La réunion

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La séance est ouverte à 15 heures 45.

Présidence de M. Éric Ciotti, président de la commission.

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Mes chers collègues, nous accueillons maintenant les syndicats de police, avec, pour le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI), M. Christophe Rouget, secrétaire général adjoint et Mme Eve Pesteil, déléguée zonale Île-de-France ; pour le syndicat Alliance, MM. Frédéric Lagache, délégué général, Loïc Travers, secrétaire national Île-de-France, Yvan Assioma, secrétaire régional de Paris et Frédéric Boucher, délégué à la DRPP ; et pour l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), MM. Laurent Massonneau, secrétaire général, Frédéric Fourcault, secrétaire général adjoint, Jean-Philippe Bozzola, délégué et Pierre-Yves Coz, délégué. Madame et messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.

Je vous précise, mes chers collègues, que la Fédération des syndicats du ministère de l'intérieur Force ouvrière (FSMI-FO), également invitée, nous a indiqué ne pas être en mesure de participer à cette audition.

Madame, messieurs, cette audition a pour objectif de recueillir vos avis sur les différentes mesures appliquées au sein de la police pour identifier, prévenir et signaler le phénomène de radicalisation chez les policiers.

Avant de vous donner la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(Les personnes auditionnées prêtent successivement serment)

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Christophe Rouget, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure

Nous vous remercions de nous recevoir aujourd'hui. Nous ne pouvons que nous féliciter que nos parlementaires s'intéressent à cette attaque perpétrée à la direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP).

Après l'affaire Harpon, il est en effet nécessaire de nous interroger sur notre organisation, en termes de sécurité, car pour la première fois l'attaque est venue de l'intérieur – ce que nous redoutions le plus. Dans notre maison, le collectif et l'entraide sont essentiels, et notre socle commun est la confiance ; elle doit être maintenue.

Des décisions ont été prises, concernant notamment les habilitations, qui vont désormais être délivrées par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et l'accès aux informations.

Les standards de sécurité doivent évoluer, d'autant qu'ils concernent tous les services de la police nationale. Une telle attaque aurait pu se dérouler dans un service d'intervention, où des armes sont détenues, et la situation aurait alors été encore plus grave.

Cette commission est importante pour déterminer si des erreurs collectives ou individuelles ont été commises, même s'il est encore difficile d'établir à ce stade les défaillances – une enquête judiciaire est en cours –, la radicalisation de Mickaël Harpon n'étant pas encore avérée. Sachez que ma collègue, Mme Pesteil, a travaillé à la DRPP et connaissait l'auteur de l'attaque.

Quatre problématiques doivent être mises en exergue. D'abord, la procédure d'habilitation. Quel est le niveau d'exigence demandé pour attribuer les habilitations ? Quelle est leur durée de validité ? La DGSI emploie 40 % de contractuels : que feront-ils des informations auxquelles ils ont eu accès, une fois qu'ils auront quitté la direction ?

Par ailleurs, la procédure d'habilitation est chronophage et nous ne devons pas compter plus de policiers enquêtant sur des policiers, que de policiers sur le terrain. Nous devons faire attention à ne pas paralyser la police nationale avec des procédures trop longues.

Ensuite, la procédure de suspension. Tout le monde s'accorde à dire, au sein de la police nationale, que les processus ne sont pas satisfaisants même si des efforts ont été faits pour détecter la radicalisation, notamment au sein de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Les mesures de sécurité prises au sein de notre maison ne doivent pas entraîner une réduction des droits des policiers : ils ne doivent pas disposer de moins de droits que les autres citoyens.

Un policier, signalé ou pour lequel des doutes ont été exprimés, qui est désarmé subit un choc psychologique énorme. Il ne faudrait pas que les solutions envisagées soient pires que les procédures actuelles. Imaginez qu'un policier passe à l'acte justement parce qu'il a été signalé et qu'il s'est senti stigmatisé !

Il s'agit d'un vrai problème. Des officiers de police ont déjà été jetés en pâture par la presse, alors que les enquêtes ont établi qu'ils n'étaient pas radicalisés. Comment peuvent-ils ensuite réintégrer leur service et reprendre le travail avec leurs collègues ?

Troisième problématique, la formation ; elle est indispensable. Actuellement, personne ne sait vraiment détecter un collègue qui se serait radicalisé, personne ne connaît les signaux faibles. Nous devons par conséquent intégrer, dans les formations, initiale et continue, des modules sur cette thématique, c'est essentiel.

Enfin, l'organisation. Il me semble, monsieur le président, que vous avez évoqué, dans les médias, l'organisation centralisée. La direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a été créée en 2008 et remplacée par la DGSI en 2014, et personne, à ces deux dates, n'a remis en cause l'existence de la DRPP. Depuis, le contexte a encore évolué.

