Commission d'enquête chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements ayant conduit aux attaques commises à la préfecture de police de paris le jeudi 3 octobre

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 14h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à 14 heures 40.

Présidence de M. Éric Ciotti, président de la commission.

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Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui les chefs d'état-major des trois armées ; le colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre, le colonel Thierry Raymond, chef de la SC territoire au commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes, le lieutenant-colonel Candice Roesch, cheffe de la cellule des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air, et le capitaine de vaisseau Christophe Daniélo, officier de sécurité de l'état-major de la marine. Madame, messieurs, nous vous remercions de votre présence.

Nous avons décidé d'élargir notre commission d'enquête aux professions sensibles, notamment à l'armée, en raison des menaces que peuvent faire peser sur la sécurité nationale des personnels qui se seraient radicalisés. Nous souhaitons, d'une part, connaître les dispositifs retenus au sein des armées pour prévenir le phénomène de radicalisation, d'autre part comprendre comment ce phénomène peut être détecté et comment les personnels détectés sont écartés.

Avant de vous donner la parole, je rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Je vous invite à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(Le colonel Maxime Do Tran, le colonel Thierry Raymond, le lieutenant-colonel Candice Roesch et le capitaine de vaisseau Christophe Daniélo prêtent successivement serment)

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Colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre

L'armée de terre est composée de 130 000 hommes et femmes – elle représente 56 % des forces armées : quelque 100 000 militaires d'active, 20 000 de réserve et 10 000 personnels civils. Les missions de l'armée de la terre sont celles dévolues à la défense, à la protection et à la prévention des conflits : 20 000 membres du personnel sont donc en permanence en posture opérationnelle, sur le théâtre national et en opérations extérieures (OPEX).

La moyenne d'âge de notre personnel est de 32 ans : 27 ans chez les militaires du rang, 36 ans chez les sous-officiers et 40 ans chez les officiers.

L'armée de terre est très hiérarchisée. Le commandement, la cohésion et la camaraderie sont des valeurs fondamentales dans l'armée, qui laissent très peu de place à l'isolement. Cette vie en collectivité garantit une attention permanente des uns sur les autres, ce milieu étant très peu permissif. Cela explique qu'aucun cas avéré de radicalisation n'a été détecté.

Il s'agit d'une armée qui recrute énormément – 15 000 personnes par an, en moyenne. La majorité des contrats sont en effet de courte durée, le personnel doit donc être régulièrement renouvelé, de sorte que le système de recrutement est très élaboré. Les personnels qui souhaitent entrer dans le processus de sélection et de recrutement sont non seulement criblés par notre partenaire, la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), mais font également l'objet d'une surveillance et d'une attention par les centres d'information et de recrutement des forces armées (CIRFA). Une fois entrés dans le processus, ils sont encadrés de façon permanente. Notre personnel est donc extrêmement surveillé, et tout changement d'attitude est assez vite décelé.

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Colonel Thierry Raymond, chef de la SC territoire au commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes

Monsieur le président, je laisserai le lieutenant-colonel Roesch vous présenter l'armée de l'air et répondre à vos questions, je ne suis là qu'en soutien, ayant en charge toutes les opérations de protection et de défense des installations de l'armée de l'air.

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Lieutenant-colonel Candice Roesch, cheffe de la cellule des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air

L'armée de l'air rassemble 41 000 membres, majoritairement sous l'uniforme de l'armée de l'air, mais nous employons également des militaires sous d'autres uniformes et 5 000 civils. Nous disposons de 57 emprises majeures, en et hors métropole, dont trois bases aériennes projetées directement sur les théâtres d'opération actuels.

Compte tenu des forts enjeux en termes de recrutement et de fidélisation, nous recrutons 3 000 personnes par an, principalement du personnel navigant, du personnel affecté au maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques et des systèmes d'information et de communication, au renseignement militaire et à la protection-défense.

Dans un monde qui bascule vers une désinhibition complète de l'usage de la force par un nombre croissant d'acteurs, l'arme aérienne est l'arme par excellence du temps court, de l'entrée en premier sur les théâtres, celle qui permet la démonstration immédiate de la volonté politique. C'est la raison pour laquelle la protection des bases aériennes est l'enjeu sécuritaire prioritaire de l'armée de l'air.

