Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques aedes et des maladies vectorielles

Réunion du vendredi 14 février 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE CHARGÉE D'ÉVALUER LES RECHERCHES, LA PRÉVENTION ET LES POLITIQUES PUBLIQUES À MENER CONTRE LA PROPAGATION DES MOUSTIQUES AEDES ET DES MALADIES VECTORIELLES

14 février 2020

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Ramlati Ali, rapporteure)

La commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles procède à l'audition de Mme Annelise Tran, chercheuse à l'unité mixte de recherche Territoires, environnement, télédétection et information spatiale (Tetis) du CIRAD

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Mes chers collègues, nous continuons nos auditions en entendant ce matin, par visioconférence, depuis La Réunion, Mme Annelise Tran, chercheuse à l'unité mixte de recherche « Territoires, environnement, télédétection et information spatiale » (TETIS) du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), conceptrice de l'outil de modélisation des densités de moustiques, AlboRun.

Madame, je vous souhaite la bienvenue. Je vous rappelle que les auditions de la commission d'enquête sont publiques, et qu'elles sont donc disponibles en direct et en différé sur le site de l'Assemblée nationale. Je vous prie de bien vouloir nous déclarer tout conflit d'intérêts de nature à influencer vos déclarations. Je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite donc à lever la main droite et à dire « je le jure ».

Mme Annelise Tran prête serment

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Annelise Tran

Je vous remercie. Le Powerpoint que je vous ai transmis me servira de support à la présentation de mes travaux de modélisation.

AlboRun est un outil de modélisation spatiale qui produit des cartes de densité des populations de moustiques-tigres – les Aedes albopictus ; il est opérationnel à La Réunion depuis 2017, et désormais utilisé en routine. Je vous présenterai le projet Arbocarto, qui lui fait suite.

L' Aedes albopictus est le vecteur du virus de la dengue, du chikungunya et du Zika. Très adapté au milieu urbain, il est présent dans les départements et régions d'outre-mer, mais aussi dans les départements français métropolitains ; devenu une forte nuisance, il présente un risque sanitaire important.

Le projet Arbocarto repose sur les résultats des expériences menées à partir d'AlboRun, un outil de cartographie prédictive pour la surveillance des maladies à transmission vectorielle – utilisé par les services de lutte antivectorielle (LAV). Il a été développé en collaboration avec l'Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen (EID) et l'agence régionale de santé (ARS) de l'océan Indien.

Arbocarto s'intègre dans une convention-cadre de la direction générale de la santé (DGS), du Centre national des études spatiales (CNES) et du service de santé des armées (SSA), relative à l'e-santé, sur le développement d'un outil opérationnel pour la modélisation spatiale des populations d' Aedes albopictus en France métropolitaine et en outre-mer.

Comme AlboRun, il s'agit d'un outil de cartographie prédictive à une échelle spatiale adaptée pour les actions de surveillance et de contrôle des services de LAV, qui intègre des données météorologiques et environnementales.

Quel est son principe de fonctionnement ? Le modèle générique de la dynamique de population de moustiques a été développé en partant du postulat qu'il devait être adaptable à différentes espèces de moustiques – Aedes albopictus, Aedes aegypti, Anophèles, Culex, etc. – dans diverses zones géographiques.

Ce modèle est alimenté par deux entrées. D'abord, par un fichier environnemental précisant le découpage du territoire en zones d'intervention. Pour chacune de ces parcelles, il est important de décrire la capacité de charge de l'environnement, à savoir la disponibilité en gîtes larvaires – récipients d'eau dans lesquels les Aedes albopictus femelles peuvent pondre leurs œufs. Ensuite, par les données météorologiques journalières – pluie et températures.

En sortie, nous obtenons un fichier géographique capable de prédire, pour chacune des parcelles, le nombre de moustiques présents. Il est possible de visionner les données dans Google Earth ou de les utiliser dans des systèmes d'information géographiques (SIG). Et les données du SIG peuvent, par exemple, être croisées avec les données de localisation d'un cas de dengue.

Le modèle est fondé sur le cycle de vie du moustique – commun à toutes les espèces. Le moustique se développe en deux phases. D'abord, une phase aquatique, avec les œufs, les larves et les nymphes ; ensuite, le moustique émerge et connaît une phase aérienne qui, pour les femelles est la suivante : reproduction, repas de sang, maturation et ponte des œufs.

Les gîtes larvaires d' Aedes albopictus et Aedes aegypti sont très petits, il s'agit de contenants d'eau stagnante, tels que les pots de fleurs, les pneus ou autres objets abandonnés qui se remplissent de pluie.