Nous pensons, depuis 2014, que l'organisation territoriale de la police nationale est à revoir – y compris à la préfecture de police, et pas seulement à la DRPP. Il est indispensable de prendre en compte toute la police dans son ensemble. Certains disent aujourd'hui que la police nationale compte trop de chefs et de structures, alors qu'ils ont été, à un moment donné, aux manettes et n'ont rien changé. Nous espérons que le Livre blanc contribuera à engager une réforme des structures de la police nationale.

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Nous vous remercions de nous avoir invités à nous exprimer sur ce sujet, si important et sensible, qu'est le phénomène de radicalisation dans les services de la police nationale.

Je vous présenterai tout d'abord mes collègues du syndicat Alliance, présents aujourd'hui. M. Loïc Travers, secrétaire national de l'Île-de-France siège également au conseil de discipline ; Yvan Assioma, est le secrétaire régional de Paris ; et Frédéric Boucher est le délégué à la DRPP.

Sachez, ensuite, que nous ne pourrons pas répondre à l'ensemble des questions, car nous sommes tenus par le secret de l'instruction et le secret défense, notamment en ce qui concerne les habilitations.

Je vais néanmoins tenter de balayer la problématique dans son ensemble, m'attachant à en déterminer les causes – pourquoi en est-on arrivé-là – et à proposer des solutions, sachant que le risque zéro n'existe pas.

Tout d'abord, si les filtres posés, en matière de recrutement en général, se sont révélés efficaces, il reste quelques interrogations en ce qui concerne les services de renseignement : sont-ils perfectibles s'agissant de l'affectation d'agents dans ces services dits sensibles ? Nous pensons que le système peut être amélioré, notamment en réduisant la durée des habilitations.

Par ailleurs, l'ensemble des personnels du ministère de l'Intérieur doit, s'agissant du recrutement, être soumis aux mêmes règles. Or, seuls les policiers font l'objet d'une enquête de la part des services spécialisés – contrairement aux personnels administratifs. Ce défaut d'enquête sur le personnel administratif – excepté pour les services du renseignement – pose un problème de sécurité. L'affaire Harpon l'a démontré. Après quelques recherches, nous avons appris que cette enquête avait été supprimée en 2015 ou 2016, pour se conformer à un texte européen relatif aux services publics. Ce défaut d'enquête est une faille dans notre dispositif de sécurité.

Concernant les formations, initiale et continue, mon collègue vient de l'évoquer, aucune d'elle n'évoque le phénomène de radicalisation et les signaux auxquels il conviendrait d'être attentifs. Aucun module n'évoque l'islam radical et les raisons amenant à une radicalisation. De telles formations sont essentielles.

Seule la formation continue sensibilise les policiers au principe de la laïcité, et ce depuis 2007. Or, en Île-de-France – le secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP) regroupe les départements du 91, 95, 78 et 77 et les deux plateformes aéroportuaires, soit quelque 10 000 collègues –, seuls 3 200 policiers ont été sensibilisés. Je précise que les agents affectés aux services de renseignement disposent, eux, d'un module complet obligatoire.

Maintenant, est-il simple, pour un policier, de dénoncer un collègue chez qui il aurait perçu quelques changements ? Non, bien évidemment. C'est la raison pour laquelle, nous avons proposé au préfet de police le principe de l'anonymisation partielle. Si le nom du policier qui signale un collègue ne doit pas être connu de ce dernier, il n'est pas question non plus de favoriser les règlements de comptes ; son nom devra donc être connu de son directeur – et non pas de sa hiérarchie directe. Cette anonymisation a un autre avantage : si l'enquête menée démontre que le collègue ciblé n'est pas radicalisé, il devra réintégrer son service. Sans le principe de l'anonymisation, ses rapports avec le policier qui l'a signalé seraient alors compliqués.

Enfin, une totale fluidité est indispensable entre les directions de la police nationale. Nous avons effectivement eu vent de cas de policiers signalés qui avaient changé de département, sans que leur nouvelle hiérarchie soit mise au courant de ce signalement.

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Laurent Massonneau, secrétaire général de l'Union nationale des syndicats autonomes

Je ferai pour ma part une déclaration préalable sur l'état de la police, qui me semble nécessaire pour comprendre ce qui nous arrive.

Premièrement, les viviers de recrutement sont totalement à sec dans la police nationale. Ce qui nous a poussés à ouvrir les vannes de façon plus large, notamment depuis 2015. De fait, nous sommes certainement un peu moins exigeants sur la qualité des candidats.

Par ailleurs, et mes collègues l'ont évoqué, la formation. Disposons-nous de la capacité – que ce soit au niveau de la formation initiale et continue ou de l'encadrement – d'observer en temps réel le phénomène de radicalisation ? Évidemment, non. En outre, alors que les psychologues seraient en mesure de détecter des signaux, des changements de comportement, la police compte un psychologue pour 3 000 policiers.