La base aérienne est notre outil de combat. Au-delà d'un lieu de préparation des combattants et des unités de combat, c'est de la base que partent toutes les missions opérationnelles – missions d'intervention, de dissuasion nucléaire, de protection et missions de projection. En ce sens, les emprises de l'armée de l'air peuvent constituer des cibles de haute valeur pour un individu ou une organisation mal attentionnés.

Pour toutes ces raisons, certaines emprises font l'objet, plus que d'autres, d'une protection renforcée. Je pense notamment aux bases aériennes nucléaires qui concourent à la composante nucléaire aéroportée, et aux bases qui hébergent les unités qui participent directement au rayonnement de l'armée de l'air, telles que la base de Salon-de-Provence qui abrite la Patrouille de France.

Pour l'armée de l'air, vous l'aurez compris, protéger ses emprises est une nécessité vitale. Cette notion de protection des emprises est dans les gènes de l'aviateur. C'est la raison pour laquelle, nous exerçons une vigilance particulière à l'égard des risques, à la fois externes et internes, d'atteinte à son intégrité.

Notre dispositif de protection est adapté et répond à nos objectifs. Nous comptons deux niveaux d'intervention. La première entité qui est amenée à réagir en cas de détection d'un signal de basculement vers une radicalisation est le militaire dans son unité et le commandement de proximité. Le second niveau d'intervention est constitué par les unités spécialisées dans le domaine de la protection, les commandos parachutistes ainsi que le personnel des gendarmeries spécialisées – nos bases aériennes hébergeant des brigades de gendarmerie de l'air.

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Capitaine de vaisseau Christophe Daniélo, officier de sécurité de l'état-major de la marine

La marine nationale est composée d'un peu plus de 40 000 marins, dont 38 000 sous l'uniforme. Elle dispose de quinze emprises : quatre bases navales, quatre bases de l'aéronautique navale et quatre centres de transmission, auxquels il convient d'ajouter l'emprise de Tours, qui abrite la direction du personnel militaire de la marine (DPMM), le bataillon de marins-pompiers de Marseille et l'emprise parisienne.

La marine, ce sont également 80 bâtiments de combat, 10 sous-marins, 160 aéronefs, sept commandos de marine et une nécessité de recrutement de l'ordre de 3 500 marins par an. Comme pour les armées de l'air et de terre, le recrutement est un enjeu majeur. Un certain nombre de dispositions ont donc été prises pour vérifier l'honorabilité des personnes que nous recrutons. Tout d'abord en amont, grâce au pré-criblage effectué par la gendarmerie spécialisée dont dispose l'état-major de la marine – la gendarmerie maritime. Ensuite, au cours de la formation initiale, par des enquêtes administratives de sécurité menées par la DRSD. Enfin, tout au long de la carrière des marins, au fur et mesure de leurs affectations ou des zones auxquelles ils souhaitent accéder, là encore à travers des enquêtes menées régulièrement – tous les deux ou trois ans, au rythme des mutations des personnels.

À la suite des attentats de janvier 2015, la marine s'est dotée d'une cellule de suivi, qui s'articule autour de l'officier de sécurité et qui regroupe la DPMM, le cabinet du chef d'état-major de la marine, l'inspection de la marine nationale et la DRSD.

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Je vous remercie de cette présentation, je souhaiterais maintenant que vous nous fassiez un état des lieux précis du phénomène de radicalisation : combien de membres du personnel engagés dans un processus de radicalisation ont été détectés et recensés ?

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Colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre

L'armée de terre ne compte aucun cas de personnel radicalisé. En revanche, la DRSD, avec qui nous nous réunissons mensuellement, évoque à chaque réunion les personnes qu'elle suit, en raison de leur entourage – un proche fiché S, par exemple – ou d'un changement d'attitude. Les quelques cas évoqués par mois font l'objet d'une enquête de sécurité et la grande majorité sort de notre « scope », car ils sont considérés comme non radicalisés.

Je n'ai pas de chiffre à vous livrer, mais le phénomène est extrêmement marginal.

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Lieutenant-colonel Candice Roesch, cheffe de la cellule des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air

Les cas que nous rencontrons dans l'armée de l'air sont également anecdotiques. À ce jour, aucun personnel n'est suivi pour radicalisation avérée. Certes, des changements de comportement, notamment des conversions, appellent parfois l'attention du commandement et sont suivis dans la durée, mêmes s'ils se révèlent non inquiétants.

