Commission des affaires étrangères

Réunion du mardi 18 février 2020 à 17h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Audition, ouverte à la presse, de M. Franck Riester, ministre de la culture, sur l'audiovisuel français dans le monde.

La séance est ouverte à 17 heures 35.

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Mes chers collègues, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numériquedoit être examiné en séance à l'Assemblée nationale à la fin du mois de mars. Aussi avons-nous invité M. le ministre de la culture, que je remercie vivement d'être présent parmi nous, à se prêter à une audition consacrée à la diplomatie culturelle et d'influence de la France, sujet ô combien important pour notre commission.

Notre audiovisuel extérieur s'appuie sur nombre d'intervenants, en particulier France Médias Monde, TV5 Monde et ARTE ; il concourt à notre diplomatie d'influence et participe à la promotion de la francophonie et de la diversité culturelle. En prévision de l'examen du projet de loi, notre commission a créé, à l'automne dernier, un groupe de travail sur l'audiovisuel français dans le monde. Je tiens à remercier l'ensemble de ses membres, qui ont contribué à mettre sur la table un certain nombre de propositions, tout particulièrement Jean-François Portarrieu, rapporteur pour avis de notre commission sur le projet de loi, et Alain David, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'action audiovisuelle extérieure.

Je vous ai envoyé ces propositions dès le mois de novembre dernier, monsieur le ministre. Parmi celles-ci figurent la création d'un budget plancher pour France Médias Monde, future filiale de la holding France Médias, ou encore la nomination de deux des quatre personnalités qualifiées de son conseil d'administration par les commissions parlementaires chargées des affaires étrangères, afin de s'assurer que les enjeux propres à l'audiovisuel extérieur soient réellement pris en compte au sein de la future holding. Nous appelons aussi à une reconnaissance de la contribution de l'audiovisuel extérieur à l'aide publique au développement de la France, à la création d'une instance de coordination de l'action internationale de l'ensemble des opérateurs de l'audiovisuel public qui seront intégrés à France Médias, à la promotion de la création et de la diffusion de la création audiovisuelle française dans le monde, ainsi qu'à une meilleure accessibilité des chaînes françaises à l'étranger, en particulier celles de France Télévisions. Nous serions très heureux, monsieur le ministre, de vous entendre sur ces propositions.

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Franck Riester, ministre de la culture

C'est un vrai plaisir que d'être cet après-midi devant vous, et pour la première fois, d'ailleurs, en ce lieu, pour parler d'un projet de loi majeur pour l'avenir de la diplomatie culturelle de notre pays. Certes, son titre est un peu long, mais il concerne notamment la souveraineté culturelle de notre pays, question à laquelle je vous sais très attachés. Je vous remercie de votre invitation, ainsi que de vos contributions, que Mme la présidente a bien voulu me transmettre. Nous étions convenus qu'il était important que nous en parlions ensemble, notamment lors de cette audition, même si, bien évidemment, j'ai bien pris en compte un certain nombre de vos remarques dans le cadre de la réflexion que j'ai menée avec mes équipes.

Depuis que je suis devenu ministre, je veille à ne pas exclure la dimension internationale du champ de la culture. De la même façon, les affaires étrangères ne sauraient évacuer la question de la culture. Mon collègue Jean-Yves Le Drian, que je tiens à saluer, et avec qui nous travaillons étroitement sur de très nombreux sujets, l'a rappelé la semaine dernière encore lors de son audition devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation : la culture est un moyen de consolider la souveraineté et la place de notre pays - et de l'Europe – dans la mondialisation. La culture contribue au rayonnement de notre pays, partout dans le monde. J'en suis pleinement convaincu, et les voyages relativement nombreux que j'ai eu l'occasion de faire en quinze mois me l'ont démontré, si tant est que cela fût nécessaire. C'est tout particulièrement le cas dans le domaine de l'audiovisuel, bien sûr, à travers nos programmes audiovisuels, notre cinéma et nos contenus d'information.

Sur ce terrain, nous assistons depuis plusieurs années à une véritable bataille des contenus. De nouveaux diffuseurs ont vu le jour, avec des capacités d'investissement considérables et des offres de programmes globalisées. Des réseaux sociaux de plus en plus puissants se sont peu à peu imposés comme sources d'information. Ces nouveaux acteurs ont su séduire les Français, leur apporter des services souvent très appréciés, mais leur taille et leur caractère global portent le germe d'un risque d'uniformisation, le risque d'une domination sans partage des plus gros acteurs, qui sont tous étrangers.

Face à ce risque, nous sommes convaincus que nous devons donner à nos acteurs nationaux les moyens de rayonner davantage encore, et créer un cadre qui permettra l'intégration vertueuse de ces nouveaux acteurs étrangers à notre modèle, au bénéfice de la diversité culturelle. Je veux que nous donnions à nos acteurs nationaux les moyens d'être des champions. Le premier d'entre eux doit être notre audiovisuel public. Mon ambition est d'en faire une référence en Europe et dans le monde. Il a tous les atouts pour le devenir. En matière d'action audiovisuelle extérieure, notre pays a la chance d'avoir des acteurs dont le mérite est incontestable, et auxquels je sais que votre commission est particulièrement attachée.

Je pense en premier lieu, évidemment, à France Médias Monde. Pas plus tard que ce matin, j'ai participé à la matinale de Radio France internationale (RFI), qui est l'une de ses composantes. France Médias Monde est et doit rester le média français d'information internationale de référence, qui défend nos valeurs partagées d'indépendance, de démocratie et de pluralisme. À travers France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya (MCD), France Médias Monde offre aux auditeurs et aux téléspectateurs, en quinze langues différentes et sur les cinq continents, une information ouverte sur le monde et sur la diversité des cultures et des points de vue, au moyen de journaux d'information, de reportages, de magazines et de débats. Dans l'environnement international complexe que nous connaissons, son rôle est plus essentiel que jamais : la liberté d'information, la lutte contre les « infox » – les fameuses fake news –, le rayonnement culturel de la France, l'éducation et la promotion de la francophonie doivent être au coeur de son action.

Je pense aussi, bien sûr, à TV5 Monde : distribuée dans plus de 200 pays auprès de 364 millions de foyers, elle est le premier outil de promotion des programmes audiovisuels français et francophones, lesquels représentent 68 % du temps d'antenne de la chaîne. La diffusion linéaire se doublera, à compter de cette année, d'une plateforme numérique en cours de développement, dénommée TV5 Monde plus. La France prend pour deux ans la présidence de la conférence de TV5 Monde, ce qui constitue une belle occasion de bâtir le prochain plan stratégique de la chaîne. Nous le ferons aux côtés de nos amis belges, suisses, canadiens et québécois, en liaison avec vous, parlementaires, et j'espère que nous serons très vite rejoints par d'autres.

La chaîne ARTE joue également un rôle tout particulier, et même central, dans le rayonnement de notre création. Utopie devenue réalité, elle est un modèle de la coopération avec nos voisins d'outre-Rhin, un pont essentiel entre nos deux pays. C'est également une entreprise dont la projection dépasse désormais la France et l'Allemagne : grâce à son offre numérique multilingue – ARTE en six langues –, elle est désormais partie à la conquête de nouveaux publics, en Europe et au-delà.

Enfin, les sociétés à vocation plus nationale que sont France Télévisions et Radio France ne doivent pas être oubliées. France Télévisions distribue ses chaînes dans 70 pays, auprès de 38 millions de foyers, et les auditeurs de Radio France se recrutent bien au-delà de nos frontières – j'en veux pour preuve les déclarations du fondateur de Twitter, Jack Dorsey, qui qualifie régulièrement FIP de « meilleure radio du monde ».

Les résultats de notre action audiovisuelle extérieure sont indéniables. Les défis à relever face à la transformation numérique, à l'émergence des nouveaux acteurs et au contexte international de plus en plus complexe le sont tout autant. Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique doit nous permettre collectivement de relever ces défis. Je le présenterai à la commission des affaires culturelles et de l'éducation la semaine prochaine, et il sera examiné en séance publique à partir du 30 ou du 31 mars.

L'une des ambitions de ce texte est de rendre notre audiovisuel public plus fort. Pour ce faire, il faut le transformer, notamment en renforçant la cohérence et la mise en valeur de son action internationale. Pour la première fois, le projet de loi fait de l'action audiovisuelle extérieure l'une des cinq missions prioritaires assignées à l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public. Ces objectifs communs supposent une gouvernance unifiée : France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) seront donc réunis au sein d'un groupe public, France Médias, qui aura vocation, je le disais, à définir la stratégie commune de ces sociétés, mais aussi à développer les coopérations entre elles. Notre audiovisuel public doit développer une ambitieuse stratégie tri-médias – radio, télévision et numérique –, à l'échelle nationale comme à l'échelle internationale.

Pour atteindre ces objectifs, l'intégration de France Médias Monde au groupe France Médias est une nécessité. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et moi-même en sommes persuadés, c'est en faisant partie d'un groupe unifié que France Médias Monde participera au mieux au rayonnement international de la France et pourra exercer le plus efficacement possible ses missions de service public, si essentielles. C'est une formidable occasion d'approfondir et d'accélérer ses synergies avec les autres sociétés.

