Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Réunion du jeudi 2 juillet 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 15 heures.

Présidence de M. Ugo Bernalicis, président

La Commission d'enquête entend M. Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris, accompagné de M. Julien Quéré, conseiller à la cour d'appel, chargé de mission à la première présidence.

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Mes chers collègues, à la suite des auditions qui ont eu lieu ces dernières semaines, notre commission d'enquête a souhaité entendre à nouveau M. Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris, que nous avions reçu le 6 février dernier. Il sera entendu également en tant qu'ancien président du tribunal de grande instance de Paris, poste qu'il a occupé entre 2014 et 2019. Il est accompagné de M. Julien Quéré, conseiller à la cour d'appel de Paris et chargé de mission à la première présidence. Messieurs, je vous remercie de votre présence.

Je vais vous donner la parole pour une intervention liminaire, si vous le souhaitez. Mais auparavant, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite à lever la main droite et à dire : « je le jure ».

(M. Jean-Michel Hayat et M. Julien Quéré prêtent successivement serment.)

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, j'ai cru comprendre que vous souhaitiez me réentendre sur la période durant laquelle j'ai exercé mes fonctions de chef de juridiction du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, aujourd'hui tribunal judiciaire de Paris. Je suis prêt à répondre immédiatement à vos questions.

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J'irai droit au but. Cette audition fait suite aux déclarations de l'ex-procureure de la République financière, Éliane Houlette, au sujet de l'affaire concernant M. François Fillon. Mme Houlette a fait état de l'atmosphère tendue dans laquelle se trouvait le parquet national financier (PNF) face aux demandes du parquet général. Est arrivée très vite sur la table la question de l'ouverture d'une information judiciaire, demande formalisée par un courrier de la procureure générale dont il nous a été fait lecture. Le recours à l'information judiciaire a finalement été décidé par le PNF une semaine plus tard, pour un autre motif juridique.

La question de la désignation du juge d'instruction dans cette affaire a également été posée par voie de presse, et elle a été évoquée par M. Renaud Van Ruymbeke, doyen des juges d'instruction au moment des faits, que nous avons entendu la semaine dernière.

Ma première question est simple : comment se sont passées la désignation de M. Serge Tournaire dans l'affaire impliquant M. Fillon, acte qui relevait alors de vos prérogatives, et la suite de l'instruction ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je vais essayer de vous répondre de la manière la plus claire possible, en commençant par détailler la succession des faits et le mode de désignation des juges d'instruction qui, à Paris, est un peu plus compliqué qu'ailleurs en raison de la taille de la juridiction, où il y a désormais soixante-dix-neuf juges d'instruction.

C'est en réalité deux jours avant l'ouverture effective de l'information judiciaire dans le dossier Fillon, le mercredi, qu'Éliane Houlette m'a passé un coup de fil très bref pour m'en informer. Je n'ai participé à aucune réunion, je n'ai rien su de ce qui s'était passé auparavant et me tenais à 1 000 lieues de tout cela. Le vendredi, en fin de matinée ou en début d'après-midi, le dossier arrive à ce qu'on appelle le bureau 101, c'est-à-dire le secrétariat de la première vice-présidente chargée du service pénal, ce qui marque véritablement l'ouverture de l'information.

S'agissant de la désignation des juges d'instruction, un tableau de roulement organise une permanence pour tous les pôles dès lors qu'une personne est déférée. Cela signifie qu'à l'issue d'une garde à vue de quarante-huit ou quatre-vingt-seize heures, selon les cas et le type de procédure, la personne concernée est présentée à un juge d'instruction aux fins de mise en examen. Elle doit comparaître à l'issue de sa garde à vue et transite par un lieu d'attente gardé. Le système de permanence permet de savoir quel juge prendra le dossier.

Pour ce qu'on appelle les ouvertures sur courrier, en revanche, le tableau de roulement ne s'applique pas : il s'agit de désignations gérées par la présidence, en l'occurrence la première vice-présidente chargée du service pénal.

En réalité, le tableau de roulement fonctionne moins qu'on ne l'imagine pour les ouvertures d'information. Rien que pour le service général, 25 % des ouvertures d'information se font sur courrier : ce sont les très nombreuses plaintes déposées dans des affaires de presse, d'injures raciales, de diffamation, ou dans des procédures parfois ouvertes contre X pour des infractions extrêmement sensibles. La question du juge de permanence ne se pose donc pas. Au pôle antiterroriste, les ouvertures se font aussi très souvent sur courrier, par exemple quand on souhaite démanteler un réseau, qu'on n'a pas encore identifié tous les auteurs des faits et qu'ils n'ont donc pas été déférés. Au pôle santé publique, ce sont près de 95 % des dossiers qui sont ouverts sur courrier. Au pôle financier, en dehors de quelques ouvertures sur défèrement, ce sont aussi des ouvertures sur courrier.

Il est également important de comprendre que, même en cas de défèrement, le seul moment où la présidence peut véritablement mettre en place une co-saisine ou une collégialité, c'est lors de l'ouverture de l'information. Depuis que je suis chef de juridiction, j'ai toujours veillé à faire en sorte que les magistrats travaillent en co-saisine, c'est-à-dire à deux, ou plutôt en collégialité, à trois, car cela permet un débat et une majorité peut se dégager s'il y a une divergence d'appréciation – ce n'est pas un scénario complètement artificiel.

Les ouvertures sur courrier concernent toujours des dossiers sensibles, ce que j'illustrerai par deux exemples : l'incendie de Notre-Dame et celui de l'usine Lubrizol à Rouen. Mais il y en a bien d'autres.

Pour les ouvertures sur courrier se pose donc la question du choix des magistrats. Les critères sont un peu les mêmes à chaque fois. Il faut être conscient que les affaires politico-financières présentent un risque pour les magistrats qui en sont saisis. Mon souci a toujours été de répartir le risque, en évitant d'attribuer systématiquement les dossiers aux mêmes juges. Toutefois, dans les dossiers les plus sensibles ou présentant les plus forts enjeux, je ne peux faire autrement que d'aller vers les magistrats les plus chevronnés. Dans toute société humaine, dans toute organisation, quand les enjeux sont considérables, on est tenu de limiter la part de difficultés liées à des tâtonnements procéduraux en allant vers les plus expérimentés.

Pour l'affaire Fillon, j'ai essayé de raisonner à partir de ces critères : collégialité, répartition du risque, expérience des magistrats.

Le pôle financier compte en mars 2017 neuf magistrats : Renaud Van Ruymbeke, Claire Thépaut, Serge Tournaire, Aude Buresi, Patricia Simon, Charlotte Bilger, Guillaume Daïeff, Roger Le Loire et Stéphanie Tacheau. Je devais aussi avoir à l'esprit qu'il fallait envisager la relève générationnelle, car un certain nombre de juges d'instruction allaient quitter à terme le pôle financier. Je me suis donc adressé aux magistrats en charge de ce qu'on appelle la délinquance astucieuse – expression complètement décalée par rapport à la réalité, qui désigne les escroqueries en bande organisée tels que les trafics de bitcoins et tous les trafics internationaux – pour essayer d'en faire « monter » quatre autres : Dominique Blanc, Sophie Mougenot, Clément Herbo et Cécile Lony.