Je vous citerai l'exemple d'une jeune femme qui nous a exprimé sa crainte de venir travailler, au motif que travailler ne fait pas partie de la culture familiale – et encore moins dans un métier tel que le nôtre. Cette jeune femme est surveillée, car nous craignons qu'elle fasse l'objet de pressions pour ramener des renseignements dans son milieu d'origine – ce que nous qualifions de « risque subversif ».

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Capitaine de vaisseau Christophe Daniélo, officier de sécurité de l'état-major de la marine

Le constat est le même dans la marine nationale : les cas sont marginaux. Nous ne comptons, à ce jour, aucun marin radicalisé dans notre institution. Certaines personnes sont également suivies, parce qu'elles évoluent dans un environnement défavorable – notamment des proches fichés S –, mais elles ne sont pas du mauvais côté de la barrière. Cependant, par cette surveillance, nous nous assurons qu'elles ne se radicalisent pas.

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Lors de votre audition devant la mission d'information sur la radicalisation dans les services publics, j'avais cru comprendre que quelques personnes, affectées dans des bases aériennes, faisaient l'objet d'une surveillance. Et, par ailleurs, que des personnels avaient été mutés à des postes subalternes en raison de leur pratique rigoriste de l'islam.

Connaissez-vous des cas avérés de radicalisation – qui remontent peut-être à quelques années et concernent des anciens militaires ? Il avait en effet été évoqué le cas d'un ancien marin qui aurait procédé au repérage d'un sémaphore, en vue d'un attentat.

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Lieutenant-colonel Candice Roesch, cheffe de la cellule des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air

Lors de l'audition que vous évoquez nous vous avions effectivement fait part de la manière dont nous gérons les suspicions de manque de loyauté ou les changements de comportement.

Quand la personne concernée à accès à l'armement, par exemple, nous la mutons, non pas à un poste subalterne, mais à un poste qui l'éloigne de l'armement. Cette mutation ne dure qu'un temps, bien évidemment, puisque nous l'avons recrutée pour qu'elle devienne un combattant.

Les enquêtes d'habilitation permettent à la DRSD de donner un avis au commandement, qui, seul, a vocation à délivrer les habilitations à son personnel. En effet, en fonction du poste, un certain niveau d'habilitation est exigé ; si la personne ne dispose pas, ou plus, de ce niveau d'habilitation, elle est mutée à un emploi qui ne le nécessite pas.

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Capitaine de vaisseau Christophe Daniélo, officier de sécurité de l'état-major de la marine

S'agissant des anciens militaires, si leur comportement est préjudiciable à l'institution, il appartient aux services de renseignement de la police, notamment à la DGSI, de les suivre. Le premier signalement peut être effectué par la gendarmerie maritime si ces personnes sont postées aux alentours des emprises de la marine nationale, mais celle-ci transmettra les renseignements à la DGSI, le ministère se considérant, non pas responsable de cette personne, mais victime de cette dernière.

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Confirmez-vous l'affaire du sémaphore qui avait fait l'objet de repérage par un ancien marin ?

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Capitaine de vaisseau Christophe Daniélo, officier de sécurité de l'état-major de la marine

Oui, des repérages ont pu avoir lieu sur certains sites de la marine, mais ils n'ont donné lieu qu'à un unique signalement par la gendarmerie, qui a été classé sans suite.

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Concernant les OPEX, prenez-vous soin de ne pas envoyer dans des pays tels que la Syrie et l'Irak les militaires dont vous avez noté qu'ils s'étaient convertis ou qui font l'objet d'une surveillance ?

Par ailleurs, avez-vous déjà repéré des militaires dont le comportement aurait changé à leur retour d'OPEX ?

Enfin, avez-vous déjà mis fin au contrat d'un militaire qui avait été reconnu comme s'étant radicalisé ? Si oui, transférez-vous ces renseignements à la DGSI ?

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Colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre

S'agissant des OPEX, nous ne faisons aucune discrimination entre les soldats qui se sont engagé : s'ils n'ont pas fait l'objet d'un signalement de la part de la DRSD, ils sont tous aptes à partir sur n'importe quel théâtre d'opération, quelles que soit leur religion ou leur philosophie.

