité d'établissement du lien de filiation pour tous ceux qui réalisent une AMP avec tiers donneur. Ce dispositif est simple et universel ; il permet de sécuriser pleinement la filiation de l'enfant à l'égard de ses deux parents. C'est une modalité unique qui ne tient pas compte de l'orientation sexuelle des parents et évite ainsi toute discrimination entre enfants de couples de femmes et enfants de couples de sexes différents. On peut d'ailleurs noter que le Conseil d'État avait souligné qu'une option de cet ordre garantissait le mieux les droits des enfants.

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Le sous-amendement n° 1757 vise à supprimer l'alinéa 23, contradictoire avec l'économie générale de la réécriture de cet article. En effet, la reconnaissance conjointe ne peut pas avoir l'effet d'établir la filiation pour l'une des femmes et non pour l'autre.

Madame la rapporteure, vous avez expliqué que la PMA avec tiers donneur dans un couple de femmes n'était pas une paternité, mais un don. Ôtez-moi d'un doute, ce projet de loi donne bien la possibilité à l'enfant né d'un don d'accéder à l'identité du donneur ? Vous ne pourrez donc jamais empêcher ces enfants d'établir des liens avec leur géniteur, et je suis sûre que nous rencontrerons des cas où le donneur deviendra le père parce que l'enfant sera en manque de père. Ce « géniteur », comme vous l'appelez, reste le père biologique de l'enfant. Il pourra même, dans certains cas, reconnaître l'enfant, qui le reconnaîtra aussi comme père. Comment dire alors qu'il n'y a pas de paternité, mais seulement un don ? Cela ne colle pas à la réalité !

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Le sous-amendement n° 1739 vise à inclure les pactes civils de solidarité (PACS) à l'alinéa 23 de votre amendement qui comprend la cessation de la communauté de vie, la fin du mariage, mais pas celle du PACS. Pourquoi ? Il faut que toutes les ruptures, quel que soit leur statut juridique, entraînent la fin du projet parental – sauf si l'on rompt un PACS pour se marier, bien sûr.

Le sous-amendement n° 1740 vise quant à lui à respecter notre droit de la filiation : la femme qui accouche est reconnue comme mère et la deuxième femme du couple peut procéder à l'adoption. Nous conservons ainsi l'esprit de votre amendement, tout en prenant en compte le souhait du Sénat, en vue de préparer un consensus entre nos deux chambres.

Pour conclure, j'ai l'impression que notre collègue Touraine prépare notre code civil à la GPA. Mais, au moins, il est cohérent, ce que je salue !

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Nous ne pouvons pas avoir de débats de fond, c'est regrettable… Je m'associe aux remerciements de M. Bazin à l'égard de notre collègue Touraine. Nous ne sommes pas d'accord, mais je lui reconnais le mérite de la cohérence. Il plaide pour une seule modalité d'établissement de la filiation en cas d'AMP, sans tenir compte de l'orientation sexuelle des parents, afin d'éviter toute discrimination envers les enfants des couples de femmes. Ce n'est pas votre choix, mais contrairement à ce que vous avez affirmé avec assurance, madame la rapporteure, il n'y aura pas de stricte égalité dans l'établissement de la filiation. Cela constitue une discrimination très dangereuse, liée à la situation dans laquelle se trouvent les femmes. Le sous-amendement n° 1722 propose d'y remédier.

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La rapporteure a qualifié de science-fiction l'une des hypothèses développées par notre collègue Thibault Bazin. Pourtant, il arrive que des femmes avortent après PMA en cas d'erreur d'éprouvettes – lorsque la femme a été inséminée par un autre embryon que celui conçu avec son conjoint. Comme l'explique le professeur Dominique Royère, responsable procréation à l'Agence de la biomédecine dans une interview en 2014, en sept ans, la France a recensé une quinzaine d'erreurs pour environ cent mille gestes. Certes, c'est marginal, mais ce n'est pas de la science-fiction. Il s'agit d'inséminations, de fécondations in vitro ou d'implantations d'embryons. Les couples ont pu être informés assez tôt par l'équipe médicale pour que leur soit proposée une interruption volontaire de grossesse.