France Médias Monde restera l'acteur opérationnel de référence dans son champ d'action et continuera d'assumer la pleine responsabilité éditoriale de sa programmation

– j'insiste tout particulièrement sur ce point –, mais son expertise, ses ressources et ses contenus seront davantage mis à la disposition des services de France Médias qu'ils ne le sont dans l'architecture actuelle. C'est une chance, car il est essentiel de renforcer la présence et la qualité de l'information internationale sur nos chaînes nationales. À ce propos, j'étais ce matin avec les représentants de l'Union européenne de radio-télévision (UER), qui regroupe les sociétés de l'audiovisuel public en Europe. Son président, le directeur général de la British Broadcasting Corporation (BBC), a été très clair : le fait que la chaîne BBC World fasse partie du groupe BBC est une force, précisément parce qu'elle constitue un centre de ressources en matière d'informations internationales pour tout le reste du groupe. C'est ce que sera France Médias Monde pour le reste du groupe France Médias. En outre, cela permettra à chacune des sociétés de concentrer ses ressources sur ses spécificités, et donc à France Médias Monde de dégager, pour accomplir sa mission propre, une part plus grande des moyens qui lui sont alloués. Les orientations stratégiques et les axes prioritaires de développement spécifiques à France Médias Monde seront déclinés dans la convention stratégique pluriannuelle du groupe, qui vous sera soumise pour avis.

ARTE et TV5 Monde, en raison de leur situation – elles font intervenir un actionnariat étranger –, ne verront pas leur gouvernance modifiée : elles seront des filiales dites de second rang du groupe France Médias. Cela ne veut pas dire pour autant que les coopérations avec ces filiales ne s'accentueront pas, bien au contraire : je suis convaincu de la pertinence de mieux coordonner l'action de nos différentes entreprises de l'audiovisuel extérieur.

En matière d'audiovisuel public extérieur, le ministère de la culture n'est pas seul. Il peut compter sur l'engagement et l'appui du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui est associé à l'ensemble des décisions stratégiques relatives à France Médias Monde et à TV5 Monde. Cet esprit de coopération a prévalu lors des travaux de préparation du projet de loi, et il continuera à prévaloir à l'avenir, puisque des représentants du Quai d'Orsay siégeront au conseil d'administration de France Médias et de France Médias Monde. Tous ces acteurs seront autant de forces pour faire de notre audiovisuel public un champion international.

Cependant, pour faire de nos acteurs nationaux des champions, il faut aussi leur assurer un cadre de concurrence plus équitable. C'est ce que le projet de loi vise à créer, au bénéfice de la diversité culturelle. Je l'ai dit précédemment, l'arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur audiovisuel apporte des services que nos concitoyens apprécient, mais elle porte aussi en elle le risque de l'uniformisation. C'est cette crainte qui fut à l'origine, dès le milieu du XXe siècle, de notre système vertueux de financement de la création. En effet, notre marché national est relativement étroit, et les investissements audiovisuels par nature risqués. La tentation est grande pour les diffuseurs de présenter des oeuvres déjà testées et amorties sur d'autres marchés, notamment le marché américain. Si nous ne fléchons pas une partie des investissements vers la création française et européenne, les diffuseurs se tourneront naturellement vers l'offre la plus susceptible de toucher un public mondial, c'est-à-dire l'offre américaine – ou peut-être, à l'avenir, l'offre chinoise ou indienne. Malheureusement, c'est ce que l'on constate déjà dans les catalogues des plateformes, qui ne sont pour l'instant soumises à aucune règle. Sur Netflix, on trouve en moyenne 1 % d'oeuvres audiovisuelles nationales dans chaque catalogue ; en France, c'est à peine mieux, avec 6 %.

Notre objectif est de donner à la production et à la diffusion française les moyens de résister. En consolidant l'audiovisuel français, le projet de loi vise, comme son nom l'indique, à réaffirmer notre souveraineté culturelle, et à le faire dans et par le respect des valeurs essentielles qui ont fondé notre modèle : la conviction que ceux qui profitent de la diffusion des oeuvres doivent contribuer à leur financement, et notre conception de la diversité culturelle et de la liberté de création, qui fait notre spécificité, notre richesse et notre chance

– elle est l'une des raisons pour lesquelles la France n'est pas un pays comme les autres.

C'est parce que nous défendons la diversité culturelle que nous voulons intégrer dans notre modèle les services visant la France qui échappent pour l'instant à toute régulation. La directive services de médias audiovisuels (SMA), que nous transposons dans le projet de loi, permettra de le faire. La France a joué un rôle central dans sa négociation, et nous pouvons être fiers d'être le premier pays à la transposer. Le Président de la République, le Gouvernement, l'Assemblée nationale – vous en particulier, membres de cette commission –, le Sénat et le Parlement européen se sont mobilisés avec les professionnels pour gagner les batailles décisives qu'ont été l'adoption de la directive SMA et celle de la directive sur le droit d'auteur. Il nous revient désormais de démontrer que nous sommes déterminés à les transposer rapidement – ce que nous faisons ici.

Grâce à cette transposition de la directive SMA, tous les diffuseurs qui visent la France, peu importe leur lieu d'implantation ou leur nationalité, devront contribuer à la production audiovisuelle et cinématographique, comme les acteurs historiques. Ils devront financer la production française et européenne à hauteur de 25 % de leur chiffre d'affaires pour les acteurs spécialisés dans le cinéma et l'audiovisuel, et de 16 % pour les services généralistes. C'est une question d'équité ; le texte marque ainsi la fin d'une asymétrie en matière de régulation qui portait préjudice à nos acteurs traditionnels, puisque seules les chaînes de télévision étaient assujetties à ces obligations de financement. C'est donc un moyen de renforcer l'audiovisuel français face à la concurrence des plateformes et de permettre à nos acteurs d'être pleinement des champions nationaux ; c'est, en définitive, la garantie d'une diversité culturelle mieux protégée.

Cependant, notre diversité n'a de sens que si on lui assure une visibilité, et pas seulement en France, d'ailleurs. En effet, notre création audiovisuelle a vocation à être exportée. L'intégration des acteurs internationaux à notre modèle de soutien à la création assurera aux oeuvres françaises et européennes une visibilité internationale. Le quota prévu par la directive SMA, qui est de 30 % d'oeuvres européennes pour toutes les plateformes visant l'Union européenne, est une chance extraordinaire pour nos productions. C'est important pour nos contenus en France, mais aussi à l'export. À cet égard, la réforme du régime de contribution à la production des éditeurs de services devrait permettre d'encourager l'exportation. D'une part, les chaînes de télévision pourront détenir des droits sur une part élargie de leur investissement dans les oeuvres audiovisuelles. Elles pourront donc retirer de leur exploitation des marges et des recettes plus importantes, et ainsi réaliser plus d'investissements stratégiques en France et à l'international et prendre davantage de risques dans le financement des coproductions internationales. D'autre part, les producteurs indépendants auront plus de droits. C'est une garantie de sécurité pour le modèle français de production, par opposition au modèle américain, qui est fondé principalement sur la production exécutive. C'est aussi la garantie d'une meilleure rétention des actifs en France, d'une plus grande circulation des oeuvres et d'une exportation facilitée, puisque les producteurs garderont la maîtrise de l'exploitation. De surcroît, le dispositif garantira une rémunération satisfaisante des ayants droit.

J'ajoute que le rayonnement de nos oeuvres est le parfait complément de notre rayonnement comme terre de tournage, ce que la France est redevenue depuis quatre ans : grâce au renforcement des crédits d'impôt, la France attire chaque année 622 millions d'euros de dépenses supplémentaires, ce qui a créé 30 000 emplois. Nous attirons de plus en plus de tournages étrangers, qui viennent profiter du savoir-faire de nos industries, des équipes de nos entreprises et, bien sûr, de nos studios. L'année 2019 a ainsi été la meilleure année depuis la création du crédit d'impôt international : Wes Anderson est venu tourner The French Dispatch à Angoulême et Damien Chazelle sa série Netflix The Eddy. Avec le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, nous avons souhaité aller encore plus loin : le crédit d'impôt sera renforcé cette année, passant à 40 % pour les films à forts effets visuels qui viennent profiter du savoir-faire français dans ces domaines.

J'ai beaucoup parlé de diversité culturelle, mais une autre valeur est au coeur de notre modèle de l'exception française, et sera donc également au coeur du projet de loi : le droit d'auteur. Nous serons les premiers, je le disais, à transposer la directive SMA, mais c'est également vrai en ce qui concerne la directive sur le droit d'auteur. Vous le savez, nous avons déjà transposé une partie de cette directive dans la loi créant un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse. Le projet de loi relatif à l'audiovisuel servira de véhicule de transposition au reste de la directive. Il intègre de nouvelles dispositions, relatives à la responsabilité des plateformes en matière de partage de contenus portant atteinte au droit d'auteur. Les plateformes devront désormais conclure des licences avec les ayants droit pour diffuser leurs oeuvres. Nous n'accepterons pas la méconnaissance des principes du droit d'auteur ; nous n'accepterons pas que les autres acteurs de la chaîne de valeur cherchent à exclure les auteurs de la valeur créée.