S'agissant de votre deuxième question, non, je n'ai aucun cas à signaler d'une personne qui se serait rendue au Proche-Orient ou Moyen-Orient notamment et qui, à son retour, aurait développé d'autres idées. Parmi nos combattants confrontés à des situations de stress ou d'engagement opérationnel, si certains développent un syndrome post-traumatique, aucun n'a été « retourné ».

En outre, lorsque des doutes sont formulés contre un militaire, nous l'écartons par le biais de mesures disciplinaires, puisque, s'il s'est radicalisé, il n'adhère plus ni à l'autorité, ni au règlement militaire. Nous ne nous débarrassons pas non plus des gens comme cela. Il existe une graduation dans les mesures disciplinaires. Nous les mettons d'abord en arrêt, puis une enquête est menée.

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Lieutenant-colonel Candice Roesch, cheffe de la cellule des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air

Je souhaiterais revenir sur mes propos, afin qu'ils soient bien compris. Quand nous retirons une habilitation à une personne, pour des raisons de confiance, nous ne mettons pas fin à son contrat. Si nous ne disposons d'aucun signalement justifiant une procédure disciplinaire, nous l'affectons à un poste qui ne nécessite pas l'accès à un certain niveau d'information.

En revanche, au moment de renouveler son contrat, si elle ne détient plus l'habilitation requise pour son poste initial, nous ne procédons pas au renouvellement.

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Les soldats qui reviennent des OPEX passent obligatoirement par un sas de fin de mission, à Chypre, avant de rentrer chez eux. Ce dispositif prévoit-il des mesures spécifiques pour les militaires de retour de certains pays où la religion a un poids tel qu'elle aurait pu les influencer ? Un tel impact est-il évalué ?

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Colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre

Ce sas de décompression est très important, non seulement pour le militaire, qui a nécessairement besoin de décompresser avant de retrouver sa famille, mais également pour le commandement – pour la connaissance de ses personnels.

Lorsque les militaires arrivent à Chypre, ils sont pris en main par différents services, qui les éloignent de leur commandement. Ils ont ainsi la possibilité de s'exprimer librement et de dialoguer avec des médecins, des psychologues, etc.

Il s'agit en fait d'une évaluation à « 360° », les militaires pouvant parler de leurs chefs, leurs camarades, leurs missions, des moments difficiles qu'ils ont traversés, mais également évoquer les questions morales et éthiques qu'ils pourraient se poser. Tous les sujets peuvent être abordés. Ainsi, nous pouvons nous assurer de leur attachement à notre institution, à leurs chefs et aux principes républicains.

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S'agissant des anciens militaires, Alain Feuillerat doit être jugé ces jours-ci par le tribunal correctionnel de Paris, pour, notamment, « tentative d'introduction frauduleuse dans une enceinte militaire ». Cet ancien militaire a quitté l'armée en 2013 et a prêté allégeance à l'État islamique en 2014. Cette affaire démontre qu'une personne, détenant des informations sensibles, peut devenir un problème pour l'institution.

J'ai bien entendu qu'une fois retournés à la vie civile, les anciens militaires qui ont fait l'objet d'un suivi sont surveillés par la DGSI. Quel est l'état de vos relations avec les différents services de renseignement ? L'idée selon laquelle les anciens militaires qui ont eu accès à des données et des informations stratégiques, et qui ont fait l'objet d'un signalement, devraient continuer à être suivis par la DRSD a-t-elle été envisagée ? Je rappelle que M. Feuillerat était fiché S.

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Colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre

Nous n'abandonnons pas le suivi des anciens militaires ayant fait l'objet d'un signalement, simplement nous n'abordons plus leur cas lors de nos réunions mensuelles avec la DRSD. Celle-ci les suit et nous livre des informations durant toute la durée de leur service, puis ces informations sont transférées à la DGSI – parfois même alors que la personne est encore engagée. Et si la DGSI demande à la DRSD des compléments d'information, cette dernière les lui apporte, puisqu'elle conserve les archives des militaires.

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Capitaine de vaisseau Christophe Daniélo, officier de sécurité de l'état-major de la marine

Je confirme en effet que nous gardons durant une quinzaine d'années les dossiers des personnes qui ont servi dans nos rangs et que nous répondons à la moindre sollicitation de la DGSI.