Le modèle de la dynamique de population de moustiques respecte ce cycle de vie, en définissant un modèle en compartiments – pour les œufs, les larves, les nymphes, etc. Dans le compartiment adulte, nous trouvons les femelles émergentes, les nullipares – qui n'ont jamais pondu – comme les pares. Et pour toutes les femelles, nous avons défini différents stades suivant leur activité, : il y a celles qui sont en recherche d'hôtes, celles qui sont gorgées de sang et celles qui sont en recherche d'un site de ponte.

De sorte que le modèle, fondé sur un système d'équations différentielles ordinaire, permettra d'estimer le nombre d'individus dans chacun de ces compartiments, en calculant la différence entre le nombre d'individus le jour précédent, le nombre d'entrants et le nombre d'individus morts ou passés au stade suivant.

Un tel modèle nécessite des paramètres et des fonctions décrivant à quelle vitesse les moustiques passent d'un compartiment à l'autre. À ces transitions – changement de compartiment –, nous ajoutons des données relatives à la température, à la pluie et à la capacité de charge de l'environnement, à savoir à la disponibilité en gîtes larvaires.

Toutes les fonctions de transition dépendent de la température : plus il fait chaud, plus elles sont rapides. La pluie peut entraîner un lessivage des gîtes et donc une forte mortalité. Ces connaissances, relatives à l'impact des conditions météorologiques et environnementales sur les transitions d'un stade à l'autre du moustique, peuvent être intégrées dans les équations du modèle.

Les paramètres et les fonctions ont été définis à partir de la littérature, d'études expérimentales ou d'expertises ; de fait, nous n'avons pas besoin de nouvelles données entomologiques pour calibrer le modèle.

Le modèle générique de la dynamique de population de moustiques a fait l'objet de plusieurs publications, tout comme le modèle appliqué à l' Aedes albopictus en zone tempérée – à Nice –, et celui appliqué à l' Aedes albopictus en zone tropicale – à La Réunion.

Je l'ai dit, les sorties du modèle sont des fichiers géographiques pouvant être intégrés à un SIG ou visualisables sur Google Earth. Sur ces cartes prédictives, les densités de moustiques sont signalées par des couleurs, allant du vert au rouge – faible à forte densité.

En métropole, nous avons testé le modèle élaboré pour Nice, à Montpellier, Grenoble et Bordeaux. Ces cartes ont pour vocation d'aider les services de LAV ou les ARS à orienter leurs actions de surveillance et de prévention. Il est important, lorsque nous disposons de données de terrain, de valider le modèle. Vous pouvez constater qu'à Montpellier, la corrélation entre la prédiction et les observations sur le terrain est très satisfaisante.

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Pour Grenoble et Bordeaux, nous disposions de moins de données de terrain, mais le modèle reproduit tout de même la dynamique de population dans les zones où le moustique est installé.

Concernant l'interface utilisateur du modèle, elle permet de piloter le modèle et de l'utiliser en routine, avec un fichier environnemental des différents gîtes larvaires et les données journalières de Météo France. En sortie, l'utilisateur obtient un fichier géographique des densités de moustiques.

À ce modèle, nous avons ajouté des fonctionnalités, notamment la possibilité de paramétrer le fichier environnemental en prenant en compte l'occupation et l'usage du sol et la végétation – estimation de la capacité de charge de l'environnement. Nous disposons, à La Réunion, de nombreuses données de terrain, le nombre de gîtes larvaires par parcelles étant relevé depuis plusieurs années par les équipes de terrain ; nous pouvons ainsi valider les prédictions du modèle. Ce qui n'est pas le cas en métropole. De sorte que nous avons procédé à des estimations en fonction de la typologie urbaine et de la végétation – un nombre de gîtes par hectare – que nous appliquons au fichier.

(image non chargée)

En outre, l'utilisateur peut souhaiter, en fonction des observations de terrain, connaître les endroits très productifs de gîtes larvaires, comme des maisons abandonnées ou des décharges sauvages, que nous avons appelés des « points noirs ».

Enfin, dernière fonctionnalité – matérialisée par des points verts –, la possibilité de simuler une action de prévention, telle que la diminution, par exemple, de 50 % du nombre de gîtes larvaires, après une campagne d'information et de sensibilisation, visant à motiver la population à vider l'eau de leurs récipients laissés dans leur jardin.