Vous l'avez compris, le projet de loi marque une transformation importante : avec ce texte, nous érigeons un nouveau modèle ; un modèle plus équitable, car il imposera les mêmes règles à tous les diffuseurs ; un modèle plus juste, car il garantira mieux les droits des auteurs ; un modèle plus dynamique, car il ouvrira la voie à de nouvelles ressources pour notre audiovisuel. Avec ce texte, nous allons refonder l'audiovisuel, notamment public, pour qu'il soit plus fort, plus rayonnant et plus tourné vers le monde.

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Vous venez de le souligner, monsieur le ministre, notre audiovisuel extérieur public est un vecteur d'influence internationale et de rayonnement culturel indiscutable. J'ajoute que c'est aussi un atout appréciable pour l'ensemble de l'audiovisuel public français, à qui il fournit de l'expertise dans l'analyse et dans les programmes. Avec France Médias Monde, regroupement de France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya, ce sont environ 180 pays qui sont concernés, avec des programmes en vingt langues. Nous n'avons pas à rougir de la comparaison qui est régulièrement faite avec la vénérable BBC, que certains considèrent comme un modèle. Pour ma part, plutôt que de copier ce qui se fait outre-Manche, je crois préférable de réinventer le modèle public français, car nous avons incontestablement les atouts et les talents pour y arriver. De plus, si on ajoute TV5 Monde et ARTE, notre audiovisuel extérieur fait écho à plusieurs des axes de la diplomatie française, tant sur le plan thématique, à travers la promotion de la francophonie et d'un modèle d'information pluraliste et indépendant, que géographique, avec la place particulière qu'occupe notre audiovisuel extérieur, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Partout et par tous, l'information et la culture sont désormais identifiées comme enjeux d'influence. Cette dimension internationale ne peut pas, ne doit pas être oubliée.

Comme vous l'avez fort justement rappelé à l'occasion du soixantième anniversaire de votre ministère en citant Malraux, il y va du combat pour notre souveraineté culturelle. Dans un monde des médias qui se complexifie avec l'essor des plateformes numériques, les programmes circulent comme jamais auparavant, et on assiste, depuis plusieurs années, à la multiplication des acteurs et à une intensification féroce de la concurrence. Dans ce contexte, la réforme que vous proposez semble indispensable pour espérer réguler l'asymétrie entre les opérateurs traditionnels et les nouveaux acteurs numériques. Autrement dit, avec ce texte, on peut espérer réduire la domination américaine et prévenir celle d'autres puissances qui investissent massivement dans les nouveaux médias. Si la création d'un groupe de l'audiovisuel public qui intégrera France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde peut et doit être mise à profit pour renforcer l'action audiovisuelle extérieure, elle devra aussi et surtout s'accompagner d'une reconnaissance suffisante de ses missions, lesquelles sont parfois méconnues en dépit de leur importance stratégique. C'est pourquoi il nous paraît essentiel de garantir les spécificités de notre audiovisuel extérieur. Celui-ci ne doit pas, ne peut pas devenir une simple variable d'ajustement. Je crois, monsieur le ministre, que vous êtes sensible à cet aspect ; soyez assuré que nous y sommes particulièrement attachés et attentifs.

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Parmi les objectifs que vous avez exposés, monsieur le ministre, il y en a de très nombreux qui sont aussi les nôtres – je pense notamment au combat qui doit être mené pour préserver la diversité culturelle et le rayonnement de nos oeuvres, et donner à la création française les moyens de résister. Bien entendu, nous sommes très attachés, dans notre commission, sous la houlette de notre présidente, à ce que l'audiovisuel extérieur de la France continue à être un élément essentiel de notre diplomatie culturelle et d'influence. Comme vous le savez, c'est d'ailleurs un des objectifs du ministre Jean-Yves Le Drian. Sans vouloir paraître faire preuve d'une coquetterie d'auteur, je voudrais également rappeler que ma collègue Sira Sylla et moi-même avons conduit une mission d'information consacrée à la question – c'était même l'une des premières dans notre commission sous cette législature.

Jean-François Portarrieu vient de le dire à votre suite, monsieur le ministre, il faut prendre en compte les missions propres de l'audiovisuel extérieur. Vous avez eu raison d'insister sur la bataille des contenus et sur le risque d'uniformisation, contre lequel nous devons nous prémunir. Nous sommes très attachés au développement de la création française et européenne. France Médias Monde est un instrument important du rayonnement culturel de la France et de la francophonie : il est présent sur cinq continents et diffuse ses programmes dans de nombreuses langues – entre quinze et vingt, selon qu'on se réfère à vos chiffres ou à ceux de Jean-François Portarrieu. Vous avez également insisté sur un point auquel je suis extrêmement sensible et qui me paraît tout à fait crucial, même si nous avons beaucoup de progrès à faire en la matière : la place de l'information internationale sur les chaînes nationales, qu'il convient de renforcer. C'est très important, y compris au regard du rôle diplomatique qui est celui de notre pays.

Quelles garanties donnerez-vous à la filiale France Médias Monde qu'elle bénéficiera des moyens adaptés dans la durée et qu'elle ne sera pas une variable d'ajustement budgétaire ? Vous savez, monsieur le ministre, qu'il existe des craintes à cet égard. Allez-vous intégrer un mécanisme pour préserver le budget ?

S'agissant de la représentation au sein de la nouvelle structure, les conseils d'administration des opérateurs de l'audiovisuel public comportent chacun deux parlementaires membres des commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée et du Sénat : il est important que cette représentation parlementaire perdure. Je voudrais savoir également ce qu'il en est, à ce propos, en ce qui concerne les filiales.

France Médias Monde est naturellement l'outil stratégique d'influence de notre audiovisuel extérieur. Dans l'internationalisation de l'ensemble de l'audiovisuel public, comment se créeront la coordination et les synergies avec les autres sociétés de la holding, de manière à assurer une cohérence d'ensemble de notre audiovisuel public, permettant de proposer une offre au service de notre diplomatie culturelle et d'influence ? L'un des enjeux, vous l'avez dit, est la maîtrise complète de la production française, de la création jusqu'à la diffusion à l'étranger. Pourriez-vous préciser votre stratégie à cet égard ? En particulier, des réflexions sont-elles en cours pour associer la plateforme Salto, en cours de réalisation, et l'autre projet que constitue la plateforme de vidéo à la demande francophone TV5 Monde plus ?

J'en termine avec un thème qui revêt une importance extrême compte tenu du rôle diplomatique de la France : la lutte contre les infox. Comment faire de notre audiovisuel extérieur un instrument de notre diplomatie géostratégique, non pas pour en faire l'outil d'une propagande d'État, ce dont il n'a jamais été question, bien entendu, mais pour lutter contre les infox ? Je pense en particulier à celles qui sont diffusées à propos de l'opération Barkhane et de la présence de la France au Sahel. On entend dire, par exemple, que les soldats français voleraient de l'or. Le phénomène est extrêmement préoccupant pour notre pays, compte tenu de son rôle international.

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En tant que rapporteur pour avis des crédits relatifs à la diplomatie culturelle et d'influence, inscrits dans le programme budgétaire 185, j'essaie, depuis maintenant deux ans, avec notre commission, de réfléchir à une redéfinition des modèles de notre diplomatie dans ce domaine, notamment à la manière dont elle s'articule dans les postes. Il m'a semblé, si j'en juge d'après la dernière conférence des ambassadeurs, que nous avions marqué des points s'agissant du rôle des postes, que ce soit du bas vers le haut ou du haut vers le bas, en particulier dans le domaine de la souveraineté culturelle. Selon moi, celle-ci est globale, et nous sommes certainement à l'orée d'une refonte du réseau culturel. Dans mon dernier rapport budgétaire, j'avais insisté sur le fait que la réforme de l'audiovisuel devait accompagner la réforme à venir du réseau culturel, car ces deux éléments sont convergents, même si les masses en jeu, en termes de budget, ne sont pas les mêmes.

L'audiovisuel, comme vous le savez, est financé par une redevance. Le développement de l'audiovisuel français à l'international se fait par d'autres « tuyaux », et il est interdit, dès que l'on passe le Rhin, par exemple – pour ma part, j'habite à Varsovie – de regarder les programmes de France Télévisions, même si, évidemment, tout le monde contourne le système : il existe même des offres commerciales qui permettent de le faire. Les Français qui habitent à l'étranger et les francophones du monde entier se demandent pourquoi ils sont obligés de se débrouiller autrement pour avoir accès aux très bonnes émissions de France Télévisions.