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Colonel Thierry Raymond, chef de la SC territoire au commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes

Il n'est pas simple, pour un ancien militaire, de revenir dans une enceinte militaire. Personne n'y entre sans être annoncé et toute demande de visite déclenche des mesures de criblage. Nous sommes donc tout à fait en mesure de retrouver ces informations.

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Ma seconde question est relative aux militaires qui partent, en famille, servir dans certains territoires – je pense notamment à Djibouti. Les familles, qui ont elles aussi accès à des structures militaires, sont-elles suivies et peuvent-elles faire l'objet d'un signalement ? Comment évaluez-vous ce risque ?

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Colonel Thierry Raymond, chef de la SC territoire au commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes

En OPEX, nous mettons tout en œuvre pour qu'un lien social soit établi avec nos militaires et leurs familles. De la même façon qu'un militaire qui changerait de comportement peut être détecté par un collègue, une famille ou un membre d'une famille qui se comporterait de façon étrange – qui s'isolerait, par exemple – peut être signalé par une autre famille, puisqu'elles se côtoient.

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Colonel Do Tran, vous indiquiez en début d'audition, qu'un changement d'attitude était rapidement détecté, les militaires vivant en collectivité. Sur quels critères établissez-vous un changement de comportement ? Quelles sont les procédures ? Car une conversion, par exemple, n'est pas un critère suffisant.

Vous avez tous indiqué que les armées ne comptaient que très peu de cas de radicalisation, ce qui me laisse à penser que le recrutement est bien fait et que la sélection est notamment fondée sur une bonne évaluation psychologique.

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Colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre

Le militaire ne vit jamais seul, il vit au sein d'un groupe et d'une structure de commandement. Le premier témoin, susceptible de déceler un changement de comportement, est donc le chef de groupe, qui vit 24 heures sur 24, ou presque, avec chacun. Différents critères peuvent conduire à un soupçon de radicalisation : l'isolement, la volonté de ne plus serrer la main d'une femme, se laisser pousser la barbe, ne plus vouloir manger de porc, ne plus sortir, etc. Des changements qui peuvent sembler basiques, mais qui peuvent faire l'objet d'un signalement.

L'officier de protection du personnel (OPP), présent dans chaque régiment, est le deuxième témoin potentiel. Si un OPP a des doutes quant au comportement d'un militaire, il va en informer son homologue de la DRSD qui mènera une enquête administrative et informera le cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre.

S'agissant du recrutement, il est clair qu'une personne qui n'est pas en accord avec les principes républicains ne viendra pas naturellement nous voir pour s'engager – c'est un premier filtre. En outre, second filtre, les officiers et les sous-officiers recruteurs des CIRFA sont compétents pour déceler les personnes qui n'ont pas d'attachement à l'institution et aux valeurs républicaines.

Enfin, la DRSD réalise des contrôles élémentaires, et un entretien avec le service de santé des armées est obligatoire lors de la phase de recrutement.

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Je vous remercie. Vous nous avez décrit le processus de signalement, qui est conforme à ce que nous a présenté par le directeur du renseignement militaire que nous avons auditionné la semaine dernière. Je voudrais cependant vous faire part de ma frustration.

Nous attendons de vous des réponses plus précises. Vous êtes auditionnés par une commission d'enquête, vous avez prêté serment, nous ne sommes pas là pour enfiler des banalités – je vous prie d'excuser mon style direct – et nous attendons des chiffres précis.

Nous savons que le phénomène de radicalisation existe chez les militaires. Alors peut-être avez-vous joué avec la définition du terme « radicalisation ». Mais nous souhaitons des réponses plus précises que « il n'y a pas de cas avéré » ou « c'est marginal ».

Combien de signalements ont été transmis ? Combien ont été clôturés ? Je n'arrive pas à croire, alors qu'elle compte 130 000 personnes, qu'aucun militaire de l'armée de terre n'a fait l'objet d'un signalement. Cent six cas ont été signalés dans les services de police.

J'ai par ailleurs eu l'occasion de discuter, la semaine dernière, avec l'ancien chef d'état-major des armées, qui a été beaucoup plus précis.

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Colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre

Chaque mois, lors de notre réunion avec la DRSD, nous débattons et clôturons des cas signalés – leur nombre étant fluctuant – qui ne sont plus d'actualité.

À ce jour la DRSD suit moins d'une trentaine de cas.