Second point, la police est une institution qui a fâcheusement tendance à mettre la poussière sous le tapis et à régler les conflits au travail par une action disciplinaire. Je suis en total accord avec le SCSI, il est très compliqué, lorsqu'un cas est porté à la connaissance de la hiérarchie, de mener une enquête administrative intellectuellement honnête, à charge et à décharge, et de prendre très rapidement la décision qui s'impose. Il y a une zone grise, et tout le problème vient de là. Entre le moment où un agent est signalé comme présentant des signes de radicalisation et la décision, que faut-il faire : le mettre à pied, prendre des mesures disciplinaires, le renvoyer chez lui ? Car le risque est qu'il se mette en arrêt maladie et assigne son service devant le tribunal administratif ou le Conseil d'État. Or s'il a été victime d'un procès en sorcellerie ou d'une enquête un peu bricolée, les magistrats lui donneront raison.

Par ailleurs, et cela a également été évoqué, il ne s'agit pas de fabriquer une usine de policiers qui surveilleraient d'autres policiers. Passer au crible un agent demande trois jours de travail.

L'objectif de cette commission est de trouver des solutions permettant de réduire le risque au maximum. Il convient d'imaginer des millefeuilles internes permettant, sans que personne ne soit stigmatisé, d'être en capacité de veiller, le plus rapidement possible, à ce que ce collègue fasse l'objet d'une enquête approfondie et que la décision adaptée soit prise.

S'agissant de la DGSI, je confirme que les contractuels sont de plus en plus nombreux, et que la durée de leur contrat est de deux ans, en moyenne. Nous ne contestons pas l'apport d'analystes ou d'ingénieurs, mais je rappelle que notre statut est celui de fonctionnaire. Que pouvons-nous nous permettre, en matière de contrôle, pour ces jeunes diplômés qui ne restent chez nous que deux ans ?

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Monsieur Rouget, vous avez déclaré, en ce qui concerne l'affaire Harpon, que la radicalisation n'était pas établie. Pourtant, il s'agit d'une personne qui, après les attentats de Charlie Hebdo, a dit, « c'est bien fait », qui ne serrait plus la main aux femmes et qui fréquentait la mosquée de Gonesse, une mosquée plus ou moins problématique. Alors qu'appelez-vous une « radicalisation établie » ?

Si nous ne devons pas stigmatiser, mon empathie, comme la vôtre j'imagine, va d'abord aux victimes. Nous déplorons 280 victimes du terrorisme en France, 280 victimes de l'islam radical ; c'est la triste réalité.

Bien entendu, nous devons faire la distinction entre les terroristes et l'islam politique, qui, selon moi, est aussi dangereux – même s'il n'a pas de bras armé, il s'agit d'une idéologie forte. Or dans la police, je suis aujourd'hui persuadé que des agents sont endoctrinés et qu'ils adhèrent à l'islam politique.

Je suis sous protection policière depuis des années, je vis donc avec des policiers. Or certains ont une marque sur le front qui prouve qu'ils prient cinq fois par jour et font le ramadan. Attention, je ne dis pas qu'ils sont dangereux ou qu'il s'agit de terroristes, mais nous pouvons avoir un doute. Ils peuvent par ailleurs faire partie de l'un de vos syndicats qui affirment que tant qu'un policier n'est pas passé à l'acte, il est présumé innocent.

Quand, après les attentats de Charlie Hebdo, un policier dit, « c'est bien fait », cela me pose un problème – à vous aussi, j'imagine. Nous devons, dans notre République, être intraitable s'agissant de la laïcité. C'est la raison pour laquelle, le doute doit bénéficier aux citoyens, même s'il s'avère que c'était une erreur.

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Christophe Rouget, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure

Je ne sais pas s'il s'agit d'une question, mais je tenterai d'y répondre.

Monsieur le député, nous avons le même désir de sécurité pour nos concitoyens, ainsi que pour nos collègues qui sont sur le terrain. Je laisserai ma collègue s'exprimer, car elle connaissait Mickaël Harpon et a travaillé à la DDRP, mais sachez que j'ai mené des enquêtes criminelles et envoyé de nombreuses personnes en prison. Or j'espère l'avoir toujours fait sur des faits établis et jamais sur des doutes.

De la même façon, si un policier est soupçonné de radicalisation, comme pour tous les citoyens, l'enquête doit être juste et permettre d'établir les faits. Si les soupçons sont avérés, il doit également être condamné ou radié dans les règles.

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Eve Pesteil, déléguée zonale Île-de-France SCSI-CFDT

Monsieur le député, je suis une défenseure de la laïcité, et j'ai eu la chance de suivre la formation délivrée par la police sur ce thème.

Vous parlez, s'agissant de Mickaël Harpon, d'une radicalisation avérée. Mais, le jour du drame, nous sommes tous tombés des nues, à la DRPP. Il avait présenté ses excuses pour les propos qu'il avait tenus sur à l'attentat de Charlie Hebdo – d'ailleurs peu de personnes étaient au courant – et personne ne connaissait sa pratique religieuse. Je ne sais pas s'il refusait de serrer la main des femmes, mais il me faisait la bise.