Je savais que Guillaume Daïeff devait quitter le pôle financier à l'été 2017 en raison de la règle des dix ans ; il n'était donc pas concevable de lui confier pareil dossier. Charlotte Bilger est une magistrate talentueuse, mais son père tient un blog très polémique sur lequel il publie des propos très fréquemment hostiles à Nicolas Sarkozy. J'ai considéré qu'en la choisissant je la mettrais immédiatement en difficulté et que je provoquerais une polémique ; elle en était d'accord. Il se disait de Roger Le Loire qu'il envisageait de se présenter aux élections législatives comme candidat Les Républicains dans une circonscription de l'Eure, ce qui pouvait rendre sa désignation compliquée.

Quant à Patricia Simon et Claire Thépaut, sur lesquelles je m'attarderai quelques instants, elles ont été en charge de l'affaire dite des écoutes de l'Élysée, qui fait toujours autant de bruit en 2020. Elles ont été saisies de ce dossier peu de temps après la création du parquet national financier. Cette affaire a suscité dès le départ d'intenses polémiques qui, quatre ans plus tard, n'ont pas cessé, et dont je ne méconnais pas la gravité.

Pour être tout à fait précis, quand je prends mes fonctions en septembre 2014, ce dossier divise très profondément, en raison de deux actes qui ont mis et la magistrature et le barreau en ébullition. Le premier acte est la saisie par les juges d'instruction d'un document à la Cour de cassation : son premier président dit que le document ne peut pas être saisi, au motif qu'il est couvert par le secret du délibéré, mais il est retrouvé lors d'une perquisition. Le deuxième acte est l'interception de conversations téléphoniques entre Thierry Herzog, avocat de Nicolas Sarkozy, et le bâtonnier de l'époque, dans un climat d'écoutes et de perquisitions dans les cabinets d'avocats. Le dossier est donc sous très haute tension. Il fait l'objet de recours en annulation devant la chambre de l'instruction, qui valide les actes. Puis, le 22 mars 2016, de mémoire, la Cour de cassation annule la saisie et l'interception téléphonique.

J'ai considéré en conscience qu'il convenait de protéger ces deux collègues d'une nouvelle polémique, d'une nouvelle tension à l'ouverture même de l'information, et n'ai pas envisagé de désigner ces « deux dames » pour le dossier François Fillon.

Restent donc quatre collègues : Renaud Van Ruymbeke, Serge Tournaire, Aude Buresi et Stéphanie Tacheau.

Renaud Van Ruymbeke a été saisi de trois dossiers concernant le Front national : un premier, qui a été jugé récemment, sur les kits de campagne, et deux autres sur les assistants parlementaires européens, me semble-t-il. Ces dossiers ont été confiés au même cabinet parce qu'ils sont connexes : ils renvoient l'un à l'autre. Renaud Van Ruymbeke est également le juge d'instruction en charge des deux dossiers Balkany.

Je précise sous serment que, sous ma présidence, je n'ai jamais désigné Serge Tournaire dans un dossier susceptible de concerner M. Nicolas Sarkozy ; jamais. Un dossier arrive concernant, à l'époque, l'UMP : il s'agit, si j'ai bonne mémoire, d'un rapport des commissaires aux comptes qui contestent les comptes du parti. Je l'ai confié non pas à Serge Tournaire, mais à Renaud Van Ruymbeke.

[RECTIFICATIF (transmis par M. Jean-Michel Hayat par courriel à la commission d'enquête, le mercredi 8 juillet 2020 à 22h50) :

« J'ai déclaré involontairement un point inexact lors de mon audition du 2 juillet dernier et je souhaite pouvoir apporter une rectification à mes propos.

J'ai indiqué que le dossier d'information des pénalités de l'UMP ouvert contre X… avait été confié à M. Renaud Van Ruymbeke. Cette affirmation est parfaitement exacte mais il apparait qu'en réalité, il était le premier désigné au sein d'une collégialité composée de M. Serge Tournaire et de M. René Grouman.

Cela n'enlève rien à la suite de mes propos. C'est bien M. Van Ruymbeke qui a rendu une ordonnance de non-lieu, au terme d'une information dont je n'ai strictement rien su quant à son déroulement.

Pour être tout à fait précis, afin de préparer au mieux mon audition, j'ai demandé au 1er VP chargé du service pénal de l'époque qui avait été désigné dans ce dossier et M. Jean-Baptiste Parlos, actuellement premier président de la cour d'appel de Reims, m'a bien confirmé que c'était M. Van Ruymbeke qui avait été en charge de cette procédure.

C'est dire comme la collégialité mise en place dans ce dossier, ouvert un mois après ma prise de fonctions n'avait pas particulièrement focalisé mon attention.

Mais dans un souci de vérité, je tiens à apporter cette précision. »]

Se pose la question de savoir qui je dois désigner, alors que je n'ai jamais confié aucun dossier concernant Nicolas Sarkozy depuis que je suis président du TGI de Paris, soit 2014. C'est un problème de conscience. J'avais, je le savais, deux magistrats de très haut niveau, mais il m'est apparu que si je confiais le dossier à Renaud Van Ruymbeke, je risquais de déclencher immédiatement une polémique pour avoir désigné un juge d'instruction ayant dans son cabinet des dossiers impliquant deux candidats à l'élection présidentielle de 2017. J'ai surtout considéré qu'en agissant ainsi je ferais porter à ce magistrat un poids insupportable.

Il me restait par conséquent trois collègues de qualité : Serge Tournaire, dont je connaissais essentiellement la réputation en tant que juge d'instruction à la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, où il avait brillamment réussi ; Aude Buresi, une juge d'instruction chevronnée qui revenait d'un détachement à la Cour des comptes ; Stéphanie Tacheau, plus jeune magistrate, faisant partie de la relève générationnelle et aucunement marquée par des engagements particuliers. J'ai retenu cette collégialité, sachant que Serge Tournaire et Aude Buresi travaillaient ensemble sans difficultés ou tensions particulières dans d'autres dossiers.

Laissez-moi ajouter quelques précisions, pour être tout à fait complet, et pour bien tenter de vous convaincre que j'ai toujours essayé de répartir les risques et de confier les dossiers les plus sensibles aux magistrats les plus chevronnés. À peine l'élection présidentielle passée, en mai 2017, un nouveau dossier éclate : celui du Mouvement démocrate (MODEM), susceptible de concerner François Bayrou et Sylvie Goulard. Je désigne Charlotte Bilger et Patricia Simon. Pour l'affaire Business France, relative à une soirée à Las Vegas et à un arbitrage rendu par Muriel Pénicaud – affaire sensible s'il en est –, je désigne Renaud Van Ruymbeke et Dominique Blanc. Concernant la perquisition à La France insoumise, une affaire qui suscite un vif émoi et beaucoup de polémiques, je désigne Dominique Blanc et Pascal Gastineau. Pour un autre dossier ultrasensible qui va déclencher de nouvelles polémiques, l'affaire des Mutuelles de Bretagne, susceptible de concerner Richard Ferrand, je désigne Renaud Van Ruymbeke et Cécile Meyer-Fabre. L'affaire est dépaysée à la suite d'une décision de la Cour de cassation. Dans l'affaire dite Benalla, je désigne deux juges d'instruction du service général et dans l'affaire Carlos Ghosn, je désigne Bénédicte de Perthuis, issue du service correctionnel et qui vient de rejoindre le pôle financier. Tels ont été mes arbitrages.