C'est bien la preuve que l'intention ne fait pas tout : quand des adultes sont privés contre leur volonté du lien biologique, ils peuvent décider d'avorter, voire préférer ne pas avoir d'enfants. Contrairement à ce que vous nous affirmez en permanence, le lien biologique n'est donc pas négligeable ! Le sous-amendement n° 1728 vise à le maintenir.

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Le sous-amendement n° 1747 peut faire consensus. Il nous a fallu neuf mois pour vous convaincre que la filiation à l'égard de la femme qui accouche doit être établie selon le droit commun. Vous êtes attachés à la reconnaissance conjointe devant notaire. Mais l'adoption simple par la seconde femme a notre préférence, car elle ne fait pas obstacle à l'établissement de la filiation paternelle. En effet, la filiation adoptive simple ne remplace pas la filiation d'origine ; elle s'y ajoute. Cela permettrait de conserver notre droit de la filiation, tout en élargissant l'AMP aux couples de femmes. La proposition du Sénat, très aboutie, mériterait le débat.

Le sous-amendement n° 1742 propose une évaluation des conséquences pour les enfants nés par procréation médicalement assistée, à partir de l'expérience des pays où la procédure est légalisée.

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Monsieur Breton, l'égalité entre gestatrices, quelle que soit l'orientation sexuelle du couple, est lié à la rédaction de l'article 311-25. Le nom de la mère est mentionné dans l'acte de naissance.

Les articles 342-9 et suivants, objets de mon amendement, visent quant à eux l'engagement conjoint contractuel. Un homme marié bénéficie par l'effet de la loi d'une présomption de paternité. Si, pour se rassurer, il décide malgré tout de faire une reconnaissance prénatale, rien ne s'y oppose. Mais, lorsque l'enfant naît, la présomption de paternité prime, sous l'effet de la loi. La situation sera identique avec la reconnaissance conjointe. Les mères gestatrices sont donc placées à égalité, quelle que soit l'orientation sexuelle du couple.

Je ne suis pas d'accord avec vous concernant l'adoption. La filiation du titre VII vise ceux qui ont causé la venue au monde de l'enfant, alors que l'adoption est une deuxième filiation. Cela ne veut pas dire qu'elle est moins digne – ce n'était absolument pas mon propos – ou moins importante. Mais nous souhaitons que l'enfant puisse retracer toute son histoire.

En outre – vous le savez puisque le Sénat y a travaillé –, l'adoption impose des conditions de mariage aux couples de femmes. L'attribution de l'autorité parentale est compliquée dans le cas d'une adoption simple – elle est réalisée au bénéfice d'une seule – et, en cas d'adoption plénière, les liens avec la mère gestatrice sont brisés. C'est pourquoi nous avons écarté cette solution, impraticable.

Monsieur Touraine, nous avons choisi en première lecture de ne pas retenir la reconnaissance conjointe pour tous les couples qui font une procédure d'AMP car l'article 311-20 du code civil fonctionne bien et il est suffisant pour les couples hétérosexuels. En cas de PMA avec tiers donneur, nous nous sommes limités à supprimer les conditions qui garantissent le secret, afin de mettre fin à la culture du secret. Nous ne souhaitons pas imposer de nouvelles modalités aux couples hétérosexuels qui font une PMA avec tiers donneur.

Monsieur Bazin, on peut parfaitement se dépacser et continuer une vie commune. Pourquoi dans ce cas stopper le projet parental ? Ce ne serait pas pertinent.