Par ailleurs, c'est en grande partie la redevance qui subventionne France Médias Monde. L'idée d'un budget plancher a été lancée ; je sais qu'elle n'est pas très bien vue par vos services. Il est évident que France Médias Monde joue un rôle diplomatique. Il nous est donc extrêmement difficile de nous résoudre à ce que ce rôle soit financé uniquement par la redevance, dont tel n'est pas l'objet. Dès lors, et sans parler pour l'instant d'un budget plancher, comment entendez-vous fonder le financement de France Médias Monde sur un système qui ne dépendra pas de la redevance, comme c'est le cas, par exemple, de Canal France International (CFI) ?

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Au-delà de notre réseau d'enseignement, de nos auteurs et de nos artistes, au-delà de la francophonie, l'influence culturelle française passe également par l'intermédiaire de notre audiovisuel extérieur, qui est un atout essentiel du rayonnement culturel de la France, mais aussi de notre diplomatie. Qu'il s'agisse de France Médias Monde, de France 24, de TV5 Monde, de Monte Carlo Doualiya, d'ARTE ou de RFI, nous pouvons être fiers de ces médias reconnus et respectés, qui portent haut l'exigence de qualité et la déontologie journalistique, et affichent une progression régulière de leurs audiences.

Cependant, la perspective de réforme globale de l'audiovisuel public, au sein duquel les médias extérieurs occupent une place réduite, inquiète : le risque est grand d'assister à une marginalisation de ces outils, pourtant indispensables au sein d'une identité gigantesque. Quelles pistes votre ministère suit-il pour préserver l'autonomie et la capacité d'action de notre audiovisuel ?

Je précise qu'avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, nous avons déjà établi une liste de propositions. Il s'agirait de prévoir l'instauration d'un budget plancher pour la future filiale France Médias Monde, qui serait ensuite fixé dans le contrat stratégique pluriannuel de la holding France Médias ; d'établir une représentation parlementaire des commissions chargées des affaires étrangères au sein du conseil d'administration de France Médias Monde ; de prévoir une consultation conjointe des commissions chargées des affaires culturelles et des commissions chargées des affaires étrangères, pour la désignation de deux personnalités qualifiées siégeant au conseil d'administration de France Médias Monde et devant être désignées par le Parlement ; de créer un comité stratégique ad hoc dédié aux problématiques internationales pour garantir la cohérence des développements internationaux de l'ensemble des filiales de la holding de l'audiovisuel public ; enfin – mais ce n'est que le dernier exemple d'une liste qui n'est pas exhaustive –, nous souhaitons que soit envisagée une participation directe du ministère de l'Europe et des affaires étrangères au financement de France Médias Monde au titre de l'aide publique au développement, afin de valoriser la contribution de l'audiovisuel extérieur à l'aide au développement.

J'ajoute que je fais miens les propos de Jean-François Portarrieu, qui a bien décrit la situation et l'état d'esprit dans lequel nous nous trouvons à l'égard de l'audiovisuel extérieur.

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Monsieur le ministre, comme vous le savez, j'ai remis en mai 2018 un rapport cosigné par sept autres députés de la majorité. Ce rapport ne rejetait pas en soi le principe de la holding, mais estimait qu'un certain nombre de conditions devaient être réunies afin que les objectifs affichés, que nous partageons, puissent être atteints. Or, ces conditions ne sont pas réunies aujourd'hui, c'est pourquoi le groupe Libertés et Territoires a souhaité rédiger une contribution spécifique, qui vous a été transmise, en marge des conclusions du groupe de travail sur l'audiovisuel extérieur, réuni au sein de la commission des affaires étrangères par notre présidente.

Optimiser l'offre du service public, l'adapter à l'ère du numérique, renforcer son attractivité et sa qualité afin de répondre à ses missions fondamentales, tout cela demande en effet une véritable transformation du modèle. Or, les décisions prises par le Gouvernement en juillet 2018 – vous n'étiez pas encore ministre –, notamment la demande d'économies budgétaires, obèrent, par leur nature et par leur importance, toute possibilité de transformation. Ces décisions ont été prises en l'absence de toute stratégie permettant de transformer les modèles en profondeur, sans ouvrir les conventions collectives qui auraient permis de réorganiser le travail et le temps de travail ; sans prévoir la moindre période de transition et d'accompagnement ; sans non plus de perspective concrète relative à la réforme de la contribution à l'audiovisuel public, pourtant rendue nécessaire par la suppression de la taxe d'habitation. Ces décisions ne permettent donc pas d'assurer la mise en place sereine d'une éventuelle holding.

Au-delà de ces considérations, le groupe Libertés et Territoires n'est de toute façon pas favorable à l'intégration d'une partie de l'audiovisuel extérieur, représentée par France Médias Monde, au sein d'une éventuelle holding, comme nous l'avions indiqué dans notre rapport.

En contribuant au rayonnement extérieur de notre pays, France Médias Monde est un acteur à part entière de la stabilisation des zones de tension, un contributeur à l'objectif de développement et de stabilité, donc de sécurité, dans de nombreuses régions du monde. Les moyens de l'audiovisuel extérieur devraient donc, à l'inverse, être sanctuarisés, voire augmentés, ce qui pourrait se faire en prévoyant que l'audiovisuel extérieur disposerait de moyens budgétaires combinant contribution à l'audiovisuel public refondé et financement à travers l'aide publique au développement. Cela pourrait se faire, comme en Australie, en prévoyant une loi de projection pluriannuelle spécifique à l'audiovisuel extérieur, car les missions sont spécifiques et, par nature, distinctes des problématiques des opérateurs de l'audiovisuel public, qui s'adressent aux Français en France et en français.

Enfin, quelle cohérence y a-t-il à avoir une partie de l'audiovisuel extérieur au sein de la holding et une partie à l'extérieur ? Comme vous l'avez rappelé, ARTE et TV5 continueront à être des organes indépendants, pour des raisons légitimes et rappelées dans l'étude d'impact. Les synergies potentielles évoquées, comme la circulation des séries et des fictions en général, ne sont pas opérantes – France 24 est une chaîne d'information, qui ne diffuse aucune fiction. Par ailleurs, la circulation des programmes sur des antennes différentes entraînerait, par nature, un coût supplémentaire, car la loi prévoit évidemment une rémunération pour chaque support d'exploitation, notamment pour les auteurs.

Sur le plan opérationnel, il est facile de démontrer qu'il existe de vrais inconvénients à une intégration au sein de la holding, tandis qu'une véritable politique de coopération conventionnelle, négociée en toute transparence, notamment en ce qui concerne le domaine de l'information entre France Médias Monde et les acteurs opérant sur le territoire national, permettrait plus de souplesse et de dynamisme, tout en préservant l'identité de chaque antenne.

Les propos qu'a tenus le président du conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) dans une interview récente au Monde ne sont pas de nature à nous rassurer, puisqu'il dit : « Il y a deux lectures de la loi, celle a minima, qui fait de France Médias un organe de coordination et de pilotage stratégique, laissant l'éditorial au sein des entreprises. Et une lecture a maxima, avec une centralisation forte au niveau de la holding. Cela dépendra de la personnalité choisie pour présider France Médias. »

Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et Territoires sera attaché à défendre et à garantir le rôle de la spécificité de l'audiovisuel extérieur dans notre société, ainsi que la sanctuarisation, voire l'augmentation des moyens qui lui sont consacrés.

Par ailleurs, aujourd'hui, on parle beaucoup de champions nationaux, de « Netflix à la française », mais en fait on confond beaucoup de choses, puisque les vrais Netflix à la française, ce sont davantage Canal+ ou OCS – c'est-à-dire des offres de télévision payante, pouvant s'assimiler à des offres de SVOD, vidéo sur demande avec abonnement mensuel – que Salto, une offre de télévision publique qui se rapprocherait plutôt de Hulu. Quels sont, dans la loi ou dans les décrets qui suivront la régulation, les moyens que vous donnez à ces « Netflix à la française » pour être en mesure de s'exporter et de s'internationaliser, puisque c'est la seule réponse possible aux géants étrangers ?

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Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les oeuvres européennes telles que définies par la convention européenne sur la télévision transfrontalière de 1989, ratifiée par quarante-trois pays, dont le Royaume-Uni. La France s'était beaucoup investie sur la question du quota minimum de diffusion d'oeuvres européennes, cette notion a été reprise dans la directive, et l'actuel projet de loi transpose la hausse du quota minimum à 30 %.

Face aux incertitudes qui émergent actuellement dans le cadre des négociations du Brexit sur l'inclusion des oeuvres britanniques dans ce quota, Londres a annoncé vouloir transposer la directive SMA, ce qui lui permettrait de prétendre au soutien financier de l'Union européenne tout en refusant d'appliquer la directive relative aux droits d'auteur et aux droits voisins. J'aimerais savoir quelle est votre position face à cette annonce, et quel regard vous portez sur la proposition de ma collègue Christine Hennion, consistant à introduire une définition de l'oeuvre européenne permettant d'en élargir le champ d'application aux services de vidéo à la demande.