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Merci pour ces explications qui me semblent tout à fait claires.

M. Van Ruymbeke, qui était alors doyen des juges d'instruction, nous a dit lors de son audition qu'il n'avait pas été associé à votre décision et qu'il l'avait découverte dans la presse le lendemain. Je comprends que vous n'aviez à associer personne, mais comment expliquez-vous que vous ayez pris cette décision très lourde en restant aussi seul ? Vous avez peut-être eu des entretiens bilatéraux avec certains magistrats, mais pas avec M. Van Ruymbeke.

Nous avons discuté de ce sujet avec M. Pascal Gastineau, président de l'Association française des magistrats instructeurs (AFMI), que nous avons entendu à huis clos. La question de la désignation des juges d'instruction est toujours sensible. Comment faire pour que cela ne reste pas, pour vos successeurs, une décision toujours délicate et inconfortable à prendre ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Le problème, c'est que la décision est extraordinairement lourde. Il faut éviter de discuter, de téléphoner car, comme vous l'avez vu, des conversations ont été interceptées au pôle financier. Imaginez donc qu'on retrouve un jour dans un journal une conversation avec un juge d'instruction sur sa capacité à traiter des dossiers concernant deux candidats à l'élection présidentielle !

Compte tenu du caractère exceptionnel de cette affaire, je savais que je devais me prononcer seul, après en avoir débattu avec la première vice-présidente chargée du service pénal et mon secrétaire général. J'ai considéré que cela aurait été très compliqué pour Renaud Van Ruymbeke, qui m'aurait dit qu'il n'y aurait pas de difficulté ; j'ai préféré le protéger, ce qui ne m'a pas empêché par la suite de lui confier les dossiers les plus compliqués. Il y a des moments dans la vie d'un chef de juridiction où celui-ci est renvoyé à sa propre solitude, parce qu'il n'a pas le choix. Le code de procédure pénale a été rédigé ainsi.

Si l'on en venait à un système de permanence pour les ouvertures sur courrier, cela poserait immédiatement des difficultés, compte tenu des nombreux éléments à prendre en compte. Il y a un moment où l'on doit décider.

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Si je comprends bien, vous décidez non pas seul, mais avec la première vice-présidente chargée du service pénal.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Oui, toujours.

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D'où cette question tout à fait naïve, derrière laquelle il n'y a aucune intention particulière : pourquoi ne pas associer le doyen Renaud Van Ruymbeke, qui intervient dans des désignations un peu plus classiques ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

C'est plus compliqué que cela. À la suite de la décision du Conseil supérieur de la magistrature qui a totalement blanchi Renaud Van Ruymbeke, celui-ci a été promu premier vice-président chargé de l'instruction. Il est ainsi resté très longtemps au pôle financier, et il avait l'autorité morale d'un doyen. C'était donc plutôt lui qui exerçait cette mission, de façon partagée, car les tâches administratives liées à cette fonction ne le passionnaient guère.

Je savais quelle était la position de Renaud Van Ruymbeke. Il arrive très souvent que les juges d'instruction revendiquent des dossiers, mais c'est au président qu'il incombe d'apprécier ce que dicte l'intérêt supérieur de la justice, en essayant de prendre en compte tous les éléments que j'ai mentionnés et qui sont difficiles à équilibrer. Je le répète parce que c'est important, Renaud Van Ruymbeke instruisait l'affaire des pénalités de l'UMP, puis celles de Business France et des Mutuelles de Bretagne.

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J'entends parfaitement vos arguments. Vous anticipez en fait les causes de récusation susceptibles d'être soulevées par les parties contre le ou les magistrats en charge de l'instruction. C'est cet aspect, plus que la masse des dossiers déjà confiés, qui motive votre choix.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Il est évident que la question de la partialité, de l'inimitié avec une partie, peut toujours se poser, et il faut l'anticiper. De très nombreuses requêtes en récusation sont formées contre des magistrats instructeurs. À ma connaissance, il n'y en a eu aucune dans tous les dossiers que je viens de mentionner.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Aucune. Pas même dans le dossier Fillon.

En cas de requête en récusation, c'est le premier président – en l'espèce, la première présidente – qui se prononce, à la suite des observations transmises par le magistrat concerné et par le chef de juridiction.

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Pendant votre présidence, combien de dossiers vous ont amené à décider seul, dans ces mêmes conditions ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

À peu près tous ceux que j'ai mentionnés, afin d'éviter les difficultés. J'ai estimé avoir une vision suffisamment claire de la répartition du risque, de l'expérience des magistrats et des types de dossiers concernés.

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Si j'ai bien compris, la décision est en réalité prise à trois. Gardez-vous une trace écrite de la réflexion conduite avec les autres magistrats ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Non. Le principe du délibéré, c'est précisément d'être secret et de ne pas laisser de trace écrite.

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Je tiens à vous remercier d'avoir accepté, bien volontiers, de comparaître une nouvelle fois devant cette commission d'enquête – je suppose, compte tenu de votre charge de travail, que ce n'est pas votre seul loisir… C'est important à nos yeux : un certain nombre de choses se sont passées depuis votre audition du 6 février dernier. Je pense en particulier aux déclarations de Mme Houlette, même si elles ne vous concernent pas directement.

Le PNF ouvre une enquête – on n'est pas encore au stade de l'instruction – le 25 janvier 2017 à la suite d'un article du Canard Enchaîné, puis des échanges ont lieu, notamment avec les avocats de M. Fillon, au niveau du parquet général et du PNF, et on arrive au vendredi 24 février, date à laquelle, si j'ai bien compris, est rédigé et signé le réquisitoire introductif, acte officiel de saisie d'un juge d'instruction – avant même de savoir qui sera saisi. Vous avez dit avoir reçu un coup de téléphone de Mme Houlette – le mercredi, sauf erreur de ma part. Aviez-vous été tenu informé, d'une manière ou d'une autre, de l'évolution du dossier depuis son ouverture ? Quel degré de connaissance en aviez-vous en dehors de l'appel de Mme Houlette ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je n'avais connaissance de ce dossier que par la presse. Je ne savais absolument rien d'autre. Que s'est-il passé entre le mercredi, date de l'appel, et le vendredi ? Cela correspond à des délais assez habituels quand on ouvre une information sur courrier – les policiers font les procès-verbaux de synthèse, mettent la procédure en forme, pour la transmettre d'une manière cohérente, bien ordonnée, au tribunal.