Monsieur Hetzel, les cas que vous évoquez sont probablement très anxiogènes pour les personnes qui nous écoutent. Mais il s'agit de PMA sans tiers donneur qui deviennent des PMA avec tiers donneur, et d'erreurs médicales, qui ne relèvent pas du champ qui nous occupe. Il est donc normal que le couple ait le choix, d'autant qu'il n'a pas consenti au don.

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Notre débat se concentre sur les modalités de filiation pour la femme qui n'accouche pas. M. Bazin l'a rappelé, il a fallu neuf mois pour que nous tombions d'accord concernant la femme qui accouche. L'un de vos collaborateurs, madame la ministre, parlait de l'« amendement Genevard ». J'en suis très fière.

Je ne désespère pas que, dans le temps qui nous reste pour adopter ce projet de loi, nous parvenions à un accord concernant le mode d'établissement de la filiation de la femme qui n'accouche pas. Vous proposez la reconnaissance conjointe. Cette solution ne nous convient pas car elle modifie le droit actuel de la reconnaissance, fondée sur la vraisemblance.

Il n'est pas possible de traiter de la même façon l'homme et la femme, le père et la mère, car la vraisemblance biologique s'applique au père, mais ne peut s'appliquer à la femme qui n'accouche pas – un enfant n'est jamais le produit biologique de deux femmes.

Madame la rapporteure, madame la garde des Sceaux, madame la présidente, ne peut-on y réfléchir sérieusement et profiter de l'occasion que nous fournit la proposition de loi de Mme Limon pour améliorer le cadre légal de l'adoption, notamment traiter le problème du délai qui sépare le moment entre lequel la première femme accouche et la seconde peut établir le lien de filiation ? L'adoption peut fournir une solution, à condition de combler ce vide juridique qui insécurise la femme qui n'accouche pas – je le comprends.

En l'état actuel de la rédaction du projet de loi et de vos propositions, la commission mixte paritaire ne sera pas conclusive. En conséquence, l'Assemblée nationale aura le dernier mot. Ne serait-il pas infiniment plus satisfaisant de trouver une solution qui convienne à tout le monde ?

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Avant de défendre le sous-amendement n° 1723, je reviens sur les propos de la rapporteure. Elle estime que la reconnaissance conjointe est un engagement contractuel. Mais comment un contrat pourrait-il avoir des effets sur la filiation ? En la matière, la loi, et non le contrat, fixe les principes. Dans le cas contraire, cela signifie que vous considérez l'enfant comme un produit.

(Exclamations)

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C'est vous qui avez utilisé le terme de contrat, madame la rapporteure ! Or vous êtes fine juriste et connaissez l'importance des mots : soit vous revenez sur votre analyse et nous en resterons là, soit vous maintenez l'expression, et nous saurons que la notion de contrat prévaut…

Mon sous-amendement vise l'alinéa 30 qui dispose que « celui qui, après avoir consenti à l'AMP, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu, engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant ». Dans votre rédaction, on ne sait pas si le pronom démonstratif « celui » vise l'homme ou la femme. Dans le code civil, « celui » est parfois neutre. En l'espèce, on peut deviner qu'il s'agit d'un homme puisque l'alinéa suivant parle de « paternité » – même si nous sommes parfois un peu perdus entre la paternité et la maternité… Je propose de préciser qu'il s'agit des couples composés d'un homme et une femme et de remplacer « celui » par « l'homme ».

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Mme la rapporteure estime que la reconnaissance conjointe est un engagement contractuel. Mais comment un tel engagement, conjoint, pourrait-il avoir des effets en matière de filiation ? Il ne s'agit pas d'un engagement contractuel – les deux femmes ne s'engagent pas l'une envers l'autre – mais d'une reconnaissance – un acte unilatéral de chacune des femmes – qui présente la particularité d'être conjointe.

La loi, et non le contrat, prévoit les effets de la reconnaissance conjointe sur la filiation. En outre, cette reconnaissance n'a pas les mêmes effets pour la seconde femme. Pour cette dernière, elle institue la filiation, alors que pour celle qui accouche, la filiation est établie par sa désignation dans l'acte de naissance. Contrairement à ce que vous affirmez, la situation n'est donc pas identique. J'ai défendu le sous-amendement n° 1729.