Par ailleurs, de nombreux collègues pratiquent le ramadan et travaillent dans des services antiterroristes ; que dois-je en penser ?

M. Massonneau l'a indiqué, la police a élargi le spectre de ses recrutements, à l'image de la société. Je ne stigmatiserai donc pas l'un de mes collègues parce qu'il pratique le ramadan, ne boit pas d'alcool ou ne mange pas de porc.

Enfin, pour revenir à Mickaël Harpon, j'ai encore beaucoup de mal à concevoir sa radicalisation, que vous considérez comme avérée. Sans dévoiler l'enquête judiciaire en cours, je sais que même mes collègues de la brigade criminelle ont dû mal à établir les faits.

Devons-nous nous méfier des personnes qui font cinq prières par jour et le ramadan ? Je ne sais pas quoi penser, la question est très délicate. Je sais simplement que je ne stigmatiserai jamais personne pour la pratique d'une religion. Je suis par ailleurs bien consciente que le ramadan chez les policiers pose une question de sécurité, ces derniers étant physiquement affaiblis.

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Dans quelle sous-direction avez-vous travaillé, madame Pesteil ?

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Eve Pesteil, déléguée zonale Île-de-France SCSI-CFDT

J'ai travaillé dans les trois sous-directions de la DRPP : aux enquêtes – mais pas aux habilitations –, à la lutte contre le terrorisme et au renseignement territorial.

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Eve Pesteil, déléguée zonale Île-de-France SCSI-CFDT

Oui, il s'occupait de la maintenance informatique. Certains d'entre nous pouvaient méconnaître son handicap, mais dès lors que vous vous exprimiez clairement, en articulant bien, il n'y avait aucun problème. Je n'ai en tout cas pour ma part jamais rencontré de difficulté avec lui – ni d'autres collègues féminines qui peuvent en témoigner.

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Vous n'avez jamais entendu de rumeurs à son égard ?

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Eve Pesteil, déléguée zonale Île-de-France SCSI-CFDT

Jamais, non. Le chef de service de l'époque a dû gérer cela à son niveau, conformément à la note de l'IGPN précisant que chaque chef de service doit appréhender les situations et faire preuve de discernement s'agissant de soupçons de radicalisation – et les gérer au mieux.

Je rappelle que cette note a été diffusée avant les attentats qui ont déferlé sur la France en 2015 et touché au vif tous les Français. Nous étions donc à l'aube des événements, desquels nous allions beaucoup apprendre. De fait, nous appréhendons différemment l'affaire Harpon. En 2015, ses paroles ont pu apparaître comme une provocation. Le contexte de 2019 n'est pas celui de 2015.

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Et c'est bien la difficulté, nos collègues ne veulent pas se tromper dans leur signalement. Ce n'est pas parce qu'il y a un certain nombre de signes qu'il y a radicalisation.

Une fois le préfet informé, il appartient aux services de renseignement de mener leur enquête puis, avec les services d'inspection, de déterminer s'il y a radicalisation ou pas – et si des mesures disciplinaires doivent être prises ou pas.

Il me semble cependant que nous avons les moyens d'identifier une personne qui s'est radicalisée et que nous avons, en général, assez d'éléments – aller à la mosquée, différents comportements – pour prendre une décision, aussi compliquée soit-elle.

Nous avons les moyens d'identifier les terroristes et de déjouer des attentats – nous en avons déjoué un grand nombre. De fait, dès lors que nous avons ciblé un collègue, nous devrions aussi parvenir à prendre une décision. Mais il faut la prendre vite et ne pas attendre le pire, même s'il n'est jamais facile de parler de la religion ou d'actes qui y sont liés.

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Frédéric Fourcault, secrétaire général adjoint de l'UNSA

À l'instar de Mme Pesteil, j'ai également eu la chance de participer au module relatif à la laïcité il y a deux ans, à l'IGPN. Je me souviens de l'intervention de Mme Hélène Dupif, cheffe de la délégation de l'IGPN, qui nous avait rappelés, d'une part, la loi de 1983 dite « loi Anicet Le Pors », portant droits et obligations des fonctionnaires– dans laquelle tout est dit –, d'autre part, la neutralité « active » dont doit faire preuve un fonctionnaire de police s'agissant des idées politiques et religieuses. Elle avait également insisté sur la notion de courage pour, non pas dénoncer, mais avertir sa hiérarchie quand un problème est constaté.

Il y a quelques années encore, nous pouvions aller voir le chef de service pour lui signaler un souci concernant un collègue. Je ne parle pas de dénonciation, mais bien d'évoquer un souci dans le service.

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J'ai bien compris que la principale problématique est de désigner un collègue – avec toutes les conséquences que cela entraîne –, cette désignation débouchant sur une enquête ciblée devant délimiter les contours d'une éventuelle radicalisation.

Selon moi, l'autre problème est que l'information ne remonte pas plus haut que le N+1. Or il est aujourd'hui indispensable que les signaux faibles puissent être connus à un plus haut niveau hiérarchique.