S'agissant de l'heure – j'ai vu qu'il y a eu une incompréhension –, que le dossier soit ouvert à neuf heures du matin, à midi, à quatorze heures ou à dix-huit heures n'a aucune importance dans les ouvertures sur courrier. Une collègue s'est interrogée, parce qu'elle était de permanence, mais ce n'était pas une ouverture sur défèrement. L'heure n'est donc pas un sujet.

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Vos explications sont extrêmement précises et concluantes, si je puis dire, s'agissant du mode de désignation, que vous avez bien voulu rappeler. Je crois que ce n'était pas clair dans l'esprit de tout le monde : on pouvait en rester à l'idée qu'il y avait un tableau de permanence et qu'il fallait le suivre, mais vous avez expliqué que cela s'applique en cas de défèrement mais pas dans les autres cas.

Vous souvenez-vous de la date à laquelle la désignation du juge a lieu ? Est-ce le même jour ou attendez-vous un peu ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

La désignation est faite le jour même, après une dernière discussion avec la première vice-présidente chargée du service pénal. Je tiens à préciser, en sachant que je dépose sous serment, que ce dossier n'a pas transité un quart de seconde dans mon bureau : je ne l'ai pas vu – je ne voulais pas le voir. C'est ensuite la première vice-présidente chargée du service pénal qui rédige la désignation des juges d'instruction et qui se charge de faire porter le dossier à ces derniers, étant entendu que la règle à peu près habituelle pour les ouvertures d'information sur courrier est la numérisation immédiate du dossier.

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C'est formellement la première vice-présidente chargée du service pénal qui désigne, mais par délégation du président que vous étiez à l'époque. Est-ce elle qui a signé la désignation du juge ? On aurait pu imaginer, compte tenu de la spécificité de ce dossier, que vous signiez vous-même. Par ailleurs, cela donne-t-il lieu à un échange écrit ou seulement oral, comme je crois le comprendre, dans les conditions de sécurité – pas uniquement juridique – que vous avez rappelées.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Son prédécesseur, Jean-Baptiste Parlos, passait me voir une fois par semaine, ou tous les dix jours, pour un certain nombre de désignations. La collègue qui l'a remplacé faisait également le point avec moi sur les informations à ouvrir, dans les différents pôles, qui nécessitaient que je sois saisi.

Il n'y a aucun document écrit : ce sont des mesures d'administration judiciaire, insusceptibles de recours.

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A-t-il pu arriver, pas nécessairement dans ce dossier, qu'un premier vice-président ne souhaite pas aller dans votre sens, qu'il y ait un débat sur la désignation d'un juge d'instruction ? Dans ce cas, je suppose que vous avez la main, que vous décidez, et que le premier vice-président – ou la première vice-présidente – applique votre décision. Avez-vous le soutenir de tels débats ou de positions divergentes ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je n'en ai pas le souvenir.

Il y a eu deux moments importants : le départ du pôle financier de Guillaume Daïeff, puis celui de Roger Le Loire, ce qui impliquait de répartir un grand nombre de dossiers sensibles. Patricia Simon m'a dit, pour faire simple, qu'elle avait un peu l'impression que les hommes étaient à la manœuvre. J'ai organisé une réunion au pôle financier pour assurer une répartition équitable, équilibrée et consensuelle de tous les dossiers de Guillaume Daïeff puis, un an plus tard, de Roger Le Loire – en la présence de ce dernier. Cela s'est passé, en fin de compte, sans difficulté. S'agissant de sa « succession », Renaud Van Ruymbeke a veillé à laisser une situation extrêmement saine – il y avait très peu de dossiers en cours dans son cabinet – mais nous avons également réfléchi à la meilleure organisation possible. Nous avons mis les dossiers « en nourrice » chez certains juges d'instruction. Le remplacement de M. Van Ruymbeke, comme vous le savez, a donné lieu à un appel à candidatures et la Chancellerie a mis un certain temps avant de soumettre un nom au CSM pour avis conforme.

J'ai beaucoup milité pour que la gestion des postes sensibles, comme celui de premier vice-président chargé de l'instruction ou de premier vice-président chargé du service correctionnel, fasse l'objet d'un appel à candidatures national. Cela veut dire, alors, qu'on n'est pas dans la cooptation, dans le réseau local, parisien. Je considérais qu'on excluait, sinon, des collègues de province qui pouvaient être intéressés par ces postes. Mon analyse, selon laquelle il fallait des appels à candidatures diffusés au niveau national par la Chancellerie, a été validée par Mme la première présidente. J'ai expliqué ma position au CSM lors d'une mission d'information – cela devait être en novembre 2016, mais j'ai un doute sur la date ; en tout cas, c'était avant le déménagement – et le CSM a également validé cette analyse. Le premier vice-président chargé du pôle financier à Paris a fait l'objet d'une procédure dans laquelle le CSM avait toutes les cartes en main : quand il y a un appel à candidatures, il connaît tous les candidats et peut donc voir le choix fait par la Chancellerie avant de dire oui ou non. L'intérêt est d'objectiver le mode de désignation pour ces postes ultrasensibles.

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Si j'ai bien compris, la désignation des juges d'instruction, à Paris, se fait par une décision du président ou du vice-président chargé du service pénal, par délégation. Dans ce dernier cas, cela concerne l'ensemble du service pénal, quel que soit le pôle concerné – je crois que nous sommes d'accord sur ce point. Le doyen des juges d'instruction intervient-il à un moment ou un autre dans la désignation ? Je présume qu'il s'agit du doyen de l'ensemble des juges d'instruction, et non de celui du pôle financier, car il ne compte que neuf magistrats – sinon, c'est vraiment de l'entre-soi.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Il y a un entretien préalable avec le doyen des juges d'instruction du pôle financier – ils sont bien au nombre de neuf, vous avez raison. Il y a aussi un entretien de la première vice-présidente en charge du service pénal avec le premier vice-président « instruction » chargé du pôle antiterroriste, du pôle santé publique ou du crime organisé. Il y a des échanges et ensuite un arbitrage au niveau de la présidence.

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La première vice-présidente chargée du service pénal s'entretient avec le doyen de chacun des pôles…

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

En fonction de la nature des dossiers.

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Mais c'est à elle, ou à lui, que la décision échoit.

Vous avez très bien expliqué que vous avez procédé à la désignation de trois magistrats compte tenu de la difficulté de l'affaire, alors que vous n'y étiez pas obligé – vous auriez pu en désigner un seul, ou deux – pour assurer une vraie collégialité et permettre de dégager une majorité.

Vous avez évoqué la question de la place des femmes. En l'espèce, il y en a deux – Aude Buresi et Stéphanie Tacheau, dont vous avez expliqué le parcours et la légitimité –, en plus de Serge Tournaire, au sujet duquel nous avons davantage d'éléments.