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Le point a été soulevé sur le ton de l'humour par Thibault Bazin. J'observe également que l'amendement de M. Touraine fait disparaître la femme au profit du « parent ». Votre rédaction, madame la rapporteure, peine à désigner l'homme. Il s'agit probablement d'une erreur rédactionnelle : par parallélisme de forme, et pour des raisons sémantiques et grammaticales, comme pour la femme, il faut réintroduire l'homme. C'est l'objet du sous-amendement n° 1718.

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Le sous-amendement n° 1748 concerne également l'alinéa 30 et il est similaire à celui de mes collègues. Il vise à mentionner explicitement « l'homme » dans votre amendement.

Le sous-amendement n° 1743 modifie quant à lui l'alinéa 32. Nous progressons : en une nuit, nous allons réécrire tout le code civil et le droit de la filiation – vous imaginez le bricolage… Que se passe-t-il lorsqu'une femme seule accède à l'AMP puis, au cours de sa grossesse, se met en couple ? Si le désir d'être parent est partagé, si j'ai bien compris, l'autre parent devra passer par l'adoption.

Au fil de nos débats, je me demande si la situation la plus protectrice de l'enfant ne serait pas le mariage. L'AMP avec tiers donneur a d'importantes conséquences pour l'enfant. L'ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2013 faisait d'ailleurs suite à une attente forte.

L'amendement n° 1744 vise à supprimer les alinéas 34 à 38, qui nous semblent surprenants puisqu'ils évoquent la tierce opposition en cas de dol ou de faute imputable : si le conjoint s'implique, de telles dispositions ne sont-elles pas hors sujet ?

L'amendement n° 1745 est de cohérence. Il propose de supprimer les alinéas 39 à 41 en cas d'adoption des sous-amendements précédents.

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Le sous-amendement n° 1761 pose le principe de l'adoption de l'enfant par la mère qui n'a pas accouché, tout en permettant aux parents d'exercer conjointement l'autorité parentale sur l'enfant.

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Si le mot « contractuel » vous déplaît, nous pouvons parler d'acte unilatéral, de reconnaissance volontaire. Mais il existe d'autres contrats auxquels la loi attribue des effets sur la filiation : le mariage crée une présomption de paternité qui protège l'homme. Il n'est pas choquant de transposer cette logique aux couples homoparentaux.

L'engagement des futures mères est scellé par cette reconnaissance volontaire. En droit romain, la filiation était un acte de volonté, il n'y avait pas de filiation biologique systématique et un père pouvait choisir l'enfant qu'il souhaitait. La filiation a évolué depuis, mais le mode volontaire d'établissement de la filiation ne dégrade pas la filiation biologique, ce ne sont que des modalités différentes.

Nous ne faisons pas disparaître du code civil la mention de l'homme : nous reprenons la rédaction des lois de bioéthique de 1994. C'est le texte en vigueur pour les couples hétérosexuels depuis vingt-cinq ans.

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Non, l'article 311-20 prévoit : « Celui qui, après avoir consenti à l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l'enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l'enfant. En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. » Nous remplaçons uniquement « déclarée » par « établie » ; nous n'avons pas touché à l'homme dans ce texte.

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Une mère qui ne transmettrait pas la RCA et disparaîtrait après l'accouchement de sa compagne engagerait évidemment sa responsabilité, et la filiation pourrait être établie judiciairement, comme dans les cas d'AMP avec tiers donneur pour les couples hétérosexuels.