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Je compte dans ma circonscription des sociétés faisant partie du Pôle de l'image animée à la Cartoucherie de Bourg-lès-Valence, qui m'ont sensibilisée à la question des films d'animation. Je citerai TeamTO, qui a produit Angelo la débrouille, et Fargo, qui a obtenu le César 2017 du court-métrage d'animation pour le film Celui qui a deux âmes. Ces sociétés s'inquiètent des risques qui pèsent sur leur modèle. C'est peu connu, mais la France est le troisième producteur mondial de films d'animation. Les chaînes ont des incitations à respecter des quotas de diffusion, assises sur le chiffre d'affaires français. La mutation des modes de diffusion, avec de plus en plus de numérique, fait que désormais les plateformes comme Amazon ou Netflix n'adhèrent pas à ce schéma.

Les productions françaises ont assis leur modèle économique sur une vente des droits aux diffuseurs français pendant quatre ans, mais en pouvant conserver les droits pour des épisodes ultérieurs, et c'est parce qu'elles ont cette sécurité sur le marché français qu'elles peuvent exporter. D'un point de vue qualitatif, ces productions françaises d'animation, tant en long-métrage qu'en court-métrage, sont très créatives, elles portent l'image de la France, la diversité culturelle, le rayonnement de notre culture que vous avez mentionnés, monsieur le ministre, et qui sont chers à cette commission des affaires étrangères. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que la mutation de ce modèle peut entraîner sur le créneau des films d'animation ?

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Les oeuvres françaises ne bénéficient pas d'une promotion suffisante au niveau international, ce qui fait que nous voyons très peu d'oeuvres françaises valorisées. Pourtant, on voit de plus en plus d'États s'efforcer d'intégrer l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Quelles actions la France pourrait-elle entreprendre sur ce point ?

Par ailleurs, il semble difficile pour les oeuvres de bénéficier d'un sous-titrage français de qualité. À votre avis, monsieur le ministre, France Médias Monde ou d'autres institutions pourraient-elles nous aider à améliorer les choses sur ce point ?

Enfin, je me réjouis que les droits d'auteur puissent bénéficier d'un cadre plus protecteur, comme vous l'avez indiqué dans votre propos introductif.

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Monsieur le ministre, je comprends de votre exposé que l'actuel France Médias Monde a quand même un objectif important, consistant à assurer une présence de l'audiovisuel français en Afrique.

Ma question porte sur les freins à la diffusion de programmes français à l'étranger. Pour en parler, je m'appuie sur l'expérience que j'ai moi-même vécue avec l'Asie, une région du monde où se trouvent de nombreux locuteurs français, mais où il est particulièrement difficile d'accéder à un programme en français. Dans le rapport que j'avais remis au Premier ministre en septembre 2018 sur la mobilité internationale, ma recommandation n° 189 consistait à « permettre un accès légal (contre une contribution financière) aux contenus audiovisuels français depuis l'étranger ». En effet, beaucoup de Français vivant à l'étranger souhaitent pouvoir accéder légalement aux programmes télévisuels français, à la fois pour garder un contact avec notre pays, pour s'informer et suivre les débats, notamment en période d'élections, et pour permettre à leurs enfants de maintenir un lien avec la langue française – beaucoup d'enfants français nés à l'étranger ne sont jamais venus en France et parlent parfois fort peu le français.

Bien entendu, ces programmes s'adressent également à tous les locuteurs de langue française. Il s'en trouve notamment un grand nombre en Corée. L'accès aux programmes français en dehors de la France est donc un sujet qui compte pour de très nombreuses personnes, et qui a d'ailleurs été régulièrement évoqué lors de la consultation citoyenne que j'ai menée dans le cadre de ma mission auprès de 900 000 de nos compatriotes inscrits au registre des Français de l'étranger.

Le problème, c'est que les chaînes de télévision françaises ne sont pas accessibles à l'étranger – du moins pas partout. Certains programmes sont disponibles sur des plateformes telles que YouTube, et certains Français font également usage d'un VPN, un réseau privé virtuel, afin de tromper le site de diffusion sur leur lieu de connexion. Dans tous les cas, les revenus générés par les téléspectateurs ou les auditeurs français ou francophones ne profitent aucunement aux auteurs français.

La solution que je propose consiste à permettre aux Français de l'étranger et aux francophones de participer à la qualité de nos programmes au même titre que les Français de l'Hexagone : s'acquitter de la contribution à l'audiovisuel public leur permettrait, en contrepartie, d'avoir accès aux programmes français dans les mêmes conditions que s'ils résidaient en France. En cela, l'évolution de l'offre médiatique du « tout linéaire » vers le « tout plateforme » peut constituer une opportunité de diffuser les productions françaises plus largement et de manière légale.

Quels sont les freins réels à la diffusion des programmes français à l'étranger ? Qui, des producteurs ou des diffuseurs, sont les plus réticents à une plus large diffusion de nos programmes ? Enfin, peut-on espérer que la future plateforme Salto soit, en tout ou partie, accessible depuis l'étranger ?

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Chacun connaît la réponse qu'avait faite Churchill, interrogé sur l'augmentation du budget de la culture en pleine guerre : « Si nous ne nous battons pas pour la culture, alors pourquoi nous battons-nous ? » Cette phrase, devenue quasiment culte, illustre le fait que, alors qu'elle devrait être au coeur de toutes nos préoccupations, notamment en matière de diplomatie, la culture est souvent le parent pauvre des politiques.

L'un des vecteurs de la culture est l'égalité entre les hommes et les femmes. Dès le début de son mandat, le Président de la République a fait de ce principe une grande cause nationale de son quinquennat. Cependant, les femmes continuent d'être très peu représentées dans certains secteurs, notamment celui de l'audiovisuel. Selon un rapport du CSA, la représentation des femmes à la télévision avait encore diminué de quatre points en 2018 par rapport à 2016, ce qui montre que nous ne sommes pas dans une bonne dynamique. Par ailleurs, alors que les femmes sont mieux représentées que jamais à l'Assemblée nationale, la proportion de femmes invitées politiques dans les médias reste toujours aussi faible, plafonnant à 25 % environ.

Quant au cinéma, alors que la France pourrait faire du festival de Cannes une vitrine de ses valeurs à l'international, par le biais de sa production cinématographique, ce festival se caractérise toujours par une cruelle sous-représentation des femmes, puisque seulement 4,9 % des réalisateurs sont des réalisatrices, et qu'à ce jour une seule femme a obtenu la palme d'or.

Considérant notre objectif d'atteindre un jour l'égalité entre les hommes et les femmes, ne vous semble-t-il pas essentiel d'oeuvrer à ce que la parité soit mieux respectée dans le secteur de l'audiovisuel, et le cas échéant de quelle manière ? Vous semble-t-il possible de faire en sorte que la sélection officielle du festival de Cannes, qui est une véritable vitrine, aille dans le sens d'une meilleure représentation des femmes ? Comment inciter les éditeurs à améliorer la présence des femmes sur leur antenne ? N'est-il pas nécessaire de renforcer, d'une part, la vigilance dans le choix des programmes, d'autre part, les sanctions de certains programmes télévisés qui vont à l'encontre de l'image qu'ils devraient donner dans le cadre de la lutte contre les violences ?

Ce combat fait-il partie de la charte des objectifs de la future France Médias, qui a un public très particulier, notamment au Sahel, un pays directement concerné puisque, parmi les programmes en quinze langues de France Médias Monde, on en trouve en peul, en haoussa, en mandingue et en kiswahili. On ne comprend jamais mieux un programme que lorsqu'il est diffusé dans sa propre langue, or France Médias est en passe de devenir l'un des derniers médias à financer des programmes dans ces langues qui sont si peu bankable – pardon pour cet anglicisme.

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Monsieur le ministre, je souhaite souligner à quel point la mesure que vous avez annoncée, consistant à renforcer le crédit d'impôts en le faisant passer de 30 % à 40 % afin de favoriser le tournage de films étrangers en France, est positive. Je peux me tromper, mais j'ai l'impression que cette mesure s'inscrit en droite ligne de la stratégie mise en oeuvre pour les films d'animation il y a un an et demi, ayant également consisté à faire passer le crédit d'impôt de 30 % à 40 %. Une mesure similaire, au profit cette fois de la filière du jeu vidéo, est-elle envisagée ?

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Nous accueillons aujourd'hui Jacques Krabal, secrétaire général parlementaire de l'Assemblée parlementaire de la francophonie.

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Merci madame la présidente.

Monsieur le ministre, je vais plutôt évoquer la francophonie, qui a un lien très fort avec la thématique de l'audiovisuel français à l'étranger. Je veux saluer l'engagement de France Médias Monde et TV5 Monde, leurs performances en termes d'audience, mais aussi et surtout les principes éthiques défendus par ces chaînes et la qualité des informations qu'elles délivrent. Même si des efforts restent à faire, je pense qu'il faut mettre en avant ceux qui ont déjà été réalisés, en s'efforçant de donner de la cohérence à tout cela.