Pouvez-vous rappeler à la commission comment le système fonctionne ? Quand vous désignez trois juges d'instruction, l'un d'entre eux a-t-il une prééminence sur les autres ? Serge Tournaire devenait-il nécessairement le chef de l'instruction – la formule n'est pas bonne, mais vous comprenez ce que je veux dire – ou bien les trois magistrats étaient-ils au même niveau ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Le premier nommé est celui qui coordonne l'instruction, et il est le seul autorisé à saisir le juge des libertés et de la détention (JLD).

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Tout à fait. L'idée est de se tourner, dans de tels dossiers, vers des magistrats extrêmement chevronnés. Je mets donc en avant Renaud Van Ruymbeke et Serge Tournaire.

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Vous êtes très attentif, vous l'avez dit, au profil, plus ou moins politique, des magistrats – vous prenez soin de ne pas désigner une magistrate remarquable mais dont le père a le malheur de tenir un blog, et vous en écartez un autre parce qu'il a affiché des sympathies ou qu'il a un engagement potentiel à droite. Ces scrupules sont plutôt à votre honneur, mais si on pousse plus loin le raisonnement sur l'apparence d'impartialité de la justice, qui fait partie de l'impartialité elle-même, comprenez-vous que l'on peut s'interroger sur le fait qu'il y a en même temps à Paris un président du tribunal de grande instance – vous-même – qui a été le collaborateur de Mme Ségolène Royal lorsqu'elle était ministre déléguée à l'enseignement scolaire – un petit ministère –, quinze ans plus tôt, et qui a ensuite été nommé par son conjoint, et une procureure générale qui vous a succédé au cabinet de Mme Royal – elle l'a confirmé ce matin ? Le monde étant petit, des nominations faites par le même Président de la République vous amènent à vous retrouver, tous les deux, aux plus hautes responsabilités dans certaines affaires politico-financières. Comprenez-vous que ce n'est sans doute pas le scénario idéal pour que la justice soit perçue, avec toute la sérénité possible, comme impartiale ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je vais essayer de vous répondre avec la plus grande franchise, monsieur le député.

Je ne connaissais absolument pas Ségolène Royal lorsqu'elle m'a proposé d'entrer dans son cabinet. Je l'ai fait après un entretien qui portait sur la manière de lutter contre la pédophilie au sein de l'Éducation nationale : ce sujet suscitait un vif émoi dans l'opinion. C'est en tant que juriste – on a supposé que ce critère était rempli – que j'ai été recruté. Un conseiller technique est là pour travailler sur des dossiers techniques, pour apporter une expertise à un ministre. J'ai travaillé sur un sujet qui était extrêmement sensible car il pouvait susciter un vif émoi auprès des syndicats d'enseignants, et j'ai eu la satisfaction de constater que la circulaire d'août 1997, rédigée dans les deux mois qui ont suivi ma prise de fonctions, était validée par le Conseil d'État.

Le deuxième sujet que j'ai traité n'était pas spécialement partisan : c'était la sécurité des sorties scolaires. J'ai aussi été en charge de l'enseignement privé, question qui avait poussé plusieurs millions de personnes à descendre dans la rue, notamment à Versailles, plusieurs années auparavant. Il n'y a pas eu une difficulté, une manifestation. J'ai également travaillé sur l'obligation scolaire, sur la lutte contre les sectes et sur les violences en milieu scolaire – j'ai essayé de faire en sorte que l'Éducation nationale soit mieux associée. Voilà des sujets que j'ai traités.

J'ai demandé à réintégrer la justice deux ans plus tard, pour retrouver mes fonctions de juge. Ensuite, je n'ai jamais participé à la moindre campagne politique, pour qui que ce soit, je n'ai aucun engagement partisan, je n'ai aucune carte, je ne suis membre d'aucune association, je ne fais partie d'aucun réseau d'influence et je ne suis membre d'aucun cercle de pensée.

J'ai vu ce matin dans Paris Match qu'on m'impute, cette fois-ci, le fait d'avoir participé au programme « justice » d'Emmanuel Macron. C'est absurde. Je n'ai jamais participé à l'élaboration du programme « justice » de quelque candidat que ce soit. Je n'appartiens à aucune écurie.

J'ai essayé pendant mes deux années en cabinet ministériel de faire mon travail. Nous sommes un certain nombre de magistrats à avoir travaillé dans ce cadre. Il y a néanmoins une grande différence selon moi : je ne suis pas allé au cabinet du ministre de la justice, mais de l'éducation nationale, ce qui n'a strictement rien à voir, à mon sens.

Catherine Champrenault est une camarade de promotion. Nous nous sommes connus en février 1979 à l'École nationale de la magistrature : elle était dans ma direction d'études. Elle avait alors l'image d'une auditrice de justice plutôt conservatrice. Lorsque j'étais à l'éducation nationale en 1997, la direction des affaires juridiques travaillait avec des codes de 1992, antérieurs au nouveau code pénal. Il fallait une personne ayant une expertise, et je lui ai proposé de rejoindre le ministère.

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Je n'aurais pas l'outrecuidance de m'interroger sur votre capacité à exercer les fonctions qui ont été les vôtres, où que ce soit – ce n'était pas l'objet de ma question.

Vous prenez des précautions en ce qui concerne l'engagement ou l'apparence d'engagement politique, sur la façon dont les choses pourraient être perçues par le justiciable et l'opinion publique. Ma question portait sur le fait que deux des trois plus hauts postes à Paris sont occupés par des personnes qui ont eu, quoi qu'on en dise, un engagement auprès d'une personnalité politique. J'ai été en cabinet ministériel : on a quand même une petite sympathie pour son ministre. Je me demandais quel pouvait être le regard extérieur sur ce concours de circonstances.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Ce qui est important, monsieur le député, et nous sommes peut-être là au cœur du sujet, est que le CSM dispose du pouvoir de proposition pour les présidents.

Quand j'ai été nommé président du tribunal de grande instance de Nice en 2005, le Président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et alors président du CSM – les textes ont ensuite été modifiés –, était Jacques Chirac. Quand j'ai été nommé président du tribunal de grande instance de Nanterre en 2010, le Président de la République était Nicolas Sarkozy. Puis j'ai été nommé à Paris par François Hollande en 2014.

Je suis probablement un des magistrats les plus inspectés, les plus contrôlés sur leur activité par la Cour des comptes et par l'inspection générale de la justice. Or on n'a jamais pu mettre en doute ma capacité de gestionnaire et de chef de juridiction.

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Je voudrais revenir sur le choix du juge d'instruction. Vous nous avez dit que dans les affaires politico-financières les plus sensibles, celles que vous avez énumérées, vous avez fait le choix de désigner seul le premier juge d'instruction, au lieu de vous en remettre à une collégialité ou, plutôt, de consulter. Vous avez assumé seul cette responsabilité.