Nous avons déjà longuement débattu de la question de l'adoption. Quant à l'autorité parentale, elle sort du champ des lois de bioéthique. Il serait intéressant d'engager une grande réforme du droit de la famille, mais ce n'est pas l'objet de ce texte.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Madame Genevard, vous estimez que le délai est le seul problème posé par l'adoption pour l'établissement de la filiation de la femme qui n'accouche pas. Ce n'est pas seulement cela. Nous avons estimé que la reconnaissance conjointe anticipée permettait de partager le projet parental, avant de savoir laquelle des mères portera biologiquement l'enfant. C'est afin de caractériser ce projet parental conjoint, dans le cas des couples de femmes homosexuelles, que nous avons envisagé cette reconnaissance anticipée. Ce n'est pas qu'une question de délai, c'est une autre manière d'établir la filiation.

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Par le sous-amendement n° 1688, nous souhaitons supprimer la nouvelle procédure de reconnaissance conjointe rétroactive pour les couples de femmes ayant eu recours à une AMP à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi à venir.

La reconnaissance conjointe ne peut être assimilée à un contrat. La norme ne doit pas être issue du contrat, mais de la loi. En droit français, le consentement ne justifie pas l'acte. La ministre peut-elle nous donner son analyse de l'arrêt de la CEDH Boljević c. Serbie du 16 juin 2020 ? Je crains que ce projet de loi ne constitue une bombe à retardement : les enfants exerceront des requêtes, et ils obtiendront gain de cause.

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L'amendement n° 1666 prévoit qu'un couple de femmes ayant eu recours à une AMP à l'étranger avant la promulgation de la loi pourra faire établir la filiation à l'égard de la femme qui n'a pas accouché, en déposant une reconnaissance conjointe de l'enfant devant notaire. Cette disposition donne un effet rétroactif à des dispositions très lourdes de conséquences. De plus, elle reconnaît des effets en droit à une situation délibérément créée. Par le sous-amendement n° 1719, je vous propose de supprimer ce dispositif inapproprié.

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Le sous-amendement n° 1766 est identique. Le code civil actuel encadre l'AMP aux articles 311-19 et 311-20, qui mentionnent le terme « homme ». Vous les abrogez pour créer les articles 342-9 à 342-13, dans lesquels ce terme n'apparaît pas.

Les alinéas 44 à 46 de l'article 4 valident a posteriori un acte illégal, ce qui peut se comprendre puisque nous légalisons cette pratique. Mais comment nous assurer que celle qui n'a pas accouché a bien été une mère depuis le recours à l'AMP ?

De plus, ce précédent risque de constituer un cheval de Troie pour la reconnaissance des GPA, au nom d'une demande d'égalité. Ce combat contre les discriminations est le fil rouge de M. Touraine, mais discriminer, c'est traiter de manière différente des situations identiques. Dans ce cas, les situations sont différentes.

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Si nous décidons d'autoriser l'AMP pour les femmes célibataires et les couples de femmes lesbiennes, c'est notamment parce que certaines décident d'y recourir à l'étranger. Les enfants nés ainsi ne peuvent faire établir de lien de filiation avec la conjointe.

La rapporteure propose de leur offrir cette possibilité en présentant une reconnaissance conjointe au notaire, qui la transmettrait au procureur. Passer par le juge servirait cet objectif en réduisant les délais et en garantissant l'impartialité, et les voies de recours seraient améliorées. C'est l'objet du sous-amendement n° 1692.

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L'alinéa 44 va régulariser rétroactivement un comportement illégal pour établir une double filiation. En légalisant la transgression de la loi, par effet domino, vous encouragez à franchir toutes les lignes rouges. C'est pourquoi, par le sous-amendement n° 1753, je propose de récrire cet alinéa.

Certes, nous tenons à l'intérêt supérieur de l'enfant, et le problème est réel. Mais le véhicule législatif que vous utilisez est un encouragement à la transgression.

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La rapporteure a qualifié le mariage de contrat, mais certains considèrent qu'il s'agit plutôt d'une institution. On peut considérer qu'il est de plus en plus contractuel et que son aspect institutionnel s'estompe, mais il est révélateur de ne le considérer que comme un contrat. À nos yeux, il conserve des aspects institutionnels, c'est la conception de la famille que nous défendons, notamment avec les sous-amendements n° 1756, 1725 et 1724.