Selon vous, quelle serait la solution, quand un agent transmet une information à son N+1 et qu'il ne se passe rien ? Que faut-il prévoir pour que cet agent ait le courage, comme disait M. Foucault, de transmettre cette information au-delà de son N+1 ?

Concernant l'affaire Harpon, ce dernier était employé à la maintenance informatique et non aux services de renseignement au sens strict et ou de lutte contre le terrorisme – même s'il avait la possibilité d'avoir accès à des données sensibles. Que pensez-vous de l'idée selon laquelle ce type de travail technique devrait être externalisé à des sociétés qui pourraient être mieux contrôlées ? Ainsi, en cas de doute, il serait plus simple d'écarter la personne concernée.

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Aucun policier ne passera au-dessus de son supérieur hiérarchique direct – cela ne s'est jamais fait. Car s'il s'est trompé, le jour où il commettra une erreur, si petite soit-elle, on ne la lui pardonnera pas. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'adopter le principe de l'anonymisation partielle.

D'abord, pour une bonne gestion du service. Comment imaginer le retour dans son service d'un policier qui aurait été signalé, par erreur, par l'un de ses collègues ? Ce serait ingérable. L'information doit donc être transmise au-delà du chef de service. D'autant que les doutes de radicalisation dans la police ne concernent pas des milliers de policiers – plutôt une centaine. Les directeurs des services actifs ne seront donc pas débordés.

Ensuite, pour éviter les délations.

Après cet événement, certains policiers ont eu peur, ont regardé certains de leurs collègues autrement et des signaux ont été grossis. Plusieurs policiers ont ciblé l'un de leurs collègues et ce signalement s'est retourné contre eux, le policier concerné ayant porté plainte pour diffamation.

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Eve Pesteil, déléguée zonale Île-de-France SCSI-CFDT

S'agissant de l'externalisation des fonctions supports, dans le cadre de l'instauration des processus de sécurité à la DRPP, nous avons plutôt tendance à verrouiller et à recruter des personnels. En externalisant ces missions, nous pourrions être confrontés à d'autres problèmes. Il me semble plus prudent de vivre en autonomie.

En revanche, et cela a été évoqué, sept ans est une durée trop longue pour une habilitation. Une vérification annuelle, voire biannuelle des personnels qualifiés, administratifs et actifs, pourrait être la solution.

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Vous avez évoqué la baisse considérable du nombre de candidats au concours de police, un vivier appauvri ; mais Mickaël Harpon faisait partie des effectifs depuis de nombreuses années. Il détenait par ailleurs une habilitation secret défense ; est-ce fréquent chez les agents de catégorie C ?

En outre, ses collègues de travail ont indiqué qu'il était raillé pour sa surdité, qu'il était surnommé « Bernardo ». Qu'en pensez-vous ?

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Laurent Massonneau, secrétaire général de l'Union nationale des syndicats autonomes

Mon propos liminaire a en effet consisté à rappeler quelques données qu'il convient de croiser. D'une part, de moins en moins de personnes veulent entrer dans la police, d'autre part, il nous est demandé de les sélectionner davantage. C'est une difficulté que je voulais souligner.

Concernant les railleries qu'aurait subies Mickaël Harpon, l'enquête le confirmera ou pas. Elle devra déterminer si, à une radicalisation – qui semble démontrée –, s'est ajoutée une maltraitance.

Monsieur Fauvergue, je vous rappelle que nous sommes dans un système hiérarchisé. Un officier ou un commissaire de police qui garderait une information d'une telle importance sous le coude serait sous le coup d'une faute déontologique. Nous pouvons faire ici le parallèle avec un policier qui a vu l'un de ses collègues faire preuve d'intempérance : doit-il ou pas le signaler ? Il peut toujours mettre la poussière sous le tapis, mais le jour où ce collègue prendra sa voiture alcoolisé et qu'il renversera une vieille dame sur un passage piéton, tout le monde grimpera au rideau.

Chaque policier, à son niveau, doit comprendre les enjeux. M. Lagache rappelait qu'une centaine de cas ont été détectés dans la police ; je dis bien « détectés ». Mais nous risquons d'en compter de plus en plus. Je précise qu'il peut s'agir de radicalisation non liée à l'islam. Nous devons également faire face à une gauche extrêmement violente et la police nationale n'est pas complètement exempte de ce genre de comportement radicalisé.

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Eve Pesteil, déléguée zonale Île-de-France SCSI-CFDT

Je ne dispose pas d'informations particulières sur les agents de catégorie C, mais s'ils travaillent dans un service de renseignement, il est normal qu'ils détiennent un certain niveau d'habilitation, qui soit cohérent avec leurs fonctions.

Mickaël Harpon effectuait de la maintenance, il était donc autorisé à intervenir sur des ordinateurs dans lesquels se trouvaient des informations secret défense.