MM. Davet et Lhomme, journalistes qui ont enquêté sur l'affaire dont nous parlons, et qui vous ont rencontré, me semble-t-il, vous ont demandé confirmation du fait que Mme Simon est venue se plaindre parce qu'elle se sentait écartée – le tableau de permanence, prévu par le code de procédure pénale, faisait que c'était logiquement son tour et qu'elle aurait dû être désignée. Confirmez-vous qu'elle est venue se plaindre de cette situation auprès de vous ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je n'ai pas accordé d'entretien à Gérard Davet et à Fabrice Lhomme. Je leur ai demandé de m'envoyer leurs questions par mail et je leur ai répondu de la même manière. Ils disent qu'il y a eu une explication orageuse : il n'y en a eu aucune. Je crois que j'ai invoqué le secret dans ma réponse à MM. Davet et Lhomme, car je n'aime pas beaucoup raconter mes entretiens avec des magistrats – ils risquent, sinon, d'avoir l'impression que nos échanges vont se retrouver sur la place publique lorsqu'ils me parlent – mais je n'ai rien à cacher à votre commission. J'ai expliqué à Mme Simon que l'affaire des écoutes l'avait nécessairement un peu affaiblie, qu'il fallait laisser passer cette période et qu'elle serait très rapidement désignée dans d'autres dossiers – elle l'a été dans celui du MODEM.

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Vous avez trouvé que Renaud Van Ruymbeke était un peu fragile – ou, en tout cas, vous aviez peur de trop charger sa barque… J'ai du mal à comprendre l'argument que vous avez évoqué : il aurait été chargé d'une affaire concernant l'UMP et Nicolas Sarkozy. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ? Je me souviens qu'il a refusé de signer le renvoi en correctionnelle de Nicolas Sarkozy dans le dossier des comptes de campagne, mais c'était en février 2016, un an auparavant. M. Tournaire avait alors signé seul le renvoi. Je ne vois pas ce que M. Van Ruymbeke avait encore comme dossier impliquant Nicolas Sarkozy au moment dont nous parlons.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Vous m'avez mal compris. Ce que j'ai souhaité dire est que Serge Tournaire ne s'est vu confier aucun dossier susceptible de concerner Nicolas Sarkozy sous ma présidence et qu'il y avait beaucoup de dossiers relatifs à des personnes de la même appartenance politique au cabinet de Renaud Van Ruymbeke, notamment les dossiers Balkany, qui ont été violents.

[RECTIFICATIF : « A la seule exception du dossier des pénalités de l'UMP ouvert en octobre 2014 dans lequel M.Serge Tournaire a été désigné au sein d'une collégialité en numero 2, aux côtés de M Renaud Van Ruymbeke, je confirme que M. Tournaire n'a pas été désigné, durant ma présidence dans d'autres dossiers susceptibles de concerner M. Nicolas Sarkozy, les désignations ayant été effectuées avant ma prises de fonctions à la présidence du tribunal de Paris qui est intervenue le 1er septembre 2014. »]

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Vous avez dit que vous ne vouliez pas que M. Van Ruymbeke ait deux candidats à l'élection présidentielle – vous avez cité l'UMP.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Factuellement, Marine Le Pen a fait l'objet d'une convocation aux fins de mise en examen pendant la campagne. Il me semble, de mémoire, qu'elle ne s'y est pas présentée. La tension était extrême. Le pôle financier, rue des Italiens, se retrouvait avec deux candidats à l'élection présidentielle. Cela devient, permettez-moi de le dire, de plus en plus violent, de plus en plus rude.

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Lors de la désignation d'un juge d'instruction ou lorsque Mme Houlette vous informe de l'ouverture d'une information judiciaire, êtes-vous amené à discuter de la qualification pénale des faits retenus ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Jamais. Je n'ai eu aucune discussion avec le PNF ou avec le parquet de Paris sur un quelconque dossier, et j'ai mis un terme à une pratique ancestrale qui conduisait, parfois, à des réunions entre des juges d'instruction susceptibles d'être désignés dans des dossiers, les enquêteurs et le parquet. J'ai considéré que ce n'était pas possible. Il y a d'abord les enquêteurs et le parquet, l'ouverture d'une information puis les juges d'instruction interviennent, une fois qu'ils sont désignés. Je suis très soucieux qu'il en soit ainsi.

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La Cour européenne des droits de l'homme a consacré le principe de l'impartialité du juge, qui fait aussi partie de nos principes – enfin, je l'espère. Elle est notamment définie par l'absence de préjugés. Quand le même magistrat instructeur a quatre, cinq ou six affaires mettant en cause le même justiciable, en l'occurrence Nicolas Sarkozy – cela peut être un saucissonnage de dossier, ce qui n'est pas mal pour alimenter la chronique : on a parfois un peu l'impression que c'est le cas –, pensez-vous que cette personne peut encore avoir le sentiment d'avoir affaire à une justice impartiale, à un juge n'ayant pas de préjugés ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

J'entends votre inquiétude, et je pense qu'il faut avancer, que l'on doit réfléchir à cette question. Je n'ai jamais désigné Serge Tournaire en empilant des dossiers relatifs à un même justiciable. Je considère que je ne suis pas concerné par les choix faits à un autre moment. Néanmoins, je ne me dérobe pas à la question que vous avez posée : je pense qu'elle est fondamentale. Toute l'institution judiciaire doit encore progresser en ce qui concerne la notion d'impartialité, lors de l'instruction comme de la phase de jugement. C'est le seul moyen de convaincre nos concitoyens de l'indépendance de la justice, du fait qu'elle ne repose pas sur des appréciations partisanes.

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Je vous remercie, monsieur le premier président, pour vos propos très concrets qui ont répondu à nos interrogations.

Ma question sera beaucoup plus générale que celle de M. Marleix concernant les progrès que l'institution judiciaire doit réaliser, vous l'avez dit, en matière d'impartialité : les moyens dont vous disposez sont-ils à la hauteur de cette ambition ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Évidemment non. La politique du PNF, qui ouvre peu d'informations judiciaires, a compliqué mon action : moins elle en ouvre, moins je peux justifier auprès de la Chancellerie une augmentation des moyens. Celle-ci s'est montrée exceptionnellement réactive pour les dossiers liés au terrorisme : j'ai pu obtenir des moyens supplémentaires en temps utile – nous sommes passés de huit à douze juges d'instruction et de huit à douze JLD – mais le problème se pose aussi pour les affaires financières ou les crimes contre l'humanité.

Un deuxième phénomène doit être pris en compte : les affaires relevant des JIRS. Une affaire liée au grand banditisme comporte forcément un volet financier. Or un juge d'instruction JIRS « criminalité organisée » n'est pas forcément spécialiste des circuits de blanchiment et il faut désigner un juge JIRS « financier ».

Je me suis battu pour que le tribunal et la cour d'appel de Paris aient des moyens supplémentaires. J'ai ainsi obtenu un juge d'instruction supplémentaire – mais un seul – pour la JIRS. Les huit premiers présidents des cours d'appel « JIRS » ont appelé l'attention sur l'embouteillage complet des chambres de l'instruction et des chambres des appels correctionnels. Quatre postes supplémentaires me sont promis, dont j'attends la confirmation demain matin.