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Par le sous-amendement n° 1731, nous proposons que la femme qui n'a pas accouché puisse présenter une requête en adoption simple. Nous considérons également que la reconnaissance doit avoir lieu devant un juge, et non un notaire. Le droit en vigueur prévoit le recours au notaire, mais il faut au moins offrir la possibilité de recourir au juge.

Le sous-amendement n° 1730 est défendu.

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Je souhaite aussi que le recueil du consentement se fasse devant le juge car il dispose de pouvoirs, notamment d'investigation, dont est dépourvu le notaire. Le recours au juge semble donc plus pertinent dans l'intérêt de l'enfant.

Si le recours au notaire était maintenu, il est important de prévoir une clause de conscience, au même titre que le personnel médical. Enfin, le passage devant le notaire soulève des aspects financiers qui n'existent pas avec un juge.

Je propose aussi de remplacer la reconnaissance conjointe par l'adoption simple, qui permet de ne pas mentir à l'enfant sur ses origines et de préserver la vraisemblance biologique.

Enfin, je signale une erreur matérielle : au quarante-quatrième alinéa, le mot « de » a été accidentellement répété.

Tels sont les objets des sous-amendements n° 1760, 1763 et 1764.

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Mon sous-amendement n° 1711 porte sur la filiation tardive. La solution retenue est celle que j'ai défendue en première lecture, après l'avoir présentée au cabinet de la ministre de la justice. Dans les familles qui se sont construites avant ce texte, la seconde mère de l'enfant n'a aucune reconnaissance juridique. L'amendement de la rapporteure apporte une solution attendue par une grande partie de ces familles.

Je propose de le compléter pour les couples ayant réalisé une PMA à l'étranger avant la publication de la loi, qui se sont séparés depuis et qui ne peuvent s'accorder sur une reconnaissance conjointe de l'enfant. Même en cas de conflit entre les parents, il est impératif de prévoir une solution pour les mères d'intention n'ayant pas accouché.

À défaut, il existera une discrimination entre les familles qui pourront enfin connaître la sécurité et celles qui feront encore face aux difficultés que nous connaissons. Ainsi, la compagne de seconde noces peut adopter l'enfant sans que la seconde mère ne puisse intervenir. En cas d'accident de la vie empêchant la mère de s'occuper de son enfant, la mère sociale ne peut prétendre à l'autorité parentale, et l'enfant peut lui être retiré. Enfin, en cas de décès, de nombreuses difficultés surviennent en matière successorale ou de libéralités, du fait de l'absence de liens de droit.

L'amendement n° 1666 devrait apporter une solution pour la majorité des familles concernées. Mais il serait dommage d'organiser un dispositif d'établissement de la filiation pour certaines mères, sans la prévoir pour celles qui sont en situation de conflit, d'autant que des solutions existent.

Ce sous-amendement prévoit ainsi qu'en cas de conflit, le juge interviendra pour déterminer la filiation en appliquant les règles de la possession d'état, dispositif juridique permettant de reconnaître la filiation d'après un faisceau d'indices clair et bien encadré.

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Il n'y a pas de discrimination entre enfants dans le cadre de la reconnaissance conjointe avec effet rétroactif.

L'arrêt de la CEDH du 16 juin 2020 porte sur des faits d'adultère, il n'y est pas question de PMA.

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Il aborde la distinction entre géniteur et père.

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Mais en cas de PMA avec tiers donneur, la filiation entre le donneur et l'enfant est proscrite. Il est inutile de tenter de créer des amalgames avec une affaire d'adultère.