Arbocarto est une application Java « packagée » ; il s'agit uniquement d'un exécutable. Dans l'interface de démarrage, le menu comporte plusieurs modules, dont l'« initialisation », qui permet de définir l'espèce sur laquelle l'utilisateur souhaite travailler, la « simulation », destinée à être utilisée en routine, et un certain nombre d'autres servant à paramétrer le fichier environnemental. Ce démonstrateur peut être utilisé de façon opérationnelle toutes les semaines, en intégrant les nouvelles données météo, en mode « analyse » pour le suivi, ou encore en mode « test » ou « communication ».

Je ne sais pas comment cet outil a, pour l'instant, été utilisé.

Une documentation a été élaborée et des formations ont été délivrées, entre décembre 2018 et décembre 2019, à Grenoble, Bordeaux, Montpellier et en Martinique, aux personnels des ARS et aux opérateurs des services de lutte antivectorielle. C'est ma collègue Marie Demarchi, ingénieure indépendante à la Maison de la télédétection, qui s'est occupée de son transfert et qui assiste actuellement l'ARS Occitanie pour de nouveaux sites – Toulouse et Perpignan. Il n'est pas encore utilisé en routine.

Il a été procédé à une diffusion plus large de ce démonstrateur Arbocarto, en dehors des sites pilotes. Il est notamment en ligne sur le site de dépôt de données du CIRAD Dataverse. Son utilisation est soumise à l'autorisation de la DGS, son propriétaire, il convient donc de remplir un formulaire avant de le télécharger et de l'utiliser.

Concernant AlboRun, cette diapositive explique comment mes collègues de l'ARS océan Indien l'utilise, en le combinant avec un certain nombre d'informations qu'ils croisent dans le SIG du service de la LAV.

Durant une épidémie de dengue, il est notamment combiné avec les données épidémiologiques sur la localisation des cas. Il peut également être combiné avec des informations sur l'historique des interventions sur le terrain. Ou encore avec des données externes, telles que la localisation des ruchers, afin de ne pas pulvériser d'insecticide à proximité de zones sensibles. Au final, la combinaison des informations permet de prioriser les zones sur lesquelles les services interviendront, et de définir leurs actions.

Enfin, les perspectives.

Concernant la recherche, nous travaillons en ce moment sur le couplage du modèle de la dynamique de population de moustiques avec des modèles de transmission, notamment sur la dengue. Nous utilisons ces modèles combinés pour étudier les effets des actions de contrôle, en lutte intégrée, ou avec des méthodes de lutte innovantes, comme la technique de l'insecte stérile ou la technique d'auto-dissémination.

S'agissant des perspectives opérationnelles, il est prévu de déployer l'outil en Asie du Sud-Est. Pour la métropole, je vous l'ai dit, c'est Marie Demarchi qui s'occupe de son transfert. Enfin, des discussions sont en cours entre la DGS et le CNES pour financer l'amélioration de l'outil.

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Je vous remercie pour cette présentation extrêmement claire.

Cet outil est-il un projet de recherche ou une réponse à une commande publique ?

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Annelise Tran

Il s'agissait d'une commande de l'ARS, mais l'outil AlboRun est aussi un projet de recherche, dans la mesure où nous ne savions pas sur quoi nous allions déboucher.

Une thèse, cofinancée par le CIRAD et l'Institut nationale de la recherche agronomique (INRA), a été publiée en 2011 sur le modèle générique de la dynamique de population de moustiques. Ensuite, un projet plus opérationnel a été lancé par l'EID Méditerranée. Il a passé commande au bureau d'étude SIRS – dans lequel travaillait Marie Demarchi –, qui a travaillé en partenariat avec le CIRAD pour l'expertise vecteur.

Un membre de l'ARS de La Réunion a eu accès aux résultats – outil pour le Sud de la France – et nous a contactés pour que nous développions un modèle pour l' Aedes albopictus en zone tropicale.

Quant au projet Abocarto, il s'agissait d'une commande de la DGS, suite aux résultats d'AlboRun.

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Comment ont été financés les coûts de développement et les coûts de maintenance ?

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Annelise Tran

Les coûts de développement ont été financés au moment des projets et les coûts de maintenance ne le sont pas ; c'est justement l'objet des discussions en cours entre la DGS et le CNES.

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Quels services utilisent votre outil ? Avez-vous pu évaluer sa contribution à la lutte antivectorielle ?

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Annelise Tran

AlboRun est utilisé de façon opérationnelle par l'ARS de La Réunion, ainsi que par les ARS des sites pilotes en métropole. Cette année, d'autres sites vont certainement l'utiliser à l'arrivée du moustique-tigre, mais nous ne savons pas encore lesquels.