La francophonie, ce n'est pas seulement lire, écrire et parler, c'est bien évidemment aussi l'image, avec le cinéma et tout ce qu'il représente. Ce matin, j'ai pris part à un petit-déjeuner sur le thème du financement de l'audiovisuel, où a été évoquée la perspective du financement par les plateformes numériques, et du risque que cela peut entraîner pour la production cinématographique ou audiovisuelle en France et dans le monde. J'aimerais savoir comment vous comptez peser en faveur d'un financement réel en France, mais aussi, plus largement, comment la francophonie pourrait soutenir ce projet.

Enfin, j'aimerais connaître votre sentiment sur le choix fait par la délégation tricolore dans le cadre du concours de l'Eurovision, diffusé sur France Télévisions, de mettre en avant une chanson ayant un titre et un refrain en anglais. Connaissant votre engagement pour la promotion de la francophonie, concrétisé dans le projet de création d'une cité internationale de la langue française, je pense que ce choix ne manquera pas de vous faire réagir.

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Notre diplomatie d'influence perd actuellement du terrain – je le constate moi-même dans ma circonscription des Français établis hors de France, en l'occurrence au Maghreb et en Afrique de l'Ouest. On sent, monsieur le ministre, que votre texte prend la pleine mesure de ce recul de la francophonie, et je me félicite de la volonté affirmée de reconquérir les parts de marché perdues par la langue française.

Pour ce qui est du Sahel, j'ai le sentiment que nous n'avons pas toujours conscience que, parallèlement au conflit militaire dans lequel nous sommes engagés, nous menons également une bataille culturelle. Le sentiment anti-français qui a tendance à se développer dans ces pays justifierait, à mon sens, que nous prenions le taureau par les cornes afin de soutenir énergiquement la francophonie et de remporter ainsi cette bataille culturelle.

Par ailleurs, j'ai eu le plaisir de recevoir M. Rachid Arhab, un grand journaliste qui porte un projet de chaîne franco-algérienne – une sorte d'ARTE franco-algérienne –, qui m'a touché au plus haut point. Je ne sais pas si M. Arhab vous a déjà parlé de ce projet, ni ce que vous en pensez ; pour ma part, je trouve très enthousiasmante l'idée de réconcilier la France et l'Algérie autour d'un projet commun, comme nous l'avons fait pour la France et l'Allemagne avec ARTE.

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Franck Riester, ministre de la culture

Ce que nous voulons faire en créant ce groupe public que sera la holding France Médias, ce n'est pas copier tel ou tel modèle européen ou britannique, mais nous appuyer sur la force de l'audiovisuel français public pour bâtir un groupe permettant de répondre aux défis de l'audiovisuel, notamment public, face à la révolution numérique, qui a entraîné à son tour une révolution des usages.

Nous devons donner la possibilité aux entreprises de l'audiovisuel public de s'adapter, elles aussi, à cette révolution des usages, en ayant une vision stratégique globale tournée vers la diversité des publics. De fait, nos compatriotes regardent de plus en plus la radio, écoutent de plus en plus la télévision et ont accès aux contenus audiovisuels sur des supports de plus en plus variés – plus seulement le poste de télévision mais aussi, désormais, les smartphones et les tablettes – quand ils le veulent et d'où ils le veulent.

Les groupes publics en Europe, et les groupes privés en Europe et dans le monde, notamment en France, se sont adaptés à cette révolution numérique en constituant des groupes où la télévision, la radio et le numérique sont pensés avec leurs spécificités respectives. Cependant, si l'on dispose d'une vision globale et stratégique de l'approche des publics, cela permet de répondre plus facilement d'une façon à la fois opérationnelle et efficace aux attentes de ces publics, quels que soient les supports et les types de diffusion des contenus audiovisuels.

Bien sûr, l'audiovisuel extérieur a ses propres spécificités, mais ce que nous essayons de faire, c'est permettre à France Médias Monde, grâce à des synergies et des économies d'échelle avec les autres entreprises de l'audiovisuel public, de proposer des contenus à plus de personnes dans le monde, et des contenus qui les toucheront davantage. C'est le résultat auquel sont parvenus les groupes qui, en Europe et dans le monde, ont su procéder à ce rapprochement et à cette consolidation.

J'évoquais ce matin la question avec les patrons de ces grandes entreprises européennes d'audiovisuel public, notamment le patron de la BBC et de BBC World, qui disait bien que BBC World bénéficie énormément des contenus provenant des BBC nationales. Je ne parle pas des fictions, puisque ce contenu n'est pas adapté à France 24, mais bon nombre de contenus d'information sont ultra-bénéfiques à BBC World. De même, BBC World est très bénéfique aux chaînes nationales de BBC, parce que le regard spécifique de BBC World est très utile pour décrypter l'actualité et éclairer les Britanniques sur le monde. La meilleure façon de défendre l'audiovisuel extérieur de la France, c'est donc de l'adosser à un groupe public puissant, et non de le laisser isolé, même en lui accordant progressivement des moyens complémentaires.

Évidemment, il ne faut pas que l'audiovisuel extérieur de la France soit considéré comme une variable d'ajustement du reste du groupe public : je suis tout à fait conscient qu'il s'agit là d'un principe essentiel, méritant d'être garanti en plusieurs points. La première des garanties à apporter en la matière est celle de la gouvernance, un aspect que je suis tout disposé à examiner avec vous dans le détail, étant, pour ma part, convaincu de la nécessité de s'assurer que cette gouvernance tient compte d'une vision internationale de l'audiovisuel public. Je précise que c'est déjà le cas, puisque le conseil d'administration de la société holding du groupe comprendra un représentant du ministère des affaires étrangères, comme il y en a un au sein du conseil d'administration de France Médias Monde.

S'il faut aller plus loin dans la désignation par le Parlement des personnalités qualifiées, tant dans la holding que dans le conseil d'administration de France Médias Monde, en prenant en compte la vision de la commission des affaires étrangères, je suis tout à fait disposé à examiner cela avec vous. Travailler à une solution permettant de tenir compte des propositions autant des membres de la commission des affaires culturelles que de ceux de la commission des affaires étrangères devrait permettre de rassurer celles et ceux qui, comme vous, sont attentifs à la place de l'audiovisuel extérieur dans le groupe public.

Concernant les moyens, une convention stratégique pluriannuelle (CSP) – qui se substituera au contrat d'objectifs et de moyens – passée entre l'État et le groupe France Medias définira pour chaque filiale le cadre budgétaire pluriannuel et précisera la répartition prévisionnelle des ressources affectées par la société mère. Elle garantira ainsi une visibilité financière, tout en permettant à France Médias d'exercer pleinement son rôle à la tête du groupe nouvellement constitué.

La représentation nationale sera évidemment pleinement associée au dispositif ; vous pourrez ainsi exercer le contrôle que vous souhaitez sur France Médias et vous assurer que la place de l'audiovisuel extérieur n'est pas en retrait dans le groupe public. Avant sa signature, la CSP sera soumise pour avis aux commissions parlementaires chargées des affaires culturelles et des affaires étrangères, qui pourront ainsi faire valoir les ajustements qu'elles estimeront nécessaires. Chaque année de la période couverte par la convention, le Parlement sera informé de son exécution et de la justification des écarts constatés.

S'agissant de l'idée d'un plancher d'attribution des ressources issues de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), évoquée par plusieurs d'entre vous, j'y suis totalement défavorable, parce que ce serait en parfaite contradiction avec les objectifs poursuivis. La création du groupe public vise à réaliser des économies d'échelle et des synergies en regroupant, à terme, l'immobilier, les systèmes d'information, la régie, la formation, ce qui suppose la modification des périmètres financiers des différentes sociétés du groupe. Il serait donc malvenu de les figer ou de les bloquer. La liberté éditoriale de chaque antenne sera, quant à elle, maintenue, même si les lignes éditoriales feront l'objet d'une coordination stratégique au sein du groupe.

Je suis prêt à examiner toute autre solution, mais je ne peux que m'opposer farouchement à une proposition qui viendrait totalement contrecarrer la puissance du groupe public d'avenir que j'appelle de mes voeux.

En revanche, à l'instar de Jean-Yves Le Drian, je suis favorable au versement à France Médias Monde d'une part de l'aide au développement pour des projets ciblés adossés à une stratégie bien identifiée. Il reste à voir de quelle manière formaliser cette possibilité pour amplifier l'effort en matière d'audiovisuel extérieur.

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Monsieur le ministre, l'objectif de notre commission est extrêmement clair : nous voulons que les ressources affectées à l'audiovisuel public extérieur soient préservées, qu'elles ne servent pas, à l'avenir, de variable d'ajustement au sein de la holding.

Puisque vous refusez qu'un montant plancher soit fixé, vous devez nous proposer une autre solution de nature à rassurer notre commission.

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Franck Riester, ministre de la culture

Ce qui importe avant tout, c'est la gouvernance. Or, le ministère des affaires étrangères, très attaché à préserver la puissance de l'audiovisuel extérieur au sein du groupe public, y aura sa place.

En outre, vous aurez la possibilité de contrôler les décisions budgétaires qui seront prises, puisque ce sera voté par le Parlement…

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Franck Riester, ministre de la culture

Je vous assure que si, madame Dumas : vous aurez à valider…

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Franck Riester, ministre de la culture

Non, la loi ne dit pas le contraire. Si les dispositions vous paraissent insuffisamment claires ou contradictoires, nous le préciserons ensemble, car c'est justement l'objet du débat.