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Pour les dossiers sensibles, vous choisissez donc quasi systématiquement la co-saisine ou la collégialité afin de répartir les risques et de protéger les magistrats. Je partage cette vision humaniste des choses mais sous l'angle de l'indépendance de la justice, qui est l'objet de cette commission d'enquête, il s'agit de répartir quels risques et de protéger de quoi ? Le juge d'instruction serait-il sujet, sinon à des menaces, du moins à des pressions, à une influence ? Vos propos laissent libre cours à tous les mauvais fantasmes. Pourriez-vous apporter des précisions ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je vais essayer de dissiper votre inquiétude.

Lors des attentats de janvier 2015 et du 13 novembre suivant, j'ai chaque fois désigné six juges d'instruction. Il fallait aller vite, même si on multipliait aussi les risques de tensions et d'affrontements – le pôle antiterroriste a parfois connu des débats internes. Une équipe nombreuse et soudée peut faire face aux dangers – vous voyez à quoi je pense en la matière. J'ai reçu brièvement ces collègues après les attentats et je leur ai dit : « La France vous regarde. Elle espère qu'il n'y aura entre vous ni divisions, ni tensions et que vous saurez œuvrer ». Les dossiers de ces affaires monstrueuses ont été bouclés en quatre ans. S'agissant des attentats du 13 novembre 2015, nous attendons maintenant la décision de la chambre de l'instruction pour savoir si le procès peut être organisé.

L'union fait la force et protège des préjugés. Le juge d'instruction, le président de tribunal correctionnel et le président de cour d'assises que j'ai été sont convaincus que l'on est plus intelligent à trois que seul et que le débat au sein d'une collégialité, par exemple un délibéré de cour d'assises, permet d'échanger, de prendre en compte la sensibilité des uns et des autres, et de rendre une justice de plus grande qualité.

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Je comprends le besoin d'un grand nombre de juges d'instruction pour les attentats – de nombreuses victimes doivent être entendues, et il s'agit aussi de réduire le risque individuel d'exposition. En revanche, François Fillon n'allait pas attenter à la vie de magistrats, qui n'étaient pas exposés à un risque en instruisant son dossier. Limiter le risque, y compris celui d'une erreur, par la pluralité, me paraît correspondre à une très bonne administration de la justice. Néanmoins, de quoi faut-il protéger les magistrats dans les affaires venant du PNF ? Est-ce des pressions extérieures, des médias, de l'exécutif, des politiques ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je me suis peut-être mal exprimé.

J'essaie de désigner des magistrats qui ne feront pas l'objet de polémiques immédiates.

Par ailleurs, la force de la collégialité, c'est d'être trois pour réfléchir à la stratégie, de pouvoir procéder à des auditions ensemble, à deux ou à trois, et d'échanger entre collègues, hommes et femmes, afin d'enrichir la réflexion. Lorsque Robert Badinter a souhaité la collégialité, j'ai été l'un des rares juges d'instruction à soutenir ce projet, qui me semblait aller dans le sens de l'histoire. Très contestée à l'époque, la collégialité est aujourd'hui une évidence même s'il a fallu du temps pour convaincre des magistrats souvent un peu solitaires qu'ils devaient apprendre à travailler en équipe – au début, on parlait de « vraie collégialité » et de « fausse collégialité ».

Il ne s'agit pas de se protéger d'une menace extérieure mais de garantir l'existence d'un débat, au sein d'une équipe qui s'entend. De vives tensions ont pu avoir lieu dans le passé, par exemple entre Eva Joly et d'autres magistrats instructeurs, et l'image donnée par l'institution judiciaire n'a pas forcément été excellente. Autant que faire se peut, j'ai essayé d'éviter cet écueil.

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Je vous remercie pour vos réponses précises et complètes, et je salue votre vigilance sur la question de la collégialité, qui est un enrichissement, mais aussi sur celle de la parité.

Vous avez évoqué la dureté des affaires politiques, qui risquent de se multiplier. Je reprends à mon compte la question qu'a posée M. le rapporteur à l'occasion d'une autre audition : seriez-vous favorable à une trêve de l'action publique pendant la période électorale, chaque fois qu'un candidat, en particulier à l'élection présidentielle, serait mis en cause ? Personnellement, je ne le souhaite pas, mais est-ce d'après vous un moyen de rendre l'instruction plus sereine et d'assurer une meilleure indépendance de la justice ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

C'est une question très difficile.

Le débat devient en effet de plus en plus âpre. J'ai été frappé par ce qui s'est passé pour Benjamin Griveaux lors de la campagne des élections municipales, où ce candidat a été emporté en quelques heures.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

En l'occurrence, il n'y a pas eu l'ombre d'une vérification judiciaire : la candidature de Benjamin Griveaux a « explosé en vol ».

La diffusion de fausses informations se multipliera sur les réseaux sociaux. J'appelle à ce propos votre attention sur le dispositif adopté par le législateur en ce qui concerne la diffamation en période électorale par la diffusion de fausses nouvelles. Le seul tribunal de Paris se voit saisi des fake news de Saint-Denis de La Réunion, Fort-de-France, Montpellier ou Dunkerque lors d'élections nationales !

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Vous avez concentré sur une seule juridiction le traitement de contenus particulièrement diffamatoires qui peuvent salir l'honneur d'un candidat à des élections législatives ou présidentielles. Dans ces cas-là, les candidats diffamés se rendent à l'audience parce qu'ils veulent laver leur honneur tant ces procédés sont odieux, et le tribunal de Paris devrait traiter ces affaires en quarante-huit heures ? Nous allons au-devant d'une difficulté à laquelle il convient de réfléchir, me semble-t-il, à deux ans de la prochaine échéance présidentielle.

Je n'ai ni l'autorité ni la compétence pour répondre à votre question sur la trêve judiciaire, mais je crains que l'on dise qu'il y a une pause pour les uns et pas pour les autres, que le traitement des citoyens devant la loi pénale n'est pas égal. L'ouverture d'une information me semble la meilleure des garanties dans la procédure pénale actuelle, en raison de l'existence d'un débat contradictoire. Un problème se pose lorsqu'une enquête préliminaire dure deux, trois ou sept ans, sans possibilité d'accéder au dossier, sans que les avocats sachent ce qu'il en est. Révisons peut-être la procédure pénale, réfléchissons, s'agissant des fadettes, à un mécanisme qui pourrait être calqué sur celui en vigueur pour les écoutes téléphoniques, mais une trêve pour les uns et pas pour les autres susciterait probablement un débat inutile.

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Je partage votre inquiétude sur les dangers de la désinformation pour le débat démocratique. J'ai été la rapporteure de la loi contre la manipulation de l'information – la discussion sur la territorialité a été âpre… Il s'agit de fausses informations et non de diffamation, mais je vous rejoins tout à fait en ce qui concerne les conséquences.

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L'Assemblée nationale vote les lois et c'est au Gouvernement de mettre en œuvre les moyens de les appliquer.