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Combien de personnes ont fait l'objet d'un signalement, depuis 2015, par exemple ?

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Colonel Maxime Do Tran, chef de bureau des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de terre

Une centaine de personnes. J'insiste sur le fait qu'il s'agit de signalements.

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Lieutenant-colonel Candice Roesch, cheffe de la cellule des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air

L'armée de l'air ne compte aucun cas de radicalisation.

Cependant, nous veillons sur un certain nombre de personnes qui ont appelé notre attention, à un moment donné, pour telle ou telle raison. Et nous continuerons à veiller tant qu'elles n'auront pas quitté l'institution.

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Lieutenant-colonel Candice Roesch, cheffe de la cellule des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air

À la fois le commandement et la DRSD. Des représentants de la DRSD sont présents dans toutes nos emprises, ainsi que le commandement. Et l'ensemble des situations est suivi au niveau central.

À ce jour, effectivement, moins d'une trentaine de personnes sont suivies. Des personnes qui, pour la grande majorité, n'ont plus fait parler d'elles depuis plusieurs années. Celles que nous suivons avec le plus d'attention sont celles qui ont fait l'objet d'un signalement récent.

Je vous ai cité l'exemple de la jeune femme qui craint les réactions de sa famille parce qu'elle travaille, qui plus est dans une institution militaire. Mais nous sommes loin d'un phénomène de radicalisation, nous n'avons absolument rien à lui reprocher.

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Nous faisons bien la différence. Mais un signalement peut conduire à une radicalisation violente, comme cela a été le cas à la préfecture de police – quatre morts sont à déplorer. Or Mickaël Harpon n'avait pas fait l'objet d'un signalement, malgré un faisceau de signaux faibles.

Cette commission d'enquête a vocation à déterminer comment il serait possible de détecter un cas de radicalisation avant que la personne ne passe à l'acte. Combien de clignotants sont nécessaires pour qu'un individu appelle votre attention ?

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Lieutenant-colonel Candice Roesch, cheffe de la cellule des affaires réservées au cabinet du chef d'état-major de l'armée de l'air

Dans l'armée de l'air, moins de cinq personnes sont actuellement suivies. Il s'agit de personnes qui ont été récemment signalées pour des raisons semblables à l'exemple que je viens de vous citer – une famille dont la culture est différente de la nôtre.

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Capitaine de vaisseau Christophe Daniélo, officier de sécurité de l'état-major de la marine

Comme vient de le préciser le lieutenant-colonel Roesch, la marine veille sur des personnes qui peuvent être vulnérables. Le nombre de cas que nous suivons avec la DRSD, pour la marine nationale, est également inférieur à cinq. Au total, une quinzaine de personnes font partie du « vivier » des militaires qui ont été suivis depuis 2015. Dix d'entre elles ne présentent plus de risque, mais nous maintenons la veille tant qu'elles font partie de notre institution.

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Faisons le total : depuis 2015, une centaine de personnels de l'armée de terre ont été suivis, une trentaine de l'armée de l'air et une quinzaine de la marine nationale. Et à ce jour, quarante personnes sont encore suivies.

Avez-vous une idée précise du nombre d'habilitations qui ont été retirées ou qui n'ont pas été renouvelées ?

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Capitaine de vaisseau Christophe Daniélo, officier de sécurité de l'état-major de la marine

De nombreuses raisons peuvent motiver un retrait d'habilitation, et elles ne sont pas forcément liées au changement de comportement d'une personne. Par exemple, si un militaire a une connaissance beaucoup trop approfondie d'un pays à l'est – qui fait parler de lui en ce moment pour un problème d'épidémie –, nous lui retirons son habilitation. Il est donc très difficile de vous donner un chiffre correspondant au nombre de retraits pour suspicion de radicalisation.

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Colonel Thierry Raymond, chef de la SC territoire au commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes

J'ajouterai que nous n'avons pas automatiquement accès aux raisons qui motivent les avis négatifs de la DRSD.

La séance est levée à 15 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Florent Boudié, M. Éric Ciotti, M. Éric Diard, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, Mme Séverine Gipson, Mme Marine Le Pen, Mme Alexandra Louis, Mme George Pau-Langevin, M. Stéphane Peu, M. Éric Poulliat, M. Stéphane Trompille, Mme Alexandra Valetta Ardisson