Aux termes du projet de loi, le Parlement examinera et validera la convention stratégique pluriannuelle, et chaque année les modifications éventuelles qui y auront été apportées devront être justifiées devant vous par le groupe. C'est une chance formidable. Toutes les entreprises d'audiovisuel public qui ont une dimension extérieure importante, notamment les groupes allemands et anglais…

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Franck Riester, ministre de la culture

Il y aura bien des budgets pour chaque société du groupe dont le détail figurera dans la convention stratégique pluriannuelle.

Le président de l'UER, également patron de la BBC, m'a dit très clairement ce matin que les réorganisations avaient permis au groupe de réaliser des économies d'échelle et des synergies entre les entreprises intégrées.

Convenez que si l'on choisit de rassembler l'immobilier ou les régies de France Médias Monde, Radio France et France Télévisions au sein d'une filiale commune, on change le périmètre financier de chacune de ces sociétés, et on réalise des économies par rapport à un fonctionnement compartimenté. Il faut bien comparer ce qui est comparable. J'entends bien votre préoccupation, mesdames, messieurs les députés, mais rien ne serait plus dangereux que de figer les sociétés du groupe public, car dans ce cas nous ne pourrions pas tirer les bénéfices d'une telle réorganisation.

Je suis tout à fait ouvert à travailler avec vous sur un dispositif rassurant quant à l'ambition et aux moyens alloués en matière d'audiovisuel extérieur au sein de la stratégie du groupe public. Nous pourrions le préciser dans les dispositions relatives à la gouvernance, comme le suggérait Mme Dumas, mais fixer un plancher de moyens pour la société France Médias Monde serait une erreur majeure : Radio France, l'INA seraient tentées de faire la même demande, et le groupe public serait ainsi totalement bloqué dans la répartition de ses moyens.

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Ce point est important, monsieur le ministre. Notre ambition est en effet de défendre la place de l'audiovisuel extérieur à l'avenir, parce que nous considérons qu'il est vital,…

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Franck Riester, ministre de la culture

Moi aussi !

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… non seulement pour la culture, mais aussi pour l'influence de la France. Dans le contexte mondial actuel, il constitue une force qu'il faut absolument préserver, valoriser, et nous jaugerons vos propositions à l'aune de cet objectif.

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Nous sommes d'accord sur les principes, mais j'aimerais revenir sur deux points.

Premièrement, nous comprenons bien pourquoi il n'est pas forcément souhaitable de figer un budget, mais définir un plancher ne revient pas nécessairement à fixer une valeur absolue. Il peut s'agir de déterminer la valeur relative d'une entreprise par rapport aux autres, ce qui serait une manière plus agile qui n'empêcherait pas de réviser les périmètres financiers en sortant l'immobilier ou la régie.

Deuxièmement, on ne peut pas considérer que le financement de l'internationalisation de notre culture repose uniquement sur le programme 185 Diplomatie culturelle et d'influence. Vous l'avez dit vous-même, l'influence de la culture française dans le monde va relever en partie d'autres groupes de l'audiovisuel public, et la mise au point d'un système pour regarder légalement France Télévisions depuis l'étranger devrait également changer la donne.

Dans ces conditions, envisagez-vous, dans le nouveau cadre que vous nous proposez, d'introduire un outil de financement indépendant de la redevance et qui corresponde davantage à la fonction d'internationalisation à laquelle nous sommes tous attachés ?

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Monsieur le ministre, si nous proposons de sortir l'audiovisuel extérieur du groupe public, c'est précisément parce que la logique d'une holding est, comme vous l'indiquez, d'effectuer des ajustements budgétaires entre les entreprises ainsi regroupées.

Vous affirmez, en outre, qu'il n'est pas envisageable de fixer un plancher, alors que la BBC, que vous avez mentionnée, a introduit par la loi un tel mécanisme parce qu'elle avait été victime, au moment de la fusion, d'un ajustement de cette nature au détriment de l'audiovisuel extérieur.

En Angleterre, comme dans beaucoup d'autres pays, l'audiovisuel extérieur est d'ailleurs inclus dans les groupes de médias publics. Or, dans votre proposition, TV5 Monde et ARTE sont en dehors du champ de France Médias, alors même que vous mettez en avant les possibilités de synergies. Et sincèrement, en dehors des considérations diplomatiques, la justification qui figure dans l'étude d'impact au sujet d'ARTE est déconcertante : il est écrit noir sur blanc qu'inclure la chaîne dans la holding risquerait de faire baisser la qualité de ses fictions. Voilà qui n'est pas pour nous rassurer au sujet de France Médias Monde !

Enfin, pour en revenir à la gouvernance, je vais saisir la perche que vous m'avez tendue et j'accepte volontiers de travailler sur le sujet, car ce qui est prévu aujourd'hui c'est un simple avis, et rien de plus ; ce n'est pas un contrôle à proprement parler. Le président de la holding pourra, en concertation avec l'État, effectuer des ajustements en cours d'année, qui ne seront donc pas même inscrits en loi de finances, et dont le Parlement sera simplement informé. Dans sa rédaction actuelle, le texte ne prévoit donc aucun moyen de contrôle pour le Parlement.

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Il y a lieu de se demander si l'audiovisuel extérieur est vraiment une priorité nationale. Le budget prévu pour France Médias Monde est, en effet, sans comparaison avec celui de BBC World, qui lui est trois ou quatre fois supérieur, et qui a pu être garanti par la fixation d'un budget plancher.

Notre audiovisuel extérieur a connu une énième réduction de personnel après différents coups de rabot sur les prévisions budgétaires. Au sein de France Médias Monde comme de TV5 Monde, le souhait est donc d'avoir de la visibilité. Or, s'agissant du moins de cette première société, elle n'en a aucune, puisque son budget dépend d'une holding et ne bénéficie d'aucune garantie.

Au vu des difficultés rencontrées aujourd'hui par les radios et télévisions nationales, dont les personnels se sont mis longuement en grève pour protester contre leur manque de moyens, il est à craindre que France Médias Monde ne serve de variable d'ajustement au sein du nouveau groupe public.

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Pardonnez-moi de vous avoir interrompu pour entendre ces interventions, monsieur le ministre, mais puisqu'il est bien clair à présent que nous partageons tous la même vision et le même objectif, nous allons pouvoir avancer.

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Franck Riester, ministre de la culture

J'apprécie les échanges car, comme vous le dites, c'est ce qui permet d'avancer.

Les moyens financiers alloués au groupe public seront évidemment votés par le Parlement, et la répartition entre les différentes entreprises du groupe sera précisée, inscrite dans la convention stratégique pluriannuelle, laquelle sera transmise pour avis au Parlement avant sa signature. L'avis des commissions parlementaires compétentes a un certain poids : il n'est pas question de ne pas en tenir compte.

Je suis néanmoins prêt à examiner la façon dont nous pourrions introduire un maximum de garanties sans figer l'organisation du groupe public ni remettre en cause les objectifs que nous nous sommes donnés avec la création de France Médias.

Concernant les infox, le groupe public aura, bien entendu, un rôle tout particulier à jouer, rôle que remplissent déjà les différentes entreprises audiovisuelles publiques. Le Gouvernement et la majorité sont très mobilisés sur cette question. Une loi contre la manipulation de l'information a été votée ; il faudra sûrement aller plus loin, et nous allons nous y employer en travaillant avec les plateformes.

S'agissant de l'animation, elle est une filière essentielle pour notre industrie, et ses contenus sont importants pour notre jeunesse. Nonobstant la décision de supprimer France 4 et France Ô, nous veillerons à ce que la présence de l'animation, notamment des contenus jeunesse, soit assurée au sein de l'audiovisuel public, en particulier de France Télévisions. Cette disposition figurera à la fois dans le projet de loi et dans la convention stratégique de France Médias.

Nous serons également attentifs à ce que ces contenus conservent un mode de diffusion linéaire, et je suis prêt à travailler avec vous sur ces précisions. La suppression de France 4, qui n'était dédiée à la jeunesse et à l'animation que depuis quelques années, n'interdit pas de faire basculer ces contenus vers d'autres chaînes de France Télévisions. C'est une des décisions que devra prendre la société et, demain, le groupe France Médias, pour satisfaire à cette mission de service public.

J'en viens au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et à notre politique d'accompagnement de ces filières. Le CNC a renforcé son soutien en 2018, notamment grâce aux crédits d'impôt, en particulier le crédit d'impôt international : je rappelle à ceux d'entre vous qui connaissent Les Minions qu'il s'agit d'une production réalisée à Paris. Avec ce projet de loi, nous entendons bien réaffirmer la prééminence de la production indépendante, notamment pour les films d'animation.