S'agissant de la lutte antivectorielle, je l'ai observée de façon théorique. Le modèle a évolué depuis sa conception, puisque nous pouvons, je vous l'ai dit, croiser des informations, ajouter des modules… Nous pouvons, par exemple, simuler la destruction de gîtes larvaires ou la pulvérisation d'insecticides, et analyser l'impact de ces actions sur la population de moustiques. Mais aucune mesure n'a été prise sur le terrain par mes collègues entomologistes.

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Le modèle combine deux approches de modélisation ; la qualité et la fiabilité des données sont donc importantes

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Annelise Tran

Effectivement, pour AlboRun, nous avons testé deux approches. Une approche statistique, fondée sur les données, et une approche mécanique, fondée, elle, sur les processus. Combiner ces deux approches est très intéressant, car la corrélation entre les densités de moustiques, la pluie et la température a été mise en évidence par l'approche statistique.

Par exemple, une forte précipitation a un effet de lessivage sur les gîtes ; de fait, le nombre de larves diminue. Une information que nous avons ajoutée au modèle mécanique : une mortalité additionnelle liée à de fortes pluies.

Le modèle statistique, fondé uniquement sur les données relatives à la pluie et à la température, ne prend pas en compte la disponibilité des gîtes larvaires et donc l'hétérogénéité spatiale qui peut exister entre différents quartiers.

Avec le modèle Albocarto, l'approche est uniquement mécanique. Nous avons donc besoin uniquement des données d'entrée relatives à la pluie et à la température ; des données qui doivent être aussi précises que possible. Mais la France est très bien dotée avec Météo France.

Nous avons également besoin de connaître le nombre de gîtes larvaires pour chacune des parcelles, car l'estimation est difficile à établir. Les enquêtes sur le terrain restent le meilleur moyen de disposer de chiffres précis, mais elles sont complexes à mettre en place.

À La Réunion, les autorités disposent de ces données, car après la première épidémie de chikungunya, des enquêtes de terrain et des actions de sensibilisation ont été menées. Mais en métropole, seules des estimations sont possibles, en fonction notamment du type d'urbanisation. Il y a par exemple plus de gîtes dans les quartiers résidentiels qui abritent des maisons avec jardins.

Nous devons cependant garder à l'esprit que tous les modèles sont faux, l'idée n'étant pas de prédire la réalité, mais des tendances. Même si en dynamique saisonnière, les résultats sont réalistes.

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Pourquoi n'y a-t-il pas de moustiques en hiver – ou beaucoup moins ?

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Annelise Tran

Le moustique a développé la capacité à interrompre l'éclosion des œufs en hiver, et ce jusqu'au printemps. Les œufs d' Aedes albopictus n'éclosent donc pas, même si la température est favorable.

C'est un fait que nous avons, bien entendu, démontré. Les œufs que nous avons transportés de La Réunion à Montpellier ont éclos, et la souche n'a pas passé l'hiver. Alors que les œufs d' Aedes albopictus de métropole cessent d'éclore en hiver.

En métropole, les œufs arrêtent d'éclore, les adultes meurent de leur belle mort, et petit à petit il n'y a plus de moustiques en hiver.

Ces données ont bien entendu été entrées dans le modèle – ce sont des paramètres importants. L'utilisateur peut en effet entrer la date de début et de fin de diapause.

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L'intelligence artificielle (IA) peut-elle devenir un moyen d'aider l'État à mieux cartographier – et plus vite – le risque d'épidémie et surtout les piques épidémiques ? Quid de l'IA en termes de déontologie ?

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Annelise Tran

Je ne suis pas une spécialiste de l'IA, j'élabore des modèles fondés sur les connaissances et non sur les données. Un modèle IA a besoin de beaucoup de données. Or pour les moustiques, je ne suis pas persuadée que nous disposions de suffisamment de données pour faire tourner les algorithmes.

Concernant la déontologie, tout dépend des données qui sont manipulées.

S'agissant des prédictions de risque d'épidémie, il existe des expériences réussies d'utilisation de l'IA, s'agissant de la surveillance des maladies animales, qui reposent sur la fouille de textes et qui ont conduit à développer des systèmes d'alerte précoce de l'épidémie. L'OMS doit très certainement posséder des systèmes équivalents pour les maladies humaines.

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Madame, je vous remercie pour votre exposé et toutes les informations que vous nous avez livrées. Je suis étonné par l'avancée des modèles que vous avez élaborés et qui sont utilisés.