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Nous sommes tous conscients que les moyens ne sont pas au rendez-vous. Considérez-vous qu'une absence de collégialité met en péril l'indépendance et l'impartialité de la justice ?

Quels moyens mettre en œuvre pour que le secret de l'instruction soit effectif compte tenu des difficultés qui peuvent exister dès la désignation d'un juge d'instruction ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je tiens tout d'abord à dire à la représentation nationale que, pendant le confinement, la justice a travaillé : la cour d'appel de Paris, que j'ai l'honneur de présider, a ainsi rendu environ 5 200 arrêts.

L'indépendance de la justice suppose en effet des moyens supplémentaires mais l'autorité judiciaire doit aussi rendre des comptes sur leur utilisation. Je suis convaincu que les efforts à réaliser ne sont pas considérables ; néanmoins, il faut augmenter le nombre de magistrats et de fonctionnaires dans tous les secteurs. C'est indispensable pour rendre une justice de qualité dans des délais raisonnables.

Dans un dossier, dès lors qu'il existe plusieurs parties et que chacune demande une copie de la procédure, il peut y avoir des fuites dans la presse.

Une évolution envisageable est la motivation de la mise en examen. Le ou les juges d'instruction pourraient dire en quoi ils considèrent qu'il y a des indices graves et concordants. Une loi permet déjà des débats publics devant la chambre de l'instruction. Cette disposition est peu utilisée, alors qu'elle tend à ouvrir une fenêtre. La motivation de l'ordonnance permettrait de savoir sur quelle base les juges d'instruction se sont prononcés, et il faudrait ensuite qu'un appel soit possible. La clé de tout, c'est le recours, l'examen par une juridiction supérieure, pour vérifier ce qu'il en est.

Dans un monde de plus en plus connecté, où tout circule à la vitesse de l'éclair, une plus grande transparence est nécessaire. C'est l'opacité qui fait du mal à l'institution judiciaire.

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Avec mon collègue Xavier Breton, nous nous sommes posé la question de la motivation dans le cadre d'une réflexion sur le secret de l'enquête et de l'instruction.

Les juges peuvent motiver leur décision de mise en examen ou en détention, mais cette motivation doit-elle être rendue publique ? Les débats devant la chambre de l'instruction sont en effet théoriquement publics – pour en avoir présidé une, je peux dire que l'on n'y voit pas de journalistes, ou alors très exceptionnellement.

Je comprends bien la logique de ce que vous proposez : afin de répondre à la problématique du regard extérieur, on renforcerait celui-ci. Vous êtes donc favorable à ce que les ordonnances de mise en examen soient rendues publiques.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Je suis ouvert à tout, y compris à ce que la défense demande que l'ordonnance ne soit pas rendue publique.

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

En effet.

On pourrait connaître exactement la position des magistrats du siège : cela me paraîtrait plus satisfaisant qu'un communiqué du parquet.

Lorsque j'ai quitté le tribunal de Paris, les juges d'instruction m'ont dit que les moyens de la chambre de l'instruction devaient être accrus. Eux-mêmes demandaient un contrôle plus rapide de leurs actes. J'espère être en mesure de créer, en septembre prochain, une formation supplémentaire à la cour d'appel de Paris, ce qui représente trois magistrats de plus. La chambre de l'instruction comprendrait alors huit formations.

En cas de contestation du déroulement d'une information, il faut pouvoir aller rapidement devant le juge d'appel, avant de saisir la Cour de cassation si l'on considère qu'il y a eu une erreur dans l'application du droit.

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Selon Paris Match, les relevés téléphoniques de certains magistrats auraient été exploités, y compris ceux de l'ex-procureure de la République financière. M. Van Ruymbeke s'en serait plaint, et on comprend pourquoi. Ce matin, Mme Champrenault a dit qu'une fusion des procédures avait été envisagée – en 2016, me semble-t-il. Qu'est-ce que cette affaire vous inspire ? Renforce-t-elle, à vos yeux, la nécessité d'un rééquilibrage entre le parquet et le siège au niveau de l'instruction et de l'enquête préliminaire ?

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Il n'est pas normal qu'une enquête préliminaire dure des années sans que le principe du contradictoire s'applique. La défense ne peut pas exercer de contrôle. Plus encore, la procédure pénale ne prévoit pas qu'un organe juridictionnel puisse contrôler la régularité des actes. Indiscutablement, il y a là un trou dans l'organisation de nos juridictions.

Je suis heurté à l'idée que des fadettes d'avocats, soumis au secret professionnel, soient exploitées. Lorsque j'ai pris mes fonctions, Renaud Van Ruymbeke m'a alerté car il avait le sentiment que le standard du pôle financier faisait l'objet de vérifications. Je n'avais aucun moyen de le savoir.

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Vous ne pouviez pas vous-même ouvrir une enquête préliminaire !

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Jean-Michel Hayat, premier président de la cour d'appel de Paris

Un mois après ma prise de fonctions, une affaire de saisie des téléphones portables professionnels du bâtonnier d'Ajaccio – il contestait le principe de cette saisie – m'a été soumise. En la matière, ce n'est pas le JLD qui est compétent mais le président du tribunal – et comme il s'agissait d'une affaire de terrorisme, c'était moi, en tant que président du tribunal de grande instance de Paris. J'ai eu le sentiment que les téléphones de ce bâtonnier avaient été saisis dans l'espoir de trouver quelque chose sans que l'on me dise précisément quoi. J'avais un peu l'impression que nous allions à la « pêche à la preuve ». En conscience, j'ai pris la décision de restituer les téléphones au bâtonnier, qui a ensuite été jugé. C'était à mes yeux une question de principe. Pour l'anecdote, je précise que la défense était assurée par des avocats du barreau de Paris, notamment Me Vincent Nioré.

Cette décision ne m'a pas valu que des amis dans la maison mais elle a eu une vertu : calmer le jeu. Les JLD étaient heureux que leur chef de juridiction ait fait part de sa position sur une question aussi sensible et, pendant deux ou trois ans, j'ai cru que les choses s'étaient arrêtées.

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Je vous remercie pour vos réponses.

J'ai dit tout à l'heure que c'est le Gouvernement qui met les moyens mais il est vrai que c'est nous qui votons le budget. Je ne voudrais pas nous dédouaner de nos propres responsabilités !

Nos auditions s'achèvent la semaine prochaine afin que M. Paris puisse commencer la rédaction du rapport, et moi celle de l'avant-propos, nos travaux devant s'achever au début du mois de septembre.

Nous avons exclu des propositions d'auditions que la presse avait présentées comme des hypothèses de travail, mais nous entendrons Mme Christiane Taubira, ancienne garde des Sceaux et ministre de la justice, Mme Nicole Belloubet, actuelle garde des Sceaux et ministre de la justice, ainsi que M. Jérôme Kerviel.

La séance est levée à 16 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Ugo Bernalicis, M. Olivier Marleix, Mme Naïma Moutchou, M. Didier Paris, M. Antoine Savignat, Mme Cécile Untermaier

Excusé. - M. Ian Boucard