C'est pour vérifier que la seconde mère est présente depuis le recours à l'AMP que nous avons prévu l'intervention du procureur. Et la reconnaissance conjointe rétroactive ne fonctionne que pour des femmes qui s'entendent toujours. Même si elles ne vivent plus ensemble, elles doivent être d'accord pour faire établir la double filiation devant le notaire. C'est une bonne chose pour les enfants, et l'intervention du procureur doit assurer qu'il n'y a pas d'erreur avant l'inscription en marge de l'acte de naissance.

En revanche, aucune solution n'est proposée pour les femmes séparées lorsque la mère gestatrice s'opposerait à une reconnaissance conjointe rétroactive devant le notaire. Nous avons longuement réfléchi à la possibilité d'une reconnaissance judiciaire, forcée par le juge, mais nous n'avons pas trouvé de rédaction satisfaisante à ce stade. Je propose le retrait des sous-amendements n° 1692 et n° 1711 pour trouver d'ici à la séance publique un système abouti et solide.

La reconnaissance conjointe rétroactive va permettre de reconnaître les enfants nés de PMA dans des couples homoparentaux avant 2020. Une analogie peut être faite avec la reconnaissance, en 1972, de la filiation pour les enfants adultérins. Il n'était pas heureux d'opérer une distinction entre enfants adultérins, légitimes et naturels, mais établir leur filiation était un progrès à l'époque, et cette reconnaissance a été accordée à tous ceux qui étaient déjà nés.

L'amendement n° 1692 est retiré.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

L'arrêt de la CEDH Boljević c. Serbie du 16 juin 2020 concerne une recherche en paternité dans le cadre classique. Il ne s'applique pas dans le cas d'un don, par définition altruiste, et réalisé pour qu'une autre filiation puisse se construire. Il n'est pas possible, en cas de don, d'établir la filiation avec le donneur.

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La CEDH considère dans cet arrêt que la loi qui oppose la prescription doit être écartée. Elle pourrait aussi décider d'écarter la loi que nous allons voter.

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Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Non, la situation n'est pas comparable. Lorsqu'il y a un don, il est impossible d'établir la filiation.

L'établissement rétroactif du lien de filiation est possible en cas d'accord des deux femmes qui maintiennent un projet parental commun. Il se construit sous le contrôle de l'autorité judiciaire pour que la situation soit sécurisée.

La rétroactivité pose un problème en cas d'atteinte aux droits d'une personne, le consentement des deux femmes permet d'éviter cet écueil. Nous n'avons pas trouvé de solution qui ne pose pas de problème constitutionnel, nous continuons d'essayer mais nous ne sommes pas sûrs d'y parvenir.

La commission rejette successivement tous les sous-amendements à l'amendement n° 1666 (sous-amendements n° 1668, 1732, 1690, 1754, 1717, 1670, 1669, 1720, 1726, 1746, 1749, 1750, 1751, 1733, 1694, 1734, 1721, 1727, 1755, 1752, 1673, 1682, 1674, 1683, 1706, 1736, 1735, 1737, 1758, 1675, 1684, 1702, 1738, 1676, 1685, 1713, 1691, 1678, 1687, 1716, 1677, 1686, 1714, 1741, 1762, 1679, 1757, 1739, 1740, 1722, 1728, 1747, 1742, 1723, 1729, 1718, 1748, 1743, 1744, 1745, 1761, 1688, 1719, 1766, 1753, 1756, 1725, 1731, 1724, 1730, 1760, 1763, 1764 et 1711).

Elle adopte l'amendement n° 1666 et l'article 4 est ainsi rédigé.