Quant aux plateformes Salto et TV5 Monde plus, elles sont à distinguer. La première est payante, accessible en France, et proposera des contenus de ses trois actionnaires TF1, M6 et France Télévisions. Ses programmes seront accessibles plus longtemps en replay, et le catalogue, plus fourni que ceux des plateformes actuelles, sera en outre enrichi de contenus exclusifs. La seconde est gratuite et ses contenus, francophones, pourront être visionnés partout dans le monde. Ses actionnaires sont les partenaires de la chaîne. Des passerelles pourront être mises en place avec les plateformes de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, puis avec celles du groupe France Médias, et je suis prêt à en discuter avec vous à l'avenir.

Mme Liliana Tanguy m'a interrogé sur la définition des oeuvres européennes et les incertitudes relatives aux oeuvres britanniques en raison du Brexit. Je précise, tout d'abord, que le quota de 30 % d'oeuvres européennes a été étendu aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) dans le cadre de la révision de la directive SMA, ce qui est une grande victoire. Ce quota visant à la fois les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, il n'est pas nécessaire de préciser qu'il concerne également les services de vidéo à la demande. En France, des quotas sont déjà applicables aux SMAD installés sur le territoire, tels que Canal Play : 60 % d'oeuvres européennes, 40 % d'oeuvres d'expression originale française.

Concernant le Brexit, il a été décidé que le futur accord commercial avec le Royaume-Uni ne remettra pas en cause l'exclusion horizontale des services audiovisuels – la fameuse exception culturelle –, ce qui est un point très important. Le Brexit sera, en outre, sans impact sur les contributions financières des services installés à l'étranger, puisque l'article 3 du projet de loi prévoit une obligation de contribution pour les services de télévision et de médias audiovisuels à la demande établis dans un autre État membre dès lors qu'ils visent le territoire français.

Un risque de concurrence inéquitable pourrait, en revanche, se présenter, dans la mesure où les oeuvres britanniques conserveront le statut d'oeuvres européennes, et continueront donc de bénéficier des quotas d'exposition et d'investissement sur les services linéaires et non linéaires, alors même que le Royaume-Uni ne sera pas soumis aux contraintes du cadre européen. La directive SMA définit, en effet, les oeuvres européennes par référence à la convention européenne sur la télévision transfrontière (CETT), à laquelle le Royaume-Uni restera partie.

Pour éviter cette situation, il conviendrait de modifier la définition retenue dans la directive SMA, ce qui se décide au niveau non pas national mais européen, ou de rouvrir les négociations de la CETT sur ce point spécifique. Nous avons déjà échangé avec les services de Michel Barnier, négociateur en chef de la Commission européenne pour le Brexit, et avec notre représentation permanente auprès de l'Union européenne ; cette difficulté devra être examinée avec beaucoup d'attention.

Concernant l'accès aux programmes français depuis l'étranger, l'idée de faire payer la contribution à l'audiovisuel public en échange d'un accès à ses programmes me semble difficile à mettre en oeuvre. Il me paraît plus important de prévoir un accès à Salto depuis l'étranger, et c'est ce à quoi nous travaillons avec France Télévisions et les autres chaînes de la plateforme, avec l'objectif de soutenir le financement de la création.

Sur ce sujet, il faut être très attentif au respect du principe de territorialité du droit d'auteur, car c'est ce qui permet de financer la création et de garantir aux auteurs une juste rémunération. Nous avons, d'ailleurs, défendu ce principe dans le cadre des négociations européennes, notamment sur le règlement visant à contrer le blocage géographique.

L'audiovisuel public français dispose, par ailleurs, d'outils de programmation et de promotion de ses programmes : TV5 Monde est accessible dans plus de 200 pays et auprès de 364 millions de foyers, et son accès sera encore plus large demain grâce à la plateforme TV5 Monde plus ; France Télévisions est déjà accessible depuis l'étranger dans 70 pays, principalement en Europe, mais aussi en Afrique subsaharienne, auprès de 38 millions de foyers ; quant à France Médias Monde, elle a vocation à diffuser les contenus de l'audiovisuel extérieur partout dans le monde.

La francophonie, cher Jacques Krabal, est une des missions de l'audiovisuel public, et elle continuera d'être renforcée. Je reviendrai sur nos attentes en la matière lors de nos débats dans l'hémicycle.

Le crédit d'impôt audiovisuel est un outil formidable, et nous travaillons avec Bercy à l'étendre aux jeux vidéo – une filière essentielle pour l'avenir de toutes les industries de l'image. Plus nous accueillerons de productions de jeux vidéo sur notre sol, plus nous pourrons valoriser à la fois le savoir-faire français, l'excellence de la filière française, et ainsi conforter ces emplois sur notre territoire.

La place des femmes et des hommes dans l'audiovisuel sera, bien sûr, un des objectifs de France Médias, et nous aurons l'occasion d'y revenir quand nous aborderons les missions de service public du groupe.

Depuis deux ans, d'importants progrès ont été réalisés sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes : la charte des festivals prévoit la parité dans tous les comités de sélection, la gouvernance des César, d'une actualité brûlante, est en cours de rénovation, et le CNC attribue, depuis l'année dernière, un bonus de 15 % aux films dont les équipes sont paritaires. Cette dernière avancée est considérable, et s'appuie sur la bonification plutôt que sur la sanction. Quant au CSA, demain l'ARCOM, il exerce un contrôle sur l'amélioration de la place des femmes et de leur visibilité. Il s'agit donc de la féminisation de la production et de la réalisation, mais aussi à l'écran. Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, a récemment pris un engagement fort sur la place des femmes à l'écran et sur le soutien aux femmes réalisatrices.

Le projet de l'Agence française de développement (AFD) pour soutenir les médias dans le Sahel avec un financement de 8 millions d'euros et la participation de RFI est une belle initiative.

Le projet de création d'une chaîne franco-algérienne sur le modèle d'ARTE, qui symboliserait l'amitié entre nos deux peuples, me paraît une belle idée, et je suis prêt à y réfléchir très sérieusement. Il y a un lien particulier entre la France et l'Algérie, et le modèle d'ARTE a, en effet, inspiré des initiatives similaires. Ce serait rendre hommage à celles et ceux qui ont imaginé la chaîne franco-allemande et qui la font vivre au quotidien.

Quant à la chanson de la délégation tricolore à l'Eurovision, dont le refrain est en anglais, ce que je déplore tout autant que vous, cher Jacques Krabal, et qui m'a cassé les oreilles ce matin à la radio, c'est un choix indépendant de France Télévisions, dont la ligne éditoriale est libre. Le morceau devait initialement être chanté entièrement en anglais, mais l'interprète, Tom Leeb, a réécrit les couplets pour qu'ils soient en français. La stratégie serait d'essayer d'obtenir le Graal de la première place, mais j'ai fait savoir mon étonnement quant à ce refrain en anglais. Chacun doit montrer l'exemple pour que la France soit portée avec fierté partout et tout le temps. La francophonie est importante, donc, mais le rayonnement de la France, de sa culture et de son regard spécifique sur le monde passe aussi par des contenus, notamment ceux de l'audiovisuel public, en langues étrangères ou sous-titrés. Le sous-titrage est un outil très utile à ce titre.

J'ai tâché d'être le plus complet possible dans mes réponses, madame la présidente ; restent encore de nombreux sujets à examiner sur lesquels nous reviendrons lors de la discussion du projet de loi.

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Monsieur le ministre, pourrait-on s'accorder sur un dispositif qui permettrait à notre audiovisuel extérieur de conserver sa place, de préserver son influence et son rayonnement tout en permettant les évolutions engagées dans le cadre du nouveau groupe public ? Si nous pouvions, dans les prochains jours, emprunter ensemble ce chemin pour affiner votre proposition avec cet objectif partagé, notre commission en serait fort satisfaite.

Permalien
Franck Riester, ministre de la culture

La synthèse que vous venez de nous livrer me convient parfaitement, madame la présidente. Reste à déterminer comment traduire concrètement cette visée, mais soyez assurée que je serai proactif pour aller dans le sens que vous souhaitez.

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Je vous remercie, vous et votre équipe, de votre présence, monsieur le ministre.

La séance est levée à 19 heures 15.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Annie Chapelier, Mme Mireille Clapot, M. Pierre Cordier, M. Alain David, Mme Frédérique Dumas, M. M'jid El Guerrab, Mme Anne Genetet, M. Michel Herbillon, M. Bruno Joncour, M. Rodrigue Kokouendo, Mme Amélia Lakrafi, M. Mounir Mahjoubi, M. Denis Masséglia, M. Frédéric Petit, M. Jean-François Portarrieu, Mme Marielle de Sarnez, Mme Liliana Tanguy

Excusés. - Mme Ramlati Ali, Mme Clémentine Autain, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Moetai Brotherson, M. Éric Girardin, M. Philippe Gomès, M. Meyer Habib, M. Alexandre Holroyd, Mme Sonia Krimi, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Nicole Le Peih, M. Jacques Maire, M. Jean François Mbaye, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Isabelle Rauch, M. Jean-Luc Reitzer, M. Hugues Renson, Mme Laetitia Saint-Paul, Mme Sira Sylla, M. Sylvain Waserman

Assistait également à la réunion. - M. Jacques Krabal