Concernant les railleries, oui certains collègues se moquaient de lui, mais la restructuration en cours de l'ensemble de la direction a certainement eu aussi une incidence sur son comportement – même si les stages qu'ils avaient demandés lui ont toujours été accordés.

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Cette commission est relative à l'attaque qui s'est déroulée à la DRPP, mais d'autres directions peuvent comporter des failles, puisque, je l'ai dit, aucune enquête de moralité n'est réalisée sur les personnels administratifs. Quel que soit son casier judiciaire, une personne peut être admise dans un service de police, alors même que la France est sous menace terroriste.

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Il existe quand même un contrôle du casier judiciaire ?

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Oui, du bulletin B2, mais je ne suis pas certain que ce soit suffisant. Et nous sommes réunis ici pour tenter de trouver des solutions.

Je reviendrai sur la nécessaire fluidité qui devrait exister entre les directions de la police nationale, en vous citant deux exemples.

D'abord, celui d'un élève gardien qui a été signalé, en 2018, pour avoir tenu des propos graves : il avait du respect pour les terroristes – à la suite des attentats du Bataclan – et doutait de l'affaire Merah. Malgré le signalement, et quatorze auditions administratives, ce garçon a passé tous les filtres et a terminé l'école. Il a été affecté dans un département, sans que le directeur de l'école n'ait averti le directeur du département concerné. C'est une fois que son dossier disciplinaire a été finalisé qu'il est passé en conseil de discipline, puis a été suspendu.

Second cas, celui d'un autre élève gardien qui procédait à des simulacres d'égorgement et faisait ses prières dans les bâtiments de l'école. Il a même fait l'appel à la prière au cours d'une présentation des services de la DGSI. Il a fait l'objet de vingt-quatre auditions administratives, mais a continué sa scolarité et a été affecté. Il n'a été, lui aussi, suspendu qu'au bout d'un an après le signalement des faits.

Ce manque de fluidité d'une direction de la formation à une direction active n'est pas normal. Notre maison en est responsable.

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Des modules de détection de la radicalisation sont-ils intégrés à la formation initiale ? Vous évoquiez une présentation de la DGSI ; est-elle réalisée dans ce cadre ?

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Non, la DGSI vient présenter son service à la sortie des écoles, en vue de recruter quelques éléments.

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Christophe Rouget, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure

Non, il n'y a pas de module sur ce sujet dans la formation initiale. Des propositions ont été présentées pour que, dans toutes les écoles d'encadrement, les élèves suivent un module les sensibilisant à ce problème et leur indiquant comment faire remonter les signalements.

Nous pourrions imaginer une plateforme, conforme à la plateforme de l'IGPN, mais qui viserait à recueillir les signalements de radicalisation, de façon anonyme. Mais l'anonymat est un risque, M. Lagache a en parlé tout à l'heure – il propose l'anonymisation partielle. Mais l'objectif principal est que l'information puisse remonter.

Par ailleurs, un rétrocriblage est nécessaire, car le risque existe aussi pour un pilote d'hélicoptère ou d'un avion de chasse. Il vient juste d'être instauré dans tous les métiers qui présentent un danger pour la population, mais il est très compliqué à mettre en œuvre. Et si des cas sont signalés, ils doivent rapidement être analysés – peut-être par une plateforme de signalement.

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Loïc Travers, secrétaire national Île-de-France, Alliance

Il existe un module de trois heures en école de police, mais souvent, la DGSI en profite pour présenter son service.

Par ailleurs, cette sensibilisation vise les agents de terrain pour qu'ils acquièrent certains réflexes. Par exemple, signaler que, lors d'une intervention pour conflit familial, ils ont vu un drapeau de Daech dans le salon. Il ne s'agit pas d'une formation pour apprendre à un policer à détecter une radicalisation chez un collègue.

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J'ai compris les avantages d'une anonymisation partielle et entendu le courage dont doit faire preuve un policier pour signaler un collègue. Cependant, ce sont toujours les mauvaises expériences qui sont citées, le policier doit donc faire preuve de toujours plus de courage pour affronter les risques que vous avez dénoncés.

Que pensez-vous d'un accompagnement des personnes qui souhaiteraient parler, une sorte de « formalisation du chemin » ?

Par ailleurs, que doivent faire les policiers lorsqu'ils trouvent que leur supérieur hiérarchique, le N+1, est en train de changer de comportement ?

Depuis le début de nos auditions, les exemples cités sont noirs ou blancs ; mais que doivent faire les agents vis-à-vis d'une personne en voie de radicalisation ?

Enfin, pensez-vous qu'il y a des trous dans la raquette en termes de transmission des informations ? Je pense notamment au fait que la DRPP n'était pas au courant que Mickaël Harpon fréquentait la mosquée de Gonesse.