Tombent en conséquence, les amendements n° 912 de Mme Michèle de Vaucouleurs, n° 844 de M. Hervé Saulignac, n° 1398 de Mme Anne-France Brunet, n° 1033 et n° 1077 de Mme Danièle Obono, n° 1031 de M. Bastien Lachaud, n° 1696 de la rapporteure, n° 130 de M. Guillaume Chiche, les amendements identiques n° 504 de M. Maxime Minot, n° 752 de M. Jean-Louis Touraine, n° 1029 de Mme Danièle Obono, n° 1056 de Mme Anne-France Brunet, n° 1127 de Mme Sylvia Pinel, n° 1195 de M. Yannick Favennec Becot, n° 1251 de Mme Martine Wonner et n° 1389 de M. Jean-François Mbaye, l'amendement n° 1697 de la rapporteure, les amendements identiques n° 128 de M. Guillaume Chiche et n° 956 de M. Maxime Minot, les amendements n° 1222 de M. Yannick Favennec Becot, n° 1083 de Mme Danièle Obono, n° 1019 de Mme Laurence Vanceunebrock, n° 1698 de la rapporteure, n° 858 de M. Hervé Saulignac, les amendements identiques n° 1699 de la rapporteure et n° 1390 de M. Jean-François Mbaye, les amendements identiques n° 146 de Mme Emmanuelle Ménard et n° 609 de Mme Agnès Thill, les amendements n° 147 et n° 148 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1128 de Mme Sylvia Pinel, n° 1203 de M. Yannick Favennec Becot, les amendements identiques n° 192 de M. Thibault Bazin, n° 930 de M. Xavier Breton et n° 933 de M. Patrick Hetzel, les amendements n° 150 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 610 de Mme Agnès Thill, n° 1078 de M. Bastien Lachaud, n° 193 et n° 194 de M. Thibault Bazin, n° 149 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1081 de Mme Danièle Obono, n° 536 de M. Guillaume Chiche, n° 1023 de Mme Martine Wonner, n° 195 de M. Thibault Bazin, n° 1700 et n° 1701 de la rapporteure, n° 814 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques n° 1703 de la rapporteure et n° 1057 de Mme Anne-France Brunet, les amendements n° 1129 de Mme Sylvia Pinel, n° 505 de M. Maxime Minot, n° 1415 de M. Hervé Saulignac, n° 151 de Mme Emmanuelle Ménard, n° 1413 de M. Hervé Saulignac, n° 1343 de M. Raphaël Gérard, n° 1018 de Mme Laurence Vanceunebrock, n° 1704 de la rapporteure, n° 1058 de Mme Anne-France Brunet, les amendements identiques n° 512 de M. Xavier Breton, n° 524 de M. Patrick Hetzel et n° 1341 de M. Thibault Bazin, l'amendement n° 782 de M. Raphaël Gérard, les amendements identiques n° 264 de M. Thibault Bazin, n° 342 de M. Xavier Breton et n° 423 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les amendements n° 1414 de M. Hervé Saulignac, n° 597 de Mme Agnès Thill, n° 1705, n° 1707, n° 1708, n° 1709, n° 1710 et n° 1712 de la rapporteure et n° 760 de M. Guillaume Chiche.

La réunion s'achève à une heure vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 22 h 10

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Xavier Breton, Mme Anne-France Brunet, M. Guillaume Chiche, M. Marc Delatte, M. Pierre Dharréville, Mme Coralie Dubost, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Pierre-Henri Dumont, M. Jean-François Eliaou, Mme Nathalie Elimas, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel, M. Bruno Fuchs, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Annie Genevard, M. Guillaume Gouffier-Cha, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Anne-Christine Lang, Mme Monique Limon, Mme Brigitte Liso, M. Jacques Marilossian, M. Didier Martin, Mme Sereine Mauborgne, M. Jean François Mbaye, Mme Emmanuelle Ménard, M. Thomas Mesnier, M. Maxime Minot, Mme Danièle Obono, Mme Sylvia Pinel, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Florence Provendier, M. Hervé Saulignac, Mme Marie Tamarelle‑Verhaeghe, M. Jean-Louis Touraine, Mme Laurence Vanceunebrock, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Philippe Vigier

Assistaient également à la réunion. - Mme Géraldine Bannier, M. Fabien Di Filippo, Mme Agnès Thill