Je suis député du Bas-Rhin, un département comportant de nombreuses zones humides. C'est la raison pour laquelle, j'ai écouté avec beaucoup d'attention vos propos sur les gîtes larvaires et leur impact sur le développement des moustiques. Je n'avais pas conscience de l'impact des comportements humains – les seaux, les arrosoirs, les pots de fleurs qui traînent dans les jardins – sur le nombre croissant des gîtes larvaires.

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Annelise Tran

Les Aedes albopictus et les Aedes aegypti pondent dans des récipients d'eau très petits, mais aussi dans des gîtes larvaires naturels, comme les trous d'arbre ou les bambous. Mais la très grande majorité des gîtes larvaires d' Aedes albopictus, ce sont effectivement les humains qui les produisent.

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Vous avez évoqué la technique de l'insecte stérile. J'ai rencontré un responsable d'une PME qui travaille sur les phéromones. Cette technique est-elle envisageable pour lutter contre les moustiques ?

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Annelise Tran

Je suis modélisatrice, j'élabore des programmes informatiques, et non entomologiste. Mais je collabore avec des entomologistes qui, eux, sont les spécialistes des techniques de lutte. Je ne connais pas du tout cette technique fondée sur les phéromones. Mais la technique de l'insecte stérile est un module qui peut facilement être ajouté au modèle mécanique.

Cette technique consiste à irradier des mâles et à les relâcher. Ces mâles stériles vont se reproduire avec des femelles sauvages, et les œufs n'écloront pas. Ainsi, les populations vont diminuer.

Cependant, avant d'expérimenter cette technique, nous devons faire de la modélisation, pour en mesurer l'impact. Nous procédons donc à des simulations : quelle compétitivité ces mâles stériles devraient posséder pour que cela fonctionne ? Combien de moustiques mâles conviendrait-il de lâcher pour atteindre tel pourcentage de réduction ? A quel moment la dynamique va-t-elle reprendre – car il y aura forcément une nouvelle colonisation, le moustique-tigre reviendra toujours ? Une technique qui sera utilisée, non pas pour éradiquer le moustique-tigre, mais pour éviter une épidémie.

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En métropole, votre outil a été utilisé sur trois sites, avez-vous noté des différences entre le littoral et la montagne ?

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Annelise Tran

Non, justement. Nous avions choisi ces trois sites – Méditerranée, Atlantique et les Alpes – notamment parce que les utilisateurs ne voyaient pas comment un même modèle pouvait être efficace sur des sites aussi différents. Mais cet outil est très modulaire. La capacité de charge de l'environnement est facilement modifiable en fonction des données de terrain, de sorte que le même modèle donne des prédictions très réalistes.

Mais le modèle a une limite : il part du principe que la population est installée partout. Or à Bordeaux et à Grenoble, la colonisation est en cours, le moustique-tigre n'est pas installé dans tous les quartiers. Mais nous sommes confiants quant à l'utilisation de l'outil à d'autres zones géographiques où le moustique est présent.

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Existe-t-il des données auxquelles vous n'avez pas accès et qui pourraient permettre d'affiner les résultats ?

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Annelise Tran

Oui, bien sûr, de nombreuses données sont intéressantes, mais elles exigent beaucoup d'études expérimentales sur le terrain ou en laboratoire.

Si nous voulions être sûrs à 100 % des prédictions relatives à l'efficacité des traitements, par exemple, nous aurions besoin de données expérimentales, telles que l'impact de la destruction mécanique des gîtes sur une superficie donnée.

Pour la combinaison avec un modèle de transmission du virus de la dengue, nous aurions besoin de données sur la compétence vectorielle du moustique-tigre : comment va-t-il transmettre les différents sérotypes de la dengue – une variable indispensable pour prédire le risque de transmission du virus ?

Les données de terrain, de validation, telles que le nombre de gîtes suivant le type d'habitat, sont bien évidemment toujours souhaitables pour affiner les prédictions du modèle. Mais le modèle peut tourner tel quel et fera l'objet d'améliorations au fil du temps.

La réunion s'achève à onze heures.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête chargée d'évaluer les recherches, la prévention et les politiques publiques à mener contre la propagation des moustiques Aedes et des maladies vectorielles

Réunion du vendredi 14 février 2020 à 9 heures 30

Présents. – Mme Ramlati Ali, M. Frédéric Reiss

Excusés. – Mme Ericka Bareigts, M. Alain David, Mme Françoise Dumas, M. Benoit Simian, Mme Valérie Thomas, M. Jean-Louis Touraine