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Loïc Travers, secrétaire national Île-de-France, Alliance

J'ai participé au traitement de plusieurs cas dont nous avons eu à connaître en conseil de discipline ; certains étaient graves. Nous avons appris que des collègues détenaient des vidéos de propagande de Daesh montrant des décapitations, qu'ils tenaient des propos antirépublicains et qu'ils envoyaient des sms gravissimes. Le cas de ces personnes n'a pas fait débat ; ils ont été exclus de la police nationale.

D'autres cas sont très tendancieux. Quand, par exemple, seuls des signaux faibles sont détectés, tels que le port d'un habit traditionnel, le refus de serrer la main d'une femme – même si le policier auquel je pense en particulier acceptait de travailler avec une femme –, ou l'absence de condamnation de l'attentat de Charlie Hebdo. Ce jour-là tous les membres du conseil de discipline ont fait le constat que ce collègue était en voie de radicalisation et il a été révoqué. Mais il a mené une procédure devant le tribunal administratif et a été réintégré.

Enfin, certains collègues ont des idées politiques fortes. Je pense à l'un d'eux qui a des idées pro-palestiniennes et une sympathie pour certains leaders anti-israéliens, qu'ils soient politiques ou humoristes. Que devons-nous faire face à ce type de cas ?

Le service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) devient-il compétent pour reprendre la main ? Car si nous pouvons traiter un tel cas en conseil de discipline, celui-ci mérite-t-il une révocation ? Je ne sais pas. Je n'ai pas été formé pour prendre une telle décision, il m'a simplement été donné une liste de signaux de radicalisation qui m'aide à me faire mon propre jugement.

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La transition est parfaite, car ma première question est relative à cette liste de signaux faibles. Que pensez-vous d'une formalisation de cette liste – le préfet de police l'a récemment évoquée –, qui serait opposable aux agents qui ne signaleraient pas un comportement dont ils auraient connaissance ?

Ma seconde question concerne une plateforme de signalement – je suis arrivé en retard, si la question a déjà été posée, n'y répondez pas, je lirai votre réponse. J'entends bien ce que vous voulez dire en proposant une anonymisation partielle, mais pourquoi le signalement ne pourrait-il pas être traité par un référent, par exemple, plutôt que par la hiérarchie directe ?

Enfin, je vous remercie d'avoir signalé que la radicalisation n'était pas uniquement religieuse, et qu'il convenait de la traiter dans son ensemble. Les radicalisations que nous pouvons rencontrer, en maintien de l'ordre par exemple, ne sont pas exclusivement liées à une religion.

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

S'agissant des signaux faibles et de leur traitement, la formation est primordiale. Nous ne disposons pas de fiche type sur cette question. Je l'ai dit tout à l'heure, en Île-de-France, sur 10 000 fonctionnaires de police, seuls 3 200 ont suivi le module relatif à la laïcité.

L'administration a su élaborer des formations sur la déontologie, elle peut donc facilement créer un module sur les risques encourus par un policier qui ne dénonce pas un collègue radicalisé ou en voie de radicalisation, et un module sur les signes de radicalisation.

Nos collègues sont en attente de « quelque chose » ; quelque chose qui ne vient jamais. Pourquoi ? Parce que la formation continue, en réalité, n'existe pas – par exemple, seulement 53 % de nos collègues réalisent leurs trois tirs réglementaires chaque année. La police a un gros problème d'effectifs et a besoin de tout le monde dans les services et sur le terrain. D'autant que la formation continue, s'agissant des stages de sensibilisation, n'est pas obligatoire.

Par exemple, le stage qui est proposé à Cannes Écluses aux commissaires, aux officiers, aux gradés et aux gardiens, sur la détection et l'évaluation de la radicalisation islamiste, ne peut être délivré qu'à seize personnes à la foi ! Il y a là un problème.

Je maintiens par ailleurs qu'une anonymisation partielle est essentielle, car un policier ne dénoncera jamais un collègue avec qui il travaille, les conséquences, notamment en cas de réintégration, sont trop lourdes. Et ceux qui sont ciblés à tort déposent plainte pour stigmatisation.

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Eve Pesteil, déléguée zonale Île-de-France SCSI-CFDT

Je reviens sur la formation continue. Je m'estime effectivement chanceuse d'avoir pu suivre le stage sur la laïcité, qui est délivré par l'Éducation nationale. Mais il est proposé en été, par une note que personne ne voit.

Effectivement, l'idée d'un référent en matière de radicalisation est bonne, à l'instar de ce qui existe à la préfecture de police en matière de lutte contre l'homophobie, à savoir un officier de liaison LGBT.

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C'est exactement ce que je voulais dire, car je suis persuadé que cette thématique doit être traitée par un professionnel.

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De la discussion jaillit la lumière, et je remercie le président et le rapporteur d'avoir programmé ces auditions. Ce que vous dites, madame et messieurs, est extrêmement important.

D'abord, il convient de dépasser l'affect sur cette question. C'est fondamental, car les agents préfèrent ne rien dire que de passer pour des « balances ».

Ensuite, peut-être conviendrait-il d'élaborer un questionnaire précis que devraient remplir tous les fonctionnaires de police : quelle est votre religion ; la pratiquez-vous de manière régulière ; mangez-vous casher, halal, végétarien, etc. Car nous avons besoin d'établir un criblage, sans stigmatiser une religion.

L'anonymisation partielle est effectivement essentielle, l'identité du policier qui signale ne devant pas être connu par le collègue signalé.

Enfin, les modules de lutte contre la radicalisation pourraient être filmés et envoyés à tous les agents sous forme de vidéos. Ainsi tout le monde y aurait accès.

Quelles sont concrètement vos propositions ?

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Je reviendrai sur les exemples cités par M. Lagache concernant les élèves gardiens de la paix. Pourquoi ces deux cas n'ont-il pas abouti à une non-titularisation de ces élèves ? Il y a un problème.

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Oui, il n'est pas normal que ce soit les départements où les élèves ont été affectés qui aient eu à régler le problème. D'autant que les enquêtes administratives avaient été effectuées par une autre direction, celle qui les a formés.

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Loïc Travers, secrétaire national Île-de-France, Alliance

Oui, le conseil de discipline a prononcé une mise en fin de stage pour faute – l'équivalent d'un licenciement pour un actif de la police nationale.

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Le conseil de discipline de l'école n'a pas pris ses responsabilités dans ces affaires. Non seulement, il n'a pas pris de décision, voire de sanction, mais n'a pas informé les départements où ces élèves avaient été affectés.

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Comment interprétez-vous ce défaut de décision ?

Par ailleurs, si les signalements augmentent, le nombre de contentieux administratifs augmentera également – un problème supplémentaire. Ce manque de décision n'aurait-il pas un lien avec la peur du contentieux ?

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Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance

Non, je pense qu'il s'agit d'un manque de courage, le conseil de discipline ne voulant pas faire de vagues.

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Christophe Rouget, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure

Monsieur le député demandait des propositions concrètes, en voici.

La première est de raccourcir la durée de l'habilitation, et de réaliser des contrôles plus souvent, afin de prendre en compte tout élément nouveau.

La deuxième est de mieux définir la procédure de suspension, avec des processus simples pouvant déboucher sur une décision rapide. Les spécialistes qui traitent les cas de radicalisation sont à l'IGPN, et sont saisis par les directions d'emploi. Je reprendrai la proposition de ma collègue, visant à instaurer des référents en matière de radicalisation – peut-être pas liés à l'IGPN – auxquels les agents qui ont un doute pourraient s'adresser.

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Christophe Rouget, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure

Troisièmement, concernant la formation, nous attendons l'académie de police promise par le Président de la République. Tous les corps pourront ainsi être sensibilisés à ce sujet.

Enfin, il convient de se pencher sur la mauvaise circulation des informations entre les structures, et avec les directions d'emploi. Peut-être serait-il bon de changer l'organisation et, par exemple, de réintégrer des responsables locaux de police qui permettraient une fluidité de l'information.

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Frédéric Fourcault, secrétaire général adjoint de l'UNSA

Sans attendre l'installation de l'académie de police, il conviendrait déjà de rappeler aux élèves le cadre laïc dans lequel ils auront à travailler. J'ai évoqué la neutralité active nécessaire en matière de pratique religieuse ou d'expression de convictions politiques ; des opinions qui n'ont pas lieu d'être dans notre ministère et nos activités. Si la règle de la laïcité était rappelée en formation initiale, nous aurions déjà fait un progrès.

Je vous livrerai un dernier témoignage. J'ai eu la chance de travailler pendant huit ans dans des pays arabes, dont l'islam était la religion d'État. Dans ces quatre pays, il était hors de question, pour un fonctionnaire de police, d'exprimer sa préférence religieuse ou politique. Je n'ai ailleurs vu aucun de ces policiers faire sa prière pendant le service ou refuser de serrer la main à une femme. De tels actes sont considérés comme une pratique de l'islam politique, et le fonctionnaire qui s'y prêterait serait exclu du service par le conseil de discipline.

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Jean-Philippe Bozzola

La radicalisation est un phénomène dynamique évolutif. Un phénomène qui peut passer outre la frontière du recrutement, mûrir et poser des problèmes quelques années plus tard. L'idée d'instaurer des référents locaux dans les services est un point sur lequel il faut travailler. Par l'intermédiaire de notre syndicat, nous demandons le développement de ce réseau, afin que ces référents soient les premiers interlocuteurs au niveau local. Ils auraient la responsabilité de faire remonter à la hiérarchie toute évolution vers une radicalisation nuisible à l'institution – une obligation au sein de notre institution.

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Madame, messieurs, je vous remercie de nous avoir accordé du temps et vous exprime, au nom de la commission, toute notre considération et notre respect, mais également tout notre soutien.

La séance est levée à 17 heures 10.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Florent Boudié, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, Mme Séverine Gipson, M. Meyer Habib, Mme Constance Le Grip, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Guillaume Vuilletet